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550. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VIII. M. de Chalambert. Histoire de la Ligue sous le règne de Henri III et de Henri IV, ou Quinze ans de l’histoire de France » pp. 195-211

Il faudrait, en effet, plus que les deux volumes de M. de Chalambert, si estimables qu’ils puissent être, pour ruiner complètement le préjugé sur la Ligue et changer soudainement toutes les conditions de lumière à travers lesquelles beaucoup d’esprits continuent de la voir et de la juger. […] Dès lors, toute attaque dirigée contre la religion catholique apportait dans les conditions d’existence de la société française une perturbation que le gouvernement ou la société si le gouvernement passait à l’ennemi, comme, par exemple, dans le cas de la royauté protestante d’Henri IV, avait le droit et le devoir de réprimer comme un attentat… » Très certainement, rien n’est plus vrai et d’une vérité plus élémentaire, mais rien aussi n’est d’une vérité plus impuissante sur la masse des esprits, qu’une telle affirmation, et cela en raison de sa clarté et de sa simplicité même.

551. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « IX. L’abbé Mitraud »

M. l’abbé Mitraud est un de ces esprits qui croient au développement futur ou possible sur la terre d’une justice et d’une liberté absolues, et qui commencent par oublier les conditions de la nature de l’homme et les idées qu’il faut avoir de la liberté et de la justice, car la liberté a ses trois limites de nombre, de mesure et de poids qu’aucune théorie ne saurait briser, et la Justice a son glaive à côté de sa balance, le glaive qui, par la rigueur du retranchement, rétablit l’égalité des proportions ! Révolutionnaire, quoiqu’il dise pour s’en défendre, l’auteur de la Nature des Sociétés humaines a écrit « que les révolutions sont les suprêmes efforts du genre humain pour découvrir les vraies conditions de sa vie, pour les définir exactement et s’y soumettre » ; ce qui revient positivement à dire que toutes les ivrogneries de la colère doivent servir à clarifier la vue ; singulier collyre, il faut en convenir !

552. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Vie de la Révérende Mère Térèse de St-Augustin, Madame Louise de France »

Bonhomme n’a garde d’oublier qu’elle appelait sans se gêner Madame Louise : « Une folle, qui n’entrait au couvent que pour tracasser toute la cour au nom du ciel. » Mais Honoré Bonhomme, qui n’est pas duc, se contente seulement de regretter, dans sa petite condition de Bonhomme, que l’amazone et la sybarite « n’aient pas été mieux conseillées et qu’elles ne se soient pas dirigées elles-mêmes ». […] elle aurait été, du reste, tout ce qu’il dit, l’insulteur de la Revue des Deux Mondes, qui lui jette au front la boue de son érudition suspecte, qu’elle n’en aurait été que plus grande de se faire carmélite, et plus grande sainte aussi d’être une sainte, dans des conditions pareilles de tempérament vicié et d’abjecte nature ; mais elle ne l’était pas !

553. (1907) Propos littéraires. Quatrième série

Ces excursus, ces algarades promptes et vives d’une imagination alerte sont agréables, à la condition qu’elles aient de l’agrément, et il y faut prendre garde. […] J’ai souvent marqué quelque défiance — les droits du génie étant toujours réservés ; car le génie se moque des règles, c’est-à-dire des conditions ordinaires de l’art — à l’égard du « théâtre d’idées ». […] Le moraliste n’est vraiment moraliste qu’à cette double condition. […] Dans ces conditions il garda une neutralité, moitié bienveillante, moitié dédaigneuse. […] Dans ces conditions, le catholicisme vivra, et le protestantisme aussi.

554. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Ackermann, Louise (1813-1890) »

Les sujets qu’elle excelle à traiter, tirés du problème de la condition de l’homme, sont d’un intérêt supérieur et permanent.

555. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 358-361

Madame de Maintenon voulut le choisir pour Directeur ; il n’y consentit qu’à condition qu’il ne lui donneroit qu’un jour par an.

556. (1929) Dialogues critiques

Excellente condition pour être optimiste ! […] Pierre Je le lui souhaite, à condition qu’il n’y entre pas aux dépens du pauvre Baudelaire. […] Pierre À condition d’avoir bon caractère. […] Paul Pas précisément, puisque j’admets le mal, mais comme condition du bien. […] En redevenant françaises, selon le désir qu’elles en ont manifesté avec éclat, par leur protestation en 1871 contre le traité de Francfort, et par leur enthousiasme de 1918 à l’entrée de notre armée qui les délivrait, l’Alsace et la Lorraine se sont retrouvées exactement dans la même situation que l’Ile-de-France, la Normandie, la Touraine, la Picardie, la Bourgogne, la Gascogne, la Provence, etc… Dans ces conditions, parler d’oppression est un non-sens.

557. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIVe entretien. Littérature, philosophie, et politique de la Chine » pp. 221-315

Vous vous répondrez : C’est celui qui fait de la culture des lettres la condition de toute fonction publique dans l’État, et qui d’examen en examen extrait de la jeunesse ou de l’âge mûr et même de la vieillesse, les disciples les plus consommés en sagesse, en science, en lettres humaines, pour les élever de grade en grade dans la hiérarchie des dignités ou des magistratures de l’État. […] VIII Eh bien, il y a eu et il y a encore les vestiges d’un gouvernement humain qui accomplit toutes les conditions que nous venons d’énumérer ici : un gouvernement qui régit un cinquième de l’espèce humaine dans un ordre, dans un travail, dans une activité et en même temps dans un silence à peine interrompu par le bruit des innombrables métiers, industries, arts qui nourrissent l’empire ; un gouvernement qui méprise trop pour sa sûreté les arts de la guerre, parce que en soi la guerre lui paraît être le plus grand malheur de l’humanité ; un gouvernement qui a été conquis à cause de ce mépris des armes, mais qui s’est à peine aperçu de la conquête, et qui, par la supériorité de ses lois, a subjugué et assimilé à lui-même ses conquérants. […] Il conserva son modique patrimoine, gage de son indépendance et héritage de son fils ; il vivait selon la condition à la fois digne et modeste dans laquelle il était né ; il refusa le don qu’on voulait lui faire de villes ou de provinces en propriété. […] La première famille n’était pas dans ces conditions. […] » XXXIII Les lois civiles qu’il promulgue et qu’il explique pendant son ministère au roi se résument : En propriété assurée et héréditaire ; Interdiction de rapports entre les sexes hors du mariage ; Union légalisée, sanctifiée et parfaite entre les deux époux ; Respect réciproque entre les citoyens des différentes conditions ou fonctions publiques ; Enfin, respect de soi-même fondé sur ce principe également logique et admirable : « Si haut qu’un homme soit placé, il doit respecter les autres, il doit se respecter soi-même.

558. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (3e partie) » pp. 193-271

La métaphysique est, dans une certaine mesure, un antécédent obligé de la science du mouvement, et si l’on ne sait pas d’abord ce que c’est que l’infini, le temps et l’espace, il est bien à peu près impossible de savoir ce que c’est que le mouvement, et à quelles conditions il s’accomplit dans le monde. […] Mais il est de son devoir de rechercher les conditions de cette union, et de les expliquer à la lumière de la loi. […] Elle est d’abord la condition essentielle de la vertu, le prix dernier de la vie morale et son trésor. […] Elle apprend à l’homme où est en lui la source du bien et la source du mal ; elle le rattache à lui-même, à ses semblables et à Dieu par des liens indissolubles, et sa mission est remplie quand elle lui a enseigné, non pas précisément la vertu, mais ce qu’est la vertu et à quelles conditions elle s’acquiert. […] Cependant il ne peut y avoir deux lois morales, et il est bien évident que la politique est soumise aux mêmes conditions que la morale individuelle ; les principes ne changent pas pour s’appliquer à une nation.

559. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VIII »

Ces lignes auront suffi à indiquer quelle puissante impulsion le génie de Wagner doit à ce séjour à Zurich, et combien merveilleuses pour une production artistique étaient les conditions qu’il y trouva réunies72. […] Wagner écrit (VI, 381) : « De tout ceci il me resta un sentiment assez mal défini, mais pour que mon art puisse vivre, il y aurait peut-être lieu de rechercher d’autres conditions de vie que celles auxquelles jusqu’alors j’avais été réduit à l’acclimatiser. » Or, quelles étaient ces conditions auxquelles jusqu’alors il avait été réduit ? […] C’est sous ces conditions que Tristan fut écrit. […] Mais certes ceci ne prouve point que là où elles se contrebalancent exactement (comme dans la majeure partie de Siegfried), et que là où n’importe quelles autres conditions d’équilibre sont commandées par le sujet, la perfection de l’œuvre, en sa totalité, ne soit égale.

560. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IX »

Qu’on veuille bien remarquer, cependant, que ces drames ne peuvent remplir leur mission révélatrice (pour ainsi dire), que sous de certaines conditions de perfection dans la réalisation. Il en est de même de toute œuvre d’art ; tout ce qui est vraiment vivant est sujet, pour vivre, à de multiples et délicates conditions. […] Il en résulte que les représentations de Bayreuth, au lieu d’être la réalisation parfaite d’une intention artistique, ne sont toujours encore qu’une indication de cette intention et l’expression de la volonté de quelques personnes à travers les louables efforts de chanteurs et de musiciens qui sont loin de savoir de quoi il s’agit, et qui s’adressent à un public qui ne le sait pas mieux qu’eux. — Toujours est-il qu’à Bayreuth se trouve réuni un ensemble exceptionnel et unique de conditions qui permettent une réalisation aussi parfaite que possible à l’heure présente de l’idée wagnérienne : en joignant la connaissance de la vie et des écrits de Wagner a l’audition de ces drames à Bayreuth, on peut arriver à saisir l’idée fondamentale du maître, sa conception de l’art. […] En attendant il faut reconnaître que leurs études sur la trame musicale des Maîtres Chanteurs et de Parsifal, et surtout leur examen des conditions optiques et acoustiques du théâtre de Bayreuth sont pleins d’intérêt et de remarques originales. […] Œsterlein ne me paraît point réunir les conditions requises pour mener seul à bien cette seconde partie de son œuvre.

561. (1856) Cours familier de littérature. II « XIIe entretien » pp. 429-507

Un de nos principaux arguments contre le progrès indéfini et continu de l’esprit humain, un de nos principaux monuments ou témoignages d’une condition intellectuelle et morale de l’homme primitif supérieure à notre condition présente, c’est précisément ce livre mystérieux de Job. […] Mais c’est par là aussi qu’elle éprouve la douleur toute intellectuelle de sa condition d’ici-bas et qu’elle prend l’horreur de cette existence, la passion d’en sortir, l’amour de la vraie vie, de la liberté, de l’immortalité, de l’éternité de Dieu enfin, jusqu’au désespoir, jusqu’au délire, jusqu’au suicide. […] Voilà, non pas sans doute le mot, mais l’ombre du mot divin de l’énigme de nos misères et de nos ténèbres dans notre condition humaine. […] XX Dans cette condition, non acceptée, mais forcée, que l’existence ténébreuse et misérable fait à l’homme, dans cette vie de supplice ou d’épreuve, l’homme n’a le choix qu’entre deux philosophies : La philosophie de la révolte, comme celle du Satan biblique ou de Job au commencement de son dialogue avec Dieu : c’est le crime et la démence de la volonté de l’homme substituée à celle de Dieu.

562. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre III. De la survivance des images. La mémoire et l’esprit »

Disons simplement qu’en ce qui concerne les choses de l’expérience, — les seules qui nous occupent ici, — l’existence paraît impliquer deux conditions réunies : 1º la présentation à la conscience, 2º la connexion logique ou causale de ce qui est ainsi présenté avec ce qui précède et ce qui suit. […] Mais ces deux conditions admettent des degrés, et on conçoit que, nécessaires l’une et l’autre, elles soient inégalement remplies. […] Au contraire, s’il s’agit des objets extérieurs, c’est la connexion qui est parfaite, puisque ces objets obéissent à des lois nécessaires ; mais alors l’autre condition, la présentation à la conscience, n’est jamais que partiellement remplie, car l’objet matériel, justement en raison de la multiplicité des éléments inaperçus qui le rattachent à tous les autres objets, nous paraît renfermer en lui et cacher derrière lui infiniment plus que ce qu’il nous laisse voir. — Nous devrions donc dire que l’existence, au sens empirique du mot, implique toujours à la fois, mais à des degrés différents, l’appréhension consciente et la connexion régulière. […] Plutôt que d’admettre la présence, dans tous les cas, des deux éléments mêlés dans des proportions diverses, il aime mieux dissocier ces deux éléments, et attribuer ainsi aux objets extérieurs d’une part, aux états internes de l’autre, deux modes d’existence radicalement différents, caractérisés chacun par la présence exclusive de la condition qu’il faudrait déclarer simplement prépondérante. […] Réunies, ces deux conditions assurent à chacun des états psychologiques passés une existence réelle, quoique inconsciente.

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