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386. (1893) Du sens religieux de la poésie pp. -104

Donc, la notion divine est en quelque sorte un synonyme de la notion humaine pour le poète, en ce sens que l’une et l’autre correspondent à la conception la plus élevée que l’humanité puisse avoir soit d’elle-même, soit (et tout au plus) de l’être qui lui succédera dans l’évolution ininterrompue de la vie. — Mais il ne s’agit jusqu’ici que d’idées générales : elles s’individualisent dans l’action esthétique, dans la création du poème, par l’angle spécial selon lequel chaque poète voit et conçoit la notion divine. […] Cette constance de la beauté en soi, ou plutôt telle que la peut concevoir l’esprit humain illuminé d’absolu, est si naturelle, si instinctive, si foncière chez tous les vrais artistes, qu’ils ont pour la plupart pris en disgrâce le mot même de progrès. […] Car l’absolu ne saurait se décomposer et s’acquérir pièce à pièce, et ce quelque chose de sentant et de pensant dans la durée que je suis, ce quelque chose de successif, de composé, dont les diverses parties ne sont reliées que par les mystérieux phénomènes de la mémoire, n’est point en état de concevoir par soi-même l’absolu de la vérité. […] Barthélemy Menn, se sont rencontrés dans le désir de fonder l’enseignement sur les principes rationnels d’une métaphysique concrète qui permette aux jeunes hommes de concevoir et de comprendre l’ensemble de la vie avant que sonne l’heure d’y faire leur choix définitif. […] Ainsi les vérités qu’obscurcit la décadence de Rome, les vérités du dogme chrétien en suffisante correspondance avec les dogmes bouddhiques, viendront fortifier la doctrine d’une Religion catholique de l’Humanité, quand le temps aura fait son œuvre bienfaisante, quand l’enseignement reconstitué aura préparé des générations capables de concevoir l’idéal humain et de l’aimer pour sa pure vérité.

387. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 avril 1885. »

Alors, renonçant à toute espérance de succès en les théâtres, oubliant toute préoccupation immédiate de représentation, libre enfin, il conçut son œuvre d’art. […] Mais c’est en 1849 seulement, que, dans un Projet pour l’organisation d’un theatre national allemand en saxe, il montre, à côté de ces critiques, l’essence qu’il conçoit à l’art musical. […] La Communication a mes amis (Leipzig, 1850), préface à une édition allemande des premiers poèmes dramatiques, donne plus sommairement la même doctrine dès lors pleinement conçue. […] « Posons d’abord que l’unique forme de la musique est la mélodie, que sans la mélodie la musique ne peut pas même être conçue, que musique et mélodie sont rigoureusement inséparables. […] Ce qu’il avait conçu librement, guidé par une inspiration spontanée, il s’est efforcé de le formuler en système, dans ses écrits théoriques.

388. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Appendices » pp. 235-309

Croce identifie l’intuition avec l’expression, je suis heureux de le voir si pleinement d’accord avec un vieux critique qu’ailleurs il ne ménage guère ; c’est Boileau, qui a dit : Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, Et les mots pour le dire arrivent aisément. […] Dès que l’artiste conçoit la première idée de son œuvre, il y a déjà intuition, mais non encore expression ou réalisation. En 1292, au moment où Dante achève sa Vita nuova, il a déjà conçu un grand poème à la gloire de Béatrice ; il ne l’écrira que quelque vingt ans plus tard, et certes la Divina Commedia est bien différente de cette première idée de 1292 ; elle s’est enrichie d’expériences et de science ; mais enfin, la première intuition, quoique non exprimée, est certaine et nécessaire. […] Car D’Annunzio n’a aucun besoin de concentration ; non content de mener de front un hymne à la terre, un roman et une tragédie, il conçoit ses œuvres par séries entières. […] Reprenons donc une à une les « exigences » de la tragédie telle que les théoriciens l’ont conçue.

389. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIVe entretien. Littérature politique. Machiavel (3e partie) » pp. 415-477

En se sentant valeureux soldats auxiliaires dans les armées de la France, ils se sont sentis dignes patriotes, nobles citoyens, capables d’indépendance et de toutes les libertés qui constituent l’homme moderne sur leur propre terre ; la France leur a inoculé la gloire ; la France a conçu tout à coup la noble idée de ressusciter l’Italie, l’Italie a conçu la juste volonté de revivre. […] Nous concevons parfaitement pourquoi les politiques et les fidèles ont en tout temps essayé de confondre ces deux natures : nous sommes étonnés seulement que ni les uns ni les autres n’aient trouvé jusqu’ici la principale explication politique d’une souveraineté temporelle assez sérieuse et assez vaste affectée au pontife romain dans la hiérarchie des souverainetés européennes. […] La monarchie piémontaise absorbant l’Italie annexée est la pensée de l’envie britannique contre la France, de l’ambition sarde contre l’Italie, pensée folle comme l’ambition, hostile comme la haine, pensée punique qui trompera bientôt les deux puissances qui l’ont conçue et qui trompera l’Italie elle-même, qu’elle constitue sur un perpétuel champ de bataille, au lieu de la constituer en un faisceau de droits et de libertés.

390. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre premier. La sélection et la conservation des idées dans leur relation à l’appétit et au mouvement. »

Enfin, pour Ravaisson, c’est la raison même, « la raison qui lie les idées » et qui conçoit « l’éternel ». […] On est alors obligé de les concevoir comme subsistant dans l’esprit même, dans l’âme, sous une forme inconsciente ; mais comment une idée, dont toute l’existence à nous connue consiste précisément à être un état de conscience, peut-elle être conçue comme inconsciente ? […] Ajoutons que ces réactions centrales sont, en dernière analyse, des réactions de la conscience tout entière conçue comme activité générale et volonté ; or, que la volonté réagisse sous une cause externe ou sous une excitation interne, l’intensité de la réaction pourra varier, mais sa qualité demeurera toujours sensiblement identique, si on fait abstraction de toutes les sensations concomitantes et de tous les mouvements concomitants pour ne considérer que l’émotion en elle-même.

391. (1833) De la littérature dramatique. Lettre à M. Victor Hugo pp. 5-47

Au nombre de ces jeunes gens, vous avez été le premier, Monsieur, à concevoir les plus grandes espérances de ce nouveau système. […] Je conçois très bien, Monsieur, qu’un homme de votre âge ait cherché avec ardeur un nouveau chemin pour arriver plus tôt à des succès ; mais je ne conçois pas qu’en y entrant, vous ayez eu besoin de salir les réputations anciennes et modernes2. […] Monsieur, je n’ai point l’honneur d’être connu de vous ; je n’ai pas plus de titre pour vous donner des conseils que je n’en ai pour faire la critique de vos ouvrages ; et si j’ai pris cette liberté, c’est que j’ai conçu l’espoir, tout en éclairant le public et le gouvernement sur la cause de la décadence de notre beau théâtre, de détruire quelques-unes de vos erreurs romantiques et de rappeler tous nos jeunes auteurs à des idées plus saines sur notre littérature dramatique.

392. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Appendices de, la deuxième édition »

« 1° Si l’on se place en dehors de la théorie de la Relativité, on conçoit un mouvement absolu et, par là même, une immobilité absolue ; il y aura dans l’univers des systèmes réellement immobiles. […] « 2° Si l’on se place en dehors de la théorie de la Relativité, on conçoit très bien un personnage Pierre absolument immobile au point A, à côté d’un canon absolument immobile ; on conçoit aussi un personnage Paul, intérieur à un boulet qui est lancé loin de Pierre, se mouvant en ligne droite d’un mouvement uniforme absolu vers le point B et revenant ensuite, en ligne droite et d’un mouvement uniforme absolu encore, au point A. […] L’accélération ne change donc rien à la situation : dans le cas du mouvement varié comme dans celui du mouvement uniforme, le rythme du temps ne varie d’un système à l’autre que si l’un des deux systèmes est référant et l’autre référé, c’est-à-dire si l’un des deux temps est susceptible d’être vécu, effectivement mesuré, réel, tandis que l’autre est incapable d’être vécu, simplement conçu comme mesuré, irréel.

393. (1870) La science et la conscience « Chapitre II : La psychologie expérimentale »

Parce qu’il possède la raison et l’imagination, la raison qui lui fait concevoir l’invisible et l’intelligible au-delà des choses visibles et sensibles, l’imagination qui confond les deux objets de sa pensée dans une représentation symbolique. […] Tout au contraire, la notion sous laquelle l’esprit ou le sens commun conçoit toujours nécessairement l’existence de quelque cause ou force productrice qui fait commencer les phénomènes, s’éloigne, s’obscurcit et se dénature de plus en plus par les procédés mêmes qui tendent à dissimuler son titre et sa valeur réelle. […] « Il importe bien de remarquer ici que, dans le point de vue de l’observateur de la nature extérieure, la cause qui produit ou amène une série de faits analogues, ne peut jamais être donnée a priori, ni conçue en elle-même, encore moins imaginée dans le comment de la production des phénomènes qui s’y rattachent ; aussi la langue des sciences naturelles manque-t-elle toujours du terme propre qui signifie précisément l’activité productive, l’énergie essentielle de toute cause efficiente, manifestée actuellement par les phénomènes sensibles qu’elle produit, mais non constituée par eux, puisqu’elle est connue comme étant nécessairement avant, pendant et après ces phénomènes26. » Ainsi, comme le remarque ici judicieusement un philosophe : « Dans ce que nous appelons, par exemple, force d’attraction, d’affinité, ou même d’impulsion, la seule chose connue (c’est-à-dire représentée à l’imagination et aux sens), c’est l’effet opéré, savoir, le rapprochement des deux corps attirés et attirant. Aucune langue n’a de mot pour exprimer ce je ne sais quoi (effort, tendance) qui reste absolument caché, mais que tous les esprits conçoivent comme ajouté à la représentation phénoménale27. » La force qui tend au mouvement, voilà, en effet, ce que ni la physique, ni la physiologie, ni même la psychologie expérimentale ne veut et ne peut connaître.

394. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XIV » pp. 58-60

Il eût dû être autre le lendemain de Lucrèce et sous le coup de l’enthousiasme même ; il l’eût dirigé en le partageant ; c’est de cette façon empressée que je conçois le mieux le rôle de la critique marchant, comme Minerve, en avant ou à côté de Télémaque.

395. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LV » pp. 213-214

. — le roi en conçoit de l’humeur. — discours de m. de montalivet, le fidus achates du roi. — cousin condamné a boire la ciguë.

396. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 298-300

Ce Poëme, en un mot, se fait lire avec le plus vif intérêt ; & après Télémaque, il n’a paru, en ce genre, dans notre langue, rien de mieux conçu, ni de plus heureusement exécuté.

397. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « I » pp. 1-20

Voltaire qui représente l’esprit ne conçoit nulle limite à son essor, et dès le premier jour il fraie sur le pied d’égalité avec les premiers. […] Conçu, bercé, caressé et promené dans ces châteaux des Sully, des Caumartin, le poème de La Henriade n’y reçut jamais ce dernier achèvement de la méditation, de la solitude, ce je ne sais quoi de sacré que donne la visite silencieuse de la muse. […] Je n’y entends rien : je ne conçois pas que la mesure d’un angle soit proportionnelle, et que l’angle ne le soit pas.

398. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Vie de Maupertuis, par La Beaumelle. Ouvrage posthume » pp. 86-106

Avec ces défauts que j’indique à peine et avec ces limites en divers sens, Maupertuis, de son vivant et quand il était là pour payer de sa personne, n’était pas moins un homme très distingué, très propre à plus d’un emploi, et lorsque Frédéric eut conçu le projet de régénérer son Académie de Berlin, il fut l’un des premiers à qui il s’adressa, le seul même qu’il réussit complètement à s’acquérir. […] Si ce procédé consistait seulement à corriger les fautes de français de Frédéric, les impropriétés d’expression, on le concevrait, on l’excuserait presque ; on se rappellerait que ce sont là des libertés que se sont permises presque tous les éditeurs de son temps et même du nôtre, si l’on excepte ceux des dernières années. […] Et ce piège, voyez combien vous étiez imprudent et coupable de le tendre : vous y avez fait tomber tout le premier un homme de votre sang et de votre nom, l’historiographe estimable, qui, en publiant votre ouvrage posthume et ce que vous y aviez préparé de pièces à l’appui, a cru vous rendre service, venger votre mémoire, réhabiliter votre caractère ; et il n’aura aidé, bien involontairement et de la meilleure foi du monde, qu’à confirmer en définitive l’opinion sévère qu’on avait conçue de vous, et à prouver à tous que vous étiez incurable dans votre procédé d’homme d’esprit foncièrement léger et sans scrupule.

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