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989. (1921) Esquisses critiques. Première série

Chacune lui a enseigné quelque imprévu raffinement, l’a doté d’un besoin, augmenté d’une façon de comprendre, de sentir ou de désirer. […] L’art de M. de Montesquiou, issu de la sensation, s’efforce beaucoup moins à la provoquer qu’à faire comprendre ce qui la suscite. […] On comprend mal que le public n’en soit point heurté, et l’on peut s’étonner à l’abord d’un pessimisme si dégoûté. […] Marcel Boulenger achève de faire comprendre sa nature : il la fonde sur l’esthétique. […] Succès d’estime, c’est la salle demi-vide, froide, rétive et qui bâille aux beautés qu’elle ne comprend pas.

990. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

J’ai toujours aimé mademoiselle de Brie, elle a été bonne, fidèle et dévouée à cet illustre génie, dont elle comprenait toute la portée. […] Ici même vous comprendrez, par un très petit exemple, ce que c’est que le génie. […] Au reste, le public n’avait rien compris aux meilleures plaisanteries de ce nouvel intermède. […] Cet homme est naturellement boursouflé ; il ne comprendra jamais ce qui est simple et naïf. […] Vous lui parlez un langage qu’elle n’entend pas, vous lui faites des menaces qu’elle ne saurait comprendre !

991. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre I. Les idées et les œuvres. » pp. 234-333

C’est à cela qu’il faut songer pour mesurer son effort, pour comprendre ses misères et sa révolte. […] Pendant six mois, il essaya de se préparer ; mais il lisait sans comprendre ; une fièvre nerveuse le minait. […] Qui est-ce qui comprend et goûte aujourd’hui, à moins d’une longue éducation préalable, Dante, Rabelais et Rubens ? […] Ainsi comprise, la vie devient une affaire grave, d’issue incertaine, sur laquelle il faut réfléchir incessamment et avec scrupule. Ainsi compris, le monde change d’aspect : ce n’est plus une machine de rouages engrenés, comme le dit le savant, ni une magnifique plante florissante, comme le sent l’artiste : c’est l’œuvre d’un être moral étalée en spectacle devant des êtres moraux.

992. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre sixième »

Le soutenu comprenait les pièces de théâtre, les poèmes descriptifs, les épopées, fort communes alors. […] On y travaillait avec un soin extrême à n’être point compris, et l’on pensait atteindre la hauteur de l’art en se rendant inaccessible aux lecteurs. […] Mais quiconque n’interprète pas de cette façon ses préceptes sur les genres, les vives descriptions qu’il en fait et les limites qu’il leur a tracées, n’a pas compris Boileau. […] Mais si l’on imagine Boileau le récitant devant des personnes dont la tête était pleine de toutes ces belles passions, et donnant à chaque personnage le ton et le geste qui lui convenaient, on comprend qu’il y fût très applaudi. […] C’est marque de génie d’avoir compris que, dans une forme de langage qu’on a appelée la langue des dieux, il faut n’exprimer que ce qu’il y a de plus universel et de moins sujet à dispute parmi les pensées des hommes.

993. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre II. La perception extérieure et l’éducation des sens » pp. 123-196

La seule activité psychique qui soit requise à cet effet, c’est l’association régulière et renaissante de deux représentations qui auparavant ont déjà été liées ensemble, association d’autant plus solide et plus contraignante que les deux représentations ont reparu ensemble un plus grand nombre de fois. » D’après cela, on comprend en quoi consiste notre atlas visuel. — Il y a une table carrée d’acajou à trois pas de moi, sur la droite. […] Au contraire, d’après Weber et Volkmann, sur la tache jaune qui est le point le plus sensible de la rétine, deux traits brillants séparés par un intervalle compris entre 1/500 et 1/1000 de ligne peuvent être distingués. — La rétine est donc, à cet égard, mille ou deux mille fois plus sensible que l’organe du toucher le plus sensible. — Joignez à cet avantage les indices donnés par la couleur. […] On compte 400 Christs de sa main et un buste de l’empereur François-Joseph63 — Il suffit de voir les aveugles lire avec leurs doigts les livres imprimés en relief presque aussi rapidement que nous lisons les livres imprimés à l’encre, pour comprendre tout le discernement que notre toucher eût pu avoir et qu’il n’a pas64. — Ainsi l’atlas musculaire et tactile est demeuré en nous rudimentaire. […] « Un fait analogue est fourni par l’habitude que les sourds et muets acquièrent, de comprendre ce qu’on leur dit en regardant le mouvement des lèvres de l’interlocuteur. » (Abercrombie, Inquiry, etc., 51.) […] Il comprend ainsi, au mouvement des lèvres, l’allemand et le français.

994. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre III. Ben Jonson. » pp. 98-162

Peu d’écrivains ont travaillé plus consciencieusement et davantage ; son savoir était énorme, et dans ce temps des grands érudits, il fut un des meilleurs humanistes de son temps, aussi profond que minutieux et complet, ayant étudié les moindres détails et compris le véritable esprit de la vie antique. […] Jonson a pris dans le commerce des anciens l’habitude de décomposer les idées, de les dérouler pièce à pièce et dans leur ordre naturel, de se faire comprendre et de se faire croire. […] Ils sondent anxieusement les profondeurs de ces phrases tortueuses, tremblant de se compromettre auprès du favori ou auprès du maître, sentant tous qu’ils doivent comprendre sous peine de vie. « Vos sagesses, Pères conscrits, peuvent examiner et censurer ces suppositions. […] Ce tournoi grotesque se donne devant les dames : il comprend quatre joutes, et chaque fois les trompettes sonnent. […] Les grands mots, les éloges, tout est vain à son endroit ; il n’a pas besoin d’être loué, mais d’être compris, et il ne peut être compris qu’à l’aide de la science.

995. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre II : La psychologie »

Le plus que puisse faire l’analyse, c’est d’arriver à quelque élément ultime, qui, dans les limites de l’expérience, nous fasse comprendre la composition de l’esprit. […] L’ouvrage qui nous occupe comprend une étude analytique et une étude synthétique. […] Comprise sous sa forme courante, l’hypothèse expérimentale implique que la présence d’un système nerveux, organisé d’une certaine manière, est une circonstance sans importance, un fait dont on n’a pas besoin de tenir compte ! […] Pour le faire comprendre, il a recours à une projection géométrique. […] On comprend à la rigueur que les changements du non moi puissent être exprimés par les changements du moi ; mais comment se peut-il que le repos objectif puisse être représenté par un mouvement subjectif.

996. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Féval » pp. 107-174

Au lieu d’aborder hardiment cette œuvre immense du roman, qui comprend l’étude de l’homme et de la société, invariablement unis l’un à l’autre, Paul Féval l’a dédoublée et détriplée, et de cette époque dernière des temps prosaïques et civilisés il a dégagé une spécialité de roman dans lequel l’intérêt des faits qui se succèdent l’emporte sur l’intérêt des idées et des sentiments. […] » C’est qu’ici — dans ces Étapes d’une conversion — il y a une vérité qui palpite plus fort que le talent n’a jamais palpité, et qu’enfin, pour ceux qui comprennent la beauté et la grandeur de la vie, il y a mieux même que le génie d’un homme dans un homme, — il y a son cœur ! […] XVII Et voilà ce que Paul Féval a compris. […] Les hommes bêtes qui ne comprennent que l’action, que la brutalité des faits physiques, ne comprennent qu’Aaron, et leurs Te Deum ne se chantent qu’après la victoire. Mais les Jésuites ne comprennent que Moïse, — et dans le monde il n’y a plus peut-être qu’eux !

997. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « Remarques finales. Mécanique et mystique »

Mais il faut toujours se rappeler que la vie sociale était comprise dans le plan de structure de l’espèce humaine comme dans celui de l’abeille, qu’elle était nécessaire, que la nature n’a pas pu s’en remettre exclusivement à nos volontés libres, que dès lors elle a dû faire en sorte qu’un seul ou quelques-uns commandent, que les autres obéissent. […] La classe dirigeante, dans laquelle nous comprendrons le roi s’il y a un roi, peut s’être recrutée en cours de route par des méthodes différentes ; mais toujours elle se croit d’une race supérieure. […] On comprend donc que l’humanité ne soit venue à la démocratie que sur le tard (car ce furent de fausses démocraties que les cités antiques, bâties sur l’esclavage, débarrassées par cette iniquité fondamentale des plus gros et des plus angoissants problèmes). […] La mythologie antique l’avait bien compris quand elle associait la déesse de l’amour au dieu des combats. […] Mais il jugerait probablement lui-même que le mysticisme ainsi entendu, ainsi compris d’ailleurs par l’« impérialisme » tel qu’il le présente, n’est que la contrefaçon du mysticisme vrai, de la « religion dynamique » que nous avons étudiée dans notre dernier chapitre.

998. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre troisième. Les sensations — Chapitre II. Les sensations totales de la vue, de l’odorat, du goût, du toucher et leurs éléments » pp. 189-236

Celles que suscite le nerf acoustique correspondent à des ondulations aériennes comprises entre deux limites. Celles que provoque le nerf optique correspondent à des ondulations éthérées comprises aussi entre deux limites. […] Au contraire, la première traduction représente non seulement les ondes comprises entre le rouge et le violet, mais beaucoup d’autres ondes situées au-dessus ou au-dessous ; seulement aucune onde n’y est représentée spécialement, et la sensation de froid ou de chaud ne fait que traduire en gros la différence d’intensité qui sépare deux systèmes d’ondulations successives. […] En étudiant les paralysies partielles, les physiologistes ont trouvé d’abord deux groupes de sensations primitives, l’un qui comprend les sensations des muscles et l’autre qui comprend les sensations de la peau, les premières ayant pour point de départ l’excitation des extrémités nerveuses qui se trouvent dans les muscles, les secondes ayant pour point de départ l’excitation des papilles nerveuses qui se trouvent dans le derme. […] Ainsi dans tous les cas, ce qui s’éveille en nous, c’est un type spécial d’action pour le nerf, et ce qui éveille dans le nerf ce type spécial d’action, c’est une modification spéciale de ses appendices et de ses dépendances. — Par conséquent, pour expliquer les trois sortes de sensations tactiles, et pour comprendre qu’elles peuvent être abolies isolément, nous n’avons pas besoin de supposer qu’elles sont excitées en nous par des nerfs distincts et de trois espèces différentes ; c’est là une hypothèse gratuite que nulle vivisection, nulle observation micrographique n’a confirmée.

999. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (2e partie) » pp. 177-248

Parler de l’admiration sincère de ces deux hommes l’un pour l’autre c’est les mal comprendre ou c’est les défigurer. […] Écoutons-le, mais ne cherchons pas à le comprendre, ou plutôt comprenons qu’il n’ose pas dire ici toute sa pensée, et que, voulant ménager en sa personne le renom d’écrivain révolutionnaire et le renom d’homme d’État monarchique, il accorde un peu aux républicains, un peu aux royalistes, pour conserver dans les deux partis la popularité de ses jeunes opinions et la popularité de ses idées mûres dans son âge plus avancé. […] Thiers s’en console en disant : « Mais ces institutions (les cours) étaient loin de mériter le mépris qu’on a souvent affiché pour elles ; elles composaient une république aristocratique détournée de son but par une main puissante, convertie temporairement en monarchie absolue, et destinée plus tard à redevenir monarchie constitutionnelle, fortement aristocratique, il est vrai, mais fondée sur la base de l’égalité. » Comprenne qui pourra cette république devenue en même temps monarchie absolue, cette monarchie absolue destinée à redevenir monarchie constitutionnelle, cette aristocratie et cette égalité se démentant par leurs seuls noms l’une et l’autre ! On n’y comprend en réalité qu’une chose : c’est que l’historien, qui veut rester à la fois révolutionnaire et monarchique, en dépit de la contradiction des deux rôles, cherche à excuser maintenant la fondation de l’empire comme il a cherché à excuser le renversement de la république et l’institution dictatoriale du consulat à vie. […] Celui-ci répondait que Bouvet avait mal entendu, mal compris, et par conséquent fait un rapport inexact.

1000. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIIe entretien. Madame de Staël. Suite. »

» Cette interprétation, la seule que puisse adopter l’histoire après un demi-siècle de conjectures, aurait été celle de Machiavel, comme elle fut celle de madame de Staël et de M. de Chateaubriand : c’était un meurtre italien que le génie de la France se refusait à comprendre. […] Je vous invite à me faire connaître celui que vous aurez choisi. » XL Les deux fils de madame de Staël, innocents des opinions et du génie de leur mère, se présentèrent en vain à Fontainebleau pour intercéder auprès de Napoléon ; ils reçurent l’ordre de s’éloigner et furent compris dans l’exil. […] La littérature ainsi comprise, au lieu d’être un jeu de l’esprit, devenait une sublime morale révélée par le talent ; c’était le culte du beau inséparable du bien et confondant la vérité et la gloire ; en un mot, la littérature de la conscience au lieu de la littérature de l’imagination. […] Il est facile de dire ce qui n’est pas de la poésie ; mais si l’on veut comprendre ce qu’elle est, il faut appeler à son secours les impressions qu’excitent une belle contrée, une musique harmonieuse, le regard d’un objet chéri, et par-dessus tout un sentiment religieux qui nous fait éprouver en nous-mêmes la présence de la divinité. […] L’idée de la mort, qui décourage les esprits vulgaires, rend le génie plus audacieux, et le mélange des beautés de la nature et des terreurs de la destruction excite je ne sais quel délire de bonheur et d’effroi, sans lequel l’on ne peut ni comprendre ni décrire le spectacle de ce monde.

1001. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1860 » pp. 303-358

Nous le trouvons assez inquiet de l’espèce de coup de sang qu’il a eu samedi, disant : « Je n’aime pas les choses que je ne comprends pas !  […] Tout est incompréhensible chez cette créature qui peut-être ne se comprend guère elle-même ; l’observation ne peut y prendre pied et y glisse comme sur le terrain du caprice. […] Ce personnage assez difficile à faire comprendre, s’appelait de ce nom collectif et générique : le Garçon. […] Nous lui demandons s’il a jamais compris une femme ? […] Le père d’un mien parent, lui avait dit : « Il faut que tu saches le latin, on peut se faire comprendre partout quand on sait le latin.

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