Il finit par : un cœur, une foi, une voix. […] » Adieu, mon cher collègue, je jette à vous et à votre œuvre tout ce que j’ai : un cœur, une foi, une voix. — Alphonse de Lamartine. »
Bourget aurait pu ajouter que la note bretonne de Le Goffic est moins purement individuelle que la note bressane de Vicaire ; ses deuils s’agrandissent de tous les deuils de sa race, et c’est l’amour de tout un peuple qui soupire et gémit dans ses amours, un long chœur de Bretonnes et de Bretons accompagnant son sanglot des leurs, alentis à travers l’Océan immense : Les Bretonnes au cœur tendre Pleurent au bord de la mer, Les Bretons au cœur amer Sont trop loin pour les entendre.
Et la nuit s’écoulait dans ces chastes délires, Et l’amour sous la table entrelaçait vos doigts, Et les passants surpris entendaient ces deux lyres, Dont l’une chante encore, et dont l’autre est sans voix… Et quand du dernier vin la coupe fut vidée, J’effeuillai dans mon verre un bouton de jasmin ; Puis je sentis mon cœur mordu par une idée, Et je sortis d’hier en redoutant demain ! […] Où brûlèrent deux cœurs, il reste un peu de cendre : Trempons-la d’une larme !
Il lui arriva seulement, à la vue de toutes ces cérémonies et de ces cercles qui sentaient la cabale, de dire au maître avec le bon sens du cœur : « Comment, maître, il faut tout cela pour prier le bon Dieu ? […] Il n’en tenait compte : « Les femmes même les plus honnêtes, dit-il, n’ont pas pu deviner ce que c’était que mon cœur ; voilà pourquoi elles n’ont pas pu se l’approprier. » Et il en donnait pour raison que ce cœur était « né sujet du royaume évangélique » ; et sur ces cœurs-là les sens ni la tête n’y peuvent rien ; il ne leur faut que le pur amour. […] Tout en admettant sans contrôle et sans critique le merveilleux qui faisait le fond et l’attrait de ce genre d’opérations, Saint-Martin, plus tourné au moral, ne se livrait pas sans réserve à des procédés où la curiosité s’irritait sans cesse et où le cœur profitait si peu ; et lorsqu’en 1792, à Strasbourg, il lui fut donné auprès d’une amie, Mme Boechlin, de connaître les ouvrages allemands de Jacob Boehm, qu’il appelle le Prince des philosophes divins, il crut pouvoir renoncer absolument à toute cette physique périlleuse et pleine de pièges, pour ne plus cultiver que la méditation intérieure. […] Ce qu’il faut lui demander en attendant, avant de pousser plus loin le récit de sa vie et pour nous bien persuader qu’il mérite l’examen et l’attention de tous, ce sont les pensées du cœur, les mouvements puisés dans la sublime logique de l’amour ; car c’est à quoi il était le plus sensible et le plus propre : J’ai été attendri un jour jusqu’aux larmes, dit-il, à ces paroles d’un prédicateur : « Comment Dieu ne serait-il pas absent de nos prières, puisque nous n’y sommes pas présents nous-mêmes ?
Se peut-il que nous, lecteurs et public, nous soyons si froids et si patients dans notre désir, et que nous trouvions qu’il n’est pas temps enfin de connaître, après cinquante ans d’attente, et d’écouter dans toute son ampleur et sa fécondité la conversation à cœur ouvert de deux grands poëtes, de deux grands esprits46 ? […] alors ce fut tout autre chose ; il sentit un bonheur, un charme indicible ; rien ne l’arrêtait dans ces poésies de la vie, où une riche individualité venait se peindre sous mille formes sensibles ; il en comprenait tout ; là, rien de savant, pas d’allusions à des faits lointains et oubliés, pas de noms de divinités et de contrées que l’on ne connaît plus : il y retrouvait le cœur humain et le sien propre avec ses désirs, ses joies, ses chagrins ; il y voyait une nature allemande claire comme le jour, la réalité pure, en pleine lumière et doucement idéalisée. […] Après la mort de Gœthe, resté uniquement fidèle à sa mémoire, tout occupé de le représenter et de le transmettre à la postérité sous ses traits véritables et tel qu’il le portait dans son cœur, il continua de jouir à Weimar de l’affection de tous et de l’estime de la Cour ; revêtu avec les années du lustre croissant que jetait sur lui son amitié avec Gœthe, il finit même par avoir le titre envié de conseiller aulique, et mourut entouré de considération le 3 décembre 1854. […] Pour son valet de chambre, soit, et encore s’il a l’âme servile ; mais s’il l’a libérale comme on en a vu, si cet homme de la maison est en même temps un ami, si ce n’est pas un espion comme on en a vu aussi, s’il est comme le page, comme le noble écuyer était au chevalier, si c’est en un mot un vrai secrétaire de cœur comme de nom, il n’a fait, en voyant de plus près l’esprit supérieur avec qui il a vécu, qu’être plus à même que personne de l’apprécier dans sa riche et haute nature. […] sa présence enivrait, et chacune de ses paroles semblait élargir le cœur48. » C’est bien là l’effet que produisent en général la lecture et le commerce de Gœthe : étendre les vues ; élargir l’intelligence ; — Eckermann, qui l’a aimé, ajoute : élargir le cœur.
J’ai le cœur tout gros d’avoir vu leurs soldats ! […] » Horace reste Français de cœur à l’étranger ; ce n’est pas un mal, puisque cela ne l’empêche ni de bien regarder ni de juger. […] Ce n’est pas impunément qu’on se trouve sur le théâtre de si grands événements ; ce qui doit élever l’âme ne perd pas à être vu de près, et ce petit village en ruines parle bien plus au cœur que ces grandes Pyramides, qui n’étonnent que les yeux. ». […] dans ce moment, il n’y a pas de Jérusalem, de Bible, d’Évangile, de Jacob et d’Arabe avec ses moutons qui soient venus me trotter dans la tête : j’étais dans l’enfer, et, vois comme je suis perverti, je m’y trouvais bien Cependant, au moment où je t’écris, malgré mon enthousiasme guerrier, j’ai le cœur gros. […] « Le vent ne serait qu’un cheval fourbu, si lui-même voulait nous enlever d’ici pour me porter près de vous, tant j’attends avec impatience le moment de vous serrer contre mon cœur !
Le volume se compose de deux parties : la principale, qui est la négociation du mariage de la princesse de Saxe, nièce du maréchal, avec le dauphin de France, père de Louis XVI, forme tout un ensemble, et peut être considérée comme un épisode entièrement neuf de la vie du héros, Français de gloire, Saxon de cœur, et qui sut concilier en cette circonstance les intérêts de ses deux patries. […] Il savait qu’il n’est pas vrai que tous les hommes soient braves, ni que les braves eux-mêmes le soient toujours, que la valeur des troupes est journalière ; que les mêmes qui sont victorieux en attaquant seront battus si on les retient sur la défensive : il est perpétuellement en garde contre ces défaillances de la nature et ce qu’il appelle l’imbécillité du cœur. […] … Les quarante mille hommes qu’il propose pour marcher au secours de la Saxe, en cas de danger, me paraissent fort suspects… J’aimerais autant y voir quarante mille loups. » Et sur ce remède pire que le mal, et dont la seule idée fait bondir le cœur resté saxon de Maurice : « Grand Dieu ! […] Nous n’y cherchons que de l’histoire, et nous reconnaissons de grand cœur avec lui qu’il y avait, en effet, l’étoffe d’un politique sous l’homme de guerre en Maurice. […] La race poétique ne prend pas la chose si fort à cœur. — Voltaire a donné deux tragédies depuis la mort de Mme du Châtelet : on le disait mort aussi, parce qu'on le croyait fort attaché à cette dame.
L’orage des partis, avec son vent de flamme, Sans en altérer l’onde, a remué mon âme : Rien d’immonde en mon cœur, pas de limon impur Qui n’attendît qu’un vent pour en troubler l’azur ! […] Il passa cette année, non plus aux Feuillantines, mais rue Cherche-Midi, en face l’hôtel des Conseils de guerre, à étudier librement, à lire toute sorte de livres, même les Contemporaines de Rétif, à apprendre seul la géographie, à rêver et surtout à accompagner chaque soir sa mère dans la maison de la jeune fille qu’il épousa par la suite, et dont en secret son cœur était déjà violemment épris. […] Mais ce qu’il n’a pas dit et ce que je n’ai le droit ici que d’indiquer, c’est la fièvre de son cœur durant ces années continentes et fécondes, ce sont les ruses, les plans, les intelligences de cet amour merveilleux qui est tout un roman. […] On sait comment son royalisme lui était venu : quant à la religion, elle lui était entrée dans le cœur par l’imagination et l’intelligence ; il y voyait avant tout la plus haute forme de la pensée humaine, la plus dominante des perspectives poétiques. […] Après le bel esprit, on avait le règne du beau cœur, comme l’a si bien dit l’un des plus spirituels témoins et acteurs de cette période.
Et c’est dans une école ecclésiastique qu’il a passé son enfance, ce qui est, je crois, un grand avantage, car souvent les exercices de piété y font l’âme plus douce et plus tendre ; la pureté a plus de chance de s’y conserver, au moins un temps, et (sauf le cas de quelques fous ou de quelques mauvais cœurs), quand plus tard la foi vous quitte, on demeure capable de la comprendre et de l’aimer chez les autres, on est plus équitable et plus intelligent. […] Daphné, chrétienne par docilité, mais l’imagination et le cœur encore pleins des divinités anciennes, mêlant avec candeur le culte du Christ, dieu des morts, au ressouvenir des dieux de la vie, est une figure d’une vérité délicate et charmante. […] Bonnard a soixante-dix ans, son cœur est resté jeune, il sait aimer. […] Mais vous devez respecter en elle son grand âge et son grand cœur. […] Et cette invocation si belle : D’où vous êtes aujourd’hui, Clémentine, dis-je en moi-même, regardez ce cœur maintenant refroidi par l’âge, mais dont le sang bouillonna jadis pour vous, et dites s’il ne se ranime pas à la pensée d’aimer ce qui reste de vous sur la terre.
Le sentiment qui anime les derniers chapitres, et qui fait que cet homme au cœur trop desséché par l’air des salons se relève et surnage, par l’intelligence, du milieu de la catastrophe universelle, me rappelle quelque chose du mouvement d’un naufragé qui s’attache au mât du navire, et qui tend les bras vers le rivage. Le ciel à ses yeux se déchire, et Dieu enfin lui apparaît : Il me faut, comme à l’univers, s’écrie-t-il, un Dieu qui me sauve du chaos et de l’anarchie de mes idées… Son idée délivre notre esprit de ses longs tourments, et notre cœur de sa vaste solitude. […] Mais aussi ce qui honore en Rivarol l’intelligence et l’homme, c’est qu’il s’élève du milieu de tout cela comme un cri de la civilisation perdue, l’angoisse d’un puissant et noble esprit qui croit sentir échapper toute la conquête sociale : « Malgré tous les efforts d’un siècle philosophique, dit-il, les empires les plus civilisés seront toujours aussi près de la barbarie que le fer le plus poli l’est de la rouille ; les nations comme les métaux n’ont de brillant que les surfaces. » Il y a des moments où, porté par le mouvement de son sujet et par l’impulsion de la pensée sociale, il va si haut, qu’on se demande si c’est bien Rivarol qui écrit, le Rivarol né voluptueux avant tout et délicat, et si ce n’est pas plutôt franchement un homme de l’école religieuse : Le vice radical de la philosophie, c’est de ne pouvoir parler au cœur. Or, l’esprit est le côté partiel de l’homme ; le cœur est tout… Aussi la religion, même la plus mal conçue, est-elle infiniment plus favorable à l’ordre politique, et plus conforme à la nature humaine en général, que la philosophie, parce qu’elle ne dit pas à l’homme d’aimer Dieu de tout son esprit, mais de tout son cœur : elle nous prend par ce côté sensible et vaste qui est à peu près le même dans tous les individus, et non par le côté raisonneur, inégal et borné, qu’on appelle esprit. […] J’avais à cœur de signaler ces points élevés de la pensée de Rivarol.
Nous ne savons pas toujours, quand nous souffrons, si c’est à notre cœur ou à celui d’autrui. […] Pour sentir le printemps, il faut avoir au cœur un peu de un peu de la légèreté de l’aile des papillons, dont nous respirons la fine poussière répandue en quantité appréciable dans l’air 2° Pour printanier, comprendre un paysage, nous devons l’harmoniser avec nous-même, c’est-à-dire l’humaniser. […] Sans exclure entièrement de l’émotion esthétique l’activité et même la finalité, nous avons cependant reconnu que cette émotion est le sentiment d’une solidarité déjà existante, soit commencée, soit achevée, et non d’une solidarité à établir ; elle est l’harmonie sentie et non l’harmonie voulue, cherchée avec effort ; elle est la sympathie sociale déjà maîtresse de notre cœur, le retentissement en nous de la vie collective, universelle. […] Si je suis ému par la vue d’une douleur représentée, comme dans le tableau de la Veuve du soldat, c’est que cette parfaite représentation me montre qu’une âme a été comprise et pénétrée par une autre âme, qu’un lien de société morale s’est établi, malgré les barrières physiques, entre le génie et la douleur avec laquelle il sympathise : il y a donc là une union, une société d’âmes réalisée et vivante sous mes yeux, qui m’appelle moi-même à en faire partie, et où j’entre en effet de toutes les forces de ma pensée et de mon cœur. […] Le rythme le plus primitif, le simple roulement des coups frappés par nos doigts ou par le tambour, c’est encore le mouvement et la vie, car le rythme est la représentation d’une marche, d’une course, d’une danse, des battements du cœur.
Cœur de tigre caché sous la peau d’un comédien (A Groatsworth of wit, 1592). […] Il vous montre une mère, Constance mère d’Arthur, et quand il vous a amené à ce point d’attendrissement que vous ayez le même cœur qu’elle, il tue son enfant ; il va en horreur plus loin même que l’histoire, ce qui est difficile ; il ne se contente pas de tuer Rutland et de désespérer York ; il trempe dans le sang du fils le mouchoir dont il essuie les yeux du père. […] Hamlet, le doute, est au centre de son œuvre, et aux deux extrémités, l’amour ; Roméo et Othello, tout le cœur. […] Ce qu’on ne s’avoue pas, la chose obscure qu’on commence par craindre et qu’on finit par désirer, voilà le point de jonction et le surprenant lieu de rencontre du cœur des vierges et du cœur des meurtriers, de l’âme de Juliette et de l’âme de Macbeth ; l’innocente a peur et appétit de l’amour comme le scélérat de l’ambition ; périlleux baisers donnés à la dérobée au fantôme, ici radieux, là farouche. […] Cette école met sous clef les passions, les sentiments, le cœur humain, la réalité, l’idéal, la vie.
Ce sont des cœurs d’ange avec l’esprit d’une académie, sauf les liaisons. Montrer le paysan tel qu’il est, c’est une fantaisie inutile de Balzac ; peindre rigoureusement les abominations du cœur de l’homme, cela est bon pour Hogarth, esprit taquin et hypocondriaque ; montrer au naturel les vices du soldat, ah ! […] Toujours ronds et frais comme des pommes d’api, le cœur sur la main, l’œil clair et souriant à la nature. Mais les enfants terribles, mais le pâle voyou du grand poëte, à la voix rauque, au teint jaune comme un vieux sou, Charlet a le cœur trop pur pour voir ces choses-là. […] Dans cette guerre acharnée contre le gouvernement, et particulièrement contre le roi, on était tout cœur, tout feu.