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511. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIV : Récapitulation et conclusion »

Les espèces très répandues sont celles qui varient le plus, et le plus souvent les variétés sont d’abord locales, circonstances qui rendent la découverte des formes de passage d’autant moins probable. […] Cette susceptibilité organique se manifeste jusque dans les moindres circonstances : ainsi, un même poison affecte souvent de la même manière les plantes et les animaux ; de même, le poison sécrété par le Cynips produit des excroissances monstrueuses sur la Rose sauvage ou le Chêne. […] On reconnaîtra que chaque grande formation fossilifère a dû dépendre d’un rare concours de circonstances et que les intervalles d’inactivité entre les étages successifs ont été d’une immense durée. […] Notre monde organique actuel ne serait donc que le reste d’un nombre infini de germes primitifs qui, tous, si les circonstances leur eussent été favorables, auraient pu chacun donner naissance, sinon à un embranchement, du moins à une classe, un ordre ou un groupe et qui tous ont au moins commencé une race.

512. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre V. Le souvenir du présent et la fausse reconnaissance »

Ensuite il faut remarquer qu’on se dit en pareil cas « J’ai vu cette personne quelque part » ; on ne se dit pas « J’ai vu cette personne ici, dans les mêmes circonstances, en un moment de ma vie qui était indiscernable du moment actuel. » À supposer donc que la fausse reconnaissance ait sa racine dans un sentiment, ce sentiment est unique en son genre et ne peut pas être celui de la reconnaissance normale, errant à travers la conscience et se trompant de destination. […] Là où il faiblit, des symptômes apparaissent, que nous croyons créés pour la circonstance, mais qui, en réalité, ont toujours été là, ou du moins auraient été là si nous avions laissé faire. […] La vérité est que, si une perception rappelle un souvenir, c’est afin que les circonstances qui ont précédé, accompagné et suivi la situation passée jettent quelque lumière sur la situation actuelle et montrent par où en sortir. […] Et ce souvenir lui-même pourrait, à la rigueur, ne pas se manifester : il suffirait qu’il rappelât, sans se montrer lui-même, les circonstances qui ont été données en contiguïté avec lui, ce qui a précédé et ce qui a suivi, enfin ce qu’il importe de connaître pour comprendre le présent et anticiper l’avenir.

513. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — I. » pp. 131-146

Le duc l’engagea à coucher le tout par écrit et envoya le mémoire à son frère M. de Guise, qui le reçut ayant le pied déjà à l’étrier, et qui n’eut que le temps d’écrire au bas, après l’avoir lu : « Ces raisons sont bonnes, mais elles sont venues à tard ; il est plus périlleux de se retirer qu’il n’est de passer outre. » Le président Jeannin sent toutefois à un certain moment qu’il s’engage, lui aussi, dans une voie périlleuse ; obligé par devoir et par reconnaissance envers Henri III, il est amené par les circonstances à demeurer auprès du duc de Mayenne, même quand celui-ci est devenu le chef de la Ligue et le maître de Paris, sous le titre ambitieux et ambigu de lieutenant général de l’État royal et Couronne de France. […] C’est un chef de parti qui n’était pas né pour l’être : il en avait les velléités sans en avoir toute l’étoffe, vices ou vertus, il se croyait tenu de venger ses frères, et poursuivait leur œuvre un peu par devoir, par ambition, par situation, quelquefois malgré lui, le plus souvent en se laissant volontiers aller aux circonstances qui le flattaient et l’entraînaient.

514. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — II. (Suite.) » pp. 463-478

Daru très jeune, lui ayant écrit en 1788 pour le consulter sur l’opportunité de publier à celle date un poème épique dont la guerre d’Amérique serait le sujet, et ayant paru attribuer la préséance dans la famille des Muses à celle qui présidait aux sciences, Ramond, en répondant, lui rappelait que c’est la poésie au contraire à laquelle il appartient de donner à tout la vie et l’immortalité ; et convenant d’ailleurs que les circonstances étaient peu propices à l’épopée, il ajoutait : Mais c’est la destinée ordinaire des grands ouvrages de ce genre de n’être jamais des ouvrages de circonstance ; et si, par cette raison, leur succès est plus lent et plus difficile, leur gloire est plus pure et moins mortelle.

515. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — III » pp. 90-104

Pendant qu’il le soutient, et indépendamment des assauts du dehors, Montluc a au-dedans à se tirer de deux circonstances difficiles : dans la première, il lui faut renvoyer les troupes allemandes qui s’accommodent peu du jeûne et qui vont affamer trop tôt la place : il les fait sortir de nuit avec adresse, et sans rien communiquer au Sénat ; et il raccommode ensuite cette dissimulation par de belles paroles, si bien que le courage des habitants n’est point ébranlé, mais bien plutôt accru par cette diminution de défenseurs. […] Le temps de la gloire pour Montluc est fini ; à la veille de la mort de Henri II dans ce malheureux tournoi, et la nuit même qui précéda le coup fatal, Montluc raconte qu’étant chez lui, en sa Gascogne, il eut un songe qui lui représentait, avec toutes sortes de circonstances frappantes, son roi mort et tout saignant, et il s’éveilla éperdu, la face tout en larmes, racontant aussitôt son pronostic à sa femme et, le matin, à plusieurs amis.

516. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Lettres sur l’éducation des filles, par Mme de Maintenon » pp. 105-120

En suivant de près la vie journalière de Louis XIV en ces années (comme cela est maintenant facile avec Dangeau), il résulte clairement que la fondation de Saint-Cyr fut un acte royal lié aux autres circonstances importantes de cette même date. […] En un mot, Saint-Cyr, tel qu’il nous est montré aujourd’hui dans toutes les circonstances qui en accompagnèrent la fondation, me paraît à la fois pouvoir être un vœu, une pénitence de malade qui cherche à réparer, et être certainement un cadeau de noces de Louis XIV en l’honneur de Mme de Maintenon.

517. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Souvenirs et correspondance tirés des papiers de Mme Récamier » pp. 303-319

Mais que surviennent des circonstances délicates et difficiles qui mettent tout l’homme à l’épreuve, comme on s’aperçoit que le caractère de M. de Montmorency gagne à ce point d’appui intérieur ! […] Elle racontait encore très bien qu’en 1815, comme elle s’étonnait devant le duc de Wellington que les Bourbons rentrant s’appuyassent sans répugnance sur ce même personnage, et que Louis XVIII, cédant à une prétendue nécessité de circonstance, prît pour ministre l’homme si fameux par tant d’actes révolutionnaires, le duc de Wellington, après s’être fait expliquer ce que c’étaient que ces actes (les horreurs de Lyon), lui dit, en se méprenant sur la valeur du mot français : « Oh !

518. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — III » pp. 174-189

Il s’est trouvé souvent dans ces circonstances où les connaissances et les talents d’un homme influent tant sur le succès. […] Cette mort, avec les circonstances qui l’avaient amenée, était un nouvel et dernier augure.

519. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine »

Vuillart (c’est le nom de cet humble ami), nous avons quelques détails de plus, parfaitement authentiques, sur les derniers mois de la vie de Racine, sur les circonstances de sa mort et sur ce qui suivit. […] Mais la réflexion que vous faites, monsieur, sur cette belle circonstance de l’histoire de ces anciens enfants des Saints, convient tout à fait à la haute idée qu’une religion aussi éclairée que la vôtre donne de l’image de Dieu qui est dans l’homme, et de l’alliance que Jésus-Christ a élevée à ia dignité de sacrement… » Et il prenait de là occasion pour citer, à son tour, plus d’une parole de l’Écriture se rapportant à l’union mystique du Verbe avec la nature humaine et du Sauveur avec son Église, toutes choses divines dont le mariage humain, en tant que sacrement, n’est que l’ombre et la figure.

520. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires du comte Beugnot »

» — « Non, répondit Bailly ; mais je vous ai donné l’exemple de ne jamais désespérer des lois de votre pays. » Il donnait de plus le bien rare exemple, lui, victime de la Révolution, de ne pas la calomnier : « L’orage qui gronde en ce moment, disait-il, ne prouve rien sans doute, et fera tomber bien des feuilles de la forêt ; il arrachera même quelques arbres ; mais il emportera aussi de vieilles immondices, et le sol épuré peut donner des fruits inconnus jusqu’ici. » L’agonie de Bailly était comme épuisée et consacrée dans toutes ses circonstances : elle s’augmente et se couronne de deux ou trois traits sublimes, grâce à M.  […] Je trouvai que ces premiers passants étaient tout à fait bons diables. » La taille du comte Beugnot, on le voit, était des plus remarquables, et cette circonstance revient très souvent dans sa vie. « Le grand monsieur, le grand M. 

521. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite et fin.) »

Le spectacle d’une folle jeunesse qui se noie dans les plaisirs et dans l’orgie au sortir de l’enfance est de tous les temps : il est vrai qu’ici ces circonstances caractéristiques d’être colonel presque à la jaquette et de faire sa première communion de raccroc à la dernière heure, grâce à un prince-abbé aussi édifiant, impriment à l’historiette une variété piquante et y mettent en plein la signature du xviiie  siècle. […] Le comte de Clermont, dans de pareilles circonstances, arrivait avec mission de remonter la discipline et de réparer les fautes de son prédécesseur.

522. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires de madame de Staal-Delaunay publiés par M. Barrière »

Cousin, dans l’esquisse pleine de feu qu’il a tracée dès femmes du xviie , leur a décerné hautement la préférence sur celles de l’âge suivant ; je le conçois : du moment qu’on fait intervenir la grandeur, le contraste des caractères, l’éclat des circonstances, il n’y a pas à hésiter. […] Elle se trouvait ainsi de neuf ans plus âgée qu’on ne l’a supposé ; non pas qu’elle ait dissimulé son âge ; elle n’indique point, il est vrai, dans ses Mémoires, la date précise de sa naissance (les dates, sous la plume des femmes, c’est toujours peu élégant) ; mais elle mentionne successivement dans le récit de sa jeunesse certaines circonstances historiques qui pouvaient mettre sur la voie.

523. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVII. De la littérature allemande » pp. 339-365

On est averti des penchants coupables, par toutes les réflexions, par toutes les circonstances, par tous les traités de morale ; mais lorsqu’on se sent une nature généreuse et sensible, on s’y confie entièrement, et l’on peut arriver au dernier degré du malheur, sans que rien vous ait fait connaître la suite d’erreurs qui vous y a conduit. […] Il ne fallait pas moins que les circonstances particulières à l’ancienne France, et dans la France, à Paris, pour atteindre à ce charme de grâce et de gaieté qui caractérisait quelques écrivains avant la révolution.

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