La brise en la frise des frênes chante… Mais il connaît d’autres fleurs que celles dont les clairières sont coutumières ; il connaît la fleur-qui-chante, celle qui chante, lavande, marjolaine ou fée, dans le vieux jardin des ballades et des contes. […] C’est la vie : écoutez, la source vive chante L’éternelle chanson sur la tête gluante D’un dieu marin tirant ses membres nus et verts Sur le lit de la Morgue… et les yeux grands ouverts. […] Et je songe que ce qu’il faut demander aux traducteurs du rêve c’est, non pas de vouloir fixer pour toujours la fugacité d’une pensée ou d’un air, mais de chanter la chanson de l’heure présente avec tant de force candide qu’elle soit la seule que nous entendions, la seule que nous puissions comprendre. […] L’heure du nuage d’or a crevé sur la plaine, Les roseaux chantaient doux sous le vent de haine, Ô bruyères rouges — ô ciel couleur de sang. […] Poète, par ses dons mêmes, voué à ne dire heureusement que l’amour, tous les amours, et d’abord celui dont les lèvres ne s’inclinent qu’en rêve sur les étoiles de la robe purificatrice, celui qui fit les Amies fit des cantiques de mois de Marie : et du même cœur, de la même main, du même génie, mais qui les chantera, ô hypocrites !
chante, mon poète, chante encore ! […] Et l’on entend l’alouette des caresses heureuses chanter, comme une source qui déborde, l’allégresse d’un cœur plein de larmes bénies. […] Shakespeare les établit dans le parc bienheureux où la lune chante avec le rossignol, où tout est amants, douceur, caresse et amour. […] « Je suis un poète moderne, s’écriait Moréas, j’ai chanté la porte de Montrouge » Il avait raison. […] La musique est une mathématique qui chante, qui aime et qui ouvre les cœurs.
C’est le plus bel hymne que l’homme puisse chanter à l’incompréhensible, c’est-à-dire à Dieu. […] « Les cygnes, quand ils sentent qu’ils vont mourir, chantent encore mieux ce jour-là qu’ils n’ont jamais fait, dans leur joie d’aller trouver le dieu qu’ils servent. Mais la crainte que les hommes ont eux-mêmes de la mort leur fait calomnier ces cygnes, en disant qu’ils pleurent leur mort et qu’ils chantent de tristesse ; et ils ne font pas cette réflexion, qu’il n’y a point d’oiseau qui chante quand il a faim ou froid, ou quand il souffre de quelque autre manière, non pas même le rossignol, l’hirondelle, ou la huppe, dont on dit que le chant est une complainte. « Mais je ne crois pas que ces oiseaux chantent de tristesse, ni les cygnes non plus ; je crois plutôt qu’étant consacrés à Apollon, ils sont devins, et que, prévoyant le bonheur dont on jouit au sortir de la vie, ils chantent et se réjouissent ce jour-là plus qu’ils n’ont jamais fait.
Mais aussi remarquez bien une chose : c’est que tous ceux qui lui reprochent d’être trop exclusivement français sont des critiques, des écrivains ou des poètes, qui sont eux-mêmes trop étrangers dans leurs tendances poétiques et qui touchent, par quelques exagérations de leur génie, à ces vices et à ces excès du grec, du latin, de l’hébreu, de l’italien et surtout de l’espagnol, que Racine a su, avec un art sévère, corriger et exclure de la langue dans laquelle nous chantons pour nous et pour la postérité de la France. […] Peut-on dire qu’avec ces trois causes d’infériorité relative dans le cadre même de son œuvre, le poète épique, qui peint et qui chante la nature entière et l’homme tout entier, n’est pas supérieur, non pas en génie, mais en genre et en charme au poète de théâtre ? […] XXI Ce drame n’a que trois actes ; le premier acte n’a que deux grandes scènes et deux chœurs de gémissements lyriques chantés par les jeunes juives compagnes d’Esther. […] Elles chantent devant elle, en strophes mélodieuses et mélancoliques comme les gémissements des harpes juives suspendues aux saules de l’Euphrate, les cantiques de la captivité. […] Que son nom soit béni, que son nom soit chanté ; Que l’on célèbre ses ouvrages Au-delà du temps et des âges, Au-delà de l’éternité !
Et que m’importe à moi qu’elle soit une Opique 122, comme on dit, une barbare, et qu’elle ne chante pas les vers de Sapho ! […] Celle-ci est une délicate personne, une belle diseuse (dulce loquentem), une savante ou mieux une muse ; ce n’est pas d’elle qu’on pourrait dire qu’elle ne chante pas les vers de Sapho, elle en fait elle-même. […] De toutes parts, la race des oiseaux chante à voix sonore, les alcyons autour de la vague, les hirondelles au bord des toits, le cygne sur les rives du fleuve, et sous le bois le rossignol135. Mais si les chevelures des plantes s’épanouissent, si la terre fleurit, si le pasteur joue de la flûte, et si les troupeaux à belle toison sont charmés, si les nautoniers naviguent, si Bacchus est en danse, si la gent ailée exhale ses concerts, et si les abeilles sont en travail pour enfanter, comment donc ne faut-il pas que le poëte aussi chante un chant harmonieux au printemps ? […] Alcman, à ce qu’il paraît, avait passionnément chanté les amours de jeunes filles, de même qu’Ibycus avait introduit chez les Grecs une poésie d’un autre genre.
La voûte chante mieux que les chantres de l’autel l’Hozanna visible et palpable de la création. […] Il sculptait, il peignait, il chantait au bruit des milliers de scies, de marteaux, de truelles qui exécutaient le jour, en travertin, en marbre, en porphyre, la pensée de ses nuits. […] Aussi forte que Dante, moins ingénieuse que Pétrarque, Vittoria Colonna crie ses angoisses et ne les chante pas. […] L’état heureux des amants n’est pas celui où la jouissance amène la satiété : c’est une souffrance misérable, mais remplie d’espérance. » Reprenons : Celles des poésies de Michel-Ange qui chantent ce premier amour ont un accent de jeunesse et d’espérance vague qui les distinguent seules des vers inspirés par Vittoria Colonna dans une époque plus mûre de sa vie. Celles-là ont, pour ainsi dire, le découragement mélancolique d’ici-bas et la sainteté des hymnes chantés dans le sanctuaire de la vie à la lueur des cierges du soir.
Et puis, la flûte chante trop haut, et le tétracorde chante trop bas, et qu’a-t-on fait de la vieille division sacrée des tragédies en monodies, stasimes et exodes ? […] Eschyle eut, lui aussi, ses rhapsodes qui chantaient ses vers dans les fêtes et qui tenaient à la main une branche de myrte. […] Les siciliens, c’est Plutarque qui le raconte à propos de Nicias, mettaient en liberté les prisonniers grecs qui chantaient des vers d’Euripide. […] Tout le groupe des têtes blondes chante, rit et joue au soleil sous les arbres.
Vous rougirez sans doute De tout l’esprit que vous aurez ; Amarante, vous chanterez Sans que personne vous écoute188 ! […] Mlle de Lenclos, sur le luth, devait chanter ses airs : plus d’un rappelle cette Chanson pastorale du poète Lainez, qui commence par le rossignol et finit par les moineaux. […] Chez elle, dans ses élégies, plus de petits moutons ni de bergère Célimène ; il était moins besoin de travestissement : c’est de l’amour après Parny ; Bouflers a déjà chanté le cœur ; le positif enfin se découvre tout à nu. […] Toujours le cœur brisé qui chante, toujours le cri en poésie de cette autre parole dite à voix plus basse, en prose plus résignée, et que bien des existences sensibles ont pensée en avançant : « Il n’y a qu’une date pour les femmes et à laquelle elles devraient mourir, c’est quand elles ne sont plus aimées. » Mais je touche à l’élégie moderne, et je n’y veux pas rentrer aujourd’hui196.
On passe de.Mahomet à Mélusine, de l’empereur Constant au roi Richard Cœur de Lion ; à côté du merveilleux Partenopeus de Blois de Denis Pyramus, qui nous conte en son style enjolivé les amours d’un beau chevalier et d’une fée inconnue (c’est Psyché, où les rôles seraient renversés), on rencontre la très simple et dramatique histoire de la châtelaine de Vergy, qui n’est que le récit d’une très humaine passion située en pleine réalité contemporaine, ou l’aimable chante-fable d’Aucassin et Nicolette, récit, en prose coupée de laisses chantées, des amours de deux enfants qui finissent par se rejoindre et s’épouser. […] Un charme puissant, une efficace consolation émanaient pour eux de ces récits, où la prose parlée alternait avec les vers chantés, qu’accompagnait le son d’une petite harpe, appelé rote. […] L’Italie, l’Allemagne, les pays scandinaves, nous empruntèrent la matière de nos poèmes : jusqu’en Islande, on chanta Charlemagne et les exploits de ses pairs, et c’était en lisant le roman de Lancelot que les amants italiens immortalisés par Dante, que Paolo et Francesca échangeaient leurs âmes dans un baiser et apprenaient à pécher. La fière Espagne qui avait le Cid, ne se résigna pas longtemps à chanter Roland, mais, pour le vaincre, elle créa à son image son fantastique Bernaldo del Carpio.
La rime, importation étrangère, et certainement inutile dans un idiome où chaque mot a un rythme très marqué, et chez un peuple qui chante en quelque sorte en parlant, la rime est toujours facile en russe, et grâce à l’accent prosodique avec lequel elle se combine, elle ne prend jamais une importance exagérée. […] Les vieilles divinités du Nord sont des êtres fort mal définis, faute de poètes qui les aient chantées, d’artistes qui les aient peintes. […] La Petite Maison dans la Kolomna chante les tribulations d’une bonne veuve, mère d’une jolie fille, en quête d’une servante à tout faire. […] On se prépare à la courte traite du lendemain, les femmes chantent, les enfants crient, l’enclume de campagne résonne sous le marteau. » Quiconque a vu un camp de bohémiens reconnaîtra sans doute la vérité de cette description, où tout est pris sur nature, sauf l’ours peut-être, qui, chez nous, est remplacé par un singe ou un âne savant.
MM. de Régnier et Griffin sont tous deux jusqu’à un certain point objectifs car ils savent s’exprimer par des images ; ils sont aussi et surtout subjectifs car ils écoutent chanter la voix intime, — et le contraire eût été une surprise puisque M. de Régnier aussi bien que M. […] Mais une certaine indigence de mots et d’images se découvre à des prosaïsmes, à des expressions trop approximatives, qui étonnent et détonnent ; ou bien, à maintes places, un adjectif, un nom, un verbe qui ne sont plus de la langue chantée, ou qui ramènent trop près de nous. […] Or, en cette promenade, ses émerveillements, ses émois, ses chagrins, sa frayeur ont mis sur ses cheveux la lourde couronne de la pensée ; désormais sa parole est virile : il s’adresse à l’homme ainsi qu’au frère d’une contrée voisine et d’une voix souple et franche, parlant les mots inattendus qui peuvent suggérer, il est heureux de ce qu’il chante, dit la beauté de toute la vie, même la beauté de la douleur et nous commande là saine Joie. […] Quant à la voix nouvelle de M. de Régnier, elle a des inflexions spécialement rares et pures, avec parfois une sorte de chaleur interne qui, pour les Sites, les Épisodes, les Poèmes anciens, l’Alérion et la Gardienne, demeurait étrangement inconnue ; on l’entendra chanter en tous ses derniers vers, et surtout en ceux-ci qui sont des plus proches de la perfection et s’orientent vers un mystère émouvant et discret : J’ai vu fleurir, ce soir, des roses à ta main, — Ta main pourtant est vide et semble inanimée — Je t’écoute comme marcher sur le chemin, — Et tu es là pourtant et la porte est fermée — J’entends ta voix, mon frère, et tu ne parles pas ; L’horloge sonne une heure étrange que j’entends Venir et vibrer jusques à moi de là-bas… L’heure qui sonne est une heure d’un autre temps.
Il avait aimé, il avait pleuré et chanté ses peines pendant une saison passée dans son beau Midi, la dernière avant son départ pour La Chênaie. […] Les rossignols, les bouvreuils, les merles, les grives, les loriots, les pinson les roitelets, tout cela chante et se réjouit. […] Il use habituellement et de préférence d’un vers que je connais bien pour avoir essayé en mon temps de l’introduire et de l’appliquer, l’alexandrin familier, rompu au ton de la conversation, se prêtant à toutes les sinuosités d’une causerie intime. « Ta poésie chante trop, écrivait-il à sa sœur Eugénie, elle ne cause pas assez. » Il se garde de la strophe comme prenant trop aisément le galop et emportant son cavalier ; il ne se garde pas moins de la stance lamartinienne comme berçant trop mollement son rêveur et son gondolier.
Tout ce qu’on en voyoit au dehors inspiroit de la piété ; on admiroit la manière grave et touchante dont les louanges de Dieu y étoient chantées, la simplicité et en même temps la propreté de leur église, la modestie des domestiques, la solitude des parloirs, le peu d’empressement des religieuses à y soutenir la conversation, leur peu de curiosité pour savoir les choses du monde et même les affaires de leurs proches ; en un mot, une entière indifférence pour tout ce qui ne regardoit point Dieu. […] Desdemona, émue du vague pressentiment de sa fin, revient toujours, sans savoir pourquoi, à une chanson de Saule que lui chantait dans son enfance une vieille esclave qu’avait sa mère. […] Talma, qui, dans ses dernières années, en était venu à donner à ses rôles, surtout à ceux que lui fournissait Corneille, une simplicité d’action, une familiarité saisissante et sublime, l’aurait vainement essayé pour les héros de Racine ; il eût même été coupable de briser la déclamation soutenue de leur discours, et de ramener à la causerie ce beau vers un peu chanté.