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322. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre deuxième. Le génie, comme puissance de sociabilité et création d’un nouveau milieu social »

Si le savant peut parfois produire quelque chose de matériellement nouveau dans le monde extérieur, tandis que le génie du pur artiste crée seulement pour lui et pour nous, cette différence est plus superficielle qu’on ne pourrait le croire : tous les deux poursuivent le même but d’après des procédés analogues et cherchent également dans des domaines divers à faire du réel, à faire même de là vie, à créer. […] De même que, pour le mathématicien, notre monde est pauvre en combinaisons de lignes et de nombres, et que les dimensions de notre espace ne sont qu’une réalisation partielle de possibilités infinies ; de même que, pour le chimiste, les équivalents qui se combinent dans la nature ne sont que des cas des mariages innombrables entre les éléments des choses, ainsi, pour le vrai poète, tel caractère qu’il saisit sur le vif, tel individu qu’il observe n’est pas un but, mais un moyen, — un moyen de deviner les combinaisons indéfinies que peut tenter la nature. […] D’où cette conclusion : « J’entreprends d’écrire l’histoire d’une littérature et d’y chercher la psychologie d’un peuple. » — Ces principes, dans leur généralité, sont justes, et ce but est légitime. […] Il emploie à changer le moins possible toutes les ressources de son intelligence. « C’est ainsi que la plupart des inventions primitives, celles de l’habillement, celles qui touchent à l’alimentation, ont eu pour but, par des modifications artificielles des circonstances ambiantes, de permettre à l’homme de conserver ses dispositions organiques, son aspect, ses habitudes, en dépit de certaines variations contraires naturelles des mêmes circonstances31. » Les hommes, en passant d’un climat chaud dans un climat froid, se sont couverts de fourrures, et non d’une toison comme certains animaux ; les tribus frugivores ont transporté avec elles le blé dans toute la zone de cette céréale ; l’homme primitif, en fuyant devant les gros carnivores, au lieu de développer des qualités extrêmes d’agilité et de ruse, comme tous les animaux désarmés, a inventé les armes.

323. (1892) Les idées morales du temps présent (3e éd.)

Il aime les hommes, il se déclare prêt à leur consacrer toutes ses forces : « Le but de l’humanité, dit-il, n’est pas le bonheur ; c’est la perfection intellectuelle et morale. […] Pour nous, la vérité (comme Dieu) est en dehors de nous : elle est le but ou le résultat de nos recherches. […] Ce sont, d’ailleurs, des lamentations qui n’ont rien de nouveau : le monde est une vaste mascarade, où chacun se donne pour autre que ce qu’il est, afin de mieux atteindre son but caché. […] Dans la suite, il s’en est tenu strictement à cette formule : ses préfaces, ses pamphlets, ses brochures, ses pièces s’accordent à poursuivre le but qu’il s’était lui-même assigné. […] et encore celle de l’étudiante Varvara Afanasiévna, qui poursuit avec une énergie surhumaine le but qu’elle s’est assigné  hélas !

324. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 359-360

Sa Grammaire Grecque, destinée à faciliter l’intelligence de la Langue d’Homere & de Platon, est un Traité aussi clair que méthodique, de tout ce qui est nécessaire pour remplir le but qu’il s’est proposé.

325. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre IV. Des femmes qui cultivent les lettres » pp. 463-479

Une partie de ces inconvénients ne peut se retrouver dans les républiques, et surtout dans une république qui aurait pour but l’avancement des lumières. […] Éclairer, instruire, perfectionner les femmes comme les hommes, les nations comme les individus, c’est encore le meilleur secret pour tous les buts raisonnables, pour toutes les relations sociales et politiques auxquelles on veut assurer un fondement durable.

326. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre IV. Unité et mouvement »

Quand il y a dans le discours un véritable mouvement, nulle part on n’aperçoit de solution de continuité : le développement s’achemine tout d’une suite à son but, comme, dans l’être vivant, chaque état du corps, chaque moment de la vie plongent dans l’état et dans le moment qui précèdent, et ne sauraient s’en distinguer : l’enfant devient homme insensiblement, et change en restant le même. […] On a beau savoir à fond la chose, et où elle se termine : on ne trouve pas l’idée et la phrase de la fin, celles qui doivent achever l’impression et conclure le discours ; on reprend son propos, on revient sur ses pas, on change un peu sa direction, sans pouvoir tomber juste au but.

327. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXII. Machinations des ennemis de Jésus. »

Le but qu’elle poursuit étant pour elle absolument saint, elle ne se fait aucun scrupule d’invoquer de mauvais arguments pour sa thèse, quand les bons ne réussissent pas. […] Jamais on ne vit par un plus frappant exemple combien une telle conduite va contre son but.

328. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 22, que le public juge bien des poëmes et des tableaux en general. Du sentiment que nous avons pour connoître le mérite de ces ouvrages » pp. 323-340

Puisque le premier but de la poësie et de la peinture est de nous toucher, les poëmes et les tableaux ne sont de bons ouvrages qu’à proportion qu’ils nous émeuvent et qu’ils nous attachent. […] C’est le dernier but que les peintres et les poëtes se proposent quand ils prennent tant de peine à se conformer aux regles de leur art.

329. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIII. Mme Swetchine »

C’est en effet le seul but auquel elle ait pu viser, si elle en eut un, en traçant sans prétention et à la hâte ces choses aujourd’hui recueillies et qu’il faut conserver. Mme Swetchine, qui n’est pas auteur, — qui en a un jour couru le danger, mais qui y a échappé par cette conversion qui la jeta dans le grand sérieux de la vie et qu’elle n’a jamais racontée (trait caractéristique de la discrétion sur elle-même de cette sympathique femme du monde), Mme Swetchine, ne peut avoir eu que deux buts en écrivant sa pensée : — ou la fixer mieux en la parlant, pour la connaître et lui donner sa forme, pour qu’elle cessât d’être une rêverie et fût bien une pensée, — ou entrer par là dans la pratique morale, dans le conseil, dans le soulagement.

330. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La Société française pendant la Révolution »

tel est le but éclatant, mais escarpé, que des écrivains nés d’hier se sont flattés d’atteindre aujourd’hui ; telle est la proie de lion intellectuelle qu’ils ont cru abattre dès leur premier coup de feu littéraire ! […] Semblables à tous les amoureux qui voient le profil de leur maîtresse dans les lignes de tous les horizons, ils ne pouvaient pas même se douter qu’elle existait, cette contradiction qu’un historien, sinon grave, au moins sérieux (distinction que ces messieurs ont inventée pour eux dans leur préface), aurait posée d’abord au commencement de son ouvrage pour en éclairer la portée, le but, la marche elles contours.

331. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « César Daly »

Ardemment synthétique de tendance, quand le siècle et ses misérables philosophies ne jurent que par cette Fée aux miettes de l’analyse, en avant sur toutes les idées de son temps, et, pour preuve, dès 1845 repoussant, avec un mépris mérité, cette théorie obstinée de l’art pour l’art, triomphante alors, et qui prétend encore, à l’heure qu’il est, n’être pas battue, la revue de César Daly avait, parmi les autres buts qu’elle voulait atteindre, le but plus difficile et plus spécial de dégager l’inconnue de l’art qui va naître, et de prédire, en étudiant profondément la société moderne et ses nouvelles conditions, le caractère du style architectonique de l’avenir ; car l’architecture du xixe  siècle n’est pas née.

332. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Vauvenargues » pp. 185-198

Contemplateur dans un but qui n’était pas la connaissance de l’homme elle-même, laquelle est le but unique du moraliste pur, il fut un moraliste malgré lui, en attendant le jour de l’action, et qui sait ?

333. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XV. Vauvenargues »

Contemplateur dans un but qui n’était pas la connaissance de l’homme elle-même, laquelle est le but unique du moraliste pur, il fut un moraliste malgré lui, en attendant le jour de l’action, et qui sait ?

334. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Brispot »

Du reste, jamais peut-être publication n’a été mieux conçue et mieux réalisée que celle-ci pour toucher sûrement le but excellent qu’elle veut atteindre. […] Comme un de ces grands artistes lapidaires du Moyen Âge, il a incrusté de pierres précieuses le tabernacle… Mais c’est moins un but d’adoration et de rayonnement splendide qu’il a eu en vue, que la pensée plus mâle de la propagation des idées et des faits qui sont pour nous la vérité.

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