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15. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre V : Règles relatives à l’explication des faits sociaux »

Spencer, au besoin d’un plus grand bonheur. […] Le besoin que nous avons des choses ne peut pas faire qu’elles soient telles ou telles et, par conséquent, ce n’est pas ce besoin qui peut les tirer du néant et leur conférer l’être. […] Ainsi on ne revient pas, même partiellement, au finalisme parce qu’on ne se refuse pas à faire une place aux besoins humains dans les explications sociologiques. […] Sans doute, l’effet ne peut pas exister sans sa cause, mais celle-ci, à son tour, a besoin de son effet. […] Par conséquent, partout où elle est normale, elle n’a pas besoin de s’imposer.

16. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Eugène Fromentin ; Maxime du Camp »

tandis qu’aujourd’hui elle n’a plus besoin d’inventer, et ne s’en soucie. […] « Si l’avenir efface le passé, — dit-il spirituellement quelque part, — au moins il excusera le présent, qui a bien besoin d’être excusé !  […] Quand on veut lire du Théophile Gautier, on n’a pas besoin d’aller le chercher dans du Camp, son Ménechme, mais son Ménechme à la manière d’un fantôme. […] Ils n’ont pas, eux, besoin d’un titre pour cacher la valeur absente et qui y fait croire les imbécilles ! […] Ce que j’écris ici n’est pas littéraire, et n’a pas besoin de l’être, du reste.

17. (1842) Discours sur l’esprit positif

Ces exigences intellectuelles, relatives, comme toutes les autres, à l’exercice régulier des fonctions correspondantes, réclament toujours une heureuse combinaison de stabilité et d’activité, d’où résultent les besoins simultanés d’ordre et de progrès, ou de liaison et d’extension. […] Mais cette constance effective des liaisons naturelles nous est seule vraiment appréciable, elle seule aussi suffit pleinement à nos véritables besoins, soit de contemplation, soit de direction. […] Il en est tout autrement sous l’autre aspect, c’est-à-dire, quant à la source intérieure des théories humaines, envisagées comme des résultats naturels de notre évolution mentale, à la fois individuelle et collective, destinés à la satisfaction normale de nos propres besoins quelconques. […] Ce nouveau régime mental dissipe spontanément la fatale opposition qui, depuis la fin du Moyen Âge, existe de plus en plus entre les besoins intellectuels et les besoins moraux. […] Sous ces conditions naturelles, l’école positive tend, d’un côté, à consolider tous les pouvoirs actuels chez leurs possesseurs quelconques, et, de l’autre, à leur imposer des obligations morales de plus en plus conformes aux vrais besoins des peuples.

18. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre III. Combinaison des deux éléments. »

D’une part, les hommes ont besoin d’elle pour penser l’infini et pour bien vivre ; si elle manquait tout d’un coup, il y aurait dans leur âme un grand vide douloureux et ils se feraient plus de mal les uns aux autres. […] Puisque le ciel est vide, nous n’avons plus besoin de la chercher dans un commandement d’en-haut. Regardons en bas sur la terre ; considérons l’homme lui-même, tel qu’il est aux yeux du naturaliste, c’est-à-dire le corps organisé, l’animal sensible, avec ses besoins, ses appétits et ses instincts. […] En un mot, toute assistance gratuite le fuit au besoin, précisément parce qu’il n’a pas de quoi la payer. […] Oui, car les êtres ont droit de se nourrir de toute matière propre à satisfaire leurs besoins… Homme de la nature, suis ton vœu, écoute ton besoin, c’est ton seul maître, ton seul guide.

19. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (2e partie) » pp. 417-487

Par tous ses instincts, par tous ses besoins, par toutes ses conservations, par toutes ses multiplications, par toutes ses perpétuations de vie ici-bas, l’homme a besoin de la société, comme la société a besoin de la souveraineté. […] L’homme en a besoin même pour naître et avant d’être né. […] Dans ce système il y a contrat entre les hommes et leurs besoins physiques ; dans notre système, à nous, il y a contrat entre l’homme et Dieu. […] Quel est le premier besoin de l’homme venu à la vie ? C’est le besoin de conserver la première de ses propriétés, la vie.

20. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XII : Pourquoi l’éclectisme a-t-il réussi ? »

Si nous avions besoin de croire que les crocodiles sont des dieux, demain, sur la place du Carrousel, on leur élèverait un temple. […] Puisque le ressort des fondateurs a été le besoin d’abstraction et de morale, il faut que l’inclination du public approbateur ait été le besoin d’abstraction et de morale. […] Composé d’expressions vagues, il convient au « besoin d’idéal » et au rêve. Composé d’expressions élevées et grandioses, il contente le besoin d’élévation et de grandeur. […] On avait renversé nos derniers philosophes français, et l’on avait besoin d’une gloire nationale.

21. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « Remarques finales. Mécanique et mystique »

Mais point n’est besoin de fantaisie ni de comparaison. […] Jamais, en effet, les satisfactions que des inventions nouvelles apportent à d’anciens besoins ne déterminent l’humanité à en rester là ; des besoins nouveaux surgissent, aussi impérieux, de plus en plus nombreux. […] Que dire de nos autres besoins ? […] Mais il faudrait d’abord se demander si l’esprit d’invention suscite nécessairement des besoins artificiels, ou si ce ne serait pas le besoin artificiel qui aurait orienté ici l’esprit d’invention. […] Il a créé une foule de besoins nouveaux ; il ne s’est pas assez préoccupé d’assurer au plus grand nombre, à tous si c’était possible, la satisfaction des besoins anciens.

22. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VIII. Du crime. »

Il y a beaucoup d’exemples de braver la première en respectant la seconde ; alors le caractère prend une sorte d’amertume et de misanthropie, qui exclut beaucoup des bonnes actions que l’on fait pour être regardé, sans anéantir toutefois les sentiments honnêtes qui décident de l’accomplissement des principaux devoirs : mais dès qu’on a rompu tout ce qui mettait de la conséquence dans sa conduite, dès qu’on ne peut plus rattacher sa vie à aucun principe, quelque facile qu’il soit, la réflexion, le raisonnement étant alors impossible à supporter, il passe dans le sang une sorte de fièvre qui donne le besoin du crime. […] Certainement l’homme criminel croit toujours, d’une manière générale, marcher vers un objet quelconque, mais il y a un tel égarement dans son âme, qu’il est impossible d’expliquer toutes ses actions par l’intérêt du but qu’il veut atteindre : le crime appelle le crime ; le crime ne voit de salut que dans de nouveaux crimes ; il fait éprouver une rage intérieure qui force à agir sans autre motif que le besoin d’action. […] Plus ils étaient nés avec des facultés sensibles, plus l’irritation qu’ils éprouvent est horrible ; il vaut mieux, en fait de crimes, avoir à faire à ces êtres corrompus, pour qui la moralité n’a jamais été rien, qu’à ceux qui ont eu besoin de se dépraver, de vaincre quelques qualités naturelles ; ils sont plus offensés du mépris, ils sont plus inquiets d’eux-mêmes, ils s’élancent plus loin pour mieux se séparer des combinaisons ordinaires, qui leur rappelleraient les anciennes traces de ce qu’ils ont senti et pensé. […] Je n’ai pas besoin de parler de l’influence d’une telle frénésie sur le bonheur ; le danger de tomber d’un tel état est le malheur même qui menace l’homme abandonné à ses passions, et ce danger seul suffit pour épouvanter de tout ce qui pourrait y conduire. […] La plus grande partie des idées métaphysiques que je viens d’essayer de développer, sont indiquées par les fables reçues sur le destin des grands criminels ; le tonneau des Danaïdes, Sisyphe, roulant sans cesse une pierre, et la remontant au haut de la même montagne, pour la rouler en bas de nouveau, sont l’image de ce besoin d’agir, même sans objet, qui force un criminel à l’action la plus pénible, dès qu’elle le soustrait à ce qu’il ne peut supporter, le repos.

23. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre V. Du jeu, de l’avarice, de l’ivresse, etc. »

Il y a dans les libertins, dans ceux qui s’enivrent, dans les joueurs, dans les avares, les deux espèces de mouvement qui font les ambitieux en tout genre, le besoin d’émotion et la personnalité : mais dans les passions morales, on ne peut être ému que par les sentiments de l’âme, et ce qu’on a d’égoïsme n’est satisfait que par le rapport des autres avec soi, tandis que le seul avantage de ces passions physiques c’est l’agitation qui suspend le sentiment et la pensée ; elles donnent une sorte de personnalité matérielle, qui part de soi pour revenir à soi, et fait triompher ce qu’il y a d’animal dans l’homme sur le reste de sa nature. Examinons cependant, malgré le dégoût qu’un tel sujet inspire, les deux principes de ces passions, le besoin d’émotion et l’égoïsme. Le premier produit l’amour du jeu, et le second l’avarice ; quoiqu’on puisse supposer qu’il faut aimer l’argent pour aimer le jeu, ce n’est point là, la source de ce penchant effréné : la cause élémentaire, la jouissance unique, peut-être, de toutes les passions, c’est le besoin et le plaisir de l’émotion. […] L’agitation de l’âme est un besoin trompeur auquel la plupart des hommes se livrent, sans penser à ce qui succède à cette agitation. […] quelle irrécusable preuve de malheur, que ce besoin d’éviter le cours naturel de la vie, d’enivrer les facultés qui servent à la juger !

24. (1890) L’avenir de la science « XVII » p. 357

Aussi bien, c’est la grande objection que l’on répète sans cesse contre le rationalisme ; j’éprouve le besoin de dire mon sentiment sur ce point. […] Longtemps encore l’humanité aura besoin qu’on lui fasse du bien malgré elle. […] Forte de toute la vie de la nation, elle en est le premier besoin et le premier droit. […] Pourquoi toute liberté est-elle accompagnée d’un danger parallèle et a-t-elle besoin d’un correctif ? […] Le christianisme n’a pas eu besoin de la liberté de la presse ni de la liberté de réunion pour conquérir le monde.

25. (1890) L’avenir de la science « XXIII »

Le premier chrétien n’avait besoin de renoncer à rien ; car sa vie était complète, sa loi était adéquate à ses besoins. […] Le sage n’a pas besoin de prier à ses heures ; car toute sa vie est une prière. […] Voilà le Dieu dont l’idée est innée et qui n’a pas besoin de démonstration. […] Le catholicisme est là, satisfaisant à ce besoin ; passe pour le catholicisme. […] Nous autres, qui avons l’art, la science, la philosophie, nous n’avons plus besoin de l’église.

26. (1890) L’avenir de la science « XIX » p. 421

Le besoin, dit Herder, est le poids de l’horloge, qui en fait tourner toutes les roues. […] L’humanité a encore besoin d’un stimulant matériel, et maintenant un tel état serait préjudiciable ; car il n’engendrerait que la paresse. […] La savante organisation de l’humanité ramènera cet état, mais avec des relations bien plus compliquées que n’en comportait la vie patriarcale, et sans avoir besoin de l’esclavage. […] Alors l’on dira : « Nos pères eurent besoin de placer le paradis au ciel. […] L’homme a besoin, pour déployer toute son activité, de placer en avant de lui un but capable de l’exciter.

27. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre IV. Des figures : métaphores, métonymies, périphrases »

Il faut considérer en eux maintenant d’autres propriétés, qui achèvent de les rendre capables de servir à tous les besoins de la plus agile et plus curieuse pensée. […] Je n’ai pas besoin de dire que les métaphores doivent être claires : cela va de soi. […] D’autre part, il arrive souvent que rien n’annonce la métaphore : elle se présente toute seule, et si elle est claire et juste, elle n’a pas besoin d’introducteur ; on ne lui demande pas de passeport. […] Les métaphores n’ont pas besoin d’être préparées, ni annoncées par l’écrivain, mais comprises par le public ; et elles sont suffisamment amenées, dès qu’on les rend claires et justes. […] Le pas est facile à franchir de la métaphore à la périphrase : souvent, pour être comprise et trouver son application, la métaphore a besoin de s’allonger en périphrase.

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