Il convoquait les plus célèbres artistes de l’Italie pour élever sa maison de Bourges, un des monuments du royaume. […] Ces interprétations de grands esprits qui nous font penser dans le sens de leur propre pensée, ces espèces de torsions imprimées à la réalité toute droite sous la main artiste qui sait la ployer et la reployer à son gré autour d’une idée, étouffent toujours un peu l’histoire et la meurtrissent.
L’artiste, en lui, était épuisé. […] On conçoit qu’étant un artiste réfléchi, savant, archaïque, qui s’assimilait bien plus les manières qu’il n’en créait, il eût moins de valeur sur place que dans ses livres.
Écrite exclusivement pour le nombre, par un homme du nombre qui n’est pas campé pour en sortir, ni même pour aspirer à cette glorieuse impopularité des grands artistes dont se vantait Goethe, quand il disait avec orgueil : « Raphaël et moi, nous n’avons jamais été populaires », placée sous le patronage et la protection d’un Aréopage littéraire qui a finances et qui est le seul pouvoir de la société ancienne qui soit resté… dans son fauteuil, quand tous les autres se sont écroulés, cette histoire de M. […] Ils la laissent aux artistes… Le druidisme !
Pour avoir vécu avec eux, il avait pris un peu de la sagesse des derviches, qu’il appelle des sages, et même de l’art des derviches tourneurs, qu’il appelle de grands artistes ; car s’il y a un homme qui ait jamais tourné dans ce monde qui tourne, c’est lui, le comte de Gobineau, diplomate toute sa vie : en Perse, en Suède, au Brésil, partout, et montrant partout, sans cesser de tourner, — ce brillant valseur diplomatique ! […] Son petit consulat fut comme une stalle de chanoine où ses facultés de diplomate purent dormir… Et Gobineau, l’esprit le plus chaud que j’aie connu, l’homme qui avait le plus de verve, de profusion intellectuelle, d’expression en dehors, — poète, même en vers, — artiste, même de main, — toute sa vie, en a été un.
… Diderot dit quelque part que, dans les peintures des grands peintres, ce qu’il y a de plus beau, ce sont les laissés… Il entend par là les choses qu’ils n’y mettent pas quoiqu’elles soient dans le sujet, et que les artistes médiocres ne manqueraient pas d’y mettre. […] Il n’avait pas l’esprit svelte, musical et artiste, de Beaumarchais, mais il en avait la pétulance de répartie, l’attaque vive, le raccourci dans le coup qui le pousse plus avant, et l’imagination dans l’invective qui, comme le voile de pourpre dans les yeux du taureau, fait écumer l’adversaire.
Madame Geoffrin était la femme la plus équilibrée qui fut jamais, — normalement, la plus incapable de passion et même de caprice, la moins apte à se faire une illusion quelconque sur quoi que ce soit ; et si elle n’avait pas aimé les arts et les artistes (mais elle les aimait !) […] … Assis négligemment devant une table et dans un somptueux négligé de satrape, — tout soie et fourrures, — il a devant lui sa couronne, dans le cercle de laquelle l’artiste, mélancolique fantaisie !
Flourens ne s’est pas seulement fait un artiste en gloire pour le compte de Buffon, il est le meilleur de sa gloire. […] Si, vous autres savants, vous vous laissez entraîner ainsi hors du vrai limité, impérieux, immuable, que voulez-vous que nous devenions, nous, devant les beautés littéraires de cet homme qui fut certainement, en définitive, plus un grand artiste dans l’ordre scientifique qu’un savant !
mais le prêtre, qui s’est oublié, a été vengé par l’artiste qui n’a pas paru, car au : fond rien du talent d’autrefois du R. […] Lacordaire, comme tous les artistes, et j’ai été tenté d’écrire, les artificiers de parole, est beaucoup moins écrivain qu’orateur.
Lacordaire, en sa qualité, non de prêtre, non de missionnaire de vérité, mais d’orateur et d’artiste, a donc rencontré, et parmi les moins chrétiens d’entre nous des émotions et des admirations sincères. […] Partout dans ses Conférences de Notre-Dame de Paris, à côté du metteur en œuvre, de l’orateur, de l’artiste, et les dominant, apparaissent le théologien et le moraliste, l’un avec son autorité et l’autre avec sa profondeur.
Elle a eu de grands poètes, de grands artistes, des hommes politiques à la manière de Machiavel, comme furent Talleyrand et Fouché, des observateurs scientifiques de la force de Cuvier et de Geoffroy Saint-Hilaire, et par-dessus tout elle a eu Napoléon, un homme taillé comme un diamant de plusieurs côtés différents, et par tous jetant le feu et la lumière, — Napoléon, l’homme le plus étonnant dans le fait qui ait peut-être jamais existé ; — mais de métaphysicien égal à ces esprits supérieurs dans sa spécialité transcendante, il faut le dire, pour apprendre aux philosophes à être modestes, le xixe siècle et la langue française n’en ont point encore. […] Ballanche, qu’on peut citer sans trop descendre quand on parle de Lamennais, Ballanche, qui a de si grandes parties d’artiste, n’est pas plus, au fond, un philosophe, qu’un somnambule, fût-il très lucide, n’est un observateur.
Les artistes, les rêveurs, les femmes, le retrouveraient et l’embaumeraient dans une gloire affectueuse et discrète, car, le croira-t-on ? […] Ces Poètes, qui, du reste, se nomment eux-mêmes des artistes, et qui ont réellement plus d’art dans leur manière que de génie et d’inspiration, travaillent leur langue comme un sculpteur travaille son vase, comme un peintre lèche son tableau, et nous donnent au xixe siècle une seconde édition affaiblie de la Renaissance qui, elle aussi, avec le large bec, ouvert et niais, d’un Matérialisme affamé, happait la forme et s’imaginait tenir le fond, l’âme et la vie !
Ceux-là — les artistes fiers — qui travaillent pour la gloire ne l’ont presque jamais, du moins immédiatement. […] Mais, quand on est petit, on est à la portée de ceux qui ne sont pas plus grands que vous, et qui, en vous trouvant, se retrouvent… C’est l’histoire du petit Le Sage… Au fond, il n’était qu’un artiste médiocre, de piètre conception et de plus piètre exécution encore.
Gustave Planche, mort maintenant mais vivant alors, qui du moins avait de la compétence littéraire, une sagacité exercée, et qui aurait vu dans Balzac, artiste énorme, mais non infaillible, des débilités de main ou des excès d’intelligence qui ont échappé à l’adolescence magistrale de M. […] non-seulement Balzac n’a pas péri, mais il a fondé une de ces choses que lui seul eût pu débâtir, et que la Postérité, moins artiste que lui, respectera.