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948. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Mémoires du duc de Luynes sur la Cour de Louis XV, publiés par MM. L. Dussieux et E. Soulié. » pp. 369-384

Sachons donc gré à l’auteur des présents mémoires d’avoir rempli son dessein, même au prix de tant de détails qui sont de pure étiquette, de nous avoir tenus au courant de tous les pas et démarches du roi, de la reine, du principal ministre, de livrer ces faits tout secs et nus à notre critique, à nos réflexions : à voir le soin et le scrupule de ponctualité qu’apporte dans les moindres circonstances de son narré le noble chroniqueur, je suis tenté de l’appeler (toute proportion gardée) le Tillemont de la Cour. […] Quelques moments après, ayant trouvé M. de Nangis et l’ayant appelé, il lui dit qu’il avait pensé à ce qu’il lui avait demandé, qu’il lui en savait bon gré parce que ce n’était pas une chose amusante, qu’il lui accordait cette grâce à deux conditions : la première, qu’il n’en parlerait point qu’il ne l’eût permis, la seconde qu’il en userait modérément. […] Le rusé cardinal, dans sa demi-retraite et ce qu’on appelait sa cour d’Issy, n’avait qu’à faire semblant de bouder, il les déjouait tous. […] Il est amusant, quand on sait de quoi il retourne, de suivre de l’œil jour par jour le train de cette Cour et de ses plaisirs, ces continuelles parties à La Muette, à Madrid, à La Rivière, à Choisy, ces voyages intimes du roi et des quatre sœurs ainsi qu’on les appelle, c’est-à-dire des deux princesses du sang, Mlle de Charolais et Mlle de Clermont, et des deux sœurs, Mme de Mailly et Mme de Vintimille ; car Mme de Mailly, à un certain moment, s’était adjoint une de ses sœurs, avec laquelle elle paraît avoir vécu en parfaite intelligence, quoique celle-ci fût d’une humeur plus hardie et plus inégale.

949. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 64-81

Oscar Plumeret, comme il l’appelle en un endroit, dans un de ces petits contes dévots que je viens de lire. […] Il a trop lu Béranger, Il croit à ce qu’il appelle le Dieu des bonnes gens, c’est-à-dire à un Dieu plutôt indulgent que cruel et vengeur. […] Cet amalgame plus ou moins bourgeois vous choque : moi, j’appelle cela, au moral, des faits accomplis. […] Je ne vous dis pas, gens d’esprit, de suivre, sans vous en rendre compte, ce grand courant ; je ne vous dis pas que vous ne pourrez le contrarier, le remonter même de côté sur quelques points, surtout aux endroits où il vient d’y avoir une de ces cascades qu’on appelle révolutions ; mais, dans son ensemble, vous ne le ferez pas rétrograder.

950. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

Choisi pour la charge de procureur du roi des requêtes de l’hôtel, reçu haut la main avec honneur et sans subir l’examen, puis six ans après (1671) pourvu de la charge d’avocat général au grand Conseil, reçu également sans subir d’interrogatoire et avec dispense d’âge (il fallait avoir trente ans, et il n’en avait que vingt-huit), on voit que Foucault était ce qu’on appelle un excellent sujet, régulier, exemplaire, et même brillant dans les parties sombres : il s’agit d’un brillant qui n’est que relatif. […] Comme il convient de se bien définir à soi-même les termes, même les plus courants et les plus connus, on appelait proprement dragonnades l’opération, en apparence très-simple, qui consistait à faire arriver dans un pays des dragons ou tout autre corps de cavalerie, à les loger chez des bourgeois, métayers ou fermiers protestants, ou même des nobles, et à les ruiner par ces logements prolongés qui, dans l’état encore très-neuf de la discipline militaire d’alors, et surtout quand on voulait bien y donner les mains et fermer les yeux, étaient accompagnés de quantités d’exactions, vexations, coups, viols, sévices et parfois meurtres ; on exemptait qui l’on voulait de ces logements, et on écrasait les autres. […] Voilà un homme qui juge à ce point de vue le résultat de la révocation de l’Édit de Nantes, qui ne l’appelle pas autrement que « la perte en France du commerce et des arts industriels », et qui, au même moment, dans l’incertitude d’être accueilli pour ce qu’il propose de plus indulgent, provoque des mesures de rigueur en demandant à Louvois des troupes. […] Foucault excelle à trouver de ces expédients, de ces combinaisons adroites ; il est ce qu’on appelle retors.

951. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite et fin.) »

Aussi vit-il enfermé dans son cercle, ce qu’on appelle sa Cour, et il n’en sort pas. Il n’y appelle que des amuseurs légers. […] oui, j’aurais aimé à vivre, ne fût-ce qu’une semaine, dans la petite Cour de Sceaux qu’on a appelée les galères du bel esprit. […] Ainsi le duc de Richelieu entre en une sorte de connivence avec l’ennemi pour argent, et cela s’appelle l’homme chevaleresque du xviiie  siècle !

952. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. BRIZEUX (Les Ternaires, livre lyrique.) » pp. 256-275

1841 Tout le monde est plus ou moins poëte à un certain âge de la vie ; mais, indépendamment de cette poésie de jeunesse et de quinze ans, de cette poésie du diable, comme l’appelle M. […] Mais en même temps l’auteur, sur quelques détails de forme, affectait de se séparer : par exemple, il appelait roman ce volume qui n’était qu’un recueil de pièces détachées ; il intitulait dix vers alexandrins chanson. […] Si elles s’appellent Marie, il leur revient de droit avec un bouquet de fleurs blanches. […] Brizeux, dès les années qui suivirent la publication de Marie, visita beaucoup ce pays de force et de grâce, comme il l’appelle ; il le visita d’abord en compagnie de son ami M.

953. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Préface » pp. 1-22

. — Au sortir de ce point de vue, on s’aperçoit qu’il n’y a rien de réel dans le moi, sauf la file de ses événements ; que ces événements, divers d’aspect, sont les mêmes en nature et se ramènent tous à la sensation ; que la sensation elle-même, considérée du dehors et par ce moyen indirect qu’on appelle la perception extérieure, se réduit à un groupe de mouvements moléculaires. […] L’un et l’autre sont un courant d’événements homogènes que la conscience appelle des sensations, que les sens appellent des mouvements, et qui, de leur nature, sont toujours en train de périr et de naître. […] Plus précisément encore, si l’on considère la force en général et dans ses deux états, le premier dans lequel elle est en exercice et se dépense, par exemple lorsqu’elle fait remonter une masse pesante, le second dans lequel elle reste disponible et ne se dépense pas, par exemple lorsque la masse pesante est immobile au terme de sa course, on découvre que toutes les diminutions ou tous les accroissements que la force reçoit sous l’une de ces deux formes sont exactement compensés par les accroissements ou par les diminutions qu’elle reçoit en même temps sous l’autre forme, partant que la somme de la force disponible et de la force en exercice, en d’autres termes, l’énergie, comme on l’appelle aujourd’hui, est dans la nature une quantité constante.

954. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le cardinal de Retz. (Mémoires, édition Champollion.) » pp. 238-254

Retz a beau avoir pour lui les lanternes, qui étaient les tribunes de ce temps-là, il a beau avoir les jeunes têtes du Parlement, le banc des Enquêtes qui est tout à sa dévotion : cette « sainte cohue », comme il l’appelle, qui sait si bien crier quand elle a le mot d’ordre, ne suffit pas, et le premier président Molé ne se laisse pas faire. […] Une plaisanterie qu’il laissa échapper contre la reine, et qui revint à celle-ci (il l’avait appelée Suissesse), irrita la femme, et contribua à la vengeance finale plus peut-être que ne l’auraient pu faire les seules infidélités politiques de Retz. […] Siècle à jamais heureux et incomparable, où les illustres naufragés de la politique, quand ils s’appelaient Retz, avaient comme pis-aller, pour se consoler dans le courant d’une semaine, un Corneille, un Despréaux et un Molière en personne, leurs œuvres à la main, et Mme de Sévigné sur le tout ! Cet homme qui, comme je l’ai dit, n’avait jamais été qu’un demi-séditieux, et non un Catilina, comme l’a nommé Voltaire, et qui, jusque dans ses plus grandes révoltes, avait toujours respecté, en ce qui regardait l’autorité royale, ce qu’il appelait le « titre du sanctuaire », était devenu le plus réconcilié et le plus zélé des cardinaux français pour les intérêts de Louis XIV.

955. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre III. Le cerveau chez l’homme »

Elles nous montrent de quelle circonspection on doit user lorsqu’on prétend évaluer, dans des balances grossières et avec des poids matériels, cette chose impalpable, légère et ailée, que l’on appelle l’intelligence. […] Il en concluait que l’absence de phosphore dans l’encéphale réduit l’homme à l’état de la brute, qu’un grand excès irrite le système nerveux et le plonge dans ce délire épouvantable que nous appelons la folie, enfin qu’une proportion moyenne rétablit l’équilibre et produit cette harmonie admirable qui n’est autre chose que « l’âme des spiritualistes. » À cette théorie, on a opposé que la cervelle des poissons, qui ne passent pas pour de très grands penseurs, contient beaucoup de phosphore. […] Vogt nous dit avec ce ton de mépris bien peu digne d’un savant : « La gent philosophe, qui n’a vu de singes que dans les ménageries et les jardins zoologiques, monte sur ses grands chevaux, et en appelle à l’esprit, à l’âme, à la conscience et à la raison !  […] Le crâne est composé de trois pièces distinctes ; les lignes qui les unissent sont appelées sutures.

956. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Lawrence Sterne »

Sterne est de la race de ces bouffons charmants ou sublimes qui s’appellent Rabelais, Swift, Cervantes, Arioste. […] Il avait, en effet, deux paroisses, comme l’âne de Buridan avait les deux bottes de foin qui l’embarrassaient, et il allait de l’une à l’autre, — de sa paroisse de Sutton à sa paroisse de Stillington, — monté sur une haridelle efflanquée comme la jument de la Mort dans l’Apocalypse, et sur les côtes de laquelle ses jambes d’araignée, comme il les appelle, faisaient fort harmonieusement bien. « J’ai quatre-vingts ans au physique », disait-il alors, avec la fierté d’une âme qui s’est toujours senti vingt-cinq ans. […] Avec l’admiration qu’il a pour Sterne et qui nous paraissait d’un heureux augure, nous aurions cru qu’il eût saisi l’occasion de nous donner sur ce rare génie que Jean-Paul appelle, je ne sais plus où « la rose bleu de ciel dans l’ordre des intelligences », quelques pages de critique humaine et profonde. […] Cet homme, digne de porter le nom d’une femme, tant il en avait la tendresse (il s’appelait Lawrence, et, nous l’avons dit plus haut, il croyait que le nom influait sur la destinée), avait dans ses facultés ce que les Saints ont dans leurs vertus.

957. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre III. Contre-épreuve fournie par l’examen de la littérature italienne » pp. 155-182

Au cours de mille ans, les tentatives de constituer un royaume d’Italie n’ont pas manqué ; j’en rappelle quelques-unes : les Lombards étaient à la veille du triomphe définitif, lorsque le Pape appela les Francs ; au xiiie  siècle, Frédéric II eut certainement l’idée d’unifier l’Italie — il fut vaincu par Innocent IV ; Cola di Rienzi conçut une fédération italienne ; à l’époque de la Renaissance, plus d’un petit souverain, italien ou étranger, rêva d’être le « prince » invoqué par Machiavel ; les projets divers du Risorgimento sont bien connus… ; et toutes ces tentatives échouèrent par les intrigues du pape, devant les armées autrichiennes ou françaises. […] Les poètes et prophètes de ce qui sera le Risorgimento s’appellent Foscolo, Berchet, Pellico, Leopardi, Manzoni. […] Français, Allemands, Espagnols et Autrichiens, rois et papes, se sont coalisés pendant plus de mille ans pour asservir ce pays qu’on appela « la terre des morts ». Ces morts, qui s’appelaient Dante et Pétrarque, ont brisé la pierre des sépulcres ; Giusti l’avait prédit ; ils vivent aujourd’hui plus radieux que jamais, au cœur même de cette nation italienne qu’ils ont rêvée, qu’ils ont voulue, qu’ils ont créée, eux, les chefs d’une légion héroïque au service de l’Idée.

958. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIV. »

Mais, en retour, un dieu tout italique, ignoré de la Grèce, Janus, était appelé le dieu des dieux dans ces hymnes saliens dont Horace devait se moquer un jour. […] On lisait celle d’un certain Marcius, que Tite-Live appelle un devin illustre ; et, dans la citation rajeunie qu’il en fait, on peut reconnaître cette ancienne voix du sanctuaire que nous avons entendue de la bouche de Pindare. […] Le sujet sera pris encore d’Homère et du théâtre d’Athènes ; la pièce s’appellera du nom d’Alexandre qu’avait porté Paris ; et là sans doute, comme dans l’Agamemnon d’Eschyle, l’héroïne du drame sera Cassandre, prophétesse, amante et victime dévouée. […] Ce n’est ni dans la folie ni malgré moi qu’Apollon m’appelle à dire le destin.

959. (1890) Dramaturges et romanciers

Son Desgenais n’est pas un type, c’est ce qu’on appelle au théâtre et même dans le roman une grande utilité. […] Vous vous étiez condamné vous-même, exclu vous-même des hautes castes littéraires par le choix du genre bas et trivial appelé roman. […] Rivière la terreur fantastique et ce que nous appelons la réalité poétique. […] Feuillet a transporté le romantisme dans la vie de famille ; il a inventé ce que j’appellerai le romantisme conjugal. […] Quant au tempérament de cette âme, à ce qu’on pourrait appeler sa partie physiologique, M. 

960. (1902) Propos littéraires. Première série

Il voit retirer du canal une amoureuse désespérée, qui s’appelle Eva, et qui s’appellera plus tard Ophélie. […] Elle est ce que nous appelons une « virginaliste ». […] Celui-là, je l’appellerais plutôt le roman mélodramatique. […] Il les appelle des quasi-contrats. […] Il l’appelle le « Théâtre statique ».

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