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568. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Alphonse Daudet »

Il n’appartient plus, et nous espérons qu’il n’y retournera jamais, au Réalisme, dont son nouveau livre n’est ni entiché ni maculé… La Critique, heureuse de ce retour, tuerait le veau gras — si elle en avait un !  […] le pinceau, c’est-à-dire ce qui appartient le plus à l’artiste ; — le pinceau, qui est à lui plus intimement que la composition et l’idée même de son œuvre ; le pinceau, qui lui appartient autant que sa main dont il est le prolongement ; qui est fait de ses cheveux que des Dalila coupent toujours ; trempé dans la source de ses larmes, — de celles qu’il a versées ou de celles qu’il versera, — et coloré de son sang, rose quand il est heureux, et qui devient si noir après les expériences de la vie !

569. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Balzac » pp. 17-61

Mais par le fond, elle est sociale : et si toute observation bien faite n’était une conquête, j’oserais presque dire qu’elle ne lui appartient pas. […] Eu supposant qu’ils eussent influé sur l’animal « aux têtes frivoles » des salons et des boudoirs, auraient-ils assez régné sur la partie vraiment intellectuelle de la société à laquelle ils appartenaient pour que toute une littérature les reflétât et les caressât en les reflétant, comme un miroir d’Armide tenu par des mains amoureuses ? […] Cependant Homère est un grand, c’est-à-dire un poète qui n’appartenait pas à cette ère du monde où la bonhomie pût être développée dans l’esprit ou dans l’âme humaine, car elle correspond à la vieillesse de l’humanité.

570. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre II. Axiomes » pp. 24-74

. — Cette langue appartient à la science nouvelle ; guidés par elle, les philologues pourront se faire un vocabulaire intellectuel commun à toutes les langues mortes et vivantes. […] Dans cette loi agraire furent distingués les trois genres de possession qui peuvent appartenir aux trois sortes de personnes : domaine bonitaire appartenant aux Plébéiens ; domaine quiritaire appartenant aux Pères, conservé par les armes, et par conséquent noble ; domaine éminent, appartenant au corps souverain. […] La gloire du commerce maritime appartint en dernier lieu à ceux de Rhodes qui élevèrent à l’entrée de leur port le fameux colosse du Soleil.

571. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — II. (Fin.) » pp. 213-233

Loin de paraître toujours trop catholique, il y a des instants où elle a l’air de pencher à la religion réformée et de vouloir trop accorder à ce parti, et cela avec plus de sincérité peut-être qu’il ne lui appartient. […] Comme Patru, comme Maucroix et quelques camarades de cette date qui sont en dehors de l’Académie, Mézeray ne se transforme point : il continue d’appartenir à cette génération libre et familière d’avant Louis XIV.

572. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — II. (Fin.) » pp. 322-341

Sur les bords de l’Isère, apercevant les ruines du château Bayard : « Ici naquit Pierre Du Terrail, cet homme si simple, dit Beyle, qui, comme le marquis de Posa de Schiller, semble appartenir par l’élévation et la sérénité de l’âme à un siècle plus avancé que celui où il vécut. » Mais pourquoi, à la page suivante, en visitant le château de Tencin, Beyle, venant à nommer le cardinal Dubois, tente-t-il en deux mots une réhabilitation qui crie : « La France l’admirerait, dit-il de ce cardinal, s’il fût né grand seigneur ?  […] L’Abbesse de Castro, publiée d’abord dans la Revue des deux mondes (février et mars 1839), appartenait probablement à cette série d’historiettes sombres et sanglantes.

573. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) «  Œuvres de Chapelle et de Bachaumont  » pp. 36-55

Il appartenait à la même bourgeoisie parlementaire, étant le fils, mais le fils naturel, d’un maître des comptes appelé L’Huillier. […] En un mot, dans une classification (si elle est possible) des esprits, Chapelle me paraît appartenir à une tout autre famille, et à une famille moins noble.

574. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « De la poésie de la nature. De la poésie du foyer et de la famille » pp. 121-138

Passez donc sans retard à des scènes plus actives, rassemblez les vérités éparses que glane l’étude ; mêlez-vous au monde, mais à ce qu’il a de plus sage ; ne donnez plus tout votre cœur à une idole, votre cœur ne lui appartient pas, il ne vous appartient pas à vous-même… Il décrit aussi, et pour l’avoir trop cruellement éprouvée, la manie maladive et la mélancolie funeste se cachant dans la solitude et y méritant toutes les tendres sympathies de la pitié ; puis les délices d’une convalescence où l’on jouit avec attendrissement de chaque beauté de la nature comme à un réveil du monde.

575. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — II » pp. 18-34

De crainte que le passage subit de l’air doux et tempéré de la vie religieuse et solitaire à la zone torride du monde n’éprouvât trop mon âme, elle m’a amené, au sortir du saint asile, dans une maison élevée sur les confins des deux régions, où, sans être de la solitude, on n’appartient pas encore au monde ; une maison dont les croisées s’ouvrent d’un côté sur la plaine où s’agite le tumulte des hommes, et de l’autre sur le désert où chantent les serviteurs de Dieu ; d’un côté sur l’océan, et de l’autre sur les bois ; et cette figure est une réalité, car elle est bâtie sur le bord de la mer. […] Le talent est une tige qui s’implante volontiers dans la vertu, mais qui souvent aussi s’élance au-delà et la dépasse : il est même rare qu’il lui appartienne en entier au moment où il éclate ; ce n’est qu’au souffle de la passion qu’il livre tous ses parfums.

576. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire. »

Et quant à l’idée qui lui appartient ici en propre, de faire un Hamlet modèle de piété filiale, et de travailler à ce beau portrait comme un peintre de sainteté ferait « à un tableau d’autel », c’est bien l’idée la plus contraire à l’original et la plus anti-shakespearienne qui se puisse concevoir ; c’est un contre-sens à la Greuze. — Voici la seconde lettre à Garrick ; dans chacune, d’ailleurs, il y a quelque mot remarquable : « A Versailles, le 15 septembre (1772). […] C’est un bien qui appartient à votre femme, à vos enfants, à moi, à tous ceux qui vous aiment.

577. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

Le plaisir est un butin qui lui appartient ; partout où il le trouve, il s’en empare sans scrupules et en jouit sans remords. […] « Moins qu’à tout autre, je le sais, il m’appartient, en cette douloureuse circonstance, de prononcer ici les noms de la Religion et de la Raison ; aussi leur langage élevé n’est-il pas celui que je viens faire entendre, mais l’humble langage qui me convient… » Et il donnait quelques conseils pratiques, des conseils qui s’adressaient particulièrement aux témoins, seuls juges du cas d’inévitable extrémité auquel il fallait réduire de plus en plus cette odieuse pratique, débris persistant d’une autre époque.

578. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

Ajoutez qu’elle part de là tout aussitôt pour prêcher et moraliser : « Arrêtons-nous ici un moment, dit-elle, et que les mères considèrent avec effroi l’étendue de la vigilance qui leur est imposée ; tout conspire contre les tendres dépôts qui leur sont confiés, et la conservation de leur intégrité n’appartient qu’à une rare prudence… » Et voilà toute une leçon de vertu qui commence : il est bien temps ! […] Bosc avait eu d’abord à prendre garde de blesser bien des vivants qui n’étaient pas du groupe pur des Girondins et qui appartenaient à d’autres fractions moins tranchées de la Convention.

579. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

Dans son admiration enthousiaste pour Rome, ainsi que toute l’école à laquelle elle appartient, elle se vante et s’enorgueillit de tout ce qui sera un calque direct. […] Tutoyer ainsi un homme à qui on n’a pas appartenu, à qui on ne s’est pas donnée, est un peu rude.

580. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SÉVIGNÉ » pp. 2-21

Molière, La Fontaine, et Mme de Sévigné appartiennent à une génération littéraire qui précéda celle dont Racine et Boileau furent les chefs, et ils se distinguent de ces derniers par divers traits qui tiennent à la fois à la nature de leurs génies et à la date de leur venue. […] Il y en a cinq ou six dans cette contrariété. » Ces réminiscences un peu fades de pastorales et de romans sont naturelles sous son pinceau, et font agréablement ressortir tant de descriptions fraîches et neuves qui n’appartiennent qu’à elle : « Je suis venue ici (à Livry) achever les beaux jours, et dire adieu aux feuilles : elles sont encore toutes aux arbres, elles n’ont fait que changer de couleur ; au lieu d’être vertes, elles sont aurore, et de tant de sortes d’aurore que cela compose un brocard d’or riche et magnifique, que nous voulons trouver plus beau que du vert, quand ce ne seroit que pour changer. » Et quand elle est aux Rochers : « Je serois fort heureuse dans ces bois, si j’avois une feuille qui chantât : ah !

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