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856. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome II

L’Hippolyte d’Euripide est véritablement un animal farouche qui vit dans les bois : le poète grec a cru devoir présenter ce fils de l’Amazone tel que la fable le dépeint : il arrive avec fracas sur la scène, escorté d’une troupe de chasseurs qui, comme lui, viennent de faire la guerre aux sangliers et aux loups, et entonnent les louanges de Diane : on le prendrait pour un gentilhomme anglais revenant de la chasse du renard ; si ce n’est que les gentilshommes anglais, sans être galants, sont fort libertins, au lieu qu’Hippolyte n’est ni libertin ni galant ; il parle des femmes précisément comme le Misanthrope de Molière parle des hommes ; il a conçu pour tout le sexe une effroyable haine.

857. (1923) Paul Valéry

Je la verrai plutôt dans une conjonction du romantisme français et de la poésie anglaise. […] (Songez aux imaginations de ses Mots Anglais) Je suppose que si l’on comptait chez Hugo les vers assonancés ou allitérés, et généralement les deux, on arriverait au moins à 80 %. […] Après la mort de Mallarmé et même un peu avant, longtemps Valéry cessa d’écrire des vers (quelques articles dans l’Athenœum anglais et le Mercure furent toute sa production littéraire) ; il ne revint à la poésie que vingt ans après, en 1917, quand il publia la Jeune Parque. […] Il achève le Parnasse, ou plutôt il est, avec Mallarmé, avec certains poètes mineurs comme Stuart Merrill, de ceux qui achèvent le Parnasse, en faisant refluer sur le vers entier la rime de Banville, en l’ajourant, en l’enflammant d’assonances et d’allitérations (les noms de Mallarmé et de Stuart Merrill nous indiquent d’ailleurs quelle part a tenue dans cette révision de la technique l’influence de la poésie anglaise).

858. (1769) Les deux âges du goût et du génie français sous Louis XIV et sous Louis XV pp. -532

Le traducteur du théatre Anglais fut loué pour n’avoir traduit en vers que ce qui méritait de l’être ainsi ; pour n’avoir pas même traduit tout le reste en prose : enfin, pour avoir mis sous les yeux de ses compatriotes des richesses qui leur étaient inconnues, & dont ils ne sont redevables qu’à lui seul. […] Charles VII avait été sacré Roi à Rheims ; mais l’Anglais regnait encore dans Paris & sur une partie de la France ?

859. (1889) Impressions de théâtre. Troisième série

Elle nous a donné cette semaine deux petites pièces de genre du siècle dernier : le Cercle, de Poinsinet, et l’Anglais, de Patrat. […] L’Anglais ou le Fou raisonnable est un petit acte naïf, humoristique et touchant, qui sent en plein son Louis XVI. […] Pendant tout un siècle, les Français ont eu cette marotte d’attribuer aux Anglais le monopole de la « raison » : ils en avaient plein la bouche. […] Flegmatique, excentrique et spleenétique, comme tout bon Anglais doit l’être, il est, de plus, « bienfaisant » et « philosophe » comme un personnage de Diderot. […] C’était, en somme, le comique de Gil-Pérès, un comique sournois, bizarre et lugubre, de clown anglais, mais avec de l’esprit, de l’observation et un vif sentiment du pittoresque.

860. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

Il y a des œuvres qui sont trop françaises ou trop anglaises ou trop italiennes ; et il y a des œuvres qui sont trop Louis XIII ou trop Louis XV. […] Les Anglais seuls pensent, peuvent penser, doivent penser. […] À Grandval, Diderot fait cent questions au père Hoop sur le Parlement d’Angleterre, et tout ce que lui dit l’Anglais lui paraît extraordinaire. […] Il faut dire aussi que les amis anglais l’écartèrent un peu vite, et, vraiment, auraient pu faire pour lui un peu plus qu’ils n’ont fait. […] Et je ne le regrette pas, et même que c’était beau, je t’en réponds, nos campagnes : Inkermann, le siège, les Anglais avec nous, Palestro, Magenta !

861. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CLe entretien. Molière »

Nous savons que depuis quelque temps un engouement posthume se manifeste en faveur du grand poëte anglais, et que M.  […] Mais il continuait néanmoins le métier de son père, et il est vraisemblable que ces scènes de carnage d’une boucherie anglaise inspirent quelquefois à l’enfant des exclamations tragiques adressées aux cadavres des taureaux et des moutons immolés par sa main. […] Cela n’est point exagéré, c’est ainsi qu’est fait ce que les Anglais appellent l’infatuation, mot assez peu usité parmi nous, mais nécessaire pour exprimer un travers très-commun. — Le mot engouement exprime aussi très-bien cette passion des esprits faibles ; car, il faut le remarquer, l’infatuation ou l’engouement est une maladie de l’esprit ; le cœur n’y a aucune part: ainsi l’infatuation du comte de Galiano pour son singe, d’un roi pour son favori, et d’Orgon pour Tartuffe, sont des passions du même genre.

862. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1891 » pp. 197-291

Il parlait encore assez mal l’anglais et un de ces hommes lui enfonçait d’un coup de poing son chapeau sur les yeux. Il se mettait à boxer, et il avait heureusement affaire à un Anglais, ne sachant pas boxer, ne sachant pas porter un coup droit. […] » Rosny disait aujourd’hui, au Grenier, que d’après un travail assez sérieux, l’assassinat en moyenne ne rapportait guère que quinze francs, et que les scélérats anglais qui sont des gens pratiques, avaient absolument abandonné l’assassinat, pour le vol.

863. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1892 » pp. 3-94

Ce soir, une femme du monde, m’attaque gentiment sur l’horreur, professée dans mon Journal, pour le progrès dans les choses, me parlant de la vie magique, surnaturelle, que lui a faite le téléphone : « Tenez, il y a une heure, je causais à Londres avec un Anglais, pour une affaire que j’ai là-bas ; quand vous êtes entré, je m’entretenais avec ma sœur, à Marseille, lui disant que je vous attendais ; dans la journée, j’avais arrangé un mariage et un divorce… Hier j’étais fatiguée, je m’étais couchée de bonne heure, mais ne dormant pas, je me suis mise à causer avec un monsieur, dont j’aime l’esprit… mais un monsieur, que les convenances m’empêchent de recevoir fréquemment… N’est-ce pas, dit-elle, en riant, c’est singulier pour une femme, dans son lit, de causer avec un monsieur, qui est peut-être dans le même cas… Et vous savez, si le mari arrive, on jette le machin sous le lit, et il n’y voit que du feu. […] » Et l’Anglais demeurait au diable de Crystal Palace, près duquel gîtait Carrière, qui répondait imperturbablement : « Oh, je prendrai un cab à la petite place de voitures, qui est à côté. » Et il revenait à pied, et rentrait chez lui, tant c’était loin, à quatre heures du matin… « Ce qui m’a sauvé, jette-t-il, en manière de péroraison, c’est qu’il y avait chez moi, dans ma jeunesse, beaucoup d’animalité, de force animale. » Il me confessait qu’à Londres, il avait eu, tout le temps, un sentiment d’effroi du silence des foules. […] Et je m’étonne de ne plus trouver à la place de la boutique du bijoutier Ravaut ou du parfumeur Guerlain, la pharmacie anglaise qui était à la droite ou à la gauche de la grande porte cochère, qui porte le nº 15.

864. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Ma biographie »

Sa mère, fille d’un marin de Boulogne et d’une Anglaise, éleva le jeune enfant de concert avec une belle-sœur, une sœur de son père. […] Il eut depuis bien d’autres vicissitudes ; il fit un séjour forcé à Londres pour échapper à une accusation de complot à Paris sous cette même Restauration, où, lui dit son père, « ton avenir, avec mon nom, est désormais perdu en France. » II apprit l’anglais (qu’il sait si bien) en Angleterre, mais il n’a pas oublié non plus cette première rencontre de sa jeunesse (presque de l’enfance) avec M. 

865. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. BALLANCHE. » pp. 1-51

Le livre sur le Sentiment est composé en entier, non pas de chapitres, mais d’une suite de digressions ; l’auteur a voulu faire un jardin anglais, et il promène son lecteur à travers les rochers, les cascades, les groupes de statues sentimentales et autres pareils accidents. […] Je ne voudrais pourtant pas que cette Étude sur Ballanche finît sur un incident tout personnel, et pour laisser de l’éminent écrivain une idée plus précise encore et plus réelle que je ne pouvais la donner de son vivant, je crois ne pouvoir mieux faire que de traduire de l’anglais une ou deux pages qui le concernent dans un Essai intitulé Madame Récamier, dû à la plume spirituelle et juste de Mme Mohl.

866. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier »

Les Tristes, écrits dans des quarts d’heure de vie errante, ne sont qu’un recueil de différentes petites pièces (prose ou vers), originales ou imitées de l’allemand, de l’anglais, et qui sentent le lecteur familier d’Ossian et d’Young, le mélancolique glaneur dans tous les champs de la tombe. […] Le chevalier Herbert Croft, baronnet anglais, prisonnier de guerre à Amiens, où il s’occupait de travaux importants sur les classiques grecs, latins et français, eut besoin d’un secrétaire et d’un collaborateur : Nodier lui fut indiqué et fut agréé ; il obtint l’autorisation d’aller près de lui.

867. (1860) Cours familier de littérature. IX « XLIXe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier » pp. 6-80

Les bruits de cette illégitimité parvinrent aux oreilles des véritables héritiers du nom et de la fortune de Devonshire ; on menaça le père, la mère et le fils d’un procès ; les témoignages domestiques abondaient ; des scandales si compliqués auraient fait une explosion déplorable dans l’aristocratie anglaise. […] XIX Il y avait enfin le salon de la belle madame de Sainte-Aulaire, amie de madame la duchesse de Broglie et qui ne faisait qu’un avec le salon de son amie ; mais celui-ci était plus large et plus véritablement littéraire que le salon trop anglais de la fille de madame de Staël ; la littérature y tenait une bien plus grande place.

868. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (1re partie) » pp. 337-416

Le grand historien anglais Hume a pitié de ses agitations : il se dévoue à le conduire en Angleterre et à lui trouver, avec une pension du roi, un asile champêtre dans le plus beau site du royaume pour passer en paix le reste de ses jours. […] Incapable d’activité dans la foule, incapable de repos dans la solitude, recueilli par la famille de Girardin, à Ermenonville, dans un dernier ermitage, il y meurt d’une mort problématique, naturelle selon les uns, volontaire selon les autres : le mystère après la folie. — Le moins raisonnable et le plus grand des écrivains des idées des temps modernes repose, jeté par le hasard, sous des peupliers, dans une petite île d’un jardin anglais, aux portes d’une capitale, lui qui, dans sa mort comme dans sa vie, sembla le plus misanthrope des hommes en société, et le plus incapable de se passer de leur enthousiasme.

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