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482. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Pierre Corneille »

Parfaitement belle et spirituelle, connue de Corneille depuis l’enfance, il ne paraît pas qu’elle ait jamais répondu à son amour respectueux autrement que par une indulgente amitié. […] Simple, candide, embarrassé et timide en paroles ; assez gauche, mais fort sincère et respectueux en amour, Corneille adore une femme auprès de laquelle il échoue, et qui, après lui avoir donné quelque espoir, en épouse un autre. […] Et, toute mon amour en elle consommée, Je ne vois rien d’aimable après l’avoir aimée. […] Ses héroïnes, ses adorables furies, se ressemblent presque toutes : leur amour est subtil, combiné, alambiqué, et sort plus de la tête que du cœur. […] depuis sa rentrée au théâtre en 1659, et dans les pièces nombreuses de sa décadence, Attila, Bérénice, Pulchérie, Suréna, Corneille eut la manie de mêler l’amour à tout, comme La Fontaine Platon.

483. (1884) Les problèmes de l’esthétique contemporaine pp. -257

Or l’amour, croyons-nous, est plus ou moins présent au fond des principales émotions esthétiques. L’admiration même n’est-elle pas un amour qui commence et n’a-t-elle pas dans l’amour son achèvement, sa plénitude ? […] La pudeur est la poésie de l’amour : elle fait ressortir ce qu’elle dérobe. […] De même, si on peut dire que la pudeur est la poésie, de l’amour, on dira, avec non moins de raison, que c’est l’amour qui fait la poésie de la pudeur ; ici encore, le charme du mystère n’est que le désir de le pénétrer. […] La profondeur de l’amour, pour Musset, se mesure à la douleur même que l’amour produit et laisse en nous : aimer, c’est souffrir ; mais souffrir, c’est savoir.

484. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Desbordes-Valmore, Marceline (1786-1859) »

… Je ne l’ai connue qu’âgée, mais plus émue que jamais, troublée de sa fin prochaine, et (on aurait pn le dire) ivre de mort et d’amour. […] Ce long soupir, mouillé d’une larme qui tremble, Ma sœur, c’était ton âme, où l’âme humaine entend Vers l’infini gémir tous les amours ensemble. […] Goût de l’amour dès l’enfance, avant même de se douter de ce qu’est l’amour ; sentiment un peu sanglotant de la nature ; aspiration à se dévouer sans relâche, avec un secret contentement de souffrir pour son dévouement ; félicité de la meurtrissure sentimentale, optimisme extraordinairement vivace, abrité du scepticisme comme par une ouate de mélancolie douce… Ajoutez à ces dons naturels la vie la plus romanesque, romanesque jusqu’à l’invraisemblable, une gageure du destin tenue et gagnée contre les caprices de l’imagination : l’héritage sacrifié à la foi religieuse, les voyages tragiques, la guerre, la tempête, la séduction, l’abandon, le théâtre avec le succès d’abord, et bientôt la perte de la voix, la misère, la mort de l’enfant adoré, de quoi défrayer vingt romans conçus avec quelque économie.

485. (1870) La science et la conscience « Chapitre IV : La métaphysique »

Par conséquent faire le bien par amour, sous l’irrésistible aiguillon de la grâce intérieure, comme dirait un théologien, est un acte plus libre que de le faire avec choix et réflexion. […] Que l’amour soit supérieur à la volonté proprement dite par la puissance de ses mouvements, on peut l’admettre, au moins en beaucoup de cas ; mais il en est de même de l’instinct. […] L’amour, né du sentiment, est un phénomène d’un ordre bien supérieur ; pourtant, s’il réalise le bien, il ne fait pas l’acte de vertu. […] Commencer par la prière, l’amour, l’adoration, et finir par l’union, telle est la gradation nécessaire et légitime que suit l’âme religieuse. […] Ce n’est plus les objets étrangers qu’il nous ôte alors ; il nous arrache le moi qui était le centre de notre amour.

486. (1894) La bataille littéraire. Septième série (1893) pp. -307

Au milieu de son agonie, il apprend que cet enfant tant souhaité, le but, l’excuse de son amour, est sur le point de naître. […] Revanche d’amour L’idée de : Revanche d’amour, dernier roman de M. de Caters, n’est certes pas une idée banale. […] Bref, elle l’aime, et ce n’est pas d’amour filial, loin de là. […] Il en fut de cet amour-là comme de bien d’autres ; soit que celle à qui nous avions donné nos cœurs ait bien changé, soit que nous ayons changé nous-mêmes, il faut avouer que la passion n’y est plus, l’amour est devenu d’abord de l’amitié, puis de l’indifférence, nous en sommes aujourd’hui au vieux ménage. […] Hervieu, je trouve ce post-scriptum à une lettre de femme : « Écrivez-moi autant que vous pourrez d’amour, sans que cela contienne rien de tout à fait flagrant délit. » Cette prudence raffinée en amour ne fait-elle pas songer à celle de Mosca en politique ?

487. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Angellier, Auguste (1848-1911) »

Il comprend cent soixante-dix sonnets développant tout un roman d’amour qui commence par la floraison des aveux et des premières tendresses, se continue au bord des flots bleus, dans les monts, s’attriste d’une querelle, se poursuit en rêveries, devant la mélancolie des vagues grises, se termine enfin par le sacrifice, le deuil et l’acceptation virile qui n’est pas l’oubli… C’est bien l’histoire commune et éternelle des cœurs… C’est un véritable écrin que l’Amie perdue, un écrin plein de colliers et de bracelets pour l’adorée, et aussi de pleurs s’égrenant en rosaire harmonieux… C’est un des plus nobles livres d’amour que j’aie lus, parce qu’il est plein d’adorations et exempt de bassesses, parce que la joie et la douleur y sont chantées sur un mode toujours élevé, entre ciel et terre, comme le vol des cygnes qui ne s’abaisse pas même quand leur aile s’ensanglante d’une blessure… Je vous assure qu’il est là tel sonnet que les amants de tous les âges à venir, même le plus lointains, aimeront à relire, où ils retrouveront leur propre pensée et leur propre rêve, comme le doux André Chénier souhaitait qu’il en fût de ses vers d’amour… [Le Journal (26 juillet 1896).]

488. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Séverin, Fernand (1867-1931) »

Séverin, le parallèle entre son Chant dans l’ombre et le décor de « Psyché enlevée par les Amours » et de « l’Amour au tombeau ». […] Georges Barral Les trois parties des Poèmes ingénus de Fernand Séverin modulent délicieusement l’amour aux aveux chastement chuchotés et chantent harmonieusement les douces rêveries d’une âme sereine et solitaire.

489. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le marquis de la Fare, ou un paresseux. » pp. 389-408

Il était tendrement épris depuis quelque temps de l’aimable Mme de La Sablière, et croyait que cette passion qu’elle lui inspirait serait éternelle : Je sers une maîtresse illustre, aimable et sage ;         Amour, tu remplis mes souhaits : Pourquoi me laissais-tu, dans la fleur de mon âge, Ignorer ses vertus, ses grâces, ses attraits ? […] D’abord ils ne se quittaient pas, ils passaient douze heures ensemble ; puis, après quelques mois, ce ne fut que sept ou huit heures ; puis il fut évident que l’amour du jeu se glissait comme une distraction à la traverse. […]       Amour ! viens, vole à mon secours,       M’écriai-je dans ma souffrance ;       Prends pitié de mes derniers jours… Et il définissait cette dernière sorte d’amours qui lui étaient venus en aide, et qui étaient les moins célestes de tous, les plus libertins, si ce n’est les plus vulgaires : Heureux si de mes ans je puis finir le cours       Avec ces folâtres Amours ! […] C’est pour toi que le fils de Jupiter, Hercule, et les enfants de Léda ont supporté toutes leurs épreuves, proclamant par leurs actions ta puissance ; c’est par amour pour toi qu’Achille et Ajax sont descendus dans la demeure de Pluton.

490. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Histoire du roman dans l’Antiquité »

Il ne tarde pas à engager l’affaire qui marche vivement ; et ici se trouvent des scènes d’amour telles que les Anciens osaient les peindre ; les savants et les critiques érudits modernes qui ont à en parler font d’ordinaire les dégoûtés en public, et ils s’en donnent à lèche-doigt dans le cabinet. […] Oui, sans doute, dans Psyché, il y a cette idée vaguement répandue que, quand on est heureux, il n’est rien de plus sage que de cacher son bonheur ; que, dès qu’on a trop bien vu ce que c’est que l’amour, on court risque de le perdre : Tout est mystère dans l’amour, Ses flèches, son carquois, son flambeau, son enfance. […] Elle ne rappelle nullement, d’ailleurs, le sens et l’intention métaphysique qu’on lui prête : c’est un joli nom de femme que Psyché, comme qui dirait mon cœur, mon âme, mon amour. […] Psyché a désobéi à l’Amour, elle a cédé aux conseils perfides de ses deux méchantes sœurs jalouses ; elle a voulu voir de ses yeux le monstre qui était son époux ; elle l’a vu, elle l’aime de ce moment plus que jamais, mais au même instant elle l’éveille par la goutte d’huile brûlante qui tombe de sa lampe, et elle le perd. […] Venez, pleines de zèle et d’empressement, secourir une jeune beauté, épouse de l’Amour. » À l’instant, comme des vagues, s’agitent en se précipitant les unes à la suite des autres ces peuplades à six pieds.

491. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 193-236

Bien longtemps avant que le jour blanchît les montagnes de Lucques, je lavai sur mon visage la trace de mes larmes, je peignai mes blonds cheveux et je me regardai au miroir à la lueur de ma lampe, pour que ce jour-là, du moins, je fusse un peu belle pour l’amour de mon mari ; puis je mis ma chemise blanche de femme ornée d’une gorgère de dentelle sous ma veste d’homme, dont je laissai passer la broderie entre les boutons de mon gilet, afin que quelque chose au moins rappelât en moi la femme et m’embellît aux yeux de mon fiancé. […] qui vit jamais comme moi l’amour et la mort se confondre et s’entremêler tellement, que l’amour luttait avec la mort et que la mort était vaincue par l’amour. […] reprenais-je, ou ton amour va te coûter la vie. […] Elle ne se doutait pas que Fior d’Aliza portait dans son sein un gage d’amour et d’agonie, mais l’amour est plus fort que la mort, écrit le livre qui est là sur la fenêtre, dit-elle en montrant l’Imitation de Jésus-Christ ; elle savait seulement par l’évêque et par les moines que Fior d’Aliza avait été mariée et qu’elle ne consentirait jamais à laisser son mari se consumer seul dans la honte et dans la peine à Livourne, sans aller lui porter les consolations que la loi italienne autorise les femmes à porter à leur mari captif à la grille de leur cabanon ou dans les rigueurs de leurs chaînes, au milieu de leurs rudes travaux. […] …………………………………………………………………………………………………………… J’aurais voulu assister à cette scène de retour et de l’amour dans cette solitude ; puis, je réfléchis que le bonheur suprême a ses mystères comme les extrêmes douleurs que rien ne doit profaner à de tels moments et à de tels retours que l’œil de Dieu ; que je gênerais involontairement, malgré moi, l’échange de sentiments et de pensées qui allaient précipiter ce beau jeune homme des bras de sa sposa aux bras de son oncle et de sa mère dans des paroles et dans des silences que ma présence intimiderait et qui ne retrouveraient plus jamais l’occasion de se rencontrer dans la vie.

492. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre V »

Henri est l’ami de Sergines ; il a juré de le marier à sa sœur, qui lui a avoué son amour. […] L’amour se glisse, avec une pudeur exquise, dans le serrement de main et dans les paroles de cette réconciliation tendre et grave. […] On comprend cet amour subit, on comprend moins la conversion foudroyante qu’opère en lui l’homélie qu’il vient de mettre au net pour son sot patron. […] La baronne, qui a surpris l’amour de Maxime, le dénonce à sa petite église. […] Mais Giboyer vient troubler la béatitude du bourgeois qui fait la roue dans son triomphe : il lui annonce qu’un amour impossible force Maxime de s’exiler aux Etats-Unis.

493. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « La Mare au diable, La Petite Fadette, François le Champi, par George Sand. (1846-1850.) » pp. 351-370

« Il est écrit dans la loi de nature, remarque l’auteur, que de deux personnes qui s’aiment, soit d’amour, soit d’amitié, il y en a toujours une qui doit donner de son cœur plus que l’autre, qui doit y mettre plus du sien. » Les sympathies mystérieuses qui continuent, après la naissance, d’enchaîner ces deux êtres appartiennent à une physiologie obscure que l’auteur a sentie et devinée sans s’y trop enfoncer ; les superstitions populaires s’y mêlent sans invraisemblance. […] En allant voir Champi transporté à la scène, j’avais une crainte ; je craignais l’invraisemblance, une certaine indélicatesse à cet amour filial converti en amour, même conjugal et légitime. […] La femme, Madeleine Blanchet, ne se doute pas de cet amour, et la seule idée qu’elle puisse être aimée ainsi n’approche pas d’elle, sinon tout à la fin. […] En un mot, le mariage qui couronne le dévouement du Champi n’est pas un mariage d’amour, c’est un mariage à la fois de devoir, d’honneur et de tendresse. […] Je dirai du talent vrai, comme on l’a dit de l’amour, que c’est un grand recommenceur.

494. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « De la poésie et des poètes en 1852. » pp. 380-400

La poésie ne meurt pas : il y a des printemps, des générations qui naissent, qui se succèdent et qui amènent chacune avec elles leurs fleurs, leurs amours et leurs chants. […] Évariste Boulay-Paty, en publiant avec luxe ses Sonnets (1851), au nombre de trois cent trente-huit, dont il n’est pas un seul qui ne soit ciselé avec amour et avec une curiosité infinie, tient aujourd’hui la palme du genre. […] Ce chevreuil si bien dessiné, qui n’est ni tout à fait apprivoisé ni tout à fait sauvage, et qui ressemble à certains poètes, se sent saisi d’un plus violent désir de liberté dans la saison des amours. […] Il a fait représenter bientôt après, au Théâtre-Français, une assez jolie petite comédie en vers, L’Amour et son train, mais il n’a pas continué. […] ne regardez pas trop au fond de la littérature, vous tous qui l’aimez d’un amour virginal, honnête et simple !

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