Nous n’avons pas à littérairement rendre compte d’un livre qui n’est qu’une action et même une succession d’actions, car c’est une succession d’aveux.
Comme idée, elle doit résister à leur action dévorante. […] Il a son action et sa réaction, comme toute chose.
Les Grecs prenaient encore αρα dans le sens de vœu, action de dévouer, parce que les premières victimes saturni hostiæ, les premiers αναθήματα, diris devoti, furent immolés sur les premières Aræ, dans le sens où nous prenons ce mot. […] En cela la langue grecque répond à la langue latine : ἄρα, vœu, action de dévouer veut dire aussi noxa, la personne ou la chose coupable, et de plus diræ, les Furies.
La mémoire de cet Auteur & de ses Ouvrages devroit être la proie du plus profond oubli ; mais les extravagances rendent quelquefois aussi célebre, que les actions les plus sages & les plus vertueuses.
GÉRARD, [Philippe-Louis] Chanoine de Saint Louis du Louvre, né à Paris en 1732 ; Auteur d’un Roman en Lettres, intitulé le Comte de Valmont, où les principes de la Philosophie du siecle sont mis en action de la maniere la plus capable d’en faire sentir les dangers.
Quand on les lit, il est aisé d’y remarquer beaucoup d’incorrections dans le style, qui pouvoient être moins sensibles dans le débit, où la chaleur de l’action cache & fait même pardonner les négligences de la composition.
Tout gouvernement est une intelligence en travail et une morale en action. […] « 5º Enfin la bonne foi, ce grand jour réciproque qui permet aux hommes en société de voir clairement dans le cœur et dans les actions les uns des autres… (N’est-ce pas ce que nous appelons l’opinion ?) […] « S’il sent qu’il ait assez de droiture et de fermeté pour remplir les grands emplois, il ne les refuse point quand on les lui présente ; il les reçoit avec actions de grâces, et fait tous ses efforts pour les remplir dignement. […] L’eût-on grièvement offensé, ou par des paroles injurieuses, ou par des actions insultantes, il ne donne aucun signe de colère ou de haine ; et son extérieur, serein et tranquille, est une preuve non équivoque de la tranquillité d’âme dont il jouit. […] Si, par quelque action éclatante ou par quelque ouvrage important, il mérite bien de la patrie, il ne fait pas valoir ses services dans la vue d’en être récompensé ; il attend modestement et avec patience que la libéralité du prince se déploie en sa faveur ; et s’il arrive que, dans la distribution des grâces, on l’ait oublié, il ne s’en plaint pas, il n’en murmure pas.
Enfin, ce que les contemporains racontent de son action, achève d’expliquer son succès, un des plus éclatants qu’ait obtenus la parole humaine. […] La qualité maîtresse de l’éloquence, l’action, qui paraît avoir été éminente en Bourdaloue, ajoutait à cet effet. […] Les sermons de Bourdaloue, sans l’action de l’orateur, sans la méthode, perdent encore, pour nous qui les lisons, l’effet des hardiesses fameuses de sa morale et de la généreuse audace de ses allusions. […] Mais en nettoyant le discours de toute affectation, en voulant qu’un écrit fût d’abord la plus honorable des actions, la théorie de la raison rendait les auteurs un peu timides, et leur faisait craindre leur imagination comme une tentation du bel esprit. […] L’un nous montre leur impuissance pour notre bonheur ; l’autre, leur étroite affinité avec nos travers et nos vices ; celui-ci, l’obstacle incessant qu’elles font à notre paix avec nous-mêmes et avec les autres ; celui-là, leur présence, soit visible, soit inaperçue, dans toutes nos actions et toutes nos pensées.
On ne conçoit pas que le poème si puissamment original de Wagner ait pu exercer une action aussi nulle et inspirer cette espèce de feuilleton rimé de petit journal. […] Et il le chante sur une phrase strictement parallèle à celle de Woglinde, ses mots formant une rigoureuse antithèse aux siens : il ne renonce pas à l’amour, il ne peut y renoncer ; c’est au contraire l’amour qui le contraint d’agir et qui lui donne la force d’arracher l’épée ; ici il invoque l’amour, pour ainsi dire, et en même temps il semble faire retomber sur lui la responsabilité de son action. Toute la suite du drame découle de ce moment, de cette action ; c’est elle qui entraîne toutes les catastrophes qui vont suivre, et c’est l’Amour qui en est l’irrésistible principe : ou voit l’importance de la rentrée du thème musical dans la voix. […] Comme on le comprendra par la suite, cette division est extrêmement importante, car le motif énoncé est comme la formule impassible de l’idée du Drame, indépendamment du Drame lui-même, ou, si l’on veut, du Gral avant et après Parsifal : et il contient en germe tous les éléments de l’action musicale qui en sortiront par des altérations successives de son impassibilité et de sa précision. […] Ce motif marque l’action de la grâce sur Kundry.
Il nous dit que quand il est triste, mal disposé, vingt vers du poète Pouchkine le retirent de l’affaissement, le remontent, le surexcitent : cela lui donne l’attendrissement admiratif qu’il n’éprouve pour aucune des grandes et généreuses actions. […] Autrefois ça m’aurait été égal, je me serais dit : je m’arrangerai pour être dans un autre compartiment, puis à la rigueur si je n’avais pu éviter mon monsieur désagréable, je me serais soulagé en l’engueulant, maintenant ce n’est plus cela, rien que l’appréhension de la chose, ça me donne un battement de cœur… Tenez, entrons dans un café, je vais écrire à mon domestique, que je reviens demain. » Et là, devant la paille d’un Soyer : « Non, je ne suis plus susceptible de supporter un embêtement quelconque… Les notaires de Rouen me regardent comme un toqué… vous concevez, pour les affaires de partage, je leur disais : Qu’ils prennent tout ce qu’ils veulent ; mais qu’on ne me parle de rien, j’aime mieux être volé qu’être agacé, et c’est comme cela pour tout, pour les éditeurs… L’action, maintenant, j’ai pour l’action une paresse qui n’a pas de nom, il n’y a absolument que l’action du travail qui me reste. » La lettre écrite et cachetée, il s’écrie : « Je suis heureux comme un homme qui a fait une couillonnade ! […] Dès ce temps, il avait une action sur la jeunesse des écoles. […] Il me prend sérieusement envie de faire absolument le mort : toute action, tout travail, étant punis par des choses désagréables à l’épigastre.
Comme on le reconnaît par ces exemples, il n’y a guère chez Tolstoï de descriptions pures ; la nature n’est pour lui que le théâtre des actions humaines, un milieu montré dans la mesure où il modifie et détermine les sensations, les volontés et conditionne les actes. […] Dans l’exécution de son œuvre Tolstoï réalise, à rencontre de tous les romanciers idéalistes, l’une des principales lois de toute vitalité et de toute vivification : il a su reconnaître et montrer d’instinct qu’un être ne peut être décrit dans les limites bornées d’une série cohérente et dramatique d’incidents, d’une, action que la multiplicité des faits physiques et psychiques dont il est le centre déborde, que l’homme est du plus au moins toujours un microcosme complet, divers, désuni, d’une infinie variété ; qu’ainsi le roman, s’il veut être l’image et contenir tout l’intérêt et l’importance de la vie, doit être complexe, nombreux et diffus comme elle ; construite sur cette intuition profonde, l’œuvre perdra en fini, en concentration artificielle d’effet, en unité factice des caractères ; mais elle pourra se hausser à la variété frémissante et nuancée des vrais faits et des vraies âmes, au point de déployer la même richesse de contrastes et subtils développements, que la nature où les individus ne sont en définitive que des centres réflecteurs sous un angle défini de toutes choses, des particules essentiellement participantes. […] L’auteur est donc contraint, pour donner essor à la multiplicité d’images, d’actes et d’âmes qui le hante, à traiter négligemment le récit, les descriptions, les expositions successives, les narrations, et à compliquer autant que le lui permettront ses notions traditionnelles de l’art d’écrire, la série des actions, des intrigues diverses de ses romans pour arriver, par cet artifice, à présenter ses nombreux personnages presque simultanément et parallèlement. […] Les êtres passent et repassent ; ils vivent, changent, déploient peu à peu la trajectoire de leur carrière et de leur nature ; entre le dehors et leur dedans s’établit ce jeu d’actions et de réactions d’atteintes et de résistances qu’est la vie ; le lecteur assiste à l’essor graduel et au déclin de leur nature ; et si magistral est l’art avec lequel la diversité des phases altère et ménage la permanence indélébile des individus, ils sont À chaque tournant du récit montrés autres et mêmes avec une si incontestable évidence de réalité, que ce cours de variations de carrières diverses, d’âmes changeantes de visages nouveaux, d’événements successifs, finit d’entraîner mystérieusement le lecteur dans leur muet tourbillon d’apparences et d’ombres. […] Plus profondément encore et plus généralement, ses personnages sont animés et animent de bonté, de toutes tes passions bienfaisantes de pitié, d’union, de pardon, de concorde, de serviabilité, qui rendent possible et précieuse la vie en commun ; ils sont pénétrés et pénètrent de ce profond sérieux moral, de cette attitude attentive et virile devant les grands problèmes de la vie, de la constante méditation de son terme et de son but qui porte à relier les actions humaines à des principes, à un système de vérités universellement catégoriques.
À toutes ses questions le comte de Foix répond volontiers, et il promet à l’historien pour son ouvrage un crédit dans l’avenir et une fortune que nulle autre histoire ne lui disputera : « Et la raison en est, disait-il, beau Maître, que depuis cinquante ans en çà sont advenus plus de faits d’armes et de merveilles au monde qu’il n’en étoit de trois cents ans auparavant. » Encouragé par un tel suffrage, Froissart s’applique de plus en plus à mettre son langage au niveau des actions qu’il a à raconter ; car il n’a rien tant à cœur que d’étendre et rehausser sa matière, dit-il, et d’exemplier (enseigner par des exemples) les bons qui se désirent avancer par armes. […] Ce que le Prince Noir fit à Poitiers auprès du roi Jean, Froissart le fait en toute circonstance à l’égard des personnages qu’il introduit et dont il expose les actions. […] Le charmant poète Gray qui, dans sa solitude mélancolique de Cambridge, étudiait tant de choses avec originalité et avec goût, écrivait à un ami en 1760 : Froissart (quoique je n’y aie plongé que çà et là par endroits) est un de mes livres favoris : il me semble étrange que des gens qui achèteraient au poids de l’or une douzaine de portraits originaux de cette époque pour orner une galerie, ne jettent jamais les yeux sur tant de tableaux mouvants de la vie, des actions, des mœurs et des pensées de leurs ancêtres, peints sur place avec de simples mais fortes couleurs.
La vertu qui lui manque, c’est de n’avoir pas appris que la première condition pour bien vivre est de savoir porter l’ennui, cette privation confuse, l’absence d’une vie plus agréable et plus conforme à nos goûts ; c’est de ne pas savoir se résigner tout bas sans rien faire paraître, de ne pas se créer à elle-même, soit dans l’amour de son enfant, soit dans une action utile sur ceux qui l’entourent, un emploi de son activité, une attache, un préservatif, un but. […] Mais je raisonne, et l’auteur de Madame Bovary n’a prétendu que nous montrer jour par jour, minute par minute, son personnage en pensée et en action. […] Jusque-là, le roman n’a fait que préluder : ce n’est que depuis l’installation à Yonville que la partie s’engage et que l’action, moyennant toujours application et accompagnement d’analyse, avance à pas moins lents.