Quand Voltaire blasphémait Jésus-Christ, il ne bégayait pas. […] Benjamin Constant, qui n’avait pas dans ses livres le merveilleux esprit qu’il avait de plain-pied dans la vie, l’avait en vain revêtue de ces formes les plus sveltes et les plus clairement brillantes que l’on eût vues depuis Voltaire ; elle n’en était pas moins tombée dans l’oubli avec le silence des choses légères, car il faut de la consistance pour, même en tombant, retentir ! […] À l’ombre des formules logiques d’Hegel, de ce prince de la formule… et des ténèbres, il ne dit pas l’infâme, comme l’avait dit Voltaire, cette coquette ou plutôt cette coquine d’impiété.
Quant au dieu de Béranger, c’est un dieu indulgent, facile, laissant beaucoup dire, souriant aux treilles de l’abbaye de Thélème , n’excommuniant pas l’abbé Mathurin Regnier, pardonnant à l’auteur de Joconde, même avant son cilice ; c’est un dieu comme Franklin est venu s’en faire un en France, comme Voltaire le rêvait en ses meilleurs moments, lorsque, d’une âme émue, il écrivait : Si vous voulez que j’aime encore… Théologie, sensibilité, peinture extérieure, on voit donc que chez Béranger tout est vraiment marqué au coin gaulois : qu’on ajoute à cela un bon sens aussi net, aussi sûr, mais plus délié que dans Boileau, et l’on sentira quel poëte de pure race nous possédons, dans un temps où nos plus beaux génies ont inévitablement, ce semble, quelque teinte germanique ou espagnole, quelque réminiscence byronienne ou dantesque. […] J’ai peu à dire de la préface dont tout le monde aura admiré le ton simple, l’aisance délicate, et cette clarté vive et continue qui caractérise la prose de Voltaire.
N’oublions point, toutefois, que bien des rapports d’inclinations et même de talent le liaient à Chapelle et à Chaulieu ; que, jusqu’au temps de sa conversion, il venait fréquemment deviser et boire sous les marronniers du Temple, à la même table où s’assirent plus tard Jean-Baptiste Rousseau et le jeune Voltaire ; et que ce dernier surtout, vif, brillant, frivole, puisa au sein de cette société joyeuse, où circulait l’esprit des deux Régences, certaines habitudes gauloises de licence, de malice et de gaieté, qui firent de lui, selon le mot de Chaulieu, un successeur de Villon, quoiqu’à dire vrai Voltaire n’eût peut-être jamais lu Villon, et que, pour un convive du Temple, il parlât trop lestement de La Fontaine… 196.
La pleine décadence du Théâtre-Français, le décri absolu où est tombé surtout l’ancien genre tragique, l’ennui profond que causent à la scène, non pas seulement tant de plates amplifications de notre temps, non pas même ces tragédies de Voltaire décorées du nom de chefs-d’œuvre, mais jusqu’aux pièces si belles et si accomplies de Racine, tout cela peut se déplorer avec plus ou moins d’affliction et d’amertume, mais à coup sûr ne saurait plus se nier. […] Si nous n’avions pas les deux Chambres, et si nous en étions encore à la monarchie de Louis XIV ou de Louis XV, qu’aurions-nous à réclamer de mieux, je le demande, que les admirables analyses sentimentales de Racine ou les drames philosophiques de Voltaire ?
Car enfin Voltaire et les encyclopédistes ne l’ont jamais eue. […] Il s’y trouve du Racine, du Voltaire, du Flaubert, du Renan, et c’est toujours de l’Anatole France.
« Il faut bien distinguer, dit Voltaire, entre la géométrie utile et la géométrie curieuse… Carrez des courbes tant qu’il vous plaira, vous montrerez une extrême sagacité. […] Archimède doit sa gloire à Polybe, et Voltaire a créé parmi nous la renommée de Newton.
Les comédies de Molière ont dû être écrites pour un peuple éclairé ; celles de Lachaussée, de Diderot, de Voltaire, l’ont été pour un peuple raisonneur. […] Sous le siècle de Molière, la bourgeoisie cherche à s’élever ; sous le siècle de Voltaire, c’est la noblesse qui aspire à descendre ; l’un a fait de M.
Cette femme absolument sans esprit, malgré son espèce de talent, et dont on a osé placer la statue là où Voltaire seul, ce Dominateur par l’esprit, a la sienne, n’a jamais, au fond, inspiré, comme Voltaire, d’enthousiasme à personne, malgré ses succès.
Voltaire, puisqu’il faut l’appeler par son nom, cet odieux détracteur de notre sainte Pucelle, en parlant des Français quelque part, peut-être dans ces lettres à Frédéric qui sont des crimes contre la patrie, avait écrit le vers qui devait égarer l’opinion et plus tard changer la tactique : Le Français qu’on attaque est à demi vaincu. […] L’Empire eut de si grands revers après de si prodigieuses victoires, que le mot de Voltaire resta toujours, — même après Napoléon, — comme s’il était une vérité.
… Était-ce une raison pour essayer, de cette main de vieux journaliste désarmé de son journal, l’œuvre difficile qui tenta Balzac dans le plein de sa maturité, et que Voltaire, qui l’a toujours ratée, appelait une œuvre du démon, quoiqu’il fût pourtant assez bien avec le diable pour y réussir ? […] Il grappille à Voltaire, avec son nom d’Adam, la plaisanterie du premier homme du monde.
Voltaire et le dix-huitième siècle sont pourtant sortis de chez eux ! […] Mais, enfin, l’éducation qui avait suffi jusque-là ne suffisait donc plus pour que Voltaire devînt… ce qu’il est devenu, malgré ses maîtres, et que le dix-huitième siècle fût possible ?
Il fut de mon avis, & il me demanda ce que je pensois de ses démêlés avec Voltaire. […] Il m’ajouta que le roi de Prusse craignit toujours la plume de Voltaire, & que ce fut le seul motif qui l’engagea à lui récrire. […] Fréron, contre les ouvrages de Voltaire. […] On sait que Voltaire injurioit volontiers ceux qui lui déplaisoient, & que ses injures n’avoient d’autre esprit que celui des halles…. […] On ridiculise, disoit Voltaire, celui qui ridiculise ; chacun à son tour, & c’est un commerce de ridicule où l’esprit s’épuise.
Ainsi, depuis le dix-huitième siècle, et spécialement depuis Voltaire, la poésie française a parlé le langage des philosophes, et même a pénétré dans le domaine des sciences physiques.