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1182. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXIXe entretien. Tacite (2e partie) » pp. 105-184

Vêtu, en effet, d’une saie gauloise de diverses couleurs et de braies, vêtement étranger, il osait donner audience ainsi à des citoyens en toges. […] « Combien n’avait-il pas fallu d’efforts à son fils pour l’empêcher de pénétrer dans le conseil, et de venir répondre elle-même aux ambassadeurs des nations étrangères.

1183. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIe entretien. La passion désintéressée du beau dans la littérature et dans l’art. Phidias, par Louis de Ronchaud (1re partie) » pp. 177-240

Ils se disent à eux-mêmes : Voilà quelqu’un qui n’a pas les mêmes objets que nous en vue dans ses sorties à travers nos rues et nos places publiques ; voilà un étranger à nos intérêts d’ici-bas, voilà le feu sacré qui passe et qui nous coudoie sans nous voir. […] Ce qu’on appelle l’originalité, c’est-à-dire ce sens du terroir qui donne une sève étrangère aux esprits d’une race peu mêlée aux autres races, est le cachet des écrivains, des publicistes, des poètes francs-comtois, beaucoup de bon sens mêlé à beaucoup de rêves.

1184. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (3e partie) » pp. 365-427

Il dit que “si jamais d’insignifiants bavards, étrangers à toute connaissance mathématique, avaient la prétention de porter un jugement sur son ouvrage, en torturant à dessein quelque passage des saintes Écritures ( propter aliquem locum Scripturæ male ad suum propositum detortum ), il méprisera ces vaines attaques. […] C’est là une question étrangère à cet ouvrage. » Peut-on plus clairement proscrire la seule idée raisonnable ?

1185. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 257-320

Des chemins étroits, encaissés par les murs des podere et par le lit des torrents, mènent en serpentant à ces villas, où les grands seigneurs de Florence, de Pise, de Lucques, et les ambassadeurs étrangers passent dans les plaisirs les mois d’automne. […] — Tiens, ma fille, dit-elle à sa nièce en s’interrompant, ouvre donc le coffre de bois, et montre à l’étranger les trois dernières zampognes qu’ils ont fabriquées ainsi avant la mort de mon pauvre mari.

1186. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxive Entretien. Réminiscence littéraire. Œuvres de Clotilde de Surville »

Les émigrés royalistes avaient suivi les princes fugitifs à l’étranger. […] Tout ce que l’émigré nous racontait de la vie de Clotilde dans sa terre de l’Ardèche, et des malheurs de son petit-fils M. de Surville, découvrait ces chefs-d’œuvre inconnus d’une existence de son vieux château, de son long exil sur la terre étrangère, et de sa mort héroïque couronnant une si noble existence, toute cette vie de son aïeule dans ce pays reculé, sauvage, alpestre, au milieu des rochers, des torrents et d’une population d’habitants dont elle était la sœur et la mère, enfin toute cette poésie si longtemps ensevelie avec elle dans cet oubli, et ne ressortant que sous la pieuse et chevaleresque curiosité d’un arrière-petit-fils, nous faisaient rêver à tous des destinées semblables.

1187. (1839) Considérations sur Werther et en général sur la poésie de notre époque pp. 430-451

» Puisque tout est doute aujourd’hui dans l’âme de l’homme, les poètes qui expriment ce doute sont les vrais représentants de leur époque ; et ceux qui font de l’art uniquement pour faire de l’art sont comme des étrangers qui, venus on ne sait d’où, feraient entendre des instruments bizarres au milieu d’un peuple étonné, ou qui chanteraient dans une langue inconnue à des funérailles. […] D’un côté, l’esprit du matérialisme le pénètre : il est disciple de Voltaire, de Diderot, de Buffon, de tout le Dix-Huitième Siècle ; d’un autre côté, l’esprit mystique qui séduit Lavater, qui illumine Swedenborgf, qui inspire Lessing et Jacobi, ne lui est pas étranger.

1188. (1920) Enquête : Pourquoi aucun des grands poètes de langue française n’est-il du Midi ? (Les Marges)

Mais est-ce que vous ne trouvez pas qu’il y a là quelque chose d’un peu humiliant pour le français, qui a su s’imposer au choix de poètes étrangers comme Verhaeren et Mme de Noailles et qui n’a pas su se faire préférer des poètes de Narbonnaise et d’Aquitaine ? […] les poètes nés dans le Midi qui ont cru pouvoir rendre en français les émotions de leur nature provençale ont changé leur flûte pour un violon étranger.

1189. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre I. Le broyeur de lin  (1876) »

Rien de plus respectable que ce noble de campagne quand il restait paysan, étranger à l’intrigue et au souci de s’enrichir ; mais, quand il venait à la ville, il perdait presque toutes ses qualités, et ne contribuait plus que médiocrement à l’éducation intellectuelle et morale du pays. […] Tréguier, en peu d’années, redevint ce que l’avait fait saint Tudwal treize cents ans auparavant, une ville tout ecclésiastique, étrangère au commerce, à l’industrie, un vaste monastère où nul bruit du dehors ne pénétrait, où l’on appelait vanité ce que les autres hommes poursuivent, et où ce que les laïques appellent chimère passait pour la seule réalité.

1190. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VII. Repos »

Artiste enfin complet, elle peut non seulement se dire tout entière, mais encore, sans risque de tomber, sortir de son âme, créer par art des êtres qui lui sont étrangers et les agiter en gestes naturels qui lui déplaisent. […] » Elles se dressent, beautés étonnantes, barbares, étrangères aux modes du jour, blessantes au médiocre qui lit.

1191. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VI »

On sent qu’il a pour toutes les professions étrangères aux chiffres et à la chicane, le mépris qu’ont les paysans pour les métiers où l’on ne sue pas. […] Les filles aiment les bandits, mais elles les lâchent quand ils se font prendre. « Passons à l’étranger, dit timidement d’Estrigaud ; — Passez-y seul, mon cher, réplique Navarette, vous n’êtes plus un parti pour moi. — Hein ?

1192. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre deuxième. Le développement de la volonté »

. — Sans doute, mais c’est que le désir naît, d’une part, de profondeurs étrangères à notre pensée et à notre conscience claire, d’autre part, d’idées objectives qui s’imposent à nous par les lois de l’association ; quand nous voulons, au contraire, c’est l’idée même de notre moi et de notre indépendance subjective qui devient le motif directeur de l’acte : la conscience du moi se voit donc produire elle-même la volition, au moins dans ce qu’elle a de raisonné et d’intelligent. […] Dans l’un des cas, la force qui entraîne est en grande partie étrangère au moi intelligent ; dans l’autre, elle est le moi lui-même avec sa puissance acquise sur soi.

1193. (1904) En méthode à l’œuvre

Prémisses Mais, de n’être pas étrangère au sens originel de Savoir et de Poésie que détiennent en leur intuition ainsi que monstreuse de toute la ventrée omphalienne des Vérités, les Livres aux signes occultes et sacrés, — ou les Védas et l’Avesta, ou la légende de Tao, et l’Histoire des Soleils sur l’empire de Mexitli, — dont perdure une âme moins universellement éperdue en la Théogonie d’Hésiode et le De natura : apparaissant insolite aux poésies de moderne concept, — méditation du poète conscient d’Unité et apporteur de Sanction qu’il me plut être, dès la prime aventure en la vie de l’esprit ma haine du Hasard dit ainsi…   Aux pleines ondes sans dessous de vertige de notre histoire poétique, qui hier seulement devint un résumant torrent qui retentit, pour clore des temps, à des descentes d’éternités, — de sensation, d’émotion et de sentiment presque unanimement a été, même si elle se leurre des généralités de philosophies spiritualistes, a été métaphoriques exaltations au sortir de l’Inconscient et selon le tourment de volupté ou de douleur de spontanés et d’égotistes organismes poétiques en transports de génie, la Poésie. […]   Mais encore, pour l’entière assimilation, est-il nécessaire que ne viennent pas en éléments étrangers à nos vues instrumentales, mais qu’elles leur soient précisément indispensables, les lettres-Consonnes.

1194. (1857) Cours familier de littérature. III « XVe entretien. Épisode » pp. 161-239

J’entendais les voix dans l’enclos : je savais que c’étaient les voix d’étrangers venus de loin pour acheter le domaine, qui arpentaient les allées encore empreintes de nos pas, qui sondaient les murs encore chauds de nos tendresses de famille, et qui appréciaient les arbres, nos contemporains et nos amis, dont l’ombre et les fruits allaient désormais verdir et mûrir pour d’autres que pour nous ! […] Vous savez que j’ai ajouté à ce cimetière ombragé de vieux noyers, un petit coin de terre retranché au jardin, afin que ce petit coin de terre, dont j’ai fait don au village, fût à la fois la propriété de la mort et la propriété de la famille, et que, si la nécessité nous dépouillait un jour de l’habitation et du domaine de Saint-Point, cette nécessité ne fît pas du moins passer ce domaine des morts dans les mains d’une famille étrangère ou d’un propriétaire indifférent.

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