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1257. (1858) Cours familier de littérature. V « XXXe entretien. La musique de Mozart (2e partie) » pp. 361-440

On comprend, à de tels accents du beau page et de la comtesse, associant leur talent prédestiné au génie du Chérubin de la musique, on comprend que les religions antiques et modernes aient fait des concerts divins une des éternelles béatitudes du ciel, sans doute parce qu’il n’y a que les anges dignes de les chanter. […] Semblable au poète français Gilbert, qui chanta mourant sa propre mort, Mozart se chanta à lui-même l’éternelle paix sur son lit d’agonie dans son Requiem.

1258. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVe entretien » pp. 317-396

À l’une des extrémités de ce terrain ils élevèrent trois monticules en forme de dôme, dont celui du milieu, plus élevé que les autres, devait servir de signe de reconnaissance au tombeau ; ils y plantèrent, en signe de vie renouvelée et éternelle, un arbre, l’arbre Kiai. […] Quant à nous, Européens, qu’avons-nous à représenter que l’inconstance, les versatilités, les courtes grandeurs, les chutes profondes, les progrès rapides, les décadences soudaines, les péripéties éternelles de principes contraires et de mouvements sans repos ?

1259. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre » pp. 393-472

Chacun de ces êtres occupe le centre d’une sphère d’activité dont le diamètre varie au gré de l’éternel Géomètre qui sait étendre, restreindre ou diriger sans contraindre la nature. […] Aujourd’hui cet argument s’est tourné en preuve palpable de la justice éternelle.

1260. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIIIe entretien. Littérature politique. Machiavel (2e partie) » pp. 321-414

L’extinction de la nationalité génoise sera un deuil pour l’Italie et un reproche éternel à l’équité du congrès de Vienne. […] Effacée enfin du rang des souverainetés italiennes par Bonaparte, comme éternelle complice de l’Autriche, elle se relègue elle-même sur son rocher royal de Sardaigne, où nos ressentiments ne peuvent la suivre.

1261. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (3e partie) et Adolphe Dumas » pp. 65-144

Avance résolument dans cette voie, les yeux uniquement fixés sur l’Éternel qui a formé le monde ; le voici tel que la parole l’a jadis représenté. […] Nous ne parlions plus politique ; nous parlions littérature, poésie, amitié, choses éternelles.

1262. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (2e partie) » pp. 161-239

Des titres et des mots, des chiffres et un numérotage éternel, qui ne parle ni à l’âme ni à la pensée. […] ton œuvre éternelle, ton œuvre vivante, animée dans toutes ses parties ?

1263. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. Causes physiologiques et psychologiques du plaisir et de la douleur »

Dès lors, l’accroissement progressif du plaisir serait impossible : je ne pourrais jamais que combler le vide produit par la peine, emplir le tonneau des Danaïdes de l’éternelle souffrance. […] La douleur n’est donc point, comme le soutiennent Schopenhauer et de Hartmann, l’éternelle et irrémédiable condition des êtres, sorte de damnation, enfer d’où le monde ne pourrait sortir que par l’anéantissement de soi.

1264. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1887 » pp. 165-228

Longue attente, dans ce roulement de voitures du boulevard Saint-Germain, dans ce bruit et cette trépidation de la vie parisienne, pendant laquelle vous vous demandez, si bientôt quelques mots, quelques paroles de l’homme qui est derrière la porte, ne vont pas, tout à coup, éveiller chez vous l’idée du silence éternel. […] Au bout de rues, qui ont l’air de rues de faubourg de province, où l’on cherche un lupanar, une maison honnêtement bourgeoise, où se trouve toute pleine une pauvre petite salle de théâtre ; une salle à la composition curieuse, et qui n’est pas l’éternelle composition des grands théâtres : des femmes, maîtresses ou épouses de littérateurs et de peintres, des modèles, — enfin un public, que Porel baptise : un public d’atelier.

1265. (1767) Salon de 1767 « Peintures — La Grenée » pp. 90-121

Le petit duc de Bourgogne, tout nu, mais avec le cordon bleu, suspendu dans les airs au centre de la toile, environné de lumière, présente la couronne éternelle à son père. […] Fais cependant, ô Vénus, que les fureurs de la guerre cessent sur les terres, sur les mers, sur l’univers entier ; car c’est toi seule qui peux donner la paix aux mortels ; car c’est sur ton sein que le terrible dieu des batailles vient respirer de ses travaux ; c’est dans tes bras qu’il se rejette et qu’il est retenu par la blessure d’un trait éternel.

1266. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVIII. J.-M. Audin. Œuvres complètes : Vies de Luther, de Calvin, de Léon X, d’Henri VIII, etc. » pp. 369-425

Éternel écueil de cette tête éminente, le côté d’art qui attire Audin, ce côté sentimental et extérieur, a énervé, en bien des points, une sévérité nécessaire. […] L’antagonisme de la foi et de la raison, cet antagonisme profond comme l’homme et comme sa chute et qui est toute la métaphysique du catholicisme, — la lutte éternelle de ces deux principes dans le monde, — la nécessité, même pour la foi, de la puissance temporelle de la Papauté, contrairement à l’idée moderne que la Papauté gagnerait en autorité parmi les peuples en reprenant la robe déchirée de saint Pierre et en retournant aux Catacombes, — l’envahissement des dignités ecclésiastiques par les puînés des grandes maisons séculières, — le transport du saint-siège à Avignon, ces deux fautes que la papauté a rachetées en les payant avec des malheurs, — enfin cette préparation incessante, énorme et troublée du protestantisme, qui, si Luther avait manqué, se serait appelé d’un autre nom, tout cet ensemble, complet sinon de détail, au moins de déduction et de contour, promet et indique la main d’un maître.

1267. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — I. » pp. 1-19

Celui-là aimera Massillon, qui aime mieux le juste et le noble que le nouveau, qui préfère le naturel élégant au grandiose un peu brusque ; qui, dans l’ordre de l’esprit, se complaît avant tout à la riche fertilité et à la culture, à la modération ornée, à l’ampleur ingénieuse, à un certain calme et à un certain repos jusque dans le mouvement, et qui ne se lasse point de ces lieux communs éternels de morale que l’humanité n’épuisera jamais.

1268. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — I. » pp. 162-179

Il la perdit après peu d’années de mariage, et tomba dans un abattement et un désespoir qu’il crut éternel ; on lui doit cette justice qu’il fit tout son effort pour conserver et consacrer cette disposition d’âme, et il eût volontiers écrit alors à M. de Tréville, ou à tel autre de ses amis avancé dans la pénitence, cette belle parole qui résume toute la piété d’un deuil vertueux : « Priez Dieu d’accroître mon courage et de me laisser ma douleur. » On a dans plusieurs lettres de lui, et dans des réflexions écrites en ce temps-là, l’expression très naturelle et très vive de ses sentiments ; il s’écriait : Dieu a rompu la seule chaîne qui m’attachait au monde ; je n’ai plus rien à y faire qu’à mourir ; je regarde la mort comme un moment heureux… Que je me trouve jeune !

1269. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — III. (Suite et fin.) » pp. 454-472

Dans l’épilogue qui termine le chant VIe et que je veux citer pour exemple du ton, l’auteur se représente comme ayant passé la nuit à méditer sur ces astres sans nombre et sur tout ce qu’ils soulèvent de mystères, jusqu’au moment où l’aube naissante les fait déjà pâlir et quand, à côté de lui, l’insecte s’éveille au premier rayon du soleil : Ainsi m’abandonnant à ces graves pensées, J’oubliais les clartés dans les Cieux effacées : Vénus avait pâli devant l’astre du jour Dont la terre en silence attendait le retour ; Avide explorateur durant la nuit obscure, J’assistais au réveil de toute la nature : L’horizon s’enflammait, le calice des fleurs Exhalait ses parfums, revêtait ses couleurs ; Deux insectes posés sur la coupe charmante S’enivraient de plaisir, et leur aile brillante Par ses doux battements renvoyait tous les feux De ce soleil nouveau qui se levait pour eux ; Et je disais : « Devant le Créateur des mondes « Rien n’est grand, n’est petit sous ces voûtes profondes, « Et dans cet univers, dans cette immensité « Où s’abîme l’esprit et l’œil épouvanté, « Des astres éternels à l’insecte éphémère « Tout n’est qu’attraction, feu, merveille, mystère. » Ce sont là des vers français qui me font l’effet de ce qu’étaient les bons vers latins du chancelier de L’Hôpital et de ces doctes hommes politiques du xvie  siècle s’occupant, se délassant avec gravité encore, dans leur maison des champs, comme faisait M. 

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