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27. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Maintenon. » pp. 369-388

Placée dans un couvent à Niort, puis à Paris, élevée par charité, la jeune d’Aubigné, devenue tout à fait orpheline, connut à chaque instant tout le poids de la dépendance. […] Je ne me souciais point de richesse ; j’étais élevée de cent piques au-dessus de l’intérêt : je voulais de l’honneur. […] Avec sa parole qui servait si bien son esprit merveilleusement droit, elle définissait sa position, un jour qu’à Saint-Cyr on remarquait autour d’elle, en la voyant se fatiguer à la marche et ne pas se ménager, qu’elle ne se comportait pas comme les grands : « C’est que je ne suis pas grande, répliqua-t-elle, je suis seulement élevée. » De tous les portraits de Mme de Maintenon, celui qui nous la montre le mieux dans cette attitude dernière et réfléchie d’une grandeur voilée, est, selon moi, un portrait qui se voit à Versailles dans les appartements de la reine (nº 2258) : elle a plus de cinquante ans, elle est tout en noir, belle encore, grave, d’un embonpoint modéré, d’un front élevé et majestueux sous le voile. […] Telle était Mme de Maintenon à demi reine, imposante à la fois et contenue, celle qui disait : « Ma condition ne se montre jamais à moi par ce qu’elle a d’éclatant, mais toujours par ce qu’elle a de pénible et de sombre. » Dans cette position élevée, quel service Mme de Maintenon a-t-elle rendu à Louis XIV et à la France ? […] Ces filles sont élevées de manière qu’il faudrait, de toutes, en faire des dames du palais, sans quoi elles sont malheureuses et impertinentes51. » Je ne serais pas étonné, en effet, que, dans cette institution formée sous l’influence unique de Mme de Maintenon, il ne se fût glissé un peu de vaine gloire.

28. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXV. Mort de Jésus. »

Elle était peu élevée, si bien que les pieds du condamné touchaient presque à terre. […] La seconde considération, c’est qu’on pouvait avoir, pour se guider, du temps de Constantin, les restes d’un édifice, le temple de Vénus sur le Golgotha, élevé par Adrien. […] XLIX, ad Paulin.), disent bien qu’il y avait un sanctuaire de Vénus sur l’emplacement qu’ils croient être celui du saint tombeau ; mais il n’est pas sûr : 1° qu’Adrien l’ait élevé ; 2° qu’il l’ait élevé sur un endroit qui s’appelait de son temps « Golgotha » ; 3° qu’il ait eu l’intention de l’élever à la place où Jésus souffrit la mort.

29. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Paix et la Trêve de Dieu »

Le clergé n’est donc pas seul l’Église, comme l’entend l’ignorante philosophie qui a mis en poudre le diamant de la notion catéchistique, et comme l’entend Ernest Semichon, qui vaut mieux qu’elle, mais qui a été élevé par la philosophie, et dont le livre, fécond en confusions inouïes, porte au front cette confusion mère. […] Ce n’est pas uniquement parce qu’il aime et respecte l’Église qu’il la range toujours du côté des petits, mais c’est aussi, et peut-être bien plus, parce qu’il n’aime pas ces féodaux et ces nobles, envers lesquels pourtant la démocratie qui s’est élevée jusqu’à l’honneur d’écrire est tenue d’être juste aujourd’hui. […] Pour avoir feuilleté quelques chroniques du Moyen Âge, il avait été frappé de l’importance de ce fait inconnu à l’antiquité ; le point d’honneur, et il avait élevé sur cette notion extraordinaire la conception abstraite de sa monarchie. […] Le grand homme qui avait régné si longtemps, élevé de si grandes choses, mis en avant de tout l’Église, incrusté l’ordre à une si énorme profondeur dans le sol de sa société, avait armé ses successeurs de son influence, et, grâce à eux, il échauffa encore le monde comme l’échauffe le soleil après qu’il en est disparu.

30. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Alexis de Tocqueville »

La Course au lac d’Onéida et les Quinze jours dans le Désert sont, il est vrai, des relations plus intéressantes et plus sincères, mais elles ne sont pourtant, l’une et l’autre, que la relation d’un homme bien élevé, qui voyage et qui écrit comme tous les hommes bien élevés. […] Du reste, ce que nous avons dit de la Course au lac d’Onéida et des Quinze jours au Désert, il faut le dire de toutes les lettres et de l’ensemble des deux volumes : c’est le langage d’un homme bien élevé, mais qui ressemble trop au langage de tous les hommes qui sont bien élevés.

31. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Alfred de Vigny. »

Élevé à l’institution Hix, d’où il suivait le lycée Bonaparte, le jeune de Vigny eut de bonne heure les instincts militaires et poétiques. […] » Il ne lui manqua pour parvenir aux grades les plus élevés qu’une santé plus aguerrie, le temps, l’occasion, et un moindre talent qui le sollicitât ailleurs. […] Pasquier en ses Mémoires, tous ceux qui ont vu et su se sont élevés contre cette transmutation de la vérité. […] Molé, en face d’un talent élevé, mais amoureux d’illusions et sujet aux chimères. […] Quand on vient de lire ce dernier volume de M. de Vigny et de s’y rafraîchir l’idée et la mémoire de son talent, on comprend le cas que les esprits élevés et ceux même des nouvelles écoles philosophiques ou religieuses font et feront de lui.

32. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

Dans la première les sentiments avaient un caractère de généralité simple, pur, élevé ; ils sont devenus dans la seconde plus riches, plus profonds, plus intimes. […] L’obligation fondée sur un choix libre et volontaire, qui unit à l’homme la compagne de sa vie, est d’un ordre plus élevé que le lien nécessaire par lequel un enfant tient à ses parents. […] Libre et contenant en lui-même sa fin, il a, dans son indépendance, son propre sens moral, son propre sens religieux, grave, élevé, profond203. […] Molière maintient, comme lui, son théâtre sur ce terrain élevé et solide, qui est celui de l’art classique. […] C’est la figure la plus libre et la plus élevée du théâtre de Molière. — L’avarice est un excellent thème de comédie.

33. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre VIII. La question de gout ce qui reste en dehors de la science » pp. 84-103

A cette formule, autour de laquelle nous n’avons cessé de tourner : Il y a pour une œuvre littéraire (à ne considérer que ses qualités intérieures) cinq ordres différents de beauté ; elle est supérieure, si elle possède à un degré très élevé une des qualités essentielles à l’un de ces ordres ou, à un degré suffisamment élevé, la plupart des qualités qu’il comporte. […] Car, s’il est vrai qu’une œuvre est déjà supérieure pour s’être mise hors de pair dans un seul des ordres de beauté que nous avons distingués, il est évident qu’elle sera plus remarquable encore, si elle occupe un rang élevé dans plusieurs ou dans tous. […] Il illustre sa pensée par une série de comparaisons32 : « Le troisième étage d’une maison bourgeoise peut être plus élevé au-dessus du sol que le premier d’un palais. […] Supposons après cela qu’une œuvre appartenant à un ordre supérieur soit supérieure elle-même dans cet ordre et qu’elle ait de plus à un degré élevé ou du moins suffisant les qualités d’ordre inférieur qui lui sont nécessaires ; nous pouvons dire qu’elle aura une valeur plus haute que les œuvres les plus parfaites dont la beauté serait purement sensorielle, sentimentale ou intellectuelle. […] Une œuvre littéraire est donc essentiellement expressive de la vie et elle est plus ou moins belle, selon qu’elle exprime, par des moyens plus ou moins appropriés à ses fins générales ou particulières, une vie plus ou moins intense, complexe, originale et élevée.

34. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Le duc de Lauzun. » pp. 287-308

Mais le Lauzun de Louis XVI, élevé sur les genoux de Mme de Pompadour et mort duc de Biron sur l’échafaud révolutionnaire, mérite bien un chapitre à part, et ce chapitre peut ne pas être aussi frivole qu’on le croirait. […] Armand-Louis de Gontaut-Biron, né en avril 1747, perdit sa mère en naissant, et fut élevé dans le boudoir de Mme de Pompadour, dont son père était l’un des grands courtisans. […] Mais ici on a droit d’interrompre la personne du monde qui juge de la sorte si à la légère, et de lui dire : « Non, madame, il n’est au pouvoir d’aucun homme, si élevé qu’il soit par son nom et son influence, de récuser ainsi et de mettre à néant d’un trait de plume des indiscrétions, fussent-elles scandaleuses et préjudiciables à tout un ordre de la société. […] Je n’ai voulu ici que faire entrevoir cette façon de les considérer ; il est, en toutes choses, une conclusion élevée et raisonnable, qu’il ne faut jamais perdre de vue. […] Elle s’en cachait comme d’une affection coupable, et que son mari a toujours ignorée… Elle était grande, bien faite, extrêmement fraîche ; mais de gros yeux qui n’y voyaient pas, et où il était impossible de démêler tout ce qu’elle avait de mérite et d’esprit, la déparaient un peu… Mme de Biron, pure, délicate, extrêmement timide, d’un caractère doux et sage, ne laissait voir que dans l’intimité un esprit aussi élevé qu’original.

35. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Monsieur de Bonald, (Article Bonald, dans Les Prophètes du passé, par M. Barbey d’Aurevilly, 1851.) » pp. 427-449

Ce livre de Bonald appartenait à cette littérature française du temps du Directoire et extérieure à la France, qui se signala par de mémorables écrits et des protestations élevées contre les productions du dedans : cette littérature extérieure produisait de son côté, à Neuchâtel en Suisse, les Considérations de Joseph de Maistre sur la Révolution française, 1796 ; à Constance, le livre de Bonald ; à Hambourg, la Correspondance politique de Mallet du Pan en cette même année 1796, et Le Spectateur du Nord, brillamment rédigé par Rivarol, l’abbé de Pradt, l’abbé Louis, etc. ; à Londres, l’Essai sur les révolutions de Chateaubriand, 1797. […] C’est sur cette doctrine, chez lui fondamentale, et qui est le résultat du raisonnement comme la donnée de la foi, qu’il va discourir jusqu’au dernier jour, dire, redire sans cesse et répéter (car s’il est l’homme qui varie le moins, il est celui qui se répète le plus), et enchaîner toutes sortes de pensées élevées, fines ou fortes, souvent malsonnantes et tout à fait fausses, mais le plus souvent vraies encore d’une vérité historique relative au passé. […] Je vais droit au défaut capital et radical du talent élevé de M. de Bonald, et que, même dans les hautes et sévères doctrines qu’il professait, il aurait certes pu éviter. […] Comme dans un siège méthodique, il chasse et repousse l’ennemi le long des tranchées mêmes que celui-ci a pratiquées, et c’est ainsi qu’il revient par une voie étroite à une philosophie élevée. […] Et ceci encore : Des sentiments élevés, des affections vives, des goûts simples, font un homme.

36. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — II. (Suite et fin.) » pp. 341-361

Dans cette formation du parti libéral où il entrait alors tant d’éléments divers, Courier reste ce qu’il était de tout temps, le plus antibonapartiste possible, ennemi des grands gouvernants, se faisant l’avocat du paysan, l’homme de la commune, prêchant l’économie, parlant contre la manie des places, voulant de gouvernement le moins possible, faisant des sorties contre la Cour et les gens de cour toutes les fois qu’il y a lieu, méconnaissant ce qu’il y a eu de grand, d’utile, de nécessaire dans l’établissement des Louis XIV, des Richelieu, des grands directeurs de nations, disant en propres termes, pour son dernier mot et son idéal : « La nation enfin ferait marcher le gouvernement comme un cocher qu’on paie, et qui doit nous mener, non où il veut, ni comme il veut, mais où nous prétendons aller, et par le chemin qui nous convient » ; disant encore, et cette fois plus sensément : Il y a chez nous une classe moins élevée (que les courtisans), quoique mieux élevée, qui ne meurt pour personne, et qui, sans dévouement, fait tout ce qui se fait ; bâtit, cultive, fabrique autant qu’il est permis ; lit, médite, calcule, invente, perfectionne les arts, sait tout ce qu’on sait à présent, et sait aussi se battre, si se battre est une science. […] Ne demandons point à Courier une théorie politique constitutionnelle un peu élevée et compliquée, qui concilie jusqu’à un certain point les souvenirs anciens avec les intérêts nouveaux, et qui cherche à donner un point d’appui social à toutes les gloires. […] Dans sa Pétition pour des villageois, qui est une pièce des plus achevées, il se pose tout à fait en vieux soldat laboureur, devenu bûcheron et vigneron, ami de la vieille gloire nationale ; et, quand ce jeune curé d’Azay ou de Fondettes, sorti du séminaire de Tours où il a été élevé par un frère Picpus, interdit la danse sur la place de l’endroit, Courier s’écrie : Ainsi, l’horreur de ces jeunes gens pour le plus simple amusement, leur vient du triste Picpus, qui lui-même tient d’ailleurs sa morale farouche. […] Dans le dialogue original et vif qu’on supposerait de l’un à l’autre, ils ne seraient d’accord que sur le Jupiter Olympien et contre Napoléon ; tous deux hommes d’humeur et ne voyant qu’un côté des choses ; mais Quatremère de Quincy plus élevé, et, au nom même de l’art antique et de la religion du goût, faisant honte à Courier de sa popularité politique, de mettre ainsi un talent d’Athénien au service des gens de La Minerve, et d’avoir pu dire sérieusement, dans une lettre adressée au Drapeau blanc : « Le peuple m’aime ; et savez-vous, monsieur, ce que vaut cette amitié ? […] Mais, cinq années après, comme elle passait à cheval près du lieu funeste qu’elle évitait d’ordinaire et où un monument avait été élevé, le cheval eut peur, fit un écart et faillit la renverser.

37. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — II. (Fin.) » pp. 350-370

Entre toutes celles qui pouvaient convenir à une âme élevée, à un homme public jeté avant l’heure dans la retraite, il n’en était point de plus digne assurément que de considérer l’idée religieuse dans ses rapports essentiels avec le maintien de la société. […] Son livre est rempli de vues élevées ou fines, mais sous forme un peu compacte ; il est fait pour être lu et médité par des hommes de pensée et de réflexion plutôt que par l’ordinaire du public ; il n’a rien qui se détache ni qui frappe ; l’auteur continue d’être abstrait, tout en sentant que l’abstrait ne prend point et n’est pas le plus court chemin pour arriver à l’effet qu’il désire. […] Necker intervient dans la guerre ouverte entre les incrédules et les intolérants de tout genre dont il était environné, comme un médiateur honnête, sensé, sincère, éloquent même à la longue, si l’on consent à l’écouter ; il dira de toutes les manières à ceux qu’il s’efforce de ramener : Un homme sage ne se permet jamais de semer la tristesse et le découragement, pour la ridicule vanité de se montrer un peu élevé au-dessus des opinions communes, ou pour le plaisir de faire des distinctions plus ou moins ingénieuses sur quelques parties de la religion établie. […] Necker un esprit élevé, étendu, compliqué et fin, avec un grand fonds de moralité et d’onction ; son livre Sur l’administration de M.  […] Les ouvrages qu’il composa depuis à titre de spectateur, et qui ont pour objet la Révolution française observée dans les diverses phases de son développement, contiennent quantité de vues justes, élevées, ingénieuses, et les plus honorables désirs.

38. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Réception de M. Vitet à l’Académie française. »

Empêché par les lois mêmes de la célébration et de la transformation académique de serrer son sujet de trop près, l’ayant toujours en présence, mais à distance, il s’est élevé sans en sortir. […] Un bon sens élevé, éloquent, règne dans tout ce discours si bien pensé et si littéraire par l’expression comme par l’inspiration. […] Au discours du récipiendaire, l’un des plus élevés et des plus généreux qu’on ait entendus, M. le comte Molé a répondu, au nom de l’Académie, avec le goût qu’on lui connaît. […] Molé ne trouverait à y opposer, a-t-il dit, que le « for intérieur du promeneur pensif et solitaire, auquel notre vie, notre civilisation active et compliquée fait chercher, avant tout, le calme, le silence et la fraîcheur. » Analysant avec détail le beau travail sur Lesueur et sur les révolutions de l’art, insistant sur l’accord mémorable avec lequel ces trois jeunes gens, Poussin, Champagne et Lesueur, se dégagèrent du factice des écoles et vinrent retremper l’art dans le sentiment intérieur et dans la nature, le directeur de l’Académie a fait entendre de nobles et bien justes paroles : « Constatons-le, a-t-il dit, ces trois hommes étaient de mœurs pures, d’une âme élevée ; tout en eux était d’accord.

39. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre III. Des éloges chez tous les premiers peuples. »

La louange élevée vers la divinité descendit bientôt jusqu’à l’homme. […] J’ai cinquante et une fois élevé l’étendard des batailles ; j’ai appris dans ma jeunesse à teindre une épée de sang ; mon espérance était alors qu’aucun roi, parmi les hommes, ne serait plus vaillant que moi. […] Il est temps de finir mes chants ; les déesses m’invitent, elles s’avancent ; Odin, de son palais, les a envoyées vers moi ; je serai assis sur un siège élevé, et les déesses de la mort me verseront le breuvage immortel.

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