C’est donc autour de ceux qui nous rappellent à ces grands exemples, qu’il faut nous hâter de nous rallier, si nous voulons échapper à la barbarie. […] La jeune femme semble vouloir imiter les ondulations gracieuses des bouleaux de son désert, et le jeune homme les murmures plaintifs qui s’échappent de leurs cimes. […] Rien n’est plus touchant et en même temps plus triste que les plaintes involontaires qui échappent quelquefois au véritable talent. […] Vous aurez beau raconter ses œuvres de la manière la plus touchante, vous ne peindrez jamais que son humanité ; sa divinité vous échappera. […] Ceux même qui ont été assez heureux pour échapper à cette contagion des esprits, ont attesté toute la violence qu’ils ont soufferte.
C’est beaucoup ; mais selon nous ce n’est pas tout : la partie sérieuse et mélancolique d’Arnolphe échappe à Duparai. […] comme le rire et les larmes s’échappent alternativement des moindres paroles ! […] Scribe, la popularité qui lui échappe. […] a-t-elle calculé le nombre de sinécures qui lui échapperaient par un pareil choix ? […] Les plus belles odes ne valent pas pour lui un mot parti du cœur, un cri échappé des entrailles.
Il n’y emportait aucune fortune, à peine le nécessaire pour quelques années d’exil ; mais il y emportait ses prodigieux talents de diplomate, son don d’à-propos, son aptitude à choisir l’heure juste des retours, sa résolution à ne rien laisser échapper des moindres avances de la meilleure fortune. […] XIX Ces considérations étaient trop justes pour échapper à ce diplomate inné, décidé à se rendre nécessaire à tous les gouvernements acceptables de sa patrie. […] Il médite d’échapper le plus tôt possible à la responsabilité d’une diplomatie qui méconnaît les intérêts permanents de la France pour des intérêts transitoires qu’une bataille crée et qu’une autre bataille détruit. « Ce n’est plus un ministre qu’il faut à l’empereur, dit-il, ce sont des commis. » À travers la victoire, il voit la perte de tout système français, en Turquie comme en Allemagne. […] Tel était ce caractère, toujours recueilli dans son silence, et qui ne laissait échapper son grand sens que dans des mots qui donnaient à réfléchir, parce qu’ils étaient eux-mêmes profondément réfléchis.
« Mais son cœur lui échappe et s’attache à une fausse image de l’amour. […] C’est à un souvenir de ce moment que se rapporte la pièce de vers suivante, dans laquelle on a tâché de rassembler quelques impressions déjà anciennes, et de reproduire, quoique bien faiblement, quelques mots échappés au poète, en les entourant de traits qui peuvent le peindre. — À lui, au sein des mers brillantes où ils ne lui parviendront pas, nous les lui envoyons, ces vers, comme un vœu d’ami dans le voyage. » Un jour, c’était au temps des oisives années, Aux dernières saisons, de poésie ornées Et d’art, avant l’orage où tout s’est dispersé, Et dont le vaste flot, quoique rapetissé, Avec les rois déchus, les trônes à la nage. […] » Et le discours bientôt sur quelque autre pensée Échappa, comme une onde au caprice laissée ; Mais ce qu’ainsi la bouche aux vents avait jeté, Mon souvenir profond l’a depuis médité. […] Le cri de tendre douleur qui lui échappa alors, il l’a mis dans la bouche de son berger Mélibée, et ce cri retentit encore dans nos cœurs après des siècles : « Est-ce que jamais plus il ne me sera donné, après un long temps, revoyant ma terre paternelle et le toit couvert de chaume de ma pauvre maison, après quelques étés, de me dire en les contemplant : “C’était pourtant là mon domaine et mon royaume !
lui dit Connal, tu es le bienvenu au milieu de tes amis ; mais pourquoi ce soupir étouffé s’échappe-t-il du sein d’un guerrier qui, jamais, n’avait connu la peur ? […] Allez, qu’ils n’échappent pas à mon épée en fuyant sur les vagues du Nord : car combien de guerriers de la race d’Erin sont ici couchés sur le lit de mort ! […] Que chaque chef des amis de Fingal choisisse et attaque sa troupe d’ennemis ; et qu’en dépit de ce front menaçant qu’ils nous opposent, nul d’eux n’échappe sur les flots d’Inistore. — Moi, dit Gaul, je me charge des sept chefs qui sont venus du lac de Lano. — Que le sombre roi d’Inistore, dit Oscar, soit abandonné à l’épée du fils d’Ossian, — Confiez à la mienne le roi d’Inistore, dit Conna au cœur d’acier… — Ou Mudin ou moi, dit Dermid, dormira sous la terre. — Et moi, qui maintenant suis aveugle et faible, je choisis le belliqueux roi de Terman. […] « — Non, répondit le roi de Morven, jamais tu ne seras percé de ma main : je veux que ton épouse te revoie encore sur les bords du Loda, échappe des mains de la guerre ; je veux que ton vieux père, que, peut-être, la vieillesse a déjà privé de la vue, entende du moins ta voix dans sa demeure… Il se lèvera plein de joie, et ses mains errantes chercheront son fils.
Par elle, nous échappons au désir, tout occupés dans l’action incessante et normale. […] Wellgunde plonge vers le rocher et cherche à attraper Woglinde, qui lui échappe. […] tu échappes ? […] Il s’apprête, par un effort désespéré, à la chasse ; il grimpe rocher après rocher, courant, ci après une ; ça après une autre des Filles qui, avec des rires moqueurs, toujours lui échappent… Il trébuche, tombe, se relève et remonte plusieurs fois, jusque ce qu’en fin patience le laisse ; de fureur écumant, essoufflé, il s’arrête, et tend son poing vers les Filles.
Echappé des enfers, il me chasse affamée, à travers les sables marins ! […] Nul entre les dieux ne pourra lui enseigner un sûr moyen d’échapper à ce péril. […] » — « Ta raison se trouble, tu délires. » — « Qu’il dure donc ce délire, si c’en est un de haïr ses ennemis. » — Un gémissement lui échappe entre ces défis : « Ah ! […] Angoisses de l’homme luttant contre des lois implacables dont le plan échappe à sa vue, protestations de la conscience indignée par les triomphes du mal et l’injustice distributive de la destinée, alternatives d’immenses espérances et de désespoirs infinis, attente anxieuse d’un ordre meilleur qui recule à mesure que le pressentiment s’en approche ; Prométhée est resté le prophète permanent, la voix inextinguible de ces cris de l’âme.
Par là on introduit en nous une perpétuelle « vicissitude » dont les tronçons décousus échappent à tout lien de souvenir, une féerie de changements à vue qui est une série d’annihilations et de créations : chaque pensée meurt au moment où elle naît, tout est toujours nouveau en nous, et la conception de la durée se trouve impossible. […] S’il s’agit d’un objet agréable, il y a cette impression de manque qui se traduit par le regret, il y a l’attitude de la volonté qui voudrait retenir ce qui lui échappe. […] Il s’efforce de tirer à lui la proie qui va lui échapper : voilà le futur. Il la laisse échapper et ne la tient plus, voilà le passé ; il la ressaisit et la dévore, voilà le présent.
Mais le nombre des états que chacune de ces modifications atteint est plus ou moins considérable, et quoique nous ne les comptions pas explicitement, nous savons bien si notre joie pénètre toutes nos impressions de la journée, par exemple, ou si quelques-unes y échappent. […] « Une frayeur intense, dit Herbert Spencer 9, s’exprime par des cris, des efforts pour se cacher ou s’échapper, des palpitations et du tremblement. » Nous allons plus loin, et nous soutenons que ces mouvements font partie de la frayeur même : par eux la frayeur devient une émotion, susceptible de passer par des degrés différents d’intensité. […] Darwin a tracé une peinture saisissante des réactions consécutives à une douleur de plus en plus aiguë : « Elle pousse l’animal à exécuter les efforts les plus violents et les plus variés pour échapper à la cause qui la produit… Dans la souffrance intense, la bouche se contracte fortement, les lèvres se crispent, les dents se serrent. […] Analysez l’idée que vous vous faites d’une souffrance que vous déclarez extrême : n’entendez-vous pas par là qu’elle est insupportable, c’est-à-dire qu’elle incite l’organisme à mille actions diverses pour y échapper ?
Par une transition soudaine, nous avons échappé à son éclat éblouissant, et nous sommes entrés tout d’un coup dans un plus frais climat. […] qu’il est doux, disait-il quelque part, dans la retraite (d’un soir d’hiver), à travers le trou de sa serrure, de guetter le monde tel qu’il est fait, de voir tout le remuement de cette Babel et de ne point sentir la foule. » Mais il avait trop de sensibilité, de patriotisme, de mouvements humains et chrétiens pour en restera cet état de spectateur amusé, et il s’échappait à tout instant en élancements et en effusions douloureuses qui peuvent sembler aujourd’hui toucher à la déclamation, mais qui, à les bien prendre et à les saisir dans leur jet, étaient surtout des à-propos éloquents.
Le président Hénault n’était pas de force à remplir de tels cadres ; il se plaisait pourtant à les concevoir, à les proposer aux autres, et on doit lui en savoir gré : Il se plaît à démêler dans toutes sortes de genres, a dit Mme Du Deffand, les beautés et les finesses qui échappent au commun du monde ; la chaleur avec laquelle il les fait valoir fait quelquefois penser qu’il les préfère à ce qui est universellement trouvé beau ; mais ce ne sont point des préférences qu’il accorde, ce sont des découvertes qu’il fait, qui flattent la délicatesse de son goût et qui exercent la finesse de son esprit. […] Le président Hénault, parlant du maréchal de Belle-Isle, son ami, remarque qu’il n’a pas échappé plus qu’un autre au vaudeville, à la chanson, et il ajoute quelques réflexions sur ce genre de raillerie à la française (p. 270) : « Quand ce petit poème, dit-il, est porté à la licence et peut déchirer les réputations, surtout par rapport aux mœurs, il ne saurait être trop détesté… Le vaudeville qui n’est que gai n’a pas grand danger ; cependant, etc. » Cela paraît tout simple ; mais il m’a fallu deviner, car dans les Mémoires, on lit : « Le vaudeville qui n’est que coi n’a pas grand danger. » Coi au lieu de gai !
Quand on ne songe qu’à l’idéal de l’agrément, à la fleur de fine raillerie et d’urbanité, on se plaît à se figurer Voltaire dans cette demi-retraite, dans ces jouissances de société qu’il rêva bien souvent, qu’il traversa quelquefois, mais d’où il s’échappait toujours. « Mon Dieu, mon cher Cideville, écrivait-il à l’un de ses amis du bon temps, que ce serait une vie délicieuse de se trouver logés ensemble trois ou quatre gens de lettres avec des talents et point de jalousie, de s’aimer, de vivre doucement, de cultiver son art, d’en parler, de s’éclairer mutuellement ! […] Ce qui est plus étrange encore que l’étonnement de Voltaire, c’est que cet étonnement ait été partagé par l’illustre marquise, qui passe pour un géomètre d’une certaine force : il fallait que ce jour-là elle eût perdu ses principes, selon le mot piquant et bien connu de Mme de Staal de Launay : « Elle fait actuellement la revue de ses principes : c’est un exercice qu’elle réitère chaque année, sans quoi ils pourraient s’échapper, et peut-être s’en aller si loin qu’elle n’en retrouverait pas un seul.
L’abbé Le Dieu n’a pas le dessein de diminuer Bossuet, mais il soumet son illustre maître à une épreuve à laquelle pas une grande figure ne résisterait ; il note jour par jour, à l’époque de la maladie dernière et du déclin, tous les actes et toutes les paroles de faiblesse qui lui échappent, jusqu’aux plaintes et doléances auxquelles on se laisse aller la nuit quand on se croit seul, et dans cette observation il porte un esprit de petitesse qui se prononce de plus en plus en avançant, un esprit bas qui n’est pas moins dangereux que ne le serait une malignité subtile. […] Bossuet donne raison à Mécène et à la fable si connue : « Pourvu qu’en somme je vive… » Ce dimanche 7 d’octobre 1703, M. de Meaux a paru fort gai, à son réveil, d’avoir bien dormi toute la nuit, et de joie il lui est échappé cette parole : « Je vois bien que Dieu veut me conserver. » Il a ensuite entendu la messe dans sa chapelle et s’est encore recouché jusqu’à son dîner.