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454. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XII. »

Si grande est la douceur que tu jettes dans l’âme, immortelle récompense plus précieuse que l’or, que la noblesse du sang et que le charme du sommeil ! […] Lorsqu’il n’y avait plus de peuple héroïque, il se forma encore par la réflexion et la science des âmes invincibles à la douleur et au plaisir. […] C’était une nouvelle forme de la poésie lyrique, l’élan réfléchi de l’âme, la force morale sans enthousiasme apparent, mais contenue et invincible devant l’erreur et les menaces du monde. […] ni dans le cercle immense de l’éther divin, ni sur la mer, hormis ce que font les méchants dans l’égarement de leurs âmes ; et tu mets la règle où était le désordre, et les choses ennemies te sont amies. […] dispensateur suprême, ceint de sombres nuages et roi du tonnerre, délivre les hommes de leur funeste ignorance : écarte-la de leur âme, ô père !

455. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre II. Les bêtes »

Par amour du raisonnement et de la discipline, on mettait tout l’homme dans l’âme, et toute l’âme dans la raison. […] Nous savons bien, en leur prêtant ainsi des pensées et des émotions, que nous mettons notre âme dans leur être, et que notre discours n’est qu’image. […] C’est pour cela que la partie délicate et passionnée de notre âme ne trouve son contentement que devant elle. […] C’est que l’âme se modèle sur le corps, qui l’exprime et qui la façonne ; le poëte devine, l’une par l’autre, et les met d’accord. […] Comment peut-il, avec un ou deux petits mots, ressusciter en nous les âmes, les corps et leurs actions ?

456. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (4e partie) » pp. 1-63

Son rôle n’a que la parade de la véritable grandeur d’âme. […] Dieu seul peut mesurer la durée des quatorze heures de cette séance dans l’âme du roi, de la reine, de Madame Élisabeth et de leurs enfants. […] Il respira fortement, comme si un grand fardeau eût été soulevé de son âme. […] Elle façonna leur âme sur la sienne. […] « L’extérieur de Marat révélait son âme.

457. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXIXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 129-192

lui dis-je en retirant ma main de la sienne ; voici ce qu’il faut faire, vois-tu, Hyeronimo : il faut penser à ta chère âme comme un homme qui va mourir, bien que nous ne mourrons pas, je le crois fermement. […] ne mourons pas sans avoir échangé deux anneaux de fiançailles ou de mariage que nous nous rendrons après la mort pour nous reconnaître entre toutes ces âmes qui habitent là-haut, dans le bleu, au-dessus des montagnes. […] m’a-t-il dit alors, tranquillisez votre pauvre âme malade, mon cher fils, ce que vous me demandez est bien difficile, impossible à obtenir des hommes peut-être, mais Dieu est plus miséricordieux que les hommes, et celui qui a emporté la brebis égarée sur ses épaules ramène au bercail l’âme blessée par tous les chemins. […] Mais si Dieu permet, pour votre salut éternel, ce que les hommes réprouveraient sans souci de votre âme ; si le Christ dit oui par l’organe de ses ministres, qui sont mes oracles, soyez certain que je ne dirai pas non, et que j’affronterai le blâme des hommes pour porter deux âmes pures à Dieu ! […] puis-je même mourir sans que mon âme vole sur ses pas et le rejoigne comme la colombe rejoint le ramier quand il meurt ou quand il émigre de la branche avant elle ?

458. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff (suite) » pp. 317-378

Était-ce une disposition naturelle de son âme ? […] Mon âme désirait un bonheur si plein ! […] L’âme d’autrui, vois-tu, c’est une forêt obscure, surtout l’âme d’une jeune fille. […] Ces sons pénétraient dans son âme, encore émue des félicités de l’amour. […] Le calme était descendu dans son âme, et pourquoi le cacher ?

459. (1890) L’avenir de la science « IV » p. 141

Quant à ceux qui méprisent la science comme ils méprisent la haute poésie, comme ils méprisent la vertu, parce que leur âme avilie ne comprend que le périssable, nous n’avons rien à leur dire. […] Le sceptique et l’esprit frivole hausseront à loisir les épaules sur la folie de ces belles âmes ; que leur importe ? Les âmes religieuses et pures les comprennent ; et le philosophe les admire, comme toute manifestation énergique d’un besoin vrai, qui s’égare faute de critique et de rationalisme. […] À cette vue, une profonde tristesse saisit l’âme : C’en est donc fait ! […] Âmes timides, qui désespérez ainsi de l’humanité, remontez avec moi dix-huit cents ans.

460. (1889) Les artistes littéraires : études sur le XIXe siècle

L’âme est sous l’influence d’un pouvoir diabolique. […] Edmond de Goncourt répond implicitement à la thèse soutenue par Théophile Gautier, et qu’il essaye d’établir entre les évolutions de son âme et de l’âme de son frère un parallélisme tellement absolu qu’elles arrivent à se confondre en une sorte d’unité. […] Devant l’espace sans borne, devant la mer aux insondables horizons, son âme s’imprégna d’infini. […] Le maître n’a jamais substitué son âme à l’âme de la création : il ne lui a pas prêté des sentiments ou des paroles complexes qui ne pouvaient appartenir qu’à lui seul. […] Mais, en tant qu’homme, quelle âme et quelle intelligence étrangement ordonnées.

461. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre I. Du comique en général »

Il semble que le comique ne puisse produire son ébranlement qu’à la condition de tomber sur une surface d’âme bien calme, bien unie. […] Mauvais pli de la nature ou contracture de la volonté, le vice ressemble souvent à une courbure de l’âme. […] Mais cette activité appartiendrait réellement à l’âme plutôt qu’au corps. […] Alors le corps deviendra pour l’âme ce que le vêtement était tout à l’heure pour le corps lui-même, une matière inerte posée sur une énergie vivante. […] De ce que notre attention est brusquement ramenée de l’âme sur le corps.

462. (1899) Arabesques pp. 1-223

Ces bonnes âmes me supplient de voguer encore vers Thulé. […] Eh bien, rejette le songe affreux qui ravage ton âme. […] Cependant son âme, avide de certitude, restait inquiète. […] Les sensations flottent à fleur d’âme et ne pénètrent pas. […] Il faut s’élargir l’âme au point qu’elle embrasse l’âme de l’humanité entière.

463. (1898) Essai sur Goethe

Et dans quelles âmes ! Des âmes grecques. […] Jusqu’à quel point se développa-t-elle réellement dans l’âme de l’homme ? […] D’ailleurs, est-ce que nos âmes n’importent pas davantage que nos écrits ? […] En tout cas, elles apparaissent ici ramenées à un pur commerce d’âme à âme, et les points de contact sont frappants : « Ah !

464. (1895) Le mal d’écrire et le roman contemporain

Noie mon âme dans le souffle de ton haleine. […] Avec quelle avidité on a regardé le fond de leur âme ! […] L’originalité de ce livre, c’est que l’âme de l’enfant a passé dans l’âme du poète, redevenu enfant lui-même, tant il se souvient bien de l’avoir été. […] Comme il sait lire dans ces âmes neuves et pourtant si compliquées ! […] L’un anime les choses, l’autre fait agir l’âme.

465. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre IX. Du vague des passions. »

Il reste à parler d’un état de l’âme, qui, ce nous semble, n’a pas encore été bien observé : c’est celui qui précède le développement des passions, lorsque nos facultés, jeunes, actives, entières mais renfermées, ne se sont exercées que sur elles-mêmes, sans but et sans objet. […] L’amertume que cet état de l’âme répand sur la vie est incroyable ; le cœur se retourne et se replie en cent manières, pour employer des forces qu’il sent lui être inutiles. […] De toutes parts s’élevèrent des couvents, où se retirèrent des malheureux trompés par le monde, et des âmes qui aimaient mieux ignorer certains sentiments de la vie, que de s’exposer à les voir cruellement trahis. Mais, de nos jours, quand les monastères, ou la vertu qui y conduit, ont manqué à ces âmes ardentes, elles se sont trouvées étrangères au milieu des hommes.

466. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Saint Anselme, par M. de Rémusat. » pp. 362-377

Cette étude approfondie produisit un ouvrage en deux volumes qui enterra le drame, ou du moins le fit rentrer dans le tiroir, au grand regret de ceux qui croient qu’il y a autant et plus de vérité dans la peinture morale d’une âme que dans la sèche et épineuse analyse d’une atroce méthode de philosophie scolastique. […] Ce n’était nullement un personnage politique qu’Anselme, mais un homme d’école et de monastère, d’oraison et de contemplation, et aussi d’enseignement moral et spirituel, de gouvernement intime et insensible des âmes. […] Âme chaste et qui, malgré quelques premiers désordres, s’était vite rangée et réparée, il excellait, plutôt par divination que par expérience, à découvrir les vertus et les vices dans leurs principes, dans leurs semences pour ainsi dire et leurs racines, et à les suivre dans leurs progrès, prescrivant les moyens d’acquérir les unes et d’éviter les autres. […] Enfin, pour choisir le dernier et, selon quelques-uns, le plus éminent entre ces mérites d’Anselme, je dirai qu’il joignait à ses qualités de moraliste et de praticien des âmes une faculté qui en est souvent séparée, l’élévation paisible et le tour contemplatif du métaphysicien qui s’applique aux conceptions premières des choses. […] Il était moine, et, si l’on peut ainsi parler, moine dans l’âme.

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