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605. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « ??? » pp. 175-182

(Étude anglaise, tableau d’intérieur.)

606. (1858) Du vrai, du beau et du bien (7e éd.) pp. -492

C’est quelque chose qui m’inspire à toute heure, pourvu que je l’écoute, et je ne me trompe jamais qu’en ne l’écoutant pas… Cette règle intérieure est ce que je nomme ma raison… » — Chap. […] C’est un maître intérieur, qui me fait taire, qui me fait parler, qui me fait croire, qui me fait douter, qui me fait avouer mes erreurs ou confirmer mes jugements. […]  lvii. « Le maître intérieur et universel dit toujours et partout les mêmes vérités. […] Deux sensibilités, l’une extérieure, l’autre tout intérieure et qui correspond à l’âme comme la sensibilité extérieure correspond à la nature. — Part légitime du sentiment. — Ses égarements. — Mysticisme philosophique. […] La beauté physique est donc le signe d’une beauté intérieure qui est la beauté spirituelle et morale, et c’est là qu’est le fond, le principe, l’unité du beau103.

607. (1908) Après le naturalisme

Une admirable coordination intérieure l’y oblige dès qu’il atteint à la juste conscience de sa personne. […] Ce principe est sans exception : la loi extérieure, pour valoir, ne doit que sanctionner la loi intérieure. […] Son domaine préféré sera l’Homme intérieur. […] Dans la société, l’homme se conduit comme dans la nature, comme s’il était seul, du moins en sa vie intérieure, celle qui résume tout. […] L’homme intérieur sera offert dans le spectacle de la vie extérieure, où son excellence première le conduira sagement, exemplairement.

608. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre II. Les Normands. » pp. 72-164

Quand le Français conçoit un événement ou un objet, il le conçoit vite et distinctement ; nul trouble intérieur, nulle fermentation préalable d’idées confuses et violentes qui, à la fin concentrées et élaborées, fassent éruption par un cri. […] C’est l’ébranlement intérieur qui suscite les images ; n’étant point ébranlé, il n’imagine pas. […] Ce sont bientôt des voyages impossibles, des défis extravagants qu’ils veulent voir, un tapage de combats, un entassement de magnificences, un imbroglio de hasards ; de l’histoire intérieure, nul souci : ils ne s’intéressent pas aux événements du cœur, c’est le dehors qui les attache ; ils demeurent comme des enfants les yeux fixés sur un défilé d’images coloriées et grossies et, faute de pensée, ne sentent pas qu’ils n’ont rien appris. […] Par ce mouvement intérieur, le modèle idéal est déplacé, et l’on voit jaillir une nouvelle source d’action, l’idée du juste. […] » Avec les mêmes inquiétudes, Piers Plowman part pour chercher Bien-Faire, et demande à chacun de lui enseigner où il le trouvera. « Chez nous », lui disent deux moines. « Non, dit-il, puisque l’homme juste pèche sept fois par jour, vous péchez, et ainsi la vraie justice n’est pas chez vous. » C’est à « l’étude et à l’écriture », comme Luther, qu’il a recours ; les clercs parlent bien de Dieu à table et aussi de la Trinité, « en citant saint Bernard, avec force beaux arguments pompeux, quand les ménestrels ont fini leur musique ; mais pendant ce temps les pauvres peuvent pleurer à la porte et trembler de froid sans que nul les soulage. » Au contraire, on crie contre eux comme après des chiens, et on les chasse. « Tous ces grands maîtres ont Dieu à la bouche, ce sont les pauvres gens qui l’ont dans le cœur168 », et c’est le cœur, c’est la foi intérieure, c’est la vertu vivante qui font la religion vraie.

609. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre II. Lord Byron. » pp. 334-423

Bien, vous allez avoir pis ; voilà pour votre peine. » Cet instinct de révolte est dans la race ; il y a tout un faisceau de passions sauvages1245, nées du climat et qui le nourrissent : l’humeur noire, l’imagination violente, l’orgueil indompté, le goût du danger, le besoin de la lutte, l’exaltation intérieure qui ne s’assouvit que par la destruction, et cette folie sombre qui poussait en avant les berserkers scandinaves lorsque, dans une barque ouverte, sous un ciel fendu par la foudre, ils se livraient à la tempête dont ils avaient respiré la fureur. […] Ils ont trop désiré, trop impétueusement, d’un élan insensé, comme un cheval sans bouche, et désormais leur destin intérieur les pousse dans le gouffre qu’ils voient et ne veulent plus éviter. […] Nul appui intérieur, sinon le ressentiment enraciné et la fixité de la volonté roidie. […] Ils parlent dans ce cœur ; bien mieux ils chantent, et les autres êtres font de même ; chacun avec sa mélodie distincte, courte ou longue, étrange ou simple, seule appropriée à sa nature, capable de la manifester tout entière, comme un son, par son timbre, sa hauteur et sa force, manifeste la structure intérieure du corps qui l’a produit. […] Ainsi se forme son œuvre, écho de l’universelle nature, gigantesque chœur où les dieux, les hommes, le passé, le présent, tous les moments de l’histoire, toutes les conditions de la vie, tous les ordres de l’être viennent s’accorder sans se confondre, et où le génie flexible du musicien, qui tour à tour s’est métamorphosé en chacun d’eux pour les interpréter et les comprendre, ne témoigne de sa pensée propre qu’en faisant entrevoir, par-delà cette immense harmonie, le groupe de lois idéales d’où elle dérive et la raison intérieure qui la soutient.

610. (1940) Quatre études pp. -154

Il ignorait les effusions du cœur, les élans, et ces moments magnifiques où le poète n’a plus qu’à laisser conduire sa plume par son démon intérieur. […] Ils ont découpé, dans la vie quotidienne, les heures où un dieu intérieur exalte l’individu et le distingue de ses frères par ses fureurs. […] * * * Notre poésie romantique va de l’intérieur à l’extérieur. […] Elle attire le chercheur vers le concret ; elle l’invite à quitter le domaine des idées abstraites, et le transfère dans celui des réalités pittoresques ; elle favorise un certain glissement qui va de l’intérieur à l’extérieur. […] Si nous pénétrons dans son intérieur, nous y trouverons des métaux, des minéraux, des pierres, des bitumes, des sables, des terres, des eaux, et des matières de toute espèce, placées comme au hasard et sans aucune règle apparente.

611. (1899) Les industriels du roman populaire, suivi de : L’état actuel du roman populaire (enquête) [articles de la Revue des Revues] pp. 1-403

Lisez maintenant, si vous en avez le courage, les premiers articles, ceux qui traitent des plus grands intérêts du pays, des affaires intérieures, des relations avec l’étranger. […] Dans la politique intérieure, même triomphe du roman-feuilleton : l’outrage et la calomnie ; d’un côté, le rédacteur, qui est la loyauté, la franchise, la nation même et l’âme de la patrie ; de l’autre, tous ceux qui ne pensent pas comme lui, les traîtres, des gens qui trament dans l’ombre les plus noirs complots, et auxquels, fussent-ils d’ailleurs les meilleurs serviteurs du pays, par tous les moyens, contre les lois, contre tout droit, il faut imposer silence. […] Le roman-feuilleton avec sa niaiserie, son simplisme, sa violence et sa platitude, est partout ; il est dans les faits divers, il est dans les articles sur la politique étrangère, sur la politique intérieure. […] Nos gens de Lettres, leur vie intérieure, leur rivalités, leur condition. — In-18.

612. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De l’état de la France sous Louis XV (1757-1758). » pp. 23-43

Le spectacle, que nous ne laisserons qu’entrevoir d’après lui sans l’étaler tout entier, est affligeant ; mais il renferme quelques leçons sévères que l’histoire a déjà tirées ; il fait pénétrer dans les causes profondes de ruine de l’ancienne monarchie ; il fait sentir à quel point les plus nobles nations, et la nôtre en particulier, dépendent, dans l’esprit qui les anime et jusque dans leur ressort intérieur, des gouvernements qui les régissent et des hommes qui sont à leur tête. […] Le public n’a point de confiance, tout est tourné en fronde et en plaintes… Un Colbert à l’intérieur, un Louvois à la guerre, ou du moins l’âme d’un Louis XIV sur le trône !

613. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — I. » pp. 325-345

Durant ces premières luttes avec son père sur la profession d’avocat qu’il n’embrassa jamais que provisoirement, il a décrit l’intérieur de son âme et de ses pensées, et a tracé comme sa biographie morale dans des lettres à un beau-frère, M.  […] J’insiste sur ces jours intérieurs qu’il nous ouvre, parce que l’histoire secrète de Roederer fut celle alors de beaucoup d’autres, parce qu’il ne fut pas le seul à avoir ce qu’on peut appeler sa période de Rousseau, et pour qu’on voie aussi à quel degré primitif de chaleur mûrirent tant de qualités solides et fortes que plus tard on apprécia en lui.

614. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — I » pp. 139-158

Bientôt l’intimité se resserrant, et la suggestion intérieure devenant plus pressante, Cowper alla loger chez les Unwin, et du premier jour il y fut moins leur pensionnaire qu’un membre régulier de la famille. […] Cette vie à demi monastique s’accordait avec une joie intérieure et une allégresse véritable ; elle était assurément des plus conformes à ce qu’exigeaient alors le raffermissement moral et la sensibilité si récemment ébranlée de Cowper.

615. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — IV » pp. 103-122

Le libertinage des soldats était au comble ; ils se répandaient de toutes parts à l’intérieur des pays, qui devenaient déserts à leur approche. […] Ce fut un combat de lions, et où, après une lutte acharnée de plus de six heures au débouché ou à l’intérieur des bois et dans des trouées retranchées, après avoir épuisé de part et d’autre toutes sortes de chances diverses et d’opiniâtres alternatives, le vaincu ne cédant que pied à pied, l’ennemi ne conquit que le champ de bataille et le droit de coucher au milieu des morts.

616. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de l’Académie française, par Pellisson et d’Olivet, avec introduction et notes, par Ch.-L. Livet. » pp. 195-217

Un bon secrétaire perpétuel, sans faire grand bruit à l’intérieur, donne tout le mouvement à la machine et la fait aller comme d’elle-même. […] J’estime l’étude, je la réclame, mais intérieure, s’il se peut, et ne s’affichant pas.

617. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Lettres inédites de Michel de Montaigne, et de quelques autres personnages du XVIe siècle »

Nous avons vu Montaigne en voyage, ajoutant chaque jour par sa curiosité à ses connaissances et à ses plaisirs : et en général, il semble n’avoir voulu prendre de chaque état nouveau, de chaque profession ou fonction accidentelle où il entrait, que ce qu’il en fallait pour compléter son éducation personnelle, pour perfectionner son outil intérieur par une application fréquente et variée. […] Ce n’est pas qu’on ne puisse et qu’on ne doive même se sacrifier au besoin, une fois s’il le faut, à l’occasion et dans quelque grande circonstance ; mais habituellement, non : « Je ne veux pas qu’on refuse aux charges qu’on prend l’attention, les pas, les paroles et la sueur, et le sang au besoin… : mais c’est par emprunt et accidentellement ; l’esprit se tenant toujours en repos et en santé, non pas sans action, mais sans vexation, sans passion. » Cet équilibre intérieur, cette possession de soi est ce que Montaigne a à cœur plus que tout le reste.

618. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin »

Et pourtant un beau tableau d’intérieur, la vue prolongée d’une mosquée ou d’un harem ferait pardonner bien des indiscrétions. […] L’espèce d’ivresse que le contemplateur emporte avec lui après de telles journées de douze heures et plus d’immersion solaire, cette sorte de clarté intérieure qui le poursuit jusque dans le sommeil, et jusqu’à l’aveugler, complète le tableau.

619. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « GRESSET (Essai biographique sur sa Vie et ses Ouvrages, par M. de Cayrol.) » pp. 79-103

Cette littérature tout intérieure et confinée aux ornements des écoles avait de la gaieté, et laissait à ces aimables maîtres (encore un coup, je ne parle que de ceux qui ne faisaient pas les théologiens) une certaine enfance de mœurs et d’esprit qui de près n’était pas sans charme. […] Mesdames Royales, filles de Louise XV, ne se sentirent pas de joie à la peinture de cet intérieur de nonnes ; c’était la plus vive gaieté qui eût jamais pénétré au sein de cette autre vie cloîtrée et innocemment futile.

620. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre III »

Ils n’ont pas l’instrument intérieur qui divise et discerne ; ils pensent par blocs ; le fait et le rêve leur apparaissent ensemble et conjoints en un seul corps  Au moment où l’on élit les députés, le bruit court en Provence742 « que le meilleur des rois veut que tout soit égal, qu’il n’y ait plus ni évêques, ni seigneurs, ni dîmes, ni droits seigneuriaux, qu’il n’y ait plus de titres ni de distinctions, plus de droits de chasse ni de pêche ; … que le peuple va être déchargé de tout impôt, que les deux premiers ordres supporteront seuls les charges de l’État ». […] Jugez ici du nombre des fraudeurs par le nombre des surveillants : douze cents lieues de douanes intérieures sont gardées par 50 000 hommes, dont 23 000 soldats sans uniforme752. « Dans les pays de grande gabelle et dans les provinces des cinq grosses fermes, à quatre lieues de part et d’autre de long de la ligne de défense », la culture est abandonnée ; tout le monde est douanier ou fraudeur753.

621. (1894) Propos de littérature « Chapitre II » pp. 23-49

Mais elle n’arrête pas sa puissance à celui qui la fait surgir ; nous aussi, par les yeux, par l’ouïe, par le cœur, nous y participons, et d’avoir communié avec ce mirage, notre rythme intérieur a senti bondir sa force : l’approche de la Beauté nous approche de nous-même. […] Quelques Flamands s’y adonnent aussi et, je crois, avec plus de bonheur ; je connais des strophes où ne manquent ni la grâce ni l’énergie, bien qu’elles allégorisent ; mais quelle vie intérieure plus profonde elles auraient eue sans ce défaut !

622. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre IV »

C’est un triste intérieur que celui de madame Huguet. […] » Il y a une fêlure dans cet intérieur.

623. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Œuvres de Barnave, publiées par M. Bérenger (de la Drôme). (4 volumes.) » pp. 22-43

Pétion et Barnave, qui étaient dans l’intérieur de la voiture royale, ne se quittèrent pas. […] Il entre beaucoup de hasard dans ses vues littéraires, et encore plus dans ses aperçus physiologiques ; il y a beaucoup de tâtonnements, même dans ses considérations politiques, lorsqu’il sort de ce qu’il sait le mieux, et qu’étendant son regard au-delà de l’horizon intérieur, il aborde, par exemple, les questions de relations étrangères.

624. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — I. » pp. 471-493

Il en garda avec Voltaire mort, qu’il avait connu durant huit années consécutives et dans son intérieur ; il marquait ses erreurs, mais ne confondait pas toutes les opinions et les œuvres de ce brillant génie dans un même anathème. […] — « Il est de l’essence de la démocratie, pense-t-il encore, d’aller toucher le pôle tant qu’aucun obstacle ne l’arrête. » Analysant avec une force de dissection effrayante les idées fausses, vagues, les sophismes de divers genres qui ont filtré dans toutes les têtes au milieu d’une nation amollie et de caractères déformés par l’épicuréisme, Mallet du Pan montre comment on n’a jamais opposé au mal que des moyens impuissants et des espérances dont se berçait la présomption ou la paresse : « Cependant on s’endormait sur des adages et des brochures : Le désordre amène l’ordre, disaient de profonds raisonneurs ; l’anarchie recomposera le despotisme. — La démocratie meurt d’elle-même ; la nation est affectionnée à ses rois. » C’est surtout aux émigrés, on le sent, qu’il parle ainsi ; et, tandis que les partis se nourrissaient de leurs illusions et de leurs rêves, les Jacobins seuls marchaient constamment au but : « Les Jacobins seuls formaient une faction, les autres partis n’étaient que des cabales. » Et il montre en quoi consiste cette faction, son organisation intérieure, son affiliation par toute la France, ses moyens prompts, redoutables, agissant à la fois sur toutes les mauvaises passions du cœur humain.

625. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le Brun-Pindare. » pp. 145-167

Nous avons les détails de son intérieur, et quel intérieur !

626. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — I. » pp. 41-62

Nous touchons ici au fond de la pensée de Montesquieu et à tout son procédé habituel intérieur ; ne soyons pas faible ni indécis, et n’hésitons pas à l’exposer avec nudité. […] Montesquieu, dans ce petit discours, parle magnifiquement de l’étude et des motifs qui doivent nous y porter : « Le premier, c’est la satisfaction intérieure que l’on ressent lorsque l’on voit augmenter l’excellence de son être, et que l’on rend plus intelligent un être intelligent. » Un autre motif encore, et qu’il n’allait pas chercher loin de lui, « c’est, disait-il, notre propre bonheur.

627. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — I. » pp. 287-307

À cette époque où nous le voyons et où il est aux dernières années de sa jeunesse, sa froideur apparente cachait mal un reste d’ardeur intérieure, et sa fermeté n’ôtait rien à la délicatesse de ses sentiments. […] Quoi qu’il en soit, il va devenir de plus en plus le critique ordinaire intérieur et le chroniqueur littéraire du siècle.

628. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre III. “ Fantômes de vivants ” et “ recherche psychique ” »

J’ajoutais : « Celui qui pourrait regarder à l’intérieur d’un cerveau en pleine activité, suivre le va-et-vient des atomes et interpréter tout ce qu’ils font, celui-là saurait sans doute quelque chose de ce qui se passe dans l’esprit, mais il n’en saurait que peu de chose. […] Une fois découvertes les lois les plus générales de l’activité spirituelle (comme le furent, en fait, les principes fondamentaux de la mécanique), on aurait passé de l’esprit pur à la vie : la biologie se serait constituée, mais une biologie vitaliste, toute différente de la nôtre, qui serait allée chercher, derrière les formes sensibles des êtres vivants, la force intérieure, invisible, dont elles sont les manifestations.

629. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « APPENDICE. — M. DE VIGNY, page 67. » pp. -542

Voici l’article sur Cinq-Mars, tiré du Globe, 8 juillet 1826 : Pendant que Richelieu, vainqueur des grands et des calvinistes au dedans du royaume, et de la maison d’Autriche au dehors, poursuivait tout ensemble, dans cette triple voie de l’organisation intérieure, de la religion et de la politique, les plans tour à tour conçus et ébauchés par Louis XI contre la féodalité, par François Ier contre la réforme, et par Henri IV contre la postérité de Charles-Quint, Louis XIII, indolent et mélancolique, renfermé dans ses maisons de plaisance, cherchait à tromper son ennui par des jeux puérils ; son goût le plus prononcé était d’élever et de dresser des oiseaux.

630. (1874) Premiers lundis. Tome II « E. Lerminier. Lettres philosophiques adressées à un Berlinois »

Lerminier porte dans son enseignement un don trop invincible et trop naturel pour qu’on en puisse faire abstraction quand on parle de lui : c’est une faculté de parole, une puissance d’enthousiasme et d’images, un génie d’improvisation, entraînant, éblouissant, exubérant, qui me fait croire, en certains endroits, à ce qu’on nous rapporte des merveilles un peu vagabondes de l’éloquence irlandaise ; de la gravité toutefois, un grand art, des illustrations de pensée empruntées à propos à d’augustes poètes ; et puis un geste assuré, rhythmique, un front brillant où le travail intérieur se reflète, et, comme on le disait excellemment sous Louis XIV, une physionomie solaire et une heureuse représentation.

631. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre III. De la tendresse filiale, paternelle et conjugale. »

Dans la seconde supposition, peut-être la plus naturelle, le sentiment maternel, accoutumé par les soins qu’il donne à la première enfance, à se passer de toute espèce de retour, fait éprouver des jouissances très vives et très pures, qui portent souvent tous les caractères de la passion, sans exposer à d’autres orages que ceux du sort, et non des mouvements intérieurs de l’âme ; mais il est si tristement prouvé que, dès que le besoin de la réciprocité commence, le bonheur des sentiments s’altère, que l’enfance est l’époque de la vie, qui inspire à la plupart des parents l’attachement le plus vif, soit que l’empire absolu qu’on exerce alors sur les enfants, les identifie avec vous-mêmes, soit que leur dépendance inspire une sorte d’intérêt, qui attache plus que les succès mêmes qu’ils ne doivent qu’à eux, soit que tout ce qu’on attend des enfants alors, étant en espérance, on possède à la fois ce qu’il y a de plus doux dans la vérité et l’illusion, le sentiment qu’on éprouve, et celui qu’on se flatte d’obtenir.

632. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre II. De la philosophie. »

En effet, le calme n’existant qu’autour de lui, contraste avec son agitation intérieure, et en accroît la douleur.

633. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre premier. Les signes — Chapitre premier. Des signes en général et de la substitution » pp. 25-32

Mais vous savez que sous chacun de ces points sombres ou bigarrés il y a un corps vivant, des membres actifs, une savante économie d’organes, une tête pensante, conduite par quelque projet ou désir intérieur, bref une personne humaine.

634. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Introduction. Origines de la littérature française — 1. Éléments et développement de la langue. »

Enfin, pour achever de caractériser le développement de la langue française, elle fera incessamment, en France même, une lente conquête, celle des provinces, non plus du territoire mais de la pensée, conquête intérieure, et non la moindre, car c’est celle-là surtout qui l’enrichira et l’élèvera.

635. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Guy de Maupassant »

Fort comme la mort dit un amour « fort comme la mort » en effet, et raconte à la fois le plus noble des drames intérieurs et l’immense tristesse de vieillir  Notre Coeur flétrit la femme qui ne sait pas aimer ; et si l’amoureux demande des consolations à l’amour simpliste, tel qu’il était conçu dans les Sœurs Rondoli, il est clair qu’il n’y trouvera plus jamais le repos.

636. (1890) L’avenir de la science « VII »

Quelle est l’âme philosophique et belle, jalouse d’être parfaite, ayant le sentiment de sa valeur intérieure, qui consentirait à se sacrifier à de telles vanités, à se mettre de gaieté de cœur dans la tapisserie inanimée de l’humanité, à jouer dans le monde le rôle des momies d’un musée !

637. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XII. Ambassade de Jean prisonnier vers Jésus  Mort de Jean  Rapports de son école avec celle de Jésus. »

Hérode le Grand avait fait construire dans l’intérieur de la forteresse un palais magnifique 553, où le tétrarque résidait fréquemment.

638. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1851 » pp. 1-9

Un intérieur tout rempli de gentilles et bavardes fillettes.

639. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Dédicace, préface et poème liminaire de « La Légende des siècles » (1859) — La vision d’où est sorti ce livre (1857) »

C’était de la chair vive avec du granit brut, Une immobilité faite d’inquiétude, Un édifice ayant un bruit de multitude, Des trous noirs étoilés par de farouches yeux, Des évolutions de groupes monstrueux, De vastes bas-reliefs, des fresques colossales ; Parfois le mur s’ouvrait et laissait voir des salles, Des antres où siégeaient des heureux, des puissants, Des vainqueurs abrutis de crime, ivres d’encens, Des intérieurs d’or, de jaspe et de porphyre ; Et ce mur frissonnait comme un arbre au zéphire ; Tous les siècles, le front ceint de tours ou d’épis, Étaient là, mornes sphinx sur l’énigme accroupis ; Chaque assise avait l’air vaguement animée ; Cela montait dans l’ombre ; on eût dit une armée Pétrifiée avec le chef qui la conduit Au moment qu’elle osait escalader la Nuit ; Ce bloc flottait ainsi qu’un nuage qui roule ; C’était une muraille et c’était une foule ; Le marbre avait le sceptre et le glaive au poignet, La poussière pleurait et l’argile saignait, Les pierres qui tombaient avaient la forme humaine.

640. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 10, du temps où les hommes de génie parviennent au mérite dont ils sont capables » pp. 110-121

Son esprit a contracté une faineantise intérieure qui lui laisse attendre des impulsions exterieures pour se déterminer et pour agir.

641. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre III. Trois espèces de jurisprudences, d’autorités, de raisons ; corollaires relatifs à la politique et au droit des Romains » pp. 299-308

Trois espèces de raisons La première est la raison divine, dont Dieu seul a le secret, et dont les hommes ne savent que ce qui en a été révélé aux Hébreux et aux Chrétiens, soit au moyen d’un langage intérieur adressé à l’intelligence par celui qui est lui-même tout intelligence, soit par le langage extérieur des prophètes, langage que le Sauveur a parlé aux apôtres, qui ont ensuite transmis à l’église ses enseignements.

642. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Les nièces de Mazarin et son dernier petit-neveu le duc de Nivernais. Les Nièces de Mazarin, études de mœurs et de caractères au xviie  siècle, par Amédée Renée, 2e éd. revue et augmentée de documents inédits. Paris, Firmin Didot, 1856. » pp. 376-411

Elle couvait un profond orage intérieur, et à cet âge de dix-huit ans, sous un extérieur calme, elle agitait les pensées les plus contradictoires. […] Elle recevait avec beaucoup de douceur ce qu’il lui disait ; mais toutes ces instances ne faisaient au fond que l’importuner et l’aigrir contre la piété, qu’elle regardait comme son ennemie et sa grande rivale dans le cœur du prince. » C’est dans ces disposition d’une lutte intérieure déjà ancienne, qu’un jour elle se trouva tout d’un coup, et sans savoir comment, tournée à Dieu, persuadée des vérités de la foi et brûlant du désir de s’élever à la source suprême. […] Le duc de Nivernais passa quelques mois à voir tous les jours Frédéric et à l’entretenir sur les objets les plus intéressants, à étudier son caractère : car,, pensait-il avec raison, dans les monarchies mixtes et non purement absolues, là où l’organisation de certains conseils est régulière et où l’État se conduit par les vrais principes, on peut saisir les motifs déterminants de la conduite, par la combinaison des circonstances avec l’intérêt de l’État : ainsi, les puissances voisines d’une telle monarchie ont des moyens de direction solides pour traiter avec elle ; mais, dans les pays où le souverain n’a d’autre conseil que lui-même, où ses perceptions non comparées à d’autres perceptions sont la seule occasion et la seule règle des mouvements de l’État, le caractère du prince est le gouvernail de l’État : la politique, l’intérêt fondamental ne sont que ce que l’intuition du prince veut qu’ils soient ; et les puissances voisines d’une telle monarchie ne peuvent traiter avec elle que d’après la connaissance des mouvements intérieurs du monarque, qui seuls impriment le mouvement à toute la machine.

643. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME GUIZOT (NEE PAULINE DE MEULAN) » pp. 214-248

Elle déploya à ce soin, durant des années, une faculté remarquable d’action et d’entente des affaires, qu’elle contint du reste, en tout temps, à son intérieur. […] De jolies scènes domestiques, des intérieurs de famille, et la continuité aisée des caractères, attestent d’ailleurs cette portion de faculté dramatique, cette science de mise en scène et en dialogue dont Mme Guizot a fait preuve en bien d’autres ouvrages, dans ses Contes, dans l’Écolier, et jusque dans ses Lettres sur l’Éducation. […] Celle qui, à vingt-cinq ans, avait débuté par se faire personne d’un certain âge ou même douairière du Marais, entre non moins exactement, à mesure qu’elle vieillit, dans les divers personnages de ce petit monde de dix à quatorze ans, en y apportant une morale saine, la morale évangélique, éternelle, qui s’y proportionne sans s’y rapetisser. « Son idée favorite, son idée chérie, est-il dit dans la préface d’une Famille, c’était que la même éducation morale peut et doit s’appliquer à toutes les conditions ; que, sous l’empire des circonstances extérieures les plus diverses, dans la mauvaise et dans la bonne fortune, au sein d’une destinée petite ou grande, monotone ou agitée, l’homme peut atteindre, l’enfant peut être amené à un développement intérieur à peu près semblable, à la même rectitude, la même délicatesse, la même élévation dans les sentiments et dans les pensées ; que l’âme humaine enfin porte en elle de quoi suffire à toutes les chances, à toutes les combinaisons de la condition humaine, et qu’il ne s’agit que de lui révéler le secret de ses forces et de lui en enseigner l’emploi. » Comment Mme Guizot, de raison un peu ironique, d’habitudes d’esprit un peu dédaigneuses qu’elle était, se trouva-t-elle conduite si vite et si directement à cette idée plénière de véritable démocratie humaine ?

644. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIe entretien. Biographie de Voltaire »

Le Rhône, en s’échappant du lac, en baigne les falaises ; les gorges sombres de la Savoie en ombragent les jardins ; la ville et ses quais, ses ports, ses barques en diversifient l’horizon, le mont Blanc en solennise la perspective ; le lac, semblable à une mer intérieure, en étend jusqu’au Valais les derniers plans. […] Il expira enfin dans cette temporisation intérieure et dans cette négociation apparente avec les ministres de la religion, mais il expira en réalité dans son théisme, le 30 mai 1778, à onze heures du soir. […] Le gouvernement du second empire, par sa campagne de Rome en faveur du pouvoir temporel du pape et par son alliance avouée à l’intérieur avec la religion d’État, atténua en apparence, mais exalta en réalité l’influence future de Voltaire sur l’esprit français.

645. (1878) La poésie scientifique au XIXe siècle. Revue des deux mondes pp. 511-537

Déjà Lamartine, Victor Hugo, l’avaient retrempée à des sources intérieures, découvertes par leur génie d’écrivain ; elle en était sortie avec une souplesse et un éclat nouveaux. […] La guerre, l’horrible guerre est le privilège de l’espèce humaine : la sentence du meurtre est la seule que l’on respecte, et ce qu’on appelle dans les palais et dans les cathédrales la justice de Dieu n’est que la loi de la force. — Dans l’intérieur de l’état, c’est la même chose ; la loi du besoin y règne seule ; c’est l’intérêt de la réciprocité qui fonde l’apparence de ce qu’on nomme la justice. […] Tout cela est l’œuvre de l’âme se sentant elle-même, prenant conscience de sa liberté, un monde où viennent expirer les lois qui régissent le reste de l’univers : Espace intérieur, inviolable empire Qu’un refus du vouloir barre même au Destin.

646. (1856) Mémoires du duc de Saint-Simon pp. 5-63

Le duc de Saint-Simon nous conduit ; d’abord chez M. le Prince, fils du grand Condé, en qui le grand Condé, comme dit Bossuet, « avait mis toutes ses complaisances. » Voici un intérieur de ménage : « Madame la Princesse était sa continuelle victime. […] Il s’échappait ; au fort de l’action, l’ouragan intérieur l’emportait ; on avait peur de lui ; personne ne se souciait de manier une tempête. […] Âme et esprit et caractère, intérieur et dehors, gestes et vêtements, passé et présent, Saint-Simon voit tout et fait tout voir.

647. (1889) La littérature de Tout à l’heure pp. -383

Quel est leur monde intérieur ? […] mais Balzac croyait à une réalité intérieure du monde qu’il a créé, non pas copié ! […] Mais la vie intérieure de ces formes lui échappe, c’est pourquoi il ne peint pas vivant : il peint mouvementé, beau et froid. […] Gérard de Nerval, — le merveilleux mystère de cette vie intérieure. […] On ne peut longtemps endurer ce supplice intérieur, surtout si déjà connut-on les consolations de la Beauté.

648. (1925) Proses datées

Ce pavillon et son intérieur whistlerien, je les ai décrits très exactement dans la Peur de l’Amour. […] On sait que dans sa maison familiale de Rochefort de superbes faïences, rapportées, je crois, de Damas, lui ont servi à reconstituer un intérieur de mosquée. […] Jean des Cognets nous a montré la « vie intérieure », tout éclairée de foi sincère et de magnifiques illusions. […] A l’intérieur des turbés, de belles faïences murales procurent aux yeux une impression de fraîcheur. […] L’intérieur en était spacieux.

649. (1925) Promenades philosophiques. Troisième série

Le maître des animaux et le maître de l’homme n’est pas extérieur, mais intérieur. […] Reste le principe qu’on ne doit se marier que dans l’intérieur de sa caste. […] Il s’en faut que le mariage soit toujours licite même à l’intérieur des castes. […] Il allait jusqu’à imaginer des processions dans l’intérieur de sa maison. […] Dans l’intérieur des corporations, il y a une hiérarchie très respectée et très fermée.

650. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Molière »

Tous les deux, Pascal et Molière, nous apparaissent aujourd’hui comme les plus formidables témoins de la société de leur temps ; Molière, dans un espace immense et jusqu’au pied de l’enceinte religieuse, battant, fourrageant de toutes parts avec sa troupe le champ de la vieille société, livrant pêle-mêle au rire la fatuité titrée, l’inégalité conjugale, l’hypocrisie captieuse, et allant souvent effrayer du même coup la grave subordination, la vraie piété et le mariage ; Pascal, lui, à l’intérieur et au cœur de l’orthodoxie, faisant trembler aussi à sa manière la voûte de l’édifice par les cris d’angoisse qu’il pousse et par la force de Samson avec laquelle il en embrasse le sacré pilier. […] Mais il ne faudrait pas croire qu’il y eût dans son existence intérieure deux parts successives comme dans celle de beaucoup de moralistes et satiriques éminents : une première part active et plus ou moins fervente ; puis, cette chaleur faiblissant par l’excès ou par l’âge, une observation âcre, mordante, désabusée enfin, qui revient sur les motifs, les scrute et les raille. […] Chez tous ces grands hommes évidemment, chez Molière plus évidemment encore, le génie dramatique n’est pas une extension, un épanouissement au dehors d’une faculté lyrique et personnelle qui, partant de ses propres sentiments intérieurs, travaillerait à les transporter et à les faire revivre le plus possible sous d’autres masques (Byron, dans ses tragédies), pas plus que ce n’est l’application pure et simple d’une faculté d’observation critique, analytique, qui relèverait avec soin dans des personnages de sa composition les traits épars qu’elle aurait rassemblés (Gresset dans le Méchant). […] Ce que Tieck a dit là si ingénieusement des visages, il le veut dire surtout, on le sent, de l’intérieur des génies16. […] Les grands génies dramatiques créent toujours leurs personnages avec les éléments intérieurs dont ils disposent ; ils les créent à leur image, non pas en se peignant individuellement en eux, mais en les peignant de la même nature humaine qu’ils sont eux-mêmes, sauf les différences de proportions qu’ils combinent à dessein.

651. (1882) Autour de la table (nouv. éd.) pp. 1-376

« Qui a jamais révélé dans des mots aussi grands que l’idée, dans des images aussi colossales que le chaos, une lutte de cette nature et des tourments intérieurs de cette portée ? […] Elle se trouvait trop sacrifiée aux relations extérieures ; elle nous jalousait un coin où elle eût pu se réfugier pour juger en paix les choses de la vie et sa propre vie intérieure. […] Cette représentation du monde intérieur, ce grand combat de la conscience avec elle-même, avec l’effet produit sur elle par le monde extérieur dramatisé sous des formes visibles, est d’un effet très ingénieux et très neuf. […] Il avait peint la famille, le ménage, l’intérieur, par cette puissance d’intuition qui lui faisait tout reconstruire, comme Cuvier, sur un fragment observé. […] Il était fort soulagé de ses ennuis intérieurs quand il pouvait se fâcher un peu.

652. (1895) Hommes et livres

Le drame ne languit pas : chaque scène a son mouvement intérieur dans le mouvement général de la pièce. […] Il sait que, quoi qu’il arrive, sa liberté intérieure subsistera tout entière. […] Le nom générique de chaque passion lui tient lieu toujours de la description de ses effets intérieurs et individuels. […] En revanche, il peint des intérieurs, des mobiliers avec le talent d’un Hollandais. […] Il n’y a pas de dessous ; tout est à fleur de peau, on ne me montre rien de profond, rien même d’intérieur.

653. (1880) Une maladie morale : le mal du siècle pp. 7-419

Quelle nécessité en dehors du besoin d’apaisement intérieur dont il a fait l’aveu, poussait Gœthe à choisir un pareil sujet ? […] Cette solitude, réelle ou seulement intérieure, il la remplissait de ses rêveries et des fantômes de son imagination. […] Les événements publics l’avaient aussi détourné de la vie du dehors, et ramené davantage à la vie intérieure. […] Il inaugura dès lors une vie moins intérieure et moins sédentaire, et se rendit en Italie où l’attendait l’épisode de Graziella. […] Ma misère intérieure gagne, je n’ose plus regarder au dedans de moi. » — « 26 août.

654. (1905) Études et portraits. Sociologie et littérature. Tome 3.

Ecoutez-le penser tout haut : « Je fais ma classe avec soin et prudence… Voilà mon moi intérieur. […] Il y parle de Dieu, comme d’un « être infini, éternel, parfait, qui produit sans cesse le monde et l’élève sans cesse vers un état meilleur… qui agit sur nous par le mouvement intérieur qui nous porte au bien ». […] Fatigué par la monotonie d’un intérieur transformé en laboratoire de copie, le poète se laisse aller aux tentations du divertissement. […] La nostalgie de la vie intérieure soulève sans cesse ce passionné jeune homme devant toutes les images de pureté qui s’offrent à lui. […] Mais, tous ceux qui les aiment le savent bien, cette lecture n’est pas, comme celle de la prose courante, une froide lecture des yeux, c’est une récitation intérieure.

655. (1911) Psychologie de l’invention (2e éd.) pp. 1-184

Les circonstances intérieures et permanentes qui la favorisent ou la rendent difficile, celles aussi qui lui font prendre telle ou telle forme, sont ce que nous appelons les qualités de l’esprit. […] Son développement varie selon ses rencontres avec le milieu intérieur plus ou moins directement influencé par le milieu extérieur, et ces rencontres, quoique déterminées, ne sont pas toujours ordonnées. […] Il arrive que l’idée directrice, sous l’influence d’une circonstance extérieure ou d’un revirement intérieur, subit un changement qui peut aller jusqu’à l’opposition. […] Ils avaient peut-être les tendances directrices, ils ont inventé quelques germes, mais ils n’ont pu les faire grandir ; le hasard extérieur n’y suffisait pas, les rencontres intérieures étaient trop rares et trop mesquines. […] Il ne faut pas oublier cependant que le hasard, en tant qu’opposé à la finalité, se trouve aussi à l’intérieur comme j’ai eu déjà l’occasion de le dire et d’essayer de le faire voir.

656. (1930) Physiologie de la critique pp. 7-243

Ajoutons que cette critique, si au lieu de la voir dans son dialogue intérieur nous la considérons en bloc, elle est elle-même limitée, contrôlée, critiquée par les deux autres critiques, auxquelles elle rend le même service sévère. […] Le critique professionnel idéal serait installé dans l’intérieur d’une littérature, comme le sculpteur qui fait un buste installe son esprit, l’âme conductrice de sa main, dans l’intérieur de la tête qu’il copie, dans les profondeurs vivantes de son modèle. […] Qu’une telle critique Soit celle-là même qui s’installe au foyer le plus intérieur de l’art, d’autres exemples nous en donneraient encore l’assurance. […] Mais le problème local, national, international se pose en matière de critique comme en matière de politique ; la critique n’y a pas été conduite seulement par ses affinités politiques, elle y a été menée surtout par ses voies propres, par son évolution intérieure, par son besoin de produire et de construire des Idées. […] Comme dans Ruy-Blas, certaines exigences intérieures obligent souvent l’artiste à habiller chez lui le maître en valet, le valet en maître ; le critique accepte cette transformation comme vraie et y ajoute d’autres transformations simplificatrices.

657. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — II. Duclos historien » pp. 224-245

Mais de la voir aux parvulo de Meudon, dans un fauteuil devant Monseigneur, en présence de tout ce qui y était admis, Mme la duchesse de Bourgogne et Mme la duchesse de Berry, qui y fut tôt introduite, chacune sur un tabouret, dire devant Monseigneur et tout cet intérieur : la duchesse de Bourgogne, la duchesse de Berry et le duc de Berry, en parlant d’eux ; répondre souvent sèchement aux deux filles de la maison, les reprendre, trouver à redire à leur ajustement, et quelquefois à leur air et à leur conduite, et le leur dire, on a peine à tout cela à ne pas reconnaître la belle-mère et la parité avec Mme de Maintenon, etc. […] C’est ainsi que, pour être plus piquant et plus vif, Duclos travestit en son propre langage le ton d’une conversation d’intérieur entre une jeune personne et Louis XIV.

658. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) «  Essais, lettres et pensées de Mme  de Tracy  » pp. 189-209

On assiste par le récit de Mme de Tracy à ces conversations d’intérieur pendant les longues journées de Plombières. […] Mais bientôt les esprits renaissent, le foyer intérieur se ranime, elle se remet à vivre, à penser, à écrire à ses amis ou à les appeler près d’elle, amis de choix et d’un commerce sérieux, parmi lesquels il est juste de nommer MM. 

659. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. (suite et fin) »

Pasquier, lorsqu’il commença sa carrière de député dans la Chambre de 1815, n’était connu encore que par son habileté administrative et par ses qualités d’homme du monde et de société ; il sortait tout récemment du ministère où la confiance du roi l’avait appelé dès la seconde rentrée, et il tint même, pendant toute la durée, fort courte d’ailleurs, de ce premier Cabinet présidé par M. de Talleyrand, le double portefeuille de la justice et de l’intérieur, ce dernier à titre provisoire seulement. Il avait fait preuve dans cette double administration si pesante, où tout était à refaire ou à remanier, d’une grande activité et facilité laborieuse ; et M. de Barante, l’un de ses collaborateurs d’alors, comme secrétaire général à l’intérieur, lui a rendu cette justice qu’il avait été, de fait, « le ministre dirigeant » pendant les deux mois qu’avait subsisté ce ministère.

660. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

L’intérieur des rues est encore plus sombre et d’une puanteur abominable. […] Figure-toi que la suite du prince a tout dévasté et qu’il ne reste rien, mais rien dans l’intérieur.

661. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Les Arabes n’ont pas changé. » Et remarquez-le, non seulement Horace Vernet soutenait cette immobilité, cette invariabilité de l’Orient au point de vue pittoresque du spectacle, en ce qui était du paysage et du costume ; il l’entendait aussi au point de vue moral, et il observait très ingénieusement que cette idée de fatalité qui domine les populations orientales agissait autrefois tout comme aujourd’hui, au temps de Moïse ou des prophètes comme au temps de Bonaparte, de Méhémet-Ali ou d’Jbrahim ; que la cause extérieure de l’étonnement et de la soumission machinale pouvait être diverse, mais que l’explication n’étant pas autre ni plus avancée aujourd’hui qu’il y a quarante siècles, la physionomie qui exprime l’état intérieur habituel restait la même, que le faciès, en un mot, n’avait pas changé ; et il exprimait cela très spirituellement ; « Ce matin (toujours à Damas), on nous a fait manœuvrer deux batteries d’artillerie, l’une de la garde, l’autre de la ligne. […] » logé dans les palais du prince ou chez les premiers seigneurs de l’empire, présenté par l’empereur dans les manœuvres comme étant de son État-major, l’accompagnant dans ses voyages à l’intérieur, traité par lui non comme un peintre, mais comme un ami, comme un fils, comme un enfant gâté, avec une confiance, un laisser-aller que les lettres n’exagèrent pas, et que les meilleurs témoins nous ont certifié, Horace sut garder sa tête, son bon sens, et ne pas se laisser enivrer ni enguirlander.

662. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. (suite et fin.) »

Les ministres qui se succédèrent à l’intérieur, M.  […] Cretet, en lui développant son programme de travaux et d’améliorations de tout genre à l’intérieur : « J’ai fait consister la gloire de mon règne à changer la face du territoire de mon Empire.

663. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite et fin.) »

A un moment il put se flatter d’avoir fait accepter de Louis xvi un plan de défense tout intérieur et sans complication de l’étranger. […] Chacun d’eux avait ses demi-confidents, ses agents, ses négociateurs, qui ne pouvaient se concerter sur rien et devaient se contrarier souvent ; mais ce qui est tout à fait inconcevable quand on connaît bien tout ce qu’il y avait de raison, d’instruction et de bons sentiments dans ces trois augustes personnes, c’est qu’à aucune époque de la Révolution ils n’aient demandé ni accepté un plan de conduite raisonnable, et pas même un plan de défense dans le dernier moment de péril ; ou qu’ils aient laissé ignorer à ceux dont ils recherchaient et dont ils négligeaient les avis ce qu’ils voulaient substituer à telle ou telle proposition.. » Cependant les événements de l’intérieur se précipitaient, et le 10 août éclata.

664. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo en 1831 »

Depuis neuf ans, la vie de Victor Hugo n’a pas changé ; pure, grave, honorable, indépendante, intérieure, magnifiquement ambitieuse dans son désintéressement, de plus en plus tournée à l’œuvre grandiose qu’il se sent appelé à accomplir. […] Si l’on se reporte par la pensée vers l’année 1823, à cette brillante ivresse du parti royaliste, dont les gens d’honneur ne s’étaient pas encore séparés, au triomphe récent de la guerre d’Espagne, au désarmement du carbonarisme à l’intérieur, à l’union décevante des habiles et des éloquents, de M. de Chateaubriand et de M. de Villèle ; si, faisant la part des passions, des fanatismes et des prestiges, oubliant le sang généreux, qui, sept ans trop tôt, coulait déjà des veines populaires ; — si on consent à voir dans cette année, qu’on pourrait à meilleur droit appeler néfaste, le moment éblouissant, pindarique, de la Restauration, comme les dix-huit mois de M. de Martignac en furent le moment tolérable et sensé ; on comprendra alors que des jeunes hommes, la plupart d’éducation distinguée ou d’habitudes choisies, aimant l’art, la poésie, les tableaux flatteurs, la grâce ingénieuse des loisirs, nés royalistes, chrétiens par convenance et vague sentiment, aient cru le temps propice pour se créer un petit monde heureux, abrité et recueilli.

665. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ULRIC GUTTINGUER. — Arthur, roman ; 1836. — » pp. 397-422

assez fâcheusement et abondamment de s’y introduire ; mais on s’y laisse moins prendre qu’ailleurs ; on l’y sent tout aussitôt sous les déguisements et les emprunts qu’il tente ; on le rejette avec dégoût, ou plutôt il va naturellement au fond ; et, tandis que, sous l’écorce de la prose, bien des talents équivoques en qualité surnagent, tandis qu’ils atteignent à une contrefaçon assez difficile à démêler, et qu’avec le travail, l’instruction, l’imitation de ce qu’on lit, la répétition assez bien débitée de ce qu’on entend, avec tous ces mérites surchargés, on parvient souvent à une sorte de compilation de fond ou de style, décente, et qui fait fort honnëte contenance, en poésie la qualité fondamentale se dénote aussitôt, la substance des esprits s’y fait toucher dans le plus fin de l’étoffe ; aussi très-peu suffit pour qu’on ait rang, sinon parmi les grands, du moins entre les délicats, et qu’on soit, comme tel, distingué de la muse, de cette muse intérieure qui console : ce qui, j’en conviens, n’empêche pas d’être parfaitement ignoré du vulgaire, comme disent les poëtes, c’est-à-dire du public. […] Comme l’intérieur de la mère de Julie, de ces petites maisons élégantes et fragiles, est touché avec relief, avec émotion, et par quelqu’un qui les a trop vues !

666. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DE BARANTE. » pp. 31-61

Son fils, dès lors attaché au ministère de l’intérieurs, l’y alla visiter. […] Démissionnaire de sa préfecture durant les Cent-Jours, il devint, à la seconde rentrée, secrétaire général de l’intérieur, puis directeur général des contributions indirectes, et il ne quitta cette position qu’à la retraite de ses amis doctrinaires, quand ils firent leur scission avec le second ministère de M. de Richelieu.

667. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Le comte de Ségur »

Chaque événement, chaque anniversaire de cette vie intérieure était célébré par de petites comédies, par des vaudevilles qu’on jouait entre soi, par de gais ou tendres couplets qui parfois circulaient au-delà : quelques personnes de cette société renaissante se rappellent encore la chanson qui a pour titre : les Amours de Laure. […] Placé à son point de vue modéré et purement constitutionnel de 91, l’auteur eut le mérite d’exposer les faits intérieurs et de faire ressortir ses vues sans trop irriter les passions rivales.

668. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « La jeunesse du grand Condé d’après M. le duc d’Aumale »

Il y a tels sentiments qu’ils doivent avoir, telles opinions qu’ils doivent professer, et cela quand même dans leur for intérieur ils en auraient de toutes différentes. […] Jugez quelle force d’âme il exige et de quel tremblement intérieur il doit être accompagné !

669. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre VIII. L’antinomie économique » pp. 159-192

L’activité économique n’engage pas le for intérieur, la vie profonde de la pensée et du sentiment. […] Toutefois, si l’antinomie entre la société et l’individu est, en économie, moins aiguë qu’ailleurs, il y a malgré tout un certain nombre de points sur lesquels l’individu se trouve plus ou moins atteint, limité, contrarié et comprimé, soit dans ses intérêts, soit dans sa vie intérieure, dans son désir d’originalité, dans ses goûts et ses aspirations par le mécanisme économique.

670. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre II »

Quelques mots simples, exhalés, comme des soupirs, d’un cœur dilaté, auraient mieux valu que ce cliquetis prétentieux ; nous aurions même préféré à tout son tapage l’éclat de rire nerveux qui le termine et qui crie les voluptés poignantes d’une transformation intérieure. […] Pour qui sait quelle grande ombre jetait un duc dans le monde, même à ce crépuscule de la monarchie, de quel pied de pourpre il foulait la terre, et quelle solennelle étiquette régnait jusque dans l’intérieur de ces grandes familles rangées en face du trône et en vue du peuple, les incartades du chevalier de Talmay divaguent d’inconvenance et de contresens.

671. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE XIV »

Une voix intérieure qu’il ne peut faire taire, interrompt toutes ses actions et toutes ses paroles, pour les approuver ou pour les blâmer. […] On lui voudrait, au moins, une transition d’angoisse et de trouble, un frémissement qui trahit la lutte intérieure.

672. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Goethe et de Bettina, traduites de l’allemand par Sébastien Albin. (2 vol. in-8º — 1843.) » pp. 330-352

La petite Bettina n’aurait pas pris ce mot pour une injure : « Ce que d’autres appellent extravagance est compréhensible pour moi, disait-elle, et fait partie d’un savoir intérieur que je ne puis exprimer. » Elle avait en elle le démon, le lutin, la fée, ce qu’il y a au monde de plus opposé à l’esprit bourgeois et formaliste, avec qui elle était en guerre déclarée. […] Cette aimable et joueuse enfant lui remet en pensée le temps où il était meilleur, plus vraiment heureux, où il n’avait pas encore détourné et en partie sacrifié à la contemplation et à la réflexion du dehors son âme primitive, intérieure et plus délicate.

673. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame de La Vallière. » pp. 451-473

» En attendant le grand coup qu’elle espère, elle se fait une résolution de profiter des moindres secours intérieurs pour s’acheminer dans la voie du retour : Je n’attendrai donc pas, ô mon Dieu ! […] Les lettres de Mme de La Vallière au maréchal de Bellefonds, et celles de Bossuet à ce même maréchal au sujet de Mme de La Vallière, complètent le tableau intérieur de sa conversion.

674. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Hégésippe Moreau. (Le Myosotis, nouvelle édition, 1 vol., Masgana.) — Pierre Dupont. (Chants et poésies, 1 vol., Garnier frères.) » pp. 51-75

Il avait faim, et il composait à travers cela des chants qui se ressentaient de ce cri intérieur, par leur âpreté et leur amertume. […] Sous cette impression intérieure, sous le rayon de cette ferveur retrouvée, le poète, agenouillé devant le tombeau de Racine (qui se trouve dans cette église), fait un vœu.

675. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Lambert et madame Necker. » pp. 217-239

Malgré cette belle parole finale26, il nous est pourtant très sensible que la religion de Mme de Lambert est plutôt une forme élevée de l’esprit qu’une source intérieure et habituelle jaillissant du cœur, ou qu’une révélation positive. […] Elle est aussi l’un des premiers moralistes qui, au sortir du xviie  siècle, soient revenus à l’idée très peu janséniste que le cœur humain est assez naturellement droit, et que la conscience, si on sait la consulter, est le meilleur témoin et le meilleur juge : « Par le mot conscience, j’entends, dit-elle à son fils, ce sentiment intérieur d’un honneur délicat, qui vous assure que vous n’avez rien à vous reprocher. » Elle donne, à sa manière, le signal que Vauvenargues, à son tour, reprendra, et qui, aux mains de Jean-Jacques, deviendra un instrument de révolution universelle.

676. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. Anecdotes. » pp. 123-144

Cette révolution intérieure, si brusque qu’elle ait paru, avait été préparée depuis quelques semaines par des compagnons de captivité ; on cite, pour y avoir contribué, deux évêques, l’évêque de Montauban et celui de Saint-Brieuc, sans oublier « la belle et intéressante veuve du comte Stanislas de Clermont-Tonnerre ». Sous ces influences combinées, La Harpe s’était mis à lire pour la première fois les livres saints, les Psaumes, l’Imitation de Jésus-Christ, lorsqu’il reçut la secousse intérieure décisive dont il a rendu compte en ces termes : J’étais dans ma prison, seul dans une petite chambre et profondément triste.

677. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — II. (Suite.) Janvier 1830-mars 1831. » pp. 105-127

Des circonstances de sa vie intérieure que chacun savait alors, et que ses amis arrivés au pouvoir auraient dû apprécier, le détournaient impérieusement d’accepter des fonctions publiques en province. […] Il montre les différences des temps, les motifs de confiance à l’intérieur et à l’étranger.

678. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Histoire » pp. 179-240

L’âme qui était en cet acteur, le cœur qui a vécu derrière cet esprit, il les exige et les réclame ; et s’il ne peut recueillir tout cet être moral, toute la vie intérieure, il commande du moins qu’on lui en apporte une trace, un jour, un lambeau, une relique. […] Où reprendre la vie psychique, où retrouver le for intérieur, où ressaisir l’humanité de ces morts ?

679. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1881 » pp. 132-169

C’est la loge de la souriante Samary, où c’est comme l’intérieur d’un rapin élégant, un intérieur, au plafond fait d’éventails japonais, attachés sur le châssis-blanc, aux croquis de Forain, au désordre de la toilette.

680. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre II. Shakespeare — Son œuvre. Les points culminants »

Égalité dont le mystère s’explique quand on réfléchit que Dieu est intérieur à l’homme. […] Dans Prométhée, l’obstacle est extérieur ; dans Hamlet, il est intérieur.

681. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Loutherbourg » pp. 258-274

Au pied de la voûte sur le devant, une chèvre ; en s’avançant vers la droite, toujours sur le devant, des moutons et des vaches ; depuis l’intérieur de la voûte, sur toute la longueur du fond, une fabrique ruinée, dont le sommet est couvert d’arbustes. […] Sur un plan entre les chevaux et le bouc, un autre pâtre ; proche de celui-ci, un ânon ; autour de l’ânon, en allant vers la droite, quelques moutons ; au-dessus des moutons, sur le fond, vaches s’acheminant avec le reste des animaux vers une grande porte ouverte à droite à l’angle intérieur du mur latéral droit.

682. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’art et la sexualité »

Elle est, comme en du verre, enclose en du silence, Toute vouée à son spectacle intérieur, ‌ A sa sorte de vie intime et sous marine, Où des rêves ont lui dans l’eau toute argentine. ‌ […] Harmoniser la vie intérieure et la vie extérieure, pénétrer les rapports de l’ensemble et du « soi », tel doit être notre devoir, si nous voulons parvenir à un état vraiment digne d’être vécu.

683. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIV. »

Ainsi, dans les premières Odes, dans les Orientales, dans les Feuilles d’Automne, dans les Voix intérieures ou dans les Chants du Crépuscule, sous la diversité de tous ces noms, et avec les nuances mobiles de l’époque et de la volonté, le torrent lyrique s’épanche et jaillit à grands flots. […] Le dix-huitième siècle la vit sommeiller cependant ; et ce n’est qu’après 1800, après le spectacle de nos violences intérieures et de nos triomphes au loin, après l’alliance impérieuse de Napoléon, après l’humble soumission devant sa gloire, après la révolte désespérée contre sa trahison, ce ne fut qu’après tous ces calices épuisés qu’un grand mouvement de religion et de liberté, de patriotisme et de talent, reparut en Espagne.

684. (1895) Impressions de théâtre. Huitième série

Il vieillit dans une tristesse et une amertume intérieures, d’où la poésie lyrique personnelle eût pu jaillir, — qui sait ? […] Désir, inquiétude, terreur, pitié, espérance et désespoir, joie et souffrance, tout cela ne se rencontre pas moins, j’imagine, dans la lutte intérieure avec Dieu que dans quelque bourgeoise intrigue d’ambition ou d’amour. […] A la minute où j’écris, Intérieur me paraît une espèce de chef-d’œuvre. […] La Mort de Tintagiles ne m’a pas moins pris qu’Alladine ou Intérieur. […] » Sur quoi Rémoussin, avec un accent où l’on ne sait s’il y a plus d’amertume ou d’allégement intérieur : « Ah !

685. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Note »

Une période tout enthousiaste de trois années commença pour moi (1827–1830) ; elle acheva de se consacrer dans mon culte intérieur par le recueil des Consolations qui est resté à mes yeux comme le sanctuaire ardent et pur des plus belles heures de ma jeunesse.

686. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Études sur Blaise Pascal par M. A. Vinet. »

Sans me permettre de contredire cette vue, qui se lie étroitement à la croyance, je ferai seulement remarquer que tel n’était point exactement le dessein primitif de Pascal, et que, tout en insistant au début sur les preuves morales intérieures, il n’aurait rien négligé, dans son ouvrage, de ce qui pouvait saisir l’imagination des hommes et déterminer indirectement leur persuasion.

687. (1874) Premiers lundis. Tome I « Madame de Maintenon et la Princesse des Ursins — I »

Ils devraient, ce me semble, laisser leurs disputes jusqu’à ce que la paix générale fût faite, et ensuite recommencer leurs guerres civiles, s’arracher leurs bonnets de la tête, s’ils en avaient envie ; mais présentement nous avons des choses plus sérieuses ; et pour moi, j’ai si fort regardé ces deux partis avec indifférence, que je n’ai pas voulu presque en entendre parler, et que je cherche toujours mes confesseurs exempts de haine ou d’amitié pour eux. » Grâce à madame des Ursins et à la reine d’Espagne, princesse remplie de force et de prudence, l’intérieur de cette cour demeura libre de toute intrigue religieuse, quoique le roi Philippe méritât d’être appelé un grand saint ; et, malgré l’exemple de la France, on n’eut à s’occuper en Espagne que des soins de la guerre.

688. (1874) Premiers lundis. Tome I « A. de Lamartine : Harmonies poétiques et religieuses — I »

C’est ce qui fait, selon nous, que, dans tout ce que ces derniers volumes renferment de philosophie religieuse et de débats intérieurs, la décision est moins rapide, le cri de victoire moins triomphant, que dans les Méditations.

689. (1887) Discours et conférences « Discours lors de la distribution des prix du lycée Louis-le-Grand »

Depuis cent ans, le mouvement s’est accéléré, bien que l’organisation intérieure des nations civilisées ait été profondément modifiée.

690. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre V : Rapports du physique et du moral. »

C’est une transition qu’on ne rend pas exactement en parlant d’un passage de l’extérieur à l’intérieur ; car c’est encore là un changement qui ne se produit que dans la sphère de l’étendue.

691. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préfaces de « Han d’Islande » (1823-1833) — Préface d’avril 1823 »

Méditant ce petit traité littéraire et didactique, il était encore dans cette mystérieuse ivresse de la composition, instant bien court, où l’auteur, croyant saisir une idéale perfection qu’il n’atteindra pas, est intimement ravi de son ouvrage à faire ; il était, disons-nous, dans cette heure d’extase intérieure, où le travail est un délice, où la possession secrète de la muse semble bien plus douce que l’éclatante poursuite de la gloire, lorsqu’un de ses amis les plus sages est venu l’arracher brusquement à cette possession, à cette extase, à cette ivresse, en lui assurant que plusieurs hommes de lettres très hauts, très populaires et très puissants, trouvaient la dissertation qu’il préparait tout à fait méchante, insipide et fastidieuse ; que le douloureux apostolat de la critique dont ils se sont chargés dans diverses feuilles publiques, leur imposant le devoir pénible de poursuivre impitoyablement le monstre du romantisme et du mauvais goût, ils s’occupaient, dans le moment même, de rédiger pour certains journaux impartiaux et éclairés une critique consciencieuse, raisonnée et surtout piquante de la susdite dissertation future.

692. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Feuilles d’automne » (1831) »

Ce n’est point-là de la poésie de tumulte et de bruit ; ce sont des vers sereins et paisibles, des vers comme tout le monde en fait ou en rêve, des vers de la famille, du foyer domestique, de la vie privée ; des vers de l’intérieur de l’âme.

693. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préfaces de « Marion de Lorme » (1831-1873) »

Aucun remaniement profond, aucune mutilation, aucune soudure faite après coup dans l’intérieur du drame, aucune main-d’œuvre nouvelle, si ce n’est ce travail d’ajustement qu’exige toujours la représentation.

694. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre I. Les travaux contemporains »

Il aime à dire que ce sera la question du xxe  siècle, et peut-être, dans son for intérieur, ce fin penseur la renvoie-t-il encore plus loin.

695. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre V. Le mouvement régionaliste. Les jeunes en province » pp. 221-231

Charles Guérin, l’admirable et délicat poète du Cœur solitaire et de l’Homme intérieur, les noms de MM. 

696. (1879) Balzac, sa méthode de travail

Il se dit : « En moi sont des sources fécondes. » Il les avait constatées par des regards intérieurs, des visions, des repliements sur lui-même ; mais avant d’obtenir un résultat, que de trouées infertiles, que d’efforts, de privations et de souffrances !

697. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Topffer »

Mais l’intérieur de ces vieilles poitrines de grimpeurs de montagnes ou du cœur de rose de cette fillette, mais la manière de concevoir et de sentir la vie de ce mâle et pauvre curé qui, son bréviaire récité, sa messe dite, se rappelant qu’il est un robuste fils des Alpes, s’en va faire la guerre aux oiseaux du ciel pour nourrir les pauvres de la terre, voilà ce que l’on voudrait voir, voilà ce que Topffer ne nous montre pas avec assez de détails et ce qui n’aurait pas échappé à Sterne, par exemple, ce grand moraliste qui sait aussi fixer en trois hachures un paysage d’un ineffaçable fusain, grand comme l’ongle, mais infini d’expression, et qui reste à jamais, dès qu’on l’a vu, dans la mémoire, comme une pattefiche dans un mur !

698. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Proudhon et Couture »

Ils ont le sentiment chevaleresque de l’honneur de la France à l’étranger, mais, à l’intérieur, ils ne voient rien.

699. (1898) La poésie lyrique en France au XIXe siècle

Il y a des jours où nous sommes tristes, et alors, si le ciel est sombre, si le vent souffle, si le temps est pluvieux, si la nature a un aspect misérable et comme en deuil, il nous semble que cette tristesse des choses s’est mise à l’unisson de notre tristesse intérieure. […] Excellence, Messeigneurs, Mesdames, Messieurs, Hier je vous montrais que, chez Lamartine, la poésie jaillit de l’intérieur. […] C’est le contraire d’une de ces éducations réglées, tranquilles et qui préparent à la vie intérieure. […] C’est justement une enfance faite pour détourner l’esprit de l’intérieur et le reporter vers l’attention des choses extérieures. […] tout ce que les hommes se disent entre eux se ressemble, les idées qu’ils échangent sont presque toujours les mêmes dans toutes leurs conversations ; mais dans l’intérieur de toutes ces machines isolées, quels replis, quels compartiments secrets !

700. (1902) Le critique mort jeune

Si abréger n’est pas trahir, on peut la résumer en ces quelques mots : l’Etat doit borner son activité à assurer l’ordre à l’intérieur, la sécurité à l’extérieur. […] Pour tout ce qui ne touche ni à l’ordre intérieur, ni à la sécurité extérieure, les citoyens doivent posséder toutes les libertés imaginables. […] Le dieu intérieur tue l’homme, flétrit la vie, obscurcit le monde. […] Pénétrés de ces bonnes doctrines homœopathiques, quelques Triphémois ont fondé une « ligue contre la licence des intérieurs », licence mille fois plus honteuse, malsaine et corruptrice que la licence des rues. […] Tellier, dans son intérieur, aimerait sans doute s’entretenir d’autres sujets que de la prophylaxie de la tuberculose ou des travaux de la commission sénatoriale qu’il préside.

701. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIe entretien. Phidias, par Louis de Ronchaud (2e partie) » pp. 241-331

Je n’eus qu’un instant d’extase : c’est celui où, assis à l’angle occidental du temple, sur ses dernières marches, mes regards embrassèrent à la fois, avec la magnifique harmonie de ses formes et l’élégance majestueuse de ses colonnes, l’espace vide et plus sombre de son portique, sur sa frise intérieure les admirables bas-reliefs des combats des Centaures et des Lapithes ; et au-dessus, par l’ouverture du centre, le ciel bleu et resplendissant, répandant son jour mystique et serein sur les corniches et sur les formes saillantes des figures des bas-reliefs : elles semblaient alors vivre et se mouvoir. […] LXIII Rebâtissons le Parthénon : cela est facile, il n’a perdu que sa frise et ses compartiments intérieurs. […] LXV Si on entre sous le péristyle et sous les portiques, on peut se croire encore au moment où l’on achevait l’édifice : les murs intérieurs sont tellement conservés, la face des marbres si luisante et si polie, les colonnes si droites, les parties conservées de l’édifice si admirablement intactes, que tout semble sortir des mains de l’ouvrier ; seulement, le ciel étincelant de lumière est le seul toit du Parthénon, et, à travers les déchirures des pans de murailles, l’œil plonge sur l’immense et lumineux horizon de l’Attique.

702. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (3e partie) » pp. 5-79

Cet homme rude et illettré s’était-il bien nettement rendu compte de la succession d’idées par laquelle il était, degré à degré, monté et descendu jusqu’aux lugubres aspects qui étaient depuis tant d’années déjà l’horizon intérieur de son esprit ? […] « Toutes ces choses, réalités pleines de spectres, fantasmagories pleines de réalités, avaient fini par lui créer une sorte d’état intérieur presque inexprimable. […] Où aurait-il pris cette lumière intérieure parfaite, cette justesse infaillible, cette délicatesse de sainteté qui surgissent tout à coup en lui, comme la fleur surgit du fumier, pour se foudroyer lui-même, s’offrir en holocauste pour un misérable flétri d’avance, et pour s’écrier de sang-froid devant le jury, et devant Dieu, et devant ses concitoyens, dont la considération se change en exécration : C’est moi qui suis le forçat !

703. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre III. Molière »

De sa vie intérieure comme de sa vie extérieure, de ses chagrins et de ses passions comme de ses courses et de ses luttes, il tira de l’expérience une large connaissance des travers, des faiblesses, des vices de la commune humanité. […] L’exactitude dont il se piquait n’avait pas rapport à l’extérieur de la vie, mais à l’intérieur des âmes. […] La flamme de vie intérieure, la tendresse mystique, l’austérité surhumaine, l’ascétisme qui rabat et dompte la nature, de très bonne loi il les rejette : ce ne peut être que sottise ou grimace.

704. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre III. La poésie romantique »

Hugo se plaît à changer le mètre dans l’intérieur d’un poème : il fait alterner les vastes couplets alexandrins avec les strophes agiles de petits vers ; et dans ces diverses parties, aucune égalité, aucun souci de tomber sur un nombre uniforme de vers ou de strophes744. […] Les Voix intérieures mêlent toutes les inspirations des deux recueils précédents : pensives méditations sur les faits du jour, délicieux appels à l’enfance, banales leçons aux épicuriens et aux riches, paysages précis et pittoresques, graves consultations sur le mal du siècle. […] Voix intérieures, XXVUI (passim).

705. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre II. Le rôle de la morale » pp. 28-80

Et pareillement un ordre abstrait, intérieur, dont l’origine est méconnue, qui paraît sortir du moi lui-même, et représenter soit sa nature essentielle la plus haute, soit une volonté supérieure et divine. […] Il n’aurait pas à redouter la critique, il chercherait moins à en imposer s’il imposait davantage, et il ne présenterait pas à l’individu comme un ordre intérieur et une révélation sacrée ce qu’il n’aurait qu’à montrer à l’esprit pour le lui faire volontairement accepter. […] Les autres mêmes se battent entre eux dans notre for intérieur.

706. (1890) L’avenir de la science « X » pp. 225-238

Il faut le dire : l’arbitraire n’ayant pu jouer aucun rôle dans l’invention et la formation du langage, il n’est pas un seul de nos dialectes les plus usés qui ne se rattache par une généalogie plus ou moins directe à un de ces premiers essais qui furent eux-mêmes la création spontanée de toutes les facultés humaines « le produit vivant de tout l’homme intérieur » (Fr.  […] L’enfant la possède encore avant de parler ; mais il la perd, sitôt que la science du dehors vient rendre inutile la création intérieure. […] Mais elles vivent comme l’homme et l’humanité qui les parlent ; elles se décomposent et se recomposent sans cesse ; c’est une vraie végétation intérieure, une circulation incessante du dedans au dehors et du dehors au dedans, un fieri continuel.

707. (1870) La science et la conscience « Chapitre III : L’histoire »

Au reste, ou je m’abuse sur mon ouvrage, ou jamais république ne fut plus grande, plus sainte, plus féconde en bons exemples30. » Tite-Live nous montre on ne peut mieux comment pensent, parlent, agissent et combattent ces sénateurs, ces tribuns, ces généraux, ces partis, ces légions ; mais la nécessité extérieure qui régit le développement de cette ambition incessamment conquérante, le génie de la formule religieuse ou juridique qui préside à tous les faits intérieurs ou extérieurs de cette histoire, en un mot le véritable secret de l’explication des choses romaines, Tite-Live ne le livre point à ses lecteurs, parce qu’il ne le possède pas bien lui-même. […] Cette fatalité intérieure ou extérieure à laquelle la philosophie de l’histoire donne le nom de force des choses, réelle dans les temps anciens comme dans les temps modernes, est d’autant plus difficile à reconnaître au milieu des faits politiques racontés par les historiens de l’antiquité, que, la soupçonnant à peine, ils l’ont laissé deviner aux historiens de nos jours, sur des indications vagues et incomplètes. […] A la place des âmes, mettez des forces ; au lieu des personnes, introduisez des machines, vous pouvez obtenir encore de puissants effets et un grand spectacle ; mais ce spectacle n’est rien en comparaison de celui que présente la lutte de l’âme humaine contre la fatalité intérieure des passions ou la fatalité extérieure des forces naturelles, lutte admirable, parfois sublime, qui a fait dire à un sage de l’antiquité qu’il n’est rien de plus beau sous le soleil.

708. (1901) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Deuxième série

Quand on met dans son intérieur de l’ordre, de la propreté, un peu d’art et de luxe, c’est pour soi d’abord, je le veux bien ; mais, à moins d’être un ours, c’est aussi pour la compagnie… Trois ans après. — Août 1897 en attendant les lettres de refus des éditeurs parisiens auxquels successivement j’offrais mon manuscrit sur La grande prédication chrétienne en France). […] Ils n’ont point de génie ; mais leur pénétrante analyse voit plus clair dans l’intérieur d’un génie que l’homme qui, possédant ce don divin, en est ébloui et enivré. […] La force intérieure de la vérité n’est point ce qui la constitue. […] Mon mérite est absolument nul ici de réclamer l’alliance du blâme et de l’éloge à l’intérieur du même jugement critique ; car, en vérité, je ne trouve pas la moindre difficulté à les unir. […] Il s’agit ici de composer avec des cartes, j’allais dire avec des idées et des mots, une figure idéale qui ait sa logique intérieure et soit harmonieusement combinée.

709. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre IV. Addison. »

Pour pénétrer dans l’intérieur de cette civilisation et de ce peuple, il n’y a pas de meilleur moyen que de s’arrêter avec insistance sur Swift et sur Addison. […] Si deux fois la chute de son parti semble abattre ou retarder sa fortune, il se tient debout sans beaucoup d’effort, par réflexion et sang-froid, préparé aux événements, acceptant la médiocrité, assis dans une tranquillité naturelle et acquise, s’accommodant aux hommes sans leur céder, respectueux envers les grands sans s’abaisser, exempt de révolte secrète et de souffrance intérieure. […] En lisant ces essais, on l’imagine encore plus aimable qu’il n’est ; nulle prétention ; jamais d’efforts ; des ménagements infinis qu’on emploie sans le vouloir et qu’on obtient sans les demander ; le don d’être enjoué et agréable ; un badinage fin, des railleries sans aigreur, une gaieté soutenue ; l’art de prendre en toute chose la fleur la plus épanouie et la plus fraîche, et de la respirer sans la froisser ni la ternir ; la science, la politique, l’expérience, la morale apportant leurs plus beaux fruits, les parant, les offrant au moment choisi, promptes à se retirer dès que la conversation les a goûtés et avant qu’elle ne s’en lasse ; les dames placées au premier rang929, arbitres des délicatesses, entourées d’hommages, achevant la politesse des hommes et l’éclat du monde par l’attrait de leurs toilettes, la finesse de leur esprit et la grâce de leurs sourires : voilà le spectacle intérieur où l’écrivain s’est formé et s’est complu. […] Le rhythme régulier mutile l’élan de l’invention naturelle ; les nuances de la vision intérieure disparaissent ; nous ne voyons plus une âme qui pense ou sent, mais des doigts qui scandent : la période continue ressemble aux ciseaux de La Quintinie, qui tondent tous les arbres en boule, sous prétexte de les orner.

710. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIIe entretien. Balzac et ses œuvres (3e partie) » pp. 433-527

Je ne peux pas vous expliquer ça : c’est des mouvements intérieurs qui répandent l’aise partout. […] Ne pouvant me confier à personne, je lui disais mon chagrin dans ce délicieux ramage intérieur par lequel un enfant bégaye ses premières idées, comme naguère il a bégayé ses premières paroles. […] Sa figure est une de celles dont la ressemblance exige l’introuvable artiste de qui la main sait peindre le reflet des feux intérieurs, et sait rendre cette vapeur lumineuse que nie la science, que la parole ne traduit pas, mais que voit un amant. […] Cette révélation involontaire rendait pensifs ceux qui ne sentaient pas une larme intérieure séchée par le feu des désirs.

711. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLIXe Entretien. L’histoire, ou Hérodote »

En même temps il ordonna de retirer de l’appartement des hommes les lances, les javelots, enfin toutes les armes en usage à la guerre, et les fit déposer dans l’intérieur du palais, de crainte qu’une de ces armes qui sont ordinairement suspendues aux murailles n’atteignît son fils. […] Enfin, ayant rappelé avec peine ses esprits, il dit à Artembarès, qu’il voulait éloigner pour avoir la liberté d’interroger le pâtre : « Allez, j’aurai soin que vous et votre fils soyez satisfaits. » Artembarès sortit ; et les domestiques d’Astyage ayant, par son ordre, conduit Cyrus dans l’intérieur du palais, le roi, resté seul avec le pâtre, lui demanda « où il avait pris cet enfant ? […] Il fendit le ventre d’un lièvre dont il eut soin de conserver la peau intacte, sans en arracher aucun poil, et renferma dans l’intérieur des tablettes où il avait écrit ce qu’il voulait faire savoir. […] Chacun d’eux possède sur ce sol artificiel une cabane, dans laquelle il vit : à l’intérieur, une sorte de porte ou de trappe qui se replie sur elle-même donne accès dans le lac à travers les pilotis ; et quand elle est ouverte, pour empêcher les enfants de tomber dans l’eau, ils ont soin de leur attacher un pied avec une corde.

712. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la société des visiteurs des pauvres. » pp. 230-304

Il dit à sa mère : « Je veux l’épouser. » La bonne duchesse fait quelques objections, qu’elle est ravie de voir repousser par l’impétueux jeune homme, et dit : « Tu as raison, j’irai moi-même demander la main de Mlle Catherine. » — Puis, c’est l’intérieur pauvre et décent des Vallon : le père Vallon, bonhomme à longs cheveux, naïf et timide, organiste à Saint-Séverin ; la petite sœur poitrinaire qui fait des abat-jour ; et la bonne Catherine qui, presque dans le même moment, pioche son piano, coud à la machine, réconforte son père, aide sa petite sœur, et fait le pensum de l’aîné de ses petits frères : immuablement souriante, comme l’automate même de la vertu. […] Toutes mes heures sont occupées ; c’est comme un réseau d’habitudes qui enveloppe et protège ma vie intérieure… » Mais elle n’a pas oublié l’avantageux pasteur Mikils. […] Et elle s’excite, raille le monde où elle a été élevée, ne cache pas au militaire que ce qu’elle apprécie en lui, c’est qu’il n’a pas de « vie intérieure » et qu’il doit être « loyalement païen » ; traite de mensonge et d’hypocrisie une discipline morale qu’elle a acceptée jusque-là avec foi et avec respect ; prononce enfin, ne s’appartenant plus, des mots qu’elle réprouvera demain : et c’est la revanche momentanée de la nature contre la grâce. […] Il m’a paru qu’une âme comme celle de Lia, sérieuse et de forte vie intérieure, devait plus vraisemblablement se rencontrer dans le monde protestant.

713. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quatorzième. »

Quelle conscience eût résisté à cette analyse de l’intérieur, à cet effort impossible pour s’épurer successivement de ces quatre sortes d’intérêt personnel, et se volatiliser pour ainsi dire jusqu’à cet amour qu’on ne peut plus distinguer du sujet qui aime ? […] « Il confesse son indécision ; il avoue qu’il se laisse aller à un serrement de cœur et aux noirceurs causées par les contradictions et les peines de l’incertitude ; que quelquefois, paresse on négligence, d’autres, mauvaise honte ou respect humain, ou timidité, l’empêchent de prendre des partis et de trancher net dans des choses importantes. » Ailleurs il représente ainsi son intérieur : « Je ne vois en moi que haut et bas, chutes et rechutes, relâchements, omissions et paresses dans mes devoirs les plus essentiels, immortifications, délicatesse, orgueil, hauteur, mépris du genre humain, attachement aux créatures, à la terre, à la vie, sans avoir cet amour du Créateur au-dessus de tout, ni du prochain comme de moi-même. » Il s’avoue renfermé, donnant trop de temps à la prière, écrivant beaucoup. […] Il le rendit trop curieux de son intérieur pour n’y pas désirer incessamment la lumière d’autrui, et paresseux à l’action pour qu’il fût plus souple au conseil. […] Ce qu’il veut, c’est une certaine modération dans leur sévérité pour elles-mêmes et dans leurs inquiétudes sur leur intérieur.

714. (1857) Réalisme, numéros 3-6 pp. 33-88

Dans le roman, la description du paysage, des intérieurs, des hommes, est utile et même indispensable. […] En décrivant un intérieur, on raconte souvent la vie privée d’un individu ou d’une famille. […] Il est néanmoins dans ce livre des pages remarquables : l’intérieur de la vieille fille, la distribution des prix, le tribunal. […] Champfleury excelle quand il raconte les histoires intimes, quand il décrit les intérieurs, les bourgeois et les enfants. […] Bonde en conduisant excellemment à l’intérieur les angoisses scientifiques de Casimir.

715. (1874) Premiers lundis. Tome II « Doctrine de Saint-Simon »

Ce qui peut y être considéré comme le propre d’Eugène, c’est la forme qu’il leur a donnée et qui nous représente fidèlement la tournure particulière de son esprit ; quelque chose de complexe, d’un peu obscur à la surface, et qui rayonne par le fond ; une clarté profonde, sans beaucoup de transparence ; une pensée solidaire qui se manifeste sur plus d’un point à la fois, et se déroule avec une plénitude imposante dans sa qualité fondamentale ; un arbre d’une puissante végétation intérieure, qui n’a nul souci de l’écorce ; une allure simple, grave, un peu enveloppée, faisant beaucoup de chemin sans affecter beaucoup de mouvement ; souvent de ces mots brefs et compréhensifs, de ces formules d’apôtre qui gravent une pensée pour toute une religion.

716. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Poésie — I. Hymnes sacrées par Édouard Turquety. »

Parmi les pièces qu’il traduit et qui sont peut-être trop exclusivement lyriques, je distingue le Novembre de Pouschkine, espèce d’élégie d’intérieur, et le piquant adieu du même à une jeune Kalmouque entrevue au passage, et qu’il est tenté de suivre dans la kibitka, espèce de chariot couvert où elle se rembarque pour le steppe immense.

717. (1899) Le monde attend son évangile. À propos de « Fécondité » (La Plume) pp. 700-702

Il nous connaît, il nous a étudiés pendant trente ans, il ne s’illusionne point sur nos goûts intérieurs, sur la puissance de notre amour et sur les possibilités de nos mérites.

718. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre II. Qu’il y a trois styles principaux dans l’Écriture. »

Mais lorsque, sous les rapports chrétiens, on vient à penser que l’histoire des Israélites est non seulement l’histoire réelle des anciens jours, mais encore la figure des temps modernes ; que chaque fait est double, et contient en lui-même une vérité historique et un mystère ; que le peuple juif est un abrégé symbolique de la race humaine, représentant, dans ses aventures, tout ce qui est arrivé et tout ce qui doit arriver dans l’univers ; que Jérusalem doit être toujours prise pour une autre cité, Sion pour une autre montagne, la Terre Promise pour une autre terre, et la vocation d’Abraham pour une autre vocation ; lorsqu’on fait réflexion que l’homme moral est aussi caché sous l’homme physique dans cette histoire ; que la chute d’Adam, le sang d’Abel, la nudité violée de Noé, et la malédiction de ce père sur un fils, se manifestent encore aujourd’hui dans l’enfantement douloureux de la femme, dans la misère et l’orgueil de l’homme, dans les flots de sang qui inondent le globe depuis le fratricide de Caïn, dans les races maudites descendues de Cham, qui habitent une des plus belles parties de la terre91 ; enfin, quand on voit le Fils promis à David venir à point nommé rétablir la vraie morale et la vraie religion, réunir les peuples, substituer le sacrifice de l’homme intérieur aux holocaustes sanglants, alors on manque de paroles, ou l’on est prêt à s’écrier avec le prophète : « Dieu est notre roi avant tous les temps. » Deus autem rex noster ante sæcula.

719. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 29, qu’il est des païs où les ouvrages sont plûtôt apprétiez à leur valeur que dans d’autres » pp. 395-408

Les françois en general n’ont pas le sentiment intérieur aussi vif que les italiens.

720. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Lettres portugaises » pp. 41-51

Dans ces pages qu’on dirait écrites par quelque plaintive Aïssé du xviiie  siècle, et non par une fille des sanctuaires fermés du Seigneur, on cherche en vain la Portugaise, la femme de ce pays où le soleil et la Dévotion font bouillir ces têtes virginales sous leurs frais et chastes bandeaux de lin, et les préparent aux incendies intérieurs et aux ravissements de l’extase.

721. (1868) Curiosités esthétiques « II. Salon de 1846 » pp. 77-198

» — Pour courir sur les toits, il faut avoir le pied solide et l’œil illuminé par la lumière intérieure. […] Ce petit poëme d’intérieur, plein de repos et de silence, encombré de riches étoffes et de brimborions de toilette, exhale je ne sais quel haut parfum de mauvais lieu qui nous guide assez vite vers les limbes insondés de la tristesse. […] Presque toutes sont malades, et resplendissent d’une certaine beauté intérieure. […] La circonférence, idéal de la ligne courbe, est comparable à une figure analogue composée d’une infinité de lignes droites, qui doit se confondre avec elle, les angles intérieurs s’obtusant de plus en plus. […] ∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙    A l’idée de la voir s’approcher de moi, animée d’une vie véritable, je me sentais comme oppressé par une sensation pénible, et incapable de conserver auprès d’elle ma sérénité et ma liberté d’esprit. ∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙∙ Quelque beaux que pussent être son bras ou sa main, jamais je n’aurais pu supporter ses caresses sans une certaine répugnance, un certain frémissement intérieur qui m’ôte ordinairement l’appétit. — Je ne parle ici qu’en ma qualité de chien ! 

722. (1892) Un Hollandais à Paris en 1891 pp. -305

— « Bien ; dis que je recevrai Monsieur ; ouvre la grille intérieure et avertis Monsieur qu’on n’entre ici qu’après avoir essuyé ses pieds. […] Et, — ce qui est très curieux, — ce développement est tout à l’intérieur des strophes, car le poète n’en ajoute pas. […] Il y avait encore chez lui un apport incessant de vie intérieure, qui recueillait les impressions du dehors, les classait et se les appropriait. […] Je vous propose d’appeler ces moments d’arrêt, où le balancement intérieur atteint sa limite, les crises de l’existence individuelle. […] Cette tragédie-là est bourrée de crises intérieures et la vie de Hamlet est une succession d’aventures.

723. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

Il n’y a rien de si plaisant aux yeux de Voltaire et de sa séquelle, que de voir deux prélats s’entre-disputer sur « le silence intérieur », sur « le pur amour », et sur « l’acte continu » et, en effet, cela est risible ! […] et si « le silence intérieur » anéantissait le pouvoir d’exécuter ou de n’exécuter pas ? […] Ou encore : « Je crus plus apprendre sur la pratique des voies intérieures en examinant avec Mme Guyon ses expériences que je n’eusse pu faire en consultant des personnes fort savantes, mais sans expérience pour la pratique. » Peut-on piquer d’un air plus négligent et sans avoir l’air d’y toucher ? […] Il a choisi les choses faibles pour confondre les fortes. » Ou encore : « Toutes les difficultés qu’il (Bossuet) me faisait ne venaient, comme je crois, que du peu de connaissance qu’il avait des auteurs mystiques… et du peu d’expérience qu’il avait des voies intérieures. » C’est ici l’accent qui ne trompe pas. […] Lorsque nous la connaîtrons bien, il nous sera permis de passer du dehors au dedans, et d’étudier l’histoire intérieure de la propagande philosophique au xviiie  siècle.

724. (1857) Causeries du samedi. Deuxième série des Causeries littéraires pp. 1-402

Si l’on nous accorde que la bonne littérature est celle qui reflète le mieux le monde intérieur et les phénomènes de l’âme, comment ce qui est vrai dans le monde ne serait-il pas vrai dans les livres ? […] L’avare, quoique plus compliqué qu’Harpagon, et par conséquent inférieur, a des traits admirables ; la faction des Cruchot et des des Grassins abonde en détails excellents : tout ce drame d’intérieur, causé par la faillite de l’oncle Grandet et le dévouement d’Eugénie, est pathétique, saisissant, irrésistible. […] Un vieux médecin matérialiste, converti par les grâces, la douceur et la piété de sa jeune pupille, quel thème délicieux pour un peintre sincère des délicatesses du monde intérieur et des mouvements mystérieux de l’âme ! […] Passionnés pour l’ordre et l’unité, ils comprennent tout ce qu’il y a là de moyens d’action et de discipline ; ils sont frappés de ce modèle d’organisation, de hiérarchie et d’obéissance, des ressorts harmonieux et puissants de ce gouvernement intérieur agissant sur les consciences pour mieux conduire la vie. […] Les brillants succès remportés au dehors ont fait aisément oublier ou absoudre la dureté déployée dans le gouvernement intérieur du royaume.

725. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. BALLANCHE. » pp. 1-51

Ballanche la crut voir deux jours de suite, au matin, entrer dans sa chambre et lui demander comment il avait passé la nuit : tant était prédominante en son organisation la puissance intérieure, tant elle était indépendante du moment, du lieu, de la réalité actuelle ! […] Heureux si, à défaut d’une exposition complète de système, cette étude de biographie psychologique a insinué à quelques-uns la connaissance, ou du moins l’avant-goût, d’un homme dont la noble ingénuité égale la profondeur, et si cette explication intérieure et continue que nous avons cherché à démêler en lui peut servir de prolégomènes en quelque sorte à ses prolégomènes ! […] Je me déliai, et cherchai plus que jamais mon refuge dans l’étude et dans la poésie intérieure, charme et consolation de ma jeunesse.

726. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre premier. Les caractères généraux et les idées générales. » pp. 249-295

. — Un peu plus tard, ce que ne fait jamais un animal, il dit oua-oua à propos d’un chien en carton qui aboie par le jeu intérieur d’une mécanique, puis à propos d’un chien en carton qui n’aboie pas, mais qui marche sur des roulettes, puis à propos d’un chien de bronze immobile et muet sur l’étagère du salon, puis à propos d’un petit cousin qui marche à quatre pattes dans la chambre, puis enfin à propos d’un dessin qui représente un chien. — Dans ces dernières circonstances, j’ai vu un petit garçon de deux ans répéter le mot oua-oua, quarante à cinquante fois de suite, avec un étonnement, un entrain, une joie extraordinaire. […] Voilà pour les angles. — Avec des droites qui se coupent deux à deux, en formant certains angles, on construit tous les triangles, tous les quadrilatères, et, en général, tous les polygones. — Si l’on impose à une courbe l’obligation d’avoir tous ses points à égale distance d’un autre point intérieur, on a la circonférence. — « La surface plane, ou plan91, est engendrée par une droite perpendiculaire à une autre et tournant autour d’elle en passant toujours par un même de ses points. » Avec des plans terminés par certains polygones et formant certains angles par leur inclinaison l’un sur l’autre, on construit tous les polyèdres. — Avec la révolution du demi-cercle autour de son diamètre, du rectangle autour d’un de ses côtés, du triangle rectangle autour d’un des côtés de l’angle droit, nous fabriquons la sphère, le cylindre, le cône ; avec des sections du cône, l’ellipse, la parabole et l’hyperbole ; avec des combinaisons diverses des éléments primitifs et de ces premiers composés, toutes les espèces possibles de lignes, de surfaces et de solides, parfois si compliquées que l’imagination ne peut les exécuter et que, si la nature ou l’art en fournissent des exemples, l’œil même attentif ne parvient pas à en démêler exactement tous les traits. […] Nous construisons l’utile, le beau et le bien, et nous agissons de manière à rapprocher les choses, autant que possible, de nos constructions. — Par exemple, étant données des pierres éparses et brutes, nous les supposons équarries, transportées, empilées à l’endroit où nous voulons habiter, et, conformément à l’idée du mur ainsi construit, nous construisons le mur réel qui nous préservera du vent. — Étant donnés les hommes qui vivent autour de nous, nous sommes frappés d’une certaine forme générale qui leur est propre ; nous remarquons à un plus haut degré, tantôt chez l’un, tantôt chez l’autre, les signes extérieurs de telle qualité ou disposition bienfaisante pour l’individu ou pour l’espèce, agilité, vigueur, santé, finesse ou énergie93 ; nous recueillons par degrés tous ces signes ; nous souhaitons contempler un corps humain en qui les caractères que nous jugeons les plus importants et les plus précieux se manifestent par une empreinte plus universelle et plus forte, et, s’il se trouve un artiste chez qui ce groupe de conditions conçues aboutisse à une image expresse, à une représentation sensible, à une demi-vision intérieure, il prend un bloc de marbre et y taille la forme idéale que la nature n’a pas su nous montrer. — Enfin, étant donnés les divers motifs qui poussent les hommes à vouloir, nous constatons que l’individu agit le plus souvent en vue de son bien personnel, c’est-à-dire par intérêt, souvent en vue du bien d’un autre individu qu’il aime, c’est-à-dire par sympathie, très rarement en vue du bien général, abstraction faite de son intérêt ou de ses sympathies, sans plus d’égard pour lui-même ou pour ses amis que pour tout autre homme, sans autre intention que d’être utile à la communauté présente ou future de tous les êtres sensibles et intelligents.

727. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre I. De l’action »

Nos mouvements intérieurs sont la plupart du temps presque imperceptibles ; notre vie ne se compose que de petites actions ; nous ne cheminons que pas à pas ; nous ne faisons rien tout d’un coup. […] Sa science n’est qu’un ordre de répugnances et d’inclinations qui le mènent et qu’il aurait bien de la peine à expliquer ; mais ces mouvements si variés et si spontanés cachent une sagesse intérieure et obscure, qui l’écarte involontairement des choses déplacées ou inutiles, et le porte machinalement vers les meilleures et les plus belles. […] Les grandes oeuvres poétiques sont comme les grandes oeuvres naturelles : elles renferment un raisonnement intérieur dont elles n’ont pas conscience, et sont un syllogisme en action.

728. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre (2e partie) » pp. 5-80

Pour moi je pense continuellement à toi, et, pour y penser avec plus de plaisir, j’ai fabriqué dans ma tête une petite figure espiègle, qui me semble être ma Constance… » Et à son fils, qu’il se disposait à appeler en Russie pour y commencer sa fortune : « Il faut que tu me remplaces auprès de ta mère quand je n’y suis pas, et que tu sois son premier ministre de l’intérieur. […] Une voix intérieure me dit une foule de choses que je ne veux pas écrire. […] Il s’arrêtait à chaque instant, comme rappelé par quelque voix intérieure derrière lui, et il improvisait des souvenirs, des plaisanteries ou des sublimités de philosophie qui nous faisaient passer des larmes au fou rire et du fou rire de la jeunesse à l’enthousiasme de l’admiration.

729. (1860) Cours familier de littérature. IX « XLIXe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier » pp. 6-80

Je connaissais par ses récits tous les détails de l’intérieur de Clichy, cette Paphos de cette divinité, ce sanctuaire où toute l’Europe élégante en 1800 allait s’enivrer de la vue de Juliette ; son visage, ses expressions, ses formes, son costume, ses poses, ses langueurs, ses évanouissements pittoresques à une certaine heure de la soirée, où elle défaillait entre les bras de ses femmes, où on l’emportait toute vêtue sur son lit antique, où elle revenait à elle au parfum des eaux de senteur ruisselant sur ses blonds cheveux dénoués, et où les convives de la soirée défilaient ravis devant tant de charmes, attendris par tant de défaillances, mignardises de l’adolescence, de l’amour et de la mort. […] Seulement ma mère, élevée dans une cour, transportée ensuite très jeune dans un noble chapitre de chanoinesses, mariée pendant la Révolution, retirée ensuite dans la modeste obscurité d’une vie de campagne, entourée de la nombreuse famille qu’elle avait mise au monde, était une madame Récamier d’intérieur qui n’avait brillé que pour quelques cœurs et qui n’avait eu d’autre célébrité que celle de sa bienfaisance dans des hameaux. […] M. de Calonne, qui protégeait la mère, fit sans doute placer la fille de manière à attirer les regards de la cour. — Le roi et la reine en furent, en effet, si ravis qu’ils firent entrer, après le dîner, l’enfant dans les appartements intérieurs pour l’admirer de plus près.

730. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIe entretien. L’Arioste (2e partie) » pp. 81-160

Il devra soigneusement s’abstenir de prendre part aux querelles intérieures du gouvernement et du peuple romain. […] Mais il est bien entendu que vous n’interviendrez en aucune façon dans la question politique et dans les affaires intérieures du gouvernement romain. […] « Signé : Jules Bastide. » * * * De ce que vous venez de lire, il résulte que le gouvernement du général Cavaignac n’a point voulu intervenir, et n’est intervenu en aucune façon dans les affaires intérieures, non pas de la république romaine, qui n’exista que deux mois plus tard, mais dans les affaires de l’État romain.

731. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIe entretien. Balzac et ses œuvres (2e partie) » pp. 353-431

II Eugénie Grandet est la peinture d’un vice, d’un vice froid, personnel, implacable, qui, sans présenter au dehors ces férocités dramatiques dont le scélérat passionne ses actes, lui fait commettre dans son intérieur ces cruautés lentes et silencieuses qui lui méritent à bon droit le titre de scélérat. […] Je ne sais quel instinct révélateur et observateur lui a appris que les lieux et les hommes se tiennent par des rapports secrets ; que tel site est une idée, que telle muraille est un caractère, et que pour bien saisir un portrait il faut bien peindre un intérieur. […] Ces salles basses, qui n’ont ni devanture, ni montre, ni vitrages, sont profondes, obscures et sans ornements extérieurs ou intérieurs.

732. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VI »

Mais, voilà que lui apparaissent les œuvres de Beethoven ; voilà qu’il entend les derniers quatuors, et qu’une signifiance merveilleuse à lui s’en transissue ; et voilà qu’il se plonge en ces poèmes, les Symphonies, les Sonates, les Ouvertures, et qu’un univers nouveau naît à lui ; « maintenant se révèle une vie toute faite d’esprit, une sensibilité douce tantôt, tantôt effrayante ; fiévreusement, le trouble, puis la paix, et les soupirs et l’angoisse, et la plainte et le transport ; tout cela semble avoir été pris au sol le plus profond de l’âme, et lui être rendu » ; et il comprend que la musique est, non plus l’élargissement d’autres modes de vie artistique, mais le spécial langage du monde spécial de l’âme… « Tirésias avait vu se fermer, devant lui, le monde de l’apparence ; et il avait pu aussi contempler avec ses yeux intérieurs le fond même de toutes les apparences. » Alors qu’importent les jeux des circonstances vaines, et que veut cette chimère, l’action d’un drame extérieur ? […] » à la musique, ainsi, il ajoutera l’auxiliaire du mot et du geste ; et, par le mot et le geste, il interprétera les significations trop hautement spirituelles ; et il satisfera au végétant, à l’Impur, au pervers, à l’accoutumé des faciles vies banales, et à l’ignorant qui est en nous ; sous le drame intérieur de l’âme, il fera un drame matériel ; il fera un drame ; mais ce drame, prétexte, concession, sera le secours à notre faiblesse ; c’est lui qui, repaissant la chair, laissera l’âme libre d’entendre son langage et d’admettre, librement, la poignance de ses motifs, et de subir le flux effroyable de cette vie idéale. […] Enfin, la traversée du feu, le réveil de Brünnhilde, les noces finales, une énorme et monstrueuse effloraison de musique, comme une tropicale végétation s’élançant après tant d’années de travail intérieur, d’une terre divinement fertile.

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