On a beaucoup insisté, et avec raison, sur la personnalité divine ; mais on s’est trop borné à prouver cette vérité par la psychologie, on a trop cru que tout était démontré lorsqu’on avait dit que tout ce qui est dans l’effet doit se retrouver dans la cause, que, l’homme étant un être intelligent et libre, Dieu doit être aussi, mais infiniment, intelligent et libre. […] C’est surtout par sa méthode hardie et libre, par son principe de l’examen et du doute, que Descartes a bien mérité de la personne humaine ; mais ce n’est là pour lui qu’un moyen de recherche, ce n’est pas sa philosophie même. Il ne voit pas que cette liberté de penser n’est qu’une des formes de la responsabilité personnelle, l’une des preuves les plus évidentes de notre libre individualité. […] Le spiritualisme français se fait honneur de descendre de la libre philosophie du xviiie siècle plus directement encore que de l’idéalisme cartésien. […] Avec lui, il enseigne que l’âme est, non un objet, mais un sujet, non un substratum mystérieux, mais une force libre, ayant conscience de soi, puisant dans le sentiment antérieur de sa causalité propre la conviction de son individualité, d’une unité effective et non nominale, identique d’une identité non pas apparente, mais essentielle, inexplicable enfin par toute hypothèse de collection, collection de modes ou de parties.
Mais je m’attarde à ces Poèmes de mes soirs, et déjà dans de jeunes revues Edmond Pilon publie les premiers vers de sa Maison d’exil, plus libres, plus francs encore et plus aimables que ceux des Poèmes de mes soirs, et qui détruisent les légères critiques qu’on pourrait adresser à son premier livre, puisque dépassées. […] Mais nous sera-t-il permis de déclarer à ce bon poète que nous préférons à ses vers libres — à sa prose rythmée, si l’on veut — les beaux vers larges, si pleins, que nous connaissons de lui ; car M. […] Maurice Perrès Le vers libre pour donner au lecteur l’impression musicale et le frisson du grand art doit être manié avec une dextérité rare et une haute conscience d’artiste.
De murmurer contre elle et de perdre patience, il est mal à propos, et les orthodoxes sont vraiment plaisants dans leurs colères contre les libres penseurs, comme s’il avait dépendu d’eux de se développer autrement, comme si l’on était maître de croire ce que l’on veut. […] Il n’y a pas un seul anneau de cette chaîne qu’on ait été libre un instant de secouer ; le seul coupable en tout cela, c’est la nature humaine et sa légitime évolution. […] La science doit se comporter comme si le monde était libre d’opinions préconçues et ne pas s’inquiéter des difficultés qu’elle soulève. […] L’hérésiarque n’a donc rien à espérer de nos jours, ni des orthodoxes sévères, qui l’anathématiseront, ni des libres penseurs, qui souriront à la tentative de réformer l’irréformable. […] La réforme religieuse et sociale viendra, puisque tous l’appellent ; mais elle ne viendra d’aucune secte ; elle viendra de la grande science commune, s’exerçant dans le libre milieu de l’esprit humain.
Il fallut des esclaves pour qu’il y eût des « hommes libres », affranchis de toute œuvre servile. […] Délivre mon corps de joie ; délivre mes rêves d’amour : tous les songes libres, toutes les pensées libres de ton esclave seront tournés vers toi. […] Ses frémissements doivent rester libres, ne point servir à payer la vie de la bête.
Aux Latins, toujours présents et vénérés, elle avait, dans le cours du xve siècle, ajouté les Crées : si superficiellement que soit hellénisée la Renaissance, si clairsemés qu’aient toujours été les vrais hellénistes, en Italie et ailleurs, cependant l’action des Grecs fut immense et heureuse : de Platon découvert et d’Aristote mieux compris, d’Homère et de Sophocle, sont venues les plus hautes leçons de libre pensée et d’art créateur, et ils ont peut-être le principal mérite de l’heureuse évolution par laquelle la Renaissance, échappant aux creux pastiches et aux grâces bâtardes, atteignit l’invention originale et la sérieuse beauté. […] Mais partout, dans l’aise élégante de la vie comme dans l’élan hardi de la pensée, une sensation esthétique se dégageait : dans la politique, l’amour, la philosophie, la science, le besoin s’enveloppait d’art, et l’activité humaine, s’affranchissant des fins particulières qu’elle poursuivait, les dépassant, se complaisait dans la grâce de son libre jeu, ou se réalisait en formes d’une absolue beauté. […] Despériers sert la Réforme, la libre pensée et la poésie. […] Marguerite elle-même unit la poésie, le mysticisme, l’humanisme, le zèle de la morale ; on sent dans cette période comme un effort pour réaliser l’idéal italien de l’homme complet, dont le libre développement physique et moral ne souffre point de restriction et de limites. […] Même dans la libre philosophie, dans Rabelais, comme plus tard dans Montaigne, rétablissement d’un idéal de la vie pratique devient la fin principale que poursuit la raison.
À travers ses compilations d’histoire et de voyages, écrites sans expression et sans couleur et où un déisme insignifiant est affirmé comme pour couvrir des marchandises suspectes, on sent le libre penseur qui, au tournant d’une phrase, salue presque respectueusement le honteux, grotesque et simiesque Darwin, — la Bête du temps, — et on croit ailleurs deviner çà et là le positiviste très peu positif qui se dissimule… Au vague de son esprit, sans conclusion comme sans vue fixe, Faliés ajoute le vague des doctrines, et si, parmi les civilisations qu’il pouvait étudier et dont il a oublié les principales, il a choisi (pour parler comme lui) les civilisations américaines, c’est qu’il a obéi — la chose n’est pas plus grosse que cela — au hasard de ses lectures et à la préférence de ses admirations. Puisqu’il s’agissait de civilisations, le libre penseur se serait bien gardé de toucher à la seule qu’il y ait dans le monde, — la civilisation chrétienne, — car toutes les autres ne sont que des barbaries, policées peut-être à la peau, mais, pour peu qu’on gratte, atroces, abominables et immondes jusqu’au fond du sang de leurs veines ! […] Car l’Amérique, c’est l’Éden des libres penseurs ! Quoique, dans d’autres temps, elle ait été la terre des plus effroyables despotismes, elle devait être un jour la terre des républiques et de la libre pensée, et on l’aime pour cette raison, même dans le passé !… On lui cherche partout des importances historiques… Et, d’ailleurs, il faut bien en convenir, il y a, dans l’histoire des peuplades de l’Amérique, — chez les Astèques, par exemple, les Mexicains, les Incas, à Quito, — de ces choses qui méritent bien pour les libres penseurs ce grand nom de civilisation, la flatterie moderne !
Les généralités nous fatiguent ; nous aimons mieux les idées particulières qui nous donnent la réputation d’esprit, et qui nous laissent libres de notre conduite. […] Chez le plus grand nombre, Montaigne en tête, c’est l’esprit de curiosité et de libre examen. La Réforme avait invoqué contre le catholicisme le principe du libre examen ; mais à peine conquis, elle l’avait étouffé dans son sein, ne le trouvant bon que contre ses ennemis. […] Le tour naïf de la spéculation libre est comme à la gêne dans les compartiments de cette sorte de scolastique, et le caprice du libre penseur fait trouver plus pesante la méthode du théologien. Cette langue a je ne sais quoi de pédantesque à la fois et de trop libre ; le pédantesque revient à l’éducation et à la profession ; le trop libre, à l’exemple.
L’Italie cherchait les occasions de devenir libre et grande. […] Empêcher l’Autriche d’empiéter sur les États italiens, piémontais ou autres dont les traités ont garanti l’indépendance, afin que l’Italie, destinée à être libre, ne devienne pas une monarchie autrichienne, trop pesante sur ces peuples libres, et trop pesante aussi contre nous-mêmes au midi de l’Europe. […] La Russie aura la route libre sur nous et sur l’Italie. […] L’Italie est libre, si le Piémont cesse d’en affecter la domination. […] Mais négocions pour une Italie libre, et non pour une Italie sarde ou anglaise.
Je suis libre. […] Tu seras libre. […] Les citoyens égaux, les prêtres libres, les religions volontaires, les cultes salariés par eux-mêmes et dans la mesure de la foi qu’ils admettront, les concordats abolis, Dieu hors la loi parce qu’il est au-dessus de toute loi, tels étaient et tels sont les dogmes que la révolution française s’est donné mission d’établir en faits. […] « Mais ce soir-là toute sa vivacité de libres pensées et de verve originale, toute cette chaleur de sympathie et de bienfaisance était comme éteinte par un seul et absorbant intérêt. […] On pense à elle toutes les fois qu’on se sent dans le cœur quelque chose de libre, de fort et de grand.
Il se crut tout à fait libre, à l’état de table rase, ne conservant que le désir ardent de découvrir la vérité en toutes choses par les seules forces de son esprit. […] Un seul homme connaissait le lieu de sa solitude ; c’était le savant père Mersenne, par lequel il communiquait avec le monde, n’ayant affaire qu’aux idées, et libre de tous rapports avec les personnes. […] Le seizième siècle, personnifié dans ses libres penseurs, Montaigne en tête, était arrivé au doute par le savoir. […] Ils n’ont pas été libres de choisir ; je n’en veux pour preuve que les préfaces où ils essayent de nous donner leurs défauts pour des beautés et le faux pour le vrai. […] C’est Descartes que je sens dans une des plus étonnantes beautés du théâtre de Molière, dans cette logique du dialogue si libre dans ses tours, et toutefois si serrée.
L’homme ne naît pas libre, sauf ensuite à embrasser la servitude volontaire. […] Jamais on n’a pensé avec moins d’originalité que depuis qu’on a été libre de le faire. […] Nous tenons par-dessus tout à être libres de produire, et de fait nous ne produisons pas. […] L’homme qui a raison est toujours assez libre. […] À quoi sert d’être libre de parler et d’écrire si l’on n’a rien de vrai et de neuf à dire ?
Des qu’elle agissait à l’étranger, elle ne pouvait servir que son propre principe, le principe des nations libres, composées de provinces libres, maîtresses de leurs destinées. […] Conservons au peuple son éducation religieuse, mais qu’on nous laisse libres. […] Enfin les universités libres enlèveraient jusqu’au dernier prétexte aux récriminations. […] On croit avoir assez fait pour l’impartialité si, après avoir destitué ou refuse de nommer un libre penseur, on destitue ou refuse de nommer un catholique. […] La liberté du travail, la libre concurrence, le libre usage de la propriété, la faculté laissée à chacun de s’enrichir selon ses pouvoirs, sont justement ce dont ne veut pas la démocratie européenne.
Il est impossible que, dans un état libre, l’autorité publique se passe du consentement véritable des citoyens qu’elle gouverne. […] Que pouvez-vous sur la volonté libre des hommes, si vous n’avez pas cette force, cette vérité de langage qui pénètre les âmes, et leur inspire ce qu’elle exprime ? […] Des institutions nouvelles doivent former un esprit nouveau dans les pays qu’on veut rendre libres. […] La raison ne sert, dans les empires despotiques, qu’à la résignation individuelle ; mais, dans les états libres, elle protège le repos et la liberté de tous. […] L’influence trop grande de l’esprit militaire, est aussi un imminent danger pour les états libres ; et l’on ne peut prévenir un tel péril que par les progrès des lumières et de l’esprit philosophique.
Il veut des corps vigoureux et souples, des cerveaux nourris de science réelle, des natures puissantes et libres, transfigurées, comme il le dit lui-même, « dans cette lumière héroïque que le bonhomme Luther a nommée noblement la Joie ». […] Michelet, en réclamant pour tous, la vie saine, puissante, sincère et libre, a fait de cette profonde santé et réalité la condition essentielle et fondamentale de toute vitalité commune ou supérieure. […] Nous sentons qu’elle a trop longtemps déjà fait obstacle à la libre et réelle sympathie humaine, pour que nous admettions encore volontiers la légitimité de son orgueil mauvais. […] Il considère cette « autorité » extérieure comme l’une des conséquences, l’un des produits et l’une des phases, comme le degré supérieur de la solidarité sociale, comme l’union cordiale et intime de l’élite et de la foule dans une libre confiance commune, dans une mutuelle expansion. […] Quand nous voyons un enfant approcher naïvement la main d’un charbon rouge, nous saisissons le bras de l’enfant pour arrêter son geste, sans l’ombre d’une hésitation, d’un élan de libre sympathie, en obéissant à la plus nette, à la plus positive impulsion.
Ce contemporain, dont le nom n’étonnera que ceux qui n’ont lu aucun de ses trois ouvrages caractéristiques, et qu’un instinct heureux de fureteur ou quelque indication bienveillante n’a pas mis sur la voie des Rêveries, d’Oberman et des Libres Méditations ; l’éloquent et haut moraliste qui débuta en 1799 par un livre d’athéisme mélancolique, que Rousseau aurait pu écrire comme talent, que Boulanger et Condorcet auraient ratifié comme penseurs ; qui bientôt, sous le titre d’Oberman, individualisa davantage ses doutes, son aversion sauvage de la société, sa contemplation fixe, opiniâtre, passionnément sinistre de la nature, et prodigua, dans les espaces lucides de ses rêves, mille paysages naturels et domestiques, d’où s’exhale une inexprimable émotion, et que cerne alentour une philosophie glacée ; qui, après cet effort, longtemps silencieux et comme stérilisé, mûrissant à l’ombre, perdant en éclat, n’aspirant plus qu’à cette chaleur modérée qui émane sans rayons de la vérité lointaine et de l’immuable justice, s’est élevé, dans les Libres Méditations, à une sorte de théosophie morale, toute purgée de cette âcreté chagrine qu’il avait sucée avec son siècle contre le christianisme, et toute pleine, au contraire, de confiance, de prière et de douce conciliation ; fruit bon, fruit aimable d’un automne qui n’en promettait pas de si savoureux ; cet homme éminent que le chevalier de Bouflers a loué, à qui Nodier empruntait des épigraphes vers 1804 ; que M. […] Il s’ensevelit sous la religion du silence, à l’exemple des gymnosophistes et de Pythagore ; il médita dans le mystère, et s’attacha par principes à demeurer inconnu, comme avait fait l’excellent Saint-Martin. « Les prétentions des moralistes, comme celles des théosophes, dit-il en tête des Libres Méditations, ont quelque chose de silencieux ; c’est une réserve conforme peut-être à la dignité du sujet. » Désabusé des succès bruyants, réfugié en une région inaltérable dont l’atmosphère tranquillise, il s’est convaincu que cette gloire qu’il n’avait pas eue ne le satisferait pas s’il la possédait, et s’il n’avait travaillé qu’en vue de l’obtenir : « Car, remarque-t-il, la gloire obtenue passe en quelque sorte derrière nous, et n’a plus d’éclat ; nous en aimions surtout ce qu’elle offrait dans l’avenir, ce que nous ne pouvions connaître que sous un point de vue favorable aux illusions. » Il n’est pas étonnant qu’avec cette manière de penser, le nom de M. de Sénancour soit resté à l’écart dans cette cohue journalière de candidatures à la gloire, et que, n’ayant pas revendiqué son indemnité d’écrivain, personne n’ait songé à la lui faire compter. […] Il revient longuement là-dessus en tête des Libres Méditations, et suppose que le manuscrit de ce dernier ouvrage a été trouvé dans l’espèce de grotte où vécut cet ouvrier, nommé Lallemant, et qu’il a été écrit par un autre solitaire plus lettré, son successeur. […] L’auteur des Libres Méditations y touche en effet, et si, comme nous aimons à le croire, il a dit là son dernier mot, le progrès philosophique le plus avancé qui se pût déduire des Rêveries et d’Oberman est visiblement accompli. […] Mais disons-le, si notre reproche sincère tombe en plein sur plusieurs écrits du respectable philosophe, les Libres Méditations, quoique rentrant dans sa même vue générale, échappent tout à fait au blâme, grâce à l’esprit de condescendance infinie et de mansuétude évangélique qui les a pénétrées.
D’ailleurs les peuples libres mettent trop d’importance aux institutions qui les gouvernent, pour les livrer au hasard d’une insouciante moquerie. Si la constitution de France est libre, et si ses institutions sont philosophiques, les plaisanteries sur le gouvernement n’ayant plus d’utilité, n’auront plus d’intérêt. […] Il reste donc à examiner quels sont les sujets de comédie qui peuvent le mieux réussir dans un état libre. […] Les véritables convenances, dans un état libre, ne peuvent être blessées que par les défauts réels de l’esprit ou du caractère. […] On peut s’intéresser sans doute aux situations dont on n’a pas des exemples analogues dans son propre pays ; mais néanmoins l’esprit philosophique qui doit résulter à la longue des institutions libres et de l’égalité politique, cet esprit diminue tous les jours la puissance des illusions sociales.
Donnons quelques exemples de cette double critique, d’un côté large, éclairée, vraiment philosophique, de l’autre trop restreinte et trop circonspecte, trop jalouse de maintenir au détriment du libre génie, la règle et l’autorité. […] Toutefois, après avoir fait la juste part à cette influence, je voudrais que l’on me dît en même temps ce qu’elle a pu avoir de fâcheux, ce que le goût du roi, noble sans doute, mais sec et froid, a pu retrancher de beautés libres et hardies à notre littérature. […] Dans Versailles, je vois précisément l’amour du factice, le goût du despotisme exercé jusque sur une nature inerte, la haine et l’oubli de la tradition, le contraire enfin du génie libre et spontané. […] Horace à la vérité a fait aussi un art poétique ; mais ce sont les rhéteurs qui l’ont baptisé ainsi : pour lui, ce n’était qu’une lettre aux Pisons, lettre familière à des jeunes gens auxquels il donne des conseils en se jouant dans le langage de la plus libre et de la plus aimable conversation. […] Il n’y a eu ni chute par trop d’ambition, ni mauvaise foi, ni erreur de jugement, ni une volonté libre, à qui la passion fait prendre le faux pour le vrai : il y a eu l’impossible.
Le Théâtre Libre. […] Voilà où trente ans de pratique du théâtre, et d’auscultation trop soigneuse du goût commun, ont mené un des esprits les plus libres, les plus vifs, les plus hardis que je connaisse. […] Ce Théâtre a été fondé pour établir l’art réaliste : grossièreté allant jusqu’à l’obscénité, puisque c’est notre erreur favorite, à nous autres Français, de croire que plus le modèle est dégoûtant, plus l’imitation est réelle, et, d’autre part, minutieuse exactitude du décor, de la mise en scène, du jeu et du débit des acteurs, voilà les deux caractères apparents que présente d’abord le Théâtre Libre. […] L’un, par le Théâtre Libre : M. de Curel, qui a donné quatre pièces d’une psychologie curieuse, parfois profonde, toujours originale975. […] Sous l’œil des barbares, l’Homme libre, le Jardin de Bérénice, trois romans idéologiques, sur ce titre commun : le Culte du moi, 3 vol. in-18, 1888-1891 ; l’Ennemi des lois, 1 vol. in-18 ; Huit Jours chez M.
Est-ce que nous avons laissé (comme à Saint-Germain-l’Auxerrois ou à l’archevêché de Paris, en 1830) violer ou saccager le temple, vociférer contre le prêtre, attenter à la libre et inviolable opinion des âmes, la foi ? Est-ce que, sous le feu même de l’événement du 24 février, à côté du chef du sacerdoce de Paris, Mgr Affre, de vaillante mémoire, nous n’avons pas rouvert les églises sous l’égide des citoyens armés, et mis le Dieu et l’autel libres hors la loi des révolutions et des sacrilèges ? […] Le sort nous a réduits à compter nos salaires, Toi des jours, moi des nuits, tous les deux mercenaires ; Mais le pain bien gagné craque mieux sous la dent : Gloire à qui mange libre un sel indépendant ! […] Tu regardais la peur en face, en homme libre, Et ta haute raison rendait plus d’équilibre À mon esprit frappé de tes grands à-propos Que le bain n’en rendait à mes membres dispos ! […] Son beau cap, ses jardins, sa mer, ses bois, ses cieux, Lui prêtèrent la place et l’heure des adieux ; Ses oiseaux familiers, voletant dans la nue, Lui chantèrent au ciel sa libre bienvenue !
Celles des Hébreux et des Chrétiens qui attribuent à la Divinité un esprit libre et infini ; celle des idolâtres qui la partagent entre plusieurs dieux composés d’un corps et d’un esprit libre ; enfin celle des Mahométans, pour lesquels Dieu est un esprit infini et libre dans un corps infini ; ce qui fait qu’ils placent les récompenses de l’autre vie dans les plaisirs des sens.
Le vers libre sera-t-il le chemin futur de la poésie française ? […] Je regardais la feuille et j’y vis un poème en vers libres, ou typographié tel, poème en prose ou en vers libres, selon le gré, très directement ressemblant à mes essais. […] Ce qui se détache nettement comme résultat tangible de l’année 1886, ce fut l’instauration du vers libre. […] Et sa manière de hardiesse philosophique et de libre style, qui pourrait dire l’avoir reprise ? […] H. de Régnier et Samain ; ainsi tente, en une forme dérivée du vers libre, M.
Il n’y a qu’un être libre qui puisse posséder l’idée de la liberté. […] Qu’appelle-t-on être libre ? […] Je suis libre ou je ne le suis pas. […] Je respecte l’humanité seule, et, par là, j’entends toutes les natures libres, car tout ce qui n’est pas libre dans l’homme lui est étranger. […] À ce compte, l’homme n’est pas libre, et le droit c’est la force.
De là cette faiblesse ou cette impuissance de la pensée spéculative, de la vraie poésie, du théâtre original, et de tous les genres qui réclament la grande curiosité libre, ou la grande imagination désintéressée. […] Ils soutiennent et président les Sociétés scientifiques ; si les libres chercheurs d’Oxford, au milieu du rigorisme officiel, ont pu expliquer la Bible, c’est parce qu’on les savait soutenus par les laïques éclairés et du premier rang. […] Il y en a dans le mariage, où l’homme règne incontesté, suivi par sa femme jusqu’au bout du monde, fidèlement attendu le soir, libre dans ses affaires qu’il ne communique pas. […] Ainsi dure leur association politique ; ils peuvent être libres parce qu’ils ont des conducteurs naturels et des nerfs patients. […] Prenons le jour où le silence des affaires laisse aux aspirations désintéressées un libre champ.
Toute la philosophie de l’historien sur ce grand drame militaire se résume en deux mots, il est vrai, décisifs : « C’est un combat d’hommes libres contre des esclaves ». […] Oui, un dieu les remplit et les agite, un dieu qui se change parfois en démon, et qui leur laisse à peine le sentiment du droit et la libre possession d’eux-mêmes. […] Non, il n’est pas vrai que l’homme ne reste point libre dans toutes les vicissitudes, dans toutes les crises de la vie publique. […] Il en est de l’histoire comme de la vie ; elle n’est vraiment humaine que par la libre personnalité de ses acteurs, et elle n’est belle qu’autant qu’elle est humaine. […] A qui objecterait qu’Alexandre n’a pu conquérir l’Orient qu’avec la Grèce asservie, ne peut-on pas répondre que cette conquête eût été autrement féconde, si elle eût pu être faite par une Grèce libre et glorieuse !
Croyez-vous qu’un homme, dans cette position, ne serait pas plus libre pour philosopher qu’un avocat, un médecin, un banquier, un fonctionnaire ? […] Quand l’objet scientifique a par lui-même quelque intérêt esthétique ou moral, il occupe tout entier celui qui s’y applique ; quand, au contraire, il ne dit absolument rien à l’imagination et au cœur, il laisse ces deux facultés libres de vaquer à leur aise. […] La vie antique arrivait au même résultat par l’esclavage : l’homme libre était vraiment dans une belle et noble position, dispensé des soins terrestres et libre pour l’esprit. […] Ce serait l’idylle antique, la vie pastorale rêvée par tous les poètes bucoliques, vie où l’occupation matérielle est si peu de chose qu’on n’y pense pas et qu’on est exclusivement libre pour la poésie et les belles choses. […] » Un tel état de perfection n’exclurait pas la variété intellectuelle ; au contraire, les originalités y seraient bien plus caractérisées, par suite du libre développement des individualités.
Rien ne peut remplacer l’audace et la franchise de vivre : aucune vertu ni aucun vice, aucune patience ni aucune finesse, aucune intelligence ni aucune délicatesse ne peuvent valoir le clair et libre accomplissement d’un acte naturel et libre, pas même l’art prodigieusement esthétique et raffiné auquel peut parvenir l’égotisme dans tous les mondes, et spécialement — selon l’intention de cet article — dans une partie de la jeunesse littéraire moderne. […] En laissant de côté l’histoire et la psychopathie et en s’appuyant sur la simple physiologie, il ne serait pas impossible de prouver que la continence, étant anormale, ne peut pas, comme tout ce qui s’oppose au libre jeu des fonctions vitales, ne pas perturber l’organisme, et par conséquent la pensée qui en est la fleur. […] Elles réclament de nous un esprit libre et des sens en repos25. […] Grabowsky entend par des « sens en repos », l’état de perpétuelle excitation qu’engendre l’abstinence, et par un « esprit libre », le cerveau que titille incessamment besoin sexuel ! Il semblerait plutôt que les sens sont en repos lorsqu’ils sont normalement satisfaits et que l’esprit est libre, lorsque le désir du sexe pleinement rempli, ne vient pas le détourner de sa fonction qui est de penser.
L’histoire explique assez ce qui manquait à cette œuvre, inaugurée par la suppression arbitraire d’un État libre, et par la création factice de démocraties nominales, puis promptement réduite à ce pouvoir absolu qui exploite les bras d’un peuple, mais ne le ranime pas. […] Né d’un vaillant général de l’Empire et d’une mère vendéenne, élevé dès l’enfance au bruit du canon et des bulletins, dans les places d’armes de l’ennemi vaincu, souvent au soleil d’Espagne, dans l’école militaire de sa jeune noblesse ou parmi les pages de sa cour exotique, Victor Hugo reçut l’éducation la mieux faite pour lui, libre, fière, éclatante. […] Perdre la domination au dehors, le droit national au dedans, l’indépendance dans la justice, la libre pensée dans la vie privée, plier sous la défaite, le despotisme et l’inquisition, c’était trop à la fois pour un peuple. […] Certes, cette session législative pour les droits d’un peuple, au milieu de l’attente silencieuse du continent, ce second parlement libre et hardi dans ses remparts assiégés, comme le parlement d’Angleterre l’était dans son île, c’était là un grand exemple pour le monde. […] Pour la première fois, il se sentait à l’aise sur le sol libre et paisible de New-York ; il y voyait son malheur secouru et ses vers accueillis.
Dargaud a toujours été ce qu’on appelle, pour le quart d’heure, un écrivain de la Libre Pensée. […] L’homme, sa personnalité libre, sa moralité, son intellectualité, partout où ces choses-là sont belles, il les sent avec un tressaillement profond, infaillible, qui ne se dément ni ne se blase jamais, et il les exprime avec une émotion presque géniale de vérité et quelquefois presque sainte. […] Plus que protestant, libre penseur, le seul vice de l’histoire de M. […] N’y a-t-il pas dans celle histoire du plus loyal des libres penseurs que la Saint-Barthélemy n’est imputable matériellement ni à l’Église ni à l’Espagne ? […] Depuis que ces lignes sont écrites, le gros des Libres Penseurs n’a pas bougé.
C’est la figure la plus libre et la plus élevée du théâtre de Molière. — L’avarice est un excellent thème de comédie. […] Ni les peuples, ni les rois ne sont libres. […] Comment retrouver l’idéal perdu de la nature libre et du grand homme ? […] Aussi, lorsqu’à la fin ils sont déçus ou déconfits par leur faute, ils ne peuvent rire comme les autres, libres et satisfaits. […] Il tombe simple et libre, s’harmonisant avec les poses, le maintien et les mouvements.
Il sent toutes les délices rafraîchissantes de la nature libre, mais il ne peut les goûter. […] Si le chêne croît dans l’épaisseur d’un bois, entouré de grands arbres, il se dirigera toujours vers le haut, vers l’air libre et la lumière. […] Lorsqu’il sent enfin sa cime dans l’air libre, il s’arrête content, et puis commence à s’étendre en largeur pour former une couronne. […] Un oiseau libre mue sans s’en apercevoir, tant sa mue se fait doucement. […] Ce hêtre était alors tout seul au milieu d’une place libre et bien sèche.
Le spiritualisme est devenu, aux yeux de la plupart de ses adversaires, une opinion théologique, et c’est ainsi que l’athéisme a réussi à faire de sa cause la cause de la libre pensée. […] On défend le dogme orthodoxe contre le rationalisme protestant ; mais voilà bien longtemps que les catholiques ont signalé cette conséquence extrême du principe de la libre croyance, du libre examen, appliqué aux matières sacrées. […] On accuse, dans le camp des libres penseurs, M. […] Parce qu’il était libre. […] Pourquoi s’est-il cru plus libre en faisant le mal ?
De l’être morne, spiritualisé jusqu’à l’anémie, angélisé jusqu’à la presque totale neutralisation sensuelle par l’art du romancier en vogue, il fait jaillir, au libre contact de sa personnalité, l’animal humain dans sa fauve luxuriance ; de l’ensemble du monde pudiquement dissimulé sous un triple voile de convention, d’hypocrisie et d’ignorance, il fait renaître un univers aux forces libres et farouches. […] Le corps n’avait déraison d’être que dompté par l’âme ; la chair, aux libres sensations, n’était que la prison d’une étincelle divine, en perpétuelle mélancolie de son exil terrestre. […] Aux libres et violents instincts, aux farouches sexualités ils opposaient le rêve, la virginité, l’amour cérébral, la spiritualisation de la chair. […] Tel m’est apparu l’homme qui, après avoir détruit tous les obstacles devant lui, a craint de s’élancer au grand air libre, ce grand air dont il redoute l’ivresse et dont il ordonne à l’écrivain de se détourner. […] Ce fragment est une traduction libre empruntée à M.
Oui, il est fâcheux que, dans un pays libre, il y ait cette trace de test 37 dans la loi. […] Mais on aurait pu répondre sans déclamation que cet article était une précaution de haute prudence, qu’il faut tenir compte dans un pays des antécédents historiques, que les Jésuites d’aujourd’hui payent et payeront longtemps encore pour ceux d’autrefois, que la religion tout entière et son libre et paisible exercice pourraient être compromis, troublés, si on ne prenait cette mesure, et qu’enfin il est à désirer que vienne un temps où tout vestige de cette interrogation de conscience puisse disparaître : mais on ne pourrait supprimer à présent la garantie sans de graves inconvénients pour la chose sacrée qui doit être le plus chère à M. de Montalembert, et sans compromettre le gouvernement lui-même.
Je rêve l’homme plus beau, plus fort et plus libre. […] Mais aussi je suis libre : nul ne peut prétendre qu’il me fera écrire contre ma pensée. […] Bientôt, j’émergeai entre les deux rochers et je connus la joie de m’épanouir à l’air libre. […] Elle a su persuader aux prolétaires qu’ils étaient libres, heureux et tout-puissants. […] — Après, nous pourrons voir à vivre égaux et libres.
Son Coligny ne nous en paraît pas moins ambitieux pour être une âme libre. […] Comme Patru, comme Maucroix et quelques camarades de cette date qui sont en dehors de l’Académie, Mézeray ne se transforme point : il continue d’appartenir à cette génération libre et familière d’avant Louis XIV. […] Il est dommage que sa dernière manière de vivre soit allée si fort jusqu’à la manie : car on conçoit un philosophe, un sage un peu marqué d’humeur, ayant écrit ces libres Histoires et se taisant désormais, renonçant au bruit, à la gloire, pour la plus grande indépendance, et se cachant pour bien finir. […] Ses propos libres en toutes choses, et même en matière de religion, n’avaient rien pourtant qui sentît à l’avance le xviiie siècle : c’est toujours en arrière et à l’esprit des âges gaulois qu’il faut se reporter pour le bien juger. […] On l’y reconnaît génie droit et sensé, négligé et libre, irrégulier, inconséquent peut-être, véridique avant tout.
Rachilde Depuis longtemps, l’auteur nous affirme qu’il a inventé le vers libre, et pour nouvelle preuve il nous offre une nouvelle série de poèmes très en dehors des règles connues. […] Le vers libre est un charmant non-sens, un bégayement délicieux et baroque convenant merveilleusement aux femmes poètes dont la paresse instinctive est souvent synonyme de génie.
Cela a toujours été un peu ainsi : la presse littéraire n’est pas du tout libre en France ; il s’est formé de tout temps des coalitions de journaux au profit de telles ou telles coteries. […] Il s’expatria pour voir de plus loin et être plus libre. […] Cela est vrai tant qu’on n’a pas vu les hommes ; mais si on les a vus une fois de près, on est bien mieux de loin pour les juger, pour en parler sans superstition, et sans se faire l’écho de l’opinion. — Pour les jugements littéraires j’ai pensé dès longtemps qu’on ne les aurait tout à fait libres et indépendants sur les hommes de France, qu’en étant à la frontière, à Genève, à Bruxelles, — à Liége. » C'était aussi l’opinion de Voltaire et, avant lui, comme on va le voir, celle d’un esprit de la même famille, Bayle, l’illustre réfugié protestant du xviie siècle, avec lequel Sainte-Beuve avait tant d’affinité3.
Il vécut libre, c’est-à-dire asservi aux seuls mouvements de son instinct et de sa croyance. […] La pose de Musset, le manque manifeste de sincérité de cet écrivain dégingandé, amusant et libre, homme de théâtre, mais rien autre, a pu lasser assez tôt les lecteurs nouveaux. […] Il est aussi quelques autres, avertis combien la forme de Mallarmé le traduit fidèlement, simplement, qu’il est modèle de pensée libre, hardie, harmonieuse, d’expression originale, non professeur d’un procédé. […] Enfin l’intéressante intransigeance, la fronde déjà presque classique va au vers libre, point aux vers tout faits de moules variés, mais au vers polymorphe, décidément démailloté et autonome. […] Ces grandes orgues sont assez désaccordées et hors de service ; il n’est pas que les joueurs de flûte ou de viole qui chantent sur le vers libre à cette heure plus d’un poète, poète, refuse de suivre la mesure au métronome obsédant des romantiques.
Il sourit de « la rhétorique », « qui apprend à faire des vers libres ». […] Je connais sur le vers libre des articles ingénieux ou forts ou niais, mais aucun ne donne de recettes. […] Le vers libre ne leur a point fait tort, ni elles au vers libre. […] Encore une fois, la technique du vers libre est indépendante de sa matière.
Parti du vers classique et parnassien, Louis Raymond est arrivé, selon l’évolution normale, au vers libre. Et de l’emploi de ce moule sévère, indispensable au début, il a gardé l’habitude d’enserrer la pensée dans une forme étroite et exacte, de ne point se laisser aller, comme y invite le vers libre, à ajouter au thème principal des ornements inutiles.
Au nom du sentiment libre et spontané du comique et du beau, Dorante combat et réfute la méthode dogmatique suivie en critique par Lysidas. […] Par quel abus mettent-ils leur veto sur l’alliance de l’imagination et de la raison, sur la subordination libre de la première à la seconde ? […] À cette impression libre et personnelle l’Esthétique n’ajoute, n’ôte, ni ne change rien. […] Mais il ne s’ensuit pas que son goût soit libre absolument, libre vis-à-vis de toute espèce d’idées. […] Seulement vous n’êtes point libre.
Il la reconnut, la légitima, et lui rendit le nom, désormais libre, de duchesse d’Albany. […] Mais je ne reviendrai pas sur ces larmes ; aussi bien je me suis efforcé ailleurs de leur donner un libre cours. […] Après ces seize mois de bonheur caché, libres de leur séjour et de leur vie, les deux amants partirent enfin pour Paris. […] Je n’y savais qu’un moyen : si on ne me provoquait pas, je ferais le mort ; si l’on me touchait le moins du monde, je saurais donner signe de vie et me montrer en homme libre. « Je pris donc toutes mes mesures pour vivre sans tache, libre et respecté, ou, s’il le fallait, pour mourir, mais en me vengeant.
Puis il était toujours resté le vagabond à qui il fallait le grand air et le ciel libre, les courses à l’aventure, et les surprises d’un coin de bois ou d’un coucher de soleil. […] Ainsi, selon le contrat primitif, tous les hommes restent égaux dans la société ; ils cessent d’être libres ; car s’ils sont souverains collectivement, ils sont individuellement sujets. Mais ils sont libres pourtant, car être libre, c’est être soumis à sa volonté propre ; or la volonté constante de l’homme civil, c’est que la volonté générale soit obéie de tous, et de lui-même. […] Il sera donc libre absolument de tous les préjugés que notre xviie siècle était apte à créer. […] Nous voyons tous les jours le libre penseur catholique en vouloir à mort aux prêtres et aux dévots catholiques ; le libre penseur protestant, sauf exception, garde le respect de Calvin et des sympathies étroites pour l’Église de Calvin.
Qu’on y voie encore un exemple de vers libres vraiment parfaits et maniés par un maître. […] Vers libres, poétique nouvelle ! […] Par bonheur, le roman est enfin libre, et pour dire plus, le roman, ainsi que le conçoivent encore M. […] A qui doit-on le vers libre ? […] Le vers verlainien à rejets, à incidences, à parenthèses, devait naturellement devenir le vers libre ; en devenant « libre » il n’a fait que régulariser un état.
Libre à d’autres d’essayer plus. […] Il commença par le Vers Libre (un vers libre toutefois qui ne courait pas encore le guilledou et ne faisait pas de galipètes, pardon, de galimatias comme d’aucuns plus « modernistes »), continua quelque temps par une prose à lui, belle s’il en fut, claire, celle-là, vivante et sursautante, calme aussi quand il faut. […] Libre à lui ! […] La question du vers libre ou non me semble plus pressante. […] J’aurais bien des objections sur le vers libre, par exemple, et sur la libre versification aussi, que préconisent et pratiquent ces amis plus récents de moi.
Le monde politique de 1830 à 1880 faisait l’art à son image ou lui marquait sa place dans les boudoirs et les théâtres d’opérette ; le monde moderne cherchait son idéal ailleurs que dans l’art idéal : les poètes romantiques n’avaient aspiré qu’à faire avant tout et librement l’art idéal vivant, mais la vie, devenue encore plus libre, avant tout se consacrait à la politique, non à l’art. […] Ce nom des Français ou Francs signifie « libres » ; le nom des Allemands signifie « le peuple » ; ce qui montre que les Français ont en eux le sang des émigrés, les Allemands le sang de ceux qui sont restés fixés, qui ont conservé pure la race européenne des Aryens. […] Le Christianisme n’était pas libre ; mais déjà il avait la force de rendre libre : celui qui dans le Christianisme comprenait bien la doctrine du Dieu Homme gagnait la liberté de son âme. […] La France libre du 11. […] La France libre du 18.
Décidément, je m’accorde une heure de repos, Je vais, scaphandrier épuisé, remonter à l’air libre. […] Et le vers libre fait ses premières apparitions heureuses. […] Mais il faut rejeter les douleurs imaginaires et l’humanité doit marcher libre, débarrassée de la croix qui pèse sur elle depuis trop de siècles. […] Ses strophes d’octosyllabes sont inférieures ; mais il sait user mieux que personne des diverses stances d’alexandrins, et je n’hésite pas à le considérer comme notre meilleur chanteur de vers libres. […] Et cependant les vers libres me charment davantage, plus délicieux encore et plus souples.
Sa Traduction de l’Iliade parut d’abord, en 1760, sous le titre d’Essai, & fut suivie, deux ans après, de ce que l’Auteur appelle une Traduction libre, & qu’on peut regarder plutôt comme un bizarre travestissement ; Homere y est défiguré d’un bout à l’autre, plus qu’il ne l’a jamais été par la Mothe. […] Bitaubé prit, il y a quelques années, de refondre cette Traduction libre, & d’en donner une entiere & plus fidelle, n’a pas fait revenir les esprits sur cette Production restée médiocre, quoique vantée par les Journalistes ; mais son Poëme en prose sur la fondation des Provinces-Unies, intitulé Guillaume de Nassau, lui a mérité le suffrage & l’estime des Connoisseurs.
Platon et Socrate criaient aux peuples : « Soyez vertueux, vous serez libres » ; nous leur avons dit : « Soyez libres, vous serez vertueux. » La Grèce, avec de tels sentiments, fut heureuse.
Non pas libre assurément, mais esclave de la faim, de la soif, du froid, de l’arbre qui lui donne ou lui refuse son fruit, de l’herbe qui pousse ou qui sèche sous sa main, de l’animal faible ou féroce qu’il dévore ou dont il est dévoré, de sa nudité qui l’expose à toutes les intempéries de l’atmosphère, esclave de tous les éléments, enfin ; voilà l’homme naissant fastueusement déclaré libre par J. […] Voilà l’homme libre de J. […] Dire qu’un tel être naît libre, n’est-ce pas abuser de la dérision du langage et de l’ironie du raisonnement ? […] Voilà, soit dans l’état sauvage, soit dans l’état de société, voilà l’homme isolé et libre de J. […] Au lieu de lire : l’homme naît libre, et partout il est dans les fers, lisez : l’homme naît esclave, et il ne devient relativement libre qu’à mesure que la société l’affranchit de la tyrannie des éléments et de l’oppression de ses semblables par la moralité de ses lois et par la collection de ses forces sociales contre les violences individuelles.
Une des raisons du vers libre, en effet, est de rendre à la strophe sa vérité et ses lois organiques. […] Cette âme entre les âmes, le Seigneur la laisse libre de se choisir elle-même. […] La grande valeur du vers libre provient de l’habile et du savant maniement des syllabes fortes et faibles. […] Est-ce à dire que le vers libre rompe de parti pris notre tradition poétique ? […] Notre main gauche n’ignore l’acte de notre main droite qu’afin de la laisser libre d’œuvrer selon son instinct.
Adolphe Boschot, réclament quelques adoucissements à la sévère intransigeance des règles prosodiques ; enfin, voici les partisans du vers libre qui, avec MM. […] Certes, je comprends très bien qu’on n’aime pas les vers libres ; moi-même, tout en m’y intéressant fort, je me sens incapable d’en user. […] Gustave Kahn qui contiennent des poèmes d’un sens exquis, tels ces Paysages de Provence que je ne puis parcourir sans émotion, malgré qu’en vers libres. […] Sunt quos curriculo… Il en est qui avec le vers libre, avec le vers sans les entraves prosodiques coutumières, sentent leur souffle grandir ainsi que l’inspiration. […] Or, il n’en est pas de même des poèmes en vers libres où l’intérêt doit porter, en quelque sorte, tout le poids de l’attention qui n’est ni bercée ni distraite par la cadence des sons rimants.
Il est comme la synthèse de la libre recherche. […] Mais l’intelligence aujourd’hui n’est plus libre. […] Dans cette patrie libre, la pensée réclame pareillement de l’ordre, celui que le sang peut fonder et maintenir. […] Henri Dagan dont l’intelligence large, éclairée, précise, le sens esthétique, l’enthousiasme sans sectarisme ont groupé autour de l’Œuvre Nouvelle quelques libres esprits. […] Citons aussi Les Pages Libres de MM.
Les modernes, influencés par les femmes, ont facilement cédé aux liens de la philanthropie, et l’esprit est devenu plus philosophiquement libre, en se livrant moins à l’empire des associations exclusives. […] L’éloquence enfin, quoiqu’elle manquât sans doute, chez la plupart des modernes, de l’émulation des pays libres, a néanmoins acquis, par la philosophie et par l’imagination mélancolique, un caractère nouveau dont l’effet est tout-puissant. […] Il ne faut point comparer les vertus des modernes avec celles des anciens, comme hommes publics ; ce n’est que dans les pays libres qu’il existe de généreux rapports et de constants devoirs entre les citoyens et la patrie.
La même passion sanglante, la liberté revendiquée au prix du meurtre, n’aurait pas ailleurs trouvé la même illusion de tangage : « Sous des rameaux de myrte je porterai le glaive97, comme Harmodius et Aristogiton, lorsqu’ils tuèrent le tyran et qu’ils firent Athènes libre sous les lois. […] « Votre gloire durera toujours dans les siècles, cher Harmodius et Aristogiton, parce que vous avez tué le tyran et fait Athènes libre sous les lois. » La poésie grecque, et surtout celle qui parlait de myrte, n’avait pas toujours cette humeur farouche et ces souvenirs implacables. […] Simonide est un précurseur de Pindare, dans ce culte de la gloire publique si bien assortie à l’imagination des cités libres de la Grèce ; il est le chantre des jeux guerriers et des athlètes vainqueurs ; il écrit en vers l’épitaphe de Léonidas et des siens.
Cette phosphorescence, s’éclairant pour ainsi dire elle-même, crée de singulières illusions d’optique intérieure ; c’est ainsi que la conscience s’imagine modifier, diriger, produire les mouvements dont elle n’est que le résultat ; en cela consiste la croyance à une volonté libre. […] On allègue, il est vrai, que la loi de conservation de l’énergie s’oppose à ce que la plus petite parcelle de force ou de mouvement se crée dans l’univers, et que, si les choses ne se passaient pas mécaniquement comme on vient de le dire, si une volonté efficace intervenait pour accomplir des actes libres, la loi de conservation de l’énergie serait violée. […] Or, il n’est pas douteux que nous nous sentions libres, que telle soit notre impression immédiate. […] Le glycogène déposé dans les muscles est en effet un explosif véritable ; par lui s’accomplit le mouvement volontaire : fabriquer et utiliser des explosifs de ce genre semble être la préoccupation continuelle et essentielle de la vie, depuis sa première apparition dans des masses protoplasmiques déformables à volonté jusqu’à son complet épanouissement dans des organismes capables d’actions libres. […] Descartes, il est vrai, n’allait pas encore aussi loin : avec le sens qu’il avait des réalités, il préféra, dût la rigueur de la doctrine en souffrir, laisser un peu de place à la volonté libre.
Il le voulait libre, aussi bien que florissant par les arts ; et il ne déshonora d’aucune lâche faiblesse cette couronne de poëte qu’il reçut au Capitole. […] C’est l’Espagnol classique ; et chez personne, cependant, l’imagination religieuse n’eut plus d’enthousiasme et de libre ferveur. […] « Quand, dit-il dans une autre méditation, libre de ce cachot, pourrai-je m’envoler aux cieux, et, sur le char qui fuira le plus loin d’ici-bas, contempler la vérité sans faux mélange ? […] là où l’intelligence, délivrée de cette prison mortelle, vivrait unie à ta lumière, libre, sans être errante ! […] Ainsi se prépara pour l’avenir une grande et sévère école, qui devait un jour égaler l’antiquité par de libres imitations et de fécondes différences.
de l’élément même qui la fit la première fois, du cœur et du sang de l’homme, des libres mouvements de l’âme qui ont remué ces pierres, et sous ces masses où l’autorité pèse impérieusement sur nous, je montrai quelque chose de plus ancien, de plus vivant, qui nia l’autorité même, je veux dire la liberté… » J'ai suivi la même marche, porté la même préoccupation des causes morales, du libre génie humain dans la littérature, dans le droit, dans toutes les formes de l’activité.
. — Le Char, opéra-comique en vers libres, avec Alphonse Daudet (1878) […] Valery Vernier, un Duel aux lanternes, étourdissante comédie où le vers atteint aux effets d’art les plus inattendus, Ilote, jolie fantaisie athénienne rimée en compagnie de Charles Monselet, et le Char, opéra-comique en vers libres, dont Alphonse Daudet cisela l’une des roues.
Socrate, c’était la réflexion libre ; Descartes, c’est encore la réflexion libre élevée à la hauteur de la méthode la plus sévère. […] Le nombre des penseurs, des esprits libres, des philosophes, s’accroîtra sans cesse, jusqu’à ce qu’il devienne la majorité dans l’espèce humaine. […] Tout ce qui est libre est vôtre ; ce qui n’est pas libre en vous n’est point à vous, et la liberté est le caractère propre de la personnalité. […] L’activité volontaire et libre. […] Le peuple n’intervenait en rien dans ses propres affaires ; nulle représentation nationale, nulle libre expression de la pensée.
J’avais toujours eu l’intention de proposer à mes confrères de l’Académie des inscriptions et belles-letres de le nommer membre libre de notre compagnie. […] mon ami, que l’homme est peu libre dans le choix de sa destinée ! […] Que de fois j’ai désiré que l’homme naquît ou tout à fait libre ou dénué de liberté. […] Quand je vois des penseurs aussi libres et aussi hardis que Herder, Kant, Fichte, se dire chrétiens, j’aurais envie de l’être comme eux. […] Il n’y combattait plus que faiblement mon projet d’études libres.
Je ne saurais mieux faire ici, Messieurs, que de vous lire la belle page par laquelle un maître admirable de libre pensée et d’action libre, que l’Université de Paris a eu la douleur de perdre l’an passé, Frédéric Rauh, commençait ses originales études sur la Méthode dans la psychologie des sentiments. […] L’esprit scientifique, d’autres l’ont dit déjà et mieux dit au cours de ces glorieuses fêtes, est essentiellement libre. […] Dans l’ordre intellectuel, comme dans l’ordre moral, c’est contre soi-même d’abord qu’il faut savoir être libre.
Si la solidarité augmente notre pouvoir collectif sur la nature, elle accroît aussi notre dépendance sociale ; car, en un sens, moins notre action personnelle est liée à celle des autres et plus elle est libre ; plus elle est liée à celle des autres et moins elle est libre. — Notre libération à l’égard des contraintes naturelles est trop souvent compensée par une aggravation des contraintes sociales. […] « Chacun, dit Nietzsche, se tient pour libre là où son sentiment de vivre est le plus fort ; partant, tantôt dans la passion, tantôt dans le devoir, tantôt dans la recherche scientifique, tantôt dans la fantaisie. […] — L’homme fort est aussi l’homme libre ; le sentiment vivace de joie et de souffrance, la hauteur des espérances, la hardiesse des désirs, la puissance de la haine sont l’apanage du souverain et de l’indépendant ; tandis que le sujet, l’esclave, vit opprimé et stupide34. » La liberté de l’individu, c’est la dose supérieure d’énergie vitale ; c’est la diversité ; c’est la volonté d’indépendance ; c’est l’originalité triomphante.
Ceux-là pensent que les libertés d’un peuple résultent de ses droits, et non point des concessions des princes, non plus que d’états antérieurs ; ils pensent que l’homme fait une sorte d’acte libre en entrant dans une association politique, et qu’à cet instant, qui est une fiction convenue, il cède une partie de ses droits, pour jouir de certains avantages qu’il n’aurait pas sans la société, comme, par exemple, celui de la propriété. […] La royauté était libre dans l’exercice de ses prérogatives, comme l’homme est libre dans l’exercice de ses facultés. La liberté est nécessaire pour établir la moralité des actions ; et nul être n’est libre, s’il ne peut faire un mauvais usage de ses facultés.
Je sais bien qu’il y a la lâche rubrique de « l’Église libre dans l’État libre », que les hypocrites, qui n’y croient pas, débitent aux imbéciles qui y croient, mais ce n’est là qu’une pierre d’attente, que le radicalisme, qui, comme son nom le dit, doit en finir avec les racines de tout, saura bien jeter un jour à la tête de la Papauté !… L’Église libre dans l’État libre, c’est-à-dire l’Église morte dans un État délivré d’elle ; car on espère bien qu’elle mourra de cette liberté à outrance, fatale, du reste, à tous les genres de pouvoirs, qui doivent, un jour, irrémissiblement en mourir !
[L’Idée libre (1896).] […] Il donne alors au vers libre l’allure qu’il avait donnée à l’alexandrin ; il le fait lent, calme, un peu solennel, sérieux, un peu sévère : Midi s’apaise et les vagues s’allongent.
Suis-je vraiment libre quand je rêve ? […] C’est ma rêverie qui est libre, ce n’est pas moi. […] Elle va, comme le ballon libre, où le vent la pousse. […] Dans la rêverie la plus libre, nous arrivons ainsi à mettre un peu d’art. […] Elle apparaît spontanément dans la libre rêverie.
Quelques fragments, lus en séance publique, de ce poème exact, dont l’écueil à la longue est dans la monotonie, mais dont la versification ferme et serrée rappelle souvent les bonnes parties ordinaires de Lucrèce, inspirèrent assez d’estime à l’Académie des sciences pour qu’elle s’associât l’auteur comme membre libre en remplacement du comte Andréossi (27 octobre 1828). […] Daru, qui fait partie de ses écrits inédits, montre d’ailleurs qu’en politique il était des moins sujets aux illusions, qu’il plaçait la difficulté là où elle est en réalité, et qu’après tout il eût été médiocrement étonné de ce qui s’est vu depuis : Les peuples veulent être puissants, libres, tranquilles : ils demandent au philosophe de leur tracer un écrit qui leur garantisse tous ces droits. […] Si vous voulez être libres, soyez forts ; pour être forts, soyez unis ; pour demeurer unis, ayez de l’esprit public, c’est-à-dire préférez l’intérêt général à votre intérêt privé, et souvenez-vous qu’il n’y aurait point d’injustice, si tous les citoyens la ressentaient comme celui qui l’éprouve. Si vous voulez être libres, cessez d’être corrompus, légers, imprévoyants dans vos desseins, inconstants dans vos affections, adorateurs de l’argent ou des vanités. […] Mais dans un pays où la première ambition n’est pas celle d’être libre, où l’on veut d’abord être courtisan, fonctionnaire, riche, décoré de vains honneurs, et puis indépendant, les vanités sont un besoin, la liberté n’est qu’une fantaisie, et il est naturel qu’on éprouve l’incompatibilité de tant d’ambitions contradictoires.
Cette mission remplie, Mallet du Pan était libre ; il pouvait donner ses conseils à qui il lui plaisait, sans manquer à aucun devoir de patrie ou d’honneur. Se considérant comme un simple membre de la grande société européenne tout entière en péril, il était plus libre que Jomini lui-même ne le put être en portant ailleurs l’habileté de sa science militaire et de sa tactique, car, lui Mallet, il n’avait jamais été à proprement parler au service de la France. […] Ce qui frappe Mallet aux diverses époques de notre Révolution, surtout pendant la période qui suit la Terreur, et au lendemain des nouvelles rechutes (telles que le 13 Vendémiaire, le 18 Fructidor), c’est l’absence complète d’opinion et d’esprit public, dans le sens où on l’entend dans les États libres : L’esprit public proprement dit, écrit-il le 28 janvier 1796, est un esprit de résignation et d’obéissance ; chacun cherche à se tirer, coûte que coûte, c’est-à-dire par mille bassesses infâmes, de la détresse générale. […] Rien qu’à l’accent, il est évident qu’avec ce fonds d’humeur républicaine et cette conscience d’homme libre qui se retrouve à nu dès qu’on le presse trop au vif, Mallet du Pan en prend son parti ; il est à bout à la vue de tant de fautes, de sottises, et d’une partie d’échecs si mal jouée : « C’est un bonheur insigne, s’écrie-t-il ; de n’être rien qu’indépendant dans des conjonctures si désespérées, au milieu d’hommes qui ruineraient, par leur façon de faire, les conjonctures les plus favorables. » On voit à présent, sans qu’il y ait doute, quelle franche et particulière nature d’avocat consultant et de conseiller royaliste c’était que Mallet du Pan, ce paysan du Danube de l’émigration. […] Le vulgaire court à cet essai comme l’avare à une opération de magie qui lui promet des trésors, et, dans cette fascination puérile, chacun espère de rencontrer à la fin ce qu’on n’a jamais vu, même sous les plus libres gouvernements, la perfection immuable, la fraternité universelle, la puissance d’acquérir tout ce qui nous manque et de ne composer sa vie que de jouissances.
Sur les idées et les querelles religieuses, il y a des mots heureux : « Les vérités dogmatiques, dit-il, ont des bornes ; né libre et peut-être rebelle, l’esprit humain n’aime point à s’en prescrire. […] » Il s’agissait de savoir si, de peur de porter atteinte à l’hypothèque et au crédit des assignats, la Convention redevenue libre resterait sourde aux cris des familles, réclamant contre les confiscations qui avaient suivi les jugements iniques rendus sous la Terreur. […] Portalis qualifiait ce décret du 3 Brumaire « un véritable Code révolutionnaire sur l’état des personnes. » Il montrait que le régime révolutionnaire avait dû être détruit par la Constitution : « Et au lieu de cela, c’est la Constitution que l’on veut mettre sous la tutelle du régime révolutionnaire. » La suite et l’enchaînement régulier de la discussion s’animait chemin faisant, sur ses lèvres, d’expressions heureuses à force de justesse : « Avec la facilité que l’on a, disait-il, d’inscrire qui l’on veut sur des listes, on peut à chaque instant faire de nouvelles émissions d’émigrés. » Il demandait pour la Constitution de la patience et du temps : « Il faut que l’on se plie insensiblement au joug de la félicité publique. » Il observait que jamais nation ne devient libre quand l’Assemblée qui la représente ne procède ainsi que par des coups d’autorité : « Les institutions forment les hommes, si les hommes sont fidèles aux institutions ; mais si nous conservons l’habitude de révolutionner, rien ne pourra jamais s’établir, et nos décrets ne seront jamais que des piliers flottants au milieu d’une mer orageuse. » On entrevoit par ces passages que Portalis n’était pas dénué d’une certaine imagination sobre et grave qui convenait à la nature et à l’ordre de ses idées législatrices. […] Après avoir traité la question dans sa généralité, il arrivait au fond même, et il ne craignait pas de dire le secret des cœurs : « Les prêtres non assermentés sont, dit-on, violemment soupçonnés de n’avoir jamais aimé la Révolution. » Et en ne les justifiant qu’autant qu’il le fallait pour rester dans le vrai, il maintenait que le cours des pensées est libre et doit être ménagé tant qu’il ne se traduit point en actes coupables : « Quand il s’opère une grande révolution dans un État, il n’est pas possible que tous les membres de cet État changent d’habitudes, de mœurs et de manières dans un instant. […] Et il va jusqu’à dire, au sein de cette assemblée frémissante et où des applaudissements presque unanimes couvraient quelques murmures irrités : « Nous compromettons la liberté, en ayant l’air de séparer la France catholique d’avec la France libre. » — « Il n’est plus question de détruire, concluait-il en finissant, il est temps de gouverner. » Pour que de telles paroles, en effet, se fissent entendre et accueillir, pour qu’elles entraînassent la décision d’une assemblée où le vieux levain conventionnel fermentait encore, il fallait qu’une ère nouvelle eût commencé et que la Révolution fût entrée dans une phase toute différente.
Le premier suit sa libre inspiration, viole les règles et les traditions ; le second observe en tous points l’étiquette, habille sa pensée d’un perpétuel vêtement de parade. […] La stoïque devise que les libres penseurs ont popularisée, c’est justement le fait de l’émigration protestante, bravant la mort et les galères, pour rester digne et véridique : Vitam impendere vero. […] Si vous suivez, hors de France, la fortune de ces proscrits chassés pour leur libre foi, vous constaterez qu’une fraction d’entre eux alla s’établir en Prusse et détermina l’hégémonie de ce royaume. […] Les peuples qui ont, au contraire, secoué le joug de l’autorité religieuse et qui lui ont substitué le libre examen, ont accru par cela même leur énergie. […] « La Réforme, a-t-on écrit, n’aurait amené aucun trouble dans notre pays, si la noblesse ne s’était pas jointe aux libres esprits, qui cherchaient de nouvelles voies à la raison et a la science. » (H.
Qu’on en fasse un cours libre. […] Sur cela, la troupe affiche Beverley, pièce en vers libres, de Saurin. ? […] Pour lui, pour nous, qui l’observons, il semble libre d’ordonner son menu. […] Il nous reste cependant une liberté ; nous sommes libres d’inventer des motifs, libres de colorer à notre gré les actes où la nécessité nous incline. Et cela suffit pour nous donner l’illusion de la volonté libre.
Or est-ce là une philosophie véritable que celle qui n’est pas libre de choisir son point de départ et d’aboutir aux résultats quelconques où sa recherche la conduira ? Les esprits vraiment libres ne trouvent donc pas plus leur compte à l’éclectisme universitaire que les catholiques orthodoxes.
On va aux guerres d’extermination, parce qu’on abandonne le principe salutaire de l’adhésion libre, parce qu’on accorde aux nations, comme on accordait autrefois aux dynasties, le droit de s’annexer des provinces malgré elles. […] L’homme n’appartient ni à sa langue, ni à sa race : il n’appartient qu’à lui-même, car c’est un être libre, c’est un être moral.
c’est toute la cohue de la Libre Pensée ! […] Il a femme et enfants, une femme à laquelle il aurait pu demeurer fidèle comme le premier honnête homme venu, si Meurice n’avait pensé que le Chevalier du libre esprit devait être en même temps le Chevalier du libre amour !
quel motif si puissant auroit un citoyen libre & vertueux d’honorer & d’estimer celui qui n’est que riche ? […] C’est le trait simple & nu, libre & pur, qui s’éloigne le plus du rafinement & de l’étude, de l’art. […] Il faudroit qu’un Ecrivain fut impassible, pour pouvoir donner un libre cours à son âme. […] Le portrait sera quelquefois d’une touche libre, heureuse : mais ne me dites pas que la ressemblance soit exacte. […] Ses tableaux offrent la largeur & la maniere libre de la Nature elle-même.
il chante les nostalgies de la petite éponge qui s’étiole parmi les objets de toilette et songe à sa jeunesse vécue sur un libre rocher couvert d’algues vertes, en pleine mer, dans la familiarité sauvage des crabes, des homards et des crevettes… Les fables de Franc-Nohain, ingénues, falotes et charmantes, sont certes d’une puissante gaîté. […] Franc-Nohain, enfant perdu du vers libre, qu’il manie de toutes façons picaresques, et non, je le crois, sans par-ci par-là quelques parodies de ses contemporains.
Libres l’un et l’autre, rien ne nous empêchait de songer à nous unir, si nos deux familles consentaient à notre union. […] Au premier regard, il paraissait évident que l’intérêt de la France serait de se poser en médiatrice entre les rois et les peuples, et d’empêcher les puissances étrangères d’intervenir, comme une haute police armée, à Naples, et bientôt à Turin, pour faire reculer le régime des institutions libres. […] Léopold, quoique frère de l’empereur d’Autriche, et empereur ensuite lui-même, avait inoculé le goût et l’habitude des gouvernements libres à l’Italie ; il y avait été le précurseur de la révolution et de la tolérance administrative et religieuse descendues du trône sur les sujets. […] Comment une dynastie qui n’était qu’une première famille libre dans un pays libre, dont le gouvernement servait de modèle et d’émulation au monde, comment une dynastie plus que constitutionnelle, qui était à elle seule la constitution et la nationalité dans la terre des Léopold et des Médicis, a-t-elle été perfidement envahie et honteusement chassée de cette oasis, créée par elle, et chassée par les Piémontais du palais Pitti, où le roi Charles-Albert, ce roi d’ambition à tout prix, avait cherché et trouvé un asile chez ceux-là mêmes qu’il persécutait en reconnaissance de leurs bienfaits ? […] Après quelques mois de séquestration dans le monastère de Rome, la séparation civile et religieuse fut prononcée, et la comtesse, libre de ses engagements, se rendit à Paris et dans d’autres capitales, où elle fut suivie par son poète.
Les souverains, au milieu de leur magnificence et au plus fort de leurs succès, l’appellent chez eux pour goûter une fois dans leur vie le plaisir de la conversation libre et parfaite. […] Pour les aimables « oisifs » que décrit Voltaire502, pour « les cent mille personnes qui n’ont rien à faire qu’à jouer et à se divertir », elle est le pédagogue le plus déplaisant, toujours grondeur, hostile au plaisir sensible, hostile au raisonnement libre, brûlant les livres qu’on voudrait lire, imposant des dogmes qu’on n’entend plus. […] En 1759, d’Argenson, qui s’échauffe, se croit déjà proche du moment final. « Il nous souffle un vent philosophique de gouvernement libre et antimonarchique ; cela passe dans les esprits, et il peut se faire que ce gouvernement soit déjà dans les têtes pour l’exécuter à la première occasion. […] On laissait un libre cours à tous les écrits réformateurs, à tous les projets d’innovation, aux pensées les plus libérales, aux systèmes les plus hardis. […] Le roi se rappelle qu’il a rendu l’état civil aux protestants, aboli la question préparatoire, supprimé la corvée en nature, établi la libre circulation des grains, institué les assemblées provinciales, relevé la marine, secouru les Américains, affranchi ses propres serfs, diminué les dépenses de sa maison, employé Malesherbes, Turgot et Necker, lâché la bride à la presse, écouté l’opinion publique552.
Dans le règne végétal ou chez des animaux inférieurs ou vivant à l’état sauvage, ordre, traduction, exécution sont simultanés, l’instinct se manifeste libre de toute contrainte. […] Leurs ébats se donnent libre cours autour des appareils génitaux de l’un et l’autre sexe. […] On serait parfois tenté de croire que ce fut son esprit libre et joyeux. […] On sait que le citoyen de la libre Amérique hait le nègre jusqu’à le lyncher, pendre, flamber, découper ou hacher lui-même pour des peccadilles dont le blanc ignore le souci. […] Il participe également aux Feuilles libres.
Après l’abdication de 1814, le consentement de l’Empereur et la force des événements le rendirent libre. […] « J’entends, je veux, je déclare que, tant que vivra un seul de mes serviteurs gratifiés par mon testament, ou de ceux qui ont reçu un legs annuel à vie, la Sacrée Congrégation ci-dessus nommée ne puisse jouir (excepté de ce qui sera indiqué plus bas) de mon héritage, ni en prendre en aucune manière l’administration, voulant que cette administration soit laissée entière et libre aux mains de mon héritier fiduciaire, Mgr Alexandre Buttaoni (ainsi qu’aux mains de celui ou de ceux qui lui succéderont dans son administration). […] Ceux qui en font partie s’appellent prélats ou monseigneurs, et, depuis les dignités inférieures jusqu’au rang de cardinaux, sont en quelque sorte les ministres libres de l’Église. […] Libre de choisir parmi les plus grands hommes d’État des gouvernements d’Italie l’homme qu’elle distinguerait de son amitié, elle avait distingué, il y avait plusieurs années, le cardinal, déjà connu d’elle en 1814 à Londres. […] Il s’y reposait encore une heure des fatigues du jour dans un doux et libre entretien, avec l’abandon de l’intimité et de la confiance.
Ici, ma conscience d’écrivain et d’homme qui se croit le droit d’examen et de libre opinion se révolte, et prenant votre liste même, monsieur et respectable confrère, monsieur Suin, je la relève et je dis : Dans cette suite de livres que vous confondez sous une même dénomination infamante, je trouve Voltaire tout d’abord, le premier (et il est bien juste qu’il soit le premier) ; je le trouve pour son Dictionnaire philosophique, qui n’a le tort que de dire bien souvent trop haut et trop nettement ce que chacun pense tout bas, ce que l’hypocrisie incrédule de notre époque essaye de se dissimuler encore. […] C’est donc être fidèle, selon moi, à l’esprit de la Constitution, dont nous sommes les gardiens, que de ne pas laisser s’autoriser dans cette enceinte cette apparente unanimité de réprobation contre tout ce qui sent le libre examen, quand il se contient, en s’exprimant, dans les termes d’une discussion sérieuse, non injurieuse. Je ne comprendrais pas que sous le règne d’un Napoléon47, c’est-à-dire d’un souverain qui est jaloux sans doute de garantir tous les intérêts moraux, d’abriter toutes les craintes même et les délicatesses des consciences, mais aussi de réserver tous les droits sérieux et légitimes issus de la Révolution, il y eût un accord aussi surprenant contre cette classe plus ou moins nombreuse qu’on n’appelle qu’en se signant les libres penseurs, et dont tout le crime consiste à chercher à se rendre compte en matière de doctrines. […] Je ne me laisserai pas entraîner sur un autre terrain où la raison n’est plus libre. […] Mais ici la question est autre : on n’est plus libre.
Tous sont libres ; car, par définition, nous avons supprimé les sujétions injustes que la force brutale et le préjugé héréditaire leur imposaient Mais, tous étant égaux, il n’y a aucune raison pour que, par leur contrat, ils concèdent des avantages particuliers à l’un plutôt qu’à l’autre. Ainsi tous seront égaux devant la loi ; nulle personne, famille ou classe, n’aura de privilège ; nul ne pourra réclamer un droit dont un autre serait privé ; nul ne devra porter une charge dont un autre serait exempt D’autre part, tous étant libres, chacun entre avec sa volonté propre dans le faisceau de volontés qui constitue la société nouvelle ; il faut que, dans les résolutions communes, il intervienne pour sa part. […] Le peuple est souverain, et le gouvernement n’est que son commis, moins que son commis, son domestique. — Entre eux « point de contrat » indéfini ou au moins durable, « et qui ne puisse être annulé que par un consentement mutuel ou par l’infidélité d’une des deux parties ». — « Il est contre la nature du corps politique que le souverain s’impose une loi qu’il ne puisse jamais enfreindre. » — Point de charte consacrée et inviolable « qui enchaîne un peuple aux formes de constitution une fois établies ». — « Le droit de les changer est la première garantie de tous les autres. » — « Il n’y a pas, il ne peut y avoir aucune loi fondamentale obligatoire pour le corps du peuple, pas même le contrat social. » — C’est par usurpation et mensonge qu’un prince, une assemblée, des magistrats se disent les représentants du peuple. « La souveraineté ne peut être représentée, par la même raison qu’elle ne peut être aliénée… À l’instant qu’un peuple se donne des représentants, il n’est plus libre, il n’est plus… Le peuple anglais pense être libre, il se trompe fort ; il ne l’est que durant l’élection des membres du Parlement ; sitôt qu’ils sont élus, il est esclave, il n’est rien… Les députés du peuple ne sont donc ni ne peuvent être ses représentants ; ils ne sont que ses commissaires, ils ne peuvent rien conclure définitivement. […] Antérieurement au contrat social, il n’y a pas de droit véritable ; car le droit véritable ne naît que par le contrat social, seul valable, puisqu’il est le seul qui soit dressé entre des êtres parfaitement égaux et parfaitement libres, être abstraits, sortes d’unités mathématiques, toutes de même valeur, toutes ayant le même rôle, et dont nulle inégalité ou contrainte ne vient troubler les conventions. […] Au lieu de lui opposer des digues nouvelles, ils ont songé à détruire les vieux restes de digues qui le gênaient encore. « Dans un gouvernement, disent Quesnay et ses disciples, le système des contre-forces est une idée funeste… Les spéculations d’après lesquelles on a imaginé le système des contrepoids sont chimériques… Que l’État comprenne bien ses devoirs, et alors qu’on le laisse libre… Il faut que l’État gouverne selon les règles de l’ordre essentiel, et, quand il en est ainsi, il faut qu’il soit tout-puissant. » — Aux approches de la Révolution, la même doctrine reparaît, sauf un nom remplacé par un autre.
Il me paraît donc vraisemblable que la conscience, originellement immanente à tout ce qui vit, s’endort là où il n’y a plus de mouvement spontané, et s’exalte quand la vie appuie vers l’activité libre. […] Elle peut s’orienter dans le sens du mouvement et de l’action — mouvement de plus en plus efficace, action de plus en plus libre : cela, c’est le risque et l’aventure, mais c’est aussi la conscience, avec ses degrés croissants de profondeur et d’intensité. […] Mais avec la vie apparaît le mouvement imprévisible et libre. […] Or, comment procéderait autrement une cause libre, incapable de briser la nécessité à laquelle la matière est soumise, capable pourtant de la fléchir, et qui voudrait, avec la très petite influence dont elle dispose sur la matière, obtenir d’elle, dam une direction de mieux en mieux choisie, des mouvements de plus en plus puissants ? […] En d’autres termes, la tension de la durée d’un être conscient ne mesurerait-elle pas précisément sa puissance d’agir, la quantité d’activité libre et créatrice qu’il peut introduire dans le monde ?
que Mme de Staël, disciple également de Jean-Jacques, mais disciple plus libre dès ses débuts et bien autrement originale que Mme Roland par le tour d’esprit et la manière de dire, ah ! […] Dès que je suis libre, je remonte au cabinet commencer ou continuer d’écrire ; mais, quand le soir arrive, le bon frère nous rejoint ; on lit des journaux ou quelque chose de meilleur ; il vient parfois quelques hommes ; si ce n’est pas moi qui fasse la lecture, je couds modestement en l’écoutant, et j’ai soin que l’enfant ne l’interrompe pas, car il ne nous quitte jamais, si ce n’est lors de quelque repas de cérémonie : comme je ne veux point qu’il embarrasse personne ni qu’il occupe de lui, il demeure à son appartement ou il va promener avec sa bonne et ne paraît qu’à la fin du dessert. […] Si j’étais libre, je suivrais partout ses pas pour adoucir ses chagrins et consoler sa vieillesse ; une âme comme la mienne ne laisse jamais les sacrifices imparfaits ; mais Roland s’aigrit à l’idée d’un sacrifice, et la connaissance une fois acquise que j’en fais un pour lui renverse sa félicité ; il souffre de le recevoir, et ne peut s’en passer. » Roland avait raison, et tous les hommes à sa place auraient souffert comme lui. […] Dès qu’il vit Buzot plus en pied que lui et plus favorisé, il s’irrita, s’ulcéra et prit la fuite : « C’était un bon et tendre frère, nous dit Mme Roland, parlant de Lanthenas ; mais il ne pouvait être autre pour mon cœur, et ce sentiment me rendait d’autant plus libre et franche dans l’intimité établie entre nous trois. […] Mais si l’infortune opiniâtre attache à tes pas quelque ennemi, ne souffre point qu’une main mercenaire se lève sur toi ; meurs libre comme tu sus vivre, et que ce généreux courage qui fait ma justification l’achève par ton dernier acte. » Mme Roland dans sa prison lisait beaucoup Tacite et cherchait à se pénétrer de sa forme : on s’en aperçoit à la condensation et à l’obscurité de la dernière phrase. — Cette apostrophe à la Caton, cette tirade à la Sénèque ou à la Lucain, très raturée dans le manuscrit, a été reconquise par le présent éditeur.
Cette orthodoxie, il est vrai, pouvait bien sembler un peu étroite et se ressentir de ces excès de rigueur qui sont ordinaires aux grands convertis ; mais il y avait lieu aussi de penser qu’une fois hors du cercle des thèses universitaires et en possession des gloires du doctorat, rentré dès lors dans le champ libre de la littérature, l’auteur trouverait un juste tempérament, et que l’ami, et un peu le disciple de Stendhal, saurait échapper aux formules du dogme. […] L’Oaristys, qui n’est qu’une imitation directe, une traduction un peu libre, ne suffit pas à M. […] » Aussi les images empruntées et les libres réminiscences se succèdent enchâssées avec art ; le palmier de Latone, auquel le vieillard compare les gracieux enfants, ne nous ramène-t-il pas vers Ulysse naufragé s’adressant en paroles de miel à Nausicaa ? […] Qu’on relise la pièce originale, qu’on relise ensuite l’élégie xxxii de Chénier, et l’on verra, dans un excellent exemple, comment l’aimable moderne prend naturellement racine chez les Anciens, et par quel art libre il s’en détache. Cet art libre, ce procédé vivant, André Chénier l’a lui-même trop poétiquement exprimé en sa seconde Épître pour que nous ne posions pas ici cette réponse directe et triomphante à l’attaque qui n’en tient nul compte.
La main qui touche la Lyre, & celle qui trace les devoirs de l’homme, doivent être libres, pour répondre dignement à la noblesse de leur emploi. […] Tel Horace vivoit familièrement avec Mecene en homme libre, & non en homme protegé. […] La plupart des hommes ne pensent que d’après l’habit qu’il portent ; leur profession crée leurs idées ; celui qui a rompu les liens nuisibles au progrès de la raison paroît seul posséder un jugement libre que rien ne tyrannise : Accoutumé à renfermer ses desirs dans le cercle de ses besoins réels il n’en aura point d’illimités. […] L’héroïsme a été le partage des plus vastes génies, jamais l’intérêt n’a souillé leur plume, jamais la crainte n’a fait pâlir leur front ; jamais le remord n’a succédé aux accens de leur voix libre.
Il demande au christianisme d’accepter les conditions nouvelles dans lesquelles la société est entrée depuis trois siècles, et qui sont la science libre, la conscience libre, la pensée libre. […] Guizot accepte entièrement le principe de la discussion libre et tous les autres principes de la société moderne.
Sans doute, il s’y souvient encore et du penchant au plaisir, et des libres idées de sa première patrie ; mais il y mêle un sentiment moral, que relève l’accent de la poésie, pt qu’on n’attendrait pas d’un prétendu devancier du matérialisme moderne. […] Au retour de ses voyages, et sous le renom célèbre de sa secte, Empédocle fut accueilli dans les villes libres de Sicile comme un sage, un enchanteur, un poëte, un musicien tout-puissant. […] On pourrait supposer Empédocle, d’après quelques vers de ses descriptions imitées par Lucrèce ; mais nulle trace du rhythme connu de ses poëmes ne se trouve dans le fragment cité ; et ce fragment, au contraire, sous la main d’un habile éditeur germanique, s’emboîte, avec peu de changements, dans les libres circuits de la strophe pindarique : Nous terminerons ici une étude trop incomplète sur cette haute poésie philosophique et religieuse puisée aux mêmes sources que celles du poëte thébain et s’animant parfois de la même ardeur. […] Lorsque, séparé du corps, tu viendras dans le milieu libre de l’air, tu seras dieu impérissable, incorruptible, non plus soumis à la mort. » Quelle que soit l’élévation de cette morale, on sent cependant ce qui peut y manquer.
Cicéron se tourna vers Pompée, alors le chef de la noblesse, et le premier citoyen de Rome libre. […] Et maintenant, parmi cette libre et riche variété de tant de littératures modernes, Virgile n’a pas perdu sa puissance. […] Le nom en resta dans la langue latine, pour exprimer des récits enjoués et libres. […] Enfin il est d’autres pièces qui sont comme les Saturnales de cette imagination si désordonnée et si libre. […] Il se hâta de publier un écrit intitulé : Moyen prompt et facile d’établir une société libre.
Mettez un rouage dans la rue et dites-lui qu’il est libre, et qu’il se tire d’affaire. […] Il dit nettement : « La législation doit assurer le libre exercice de la propriété ». […] L’harmonie sera libre comme une horloge. […] On ne peut pas être libre et payé : on ne peut pas être soldé par un camp et soldat d’un autre. […] Dans les deux cas, elle ne frappe que les corps et laisse libres ou rend libres les âmes.
Il y a là convention individuelle et libre. […] Cependant, en y réfléchissant, on voit que le prix étant l’objet d’une convention libre, le juge n’a pas à le fixer ; et que si, sans le consentement de l’auteur, l’entrepreneur joue, c’est là un fait matériel simple à constater, un délit analogue à ce que serait pour un livre imprimé ou pour une gravure le délit de contrefaçon, et qui rentre sous la répression correctionnelle.
Ces ligues perpétuelles d’un grand nombre de cités libres ont formé deux aristocraties. L’Empire germanique est aussi un système composé d’un grand nombre de cités libres et de princes souverains.
L’éloquence, soit par ses rapports avec la poésie, soit par l’intérêt des discussions politiques dans un pays libre, avait atteint chez les Grecs un degré de perfection qui sert encore de modèle : mais la philosophie des Grecs me paraît fort au-dessous de celle de leurs imitateurs, les Romains ; et la philosophie moderne a cependant, sur celle des Romains, la supériorité que doivent assurer à la pensée de l’homme deux mille ans de méditation de plus. […] La politique était chez eux une branche de la morale ; ils méditaient sur l’homme en société ; ils ne le jugeaient presque jamais que dans ses rapports avec ses concitoyens ; et comme les états libres étaient composés en général d’une population fort peu nombreuse, que les femmes n’étaient de rien dans la vie19, toute l’existence de l’homme consistait dans les relations sociales : c’était au perfectionnement de cette existence politique que les études des philosophes s’attachaient exclusivement. […] L’éloquence était, chez les Athéniens, tant qu’ils ont été libres, une espèce de gymnastique dans laquelle on voit l’orateur presser le peuple par ses arguments, comme s’il voulait le terrasser.
Au sortir des combats, où des millions de Perses avaient été vaincus par quelques hommes libres, y avait-il un Grec dont l’âme ne fût plus sensible et plus grande ? […] Partout le peuple reconnaissait les images de ses grands hommes ; et sous le plus beau ciel, dans les plus belles campagnes, parmi des bocages ou des forêts sacrées, parmi les cérémonies et les fêtes religieuses les plus brillantes, environnés d’une foule d’artistes, d’orateurs et de poètes, qui tous peignaient, modelaient, célébraient ou chantaient des héros, marchant au bruit enchanteur de la poésie et de la musique, qui étaient animées du même esprit, les Grecs victorieux et libres ne voyaient, ne sentaient, ne respiraient partout que l’ivresse de la gloire et de l’immortalité. […] En Égypte, où la politique était liée à la religion, on se proposait surtout de faire régner la morale dans toutes les classes de citoyens : dans la Grèce, composée de républiques libres et guerrières, on s’attachait à élever les âmes et à nourrir le mépris des dangers et de la mort.
Si vous étiez dans le cas de me faire encore de ces visites de 5 heures du soir que j’aimais tant, vous pourriez, libre au sein de l’amitié, dire sur la politique, la guerre, etc., le mot et la chose : avec des gens qui ne sont point initiés et qui ne méritent pas de l’être, soyons plus réservés. […] C’est avec ce surveillant ignare, avec ce Brutus qui ne sait pas lire, qu’il se suppose en conversation et discutant lequel des deux est le plus heureux au sens du sage ; lequel est le plus libre. […] Il y a pourtant des passages animés de cette demi-vivacité que comporte le genre de l’épître : Qui de nous deux est libre ? […] Non, non, tu n’es point libre, et c’est moi qui le suis. ……………………………………………… Mon esprit libre encor parcourt tout l’univers.
Le libre accord ne détruit jamais la personnalité, elle l’enrichit au contraire de sentiments nouveaux, qui sommeillent dans l’individu et dans la collectivité, prêts à s’éveiller au souffle du dehors. « Il ne faudrait pas confondre l’internationalisme avec l’antinationalisme, a-t-on répondu très justement aux sectaires du nationalisme47…. Un avenir où la vie de l’individu, la vie des groupes, la vie des peuples serait d’autant plus intense qu’elle serait plus libre ; mais où, en même temps, chaque manifestation individuelle se sentirait solidaire de la vie de son groupe, et de la vie de l’humanité, mais où voyez-vous là quelque chose d’incompatible avec les principes de 1789, ou que l’histoire contredise ? […] Les rapprochements gouvernementaux ne réalisent qu’en une proportion minime ce que j’appelle la solidarité inter-nationale ; seuls l’accord libre, l’alliance intime, peuvent déterminer dans l’humanité de vastes courants de sympathie. […] On sait combien sont solidaires les marchés financiers et industriels, de quelle importance est le transit maritime, quel chiffre énorme de voyageurs transportent les express internationaux, le nombre des communications postales qui s’échangent entre tous pays ; il est évident que ces financiers, ces industriels, ces voyageurs de terre et de mer, ces correspondants, s’ils sont d’esprit clairvoyant et libres de préjugés, doivent posséder du nationalisme, une conception toute autre que celle de l’homme solitaire, borné au cercle minuscule de son activité locale. […] Je ne suis pas avec ceux qui considèrent ces libres rapports comme un attentat aux nationalités.
Pour un animal libre comme nous, cette chose est la vertu ; pour un animal privé de liberté comme lui, cette chose n’est pas : donc dans la vie présente il n’a point de destinée du tout. […] Plus désintéressé, il fut plus libre. […] Jouffroy vécut à l’abri du style obscur et sublime ; ses phrases restèrent libres de généralités et de métaphores, et il ne fut point tenté d’étudier, au lieu des idées et des sensations, « les capacités et les facultés. » Il vécut retiré, presque toujours à la campagne, dans une petite maison, au pied d’une colline, près d’une jolie rivière murmurante, dans son comté de Kent. On lui offrit une place de professeur à Cambridge ; il refusa, aimant mieux penser par lui-même, et jugeant qu’un enseignement officiel n’est jamais assez libre. […] Cousin, habitué à l’empire, s’étonna de rencontrer un esprit si original et si libre ; quoique un peu choqué, il l’estima et ne tenta point de le convertir.
Venu au monde bon et libre, c’est la société qui le rend esclave et méchant. […] le paganisme et le christianisme sont d’accord : à savoir, un être également capable de mal et de bien, et libre de choisir. […] Tout y étant institué dans l’idée d’un être libre et faillible, tout s’y fait au rebours du bon sens. […] Ainsi il proclame l’homme libre, et il retranche de l’éducation la seule chose par laquelle l’homme reconnaît qu’il est autrement libre que les animaux, cette obéissance qu’un moraliste bien autrement sûr que lui, saint Paul, appelle du nom si beau d’obéissance raisonnable. […] Est-ce que Rousseau exclut les domestiques de sa définition de l’homme né libre ?
La libre navigation de Crevel devient au cours de l’été 1924 une contradiction vécue, un déchirement entre des présupposés incompatibles, que l’écriture doit fouiller, éclaircir, dialectiser. […] Libre donc à Paul Valéry d’évoquer sur le mode lyrique les frissons extraordinaires qui ont couru sur la moelle de l’Europe, les produits connus de l’anxiété qui va du réel au cauchemar et retourne du cauchemar au réel, libre à lui de prononcer l’oraison funèbre du Lusitania ba et d’entonner ses thrènes. […] Ainsi, entre autres bienfaits, un livre du genre du Manifeste du surréalisme eut celui de nous montrer combien, au fond de l’homme, dur doit être le noyau d’injustice, d’indignité à devenir libre pour qu’il ait si aisément consenti à se laisser enfermer sans regimber au milieu du bric-à-brac réaliste. […] Ainsi l’homme libre dédaigneux de la conscience et de son joug aspire à la nuit, son bonheur, sa liberté. […] Il s’agit bien ici de contester l’idée de « crise de l’esprit » brandie contre les avant-gardes qui ont érigé en valeurs l’émotion et la sensation, non sans se réserver le droit de libre examen des vérités reçues .
j’ai un si grand faible pour le talent qu’il n’est pas jusqu’à ce diable de Veuillot à qui je ne pourrais m’empêcher, je crois bien, de donner ma voix s’il se présentait. » Voilà le vrai littérateur, libre d’esprit, comme je voudrais être. […] Je sais bien que, dans la plupart des cas, vous n’avez attaqué ces catégories de libres penseurs, comme vous les appelez indistinctement et comme quelques-uns d’entre eux s’intitulent, que quand ils arboraient eux-mêmes leur drapeau et qu’ils ouvraient le feu. […] Le volume des Libres Penseurs (1848) en porte la marque à chaque page. […] Veuillot distingue deux veines et deux courants dans la littérature française, le courant gaulois, naturel, et ce qu’il appelle l’influence sacrée, religieuse, épiscopale : il fait à celle-ci, pour la gravité et l’élévation, une part bien légitime ; il est ingrat pourl’autre, pour le vrai et naïf génie national qu’il sent sibien, qu’il définit par ses heureux caractères, et que tout à coup il appelle détestable, se souvenant que ce libre génie ne cadre pas tous les jours avec le Symbole.
Néanmoins la littérature allemande porte le caractère de la littérature d’un peuple libre ; et la raison en est évidente. […] Il n’y a rien d’assez grand ni d’assez libre dans les gouvernements, pour que les philosophes puissent préférer les jouissances du pouvoir à celles de la pensée ; et leur âme ne se refroidit point par des rapports trop continuels avec les hommes. […] Le premier choix est libre ; mais ses suites ne le sont pas. […] Il faut toujours inspirer une sorte de confiance aveugle pour effacer les dissidences individuelles ; car un grand nombre d’hommes, lorsque leur raison est libre, ne donne jamais un assentiment complété toutes les opinions d’un seul.
D’une part, il y a le dogme immuable, et d’autre part, la libre réalité. […] En même temps il se reconnut maître d’une faculté dont le libre exercice lui avait été présenté comme criminel et sacrilège : la pensée. […] La vérité naît peu à peu du libre et impartial examen de l’homme, qui reprend sa place dans l’immense série des êtres et des mondes. […] En même temps la conscience s’épanouissait au contact de la nature, et les terreurs, les scrupules, les aspirations vers la chasteté, le culte de la douleur faisaient place au libre rayonnement de l’individu, qui demandait à vivre pleinement par lui-même.
La qualité caractéristique de l’esprit philosophique est la libre réflexion, le libre examen. […] Elles se donnent alors libre carrière. […] Si nous avons cette idée, c’est que nous nous voyons libres, que nous nous sentons libres, donc nous le sommes. […] Si l’homme n’est pas libre, elle est incompréhensible. […] Il y a donc des actions libres.
Partant de la vieille et banale comparaison d’un peuple libre à un cheval sauvage, Barbier a traduit dans les images qui montrent l’animal dompté, enlevé, poussé, crevé par son écuyer, l’histoire de la France asservie par Bonaparte, lancée à travers l’Europe, épuisée de guerres, et agonisante enfin avec lui. […] C’était une cavale indomptable et rebelle, Sans frein d’acier ni rênes d’or ; Une jument sauvage à la croupe rustique, Fumante encor du sang des rois ; Mais fière, et d’un pied fort heurtant le sol antique, Libre pour la première fois ; Jamais aucune main n’avait passé sur elle Pour la flétrir et l’outrager ; Jamais ses larges flancs n’avaient porté la selle Et le harnais de l’étranger ; Tout son poil était vierge ; et, belle vagabonde, L’œil haut, la croupe en mouvement, Sur ses jarrets dressée, elle effrayait le monde Du bruit de son hennissement.
La duchesse de Bouillon, Marie-Anne Mancini, habitait Château-Thierry : c’était une femme douée ou affligée, comme ses sœurs et ses cousines, d’une imagination vive et sans frein, et de mœurs très libres. […] L’essor des deux poètes étant plus libre d’appréhensions, leur talent en acquérait plus d’éclat.
Le plus léger des houzards romantiques, M. de Stendhal, poussait des pointes en divers sens ; des esprits studieux et libres, comme M. […] En même temps que l’auteur, par sa manière plus naturelle et par la source où il puisait, réjouissait l’espérance des esprits libres, il satisfaisait pleinement les spectateurs simples. […] La première scène du troisième acte, quand Marie, échappée dans le jardin, se ressaisit du jour et de la libre lumière, fut admirée de tous pour l’expression. […] Laisse mes libres pas errer à l’aventure : Je voudrais m’emparer de toute la nature. […] laisse-moi du moins, Soulevant un moment ma chaîne douloureuse, Rêver que je suis libre et que je suis heureuse.
Elle s’en confesse à son vieux mari loyalement, Wangel lui dit : « Je te rends ta liberté ; suis l’Étranger, si tu veux. » Mais, du moment qu’Ellida est libre, le charme est rompu. « Jamais, dit-elle à son mari je ne te quitterai après ce que tu as fait. » Wangel s’étonne : « Mais cet idéal, cet inconnu qui t’attirait ? […] Oui, on nous a déjà dit que le mariage est une institution oppressive, s’il n’est pas l’union de deux volontés libres et si la femme n’y est pas traitée comme un être moral. […] La Dame aux camélias nous montre l’amour libre s’absolvant à force de sincérité, de profondeur et de souffrance Le Fils naturel, l’Affaire Clémenceau protestent contre la situation faite par le code aux enfants naturels […] Car, sortir par le libre examen, comme Ibsen et Eliot, d’une religion dont le libre examen est lui-même le fondement, ce n’est point proprement en sortir, c’est plutôt en développer et en épurer la doctrine. […] Mais la très libre Eliot et le révolté Ibsen n’ont point cessé d’être des « réformés » : Eliot, par la continuité de son prêche et par les textes bibliques dont elle a gardé l’habitude d’appuyer ses pensées personnelles ; Ibsen, dont le théâtre abonde en pasteurs, par on ne sait quel accent et quel son de voix.
Tout ce qui est demeuré de l’apologie interrompue attaque le libre examen, la liberté, la nature, la science. […] C’est même pour cela qu’il est libre. […] Ouverte et libre, elle semble inviter l’ennemi. […] Elle est libre, comme une perdrix dans le chaume ; elle est une proie. […] Demain, c’est peut-être le socialisme, la torpeur, la fin de toute énergie, de toute initiative, de toute liberté… Mais se vouloir libre, c’est se faire libre.
Puis, à côté de l’étude, vint l’émulation ; et, pendant plusieurs règnes, sous l’abri d’une domination qui, avec l’Égypte, embrassait Cyrène et la Syrie, dans le mouvement d’un peuple, sinon libre, au moins curieux, savant et voyageur, sous la protection d’une cour fastueuse, toute possédée du goût et du luxe des arts, tous les talents où s’était illustrée la Grèce, hormis l’éloquence politique et l’histoire, furent cultivés avec autant d’habileté que d’ardeur. […] Mais là paraissait bien cette vérité tant de fois éprouvée : qu’il faut aux lettres une âme bien plus qu’une protection, et que nul loisir, nulle faveur, ne vaut pour elles l’agitation d’un temps libre et glorieux. […] Il a près de lui ses deux ministres, la Force et la Puissance, les mêmes que, dans la Grèce libre, Eschyle représente comme présidant à la vengeance exercée sur un dieu bienfaiteur de l’homme, sur le dieu philanthrope, dit le poëte, qui s’est avisé de donner au genre humain le feu et la science. […] Dans Callimaque, soit qu’il s’agisse d’un libre chant médité par le poëte, ou d’un hymne destiné à quelque fête de l’ancien culte, aux Thesmophories, à l’inauguration des Bains de Pallas ou aux processions de Délos transplantées sur les bords du Nil, le langage est plus abstrait et plus austère, la croyance plus pure et mêlée d’une influence nouvelle. […] Le charme en est pris d’ailleurs, non plus sur les bords de l’Eurotas, que ne foulaient plus alors les vierges libres et pures de Lacédémone.
Venu en même temps que le Père Didon et ayant sauté comme lui sur le dos de la circonstance, mais plus vieux de théâtre et ayant plus que lui l’habitude des parterres, il a effacé dans l’esprit du public l’impression qu’y avait laissée le Père Didon, en opposant à la médiocre argumentation philosophique du moine toutes les misérables petites raisons et toutes les grandes insolences de la Libre Pensée. […] mais ce serait encore plus dans la logique de ce principe de liberté qui règne si despotiquement sur le monde, que de demander l’union libre… Dans un temps qu’il n’est pas difficile de prévoir, ce qu’on dit actuellement contre l’indissolubilité du mariage, des Naquet ou des Alexandre Dumas, qui ne sont pas des phénomènes qu’on ne rencontrera jamais plus, le diront contre le divorce. […] Après le divorce, nous aurons, logiquement, l’union libre.
Il est mort, dit-on, en libre penseur, et ses dernières paroles ont été pour se vanter de cette superbe manière de mourir. « Prenez acte de ceci, — a-t-il dit à ses amis, — que je meurs en libre penseur », c’est-à-dire sans souci de Dieu, de l’âme et de sa destinée. Il a donc réalisé le terrible mot de Stendhal, qui était aussi de cette boutique de la Libre Pensée et qui mourut frappé d’apoplexie sur le pavé, sans que Dieu lui laissai le temps d’être inconséquent à son célèbre dire : « la pénitence est une sottise.
On aime à voir le crime rendre hommage à la vertu, et l’homme libre échappé au tyran, célébré par le tyran même. […] Ils roulent sur la liberté, sur la servitude, sur la honte de tenir la vie d’un ennemi de la patrie, sur le déshonneur qu’il causerait à Athènes, s’il renonçait à être libre pour se faire esclave dans sa vieillesse. […] Antipater admire en écoutant : il semble qu’au spectacle d’un homme libre, son âme s’élève.
Mais non, l’homme est né libre, voilà l’évidence rationnelle, voilà l’axiome ; rien ne vaut contre. […] Il n’y faudrait qu’un peu plus d’aisance, et plus d’air libre circulant dans ces pages un peu compactes. […] Libre, vous ne l’êtes point de naissance. […] Cela fait une difficulté, ou une trop grande facilité, laissant le choix libre. Je décide ici en faveur du siècle libre ; mais ce n’est peut-être pas par libéralisme.
Bien rares sont les moments où nous nous ressaisissons nous-mêmes à ce point : ils ne font qu’un avec nos actions vraiment libres. […] En cela consistent la vie et l’action libres. […] Si je pose deux nombres, en effet, je ne suis plus libre de choisir leur différence. […] Tantôt il suit sa direction naturelle : c’est alors le progrès sous forme de tension, la création continue, l’activité libre. […] Enfin, la conscience est essentiellement libre ; elle est la liberté même : mais elle ne peut traverser la matière sans se poser sur elle, sans s’adapter à elle : cette adaptation est ce qu’on appelle l’intellectualité ; et l’intelligence, se retournant vers la conscience agissante, C’est-à-dire libre, la fait naturellement entrer dans les cadres où elle a coutume de voir la matière s’insérer.
La grande masse de la littérature, tout ce fonds libre et flottant qu’on désigne un peu vaguement sous ce nom, n’a plus senti au dedans et n’a plus accusé au dehors que les mobiles réels, à savoir une émulation effrénée des amours-propres, et un besoin pressant de vivre : la littérature industrielle s’est de plus en plus démasquée. […] Mais, il faut le dire, avec toute l’estime qu’inspirent de semblables travaux, l’entière gloire littéraire d’une nation n’est pas là ; une certaine vie même, libre et hardie, chercha toujours aventure hors de ces enceintes : c’est dans le grand champ du dehors que l’imagination a toutes chances de se déployer. Or, ce champ libre qui a formé jusqu’ici le principal honneur de la France, qu’en a-t-on fait ? […] Mais, ces avertissements donnés, ces précautions prises, et profitant à notre tour de cette audace qu’appuie la nécessité aussi, et de cette inspiration âpre et libre d’une vie de plus en plus dégagée, on est en position et en droit de dire le vrai comme on l’entend sur un ensemble dont l’impression n’est pas douteuse, dont le résultat révolte et crie de plus en plus. […] On eut beau vouloir séparer dans le journal ce qui restait consciencieux et libre, de ce qui devenait public et vénal : la limite du filet fut bientôt franchie.
« Cette société — dit-il — écrasait l’individualité, l’individualité qui doit être libre de toute discipline extérieure. » Et, sur ce thème, le voilà qui part, et dans tout ce livre, heureusement très court, il s’en va, tranchant et frivole, le cure-dent à la bouche, faisant le joli, procureur général expéditif de toute une époque, jugeant dix mille couvents sur un seul, gracieux mignon, mais dont l’insolence est de tout généraliser. […] Dans sa Virginie de Leyva, Philarète Chasles est un moraliste qui traite lestement toutes les religions de formules et qui demande les libres essors du phalanstérien. […] Eh bien, il y a aussi des capucins de la Libre pensée, et Philarète Chasles en est devenu un ! […] Par exemple, l’État libre dans une confédération d’États libres, emprunté à Proudhon et à Girardin ; une apothéose du juste-milieu, comme l’entendait Victor Cousin dès 1828.
Ce libre esprit a dans la « conscience » une foi de fakir. […] Non moins occupé d’ailleurs de l’équilibre des âmes que du libre jeu des corps, M. […] Nouveau coup de tête de la volonté libre. […] Lucien Muhlfeld ne décide pas si l’union libre entraînera de bons ou de mauvais effets. […] Y trouverons-nous prétexte à déclamations pour le divorce et l’union libre ?
Ici c’est le physique qui est libre, tandis que le moral ne l’est pas, là c’est précisément le contraire. […] Son public le laissait libre de se développer à sa manière, et d’être, comme on l’a appelé, l’enfant de la fantaisie. […] Elles lui venaient de son pays natal, de la Suisse, de cette république protestante, où il avait appris à estimer les institutions libres et en même temps à admirer les splendeurs de la nature. […] » auquel les professeurs et les critiques sont libres de répondre par des volumes. […] Les imitateurs gâtent tout : chez eux chaque faiblesse du maître devient un vice, sa libre allure du dévergondage, son scepticisme de l’incrédulité.
L’appeler seulement un historien libre penseur, ne serait point une distinction suffisante, car presque toutes les écoles historiques de ce temps sont filles de la Libre Pensée, et ce n’en serait pas une non plus que de l’appeler historien révolutionnaire. […] après cette ironique destination de l’univers, nous ne connaissons rien de plus beau dans le même sentiment d’ironie que les jugements contradictoires prononcés sur les plus grands hommes par les historiens de la Libre Pensée, toujours libres de se tromper, et nous ne connaissons pas non plus de grand homme qui ait plus essuyé de ces jugements contradictoires, dont la gloire est faite, que le cardinal de Richelieu. […] Glissant comme une chose matérielle sur le plan incliné de l’erreur, boule de neige de toutes les doctrines fausses, niaises ou perverses qu’elle a ramassées en traversant la fange et le sang de la Révolution française, cette tête ardente et faible, dans laquelle beaucoup de talent n’a pu rien sauver, vient de descendre, en ces deux volumes récemment publiés, les dernières marches qui mènent à l’abîme… aussi peu libre de s’arrêter dans sa descente que les têtes coupées de ce temps, dont M. […] Michelet, malgré sa dévotion pour les Saintes révolutionnaires dont il écrit la légende, a mieux aimé (peut-être n’était-il pas libre dans ce choix) se répéter et se recopier que de penser et d’écrire à neuf. […] Michelet, toutes ces femmes modernes qui ne sont pas de vraies chrétiennes, toutes ces femmes plus ou moins libres, avec les droits politiques qu’elles rêvent ou jalousent, avec leurs vaniteuses invasions dans les lettres et dans les arts, avec cet amour de la gloire, le deuil éclatant du bonheur , disait Mme de Staël, et qui est le deuil aussi de la vertu, toutes ces femmes, il ne faut pas s’y tromper, continuent les femmes de la Renaissance.
Le grand point en question était celui-ci : L’Espagne consentirait-elle jamais à traiter avec les Provinces-Unies comme avec une puissance libre et souveraine ? […] Le président avait quitté Paris le 31 juillet : « Plusieurs jeunes gentilshommes français, dit L’Estoile, l’ont accompagné par curiosité dans ce voyage. » La négociation de la paix rompit sur la prétention finale que démasqua le roi d’Espagne d’obliger par traité les Provinces-Unies à rétablir chez elles l’exercice public et libre de la religion catholique. […] Une de ces difficultés principales était la libre navigation et le commerce des Indes dont le roi d’Espagne aurait voulu exclure les Hollandais, et que ceux-ci prétendaient bien conserver. […] Après une de ces exhortations de l’ambassadeur en faveur de la paix, Bentivoglio ajoute : « Sur le visage et dans les paroles du président Jeannin, on croyait voir respirer la majesté et la présence du roi de France lui-même. » Le président Jeannin s’attache à montrer aux États-Généraux qu’une longue trêve équivaut à la paix et vaut même mieux à certains égards, en ce qu’elle ne permet point de s’endormir ; qu’il suffit que cette trêve soit conclue envers eux à d’honorables conditions, c’est-à-dire comme avec des États libres sur lesquels le roi d’Espagne et les archiducs ne prétendent rien ; que si l’on sait bien profiter de cette trêve en restant unis, en payant ses dettes et en réformant le gouvernement, elle pourra se continuer en paix absolue.
Nous avons pensé qu’il pouvait être intéressant de demander à quelques libres écrivains ce qu’ils pensaient de l’Académie, et nous leur avons posé les trois questions suivantes : 1º À votre avis, l’Académie française est-elle ou non en décadence ? […] Mais il y a un esprit artiste, un esprit libre, un esprit profondément anti-académique que l’Académie française ne pourrait admettre sans se placer en contradiction entière avec elle-même. […] Ni Baudelaire, ni Flaubert, ni Barbey d’Aurevilly, ni Verlaine, pas plus aujourd’hui qu’hier n’auraient chance d’être admis par la douairière qui ne peut vraiment goûter l’indépendance irréductible de la pensée, l’originalité exceptionnelle du style, la verve immodérée et la libre allure morale dans les marges sociales. […] « Il y a un esprit artiste, un esprit libre que l’Académie ne saurait admettre sans se placer en contradiction avec elle-même » pense Eugène Montfort.
Le véritable initiateur du vers libre et de la technique symboliste, c’est un Péruvien de Lima, le lieutenant d’artillerie della Rocca de Vergalo qui a introduit, en prosodie, la “strophe nicarine” et toutes les libertés dont se prévalent, les poètes nouveaux. […] Les vers libres ne sont pas autre chose. […] Oscar Wilde, encore qu’il se défendît d’obéir aux préjugés, subissait à son insu cette hostilité héréditaire et s’il avait retrouvé, à Londres, cette même rigueur puritaine, cette même obstination hypocrite du cant (on sait que les Irlandais se font gloire d’un haut renom de chasteté) dont sa libre et sensuelle nature avait à souffrir, il se sentait doublement incité à s’en affranchir par instinct et par désir de faire pièce à une race détestée. […] Chez les Latins les mœurs sont trop libres, l’opinion trop indulgente pour que la théorie du dandysme pût s’y condenser dans toute son âpreté.
Et en effet, avant de fixer et d’arrêter ses idées à cet égard, j’aimerais à ce que tout libre esprit fit auparavant son tour du monde, et se donnât le spectacle des diverses littératures dans leur vigueur primitive et leur infinie variété. […] Avant tout je voudrais n’exclure personne entre les dignes, et que chacun y fût à sa place, depuis le plus libre des génies créateurs et le plus grand des classiques sans le savoir, Shakespeare, jusqu’au tout dernier des classiques en diminutif, Andrieux. […] Heureux ceux qui lisent, qui relisent, ceux qui peuvent obéir à leur libre inclination dans leurs lectures ! […] [NdA] Goethe, qui est si favorable à la libre diversité des génies et qui croit tout développement légitime pourvu qu’on atteigne à la fin de l’art, a comparé ingénieusement le Parnasse au mont Serrat en Catalogne, lequel est ou était tout peuplé d’ermites et dont chaque dentelure recelait son pieux anachorète : « Le Parnasse, dit-il, est un mont Serrat qui admet quantité d’établissements à ses divers étages : laissez chacun aller et regarder autour de lui, et il trouvera quelque place à sa convenance, que ce soit un sommet ou un coin de rocher. »
Voici une page écrite sans légèreté et sans emphase, noble ; mesurée, et pourtant pressante, d’un style ample et grave, sans rien de monotone ou d’académique, qui semble du dix-septième siècle et qui n’est point une copie, qu’on peut relire dix fois, et qu’on trouvera toujours plus belle, et qui, certainement, donne une idée de la perfection : Depuis les premiers jours des sociétés humaines jusqu’à la venue de Jésus-Christ, tandis que dans un coin du monde une race privilégiée gardait le dépôt de la doctrine révélée, qui, je vous prie, a enseigné aux hommes, sous l’empire de religions extravagantes et de cultes souvent monstrueux, qui leur a enseigné qu’ils possèdent une âme, et une âme libre, capable de faire le mal, mais capable aussi de faire le bien ? […] Qui enfin leur a inspiré cette touchante et solide espérance que, cette vie terminée, l’âme immatérielle, intelligente et libre, sera recueillie par son auteur ? […] C’est d’abord la distinction de l’âme et du corps ; puis, c’est la découverte que cette âme est libre. […] » Il y a une grâce touchante dans cette phrase : « L’âme immatérielle, intelligente et libre, sera recueillie par son auteur. » Mais cette grâce et cette force sont à demi cachées ; l’auteur ne les étale point ; d’elles-mêmes elles se font sentir.
La filiation de cette poésie jusqu’à nos temps les plus modernes, la tradition tour à tour naïve ou raffinée qu’ont exploitée dans l’Europe du Nord tant de talents célèbres, les nouvelles créations ou du moins les nouvelles théories sorties de cette libre étude, ont trouvé d’habiles interprètes et d’habiles critiques. […] Ne plaît-elle pas au génie anglais dans son studieux travail, comme dans son libre essor ? […] Et cependant ce n’était pas encore la poésie anglaise donnant l’image la plus rapprochée du génie lyrique des peuples libres. […] Elle sortit de l’étude et de la méditation, dans une vie obscure, mais libre et fière.
Les fondations libres pourraient remplacer les instituts d’État, avec quelques déchets, amplement compensés par l’avantage de n’avoir plus à faire aux préjugés supposés de la majorité ces concessions que l’Étai imposait en retour de son aumône. […] Mais le vrai a une grande force, quand il est libre ; le vrai dure ; le faux change sans cesse et tombe. […] Tout devient moins grossier, mais tout est plus vulgaire. » Au moins peut-on espérer que la vulgarité ne sera pas de sitôt persécutrice pour le libre esprit.