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33. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre IV. Trois espèces de jugements. — Corollaire relatif au duel et aux représailles. — Trois périodes dans l’histoire des mœurs et de la jurisprudence » pp. 309-320

Les Romains eurent leur interdiction de l’eau et du feu. […] Il est certain que dans la législation romaine ce ne sont que les préteurs qui introduisirent la loi prohibitive contre la violence, et les actions de vi bonorum raptorum. […] Ces sectæ temporum caractérisent la jurisprudence romaine, d’accord en ceci avec tous les peuples du monde. Elles n’ont rien de commun avec les sectes des philosophes que certains interprètes érudits du Droit romain voudraient y voir bon gré malgré. […] C’est la dernière secta temporum de la jurisprudence romaine qui commença dès la république.

34. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 16, objection tirée du caractere des romains et des hollandois, réponse à l’objection » pp. 277-289

Les romains ne ressemblent plus, continuera-t-on, aux anciens romains si fameux par leurs vertus militaires et que Tacite définit, des gens ennemis de toutes ces vaines démonstrations de respect qui ne sont que des céremonies. […] Les bataves et les anciens frisons, objectera-t-on encore, étoient deux peuples composez de soldats, et qui se soulevoient dès que les romains vouloient exiger d’eux d’autres tributs que des services militaires. […] Quant aux romains, je répondrai que lorsque le reste de l’Europe voudra se guérir de la maladie du céremonial, ils ne seront pas les derniers à s’en défaire. […] Peut être que les romains nos contemporains montreroient encore cette modestie après les succès, et cette hauteur dans le danger qui faisoient le caractere des anciens romains, si leurs maîtres n’étoient pas d’une profession qui défend d’aspirer à la gloire militaire. […] Si les romains ont réellement dégeneré, ce n’est point certainement dans toutes les vertus.

35. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre huitième »

Considérations sur la grandeur et la décadence des Romains. — Bossuet et Montesquieu comparés. — § II. […] Considérations sur la grandeur et la décadence des Romains […] Le premier en date est le livre des Considérations sur la grandeur et la décadence des Romains. […] Montesquieu connaît les talents du peuple romain ; il connaît moins ses vertus. […] Les Considérations sur la grandeur et la décadence romaines en sont comme le préambule.

36. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIIe entretien. Cicéron (2e partie) » pp. 161-256

Cet amour était très habituel aux grands Romains, nourris par la louve, et fils de Cincinnatus, le grand laboureur. […] Deux chevaliers romains ont offert de te délivrer de moi, et ont promis de m’égorger dans mon lit avant le jour. […] toi, nommé dans tous les temps le soutien de l’empire romain ! […] pourquoi, Romains ? […] quelle grâce et en même temps quel enjouement dans ces leçons, s’écrie le philosophe du moyen âge, en étudiant le philosophe romain.

37. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XVII. »

Derniers chants du polythéisme romain. — Pervigilium Veneris. […] L’influence si naturelle des mœurs sur le culte devait, avec le progrès de la grandeur et de la politesse romaines, accréditer de préférence les autels de la déesse dont César prétendait descendre. […] Elle nous explique la mélancolie profonde de quelques accents, le pathétique de quelques pensées, dans ces drames attribués à l’infortuné précepteur de Néron, dans ces œuvres déclamatoires qui certainement ne parurent pas sur le théâtre romain. […] Ainsi mourait le génie romain, glacé par la terreur et avili par la servitude. […] soyez-nous propices, alors que celui qui vous entraîna par le double charme de l’éloquence et des vers, le maître sacré des cantiques romains, est célébré.

38. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 16, des pantomimes ou des acteurs qui joüoient sans parler » pp. 265-295

En effet, les romains, comme on va le voir, devinrent fous de cette espece de spectacle. […] L’histoire des empereurs romains fait mention plus souvent des pantomimes fameux que des orateurs célebres. Les romains étoient épris des spectacles, comme on le voit dans le traité de la musique qui est dans les oeuvres de Plutarque. […] or les romains préferoient les représentations des pantomimes à celles des autres comédiens. […] Le peuple se partagea donc aussi de son côté, et toutes les factions du cirque, dont il est parlé si souvent dans l’histoire romaine, épouserent des troupes de pantomimes.

39. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Victor Duruy » pp. 67-94

Les deux premiers volumes de sa grande Histoire des Romains paraissaient en 1843 et 1844, et lui valaient d’être décoré par M. de Salvandy. […] Victor Duruy retourna à son Histoire des Romains. […] Devenu professeur, je me mis à l’œuvre ; mais, en sondant notre vieux sol gaulois, j’y rencontrai le fond romain, et pour le bien connaître je m’en allai à Rome. […] Parmi de tels deuils, j’ose à peine compter pour des joies le succès européen de l’Histoire des Romains, et l’admission de M.  […] Candor ingenuus, comme disaient ses chers Romains.

40. (1898) La cité antique

Les Romains le cachaient au milieu de leur maison. […] De ce que les Romains appelaient agnation. […] On sait que les traditions romaines promettaient à Rome l’éternité. […] les Romains l’appliquaient aux dieux dans leurs prières. […] Les jurisconsultes romains l’appelaient une peine capitale.

41. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 31, que le jugement du public ne se retracte point, et qu’il se perfectionne toujours » pp. 422-431

Un auteur qui a trente ans quand il produit ses bons ouvrages, ne sçauroit vivre les années dont le public a besoin pour juger, non-seulement que ses ouvrages sont excellens, mais qu’ils sont encore du même ordre que ceux des ouvrages des grecs et des romains toujours vantez par les hommes qui les ont entendus. […] Voilà pourquoi les romains, qui avoient entre les mains les élegies de Tibulle et de Properce, furent un temps avant que de leur associer celles d’Ovide. Voilà pourquoi les romains ne quitterent pas la lecture d’Ennius aussi tôt que les églogues et les bucoliques de Virgile eurent paru. […] Il consiste à plaire et à interesser autant que ces grecs et ces romains, qu’on croit communément être parvenus au terme que l’esprit humain ne sçauroit passer, parce qu’on n’a rien vû encore de meilleur que ce qu’ils ont fait. […] Qu’on attende donc que la réputation d’un poete soit allée en augmentant d’âge en âge durant un siecle, pour décider qu’il mérite d’être placé à côté des auteurs grecs et romains, dont on dit communément que les ouvrages sont consacrez, parce qu’ils sont de ceux que Quintilien définit.

42. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le comte de Gasparin » pp. 100-116

Mais le comte de Gasparin n’oublie jamais le sien, dans sa haine contre l’Église romaine… Certes ! […] Innocent III — ce nom de diamant — n’est ici que comme un exemple éblouissant à l’appui d’une thèse contre l’Église romaine tout entière. […] Mais le comte de Gasparin nous explique pourquoi il a choisi, dans la liste magnifique des pontifes romains, Innocent III, pour en parler de préférence aux autres pontifes. […] Et si l’Église romaine lui paraît, malgré les vertus et les lumières de ses pontifes, aussi monstrueusement détestable, c’est qu’elle a tout cela, l’Église romaine ! […] Elle se compromettait et se tuait, et se déshonorait, en devenant l’Église romaine avec son chef, — comme le corps est avec sa tête.

43. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre II. Corneille »

Le type romain. — 2. […] Nicoméde formule en vers admirables les maximes de la politique romaine : Sévère et Félix, dans Polyeucte, représentent avec justesse les sentiments des Romains à l’égard du christianisme. […] On a beaucoup trop loué Corneille sur la vérité des caractères romains qu’il peignait. Comme Balzac, dans sa lettre sur Cinna, a su le dire très agréablement au poète, ses Romains ne sont que les Romains de Corneille. […] Ne nous y trompons pas : il n’y a d’original, de grand, de vrai dans les Romains de Corneille que ce qui est cornélien, et non romain, c’est-à-dire le mécanisme moral.

44. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. »

« J’embrasserai comme dans un tableau raccourci l’image entière du peuple romain », disait Florus au début de son Abrégé de l’histoire romaine. […] Bossuet a exécuté ce premier plan : il s’est arrêté à l’avénement de Charlemagne qu’il considère comme le terme de l’ancien Empire romain et l’établissement d’un nouvel Empire. […] Velléius, dans son Abrégé de l’histoire grecque et romaine, a également des beautés, et même assez développées et originales. […] Pourquoi chez les Romains le même phénomène se reproduit-il ? […] Son ingénieuse division des différents âges du peuple romain est prise de Sénèque le père.

45. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 2, de la musique rithmique » pp. 20-41

Sans sortir de notre sujet, nous allons voir que les romains donnoient au mot modulatio une acception beaucoup plus étendue que sa premiere signification. Les romains appelloient soni ou voces le chant ; l’harmonie, concentus ; et la mesure, numeri. […] Ainsi lorsque les musiciens grecs ou romains mettoient en chant quelque composition que ce fut, ils n’avoient pour la mesurer, qu’à se conformer à la quantité des sillabes sur lesquelles ils posoient chaque note. […] Quel nombre de temps les grecs et les romains mettoient-ils dans les mesures des chants, composez sur des paroles de quelque nature que ces chants-là pussent être ? […] Ainsi nous remettons à en parler, que nous traitions de celui des arts musicaux que les grecs nommoient orchesis et les romains saltatio.

46. (1882) Qu’est-ce qu’une nation ? « I »

L’établissement d’un nouvel Empire romain ou d’un nouvel Empire de Charlemagne est devenu une impossibilité. […] La Gaule, l’Espagne, l’Italie, avant leur absorption dans l’Empire romain, étaient des ensembles de peuplades, souvent liguées entre elles, mais sans institutions centrales, sans dynasties. […] L’Empire romain fut bien plus près d’être une patrie. En retour de l’immense bienfait de la cessation des guerres, la domination romaine, d’abord si dure, fut bien vite aimée. […] Dans les derniers temps de l’Empire, il y eut, chez les âmes élevées, chez les évêques éclairés, chez les lettrés, un vrai sentiment de « la paix romaine », opposée au chaos menaçant de la barbarie.

47. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 3, de la musique organique ou instrumentale » pp. 42-53

Les romains sur tout se piquoient d’exceller dans les airs militaires. […] N’est il pas même permis de croire que c’est au talent de faire usage des instrumens de guerre, lequel nous possedons superieurement aux autres nations, qu’est dûë en partie la reputation de la milice romaine. […] Annibal aïant surpris la ville de Tarente sur les romains, il usa d’un stratagême pour empêcher la garnison de se jetter dans la forteresse de la place et pour la faire prisonniere de guerre. Comme il avoit découvert que le quartier d’assemblée des romains, en cas d’allarme imprevûë, étoit le théatre de la ville, il y fit sonner le même air que les romains faisoient sonner pour s’assembler : mais les soldats de la garnison reconnurent bien-tôt à la mauvaise maniere avec laquelle la trompette étoit embouchée, que ce n’étoit pas un romain qui en sonnoit, et se doutant bien de la ruse de l’ennemi, ils se refugierent dans la forteresse, au lieu de se rendre sur la place d’armes. […] On trouve dans Athenée, dans Martianus Capella et dans plusieurs autres écrivains anciens, des recits surprenans de tous les effets prodigieux que produisoit la musique des grecs et celle des romains.

48. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. PROSPER MÉRIMÉE (Essai sur la Guerre sociale. — Colomba.) » pp. 470-492

« Un consul romain passait à Téanum, ville de la Campanie, dans le pays des Sidicins. […] Dans de semblables occasions, il devait être défrayé par la république ; mais, comme la plupart des magistrats romains, il vivait partout aux dépens de ses hôtes. […] Entre la plèbe romaine et les nations italiotes, il y avait, dit M. […] C’est le glaive romain, c’est le pilum, ces terribles armes des légions, qui vont faire de part et d’autre les blessures. […] Dans le volume d’Études sur l’Histoire romaine qu’il a depuis publié (1844), et qui traite de la Conjuration de Catilina, M.

49. (1890) L’avenir de la science « XIX » p. 421

Dans la première manière (celle qui a eu lieu en effet), les barbares, plus forts que Rome, ont détruit l’édifice romain, puis, durant de longs siècles, ont cherché à rebâtir quelque chose sur le modèle de cet édifice et avec des matériaux romains. […] On ne peut croire que cela eût été à la rigueur impossible, quand on voit l’empressement avec lequel les barbares, dès leur entrée dans l’Empire, embrassent les formes romaines et se parent des oripeaux romains, des titres de consuls, de patrices, des costumes et des insignes romains. Nos Mérovingiens, entre autres, embrassèrent la vie romaine avec une naïveté tout à fait aimable, et quant aux deux civilisations ostrogothe et visigothe, elles sont si bien la prolongation immédiate de la civilisation romaine qu’elles ajoutèrent un chapitre important, quoique peu original, à l’histoire des littératures classiques. […] Il n’a tenu qu’à un fil qu’il n’y eût pas de Moyen Âge et que la civilisation romaine se continuât de plain-pied. […] Ils me rappellent le naïf étonnement des barbares devant ces évêques, qui parlaient latin, et devant toute cette grande machine de l’organisation romaine.

50. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 15, le pouvoir de l’air sur le corps humain prouvé par le caractere des nations » pp. 252-276

Tite-Live dit que dans la guerre des latins, on distinguoit leurs troupes d’avec les troupes romaines au premier coup d’oeil. Les romains étoient petits et foibles, au lieu que les latins étoient grands et robustes. […] La religion catholique est essentiellement la même pour le culte comme pour les dogmes dans tous les païs de la communion romaine. […] Nous retrouvons les gaulois dépeints avec ce caractere dans l’histoire romaine, et principalement dans un récit de Tite-Live. […] Dans le temps qu’on déliberoit sur la proposition d’Annibal, des ambassadeurs de la république romaine, qui n’avoient avec eux que leur suite, demandoient audiance.

51. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre IV. L’unification des sociétés »

L’Empire romain seul s’étendait sur tous. » Et l’évêque de Césarée fait remarquer que par là l’Empire romain préparait le monde à l’idée de l’unité de Dieu ; — il le préparait du même coup, ajouterons-nous, à l’idée de l’égalité des hommes. […] Si l’on veut, l’Empire romain est un État ; il n’est à aucun degré une nation. […] Mais quand l’État romain couvre tout de son ombre, l’institution du patronage s’étiole. […] Esprit du Droit romain, I, p. 310. […] Histoire des Romains, VI, p. 313.

52. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes et la société au temps d’Auguste » pp. 293-307

C’est la divination de Shakespeare, — de l’ignorant et sublime Shakespeare, qui, avec deux ou trois phrases de Plutarque, refaisait un César, un Brutus, un Coriolan, plus vrais, plus vivants, plus Romains que ceux-là qui sont sortis des plumes romaines… Or, c’est peut-être un peu fat que de croire qu’en regardant devant soi et en tournant sa plume d’une certaine façon on peut faire comme Shakespeare ? […] Pour les Grecs et pour les Romains, il n’y a que la Beauté et que la Patrie. […] Après Cléopâtre, la folie esthétique et presque sensuelle de l’auteur, il y a Livie, la femme d’Auguste, la Catherine de Médicis romaine, et Julie, la fille d’Auguste, cette duchesse de Berry d’un père plus cruel, plus implacable que le Régent. […] Il ne fait pas de l’histoire romaine comme David faisait de la peinture romaine. […] … Si l’aigle du succès vole à sa droite, comme disaient les Romains, le corbeau se montre à sa gauche.

53. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre XI. De la géographie poétique » pp. 239-241

L’Italie fut certainement circonscrite par la Gaule Cisalpine et par la Grande-Grèce ; ensuite les conquêtes des Romains étendirent ce nom à toute la Péninsule. […] Les Romains ne savaient ce que c’était que luxe ; lorsqu’ils l’eurent observé dans les Tarentins, ils dirent un Tarentin pour un homme parfumé. […] C’est de cette manière que Numa et Ancus furent Sabins ; les Sabins étant remarquables par leur piété, les Romains dirent Sabin, faute de pouvoir exprimer religieux. Servius Tullius fut Grec dans le langage des Romains, parce qu’ils ne savaient pas dire habile et rusé. […] Cette fable, inventée par la vanité des Grecs et adoptée par celle des Romains, ne put naître qu’au temps de la guerre de Pyrrhus, époque à laquelle les Romains commencèrent à accueillir ce qui venait de la Grèce.

54. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VII. De la littérature latine, depuis la mort d’Auguste jusqu’au règne des Antonins » pp. 176-187

Mais ces défauts, qu’on ne peut nier, ne doivent pas empêcher de reconnaître que la troisième époque de la littérature romaine est illustrée par des penseurs plus profonds que tous ceux qui les avaient précédés. […] À l’honneur du peuple romain, les arts d’imagination tombèrent presque entièrement pendant la tyrannie des empereurs. […] Peut-être que les dangers qui menaçaient alors tous les hommes distingués étaient trop imminents pour leur laisser le loisir nécessaire à de tels travaux ; peut-être aussi les Romains avaient-ils conservé trop d’indignation républicaine pour pouvoir distraire entièrement leur attention de la destinée de leur pays. […] En étudiant les sublimes réflexions de Montesquieu sur les causes de la décadence des Romains, on voit évidemment que la plupart de ces causes n’existent plus de nos jours. […] Les crimes inouïs dont l’empire romain a été le théâtre, sont l’une des principales causes de sa décadence.

55. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Discours sur le système et la vie de Vico » pp. -

Ses maîtres furent les jurisconsultes romains, le divin Platon, et ce Dante avec lequel il avait lui-même tant de rapport par son caractère mélancolique et ardent. […] Il croit encore que la civilisation italienne, que la législation romaine, ont été importées en Italie, de l’Égypte ou de la Grèce. […] De là restèrent dans la jurisprudence romaine, les acta legitima, cette pantomime qui accompagnait toutes les transactions civiles. […] Les anciens Romains disaient un Tarentin pour un homme parfumé. […] C’est là la sagesse d’Ulysse ; c’est celle des anciens jurisconsultes romains avec leur fameux cavere.

56. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre VI. Autres preuves tirées de la manière dont chaque forme de la société se combine avec la précédente. — Réfutation de Bodin » pp. 334-341

D’une loi royale, éternelle et fondée en nature, en vertu de laquelle les nations vont se reposer dans la monarchie Cette loi a échappé aux interprètes modernes du droit romain. […] Mais les jurisconsultes romains avaient bien compris la loi royale dont nous parlons. Pomponius dans son histoire abrégée du droit romain caractérise cette loi par un mot plein de sens, rebus ipsis dictantibus regna condita . — Voici la formule éternelle dans laquelle l’a conçue la nature : lorsque les citoyens des démocraties ne considèrent plus que leurs intérêts particuliers, et que, pour atteindre ce but, ils tournent les forces nationales à la ruine de leur patrie, alors il s’élève un seul homme, comme Auguste chez les Romains, qui se rendant maître par la force des armes, prend pour lui tous les soins publics, et ne laisse aux sujets que le soin de leurs affaires particulières. […] Sous les trois Césars qui suivent, les Romains d’abord indifférents pour la république, finissent par ignorer même ses intérêts, comme s’ils y étaient étrangers, incuriâ et ignorantiâ reipublicæ, tanquam alienæ . […] Le même Bodin qui veut conformément à son système, que la royauté romaine ait été monarchique, et qu’à l’expulsion des tyrans la liberté populaire ait été établie à Rome, ne voyant pas les faits répondre à ses principes, dit d’abord que Rome fut un état populaire gouverné par une aristocratie ; plus loin, vaincu par la force de la vérité, il avoue, sans chercher à pallier son inconséquence, que la constitution et le gouvernement de Rome étaient également aristocratiques.

57. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 37, des défauts que nous croïons voir dans les poëmes des anciens » pp. 537-553

Ciceron nous apprend que même après Numa, les romains étoient encore dans cet usage. […] Lorsque ces poetes auront parlé de son entrevûe sur les bords du Weser avec son frere Flavius qui servoit dans les troupes romaines ; auront-ils pû lui faire finir le pour-parler avec décence et avec gravité quand tout le monde sçavoit que le géneral des germains et l’officier des romains en étoient venus aux injures en présence des armées des deux nations, et qu’ils en seroient venus aux coups, sans le fleuve qui les séparoit ? […] Les grecs et les romains qui ont vécu avant la corruption de leurs nations, avoient encore moins de peur de la mort que les anglois, mais ils pensoient qu’une injure dite sans fondement ne deshonorât que celui qui la proferoit. […] Je ne me souviens point d’avoir lû dans l’histoire grecque ou romaine rien qui ressemble aux duels gothiques, hors un incident arrivé aux jeux funebres que Scipion l’afriquain donna sous les murs de la nouvelle Carthage en l’honneur de son pere et de son oncle. […] Les grecs et les romains, si passionnez pour la gloire, ne s’imaginerent jamais qu’il fut honteux au citoïen d’attendre sa vengeance de l’autorité publique.

58. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XV. »

Il faut donc le reconnaître, l’inspiration lyrique s’était peu rencontrée dans les premiers efforts du génie romain. […] tandis qu’il repose sur tes membres sacrés, l’enveloppant de toi-même, prodigue-lui de ta bouche de douces paroles, et demande pour les Romains le bonheur de la paix. […] Chez les Romains et dans les vers de Catulle, cette licence s’égare jusqu’aux plus impurs souvenirs ; et cependant le poëte connaît toutes les grâces, même celle de la pudeur. […] C’était, pour la rudesse romaine, une moisson à cueillir dans les champs fleuris de la Grèce. […] Toutefois, dans cette étude même, le poëte romain a trouvé place pour des accents lyriques ; il s’anime du feu d’Homère, et, par une fiction vraiment grande, il transforme la fête qu’il semble décrire.

59. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 18, que nos voisins disent que nos poëtes mettent trop d’amour dans leurs tragedies » pp. 132-142

Gardez donc de donner ainsi que dans Clelie l’air et l’esprit françois à l’antique Italie, et sous des noms romains faisant notre portrait, peindre Caton galand et Brutus dameret. L’auteur anglois prétend que l’ancienne chevalerie et ses infantes ont laissé dans l’esprit de quelques nations le goût qui leur fait aimer à retrouver par tout un amour sans passion et ce qu’elles appellent galanterie, espece de politesse que les grecs et les romains si spirituels et si cultivez n’ont jamais connuë. […] C’est assez parler de ces caprices qui feroient prendre les françois, les espagnols et quelques autres nations pour des peuples de fols par les grecs du tems d’Alexandre et par les romains du tems d’Auguste, si, pour me servir de l’expression tant usitée, les uns et les autres pouvoient revenir au monde. […] Ainsi l’amour que les bons poëtes de la Grece avoient mis dans leurs ouvrages touchoit infiniment les romains, parce que les grecs avoient dépeint cette passion avec ses couleurs naturelles. […] Les peintures de cette passion qui sont dans les poësies des romains nous touchent comme celles qui sont dans les poësies des grecs touchoient les romains.

60. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 29, si les poëtes tragiques sont obligez de se conformer à ce que la geographie, l’histoire et la chronologie nous apprennent positivement » pp. 243-254

Mais je ne condamnerois pas de même celui qui reprendroit dans cette piéce de Racine beaucoup de choses pleinement démenties par ce que nous sçavons positivement des moeurs et de l’histoire des romains de ce tems-là. […] Racine de ressusciter Narcisse, personnage aussi fameux dans l’histoire romaine que les consuls les plus illustres, pour en faire un des acteurs de sa piece. […] Racine d’avoir fait un si grand nombre de fautes contre une histoire autant averée, et generalement aussi connuë que l’histoire des premiers empereurs des romains, comme d’être tombé dans des erreurs de geographie qu’il pouvoit aisément s’épargner. […] Quoique les armées grecques et romaines marchassent avec plus de celerité que les nôtres, il est toujours vrai qu’il n’y a point de troupes qui puissent durant trois mois, et sans jamais sejourner, faire chaque jour près de huit lieuës, sur tout en passant par des païs difficiles et ennemis, ou du moins suspects, tels qu’étoient la plûpart des païs que Mithridate avoit à traverser. […] Je n’en citerai qu’un exemple, ce que dit Nicomede à Flaminius, l’ambassadeur des romains auprès du roi Prusias son pere.

61. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre IV. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire. » pp. 87-211

L’Etat de Genes est beaucoup plus considérable aujourd’hui que la République romaine ne l’étoit alors. […] Quoi qu’il en soit, ce furent des Poëtes qui furent les premiers historiens romains. […] Appien écrivit l’Histoire Romaine en plusieurs livres. […] Il composa une histoire romaine en huit décades ; mais ce qui nous en reste est peu considérable. […] C’est en Allemagne que s’est formée cette religion qui a ôté tant d’Etats à l’Eglise Romaine.

62. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « HISTOIRE DE LA ROYAUTÉ considérée DANS SES ORIGINES JUSQU’AU XIe SIÈCLE PAR M. LE COMTE A. DE SAINT-PRIEST. 1842. » pp. 1-30

La Neustrie n’était pas plus romaine que l’Austrasie, ni l’Austrasie plus germanique que la Neustrie. L’Austrasie aurait plutôt gardé un caractère romain prédominant dû à ces premières fondations de Cologne, de Mayence, de Trèves et de Metz. […] La famille carlovingienne se trouverait donc aquitaine d’extraction et, de plus, sacerdotale, par conséquent toute romaine. […] Pepin d’Héristal et Charles Martel se rapprochèrent de Rome et du parti romain dans les Gaules. […] « Dans cette pastorale exquise, toute la population des campagnes romaines ou grecques est fidèlement reproduite.

63. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIIe entretien. Littérature politique. Machiavel » pp. 241-320

Ces souches toscanes, greffées de sang romain, ont toujours produit des branches prodigieuses de sève et de force dans l’espèce humaine. […] Ce livre, le plus magistral qu’il ait peut-être composé, est le commentaire de l’histoire romaine par le génie des affaires. […] Constantinople se souvient que Rome est sa mère ; mais ces expéditions lointaines avortent ; il n’y a bientôt plus rien de romain dans Rome que le pontificat, tantôt humble délégué municipal de l’empereur d’Orient, tantôt joignant une souveraineté morale à une magistrature urbaine, autour duquel se groupent les restes de nationalité romaine. […] Quand les Romains les chassent, les empereurs germains héritiers de Charlemagne viennent les réintroniser. […] Excepté la place, que restait-il de l’Italie romaine ?

64. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, par M. J. Zeller. Et, à ce propos, du discours sur l’histoire universelle. (suite.) »

Les Romains plus graves ne faisaient pas mieux en religion que les Grecs. […] Mais les Romains sont proprement le triomphe historique de Bossuet ; c’est un peuple qui naturellement lui va : il a de lui-même la suite. La milice et la politique romaines s’expliquent sous sa plume ; il se plaît à ces tableaux sévères : le voilà Romain aussi franchement qu’il a été Hébreu. […] Toute la magnificence des Romains, dans le bon temps, était publique : l’épargne ne régnait que dans les maisons des particuliers. […] Après avoir exposé à si grands traits la constitution et le génie des Romains, Bossuet revient comme en arrière et se met à énumérer une série des faits principaux depuis Romulus.

65. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre VIII. Bossuet historien. »

Tite-Live et Salluste ont-ils rien de plus beau sur les anciens Romains, que ces paroles de l’évêque de Meaux ? […] » Sous ce nom de liberté, les Romains se figuraient, avec les Grecs, un état où personne ne fût sujet que de la loi, et où la loi fût plus puissante que personne. » À nous entendre déclamer contre la religion, on croirait qu’un prêtre est nécessairement un esclave, et que nul, avant nous, n’a su raisonner dignement sur la liberté : qu’on lise donc Bossuet à l’article des Grecs et des Romains. […] Que dirons-nous du cri de joie que pousse Tacite, en parlant des Bructaires, qui s’égorgeaient à la vue d’un camp romain ? […] L’historien romain, après avoir raconté que Thrasylle avait prédit l’empire à Tibère, ajoute : « D’après ces faits, et quelques autres, je ne sais si les choses de la vie sont… assujetties aux lois d’une immuable nécessité, ou si elles ne dépendent que du hasard180. » Suivent les opinions des philosophes que Tacite rapporte gravement, donnant assez à entendre qu’il croit aux prédictions des astrologues.

66. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Introduction. Origines de la littérature française — 1. Éléments et développement de la langue. »

Il a fallu, pour produire cette pauvre forme d’embryon, il a fallu que la population gallo-celtique de la Gaule fût réduite sous la loi de Rome, qu’elle prît les mœurs, la culture, la langue de ses vainqueurs, que l’empire romain et la culture latine, formes vénérables et vermoulues, tombassent en poussière au contact, non hostile, mais brutal, des barbares, et que les Francs, fondus dans la masse gallo-romaine, y déterminassent cet obscur travail, d’où sortirent ces deux choses, une race, une langue française. […] Rome, après la conquête, importe chez nous ses lois, sa langue, ou plutôt ses langues : elle installe dans les prospères écoles, elle déploie dans l’abondante littérature de la Gaule romaine sa sévère langue classique, ennoblie d’hellénisme, solidement liée par les rigoureuses lois de sa syntaxe et de sa prosodie ; elle livre à la masse populaire le rude, instable, usuel parler de ses soldats, de ses marchands et de ses esclaves, ce latin que, dès le temps d’Ennius, la force de l’accent et de vagues tendances analytiques commençaient à décomposer. […] On n’aperçoit pas où en était le latin populaire quand la Gaule le reçut, ni ce qu’en firent ces bouches et ces esprits de Celtes pendant les siècles de la domination romaine : on ne peut mesurer à quel point les habitudes intimes et comme l’âme de la langue celtique s’insinuèrent dans le latin gallo-romain. […] Donc la primitive province romaine, et tout ce vaste bassin de la Garonne où le premier élément de la race est fourni par un fond indigène de population non celtique mais ibère, d’autres régions encore, comme l’Auvergne et le Limousin, presque la moitié de la France ne parlait pas français, et ne produisit pas au moyen âge une littérature française. […] Au nord de la ligne idéale dont on vient de parler, toute la Gaule romaine à peu près appartient au français, un peu diminuée pourtant au Nord-Est, où les invasions barbares ont fait avancer le tudesque au-delà du Rhin jusque vers la Meuse et les Vosges, et à l’Ouest, où les Bretons chassés de Grande-Bretagne par la conquête anglo-saxonne ont rendu au celtique une partie de l’Armorique.

67. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIVe entretien. Cicéron (3e partie) » pp. 257-336

« Cette science sacrée fut apportée autrefois aux Romains par un petit dieu nommé Tagès, qui sortit de la terre en Toscane. […] « Il apprend que les pontifes romains ont été très ignorants, mais que César réforme actuellement le calendrier. […] « Pouvoir se passer des Grecs dans l’étude de la philosophie sera sans doute glorieux pour les Romains : eh bien ! […] C’était le commentaire sur la république, l’esprit des lois et l’esprit des faits romains. […] Vois-tu cette ville qui, forcée par mes armes de se soumettre au peuple romain, renouvelle nos anciennes guerres et ne peut souffrir le repos ?

68. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 1, idée generale de la musique des anciens et des arts musicaux subordonnez à cette science » pp. 6-19

Il est à mon sens le plus methodique de ces ouvrages ; et comme son auteur grec de nation frequentoit tous les jours les romains, puisqu’il a vécu dans le temps que tous les païs habitez par les grecs étoient soumis aux successeurs d’Auguste, il a dû sçavoir l’usage qu’on faisoit de la musique à Rome et dans la Grece. […] D’ailleurs la musique des romains étoit la même que celle des grecs, dont ils avoient appris cette science. […] Les grecs nommoient cet art musical orchesis, et les romains saltatio. […] Il est certain que depuis le regne d’Auguste jusques au renversement total de l’empire d’occident, les representations des pantomimes firent le plaisir le plus cher au peuple romain. […] Dès que la musique des anciens donnoit des leçons methodiques sur tant de choses, dès qu’elle donnoit des preceptes utiles au grammairien, et necessaires au poëte comme à tous ceux qui avoient à parler en public, on ne doit plus être surpris que les grecs et les romains l’aïent crue un art necessaire et qu’ils lui aïent donné tant d’éloges qui ne conviennent pas à la nôtre.

69. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Mgr Rudesindo Salvado »

Et de fait, c’est là l’idée humaine, l’idée raisonnable au sens philosophique du mot, que d’imputer à l’Église romaine des modes d’action, des combinaisons et des ressources semblables à ceux des autres gouvernements. […] Elle est commune à tous les esprits sans exception qui n’ont pas scruté, à la lumière de la Foi, le mystère intime de la puissance de l’Église romaine, de ce phénomène historique sans analogue dans les annales du genre humain, et que l’on n’entend pas ou que l’on entend mal en l’expliquant par le génie des hommes ou la virtualité des constitutions. […] Si jamais elle avait été là, l’écrivain anglais auquel nous répondons aurait eu certainement raison d’écrire « qu’il fallait que l’Église anglicane imitât l’Église romaine ». Mais il s’est trompé : l’Église romaine ne s’imite pas. […] Voilà le secret de la force de cohésion de ce ciment romain qui relie si subitement et si solidement les âmes entre elles, de ce socialisme divin devant lequel tous les socialismes de la terre doivent, un jour ou l’autre, s’avouer vaincus !

70. (1875) Premiers lundis. Tome III « Du point de départ et des origines de la langue et de la littérature française »

Or, maintenant, que peut-on conjecturer de l’état de la langue ou des langues parlées en Gaule à cette époque, et de ce qui dut résulter de la ruine de la prédominance romaine ? […] Un légionnaire romain rencontre un jardinier qui chassait un âne devant lui : « Où conduis-tu cet âne sans qu’il soit chargé ? […] Des érudits ont même voulu tirer directement l’italien de cette espèce de dialecte vulgaire du latin qu’aurait parlé le gros de l’ancienne population romaine. […] Le grec s’y était maintenu sur Quelques points jusque vers la fin de la domination romaine. […] « Dans tout le reste du pays, les Gallo-Romains parlaient une langue en grande partie dérivée du latin, à laquelle les historiens donnent le nom de langue romaine rustique, ou simplement de langue romaine.

71. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Troisième faculté d’une Université. Faculté de droit. » pp. 506-510

Le professeur en législation s’occupera de l’historique de la législation des nations les plus célèbres de l’antiquité et surtout des Grecs et des Romains. […] Il feuilletera sur la législation romaine, soit Heineccius, soit Hoffman. Heineccius a écrit l’histoire du droit romain, Historia juris romani96 . […] Ce dernier aura l’attention d’être court sur tout ce qui est tellement propre aux Romains qu’il n’a nulle application aux modernes ; mais il ne pourra trop s’étendre sur tout ce qui concerne les contrats. Le droit romain est la source des vrais principes sur toutes les espèces de contrats qui sont du droit des gens ; c’est la raison et l’équité qui les a dictés, il n’y a point de nation policée qui ne doive les adopter.

72. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VI. De la littérature latine sous le règne d’Auguste » pp. 164-175

L’amour de la campagne, qui a inspiré tant de beaux vers, prend chez les Romains un autre caractère que chez les Grecs. […] Les Grecs vivaient dans l’avenir, et les Romains aimaient déjà, comme nous, à porter leurs regards sur le passé. Aussi longtemps que dura la république, il y eut de la délicatesse dans les affections des Romains pour les femmes. […] Cependant le langage vrai d’une sensibilité profonde et passionnée est extrêmement rare, même chez les Romains du siècle d’Auguste. […] Néanmoins on se demande pourquoi les anciens, et surtout les Romains, ont possédé des historiens tellement parfaits, qu’ils n’ont été jamais égalés par les modernes, et en particulier pourquoi les Français n’ont aucun ouvrage complet à présenter en ce genre.

73. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre V. Du gouvernement de la famille, ou économie, dans les âges poétiques » pp. 174-185

Les Romains célébraient les mariages par l’emploi solennel de l’eau et du feu : parce que les premiers mariages furent contractés naturellement par des hommes et des femmes qui avaient l’eau et le feu en commun, comme membres de la même famille, et dans l’origine comme frères et sœurs. […] De là encore la loi que propose Cicéron, sacra familiaria perpetua manento  ; et les expressions si fréquentes dans les lois romaines, filius familias in sacris paternis, sacra patria pour la puissance paternelle. […] Dans ce dernier genre d’héroïsme, les Romains se montrèrent supérieurs à tous les peuples de la terre, puisqu’ils surent également Parcere subjectis, et debellare superbos. […] Ce que Tacite dit des Germains peut s’entendre de tous les premiers peuples barbares ; et nous savons que chez les anciens Romains le père de famille avait droit de vie et de mort sur ses fils, et la propriété absolue de tout ce qu’ils pouvaient acquérir, au point que jusqu’aux Empereurs les fils et les esclaves ne différaient en rien sous le rapport du pécule. […] Cette dernière observation explique peut-être pourquoi l’emphytéose est un contrat de droit civil, c’est-à-dire du droit héroïque des Romains.

74. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXV. Mort de Jésus. »

La croix était un supplice romain, réservé pour les esclaves et pour les cas où l’on voulait ajouter à la mort l’aggravation de l’ignominie. […] Par suite de la même idée, l’exécution dut être abandonnée aux Romains. On sait que, chez les Romains, les soldats, comme ayant pour métier de tuer, faisaient l’office de bourreaux. […] Peut-être usaient-ils en cela d’un droit de corvée reconnu, les Romains ne pouvant se charger eux-mêmes du bois infâme. […] Il y avait près de là un vase plein de la boisson ordinaire des soldats romains, mélange de vinaigre et d’eau, appelé posca.

75. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VIII » pp. 70-76

Il la recommande aux Romains ; la politesse exquise de son esprit en avait conçu les lois : mais la chose était hors des mœurs générales ; le mot décence n’existait même pas ; pour l’en tenir lieu, Cicéron emploie cette locution : quod decet . De nombreux passages des odes d’Horace attestent la liberté, pourquoi ne dirais-je pas la grossièreté du langage chez les Romains. […] C’est que chez les Romains, les femmes ne vivaient pas en société avec les hommes ; que les dames romaines vivaient retirées ; que recevoir des hommes chez soi, c’était le honteux privilège des courtisanes et des femmes publiques. […] Sans parler d’une multitude de vers répandus dans les odes d’Horace et dans les satires, comme celui-ci : Nam fuit ante Helenam cunnus teterrima belli Causa, le chant séculaire (carmen seculare), ouvrage solennel, hymne national, renferme des expressions dont la propriété et la spécialité, relevées pour les Romains par les sentiments d’un patriotisme religieux, seraient pour nous insupportables.

76. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « De la tradition en littérature et dans quel sens il la faut entendre. Leçon d’ouverture à l’École normale » pp. 356-382

Combien de nations et de races (si l’on excepte cette première race hellénique si privilégiée entre toutes et uniquement douée) sont ou ont été plus ou moins semblables en cela aux Romains, c’est-à-dire n’ayant par elles-mêmes, en fait de poésie ou de littérature, qu’un premier développement rudimentaire, agreste et qui ne dépassait pas une première poussée sauvage ! […] Soit directement, soit dorénavant par les Romains, cette âme légère, cette étincelle (car il ne faut pas plus qu’une étincelle), cet atome igné et subtil de civilisation n’a cessé d’agir aux époques décisives pour donner la vie et le signal à des floraisons inattendues, à des renaissances. […] Mais la force romaine, le bras romain, la langue et la pratique romaines sont aussi partout : ça été le grand instrument de propagation et de culture. […] Que ce n’ait jamais été que l’élite des hommes chez les Romains qui ait eu cette finesse, cette délicatesse, et non tout le peuple comme à Athènes, peu importe ! […] Lorsque après Trajan sonna décidément l’heure de la décadence romaine, la littérature sacrée, en train de naître, n’hérita pas aussi vite ni aussi directement de la beauté littéraire que Rome l’avait fait dans son premier contact avec la Grèce : on ne se passa pas de la main à la main le flambeau.

77. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LES JOURNAUX CHEZ LES ROMAINS PAR M. JOSEPH-VICTOR LE CLERC. » pp. 442-469

LES JOURNAUX CHEZ LES ROMAINS PAR M. […] Le Clerc, et de beaucoup la plus agréable, traite des journaux chez les Romains. […] Le Clerc à son tour a pu trouver preuve de la faculté du journal chez les Romains. […] Il lui resterait à parler des Grecs et à y rechercher, comme il l’a fait pour les Romains, le vestige de l’organe. […] Il paraît pourtant qu’un des premiers journaux des Romains fut rédigé par un Grec appelé Chrestus : il n’a dû importer à Rome que ce qui était déjà dans son pays.

78. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre I. La quantité des unités sociales : nombre, densité, mobilité »

Préoccupée, dès ses origines, d’accroître le nombre des Romains, elle fait efforts pour englober, vers la fin de son règne, l’humanité tout entière. […] D’un bout à l’autre de l’Empire romain c’était, suivant l’expression de Montesquieu, une « incessante circulation d’hommes ». […] C’est en ce sens que l’extension de l’Empire aidait l’opinion romaine à penser l’humanité. […] Madwig, L’État romain, trad. […] , p. 387. — Madwig, L’État romain, trad.

79. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 5482-9849

Mais la sévérité des premiers Romains donna à ce mot, elegantia, un sens odieux. […] Les moeurs d’Atticus étoient faciles, c’étoit le plus aimable des Romains. […] Le romain rustique, la langue romance prévalut dans la France occidentale. […] L’histoire de l’empire romain est ce qui mérite le plus notre attention, parce que les Romains ont été nos maîtres & nos législateurs. […] Dacier au lieu de conclure que les Romains adoroient la statue de Priape, & que Baruc l’avoit prédit, devoit donc conclure que les Romains s’en mocquoient.

80. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre III. Coup d’œil sur le monde politique, ancien et moderne, considéré relativement au but de la science nouvelle » pp. 371-375

Enfin Numance commençait à peine son âge héroïque, lorsqu’elle fut accablée par la puissance romaine, par le génie du vainqueur de Carthage, et par toutes les forces du monde. Mais les Romains ne rencontrant aucun de ces obstacles, marchèrent d’un pas égal, guidés dans cette marche par la Providence qui se sert de l’instinct des peuples pour les conduire. […] Mais sous la zone tempérée, où la nature a mis dans les facultés de l’homme un plus heureux équilibre, nous trouvons, en partant des extrémités de l’Orient, l’empire du Japon, dont les mœurs ont quelque analogie avec celles des Romains pendant les guerres puniques ; c’est le même esprit belliqueux, et si l’on en croit quelques savants voyageurs la langue japonaise présente à l’oreille une certaine analogie avec le latin. […] Après avoir observé dans ce Livre comment les sociétés recommencent la même carrière, réfléchissons sur les nombreux rapprochements que nous présente cet ouvrage entre l’antiquité et les temps modernes, et nous y trouverons expliquée non plus l’histoire particulière et temporelle des lois et des faits des Romains ou des Grecs, mais l’histoire idéale des lois éternelles que suivent toutes les nations dans leurs commencements et leurs progrès, dans leur décadence et leur fin, et qu’elles suivraient toujours quand même (ce qui n’est point) des mondes infinis naîtraient successivement dans toute l’éternité.

81. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 12, des siecles illustres et de la part que les causes morales ont au progrès des arts » pp. 128-144

Le goût pour les beaux arts, ne vint pas aux romains, tandis qu’ils faisoient dans leur propre païs une guerre, dont tous les évenemens pouvoient être mortels à la republique : puisque l’ennemi pouvoit, s’il gagnoit une bataille, venir camper sur les bords du Tévéron. […] Le peuple romain, comme dit Horace, et post punic… etc. . […] Le soldat romain n’auroit plus fait de cas de cette couronne de chêne, pour laquelle il s’exposoit aux plus grands dangers, si la faveur l’eût fait donner quatre fois de suite à des personnes qui ne l’auroient pas méritée. […] Les guerres que les grecs se faisoient entr’eux, n’étoient point de ces guerres destructives de la societé, où le particulier est chassé de ses foïers et fait esclave par un ennemi étranger, telles que furent les guerres que ces conquerans brutaux, sortis de dessous les neiges du Nord, firent quelquefois à l’empire romain. […] On peut se faire une idée du peu d’acharnement des combats qui se donnoient entre les grecs par la surprise où Tite-Live nous dit qu’ils tomberent, quand ils virent les armes meurtrieres des romains, et leur acharnement dans la mêlée.

82. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Pline le Naturaliste. Histoire naturelle, traduite par M. E. Littré. » pp. 44-62

Cette diversité de fonctions et d’études était la force et l’honneur des Romains. […] Il les égaie par des anecdotes historiques piquantes ; il les orne au moins par la concision ; il les relève toutes les fois qu’il peut par des vues morales qui ont leur beauté, même lorsqu’elles touchent au lieu commun, par un sentiment profond de l’immensité sacrée de la nature, et aussi par celui de la majesté romaine. […] Est-ce parce qu’il put proscrire et égorger tant de milliers de Romains ? […] et à nous, qui, seul entre tous les Romains, t’avons complètement célébrée, sois favorable !  […] Pline est du petit nombre des Romains qui ont ce que Sacy appelle les mœurs, c’est-à-dire qui ont de la pudeur, de la modestie, de la décence.

83. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre II. De la métaphysique poétique » pp. 108-124

Aussi toutes ses attaques contre les jurisconsultes romains portent à faux, puisqu’ils ont pris pour principe la Providence divine, et qu’ils ont voulu traiter du droit naturel des gens, et non point du droit naturel des philosophes, et des théologiens moralistes. — Ensuite vient Selden, dont le système suppose la Providence. […] Et pour en commencer l’énumération, Jupiter fut le ciel chez les Chaldéens, en ce sens qu’ils croyaient recevoir de lui la connaissance de l’avenir par l’observation des aspects divers et des mouvements des étoiles, et on nomma astronomie et astrologie la science des lois qu’observent les astres, et celle de leur langage ; la dernière fut prise dans le sens d’astrologie judiciaire, et dans les lois romaines Chaldéen veut dire astrologue. — Chez les Perses, Jupiter fut le ciel, qui faisait connaître aux hommes les choses cachées ; ceux qui possédaient cette science s’appelaient Mages, et tenaient dans leurs rites une verge qui répond au bâton augural des Romains. […] C’est du mot μαθηματα, que les astrologues sont appelés mathématiciens dans les lois romaines. — Quant à la croyance des Romains, on connaît le vers d’Ennius, Aspice hoc sublime cadens, quem omnes invocant jovem  ; le pronom hoc est pris dans le sens de cœlum. Les Romains disaient aussi templa cœli, pour exprimer la région du ciel désigné par les augures pour prendre les auspices ; et par dérivation, templum signifia tout lieu découvert où la vue ne rencontre point d’obstacle ( neptunia templa , la mer dans Virgile). — Les anciens Germains, selon Tacite, adoraient leurs Dieux dans des lieux sacrés qu’il appelle lucos et nemora , ce qui indique sans doute des clairières dans l’épaisseur des bois. […] Les jurisconsultes romains raisonnent mieux en considérant ce droit naturel comme ordonné par la Providence, et comme éternel en ce sens, que sorti des mêmes origines que les religions, il passe comme elles par différens âges, jusqu’à ce que les philosophes viennent le perfectionner et le compléter par des théories fondées sur l’idée de la justice éternelle.

84. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXIXe entretien. Tacite (2e partie) » pp. 105-184

Les colonies et les municipalités romaines qu’il traversait en entrant en Italie lui reprochaient seulement son orgueil. […] Othon se décide à laisser livrer la bataille par ses lieutenants, et à se tenir lui-même à l’écart en réserve, comme la dernière majesté du peuple romain. […] Les négociations s’établissent entre les deux camps ; on se demande pour qui et pourquoi on va verser tant de sang romain par des mains romaines. […] Le souverain des Romains, si peu de temps auparavant, le maître de l’univers, abandonnant le siège de sa puissance, sortait de l’empire, à travers son peuple, au milieu de sa capitale. […] « Sa mort a été une providence du peuple romain, ajoutait Néron, car il l’attribuait toujours à un naufrage.

85. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Du docteur Pusey et de son influence en Angleterre »

Elle est une partie, elle est une branche de l’Église de Jésus-Christ, sous l’autorité du Patriarcat romain ou sous celle de quelque autre constitution indépendante et antérieure. Non seulement elle passe de bien haut dans l’histoire par-dessus la tête vautrée de Henri VIII et de son Établissement, mais elle traite, avec une voix dont nous connaissons l’accent, nous, catholiques et romains, toute intervention de l’État dans l’Église, d’usurpation et de violation de droit. […] l’Angleterre romaniste sera bientôt romaine. […] En Orient, l’Église romaine soutient les églises romaines. […] L’évêque de Jérusalem n’est qu’un consul, un chargé d’affaires du gouvernement britannique, se liguant, selon des convenances diplomatiques ou commerciales, avec des musulmans contre des romains et des grecs.

86. (1846) Études de littérature ancienne et étrangère

Ce fut à lui que le roi des Parthes renvoya les aigles romaines enlevées sur Crassus, hommage çà la puissance romaine dont Horace a fait tant de bruit. […] Il différait à payer les legs d’Auguste au peuple romain. […] Cette mort parut enlever une dernière protection aux Romains. […] Il nous apprend lui-même quels illustres Romains assistaient à ses leçons. […] Il efféminait la langue énergique des Romains.

87. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre II. Réalité des idées égalitaires »

« Non sunt privatae leges », le principe du vieux droit romain domine enfin l’histoire de l’Europe. […] On sait toute la distance qui sépare l’ancien Droit romain du Droit nouveau, élargi par les édits des préteurs. […] Il n’est que trop aisé de le prouver, l’Empire romain vit d’inégalités de toutes sortes, économiques, politiques, même civiles et juridiques. […] Ils sont nombreux et de toutes conditions les Romains qui philosophent et demandent à la philosophie des maximes de conduite. […] En un mot, malgré toutes les survivances de l’esprit de la cité antique, à la fin de l’Empire romain, l’étranger a forcé les portes du droit, l’esclave va les forcer à son tour.

88. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — I. » pp. 431-451

Poussé par sa vocation d’historien et cherchant encore son sujet, il entreprend avec son ami Deyverdun une Histoire générale de la république des Suisses (ce même thème héroïque que Jean de Müller traitera bientôt), et Gibbon avait déjà composé l’introduction en français : il fallut que l’illustre historien David Hume le rappelât à l’idiome national, en lui disant comme Horace aux Romains qui écrivaient leurs livres en grec : « Pourquoi portez-vous le bois à la forêt ?  […] À partir de cet âge, couronné par les règnes d’Antonin et de Marc-Aurèle, la décadence commence, et Gibbon va en retracer l’histoire avec exactitude, avec regret, en s’attachant à tout ce qui la retarde, en répugnant à tout ce qui l’accélère ; une belle histoire où le génie de l’ordre, de la méthode, de la bonne administration, domine ; une narration revêtue de toutes les qualités fermes, continues et solides, qui la font ressembler, jusque dans ses dégradations successives et inévitables à travers les temps barbares, à une large chaussée romaine. […] Ainsi, converti d’abord à la communion romaine à Oxford en juin 1753 à l’âge de seize ans et deux mois, il se rétractait à Lausanne en décembre 1754 à l’âge de dix-sept ans et huit mois. […] Ainsi considéré, Virgile, dans ses Géorgiques, n’est plus seulement un poète, il s’élève à la fonction d’un civilisateur et remonte au rôle primitif d’un Orphée, adoucissant de féroces courages. — Touchant, en passant, les travaux de Pouilly et de Beaufort qui, bien * avant Niebuhr, avaient mis en question les premiers siècles de Rome, Gibbon s’applique à trouver une réponse, une explication plausible qui lève les objections et maintienne la vérité traditionnelle : « J’ai défendu avec plaisir, dit-il, une histoire utile et intéressante. » Celui qui exposera le déclin et la chute de l’Empire romain se retrouve ici, comme par instinct, défendant et maintenant les origines et les débuts de la fondation romaine. — En ce qui est de l’usage que les poètes ont droit de faire des grands personnages historiques (car Gibbon, dans cet Essai, touche à tout), il sait très bien poser les limites du respect dû à la vérité et des libertés permises au génie : selon lui, « les caractères des grands hommes doivent être sacrés ; mais les poètes peuvent écrire leur histoire moins comme elle a été que comme elle eût dû être ». […] « Le capitaine des grenadiers du Hampshire, dit-il en prévoyant le sourire du lecteur, n’a pas été tout à fait inutile à l’historien de l’Empire romain. » L’homme de lettres en lui ne se laisse jamais oublier.

89. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc »

Viollet-Le-Duc, qui démontrera et justifiera dans le détail cette manière de juger et de considérer l’art romain, nous offre, en maint endroit de ses Entretiens, des passages frappants qui font portrait : « Le Romain est avant tout politique et administrateur, il a fondé la civilisation moderne ; est-il artiste comme l’étaient les Grecs ? […] L’analyse du monument romain nous révèle d’autres instincts, d’autres préoccupations. […] » Et encore, dans un Entretien suivant, après avoir insisté sur les différences et le contraste qu’il y a entre une architecture légère, équilibrée, habilement pondérée, et la masse imposante d’un chef-d’œuvre romain duquel on peut dire : Mole sua stat, M.  […] Le Panthéon d’Agrippa, le mieux conservé et le plus entier des édifices purement romains, même quand on se le représente dans la splendeur et la nouveauté de sa magnificence première, ne devait donner qu’une impression de gravité suprême et de majesté. […] Viollet-Le-Duc montre que les Grecs, plus souples, plus avisés que les Romains, et surtout que les imitateurs des Romains, ne s’y soumettaient pas rigoureusement, et que cette symétrie, pour eux, cédait quelquefois à des raisons fines et d’un ordre supérieur.

90. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 10, continuation des preuves qui montrent que les anciens écrivoient en notes la déclamation » pp. 154-173

Section 10, continuation des preuves qui montrent que les anciens écrivoient en notes la déclamation des changemens survenus vers le temps d’Auguste dans la déclamation des romains. […] La nouvelle maniere de réciter aura donc paru fort extraordinaire aux romains dans ses commencemens, mais ils s’y seront habituez dans la suite, parce qu’on s’accoutume facilement aux nouveautez, qui mettent plus d’action et qui jettent plus d’ame dans les représentations théatrales. […] C’est Ciceron même qui nous apprend que la prononciation des romains de son temps étoit bien differente de la prononciation de leurs ancêtres. […] Cet auteur raconte encore que Domitius Afer, orateur célebre dans l’histoire romaine, et qui pouvoit avoir commencé de plaider environ trente ans après la mort de Ciceron, appelloit la nouvelle mode de déclamer la perte de l’éloquence. […] Aussi mon intention n’est-elle pas, en rapportant tous ces passages, de prouver que les romains aïent eu tort de changer leur maniere de déclamer, mais bien de montrer qu’ils la changerent réellement, et que ce fut du temps de Ciceron qu’ils commencerent à la changer.

91. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre premier. Table chronologique, ou préparation des matières. que doit mettre en œuvre la science nouvelle » pp. 5-23

Table chronologique, ou préparation des matières que doit mettre en œuvre la science nouvelle La table chronologique que l’on a sous les yeux embrasse l’histoire du monde ancien, depuis le déluge jusqu’à la seconde guerre punique, en commençant par les Hébreux, et continuant par les Chaldéens, les Scythes, les Phéniciens, les Égyptiens, les Grecs et les Romains. […] … et que penserons-nous de celles des Romains, peuple tout occupé de l’agriculture et de la guerre, lorsque Thucydide fait un tel aveu au nom de ses Grecs, qui devinrent sitôt philosophes ? Dira-t-on que les Romains ont reçu de Dieu un privilège particulier ? […] Lorsque les Tarentins maltraitèrent les vaisseaux des Romains, et ensuite leurs ambassadeurs, ils alléguèrent pour excuse, selon Florus, qu’ ils ne savaient qui étaient les Romains, ni d’où ils venaient . […] C’est en commençant le récit de cette guerre que Tite-Live déclare qu’ il va écrire désormais l’histoire romaine avec plus de certitude, parce que cette guerre est la plus mémorable de toutes celles que firent les Romains .

92. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — V »

À considérer de ce point de vue de pur intellectualisme l’un des exemples invoqués au cours de cette étude, on jugera plus équitablement cette croyance absurde à une vie prolongée dans le tombeau à laquelle s’étaient attachées les premières sociétés aryennes et en vue de laquelle les Grecs et les Romains modelèrent leurs institutions. […] Lorsqu’aux époques plus récentes des civilisations romaine ou grecque, Fustel de Coulange nous montre la réalité sociale du moment en contradiction avec celle qui s’était modelée sur l’ancienne croyance et qui persistait encore dans les lois religieuses et civiles, gardons-nous donc de penser que cette réalité présente, et qui entrait en guerre avec l’ancienne, fût par comparaison meilleure et plus proche de la vérité objective. […] Cette croyance n’en est pas moins la forme rigide qui, en torturant durant une longue période ces instincts, coordonna des hommes entre eux et composa une réalité sociale, la réalité grecque et la réalité romaine. Constatons encore que la réalité nouvelle, que l’on voit se développer à Rome et en Grèce après l’affaiblissement de la première croyance, continue de prendre son point d’appui sur la réalité ancienne : les fictions romaines sont un admirable exemple de la façon dont se comporte une réalité qui conserve le pouvoir d’évoluer jusque dans sa maturité ; elle se meut et progresse, mais parmi, toutes les modifications scion lesquelles elle se métamorphose, elle ne manque pas de conserver avec son passé le plus ancien des communications secrètes et d’intimes analogies. Il existe encore jusque dans l’organisation sociale française des vestiges de la réalité romaine.

93. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 29, qu’il est des païs où les ouvrages sont plûtôt apprétiez à leur valeur que dans d’autres » pp. 395-408

Les romains naissent presque tous avec beaucoup de sensibilité pour la peinture, et leur goût naturel a encore des occasions fréquentes de se nourrir et de se perfectionner par les ouvrages excellens qu’on rencontre dans les églises, dans les palais, et presque dans toutes les maisons où l’on peut entrer. […] Les comparaisons qui s’y faisoient tous les jours entre les maîtres françois et les maîtres italiens avoient autant irrité nos romains jaloux, que les comparaisons qui se faisoient à Paris il y a quatre-vingt ans, entre les tableaux que Le Sueur avoit peints dans le petit cloître des chartreux de cette ville, et ceux que peignoit Le Brun, irritoient les éleves de ce dernier. […] Après l’avoir fait prince de l’académie de saint Luc, ils parlent encore avec éloge de son mérite, en appuïant un peu trop néanmoins sur la foiblesse du coloris de ce grand poëte, quoiqu’il vaille mieux que celui de bien des grands maîtres de l’école romaine. […] On peut dire de nous ce que Pline disoit des romains de son temps, un peu plus occupez que les romains d’aujourd’hui, quand il se plaint de la legereté de l’attention qu’ils donnoient aux statuës superbes, dont plusieurs portiques étoient ornez.

94. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVII. De l’éloquence au temps de Dioclétien. Des orateurs des Gaules. Panégyriques en l’honneur de Maximien et de Constance Chlore. »

La pompe de l’Asie effaça pour jamais les anciennes traces des mœurs romaines. […] À Autun, à Lyon, à Marseille, à Bordeaux, on cultivait l’éloquence ; souvent même les Romains les plus distingués envoyaient leurs enfants dans ces villes pour s’y instruire. […] Les Gaules étaient d’ailleurs remplies d’une foule de Romains. […] Ajoutez la douceur du climat, et tous les monuments élevés dans ce pays par la grandeur romaine. […] Ces idiomes barbares corrompaient nécessairement la langue romaine.

95. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre III. De la logique poétique » pp. 125-167

Or, il ne put s’introduire à Rome qu’après les guerres contre Tarente et Pyrrhus, dans lesquelles les Romains commencèrent à se mêler aux Grecs. […] Dans l’ancien droit romain, on les disait manucaptæ, d’où est resté manceps, celui qui est obligé sur immeuble envers le trésor. On continua de dire dans les lois romaines, jura prædiorum, pour désigner les servitudes qu’on appelle réelles, et qui sont attachées à des immeubles. […] L’empereur Claude ne put faire recevoir par les Romains trois lettres qu’il avait inventées, et qui manquaient à leur alphabet. […] Comme le prouve le succès avec lequel Ménénius Agrippa ramena à l’obéissance le peuple romain.

96. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIIIe entretien. Littérature politique. Machiavel (2e partie) » pp. 321-414

S’il y a une Église gallicane, que devient l’Église romaine ? et s’il n’y a plus d’Église romaine, que devient l’unité ? […] La république romaine, ou plutôt la république municipale de Rome, fut proclamée. […] La révolution romaine fut prise d’assaut dans Rome par l’armée française. […] Les Capponi à Florence, les Doria à Gênes, sont des Romains expatriés, mais encore Romains.

97. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 5, explication de plusieurs endroits du sixiéme chapitre de la poëtique d’Aristote. Du chant des vers latins ou du carmen » pp. 84-102

Pour être surpris de ce que dit Aristote sur l’importance de la melopée, il faudroit n’avoir jamais vû representer des tragedies, et pour être étonné qu’il charge le poëte de la composition de la melodie, il faudroit avoir oublié ce que nous avons remarqué, et promis de prouver, comme nous le ferons ci-dessous, sçavoir, que les poëtes grecs composoient eux-mêmes la déclamation de leurs pieces, au lieu que les poëtes romains se déchargeoient de ce travail sur les artisans, qui, n’étant ni auteurs ni comediens, faisoient profession de mettre au théatre les ouvrages dramatiques. Nous avons même observé que c’étoit par cette raison là que Porphyre ne faisoit qu’un art de la composition des vers et de la composition de la melodie, lequel il appelloit l’art poëtique pris dans toute son étenduë, parce qu’il avoit eu égard à l’usage des grecs, au lieu qu’Aristides Quintilianus qui avoit eu égard à l’usage des romains comptoit dans son énumeration des arts musicaux, l’art de composer les vers et l’art de composer la melodie pour deux arts distincts. […] Il n’est pas bien certain veritablement qu’Aristote ait rédigé lui-même par écrit ses problemes : mais il doit suffire que cet ouvrage ait été composé par ses disciples, et qu’il ait toujours été regardé comme un des monumens de l’antiquité, et comme étant composé par consequent quand les théatres des grecs et des romains étoient encore ouverts. […] Ce que les grecs appelloient melodie tragique, les romains l’appelloient quelquefois carmen. […] versus… etc. les vers des prêtres saliens ont leur chant affecté, et comme leur institut vient du roi Numa ; ce chant montre que les romains tout feroces qu’ils étoient alors, ne laissoient point d’avoir déja quelque connoissance de la musique.

98. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIIe entretien. Littérature latine. Horace (2e partie) » pp. 411-480

Ses œuvres ne sont que ses tablettes retrouvées après lui dans sa maison de Tibur ou dans la mémoire des jeunes Romains et des jeunes Romaines. […] C’est la vie prise au vol ; voilà pourquoi tout vit et tout vole encore dans ces pages fugitives du poète romain. Quand nous disons du poète romain, nous nous trompons : Horace n’était Romain que par le séjour qu’il faisait à Rome : d’origine et de génie comme de caractère il était Grec. […] Ces sorcières étaient en général des femmes de Syrie ou des Babyloniennes exploitant la crédulité des jeunes Romaines. […] » Plus loin le ton change ; c’est une invocation martiale à la Fortune en faveur d’Auguste et des Romains qui vont combattre en Asie les Parthes.

99. (1772) Discours sur le progrès des lettres en France pp. 2-190

Il importoit, avant tout, aux Romains d’affermir un Empire, qu’ils avoient conquis par les armes. […] Les Romains eurent recours aux Grecs, qui virent bientôt leurs Dieux avoir un culte & des autels dans Rome, leurs Sciences & leurs Arts y jeter de profondes racines, leurs loix servir de base aux loix Romaines, & le Sénat se former à l’imitation de l’Aréopage. […] Ce fut la suite de la conquête de la Grèce par les Romains. […] Les Romains, toujours sous les armes, accoutumés à des exercices violens, ne connoissoient point ceux du paisible Lycée. […] Comment auroient-ils pu défendre dans les Tribunaux, dont les Juges étoient Romains, leur innocence ou leurs droits attaqués ?

100. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXVI. Jésus au tombeau. »

Il n’est pas probable que, dans les exécutions faites par les Romains, cette prescription fût observée. Mais comme le lendemain était le sabbat, et un sabbat d’une solennité particulière, les Juifs exprimèrent à l’autorité romaine 1194 le désir que ce saint jour ne fût pas souillé par un tel spectacle 1195. […] Selon la coutume romaine, le cadavre de Jésus aurait dû rester suspendu pour devenir la proie des oiseaux 1202. […] La loi romaine, à cette époque, ordonnait d’ailleurs de délivrer le cadavre du supplicié à qui le réclamait 1206.

101. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXII » pp. 91-93

Le gallicanisme est une chose tellement mourante et morte en France, que nos évêques et archevêques, qui étaient les gardiens et défenseurs perpétuels de cette Église gallicane, vont les premiers sollicitant le pape de les autoriser à introduire dans leurs diocèses le bréviaire romain et la liturgie romaine au lieu des vieilles coutumes et réformes un peu dissidentes et appropriées qui marquaient l’originalité traditionnelle et nationale (voir dans les Débats des 3 et 4 août la lettre du pape à l’archevêque de Reims, et la réflexion très-juste des Débats le lendemain). […] — Notre religion romaine et italienne se manifeste de plus en plus dans les moindres détails, et par le caractère même des images exposées aux vitres des boutiques d’ornements catholiques.

102. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVe entretien. Vie de Michel-Ange (Buonarroti) »

Les Romains raillèrent cruellement le cardinal, mauvais juge du mérite intrinsèque des œuvres d’art, et qui appréciait par la date ce qui doit être apprécié par le ciseau. […] Les Romains et les étrangers s’y rendaient en masse pour l’admirer. […] Quinze mille écus romains lui furent assignés pour les frais et pour la récompense de cet immense travail. […] Ce pape, plus athénien que romain, était le Périclès naturel de cet autre Phidias. […] La sépulture de Michel-Ange à Florence égala en pompe, en foule, en solennité, un triomphe romain au Capitole.

103. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 38, que les peintres du temps de Raphaël n’avoient point d’avantage sur ceux d’aujourd’hui. Des peintres de l’antiquité » pp. 351-386

Les romains dans le siecle de leur splendeur, qui fut celui d’Auguste, ne disputerent aux illustres de la Grece que la science du gouvernement. […] J’avoüerai après cela qu’il seroit imprudent de soûtenir que les peintres de l’antiquité grecque et romaine aïent surpassé nos peintres, parce que les sculpteurs anciens ont surpassé les sculpteurs modernes. […] Il est sensible par ses récits que cette partie de l’art étoit en honneur chez les anciens, et qu’elle y étoit cultivée autant que dans l’école romaine. […] Nous lisons encore dans Pline un grand nombre de faits et plusieurs détails qui prouvent que les peintres anciens se piquoient d’exceller dans l’expression, du moins autant que les peintres de l’école romaine se sont piquez d’y exceller. […] Tout le monde sçait que cet enfant étant un jour demeuré auprès de son pere durant une assemblée du sénat ; sa mere lui fit plusieurs questions à la sortie pour sçavoir ce qui s’y étoit dit, choses qu’elle n’esperoit pas d’apprendre de son mari, les romains étant encore aussi peu polis qu’ils l’étoient alors.

104. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Virgile et Constantin le Grand par M. J.-P. Rossignol. »

Rossignol en vient à l’appréciation littéraire, et le coup d’œil qu’il jette sur la composition d’une seule églogue le mène aux considérations les plus intéressantes sur ce genre même de poésie, sur ce qu’étaient sa forme distincte et son rhythme particulier chez les Grecs, sur ce qu’il devint, chez les Romains, déjà moins délicats d’oreille, et qui se contentèrent d’un à peu près d’harmonie. […] Je ne redirai pas ici comment l’amour si profond et si vrai qu’avaient les Romains pour la campagne ne les inclinait pourtant point à l’églogue pastorale ; c’était un amour mâle et pratique, tout adonné à la culture, et dont les loisirs mêmes, si bien décrits dans les Géorgiques, se ressentaient encore des rudes travaux de chaque jour. Lorsque Tibulle, le plus affectueux après Virgile, et le plus doux des Romains, dit à sa Délie, en des vers pleins de tendresse, qu’il ne demande avec elle qu’une chaumière et la pauvreté, il mêle encore à l’idéal de son bonheur ces images du labour : Ipse boves, mea, sim tecum modo, Delia, possim Jungere, et in solo pascere monte pecus ; Et te dum liceat teneris retinere lacertis, Mollis et inculta sit mihi somnus humo. […] Le tableau de l’élégiaque romain est touchant dans sa réalité, mais on sent aussitôt la différence : il y manque, pour égaler le rêve sicilien, je ne sais quoi d’un loisir tout facile, je ne sais quel horizon plus céleste. […] En lui s’est rassemblé, comme dans un harmonieux et suprême organe, l’écho mourant de cette voix sacrée qu’entendirent, à l’origine de la fondation romaine, les Évandre et les Numa.

105. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IV. De la philosophie et de l’éloquence des Grecs » pp. 120-134

L’éloquence, soit par ses rapports avec la poésie, soit par l’intérêt des discussions politiques dans un pays libre, avait atteint chez les Grecs un degré de perfection qui sert encore de modèle : mais la philosophie des Grecs me paraît fort au-dessous de celle de leurs imitateurs, les Romains ; et la philosophie moderne a cependant, sur celle des Romains, la supériorité que doivent assurer à la pensée de l’homme deux mille ans de méditation de plus. […] Ils ont toutes les qualités nécessaires pour exciter le développement de l’esprit humain ; mais on n’éprouve point, en les voyant disparaître de l’histoire, la même douleur qu’inspire la perte du nom et du caractère des Romains. […] Mais ils n’avaient point ce sentiment intime, cette volonté réfléchie, cet esprit national, ce dévouement patriotique qui ont distingué les Romains. Les Grecs devaient donner l’impulsion à la littérature et aux beaux-arts ; les Romains ont fait porter au monde l’empreinte de leur génie.

106. (1829) Tableau de la littérature du moyen âge pp. 1-332

Sur l’ancien territoire romain tout est changé, bouleversé ; ce ne sont plus des Gaulois, des Ibères devenus Romains ; ce sont de races nouvelles avec les variétés de leurs physionomies et de leurs langues ; c’est le chaos renaissant au milieu de cette uniformité que la conquête romaine avait commencée, et que semblait d’abord achever le christianisme. […] L’ancien esprit romain, l’ancienne langue romaine corrompue successivement, prévalurent dans les Gaules sur la langue des conquérants nouveaux. […] Tout cela embrouillait la cervelle des Germains, des Illyriens, des Celtes, conquis par les légions romaines. […] Il avait auprès de lui des Gaulois lettrés et romains, comme Mahomet II eut des secrétaires grecs. […] Que le vrai Dieu, le vrai pain quotidien me donne ce que je désire voir des Romains !

107. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 avril 1886. »

Ces derniers Aryens furent surnommés par les Romains Germani (frères). Etaient-ce donc les frères des Romains ? […] Non, les Germains étaient frères des Gaulois : et les Romains le savaient clairement. Les Gaulois, surnommés Celtes ou Héros, étaient les gardes avancés, les derniers Aryens obstinés à défendre le monde contre la domination romaine. […] Mais, plus intensément encore, les Gaulois se sont mélangés aux conquérants de leur pays, les Romains ; ils sont devenus des Romans.

108. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « A. Grenier » pp. 263-276

Gaston Boissier : La Religion romaine, d’Auguste aux Antonins ! […] Quelques esprits, sublimement intuitifs, comme de Maistre et Bonald, avaient bien vu synthétiquement ce qu’il en était de cette société païenne, de ces Grecs et de ces Romains tués par des sophistes, des rhéteurs et des grammairiens, leur maladie pédiculaire ! […] L’auteur du livre intitulé : À travers l’Antiquité, nous donne de ces rhéteurs, qui furent d’abord des Grecs, et qui devinrent des Romains, une idée qu’aucun livre n’en avait donnée, même approximativement. […] Mais ce rapprochement m’en faisait espérer de plus grands… non plus entre deux rhéteurs isolés, mais entre l’antiquité et la France moderne, par exemple, — la France, qui commence d’avoir le mal des Grecs et des Romains, et qui, si ce mal oratoire, sophistique et cabotin, dont elle est la proie, continue, périra par les mots, comme l’antiquité ! […] Écoutons-le et répondons-lui : « En relisant cet opuscule, — nous dit-il, — perpétré, il y a quinze ans, j’éprouve le remords d’avoir été trop dur envers les Grecs et les Romains. » (Mais le remords aurait dû détruire le livre, et ne pas le publier en le dégradant !)

109. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Deux tragédies chrétiennes : Blandine, drame en cinq actes, en vers, de M. Jules Barbier ; l’Incendie de Rome, drame en cinq actes et huit tableaux, de M. Armand Éphraïm et Jean La Rode. » pp. 317-337

Blandine et l’Incendie de Rome ne se distinguent guère, à première vue, des autres tragédies chrétiennes et romaines qu’on a écrites chez nous depuis Caligula. […] Il y a l’esclave chrétien ; le philosophe stoïcien ; l’épicurien sceptique et tolérant, qui ressemble plus ou moins au Sévère de Polyeucte, et le fonctionnaire romain, qui fait plus ou moins songer à Félix. […] Et il y a la « couleur locale », la fâcheuse couleur locale romaine, dont se sont si heureusement passés Corneille dans Polyeucte et Racine dans Britannicus. […] Tous les esclaves de Pedanius sont, selon l’atroce loi romaine, arrêtés et condamnés. […] L’État et le peuple romain se trompaient en attribuant aux chrétiens des crimes et des pratiques infâmes ; ils ne se trompaient point en les considérant comme des ennemis irréductibles.

110. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 35, de la mécanique de la poësie qui ne regarde les mots que comme de simples sons. Avantages des poetes qui ont composé en latin sur ceux qui composent en françois » pp. 296-339

Comme les romains ne connoissoient pas les choses dont le traducteur doit parler, les romains n’avoient point de termes propres pour les signifier. […] Elles ont été loüées par les romains du tems d’Auguste, qui étoient juges competens de ces beautez. […] Ce vers prononcé en supprimant les syllabes qui font élision, et en faisant sonner l’ u comme les romains le faisoient sonner, devient pour ainsi parler un vers monstrueux. […] Nos poëtes qui ont voulu enrichir leurs vers de ces phrases imitatives, n’ont pas réüssi au goût des françois comme ces poëtes latins réüssissoient au goût des romains. […] Les romains étoient tellement épris de l’effet que le rithme produisoit, que leurs écrivains en prose s’y attacherent avec tant d’affection, qu’ils en vinrent par dégrez jusques à sacrifier le sens et l’énergie du discours au nombre et à la cadence des phrases.

111. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — I. Faculté des arts. Premier cours d’études. » pp. 453-488

Les Grecs ont été les précepteurs des Romains : les Grecs et les Romains ont été les nôtres, je l’ai dit, et je le répète : on ne peut guère prétendre au titre de littérateur, sans la connaissance de leurs langues. […] Polybe a écrit l’Histoire romaine depuis la seconde guerre Punique jusqu’à la destruction de Corinthe. […] Diodore de Sicile a écrit des Egyptiens, des Assyriens, des Grecs et des Romains. Denys d’Halicarnasse, l’Histoire romaine et quelques ouvrages de grand goût et de peu de lecteurs. […] Je ne sais même comment le peuple romain l’entendait.

112. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXIX » pp. 316-320

La pièce est bien, elle est conduite conformément à l’histoire, et raisonnablement ; il y a d’assez beaux vers et il n’en est pas qui choquent ; la couleur locale, les apostrophes aux dieux lares, les allusions aux coutumes romaines, la farine et le miel, l’orge et le sel, tout cela est assez à point employé ; mais ce qui donne le caractère dramatique, c’est l’accent de mademoiselle Rachel en deux ou trois moments, c’est son attitude simple, noble, virginale, dans toute la pièce ; elle est belle comme certaines figures des vases antiques. — Il n’est peut-être pas inutile de rappeler que toute cette couleur d’André Chénier romain, où la scène se retrempe et rajeunit tant bien que mal sa teinte en ce moment, a été pour la première fois essayée et appliquée par un poëte peu connu, M. Jules de Saint-Félix, dans un recueil intitulé Poésies romaines.

113. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Appendice — II. Sur la traduction de Lucrèce, par M. de Pongerville »

Sainte-Beuve avait des engagements plus pressants d’abord envers le public, et son article du Globe reste encore son dernier et unique mot sur le grand poète romain. […] Par une analyse sophistique et subtile, assez semblable à celle que l’abbé de Condillac appliqua depuis à la sensation, ou Helvétius à l’amour physique, Lucrèce faisait dériver de cette crainte de la mort l’ambition, l’avarice, l’envie, les haines fraternelles, les proscriptions sanglantes, les suicides ; il pensait donc servir la patrie en guérissant les Romains de cette terreur chimérique, et en prouvant que la mort ne menait à rien ; de là ces arides théories d’athéisme et de néant, toujours entremêlées de conseils probes, de consolations mornes et sévères. […] Certains esprits amis de l’humanité, épouvantés de ses maux et de son délire, avaient eu recours aussi, comme le poète romain, à cette philosophie austère et sans larmes qui se pique de voir les choses comme elles sont, qui se console de la tristesse de ses résultats par l’idée de leur vérité, et qui, faisant l’homme si petit en face de la nature, et osant pourtant le maintenir dans tous ses droits, ne manque certes ni de générosité ni de grandeur. […] Quand Rome s’écroulait sous le fer des tyrans, Que, sortis de son sein, de rebelles enfants Par une guerre impie ensanglantaient leur mère, Et vainqueurs ou vaincus accroissaient sa misère, Un poète parut qui, d’une austère voix, Chantant de l’univers le principe et les loix, Et leur chaîne à jamais bienfaisante, éternelle, Faisait du triumvir rougir la loi cruelle ; De leurs prêtres du moins détrompait les humains ; C’était assez d’un maître aux malheureux Romains ; Et pour les rassurer (?) […] ……………………………………………… Si sa muse est inculte et son accent chagrin, Pardonnez au poète, il est encore romain, Et du bon citoyen la profonde blessure Attriste sous ses doigts la lyre d’Épicure.

114. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « L’idolâtrie au théâtre »

Et comme tout se tient dans les sociétés, dans les idées et dans le langage, et que le désordre introduit quelque part amène le désordre partout, si les comédiens des sociétés modernes et chrétiennes sont mis là où la bassesse romaine et païenne mettait avant leur mort les empereurs, sous qui elle tremblait, où ces sociétés mettront-elles leurs vrais grands hommes, — ceux qui honorent, éclairent et servent la patrie, et, quand il le faut, meurent pour elle ? […] La Bruyère parle quelque part de la passion désordonnée des Romaines de la décadence pour les joueurs de flûte. Eh bien, la société du xixe  siècle ressemble à ces Romaines ! […] Crassus, faisant la guerre aux Parthes, emmenait avec lui une troupe de comédiens, et beaucoup d’autres Romains eurent à leur solde, soit dans la paix, soit dans la guerre, leur troupe de comédiens comme Crassus. […] Même dans Rome éperdue et perdue, dans Rome devenue la corybante de ses arènes et de ses jeux, une pareille idée ne put effleurer ces cerveaux corrompus, mais qui avaient appris dans la loi romaine la majesté du père et du magistrat domestique : Pater familias.

115. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Grèce antique »

L’histoire de l’antiquité, dont nous sommes la dernière page, présente aux regards de l’observateur deux grands peuples, — le peuple grec et le peuple romain, — qui tous deux mal vus longtemps, mais obstinément regardés, n’ont point été cependant assez rapprochés l’un de l’autre pour qu’on ait jusqu’ici séparé la vérité de l’erreur, et, puisque nous dépendons tant et du passé et de l’Histoire, nos devoirs de nos illusions. […] Elle saisit alors ces vieux chrétiens du Moyen Âge, élevés dans la forte discipline d’un esprit doublement romain, comme une passion juvénile et contre-nature qui saisirait un vieillard austère et dégraderait sa noble vieillesse. […] Ainsi, quand nous examinerons le livre de Champagny, nous montrerons que, la chose romaine périssant, un esprit qui s’échappait d’elle passa du côté des Barbares qu’elle avait vaincus, si bien que sous les nombreuses transformations du temps, et malgré ce grand coup de foudre du Christianisme qui a rompu le monde en deux, jetant l’Antiquité par là et le monde moderne par ici, nous, Français, nous continuons en bien des points la chose romaine. […] La femme, si toutefois il y en a une parmi les concubines qu’on puisse appeler la femme légitime, la femme, l’épouse, que le droit romain avait grandie jusqu’à la Matrone et que le Christianisme seul pouvait grandir davantage, n’existe pas pour la Grèce.

116. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVI. Des sophistes grecs ; du genre de leur éloquence et de leurs éloges ; panégyriques depuis Trajan jusqu’à Dioclétien. »

Tandis que dans Rome Tacite écrivait l’histoire, que Pline célébrait Trajan, que Quintilien professait l’éloquence, que Martial cultivait la poésie légère, que Stace chantait les héros, et Juvénal, ardent et sombre, poursuivait, avec le glaive de la satire, les crimes des Romains, à l’autre extrémité de l’empire, dans l’Ionie, la Grèce et une partie de l’Asie, les orateurs grecs, qu’on nommait sophistes, jouaient le plus grand rôle, et remplissaient quelquefois de l’admiration de leur nom les villes et les provinces ; ce qui les distinguait, c’était l’art de parler sur-le-champ avec la plus grande facilité. […] Un homme qui faisait le sort du monde, une cour où l’on se rendait de toutes les extrémités de l’Europe, de l’Afrique et de l’Asie, les caprices d’un tyran qui pouvaient faire trembler cent nations, une servitude même qui avait quelque chose d’auguste, parce qu’elle était partagée par l’univers ; enfin la grandeur romaine qui respirait de toutes parts, même à travers les ruines de la liberté, tout ce spectacle, au moins dans les premiers siècles de l’empire, agitait fortement les esprits et les âmes. […] Lorsque Domitien périt, Dion était en habit de mendiant dans un camp de l’armée romaine, inconnu à tout le monde, et s’y occupant des travaux les plus pénibles. […] Ceux des Romains qui jugeaient au lieu d’écrire, et se contentaient d’apprécier les talents sans en avoir, en classant leurs orateurs, citaient Cicéron pour l’abondance, Salluste pour la précision, Pline pour l’agrément, Fronto pour une certaine gravité austère. […] Ce fut ainsi que pensa un général romain, qui vingt ans après fut proclamé empereur en Syrie : c’était Pescéninus Niger.

117. (1870) La science et la conscience « Chapitre III : L’histoire »

Pourquoi l’histoire a-t-elle été ainsi traitée par les historiens romains et grecs ? […] Il en est de même pour l’histoire romaine. […] Si César eût manqué à la servitude romaine, un autre maître se fût rencontré. […] Malgré Cicéron, Caton et Brutus, la république romaine tombe entre les mains des maîtres qui en font l’empire. […] Histoire romaine. — Préface.

118. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 14, qu’il est même des sujets specialement propres à certains genres de poësie et de peinture. Du sujet propre à la tragedie » pp. 108-114

Nous pouvons dire la même chose des meurtriers de Cesar, parce qu’ils avoient été élevez dans la maxime que les voïes violentes étoient permises contre un citoïen qui vouloit faire des sujets de ses égaux ; et qui, pour parler le langage des romains, affectoit la tyrannie. Mais un romain, contemporain de Cesar, qui voudroit sacrifier sa propre fille seroit un scelerat, il violeroit un précepte sacré de la loi naturelle sans être excusé par les loix de sa patrie : car il y avoit long-tems deslors que les romains avoient défendu de sacrifier des victimes humaines, et qu’ils avoient même obligé les peuples libres qui vivoient sous leur protection, à garder cette défense.

119. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre IV. De la morale poétique, et de l’origine des vertus vulgaires qui résultèrent de l’institution de la religion et des mariages » pp. 168-173

. — La troisième, toujours observée par les Romains, fut d’enlever l’épouse avec une feinte violence, pour rappeler la violence véritable avec laquelle les géants entraînèrent les premières femmes dans leurs cavernes. […] Ce culte sacrilège fut défendu par Auguste aux Romains qui habitaient les Gaules, et par Claude aux Gaulois eux-mêmes (Suétone). […] Cette puissance fut sans borne chez les nations les plus éclairées, telles que la grecque, chez les plus sages, telles que la romaine ; jusqu’aux temps de la plus haute civilisation, les pères y avaient le droit de faire périr leurs enfants nouveau-nés.

120. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIIe entretien. Tacite (1re partie) » pp. 57-103

C’est le monde romain, ou plutôt c’est le monde humain de son temps, hélas ! […] « Si l’immense corps de l’État pouvait subsister et se pondérer seul et sans modérateur, j’étais digne peut-être de recommencer les temps et les institutions de la république ; mais nous en sommes à cette nécessité, que déjà mon âge avancé ne peut plus rien promettre au peuple romain qu’un bon successeur, et ta jeunesse rien autre qu’un bon maître à l’empire. […] « La maison des Jules César et des Claude étant éteinte, l’adoption découvrira avec intelligence le meilleur des Romains pour succéder à l’empire. […] ces Germains, que Vitellius pousse contre Rome, ne l’auront pas osé eux-mêmes ; et vous, enfants privilégiés de l’Italie, vous, jeunesse vraiment romaine, vous demanderiez le sang et le massacre d’un corps dont la splendeur et la gloire font toute notre supériorité sur la bassesse et l’obscurité des Vitelliens. […] C’est le Molière grave et politique des peuples en révolution ; le peuple romain pose, non-seulement devant son peintre, mais devant son juge.

121. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre IV. Ordre d’idées au sein duquel se développa Jésus. »

Mais l’entrée triomphante et souvent brutale de la civilisation grecque et romaine en Asie le rejeta dans ses rêves. […] Ses trois fils ne furent que des lieutenants des Romains, analogues aux radjas de l’Inde sous la domination anglaise. […] Sous la conduite de Menahem, fils du fondateur, et d’un certain Éléazar, son parent, on la retrouve fort active dans les dernières luttes des Juifs contre les Romains 185. […] Très dure par un côté, la domination romaine, peu tracassière encore, permettait beaucoup de liberté. […] Si l’on excepte Tibériade, bâtie par Antipas en l’honneur de Tibère (vers l’an 15) dans le style romain 192, la Galilée n’avait pas de grandes villes.

122. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre II. La qualité des unités sociales. Homogénéité et hétérogénéité »

Du moins son long développement devait être déterminé par l’accession dans la cité romaine d’éléments de toutes provenances123. À combien de types dissemblables ce même titre de citoyen romain devait-il être décerné ? […] Comment de pareils spectacles n’auraient-ils pas élargi les idées romaines ? […] Madwig, L’État romain, I, 18, 233 ; II, 250. […] Jhering, Esprit du Droit romain, trad.

123. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre I. De l’action »

Contre l’avarice des Romains. […] Pourquoi songe-t-il à être utile aux Romains ? […] A présent le barbare s’amuse à prouver tout au long que la simplicité des Germains vaut la civilisation romaine. […] « Mais, après tout, Romains, savez-vous bien ce que vous y gagnez ? […] Témoin nous que punit la romaine avarice.

124. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre III. La complication des sociétés »

Ainsi les nouveaux « citoyens romains » de toutes provenances entraient dans les cadres de la société romaine, mais sans briser du même coup tous les liens de la race et du sol : ils se groupaient encore par « peuples » pour adorer un même dieu. Babel de groupements hétérogènes, l’Empire romain devait voir l’entrecroisement de classifications de toute nature et de toute date. […] Dans une société à la fois aussi antique et aussi ample que l’Empire romain, la complication sociale ne pouvait manquer d’être grande. […] Nos Droits, à l’image du Droit romain, n’aiment à traiter qu’avec des individus, et font difficulté pour accorder la personnalité aux groupements. […] Boissier, La Religion romaine, II, p. 250-290.

125. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. EDGAR QUINET.— Napoléon, poëme. — » pp. 307-326

Le monde ne sait pas les sublimes ennuis Des rêves éveillés qu’on fait toutes les nuits ; Il ne sait pas, tandis qu’il voue une génisse, Ce qu’un vers sibyllin coûte à la pythonisse ; Tandis que le tribun parle et qu’on bat des mains Au forum, et qu’on lève et le poing et la chaîne, Elle écrit de son sang, sur ses feuilles de chêne, Vos grandes annales, Romains ! […] Quinet, il est vrai, dit à merveille dans sa préface : « L’époque la plus riche assurément que l’histoire romaine ait présentée à l’épopée est celle où le monde antique parvint à sa plus haute unité sous la puissance du premier des Césars. […] Le génie des Romains, comme celui des Français au XVIIe et au XVIIIe siècle, avait un caractère positif qui se prêtait mieux à la politique, à l’histoire, à la philosophie, qu’à la poésie lyrique ou épique. […] Comme ces empereurs romains que la mort incontinent faisait dieux, suffit-il à nos personnages historiques de mourir pour être faits tout aussitôt idées ? […] Ses vers me semblent une levée en masse, indisciplinée, orageuse, ardente ; même lorsqu’il triomphe, c’est par le nombre et l’impétuosité, par la bravoure du talent plutôt que par l’art, à la manière d’une invasion d’Arabes quand il est brillant, d’une invasion de Huns ou de Hulans quand il est sombre : ce ne sont pas des victoires romaines.

126. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 34, que la réputation d’un systême de philosophie peut être détruite, que celle d’un poëme ne sçauroit l’être » pp. 489-511

Les institutes de Justinien, le plus respecté des livres prophanes, nous apprennent que les romains entendoient parler de Virgile toutes les fois qu’ils disoient le poëte absolument et par excellence, comme les grecs entendoient parler d’Homere toutes les fois qu’ils usoient de la même expression. […] Enfin tous les peuples nouveaux qui se sont formez en Europe après la destruction de l’empire romain par les barbares, ont pris leur estime pour Virgile de la même maniere que les contemporains de ce poëte l’avoient prise. […] Dès que les peuples septentrionnaux ont eu des établissemens sur le territoire de l’empire romain, dès qu’ils ont sçu le latin, ils ont pris pour Virgile le même goût que les compatriotes de cet aimable poëte avoient toujours eu pour lui. […] Ce dernier Theodoric dit en parlant au célebre Avitus, qui fut proclamé empereur l’année quatre cent cinquante-cinq de l’ère chrétienne, et qui le pressoit de s’accommoder avec les romains. […] Voudroit-on supposer que tous les habiles gens qui vivent ou qui ont vécu depuis que ces nations se sont polies aïent conspiré de mentir au désavantage de leurs concitoïens, dont la plûpart morts dès long-temps ne leur étoient connus que par leurs ouvrages, et cela pour faire honneur à des auteurs grecs et romains, qui n’étoient pas en état de leur sçavoir gré de cette prévarication.

127. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXII. Des panégyriques latins de Théodose ; d’Ausone, panégyriste de Gratien. »

On voit combien ce nom et le souvenir d’une ancienne grandeur en imposaient encore : « L’orateur, dit-il, craint de faire entendre devant les héritiers de l’éloquence romaine, ce langage inculte et sauvage d’au-delà des Alpes, et son œil effrayé croit voir dans le sénat les Cicéron, les Hortensius et les Caton assis auprès de leur postérité pour l’entendre. » Il y a trop d’occasions où il faut prendre la modestie au mot, et convenir de bonne foi avec elle qu’elle a raison ; mais ici il y aurait de l’injustice : l’orateur vaut mieux qu’il ne dit ; s’il n’a point cet agrément que donnent le goût et la pureté du style, il a souvent de l’imagination et de la force, espèce de mérite qui, ce semble, aurait dû être moins rare dans un temps où le choc des peuples, les intérêts de l’empire et le mouvement de l’univers, qui s’agitait pour prendre une face nouvelle, offraient un grand spectacle et paraissaient devoir donner du ressort à l’éloquence : la sienne, en général, ne manque ni de précision, ni de rapidité. […] Maxime était un général des troupes romaines en Angleterre, qui, révolté contre Gratien, l’avait joint à Paris, lui avait enlevé son armée sans combattre, et l’avait ensuite fait assassiner à Lyon. […] Cette idée, comme on voit, tenait à l’ancien préjugé romain, qui mettait de la gloire dans le suicide ; erreur justement condamnée aujourd’hui par la religion et par les lois. […] Je sais bien qu’il y a, dans Cicéron même, de ces petits détails de vanité ; mais, dans l’orateur romain, ces faiblesses d’amour-propre sont relevées par la beauté du style, par une éloquence harmonieuse et douce, par une certaine fierté de sentiment républicain qui s’y mêle, enfin par le souvenir de ses grandes actions, et le parallèle qu’il fait souvent de lui-même et de ses travaux, avec ces grands de Rome, endormis sous les images de leurs ancêtres, fiers d’un nom qu’ils déshonoraient, inutiles à l’État et prétendant à le gouverner, rejetant tous les travaux et aspirant à toutes les récompenses.

128. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 196-203

Après Corneille, personne n’a mieux parlé des Romains. […] Dans le Chapitre de la seconde Guerre Punique, après avoir parlé de la défaite des Romains à Cannes par Annibal, & des raisons que ce Capitaine opposa à Maherbal, pour ne pas poursuivre sa conquête, Saint-Evremont ajoute cette réflexion, touchant la destinée des Empires. […] Dans le même Chapitre, parlant des bonnes qualités de Scipion, qui le rendirent suspect aux Romains, il dit, que dans le temps qu'on l'accusoit, il pouvoit répondre & se justifier ; « mais, ajoute-t-il, il y a une innocence héroïque aussi-bien qu'une valeur, si on peut parler de la sotte ; la sienne négligea les formes où sont assujettis les innocens ordinaires ; & au lieu de répondre à ses Accusateurs : Allons , dit-il, rendre graces aux Dieux de mes victoires : & tout le monde le suivit au Capitole ».

129. (1803) Littérature et critique pp. 133-288

Je ne crois pas qu’on puisse avancer une proposition plus démentie par tous les faits dans ce qui concerne les Romains. […] Les Romains ont plus de sensibilité que les Grecs ! […] Tibulle a décrit en vers charmants cette pompe champêtre, comme elle existait chez les Romains. […] On a déjà cité, dans le premier extrait, plusieurs descriptions du culte romain. […] Et c’est Apollonius qui, penché sur les restes de ce grand homme, déplore sa perte, et raconte ses vertus devant le peuple romain.

130. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article »

Son Ouvrage qui a pour titre Mœurs & Coutumes des Romains, offre un tableau général des usages les plus curieux & les plus singuliers de l’ancienne Rome. Ce n’est ni un abrégé ni une répétition des grandes Histoires Romaines ; c’est précisément un Recueil de tout ce qu’on n’y trouve pas.

131. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 348-356

L’Esprit des Loix avoit été précédé par un autre Ouvrage, qui ne lui est peut-être pas inférieur, les Considérations sur les causes de la grandeur des Romains & de leur décadence. […] Les loix des Romains, les ressorts de leur gouvernement, leurs mœurs, les principes vivisians ou destructeurs qui ont contribué, soit à former, à agrandir, soit à ébranler, à ruiner leur Empire, tout est développé avec une sagacité étonnante pour quiconque est en état de sentir combien il est difficile de ne présenter que la substance des choses, sans nuire à l’effet qui en doit résulter. Les causes de la grandeur & de l’abaissement des Romains se trouvent dans leur Histoire ; mais il n’y avoit qu’un homme de génie consommé dans la politique & la connoissance de l’esprit humain, qui pût les y découvrir, les lier ensemble, en former un tissu historique, qui prouve, d’une maniere lumineuse, ce qu’on s’est proposé de montrer.

132. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 8, des instrumens à vent et à corde dont on se servoit dans les accompagnemens » pp. 127-135

Deux autres acteurs, coeffez comme les premiers du masque que portoient les comediens des romains, entrent sur la scene, au fond de laquelle on voit un homme debout qui accompagne de sa flute. Cette basse continuë étoit composée ordinairement de flutes et des autres instrumens à vent, que les romains comprenoient sous le nom de tibiae. […] Comme nous l’avons exposé dans le premier volume de cet ouvrage, les romains avoient, lorsque Donat écrivoit, des comedies de quatre genres differens.

133. (1902) La politique comparée de Montesquieu, Rousseau et Voltaire

L’Empire romain, trop vaste, devenu trop lourd à lui-même, ne s’est pas fédéralisé. […] Telle est la religion des Lamas, telle est celle des Japonais, tel est le Christianisme romain. […] Ils l’étaient aux Césars et aux Romains exactement pour le même motif. […] C’est par là qu’elle avait dompté les nations et leurs Dieux ; car on raisonnait ainsi en ce temps ; de sorte que les Dieux romains devaient être les maîtres des autres Dieux, comme les Romains étaient les maîtres des autres hommes. […] Il gouverne des Guèbres, des Banians, des chrétiens grecs, des nestoriens, des romains.

134. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVIII. Des obstacles qui avaient retardé l’éloquence parmi nous ; de sa renaissance, de sa marche et de ses progrès. »

Dès qu’ils avaient paru dans les Gaules, ils avaient commencé par y corrompre la langue romaine. […] C’est peut-être là parmi nous l’époque de cette foule de mots grecs que nous avons adoptés ; c’est pour cette raison peut-être que notre langue, qui, dans son origine, a été formée en partie des débris de la langue romaine, a cependant, pour les mouvements et pour les tours, et quelquefois pour la syntaxe, beaucoup plus d’analogie avec la langue de Démosthène et de Sophocle, qu’avec celle de Cicéron et de Térence. […] Un avocat plaidant pour une maison ou les limites d’un jardin, prétendait bien être aussi éloquent que Démosthène appelant les Grecs à la liberté, ou que l’orateur romain repoussant du haut de la tribune les fureurs de Claudius et d’Antoine. […] Le désir de copier la grandeur grecque et romaine avait corrompu notre goût : le désir d’imiter ces mêmes peuples dans la partie technique, et pour ainsi dire le mécanisme de leur langage, retarda, au siècle même de Louis XIV, la marche et les progrès de notre langue. […] Aussi l’orateur de Rome, dans un des livres qu’il a composés sur l’éloquence, nous apprend que plusieurs orateurs célèbres s’assemblaient chez les femmes romaines les plus distinguées par leur esprit, et puisaient dans leur société une pureté de goût et de langage, que peut-être ils n’auraient pas trouvée ailleurs.

135. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » p. 450

On blâme, avec raison, les mêmes défauts dans l’Histoire Romaine, qu’il composa avec le P. […] Les Notes & les Dissertations qui accompagnent cette derniere, jettent un grand jour sur plusieurs objets concernant les usages & les révolutions arrivées chez les Romains.

136. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIe entretien. Littérature italienne. Dante. » pp. 329-408

Tel fut l’avènement du christianisme dans l’empire romain. […] Il ne lui manquait plus que d’être adoptée par un grand esprit et d’être écrite dans une grande œuvre pour se substituer facilement et triomphalement à la latinité posthume du monde romain maintenant gouverné par les papes. […] Au sommet de ces collines de vignes hautes et d’amandiers fleuris pyramidaient quelques métairies romaines à l’aspect sombre, caverneux, monumental ; plus haut encore des pins parasols à larges cimes dentelaient l’horizon de leurs dômes noirs. […] Artaud remplissait merveilleusement ce rôle près de la cour romaine. […] Nulle part il n’existe en Europe une caste savante et lettrée comparable à ces abbés romains, vivant pour ainsi dire dans les catacombes des bibliothèques, et s’enivrant depuis l’enfance jusqu’à la mort de la poussière des livres.

137. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre premier. De l’invention dans les sujets particuliers »

La question particulière d’histoire romaine a fait place à une question générale, qui de nouveau a reçu une forme particulière des idées et des sentiments personnels du poète. […] De là la chaleur émue, la conviction contagieuse des discours de Cinna : dans la bouche du Romain, par les exemples de l’histoire romaine, un cœur français professe le culte de la monarchie, gardienne de l’ordre. Et c’est ce sentiment monarchique, si peu romain, si peu conforme à la vérité historique, qui, dans la tragédie, commence à relever Auguste aux yeux du spectateur, et à faire oublier Octave.

138. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 20, de quelques circonstances qu’il faut observer en traitant des sujets tragiques » pp. 147-156

Si nous sçavions l’histoire domestique de Cesar et d’Alexandre avec autant de détail, que nous sçavons celle des grands hommes de notre siecle, les noms du grec et du romain ne nous inspireroient plus la même veneration qu’ils nous inspirent. […] Ainsi j’approuve les auteurs qui, lorsqu’ils ont pris pour sujet quelque évenement arrivé en Europe depuis un siecle, ont masqué leurs personnages sous le nom des anciens romains ou de princes grecs, ausquels personne ne prend plus d’interêt. […] D’ailleurs le commerce entre la France et Constantinople est si grand, que nous connoissons bien mieux les moeurs et les usages des turcs par les relations verbales de nos amis qui ont vêcu avec eux, que nous ne connoissons ceux des grecs et des romains sur le recit d’auteurs morts, et à qui l’on ne sçauroit demander des explications quand ils sont obscurs ou trop succincts.

139. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 208-209

Le Dictionnaire des antiquités Romaines, du même Auteur, est bien éloigné de ce travers. La raison en est toute simple, les anciens Romains n’étoient pas Molinistes.

140. (1911) Enquête sur la question du latin (Les Marges)

J’ai entendu un lettré distingué de notre Sorbonne invoquer cet argument contre l’étude du latin qu’il fallait, à son avis, détruire le prestige d’une langue qui est celle de l’Église romaine ! […] Est-ce qu’un idiome qui a exprimé des civilisations aussi différentes que celle de la République romaine et celle du moyen âge, qui a fourni au droit, a la théologie, à bien d’autres sciences encore, pendant des siècles, leur unique instrument d’élaboration et de diffusion, n’a pas donné les preuves les plus convaincantes de sa souplesse et de ses facultés d’adaptation à toutes les idées et à tous les faits ? […] Les professeurs de mon collège (on ne peut causer que de ce que l’on sait) semblaient avoir hérité de la brutalité romaine ; ils se sont assis sur notre jeunesse avec toute la lourdeur d’un monument romain ; ils ont failli étouffer tout ce qu’il y a en nous, d’« aborigène ». […] Heureusement la tyrannie romaine n’a pas tout jugulé chez nous, car je ne pense pas que Notre-Dame de Paris soit sortie du Pont-du-Gard. […] Mais la force romaine, le bras romain, la langue et la pratique romaines sont aussi partout : ç’a été le grand instrument de propagation et de culture. » S’il existe un parlement et des ministres qui aient le loisir de songer à ces choses, qu’ils le prouvent.

141. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre V. Le Bovarysme des collectivités : sa forme idéologique »

Telle est déjà, selon la version du maître historien, la situation des Grecs et des Romains, vis-à-vis de leurs coutumes et de leurs lois, dès qu’il nous est donné de les connaître. […] Cette religion des Grecs et des Romains fut à son origine essentiellement particulariste. […] Or c’est cette législation que l’on retrouve chez les Romains à une époque déjà avancée. […] Le beau livre de Fustel de Coulanges nous montre en effet les Grecs et les Romains dominés sur les deux points que l’on vient de dire par la croyance ancienne, alors que cette croyance n’est plus pour eux qu’un argument poétique. […] Ainsi, à l’instigation d’une idée abstraite qui les dominait et qui puisait encore son autorité dans la loi, les Grecs et les Romains se conçurent, durant une longue période, autres qu’ils n’étaient.

142. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIe entretien. L’Arioste (2e partie) » pp. 81-160

« La république romaine, ou plutôt la république municipale, fut proclamée. […] La république romaine fut proclamée le 19 février 1849, c’est-à-dire deux mois après que le général Cavaignac et ses ministres avaient déposé leurs pouvoirs. « La révolution romaine fut prise d’assaut par l’armée française. » À quelle époque et par qui ? […] Il devra soigneusement s’abstenir de prendre part aux querelles intérieures du gouvernement et du peuple romain. […] Mais il est bien entendu que vous n’interviendrez en aucune façon dans la question politique et dans les affaires intérieures du gouvernement romain.

143. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — II. (Fin.) » pp. 322-341

avoir trop vu l’Italie, avoir trop compris le xve  siècle romain ou florentin, avoir trop lu Machiavel, son Prince et sa vie de l’habile tyran Castruccio, a nui à Beyle pour comprendre la France et pour qu’il pût lui présenter de ces tableaux dans les justes conditions qu’elle aime et qu’elle applaudit. […] Pendant son séjour dans l’État romain, tout en faisant des fouilles et en déterrant des vases noirs « qui ont 2700 ans, à ce qu’ils disent » (je doute là, comme ailleurs, ajoutait-il), il avait mis ses économies à acheter le droit de faire des copies dans des archives de famille gardées avec une jalousie extrême, et d’autant plus grande que les possesseurs ne savaient pas lire : J’ai donc, disait-il, huit volumes in-folio (mais la page écrite d’un seul côté) parfaitement vrais, écrits par les contemporains en demi-jargon. […] Il se demandait s’il pourrait intituler ce recueil : « Historiettes romaines, fidèlement traduites des récits écrits par les contemporains, de 1400 à 1650. » Son scrupule (car il en avait comme puriste) était de savoir si l’on pouvait dire historiette d’un récit tragique. […] Beyle cherche ainsi dans le roman une pièce à l’appui de son ancienne et constante théorie, qui lui avait fait dire : « L’amour est une fleur délicieuse, mais il faut avoir le courage d’aller la cueillir sur les bords d’un précipice affreux. » Ce genre brigand et ce genre romain est bien saisi dans L’Abbesse de Castro ; cependant on sent que, littérairement, cela devient un genre comme un autre, et qu’il n’en faut pas abuser. Dans une autre nouvelle de lui, San Francesco a Ripa, imprimée depuis sa mort (Revue des deux mondes, 1er juillet 1847), je trouve encore une historiette de passion romaine, dont la scène est, cette fois, au commencement du xviiie  siècle ; la jalousie d’une jeune princesse du pays s’y venge de la légèreté d’un Français infidèle et galant : le récit y est vif, cru et brusqué.

144. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 42, de notre maniere de réciter la tragédie et la comedie » pp. 417-428

Voilà pourquoi l’on habille aujourd’hui communément ces personnages de vêtemens imaginez à plaisir, et dont la premiere idée est prise d’après l’habit de guerre des anciens romains, habit noble par lui-même, et qui semble avoir quelque part à la gloire du peuple qui le portoit. […] En effet, à juger de la déclamation des romains, et par conséquent de celle des grecs sur la scéne, desquels la scéne romaine s’étoit formée, par ce qu’en dit Quintilien, la récitation des anciens devoit être quelque chose d’approchant de notre déclamation tragique.

145. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 7, que les genies sont limitez » pp. 67-77

D’autres ont fait circuler le sang dans la chair de leurs figures ; mais ils n’ont pas sçû l’art des expressions aussi-bien que les ouvriers médiocres de l’école romaine. […] C’est celui de tous les romains qui feroit le plus d’honneur à l’humanité, s’il avoit été juste. […] Si Martial ne nous avoit laissé que les cent épigrammes, que les gens de lettres de toutes nations sçavent communément par coeur, si son livre n’en contenoit pas un plus grand nombre que le livre de Catulle, on ne trouveroit plus une si grande difference entre cet ingénieux chevalier romain et Martial.

146. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre II. Des tragédies grecques » pp. 95-112

Les Grecs étaient beaucoup moins susceptibles de malheur qu’aucun autre peuple de l’antiquité : on trouve parmi eux moins d’exemples de suicide que chez les Romains ; leurs institutions politiques, leur esprit national les disposaient davantage au plaisir comme au bonheur. […] Cet enthousiasme de liberté qui caractérise les Romains, il ne paraît pas que les Grecs l’éprouvassent avec la même énergie : ils avaient eu beaucoup moins d’efforts à faire pour conquérir leur liberté ; ils n’avaient point expulsé du trône, comme les Romains, une race de rois cruels, propre à leur inspirer l’horreur de tout ce qui pouvait en rappeler le souvenir. […] Les Athéniens aimaient leurs institutions et leur pays, mais ce n’était pas, comme les Romains, par un sentiment exclusif.

147. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Jules Soury. Jésus et les Évangiles » pp. 251-264

… Ils ont été les exécuteurs des Hautes-Œuvres de la civilisation romaine contre le Christianisme, dans la personne de son divin chef, et ce déicide, qui ravit M.  […] Soury est pour les Romains, contre les Juifs et contre les chrétiens. […] Il fallait bien sauver la civilisation romaine, qui était la civilisation du monde, contre le Christianisme, qui est la barbarie, l’ignorance, la sécheresse de tout, l’obscurité, la mort ! […] On est entré, du premier pas, d’une telle roideur dans le fanatisme de la haine, qu’on ne peut s’avancer d’un degré de plus dans la frénésie à froid du mensonge et dans le souillement des choses sacrées… Avoir vécu vainement dix-huit cents ans de Christianisme et d’Histoire, pour se retrouver, à la fin de ce xixe  siècle, qu’ils disent lumineux, de l’opinion de la canaille romaine et des plus atroces empereurs de cette canaille sur le compte des Juifs et des chrétiens, c’est encore moins fort d’absurdité et moins transcendant de sottise impudente, que d’avoir posé comme un fait scientifique et démontré la honteuse et humiliante folie du céleste Rédempteur du genre humain.

148. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXIV. Siècles de barbarie. Renaissance des lettres. Éloges composés en latin moderne, dans le seizième et le dix-septième siècles. »

Ces édifices qu’avait élevés l’architecture grecque et romaine, les statues, les tableaux, les chefs-d’œuvre du génie déposés dans les bibliothèques ; tout avait disparu. […] L’univers connu était alors partagé en trois grandes masses ; l’empire des Califes ou des Arabes, l’empire Grec et l’Europe occidentale échappée aux fers des Romains. […] Ainsi, la grande époque des Grecs fut de Pisistrate à Alexandre ; et celle des Romains, de Marius à Auguste. […] Rome, l’empire, tout avait été bouleversé ; tout avait changé ou péri : mais il restait encore une telle idée de la grandeur romaine, qu’on ne s’occupa, chez tous les peuples, qu’à faire revivre les lois, les arts, les monuments et la langue du peuple-roi qui n’était plus.

149. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre III. Contre-épreuve fournie par l’examen de la littérature italienne » pp. 155-182

Sous la forme de l’empire romain, l’Italie avait dominé le monde, lui avait imposé la paix romaine. […] Refaire l’empire romain, ou, pour d’autres, retrouver les consuls de la République, tel fut le songe séculaire des rois étrangers et des patriotes italiens. […] L’Église romaine succéda à l’Empire. […] On a souvent remarqué que l’Italie n’a guère connu la féodalité, ou du moins ne l’a pas vécue aussi complètement que d’autres pays ; les villes (communi) y échappent, et ce sont ces villes qui commandent à l’évolution générale ; de là une persistance de l’idée romaine qui explique à son tour que la Renaissance se prépare en Italie, et non ailleurs, dès le xive  siècle.

150. (1900) La culture des idées

Les Latins, qui firent un grand usage du mot liberté, l’entendaient tel que le privilège du citoyen romain. […] Les Romains ignorèrent toujours, tant qu’ils ne furent que Romains, l’individualisme. […] Ce siècle est romain par l’imitation. […] De là les formules romaines de l’exorcisme, magnifiques obsécrations. […] » Mais, pape romain, il est nécessairement supérieur à un dieu barbare.

151. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 214-215

J'ai quelquefois admiré , dit-il, la patience des Romains ; il falloit qu'elle fût bien grande, d'être obligés d'écouter un Orateur aussi babillard ; leur esprit étoit d'une furieuse trempe, pour résister au torrent d'un babil qui ne veut rien dire . […] « Comment les Romains pouvoient-ils s'intéresser à d'aussi mauvaises Odes ?

152. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (1re partie) » pp. 397-476

David, qui vient de mourir, génie plus romain que grec, n’a pas emporté son marteau ; de jeunes émules rêvent le beau moderne sur sa tombe, et le rêve dans l’art précède toujours le réveil. […] Il y avait loin de là aux sites poétiques, voluptueux ou majestueux des villas romaines, du golfe de Naples ou des lagunes et des canaux de Venise qu’il devait reproduire un jour. […] Il lui fallait pour maître les montagnes, les pasteurs, les mers, les matelots, les horizons romains des Marais-Pontins, la lumière qui baigne les Abruzzes et ces mélancolies profondes qui creusent l’âme jusqu’au désespoir, mais aussi jusqu’au génie. […] XXII Cette atmosphère romaine de 1819 à 1822 transfigura aussi Léopold Robert en Romain. […] La petite ville de Sonnino, au pied des Abruzzes, était peuplée presque tout entière de cette race héroïque et belle de brigands romains.

153. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Notice historique sur M. Raynouard, par M. Walckenaer. » pp. 1-22

Un esprit sérieux et solide comme le sien, aidé d’un cœur chaud et ardent, ne pouvait rester indifférent au mouvement de 89 : il en embrassa les espérances, n’en répudia que les excès, et en conserva toujours les principes essentiels qu’il se plaisait depuis à confondre, dans son érudition un peu particulière, avec l’héritage des vieilles libertés municipales léguées par les Romains. […] On y distingue dans la première scène du premier acte un morceau assez beau et sensé dans la bouche de Brutus, qui montre les Romains déchus de la liberté par leurs mœurs et méritant désormais la servitude. […] Le goût du théâtre était très vif à cette époque ; on était las des Grecs et des Romains, et, depuis plusieurs années, aucune nouveauté n’avait réussi. […] Qu’on essaye de se représenter par la pensée l’état de l’ancienne France, de la Gaule, au moment où la domination romaine qui y régnait s’y brisa de toutes parts, et où les barbares, les Wisigoths, les Burgondes, les Francs, y firent invasion. La langue romaine, le latin, qu’on parlait dans toutes les villes et dans les environs des villes, cessa d’être la langue de l’administration et de se parler régulièrement.

154. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XX. Le Dante, poëte lyrique. »

Quand la poésie lyrique s’est-elle réveillée dans le midi de l’Europe, en dehors de la langue et de l’Église romaines ? […] À peine la langue italienne, sortant toute vive des ruines de l’idiome romain, fut-elle balbutiée par des chanteurs vulgaires, que toutes les affectations de la pensée, toutes les fadeurs de la fausse passion, vinrent gâter l’art des vers : il semblait que la scolastique pesât même sur l’amour. […] Avec une joie égale à celle des autres créatures du premier ordre, elle roule sa sphère et jouit de son bonheur. » Vous avez présent cet hymne d’Horace à la divinité d’Antium, à cette Fortune dont les Romains avaient cru sentir les puissantes faveurs, dans les calamités qu’eux-mêmes infligeaient aux vaincus. […] Et, ce qui n’est pas indigne de remarque, cet hymne, dans une sorte de vers latins mesurés par le nombre de syllabes, non par le rhythme, sauf un ïambe final, se composait de tercets rimés et semblait chercher ainsi dans les décombres du langage romain un relief dont l’Italie nouvelle allait revêtir son idiome populaire. […] Encore un peu de temps, et les dialectes vulgaires, à peine dégagés des ruines romaines, allaient s’emparer de cette thèse inépuisable, que la religion rendait présente aux cœurs de la foule, et que le beau ciel de l’Italie animait de sa lumière.

155. (1882) Qu’est-ce qu’une nation ? « II »

D’Athènes, de Sparte, de la tribu israélite, transportons-nous dans l’Empire romain. […] Il contracte avec l’Empire romain une alliance intime, et, par l’effet de ces deux incomparables agents d’unification, la raison ethnographique est écartée du gouvernement des choses humaines pour des siècles. […] Ce qui était vrai à Sparte, à Athènes, ne l’était déjà plus dans les royaumes sortis de la conquête d’Alexandre, ne l’était surtout plus dans l’Empire romain. Les persécutions d’Antiochus Épiphane pour amener l’Orient au culte de Jupiter Olympien, celles de l’Empire romain pour maintenir une prétendue religion d’État furent une faute, un crime, une véritable absurdité.

156. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VII. Développement des idées de Jésus sur le Royaume de Dieu. »

Jamais il ne songea à se révolter contre les Romains et les tétrarques. […] Ne connaissant pas la force de l’empire romain, il pouvait, avec le fond d’enthousiasme qu’il y avait en Judée et qui aboutit bientôt après à une si terrible résistance militaire, il pouvait, dis-je, espérer de fonder un royaume par l’audace et le nombre de ses partisans. […] Jésus ne savait pas assez l’histoire pour comprendre combien une telle doctrine venait juste à son point, au moment où finissait la liberté républicaine et où les petites constitutions municipales de l’antiquité expiraient dans l’unité de l’empire romain. […] Le pouvoir de l’État a été borné aux choses de la terre ; l’esprit a été affranchi, ou du moins le faisceau terrible de l’omnipotence romaine a été brisé pour jamais.

157. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — La déclamation. » pp. 421-441

Est-il bien vrai ce qu’on dit, que, chez les Romains, l’action théâtrale étoit partagée entre deux acteurs ; de manière que l’un faisoit les gestes dans le temps que l’autre récitoit. […] Ils aiment mieux croire qu’on a mal pris le sens du passage que de supposer les Romains capables de se plaire à un spectacle bisarre, puérile & du genre de Brioché. […] En conséquence, ils révoquent en doute ce qu’on a dit de la déclamation Grecque & Romaine, & s’élèvent fortement contre l’abbé Dubos qui l’admire, & qui desireroit qu’on notât également la nôtre. […] Voilà pour la déclamation des Grecs & des Romains.

158. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Louis Vian » pp. 373-387

Et ce mot de Joubert est vrai, même physiologiquement, même sur la médaille où cette fine tête ne doit guère peser au cou décharné de vieux romain qui la porte avec tant de noblesse. […] Vian donne la liste de ces travaux morts et ensevelis, et que la Grandeur et décadence des Romains et L’Esprit des Lois, plus tard, expièrent. […] Il mena bien les siens, en jurisconsulte, en compétent, en romain ; car sa nature était romaine.

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