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822. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Maurice et Eugénie de Guérin. Frère et sœur »

» Son âme reflète le ciel ; elle a l’âme couleur du temps, et elle se le reproche ; car il y a des jours tristes, — les jours de neige « où l’âme se recoquille et fait le hérisson » ; — les jours de pluie, où l’on a envie de pleurer : « Il pleut ; je regardais pleuvoir, et puis je me suis dit de laisser tomber ainsi goutte à goutte mes pensées sur ce papier. […] Que ce soit la couleur du temps, le loquet d’une porte, un vieux château qu’elle visite, ou l’une quelconque des fêtes et, cérémonies rurales, le baptême ou la fonte d’une cloche, la bénédiction des bestiaux, la messe de Noël où elle se rend en famille à minuit « par des chemins bordés de petits buissons blancs de givre, comme s’ils étaient fleuris », elle trouve sur tous ces thèmes fortuits ou naturels des pensées charmantes, légères et célestes, dignes d’une Cymodocée chrétienne.

823. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni (suite et fin.) »

Elle prend pour des caricatures les jolis Watteau que vous jetez au vent ; vos dessins si fins et si spirituels annoncent un sentiment très-fin de couleur, tout à fait dans le goût de Watteau, qui fut un très grand coloriste. […] Je prends sa création la plus éloignée des premières grâces et de tout ce qui était couleur de rose, son Vireloque.

824. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Leckzinska (suite et fin.) »

La reine, depuis la convalescence du roi, était mise à merveille ; elle portait des robes couleur de rose. […] Les unes prirent des couleurs plus modestes, les autres baissèrent leurs coiffures, d’autres mirent moins de rouge ; enfin les vieilles dames poussèrent la prudence jusqu’à replacer dans leurs cheveux le bec noir. » Le bec noir est un détail de toilette qui demanderait tout un commentaire. — Mais n’ai-je pas raison de dire que la méchanceté de cette date (celle du Méchant de Gresset), dans toute son allure féminine et avec sa griffe la plus fine, nous a été conservée dans ce passage.

825. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Idées et sensations : par MM. Edmond et Jules de Goncourt. »

Ils n’ont jamais assez de couleurs et de nuances pour nous les rendre ; il leur semble qu’ils n’en ont jamais assez dit, assez exprimé. « L’excès en tout est la vertu de la femme, ont-ils dit. — Trop suffit quelquefois à la femme. » Ils sont de ces critiques délicats et raffinés qui ont cette, vertu féminine : ils veulent du trop ; ils s’en contentent quelquefois. […] On ne se figure pas l’effet heureux que produit dans une description toute physique, au milieu des couleurs qui viennent du dehors, quelques-uns de ces reflets sentis qui partent du dedans.

826. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « JASMIN. » pp. 64-86

Le troisième nous transporte au haut d’une maison dont la façade est peinte en couleur bleu de ciel ; dans sa petite chambre, sous la tuile, Jasmin, qui n’est qu’apprenti encore, à la lueur d’une lampe dont le reflet se joue aux feuilles du tilleul voisin (toujours de gaies images), Jasmin passe une partie de ses nuits à lire, à rêver, à versifier déjà. […] Jasmin a adressé, en 1832, une pièce de vers français à Béranger, son patron naturel en notre littérature ; ces vers faciles et corrects, mais communs, prouveraient, s’il en était besoin, que le français est pour Jasmin une langue acquise, et que la couleur, l’image, la pensée, lui viennent en patois.

827. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DISCOURS DE RÉCEPTION A L’ACADÉMIE FRANÇAISE, Prononcé le 27 février 1845, en venant prendre séance à la place de M. Casimir Delavigne. » pp. 169-192

Il exprime ses pensées, ses émotions, qui sont volontiers les leurs, du mieux qu’elles-mêmes le pourraient désirer, et avec les couleurs qu’il leur plairait le plus de choisir. […] Nous autres critiques qui, à défaut d’ouvrages, nous faisons souvent des questions (car c’est notre devoir comme aussi notre plaisir), nous nous demandons, ou, pour parler plus simplement, Messieurs, je me suis demandé quelquefois : Que serait-il arrivé si un poëte dramatique éminent de cette école que vous m’accorderez la permission de ne pas définir, mais que j’appellerai franchement l’école classique, si, au moment du plus grand assaut contraire et jusqu’au plus fort d’un entraînement qu’on jugera comme on le voudra, mais qui certainement a eu lieu, si, dis-je, ce poëte dramatique, en possession jusque-là de la faveur publique, avait résisté plutôt que cédé, s’il n’en avait tiré occasion et motif que pour remonter davantage à ses sources à lui, et redoubler de netteté dans la couleur, de simplicité dans les moyens, d’unité dans l’action, attentif à creuser de plus en plus, pour nous les rendre grandioses, ennoblies et dans l’austère attitude tragique, les passions vraies de la nature humaine ; si ce poëte n’avait usé du changement d’alentour que pour se modifier, lui, en ce sens-là, en ce sens unique, de plus en plus classique (dans la franche acception du mot), je me le suis demandé souvent, que serait-il arrivé ?

828. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SOUZA » pp. 42-61

Mme de Souza dessine d’ordinaire davantage, et ses couleurs sont plus variées. C’est dans Charles et Marie que se trouve ce mot ingénieux, souvent cité : « Les défauts dont on a la prétention ressemblent à la laideur parée ; on les voit dans tout leur jour. » Si le voyage en Angleterre, le ciel et la verdure de cette contrée jetèrent une teinte lactée, vaporeuse, sur ce roman de Charles et Marie, on trouve dans celui d’Eugénie et Mathilde, qui parut seulement en 1811, des reflets non moins frappants de la nature du Nord, des rivages de Hollande, des rades de la Baltique, où s’était assez longtemps prolongé l’exil de Mme de Flahaut. « La verdure dans les climats du Nord a une teinte particulière dont la couleur égale et tendre, peu à peu, vous repose et vous calme… Cet aspect ne produisant aucune surprise laisse l’âme dans la même situation ; état qui a ses charmes, et peut-être plus encore lorsqu’on est malheureux.

829. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre IV. Des figures : métaphores, métonymies, périphrases »

Enfin par certaines combinaisons régulières ou du moins correctes, mais qui détournent les constructions de leur emploi ordinaire comme les tropes détournent les mots de leur sens commun, on peut rendre certains sentiments et certaines idées dont la langue ne pourrait autrement marquer l’exact degré et la couleur particulière. […] Il arrive que la métaphore, dans cette extension spontanée, teint de sa couleur tout un groupe d’idées : elle devient alors indépendante, elle se suffit à elle-même, et le sens propre des mots qui sont assemblés dans la phrase et dérivent tous de la même image, contente l’esprit, en dehors de toute réflexion sur le sens figuré.

830. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre I. La tragédie de Jodelle à Corneille »

C’est dire que l’intérêt du Cid n’est pas dans la couleur historique, mais dans la vérité humaine. […] Jamais il ne retrouvera cette couleur pittoresque et chaude, cet éclat de fantaisie poétique : et s’il en retrouve un jour quelque chose, ce sera lorsqu’il rentrera en Espagne, et en ramènera Don Sanche.

831. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. L’Histoire »

Dès 1820 il avait commencé à appliquer la même méthode à l’histoire de France : il s’était mis à lire la grande collection des historiens de France et des Gaules : et une indignation l’avait saisi en voyant comment les historiens modernes avaient « travesti les faits, dénaturé les caractères, imposé à tout une couleur fausse et indécise », combien de niaises anecdotes, de fables scandaleuses s’étaient substituées à la savoureuse simplicité de la vérité832. […] Il rêvait d’allier « au mouvement largement épique des historiens grecs et romains la naïveté de couleur des légendaires, et la raison sévère des écrivains modernes ».

832. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre IV. Ordre d’idées au sein duquel se développa Jésus. »

A l’époque de la captivité, un poëte plein d’harmonie vit la splendeur d’une Jérusalem future, dont les peuples et les îles lointaines seraient tributaires, sous des couleurs si douces, qu’on eût dit qu’un rayon des regards de Jésus l’eût pénétré à une distance de six siècles 151. […] Pendant les deux mois de mars et d’avril, la campagne est un tapis de fleurs, d’une franchise de couleurs incomparable.

833. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre X. Les sociales »

La phrase romantique se gonfle de passion, s’agite en violences, éclate de couleurs ; mais toujours, même lorsqu’elle hurle les pires souffrances ou rugit les plus extrêmes colères, ses harmoniques disent la joie de ne point parler bourgeoisement. […] Comme Banville, Tailhade est un parnassien fantaisiste parce qu’il est un romantique impuissant : il remplace par de l’étrangeté qui s’amuse et qui veut étonner, la couleur et l’abondance spontanée qui lui manquent.

834. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Campagnes d’Égypte et de Syrie, mémoires dictés par Napoléon. (2 vol. in-8º avec Atlas. — 1847.) » pp. 179-198

, et qui n’avait pas cinquante ans, est un modèle achevé ; je le citerais bien, si je ne craignais qu’avec notre besoin de couleurs il ne parût trop simple. […] Un grand peintre, un grand poète descriptif, Chateaubriand, voyage, quelques années après, en Orient, pour y chercher des couleurs.

835. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le père Lacordaire orateur. » pp. 221-240

Il fit plus pourtant que de l’entrevoir dans des conférences qu’il prêcha en 1834 au collège Stanislas, et où la jeunesse s’étonna d’entendre pour la première fois en chaire une parole vive et jeune comme elle, svelte et hardie, abordant par leurs noms les idées neuves, en prenant souvent la couleur et l’accent pour les serrer de plus près et pour les rattacher par leur partie saine à l’antique tradition qui en semblait toute rajeunie. […] L’antique serpent de l’erreur, dit-il encore, change de couleurs au soleil de chaque siècle.

836. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le Livre des rois, par le poète persan Firdousi, publié et traduit par M. Jules Mohl. (3 vol. in-folio.) » pp. 332-350

Mais, en passant dans le monde oriental où tout nous est étranger, il est difficile de se prêter à ces traditions merveilleuses, gigantesques, qui ne nous concernent plus à aucun degré, et l’on est embarrassé, à travers ces flots de couleur nouvelle, de faire la part de ce qui revient en propre au talent du poète. […] Ferdousi, dans son récit puisé à la tradition, est loin d’avoir eu une intention aussi expresse ; mais on ne craint pas de dire qu’après avoir lu cet épisode dramatique et touchant, cette aventure toute pleine de couleurs d’abord et de parfums, et finalement de larmes, si l’on vient à ouvrir ensuite le chant VIIIme de La Henriade, on sent toute la hauteur d’où la poésie épique chez les modernes est déchue, et l’on éprouve la même impression que si l’on passait du fleuve du Gange à un bassin de Versailles.

837. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Balzac. » pp. 443-463

Aussi, lorsque ensuite il plaçait dans un roman ces masses d’objets qui, chez d’autres, eussent ressemblé à des inventaires, c’était avec couleur et vie, c’était avec amour. […] Balzac a le don de la couleur et des fouillis.

838. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « De la poésie et des poètes en 1852. » pp. 380-400

La vérité, voilà ce que le poète doit chercher avant tout de nos jours, car les formes, les couleurs, le rythme, tout cela est assez facile à emprunter. […] Ou bien, si vous voulez braver la sécheresse et le terne des couleurs comme Crabbe, sondez alors l’âme humaine à fond, et ne reculez pas devant la réalité creusée des sentiments.

839. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VI. Daniel Stern »

… C’est que, systématique ou naturelle, cette absence de couleur et de vie est pour elle quelque chose de bien plus mâle que l’éclat de la forme ou l’enthousiasme de la pensée et qu’être mâle, c’est pour elle ce qu’était être vif pour cet Allemand, qui, voulant prouver qu’il l’était, sautait par la fenêtre avec la légèreté d’un bœuf ! […] En effet, le style de Mme Stern a fini par n’avoir plus de couleur du tout, et on s’en aperçoit d’autant mieux dans son livre sur les Pays-Bas, qu’il y a quelques citations, dans lesquelles le mot bien souvent étincelle et brille mieux sur ce style plombé, qui voudrait bien, à toute force, être du fer et qui n’est que du plomb, et qui reste plomb jusqu’à la fin du livre.

840. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Prosper Mérimée »

Au milieu de ces truculents, de ces abondants, de ces sanguins, de ces pléthoriques, de ces hauts en graisse et en couleur, de ces tempéraments sulfureux, attaqué plus ou moins, la plupart, de satyriasis littéraire, il apparaît, lui, Mérimée, comme un saisissant contraste. […] Il est des gens qui peuvent tout dire, parce qu’ils relèvent tout et poétisent tout en l’exprimant, parce qu’ils jettent sur les moindres choses de la vie une couleur, un rayon, un charme ; mais ce n’a jamais été Mérimée, même par ses plus beaux jours de talent.

841. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Macaulay »

reste toujours dans la couleur de son esprit, et la couleur de l’esprit de M. 

842. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Jean Richepin »

Là il y a réellement de grandes et fortes beautés ; là l’accent profond, la couleur vraie, l’âcre senteur du sujet et en beaucoup de pièces ses lueurs terribles ; car toute misère est terrible quand l’Idée n’est pas là pour la désarmer. […] Or, ce qui fait les poètes, ce n’est ni la couleur, ni le relief, ni l’éloquence, ni aucune des forces qui font aussi les prosateurs, quoique les poètes puissent les avoir comme les prosateurs.

843. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIII. »

Pendant que sur le bocage, le bétel si sauvage et si beau agite sa cime dans l’air, le faisan magnifique, avec sa queue traînante et ses ailes étendues, s’élance d’un rapide essor, et aussi le volatile aux cent couleurs, dont les dames d’Ava prisent tant le plumage. » Peut-être, lecteur français, ces noms étrangers, cet amas de vives couleurs, vous semblent-ils monotones, comme les cieux qu’ils rappellent ; mais l’âme du poëte va reparaître dans quelques vers tout anglais de sentiment et de paysage : « Jamais si riches ombrages et pelouses, si verdoyantes n’ont tressailli aux pas de nos danses britanniques.

844. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [M. de Latena, Étude de l’homme.] » pp. 523-526

Là où d’autres, en vieillissant, abondent en anecdotes, en noms propres et en souvenirs, en scènes où leur imagination se plaît à retrouver des couleurs et à ranimer les personnages, eux ils s’appliquent à dégager la substance de leur observation, et à disposer leur trésor moral comme un blé mûr ou comme un fruit qu’on réserve.

845. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « I » pp. 1-8

En fait de couleurs, Lamennais a bien du commun.

846. (1874) Premiers lundis. Tome I « M.A. Thiers : Histoire de la Révolution française Ve et VIe volumes — I »

Thiers, les choses ne se passent pas aussi simplement, et qu’il n’ait eu garde d’omettre les fréquentes perturbations qui ont altéré sinon dévié leur cours ; on lui a reproché d’introduire dans l’histoire une sorte de fatalisme systématique, qui subordonne les actes humains à des règles inflexibles, intercale les hommes dans le cadre d’une destinée toute faite, et, dès lors, dispense trop l’historien d’indignation contre les oppresseurs, de sympathie pour les victimes, et de tous ces sentiments qui donnent couleur et vie.

847. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre XI. De l’ignorance de la langue. — Nécessité d’étendre le vocabulaire dont on dispose. — Constructions insolites et néologismes »

On aime aujourd’hui à défaire ses phrases, à ne plus les construire, à braver l’antique et régulière structure des propositions, à jeter les sujets sans verbes au milieu d’une mer d’épithètes et de compléments, à greffer d’étranges et singulières incidentes sur le tronc des phrases, à faire chevaucher les prépositions les unes sur les autres, à supprimer toutes les articulations des périodes, tous les mots qui liaient les termes expressifs, et les assemblaient selon les exigences de la syntaxe, pour ne laisser subsister que ces termes expressifs, dépositaires de l’impression et du sentiment, qu’on plaque les uns à côté des autres comme des couleurs sur la toile, sans rien qui les assemble ou les sépare, que les seules lois de l’accord et de l’opposition des tons.

848. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Et Lamartine ? »

Et c’est alors un délice, c’est un rafraîchissement inexprimable que ces vers jaillis d’une âme comme d’une source profonde, et dont on ne sait « comment ils sont faits. » Sans compter que, parmi ces vers de génie — à travers les nonchalances, les maladresses et les naïvetés de facture qui rappellent les très anciens poètes, et parfois aussi à travers les formules conservées du dix-huitième siècle  des vers éclatent et des strophes (les poètes le savent bien), d’une beauté aussi solide, d’une plénitude aussi sonore, d’une couleur aussi éclatante et d’une langue aussi inventée que les plus beaux passages de Victor Hugo ou de Leconte de Lisle.

849. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Silvestre, Armand (1837-1901) »

Dans les murmures de la création, il écoute le chant des morts, dont il sent passer l’âme dans l’air qu’il respire, dans la lumière si douce et pure, par les matins où se fleurissent les prés de toutes les couleurs du printemps.

850. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre II : Termes abstraits »

Peut-être, en effet, n’a-t-on pas assez remarqué que l’abstraction a ses degrés comme le nombre a ses puissances : Rouge est un abstrait, couleur est plus abstrait, attribut encore plus abstrait.

851. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Addisson, et Pope. » pp. 17-27

Il a fallu des couleurs très-vives pour vous peindre.

852. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre II. Chimie et Histoire naturelle. »

On flétrit alors ce qu’on touche : les parfums, l’éclat des couleurs, l’élégance des formes, disparaissent dans les plantes pour le botaniste qui n’y attache ni moralité ni tendresse.

853. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Lettre, à Madame la comtesse de Forbach, sur l’Éducation des enfants. » pp. 544-544

On est honnête homme ; on a l’esprit étendu ; mais on manque de goût : et je ne veux pas qu’Alexandre fasse rire ceux qui broient les couleurs dans l’atelier d’Apelle.

854. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 18, que nos voisins disent que nos poëtes mettent trop d’amour dans leurs tragedies » pp. 132-142

Ainsi l’amour que les bons poëtes de la Grece avoient mis dans leurs ouvrages touchoit infiniment les romains, parce que les grecs avoient dépeint cette passion avec ses couleurs naturelles.

855. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 46, quelques refléxions sur la musique des italiens, que les italiens n’ont cultivé cet art qu’après les françois et les flamands » pp. 464-478

Elle est semblable à ces peintures de la Chine, qui n’imitent point la nature, et qui ne plaisent que par la vivacité et par la varieté de leurs couleurs.

856. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paria Korigan » pp. 341-349

Rousseau et Bernardin de Saint-Pierre, et les Récits de la Luçotte, qui exprime, elle, des sentiments vrais comme le sang des veines et l’eau des sources, dans un patois d’une couleur ravissante, plein de fautes de grammaire française, mais exquis !

857. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Préface » pp. -

Mais Gil Blas, beaucoup trop vanté, et qui n’est d’ailleurs qu’un roman d’ordre secondaire, puisqu’il est un roman d’aventures, Gil Blas n’est profond qu’aux yeux des gens superficiels, et si Manon Lescaut a la vérité du sentiment, elle n’a pas la vérité de la couleur.

858. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — IV »

Nos grands écrivains littéraires, quand ils dépeignent la société moderne, et à quelque parti d’ailleurs qu’ils se figurent appartenir, emploient toujours des couleurs au moins aussi injurieuses que celles qu’on trouve dans ces Carnets de voyage de Taine.

859. (1881) Études sur la littérature française moderne et contemporaine

en avant, toutes les couleurs ! […] Ses vers ne sont pas les fleurs exotiques aux couleurs éblouissantes que l’œil admire dans les serres chaudes de M.  […] D’autres ont la passion, l’enthousiasme, la poésie, le sentiment, les couleurs ; M.  […] C’est avec ces sons et ces couleurs que l’artiste a composé doctement ses phrases brillantes et mélodieuses. […] la neutralité, sous prétexte ou sous raison d’un goût ou d’un dégoût, d’un penchant ou d’une répugnance à une couleur ou à un nom !

860. (1788) Les entretiens du Jardin des Thuileries de Paris pp. 2-212

Ce qu’il y a de sûr, continua le comte, c’est que l’éventail, comme l’a très-bien dit autrefois le livre des quatre couleurs, devient entre les mains d’une femme habile, un Prothée. […] La béterave, par exemple, donneroit le plus beau cramoisi, si l’on y joignoit un mordant capable de fixer sa couleur. […] On sait qu’elle n’est que le résultat de certains animalcules, & qu’il n’y a rien d’aussi éclatant que sa couleur. […] Les bénédictins de St-Germain-des-prés, ont une maniere de le faire qui lui donne la couleur & le goût du meilleur vin d’Orléans ou d’Auxerre. […] mais on le vit hier en habit de couleur.

861. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxviiie entretien. Littérature germanique. Les Nibelungen »

Plus d’une femme aux belles couleurs se para courtoisement. […] Ses couleurs, semblables à celles de la rose, avaient cet éclat qui inspire l’amour. […] « On apporta sur le sable les boucliers couleur d’or, et le reste de l’équipement. […] Il en sera fait ainsi en toute amitié. » Ses couleurs devinrent plus vives par l’amour qu’elle éprouvait. […] « Ses couleurs pâlissent ; il ne peut plus se soutenir.

862. (1895) Les mercredis d’un critique, 1894 pp. 3-382

L’artiste se mettait à l’œuvre (c’est le sculpteur que je veux dire) : il rougissait les joues et les lèvres, redonnait à ce visage marbré les couleurs de la vie. […] Enclos gothique qu’on dirait survécu à Memling ou à Quentin Metzys, avec ses toits de tuiles fanées, couleur des vieilles voiles, ses pignons en forme de mitres, sa pelouse rectiligne, et ce ciel flamand, par-dessus, qui a toujours l’air d’un ciel de tableau. […] La nuit vient, endeuille l’espace, change les massifs de feuillages en rideaux de guipures, apaise les reflets sur l’eau, neutralise les couleurs. […] J’ai voulu qu’on regardât en haut, très haut — où nos couleurs flottent dans l’air libre. […] Tout le monde est réuni dans l’église, poussant les cris, les hurlements accoutumés en cette circonstance : « Jamais la superstition n’a pu s’offrir sous de plus effroyables traits, sous des couleurs plus dégoûtantes.

863. (1890) La vie littéraire. Deuxième série pp. -366

Pourtant elles ont perdu leurs vives couleurs. […] Il a donné notamment, il y a douze ans, une tragédie, dont le sentiment et la couleur étaient empruntés à Eschyle. […] Il a reçu les couleurs ; il n’apporte que les nuances, qui parfois, je le sais, sont infiniment précieuses. […] Elles sont d’une couleur vive, d’un goût hardi, d’un bel effet et d’un grand sens. […] Ce sont là des tableaux admirables, pleins de couleur, de mouvement et de vie.

864. (1864) Études sur Shakespeare

Ces tableaux partiels de l’histoire privée ou populaire, placés bien loin derrière les grands événements, Shakespeare les attire sur le devant de la scène, les met en saillie ; on sent qu’il y compte pour donner à son œuvre les formes et les couleurs de la réalité. […] Que m’importera qu’on me qualifie mal ou bien si vous recouvrez de fraîches couleurs ce que j’ai de mauvais, et reconnaissez ce que j’ai de bon26?  […] Cette figure avait été dans l’origine, selon l’usage du temps, peinte des couleurs de la vie, les yeux d’un brun clair, la barbe et les cheveux plus foncés. […] Les couleurs ternies par le temps en furent rafraîchies en 1748, par les soins de M.  […] C’est tromper l’esprit sur un événement que de lui en présenter une partie saillante et revêtue des couleurs de la réalité, tandis que l’autre partie est repoussée, effacée dans une conversation ou un récit.

865. (1891) Lettres de Marie Bashkirtseff

. — Nice, c’est ma patrie, Nice m’a fait grandir, Nice m’a donné la santé, les fraîches couleurs. — C’est si beau : on se lève avec le jour et on voit paraître le soleil, là-bas, à gauche, derrière les montagnes qui se détachent en vigueur sur le ciel bleu argent et si vaporeux et doux qu’on étouffe de joie. […] Plus on regarde de près, plus c’est joli et plus la manière dont les couleurs sont mises est incompréhensible. […] Le mensonge, quand il n’est pas manié par quelqu’un de très adroit, est une guenille aux couleurs criardes. […] Il est vrai que je m’amuse, mais il n’est pas vrai que je vous connaisse tant que cela ; je vous jure que j’ignore votre couleur et vos dimensions, et que comme homme privé je ne vous entrevois que dans les lignes dont vous me gratifiez et encore à travers pas mal de malice et de pose. […] Allez chez une somnambule et faites-lui flairer ma lettre, elle vous dira mon âge, la couleur de mes cheveux, ce qui m’entoure, etc.

866. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

A peine arrivé au sommet, je fus ravi de me trouver au pied d’une gothique chapelle, et ses ogives, ses arcs si divisés, ses fenêtres en forme de rosaces, ses vitraux de couleur à moitié brisés, me charmèrent. […] D’admirables armées faisaient flotter ses trois couleurs à la face des rois qui avaient voulu l’anéantir. […] Thiers, est ce dont on se préoccupe le moins en le lisant ; il vient de source, il est surtout net, facile et fluide, transparent jusqu’à laisser fuir la couleur. […] Thiers, qui loue chez le maréchal Saint-Cyr la beauté du récit militaire, définit ainsi cette expression qui s’applique si souvent à lui-même : « Nous considérons, dit-il, comme beauté dans un récit militaire, la clarté, la précision, et le degré de couleur qui s’accorde avec une exposition savante. » M.

867. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « LEOPARDI. » pp. 363-422

L’Odyssée le tente ; pour être plus à l’aise en son entreprise, il n’a pas lu les deux premiers chants publiés à cette date par Pindemonte, et il marche seul et ferme en présence de son modèle, s’appliquant à en reproduire et presque à en calquer les traits de couleur et de caractère. […] Il insiste surtout (avec toutes sortes de précautions et de révérentes excuses) sur ce qu’Annibal Caro, en donnant à sa traduction de Virgile une couleur de simplicité aimable et de noble familiarité, un certain air dégagé (scioltezza) ou, si l’on veut de désinvolture, a légèrement faussé la noblesse de ton et la magnificence habituelle de l’original. […] » — Le Dernier Chant de Sapho, tout vibrant d’une sauvage âpreté et tout chargé des plus sombres couleurs de l’Érèbe, peut sembler, sous ce masque antique, un cri presque direct de l’âme du poëte, à l’une de ces heures où, lui aussi, il fut tenté de lancer sa coupe au ciel et de rejeter l’injure de la vie : …… Lucemque perosi Projecere animas…… Mais c’est autour de la pièce intitulée Bruto minor (Brutus le jeune, celui de Philippes), qu’il faut surtout nous arrêter, parce qu’ici est la clef de toute la philosophie négative de Leopardi, le cachet personnel et original de son genre de sensibilité poétique. […] Shelley abonde plutôt en ce dernier sens qu’il embellit, qu’il orne et revêt des plus riches couleurs ; on a volontiers chez lui l’hymne triomphal de la nature.

868. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre III. Ben Jonson. » pp. 98-162

Un engourdissement glacial roidit tous ses membres Et fait que sa chair a la couleur du plomb. […] La fantaisie surabonde, et aussi le sentiment des couleurs et des formes, le besoin et l’habitude de jouir par l’imagination et par les yeux. […] Si réduite et si disciplinée qu’elle soit, elle a encore un reste de couleur sensible par lequel elle est voisine d’une hallucination, un degré de persistance personnelle par lequel elle est voisine d’une monomanie, un réseau d’affinités singulières par lequel elle est voisine des conceptions délirantes. […] Figurez-vous, au lieu de cette pauvre idée sèche, étayée par cette misérable logique d’arpenteur, une image complète, c’est-à-dire une représentation intérieure, si abondante et si pleine qu’elle épuise toutes les propriétés et toutes les attaches de l’objet, tous ses dedans et tous ses dehors ; qu’elle les épuise en un instant ; qu’elle figure l’animal entier, sa couleur, le jeu de la lumière sur son poil, sa forme, le tressaillement de ses membres tendus, l’éclair de ses yeux, et en même temps sa passion présente, son agitation, son élan, puis par-dessous tout cela ses instincts, leur structure, leurs causes, leur passé, en telle sorte que les cent mille caractères qui composent son état et sa nature trouvent leurs correspondants dans l’imagination qui les concentre et les réfléchit : voilà la conception de l’artiste, du poëte, de Shakspeare, si supérieure à celle du logicien, du simple savant ou de l’homme du monde, seule capable de pénétrer jusqu’au fond des êtres, de démêler l’homme intérieur sous l’homme extérieur, de sentir par sympathie et d’imiter sans effort le va-et-vient désordonné des imaginations et des impressions humaines, de reproduire la vie avec ses ondoiements infinis, avec ses contradictions apparentes, avec sa logique cachée, bref de créer comme la nature.

869. (1858) Cours familier de littérature. V « XXIXe entretien. La musique de Mozart » pp. 281-360

La peinture s’exprime par le dessin et par la couleur ; la sculpture, par la forme, le marbre et le bronze ; l’architecture, par l’édifice et le monument ; la danse elle-même, par l’attitude et le mouvement. […] Les murailles de pierre grise des maisons s’harmonisent merveilleusement par leur couleur avec la vive verdure des arbres et des prés baignés par les deux rivières. […] Il est du drap le plus fin, couleur lilas, la veste en moire de la même couleur, habit et veste garnis d’une double bordure en or.

870. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 13, qu’il est probable que les causes physiques ont aussi leur part aux progrès surprenans des arts et des lettres » pp. 145-236

Ils ne sçavoient pas même peindre avec les mineraux et les autres couleurs naturelles qui viennent de leur païs. […] Ces maîtres leur ont encore enseigné comme il falloit se servir des pinceaux et des couleurs, mais sans pouvoir en faire des peintres intelligens. Les indiens qui ont si bien appris les autres arts que les espagnols leur ont enseignez, qu’ils sont devenus, par exemple, meilleurs massons que leurs maîtres, n’ont rien trouvé dans les tableaux d’Europe qui fût à leur portée, que la vivacité des couleurs brillantes. […] Les draperies étoient des couleurs très-brillantes et rehaussées d’or.

871. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Féval » pp. 107-174

Trop philosophe et trop libertin pour avoir le génie de la passion, cette source inépuisable du roman de grande nature humaine, le xviiie  siècle, le siècle de l’abstraction littéraire comme de l’abstraction philosophique, qui n’eut ni la couleur locale ni aucune autre couleur, — qui ne peignit jamais rien en littérature, car Rousseau, dans ses Promenades, n’est qu’un lavis, et Buffon, dans ses plus belles pages, qu’un dessin grandiose, — ce siècle, qui ne comprenait pas qu’on pût être Persan, dut trouver, le fin connaisseur qu’il était en mœurs étrangères ! […] Le Paris de la fin du règne de Louis XV y est peint d’une couleur très vive. […] Si je n’étais pas saisi par la puissance de cette image réapparue devant moi, par l’aspect troublant de ce revenant que j’aime à voir revenir sous la plume évocatrice de Féval, je vous aurais fait remarquer toutes les beautés de cette peinture, dont chaque coup de pinceau est une pensée, dans un temps où ceux qui passent pour des peintres n’ont que de la couleur physique à mettre par-dessus leur néant, comme des maçons mettent du mortier dans des trous.

872. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Appendices » pp. 235-309

Parce que Chevreul a distingué vingt-cinq mille tons de couleur, on ne saurait pourtant nier les sept couleurs du spectre solaire ; et ainsi qu’un peintre voit en jaune, un autre en violet, de même un poète sent en poète lyrique et un autre en dramaturge. […] , il affirme de plus en plus son mode personnel, par la richesse des images, la subtilité des sensations, la vision nette des contours et des couleurs ; à la magnificence de l’expression, il joint un art raffiné et sévère ; peu ou pas d’idées, des émotions purement sensuelles, mais enfin c’est la jeunesse enivrée de soleil et d’amour ; sa forme, toute vibrante d’énergie contenue, semble une lame d’acier au poing d’un conquérant. […] Tenons-nous en à ce simple fait, que la moindre nature morte suppose une convention ; devant ce bœuf à l’étal de Rembrandt ou devant ces pèches de Chardin, je sais que le peintre a voulu me donner, non de la viande, ni des fruits mûrs, mais quelque chose d’autre, par la forme et la couleur ; j’y consens ; tout est là. — Or, de tous les arts, c’est bien l’art dramatique qui implique le plus grand nombre de conventions, précisément parce qu’il se sert des moyens les plus matériels, les plus semblables à la nue réalité.

873. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Malherbe et son école. Mémoire sur la vie de Malherbe et sur ses œuvres par M. de Gournay, de l’Académie de Caen (1852.) » pp. 67-87

Ce qu’on peut dire au point de vue du talent, c’est que tous ces retards, ces contrariétés qui barrèrent si longuement sa carrière, furent utiles à Malherbe : elles l’empêchèrent de se classer décidément comme poète avant l’heure voulue, et de débuter trop en public dans un temps où il aurait encore porté des restes de couleur de l’école poétique finissante. […] On aura plus tard d’éclatants retours, et plus d’un jet moderne surpassera en puissance et en largeur la source première : on ne retrouvera plus cette veine charmante et trop peu suivie, qui n’a d’ancien qu’une plus douce couleur, cette veine non plus italienne, ni grecque, ni espagnole, mais purement française de ton et de goût jusque dans ses réminiscences d’Horace.

874. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — I. » pp. 41-61

Depuis que les Mémoires de Saint-Simon sont publiés en entier, je ne dirai pas que les pages de chronique qu’on doit à Madame ont pâli, mais elles ont cessé d’étonner ; on y a reconnu de bonnes peintures naïves, un peu hautes en couleur et un peu grosses de traits, chargées et grimaçantes parfois, mais au fond ressemblantes. […] Elle croyait voir en Mme de Maintenon un Tartuffe en robe couleur de feuille-morte.

875. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — III » pp. 178-197

Il nous le décrit à la ronde, semant sa course plus libre de mille impressions qui tiennent soit aux accidents agrestes du terrain, soit aux sons qu’il entend et auxquels il est des plus sensibles, soit à la couleur variée des arbres qu’il distingue et spécifie par toutes leurs nuances ; la vie, l’intérêt, une passion tendre et profonde se fait sentir sous toutes ces descriptions desquelles on ne peut pas dire qu’il s’y amuse, mais bien plutôt qu’il en jouit. […] C’est cette union qui manque essentiellement chez Rousseau, et par toutes sortes de raisons qui font peine à ses admirateurs : ce peintre aux larges et puissantes couleurs vit et habite dans un intérieur souillé.

876. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — I » pp. 432-453

Mme de Créqui, née au commencement du xviiie  siècle, pouvait-elle, en parlant de je ne sais quelle cérémonie monastique dont elle avait été témoin dans son enfance, ajouter ce trait classique plus convenable chez une lectrice de La Gazette : « Je n’ai rien vu dans les nouveaux romans qui fut aussi romantique que cette scène nocturne et qui fût aussi pittoresque surtout. » Pouvait-elle, en citant une complainte du vieux temps qui se serait chantée au berceau de son petits-fils, dire à ce dernier : « Vous vous rappellerez peut-être, en lisant ceci, que Mlle Dupont, votre berceuse, vous chantait précisément la même complainte, et qu’elle en usait toujours de la sorte, en guise de somnifère et pour le service de votre clinique. » On rencontre à chaque pas de ces anachronismes évidents de couleur et de langage, et qui donneraient droit de conclure avec certitude que, quand même il y aurait eu un fonds primitif d’anciens papiers, d’anciens récits, l’éditeur les avait retouchés et arrangés à la moderne. […] J’ai déjà parlé de M. de Meilhan et ici même69 : je tâcherai d’y revenir sans trop me répéter, et de repasser sur les mêmes traits avec une couleur presque neuve, ou du moins empruntée à d’anciens écrits qui sont comme nouveaux.

877. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Mémoires ou journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guetté. Tomes iii et iv· » pp. 285-303

Le prélat mangea très peu, et seulement des nourritures douces et de peu de suc, le soir, par exemple, quelques cuillerées d’œufs au lait ; il ne but aussi que deux ou trois coups d’un petit vin blanc faible en couleur, et par conséquent sans force : on ne peut voir une plus grande sobriété et retenue. Aussi est-il d’une maigreur extrême, le visage clair et net, mais sans couleur, disant lui-même : « On ne peut être plus maigre que je le suis. » Dans les conversations qui suivent, Le Dieu a soin de remarquer que l’archevêque se garde bien de dire jamais un seul mot au sujet de Bossuet, ni en bonne ni en mauvaise part, et, lors même que Le Dieu est interrogé par lui sur les circonstances de la mort de M. de Meaux, Fénelon, qui demande nommément quel prêtre l’a exhorté à ses moments suprêmes, n’y joint pas pour le défunt le moindre petit mot de louange.

878. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid(suite et fin.)  »

Dans la pièce espagnole, c’est don Arias qui suggère l’idée de tenter cette épreuve sur le cœur de Chimène et de faire annoncer par un domestique la mort de Rodrigue ; et il y a cela de bien et de naturel que le vieux don Diègue, en entendant ce faux rapport, se dit à part soi dans son cœur de père : « Ces nouvelles, quoique je les sache fausses, m’arrachent des larmes. » A la brusque nouvelle de la mort de Rodrigue, Chimène s’est trahie ; elle a changé de couleur et va se pâmer : le roi se hâte de la détromper pour la faire revenir ; mais il s’est trop pressé, le bon roi, et Chimène se dédit par ce vers : « Sire, on pâme de joie ainsi que de tristesse. » Ceci est pris dans l’espagnol. […] En France, dans la tragédie (je parle comme si l’on y était encore), on ne voit pas les choses si en réalité et en couleur ; on est plus ou moins de l’école de Descartes : Je pense, donc je suis.

879. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Réminiscences, par M. Coulmann. Ancien Maître des requêtes, ancien Député. »

Coulmann s’étaient querellés en promenade, s’étaient arraché les cheveux, « mais qu’on avait peine, tant la couleur était la même, à savoir à qui appartenaient les uns et les autres. » Voilà donc un jeune homme de très bon air, fort bien accueilli ; fort goûté en tout lieu, et qui dut être, en effet, parfaitement aimable. […] Pouvait-elle se douter que cette palette du plus pur, du plus réputé classique et du plus lauréat des poètes d’alors, paraîtrait bientôt pâle, effacée et insuffisante de couleur ?

880. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de La Mennais »

Certainement je ne veux pas profaner la mémoire d’un saint par une comparaison odieuse ; mais, avec toutes les différences et les modifications qu’on doit y mettre, je ne pourrais souvent mieux peindre mon état qu’en répétant ce qu’il disait de lui-même ; seulement il faudrait rembrunir un peu les couleurs. […] Le poète, durant toute la jeunesse de La Mennais, ne se montre pas ; il nous présente de son état intérieur des analyses expressives : il ne trouve de lui-même ni tableau ni couleurs.

881. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — M. de Sénancour, en 1832 »

Si on ignore ainsi l’épanouissement varié auquel se livrent les natures heureuses ; si, sous ce vent aride, les couleurs sèchent plus vite dans les jeux de la séve, et bien avant que les combinaisons riantes soient épuisées ; si, par cette oppression qui nous arrête d’abord et nous refoule, quelque portion de nous-même se stérilise dans sa fleur, et si les plus riches ramures de l’arbre ne doivent rien donner ; — quand l’arbre est fort, quand les racines plongent au loin, quand la séve continue de se nourrir et monte ardemment ; — qu’importe ? […] L’amour est ce feu paisible et fécond, cette chaleur des cieux qui anime et renouvelle, qui fait naître et fleurir, qui donne les couleurs, la grâce, l’espérance et la vie… Lorsqu’une agitation nouvelle étend les rapports de l’homme qui essaye la vie, il se livre avidement, il demande à toute la nature, il s’abandonne, il s’exalte lui-même, il place son existence dans l’amour, et dans tout il ne voit que l’amour seul.

882. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre II. De l’expression »

Comment, avec du griffonnage noir aligné sur du papier d’imprimerie, remplacerez-vous pour lui la vue personnelle des couleurs et des formes, l’interprétation des visages, la divination des sentiments ? […] Un vrai peintre ne néglige aucune couleur, parce qu’il y a tel détail qui ne peut être rendu que par une seule teinte.

883. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIIIe entretien. Chateaubriand, (suite) »

Jamais Chateaubriand n’a délayé plus de larmes dans plus de couleurs : AUX INFORTUNÉS « Ce chapitre n’est pas écrit pour tous les lecteurs : plusieurs peuvent le passer sans interrompre le fil de cet ouvrage. […] Le hasard lia ces effets locaux à quelques circonstances heureuses ou malheureuses de ses chasses ; des positions relatives d’un objet ou d’une couleur le frappèrent aussi en même temps : de là le manitou du Canadien et le fétiche du nègre, la première de toutes les religions.

884. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIe entretien. Sur la poésie »

et quand la contemplation extatique de l’être des êtres lui fait oublier le monde des temps pour le monde de l’éternité, enfin quand, dans ses heures de loisir ici-bas, il se détache sur l’aile de son imagination du monde réel pour s’égarer dans le monde idéal, comme un vaisseau qui laisse jouer le vent dans sa voilure et qui dérive insensiblement du rivage sur la grande mer, quand il se donne l’ineffable et dangereuse volupté des songes aux yeux ouverts, ces berceurs de l’homme éveillé, alors les impressions de l’instrument humain sont si fortes, si inusitées, si profondes, si pieuses, si infinies dans leurs vibrations, si rêveuses, si extatiques, si supérieures à ses impressions ordinaires, que l’homme cherche naturellement pour les exprimer un langage plus pénétrant, plus harmonieux, plus sensible, plus imagé, plus crié, plus chanté que sa langue habituelle ; et qu’il invente le vers, ce chant de l’âme, comme la musique invente la mélodie, ce chant de l’oreille, comme la peinture invente la couleur, ce chant des yeux, comme la sculpture invente les contours, ce chant des formes ; car chaque art chante pour un de nos sens, quand l’enthousiasme, qui n’est que l’émotion de sa suprême puissance, saisit l’artiste. […] Ensuite, elle est transparente, elle ressemble au firmament ou à l’éther qui répercutent la lumière de l’astre du jour ou des étoiles de la nuit, elle se transfigure sans fin comme le caméléon par ses couleurs changeantes, roulant tantôt la lumière, tantôt la nuit dans ses vagues. — Émotion !

885. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre I : La loi d’évolution »

Les choses que nous appelons égales (lignes, angles, poids, températures, sons, couleurs), sont celles « qui produisent en nous des sensations qu’on ne peut distinguer l’une de l’autre », l’idée d’égalité est tirée par abstraction des objets artificiels. […] De là vient que si nous voulons juger deux nuances de couleur, nous les plaçons côte à côte, que si nous voulons estimer deux poids, nous en prenons un dans chaque main, et que nous comparons leur pression, en faisant passer rapidement notre pensée de l’un à l’autre : et, « comme de toutes les grandeurs, celles d’étendue linéaire sont celles dont l’égalité peut être le plus exactement connue, il en résulte que c’est à celles-là qu’on doit réduire toutes les autres. » Car c’est le propre de l’étendue linéaire, que seule elle permet la juxtaposition absolue, ou pour mieux dire, la coïncidence, comme il arrive pour deux lignes mathématiques égales ; l’égalité devenant alors identité.

886. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome IXe. » pp. 138-158

J’ai vu quelques bons esprits partager cette idée de Napoléon, que Tacite, dans ses tableaux, a peut-être un peu forcé les couleurs, et qu’il n’était pas assez simple pour être tout à fait vrai. […] Dans le style, l’écrivain n’a nulle part flatté le goût du temps pour les effets et pour la couleur, et on pourrait même trouver qu’il en a tenu trop peu de compte quelquefois ; mais c’est une satisfaction bien rare pour les esprits sérieux et judicieux que celle de lire une suite de volumes si aisés et si pleins, sortis tout entiers du sein du sujet et nous le livrant avec abondance, d’une simplicité de ton presque familière, ou jamais ne se rencontre une difficulté dans la pensée, un choc dans l’expression, et où l’on assiste si commodément au spectacle des plus grandes choses.

887. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon. » pp. 270-292

Mais les Mémoires de Saint-Simon sont venus, et ils ont offert des mérites d’ampleur, d’étendue, de liaison, des qualités d’expression et de couleur, qui en font le plus grand et le plus précieux corps de mémoires jusqu’ici existant. […] Elle les trouve simplement amusants d’abord, « quoique le style en soit abominable, dit-elle, et les portraits mal faits », c’est-à-dire jetés comme à la brosse et en couleurs étranges.

888. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Jasmin. (Troisième volume de ses Poésies.) (1851.) » pp. 309-329

Cependant Jasmin, arrivé à l’âge de gagner sa vie, s’était fait coiffeur ou barbier, et dans sa boutique proprette, dans son petit salon de la promenade du Gravier, il chantait selon l’instinct de sa nature, en usant de cette facilité d’harmonie et de couleur qu’offre à ses enfants l’heureux patois du Midi. […] La douleur de la pauvre abandonnée, son changement de couleur, son attitude, ses discours, ses projets, le tout encadré dans la fraîcheur du printemps et dans l’allégresse riante d’alentour, porte un caractère de nature et de vérité auquel les maîtres seuls savent atteindre.

889. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Notice historique sur M. Raynouard, par M. Walckenaer. » pp. 1-22

Napoléon (on n’a pas tous les jours des feuilletonistes de ce calibre-là), entrant dans l’analyse de la pièce, remarque qu’en restant dans les données de l’histoire et de la tradition, l’auteur aurait pu imprimer à sa tragédie une force et une couleur dramatique qui lui manquent entièrement : Le caractère de Philippe le Bel, pense-t-il, prince violent, impétueux, emporté dans toutes ses passions, absolu dans toutes ses volontés, implacable dans ses ressentiments et jaloux jusqu’à l’excès de son autorité, pouvait être théâtral, et ce caractère eût été conforme à l’histoire. […] Toutes les faiblesses, toutes les contradictions sont malheureusement dans le cœur des hommes et peuvent offrir des couleurs éminemment tragiques… Puis il critique le jeune Marigni, amoureux sans qu’on connaisse l’objet de son amour et qu’on puisse s’y intéresser, voulant toujours mourir, et un hors-d’œuvre tout à fait inutile à l’action.

890. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — I. » pp. 1-22

Le petit ouvrage qu’il publia en 1845, intitulé : l’Esprit des institutions militaires, et dont le maréchal Bugeaud disait que tout officier en devait avoir un exemplaire dans son porte-manteau, me le montra tel que ses amis me l’avaient fait entrevoir, mais avec une supériorité de vues et de lumières, une netteté d’exposition, une imagination même et une couleur de parole, tout un ensemble de qualités auxquelles bien peu certes auraient atteint parmi les maréchaux de l’Empire. […] Veut-on savoir, par exemple, comment il apprécie tout d’abord le politique en Bonaparte, lorsque, lié au siège de Toulon et depuis avec les révolutionnaires ardents, Robespierre jeune et autres, plus terribles pourtant de nom que de fait, le futur César les domine déjà et songe à se servir d’eux pour les chances possibles : Éloigné par caractère de tous les excès, dit Marmont de Bonaparte, il avait pris les couleurs de la Révolution, sans aucun goût, mais uniquement par calcul et par ambition.

891. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse esthétique »

La théorie des couleurs, celle des sons, celle des proportions architecturales, sont faites. […] Charles Henry [Charles Henry (1859-1926), physiologiste, chimiste, historien des mathématiques, a publié notamment en août 1885 dans la Revue contemporaine à laquelle collabore Hennequin comme on l’a dit plus haut, une « Introduction à une esthétique scientifique » (p. 441-469), qui vise une « esthétique des lignes » et une « esthétique des couleurs » héritières des travaux de Helmholtz, fondée sur l’expérimentation et la mathématisation.

892. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Émile Zola » pp. 70-104

Nana, Pot-Bouille, le Bonheur des Dames, la Joie de vivre, sont de même brossés en larges scènes, traversées de gens visibles constitués eux-mêmes de linéaments, de notes biographiques, de menues perceptions de mouvements et de couleurs. […] Zola, cette sélection porte évidemment sur les odeurs et les couleurs.

893. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Henri Heine »

Au lieu de rester ce qu’il était, un délicieux poète, d’une puissante suavité, un filleul des fées, une voix mystérieuse planant sur le monde comme la voix de la symphonie pastorale de Beethoven, il n’a plus été que l’écho d’inspirations grotesquement hideuses, un carbonaro germanique à tu et à toi avec les carbonari de tous les pays, un jacobin de littérature, par désespoir de n’être pas un jacobin politique, un vulgaire étudiant à béret rouge, en attendant que le béret fût un bonnet de même couleur ! […] Mais, tous, ils ont cette couleur inouïe, rose et triste, quoique rose, que Heine met partout et qui est son charme… De telles pages sont signées de cela qu’elles sont écrites.

894. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XIX » pp. 76-83

Il a une très-jolie maison dans le faubourg élégant (rue de la Pépinière), une espèce de petit kiosque chinois, avec rochers, verres de couleur, etc., et surtout un jardin charmant, tout à fait chinois aussi.

895. (1874) Premiers lundis. Tome I « Vie, poésies et pensées de Joseph Delorme. Deuxième édition. »

Prenons une couleur, le jaune, par exemple : l’or est jaune, la soie est jaune, le souci est jaune, la bile est jaune, la lumière est jaune, la paille est jaune ; à combien d’autres fils ce fil ne répond-il pas ?

896. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre premier. Les signes — Chapitre premier. Des signes en général et de la substitution » pp. 25-32

Quand nous buvons, ou que nous marchons, ou que nous nous servons pour quelque effet de quelqu’un de nos membres, nous prévoyons, d’après un fait perçu, un fait que nous ne percevons pas encore ; les animaux font de même : à la couleur et à l’odeur d’un objet, ils le mangent ou le laissent. — Dans tous ces cas, une expérience présente suggère l’idée d’une autre expérience possible ; nous faisons la première et nous imaginons la seconde ; l’aperception d’un événement, objet ou caractère éveille la conception d’un autre événement, objet ou caractère.

897. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre VI. De l’emploi des figures et de la condition qui les rend légitimes : la nécessité »

Dans mainte pièce, éclatante et pittoresque, de Victor Hugo, de Leconte de Lisle, même de Lamartine, les figures sont rares, clairsemées, de loin en loin une métaphore perce sous un verbe ou un adjectif : toute la couleur est dans les termes propres.

898. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Pronostics pour l’année 1887. »

Quelques phrases au hasard : « Un ciel gris-perle avec des matités de cendre çà et là et des irisations de nacre vers le bas… Notre phoque familier allongeait sa tête de jeune chien entre les seins pointus et couleur de safran de ma petite amie, et parfois léchait doucement ses cheveux brillants d’huile.

899. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — K — Kahn, Gustave (1859-1936) »

Une tabarinade impudente et prometteuse, des images légendaires : le Pont de Troyes et le Vieux Mendiant, une Affiche pour music-hall de couleur violente, et ces mélancolies hautaines : les Papillons du Temps, Alla Tzigane, le Souci, la Rencontre, la Destinée, forment une liasse chatoyante et rose qui bruit suavement.

900. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mallarmé, Stéphane (1842-1898) »

Le Romantisme, né d’influences étrangères comme la Pléiade autrefois, avait enrichi la Poésie d’une multitude de couleurs et de formes, d’une harmonie plus sonore et d’une émotion nouvelle.

901. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1851 » pp. 1-9

À vingt ans, il avait des opinions républicaines et une grande barbe, et il portait un chapeau pointu couleur feuille morte, disait : « mon parti », écrivait dans la Liberté de penser, rédigeait de terribles articles contre l’inquisition, et prêtait de l’argent au philosophe X… Tel était notre jeune cousin, Pierre-Charles, comte de Villedeuil.

902. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean de Meun, et les femmes de la cour de Philippe-le-Bel. » pp. 95-104

Une rose, d’une couleur ravissante, frappe ses regards.

903. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « A Monsieur Naigeon » pp. 9-14

Quand on ne présente sur la toile qu’un seul personnage, il faut le peindre avec la vérité, la force et la couleur de Van Dyck ; et qui est-ce qui sait faire un Van Dyck ?

904. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Lépicié » pp. 275-278

Ce n’est pas ainsi que notre Greuze se retire de ces scènes-là, soit pour la composition, le dessin, les incidens, les caractères, la couleur.

905. (1834) Des destinées de la poésie pp. 4-75

Ses cheveux, d’un blond bronzé et doré comme le cuivre des statues antiques, couleur très-estimée dans ce pays du soleil, dont elle est comme un reflet permanent, ses cheveux détachés de sa tête tombaient autour d’elle et balayaient littéralement le sol ; sa poitrine était entièrement découverte selon la coutume des femmes de cette partie de l’Arabie, et quand elle se baissait pour embrasser la pierre du turban ou pour coller son oreille à la tombe, ses deux seins nus touchaient la terre et creusaient leur moule dans la poussière, comme ce moule du beau sein d’Atala ensevelie, que le sable du sépulcre dessinait encore, dans l’admirable épopée de M. de Châteaubriand. […] Sur cette immense plate-forme, l’extrémité des grands temples se montrait à nous, détachée de l’horizon bleu et rosé, en couleur d’or. […] Le vent de sa chute arrivait jusqu’à nous en emportant comme de légers brouillards la fumée de l’eau à mille couleurs, la promenait çà et là sur toute la vallée ou la suspendait en rosée aux branches des arbustes et aux aspérités du roc.

906. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 novembre 1886. »

Quel retour touchant et intime, dans Fidelio, que celui confié au hautbois, en mouvement d’adagio, d’une phrase de la vision de Florestan, dans la scène du cachot, si merveilleuse d’expression et de couleur, pendant que le geôlier répond à la question haletante de Léonore : « Peut-être est-il mort ?  […] Dans la musique de Préciosa, composée entre l’achèvement et la première représentation du Freischutz, outre une belle phrase expressive de la clarinette (en ré bémol) qui reparaît à deux reprises dans des mélodrames de la même œuvre, la marche des Bohémiens d’une si pittoresque originalité se fait entendre maintes fois, soit en partie, soit en entier et en tutti, tantôt se rapprochant, tantôt s’éloignant derrière la scène, toujours empreinte d’un parfum exotique, d’une couleur locale merveilleuse. […] Sans m’arrêter aux quelques réminiscences, entièrement extérieures et froides du reste, de Robert (1831), non plus qu’au motif de Marcel — les accords arpégés de violoncelle et contrebasse — ni au rôle si apprécié comme couleur locale du choral de Luther, je me bornerai à indiquer, dans les Huguenots (1836), deux moments vraiment beaux comme expression dramatique : le retour de la phrase « Tu l’as dit », chanté d’abord par le cor anglais, puis par la flûte, lorsque Valentine répond au cri : « Où donc étais-je ? 

907. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1876 » pp. 252-303

Lundi 11 janvier Depuis que mes yeux prennent l’habitude de vivre dans les couleurs de l’Extrême-Orient, mon dix-huitième siècle se décolore. […] Moi, le dos tourné, et le nez dans un carton d’images, j’aperçois, du coin de l’œil, six estampes en couleur, six Janinet avant la lettre, des estampes fraîches, comme si on les apportait du tirage. […] Enveloppé de loques sans couleur, il était assis sur la première marche d’un escalier, la tête baissée, les bras pendants, des pantoufles roses à ses pieds.

908. (1856) La critique et les critiques en France au XIXe siècle pp. 1-54

Le philosophe semble prévoir l’importance exagérée qu’on va donner à la couleur locale, à la fidélité des détails, à l’élément réel, et tient encore ici la balance d’une main ferme non moins que juste. […] Les images des objets réels ne sont pour vous que des moyens : la nature vous fournit la couleur : c’est à vous de conduire la brosse. […] Hegel amnistie également les anachronismes et les défauts de couleur locale, comme choses peu importantes et quelquefois même utiles à l’effet poétique.

909. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Proudhon » pp. 29-79

Cependant, même dans ces livres qui n’en sont pas, dans ces pages qui se superposent ou se suivent, il peut y avoir du talent, un talent alors tout de style, de mouvement, de couleur, d’expression, d’humeur, ah ! […] Dieu lui avait épargné les passions, et ne lui avait accordé d’imagination que ce qu’il en faut pour donner de l’éclat et de la couleur à du style. […] Il lui était défendu de chausser le nuptial brodequin couleur de safran… Au Moyen Âge, ni ceinture d’or, ni fourrures.

910. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor Hugo. Les Contemplations. — La Légende des siècles. »

Hugo est franchement osé et physique dans son inspiration, le mot s’affermit sous la brutalité de l’idée, et il redevient l’écrivain grossier, haut en couleur, qui choque les natures élevées non moins que les natures sincères, mais qui a pourtant je ne sais quelle puissance. […] La ligne de son dessin tranche comme un fil d’acier, et sa couleur bombe, en éclatant, comme le relief même. […] c’est un poète d’une individualité pareille, c’est l’homme qui, n’ayant plus la foi aux croyances du Moyen Age, a l’imagination si bien teinte et si bien pénétrée de la couleur de ce temps, qu’il écrit la touchante et charmante prière du Petit roi de Galice descendu du cheval de Roland pour se mettre à genoux devant une croix de carrefour : … Ô mon bon Dieu, ma bonne sainte Vierge !

911. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome IV pp. 5-

Néanmoins plusieurs grandeurs factices, qui pourtant relèvent de ces deux-là, sortent des religions de l’homme, des systèmes de son savoir incertain, des préjugés de sa gloire, et de l’audace de ses entreprises ; dans ces sources profondes la muse épique a puisé l’abondance de ses plus éclatantes couleurs. […] Son style concis, énergique, tout flamme et couleur, exprime ce que le génie italien a de sombre, d’impétueux et de brûlant ; ses figures vives et audacieuses, tout ce qu’il a de tristesse passionnée. […] Combien de diverses couleurs elles fourniront au pinceau du Tasse ! […] Il en est de même de la Henriade : elle abonde en choses admirables, mais qui se perdent sous une couleur égale dont rien n’éclaircit et ne change la teinte. […] Celle de l’inspiration secrète qu’on appelle divine, qui tantôt propre, tantôt figurée, ne doit jamais laisser refroidir le sentiment, ni tomber la pensée, ni s’obscurcir les peintures, ni s’avilir les termes, et qui, dans tout, porte le mouvement, la couleur et le feu.

912. (1884) La légende du Parnasse contemporain

Sa joue a des couleurs royales, Flambantes de belle vigueur ; Elle a des façons joviales Qui font épanouir le cœur ! […] On avait beau dire et beau faire, un vers cornélien serait toujours plus sculptural qu’une statue, et la ciselure des mots l’emporterait éternellement sur la ciselure des métaux ou des marbres, et les peintres ne tireraient jamais de leurs palettes que des couleurs bien ternes à côté de celles que le poète, lui, peut extraire de son écritoire. […] Pour ce qui est de l’assassinat et des autres violences, je les lui permettrais volontiers ; ils peuvent avoir, dans l’horreur, je ne sais quelle grandeur étrange, et le rouge du sang est une belle couleur ! […] Dès qu’il a fait froid, leurs couleurs Ne sont plus que mélancolie ; Mais cette habitude des fleurs Est parisienne et jolie. […] Né sous le ciel chaud de Cuba, ce qui lui plaît et ce qu’il vous offre, ce sont de farouches floraisons de couleurs.

913. (1890) Les princes de la jeune critique pp. -299

Le commun des mortels qui, soit habitude, soit nécessité, voit d’abord par leurs yeux, a quelque intérêt, ce me semble, à savoir la couleur des lunettes que porte chacun d’eux. […] Je me figure les grands artistes enfermés dans un kiosque qui est séparé du monde environnant par des vitres de toute couleur et de toute nuance. […] Il est plus sensible à la grâce qu’à la force, à l’harmonie des nuances qu’à l’éclat des couleurs. […] France semble d’abord de couleur claire et gaie. […] À force d’étudier uniquement à travers soi-même les œuvres littéraires, on s’expose à leur prêter de fausses couleurs.

914. (1884) Propos d’un entrepreneur de démolitions pp. -294

Les journalistes de toute couleur ont jeté sur ce cercueil quelques respectueuses gouttes de leur encre et se sont éloignés dans un recueillement sacerdotal. […] Mais le premier est un corsaire aux couleurs joyeuses, à l’action rapide, qui s’élance en chantant à l’abordage social et qui voudrait saturer sa minute d’existence de toutes les ivresses possibles, sans excepter l’ivresse religieuse elle-même, si ce mécréant pouvait la faire tenir dans son verre. […] L’ensemble est éclairé faiblement par deux lucarnes oculaires d’une couleur poussiéreuse, ombragées de sourcils pâles assez semblables à des balayures qu’on aurait ramenées du vaste front qui surplombe. […] Ils sont de toute taille et de toute couleur. […] un exemplaire de l’ouvrage publié par l’éditeur Launette, l’Histoire des Quatre Fils Aymon, Très nobles et très vaillants chevaliers, illustrée de compositions en couleurs, par Eugène Grasset, gravé et imprimé par Charles Gillot.

915. (1896) Essai sur le naturisme pp. 13-150

Comme un Van Gogh affolé, il retourne à la nature n’y cherchant pas seulement le soleil et des couleurs, mais aussi un Dieu et des idées. […] Avec l’aile couleur citron du papillon pâle, ses fines taches couleur orange, il voit devant lui de pompeux palais d’or clair, non sans leurs fluets piliers safranés. […] Ainsi l’art du poète fut, au début, descriptif ; et, alors, soit qu’il esquissât, avec une maîtrise d’expression toujours croissante, les portraits de ses Moines ascétiques, figés dans leur rigide et tombale stature, soit qu’il s’essayât à évoquer les vieux cloîtres féodaux et gothiques, ou à chanter, en fresques d’un sombre éclat, les tragiques aspects de ses Soirs, le souci qui le dominait fut, sans cesse, celui-ci : limiter la poésie à la peinture, à la stricte impression, par l’artifice du verbe, des formes et des couleurs. […] Le but à atteindre n’est plus de conter, de mettre des idées ou des faits les uns au bout des autres, mais de rendre chaque objet qu’on présente au lecteur, dans son dessin, sa couleur, son odeur, l’ensemble complet de son existence.

916. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1885 » pp. 3-97

Et pour paysage et horizon, tout près de soi, à cinq mètres, un mur couleur de boue, dans lequel ouvre une fenêtre aux carreaux moitié cassés, moitié bouchés par des toiles d’araignées, et au milieu de la petite cour séparant le bureau de rédaction du mur en face, un espèce de soupirail de verre, d’où montent des odeurs de cuisine de restaurant à vingt-cinq sous, mêlées à des odeurs de laboratoire de pharmacie. […] Jeudi 24 septembre Une galerie de rez-de-chaussée, aux murs blancs, lignes de filets bleus, et sur le grand panneau de laquelle est peinte par le maître de la maison, une vague Assomption dans des couleurs de Lesueur. […] C’est mieux que « l’Allée de châtaigniers » de Théodore Rousseau, ces allées de platanes avec les tons blanchâtres de leurs troncs, le contournement architectural de leurs branches, les zigzags de soleil jouant dans le vert pâle de la feuille, avec enfin, la population aux couleurs voyantes, éclaboussée de lumière, qui marche sous la voûte doucement ombreuse. […] Puis leurs couleurs ne sont pas tout à fait des couleurs de fleurs ordinaires, de fleurs du bon Dieu ; ce sont des tons brisés, des tons rompus, des tons passés, des tons artistiques de tentures et de meubles, des coloriages d’intérieurs de civilisations décadentes.

917. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1892 » pp. 3-94

J’ai à table, près de moi, la femme de Forain, un tout autre type, un nez pointu, des yeux clairs sous une forêt de cheveux blonds, couleur de chanvre, ressemblant un rien à une perruque de clown, mais d’un clown finement malicieux. […] » Et l’émotion, la suée de Lafontaine fut telle, qu’il soutient que la couleur de ses gants avait changé. […] Comme on parle à Zola, du livre, qu’il a annoncé être en train de faire sur Lourdes, il dit à peu près ceci : « Je suis tombé à Lourdes, par une pluie, une pluie battante, et dans un hôtel où toutes les bonnes chambres étaient prises, alors il me venait le désir, en ma mauvaise humeur, d’en repartir le lendemain matin… Mais, je suis un moment sorti… et la vue de ces malades, de ces marmiteux, de ces enfants mourants apportés devant la statue, de ces gens aplatis à terre dans le prosternement de la prière… la vue de cette ville de foi, née de l’hallucination de cette petite fille de quatorze ans… la vue de cette cité mystique, en ce siècle de scepticisme… la vue de cette grotte, de ces défilés dans le paysage, de ces nuées de pèlerins de la Bretagne et de l’Anjou… » « Oui, fait Mme Zola, ça avait une couleur ! » Zola reprenant brutalement : « Il ne s’agit pas de couleur… ici, c’est un remuement des âmes qu’il faut peindre… Eh bien, oui, ce spectacle m’a empoigné de telle sorte que, parti pour Tarbes, j’ai passé, deux nuits entières, à écrire sur Lourdes. » Puis dans la soirée, il parle de son ambition de pouvoir parler, des essais qu’il fait de sa parole, jetant à sa femme, comme avec un coup de boutoir : « Des romans, des roman », c’est toujours la même chose !  […] Un moment, ce jeune officier faisait un tableau des belles nuits du Sénégal, où il a passé quelques années, de ces belles nuits lumineuses, où, au milieu de leurs claires ténèbres, apparaissait soudainement, comme une vision, un bataillon noir de femmes d’ébène, aux sveltes formes ; les fillettes, les cheveux coupés ; les jeunes filles, les cheveux nattés ; les femmes, les cheveux sous un madras aux couleurs voyantes : toutes ces nubilités, de douze à vingt ans, formant un anneau de danse, un ondulant et voluptueux enchaînement féminin, au milieu duquel les griots font une musique de tous les diables, et autour duquel, les vieilles accroupies à terre, éventent à tour de bras les danseuses.

918. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre IV. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire. » pp. 87-211

Ces tableaux offrent les couleurs les plus brillantes ; mais il en résulte souvent des portraits d’imagination. […] En général, sa narration manque de chaleur, son style, de couleur & de force. […] Quoique les portraits de cet historien soient sans couleurs, & que son style n’ait pas une élégance marquée, son pinceau a le mérite de la vérité. […] Les couleurs romanesques que Leti a employées quelquefois se font encore plus sentir dans l’histoire de Guillaume le conquérant, Duc de Normandie & Roi d’Angleterre, en deux vol. […] Les Princes, les Ministres & les Généraux qui entrent sur la scène, sont représentés avec des couleurs simples & naturelles ; l’auteur ne peint pas d’imagination.

919. (1836) Portraits littéraires. Tome II pp. 1-523

Il ne ménage pas assez le bruit et les couleurs ; nous avons peine à distinguer le son des instruments et la nuance du velours. […] Loin de là, chaque personnage, en épanouissant librement toutes les couleurs de sa pensée, concourt involontairement à la marche de la fable. […] Delaroche était d’une couleur violette et fraîche ; la versification de M.  […] Ce qui m’a frappé surtout dans cette parodie de l’Espagne au seizième siècle, c’est la couleur voltairienne de Charles-Quint et de don Juan. […] Elle ne s’inquiétera plus de la variété des couleurs, ni du nombre des plans ; ayant peu à voir, elle verra bien ; elle sera impitoyable au mensonge et à l’exagération.

920. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

Si dans la flamme intérieure nous voyons danser et crépiter des myriades d’étincelles humaines, ne cherchons ni la forme de la flamme, ni sa couleur, ni son reflet ! […] Ce qui le pénétrait de sons, de couleurs, de goûts et de parfums trouvait un organisme assoupli et rythmique qui haussait toute sensation en joie et en beauté. […] Personne, mieux que Barrès, ne trouve un croquis savoureux et court où les couleurs se déposent à mesure des sensations des personnages. […] Il est moins riche en couleurs que d’un dessin fort curieux. […] Dans cette autre, resplendissent les couleurs, qu’engourdit la lumière, qu’éveille et divinise le crépuscule.

921. (1913) Le mouvement littéraire belge d’expression française depuis 1880 pp. 6-333

C’est à la couleur qu’ils s’attachent ; plutôt que d’analyser des impressions, ils les extériorisent en couleurs. […] Avec lui, on ne se délasse des kermesses qu’en suivant les cortèges aux mille couleurs aveuglantes : il y a fête perpétuelle chez des Ombiaux. […] André Fontainas dans L’Indécis, Blanche Rousseau, Henri Maubel surtout, dont les Âmes de couleur attestent la sensibilité intuitive, aiguë et nuancée, Henri Vignemal, nous guident avec ingéniosité par le dédale des complications de l’âme. […] Telle apparaît, succinctement résumée, l’œuvre de celui qui « sur les épaules de la muse belge, encore frêle et timide, a jeté, d’un geste libre et puissant, une large étoffe aux couleurs étincelantes137 ». […] Ce poème a été mis en musique par Gabriel Fabre ; il parut, avec une couverture en couleur très artistique par Le Sidaner, chez Henri Tellier à Paris.

922. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — II. (Fin.) » pp. 257-278

À cette nouvelle séance, il demanda, par une lettre motivée qu’il lut à haute voix, trois nouveaux amendements à la doctrine du professeur : 1º sur le sens moral dont il réclamait la reconnaissance nette et distincte et le rétablissement formel dans une bonne description de la nature humaine ; 2º sur la nécessité d’une première parole accordée ou révélée à l’homme dès la naissance du monde, et sur la vérité de ce mot de Rousseau que la parole a été une condition indispensable pour l’établissement même de la parole  ; 3º sur la matière non pensante, et qu’il fallait remettre à sa place bien loin de ce sublime attribut : Je fus mal reçu par l’auditoire, dit-il, qui est dévoué en grande partie à Garat à cause des jolies couleurs de son éloquence et de son système des sensations. […] Ce spleen est un peu différent de celui des Anglais ; car celui des Anglais les rend noirs et tristes, et le mien me rend intérieurement et extérieurement tout couleur de rose.

923. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — II » pp. 150-171

. — Convenons aussi que, sans être Gacon, il fallait se tenir à quatre dans ce débat pour ne pas dire de La Motte (ce qui était vrai au pied de la lettre) qu’il jugeait d’Homère comme un aveugle des couleurs. […] Un sourd et muet, à qui l’on demandait comment il se figurait le son de la trompette, répondait sans hésiter en indiquant la couleur de l’écarlate.

924. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe, et d’Eckermann »

. — Et encore dans des tons toujours naïfs, mais avec des couleurs plus poétiques et plus idéalisées, il dira : « Sa conversation était variée comme ses œuvres. […] Qu’on parcoure l’admirable volume de ses poésies à lui, chansons, paraboles, élégies, épigrammes50, vaste prairie de fleurs et de verdure où, quelque part que le regard tombe, chaque point vit, reluit ou scintille de sa couleur propre, et l’on comprendra tout le sens de ce conseil. — « Il n’y a pas une seule ligne de mes poésies, disait-il, qui n’ait été vécue. » Nous avons tous plus ou moins, sur la foi des premiers témoins et visiteurs qui nous en ont parlé, cru Gœthe plus insensible qu’il ne l’était.

925. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid (suite.) »

quelle sorte de réduction et d’appropriation toute française (en y laissant une couleur très-suffisamment espagnole) lui a-t-il fait subir, quel compromis a-t-il su trouver quant au lieu, au temps, quant au nombre et aux sentiments des personnages, à leur ton et à leur façon de parler ou d’agir ? […] très-belle scène, sauf les détails de mauvais goût dont on a fait son deuil dès longtemps, et qui, de loin, ne semblent plus guère que de piquants effets de couleur locale.

926. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le Général Franceschi-Delonne : Souvenirs militaires, par le général baron de Saint-Joseph. »

M. de Saint-Joseph, dans son enfance, s’était souvent amusé autour de la table de famille à disposer avec de petites bandes de papier des étoiles de différentes couleurs ; une épingle et des ciseaux étaient ses seuls instruments pour ce travail. […] Il obtint de l’invalide qui les gardait des papiers de couleur ; il eut l’idée d’en faire des croix, il se dit qu’avec des croix on devait réussir en Espagne.

927. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. Joubert »

« Elle ne se le chante pas toujours avec des vers ou des paroles mesurées, mais avec des expressions et des images où il y a un certain sens, un certain sentiment, une certaine forme et une certaine couleur qui ont une certaine harmonie l’une avec l’autre et chacune en soi. » Par l’attitude de sa pensée, il me fait l’effet d’une colonne antique, solitaire, jetée dans le moderne, et qui n’a jamais eu son temple. […] J’y veux donner à mes pensées plus de pureté que d’éclat, sans pourtant bannir les couleurs, car mon esprit en est ami.

928. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Anatole France »

Enfant précoce, nerveux, chétif, caressant, Déjà surpris de vivre et de regarder vivre, de bonne heure il a aimé les images, et les livres avant de les avoir ouverts ; de bonne heure il a su regarder les objets, voir leurs formes, leurs couleurs et en jouir ; et il a su goûter les vieilles choses et s’intéresser au passé. […] Sois bénie pour le don que tu mis sur mon berceau en t’y penchant seulement ; sois bénie pour m’avoir révélé, quand je naissais à peine à la pensée, les tourments délicieux que la beauté donne aux âmes avides de la comprendre ; sois bénie par celui qui fut l’enfant que tu soulevas de terre pour chercher la couleur de ses yeux !

929. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre douzième. »

La matière fournit d’elle-même ses formes et ses couleurs à l’écrivain qui y est propre. Pour que l’avertissement du moraliste porte coup, pour que les portraits du peintre respirent, ni l’expression ne peut être trop forte, ni les couleurs trop vraies.

930. (1900) Poètes d’aujourd’hui et poésie de demain (Mercure de France) pp. 321-350

Debout en pleine vie, elle se drapa de couleurs éclatantes. […] Style ingénieux, compliqué, savant, plein de nuances et de recherches, reculant toujours les bornes de la langue, empruntant à tous les vocabulaires, prenant des couleurs à toutes les palettes, des notes à tous les claviers, s’efforçant de rendre la pensée dans ce qu’elle a de plus ineffable et la forme en ses contours les plus vagues et les plus fuyants.

931. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Goethe et de Bettina, traduites de l’allemand par Sébastien Albin. (2 vol. in-8º — 1843.) » pp. 330-352

Elle sentait l’art et la nature comme on ne les sent qu’en Italie ; mais ce sentiment, commencé à l’italienne, se traduisait, se terminait trop souvent en vapeurs et en brouillards, non sans avoir passé par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. […] Mais Bettina vivait loin de lui ; elle lui écrivait des lettres pleines de vie, brillantes de sensations, de couleurs, de sons et d’arabesques de tout genre, qui l’intéressaient et le rajeunissaient agréablement.

932. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Mme de Caylus et de ce qu’on appelle Urbanité. » pp. 56-77

Mme de Caylus n’était qu’un peintre vrai, et qui ne pouvait s’empêcher, même en courant, de saisir les objets au vif, que l’objet fût Mlle de Jarnac avec sa laideur dans un si beau jour, ou que ce fût cette ravissante Mme de Lowœnstein, avec sa « taille de nymphe qu’un ruban couleur de feu relevait encore ». […] « Mme de Caylus est la plus jolie vieille que vous connaissiez ; elle a souvent ces belles couleurs que vous lui avez vues, et dans ces moments-là elle est aussi jolie qu’elle ait jamais été ; du reste, plus délicate que moi, ne s’habillant plus, presque toujours dans son lit, et menacée de maux bien considérables. » (Lettre de Mme de Maintenonà Mme des Ursins, 18 septembre 1713.) — J’ai regret de dire que, jeune encore, elle prit du tabac : « Pour le tabac, je n’en parle point, quoiqu’il me paraisse une horreur : je ne le puis même souffrir au joli nez de Mme de Caylus ; je veux croire que son directeur lui a ordonné d’en prendre pour la rendre moins aimable. » (Mme des Ursins à Mme de Maintenon, 22 février 1707.)

933. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Condorcet, nouvelle édition, avec l’éloge de Condorcet, par M. Arago. (12 vol. — 1847-1849.) » pp. 336-359

Turgot, de plus, a, dans le style, des images et quelque couleur. […] Ses éloges académiques, quoiqu’on n’y rencontre presque jamais la couleur, la sensibilité, l’agrément ni le bonheur de l’expression, et que trop souvent la déclamation les dépare, se recommandent par des analyses fidèles, des jugements élevés et fermes, des observations fines et parfois mordantes : « On ne peut rien lire, dit M. 

934. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — II. (Suite.) » pp. 23-46

Pendant les journées qui suivirent, Marmont était des plus vifs à défendre les intérêts de l’armée, le maintien des couleurs nationales qui représentaient pour lui tout un ordre de sentiments patriotiques et modernes. […] Mais, dans le temps, l’opinion royaliste pure sut très bien le distinguer, et parce que l’on comptait davantage sur lui, et parce que, dans les discussions qui avaient porté sur ce point, il s’était mis plus en avant qu’un autre pour le maintien des couleurs nationales.

935. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — I. » pp. 414-435

Il n’a pas encore épuisé toute sa force d’aventure et de jeunesse, et il est bon qu’il aille dans cet hémisphère nouveau pour y faire ses couleurs et y achever sa palette de peintre. […] Pourtant lorsqu’il pénètre dans l’île, lorsqu’il arrive vers l’une de ces habitations perdues au plus profond des bois et dans les escarpements des mornes, et qu’il y trouve l’image imprévue de l’abondance, de la paix et de la famille, il est touché, et il trouve, à le dire, de bien gracieuses couleurs : Je ne vis dans toute la maison qu’une seule pièce : au milieu, la cuisine ; à une extrémité, les magasins et les logements des domestiques ; à l’autre bout, le lit conjugal, couvert d’une toile, sur laquelle une poule couvait ses œufs ; sous le lit, des canards ; des pigeons sous la feuillée, et trois gros chiens à la porte.

936. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1881 » pp. 132-169

Mercredi 31 août Théodore Child me faisait un fantastique tableau des soirées de l’Angleterre, où la nuit venant, par les routes crépusculaires, des groupes de jeunes gens et de jeunes filles, habillés des couleurs passées et déteintes des vieux vêtements, remises à la mode par les peintres préraphaélistes, flirtent dans une flirtation, à tout moment coupée par le rapide passage silencieux d’athlétiques garçons, montés sur des vélocipèdes. […] Lundi 31 octobre Des affiches de toutes les couleurs, de toutes les grandeurs, couvrant les murs de Paris, et partout étalant en colossales lettres : La Faustin.

937. (1889) L’art au point de vue sociologique « Introduction »

Les sensations et les sentiments sont, au premier abord, ce qui divise le plus les hommes ; si on ne « discute » pas des goûts et des couleurs, c’est qu’on les regarde comme personnels, et cependant, il y a un moyen de les socialiser en quelque sorte, de les rendre en grande partie identiques d’individu à individu : c’est l’art. […] Le grand art est donc, comme la grande nature : chacun y lit ce qu’il est capable d’y lire, chacun y trouve un sens plus ou moins profond, selon qu’il est capable de pénétrer plus ou moins avant ; pour ceux qui restent à la surface, il y a les grandes lignes, les grands horizons, la magie visible des couleurs et les harmonies qui emplissent l’oreille ; pour ceux qui vont plus avant et plus loin, il y a des perspectives nouvelles qui s’ouvrent, des perfections de détail qui se révèlent, des infinis qui s’enveloppent.

938. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XII] »

Le Père Sicard, parlant d’un petit temple situé au milieu des grottes de la Thébaïde, dit : « La voûte, les murailles, le dedans, le dehors, tout est peint, mais avec des couleurs si brillantes et si douces, qu’il faut les avoir vues pour le croire… » Au côté droit, on voit un homme debout, avec une canne de chaque main, appuyé sur un crocodile, et une fille auprès de lui, ayant une canne à la main. […] Au dedans du temple, des fleurs de toutes couleurs, des instruments de différents arts, et d’autres figures grotesques et emblématiques y sont dépeintes.

939. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Philarète Chasles » pp. 147-177

L’humouristique Chasles, qu’un jour j’appelai, dans un article consacré à sa mémoire2, le plus élégant des Arlequins littéraires, et qui portait sur son esprit avec tant de souplesse, d’ondulation et de chatoiement, les couleurs d’au moins trente-six littératures, affecte maintenant l’emphatique solennité d’un patriarche ou d’un burgrave. […] Partout où il s’est mouché et essuyé les yeux, l’auteur de ce livre est jeune de couleur et d’accent.

940. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIV. »

Ô vous dont l’âme est épuisée, Ô mes amis, l’enfance aux riantes couleurs Donne la poésie à nos vers, comme aux fleurs L’aurore donne la rosée ! […] Les ondes, éparses en rosée légère sous la violence du coup, remontaient pressées en colonnes qui parfois s’étendaient à toute la largeur de l’abîme et cachaient une part de l’horizon… « Ce qui m’étonna le plus, c’est qu’à l’abord du précipice, les vagues résistent en sens contraire et s’entrechoquent comme pour échapper ‘à l’impulsion qui les précipite, jusqu’au moment où, vaincues, elles s’abattent dans l’abîme avec un tonnerre souterrain, et font jaillir dans les airs d’immenses colonnes de nuées sur lesquelles l’arc d’Iris réfléchit ses plus éblouissantes couleurs. » C’est l’esquisse du voyageur, de l’émigré des Andes accoutumé à la puissante nature du monde américain, et la trouvant dépassée dans ce désert.

941. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Note »

Hugo, au milieu de ses remercîments et de ses éloges pour la façon dont j’avais apprécié son recueil, en prit occasion de m’exposer ses vues et son procédé d’art poétique, quelques-uns de ses secrets de rhythme et de couleur.

942. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Études sur Blaise Pascal par M. A. Vinet. »

Il n’aurait point sans doute, comme le fit plus tard l’illustre auteur du Génie du Christianisme, porté ses principales couleurs sur le côté magnifique ou touchant du catholicisme, considéré surtout dans ses rapports avec la société ; il n’aurait pas cependant négligé les grandeurs et les beautés aimables de la religion.

943. (1874) Premiers lundis. Tome I « Walter Scott : Vie de Napoléon Bonaparte — II »

Les premières années de Napoléon Bonaparte sont retracées confusément et sans couleur.

944. (1874) Premiers lundis. Tome I « A. de Lamartine : Harmonies poétiques et religieuses — II »

Cette manière de comprendre les diverses heures du jour, l’aube, le matin, le crépuscule, d’interpréter la couleur des nuages, le murmure des eaux, le bruissement des bois, nous était déjà obscurément familière avant que le poète nous la rendît vivante par le souffle harmonieux de sa parole.

945. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre VII. Éducation de la sensibilité »

Ce n’est pas impuissance ou grossièreté de nature, mais rudesse et manque de culture, qui fait que devant une œuvre d’art, un poème, un paysage, on reste morne et muet, sans émotion, que factice, sans idée, que convenue, sans parole, que banale, Par cet effort de conscience, on contraindra les sentiments à se préciser : le nuage confus des émotions se divisera, et de l’obscure vapeur qui bout dans l’âme surgiront des couleurs et des formes, de plus en plus nettes et délicates.

946. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre III. Les traducteurs »

Tant par le détail que par la couleur générale de sa traduction, il modernise le monde gréco-romain, et par ce travestissement involontaire il tend à prévenir l’éveil du sens des différences, c’est-à-dire du sens historique.

947. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Paul Bourget, Études et portraits. »

Le lendemain et le surlendemain, je vis Boghari, les Ouled-Naïls, Bougzoul, le désert ; je fis un très mauvais déjeuner sous la tente, chez le caïd des Ouled-Anteurs, je crois, près d’une colline couleur de cuir fraîchement tanné, tachée de lentisques, et où il y avait des aigles.

/ 1980