La religion, qui était pour Bossuet un ordre d’idées claires et pour Fénelon un ordre d’idées simples, avait rencontré et traversé le monde du sentiment pur avec Rousseau, elle était passée d’un état solide à un état fluide. Cet état fluide, le Génie le dore de prestiges, lui incorpore la dimension de la durée, l’accorde aux voix de l’histoire. […] L’état révolutionnaire y est expliqué comme étant un état historique, chronique, dont les manifestations ne sont pas nouvelles, qui donnerait lieu à ce que nous appelons aujourd’hui l’étude des révolutions comparées. […] Le contraste entre ces deux états, ce passage de l’ordre au désordre, de la vie florissante à l’exil, de Maistre les incorpore à une théorie générale de l’ordre et du désordre. […] Il a toujours tenu la poésie vraie, la « poésie même » comme un état précaire de grâce qu’il est téméraire de consolider en habitude.
Le pian conçu par Napoléon, et qui se rapportait juste à l’état des choses et des armées, telles qu’on les avait devant soi, était en voie d’exécution et de pleine réussite. […] Napoléon prêt à monter à cheval pour aller reconnaître la plaine de Fleurus, destinée à la bataille du jour, recommandait expressément à Ney par une lettre détaillée d’occuper fortement les Quatre-Bras, de se porter même un peu en avant, et cependant de n’engager pas trop la cavalerie légère de la garde ni même les cuirassiers de Valmy, de tenir une de ses divisions à droite, afin d’être en état de se rabattre au besoin sur Fleurus et d’aider au succès définitif de la journée.
L’état moral où il a trouvé la population française prêtait beaucoup, il est vrai, à cette inoculation soudaine d’une poésie qu’aiguiserait le chant. Ce n’était plus une aveugle exaspération suivie de lassitude et de repentir, comme sous la Ligue ; ce n’était plus l’étourderie émoustillée de la Fronde : de graves événements avaient illustré, mûri, moralisé ce peuple sur lequel Gargantua s’était permis autrefois de si inconcevables licences ; 89 et Napoléon avaient enseigné, inculqué à tout jamais au tiers état la dignité de l’homme, l’énergie civilisatrice, et lui avaient fait un besoin des plus mâles et inviolables sentiments.
Les grandes causes philosophiques et politiques, les grands partis littéraires, une fois que l’influence leur échappe et que le monde tourne décidément à un autre cours d’idées, se rétrécissent, s’immobilisent, passent à l’état de secte et comme de petite Église ; ils tombent dans ce que j’appellerai une fin de jansénisme. […] Bientôt la Révolution commença, et, « quelque étonnant que cela puisse paraître, nous dit le biographe, Victorin était déjà en état d’en comprendre les vastes scènes. » On avouera qu’en effet c’était une précocité assez étonnante chez un enfant qui n’avait que quatre ou cinq ans.
Il faut bien se représenter l’état des doctrines en France au moment où M. […] La publication du Cours de 1817 nous montre l’éclectisme à son premier état et sous sa première forme.
Duval, et après avoir constaté l’état actuel de l’art dramatique en France, d’en prévoir l’avenir, d’en conjecturer la chute ou le triomphe, enfin d’indiquer les remèdes et les ressources. […] Charles II, ou le Labyrinthe de Woodstock, comédie en trois actes, en prose, précédée d’une notice sur l’état actuel des théâtres et de l’art dramatique en France ; par M.
Mais cette manière d’être affectée n’a que des rapports très indirects avec le plan général de mon ouvrage ; et celui qui aurait des opinions tout à fait contraires aux miennes sur les plaisirs de l’imagination, pourrait encore être entièrement de mon avis sur les rapprochements que j’ai faits entre l’état politique des peuples et leur littérature ; il pourrait être entièrement de mon avis sur les observations philosophiques et l’enchaînement des idées qui m’ont servi à tracer l’histoire des progrès de la pensée depuis Homère jusqu’à nos jours. […] Mais les sciences ont une connexion intime avec toutes les idées dont se compose l’état moral et politique des nations.
Et même, les mots abstraits par l’impossibilité où l’on est de se représenter l’état, l’action, la qualité qu’ils désignent en dehors d’un individu qui fasse cette action, soit dans cet état ou possède cette qualité, se prêtent merveilleusement à la suggestion qui multiplie leur force et porte l’esprit bien au-delà de leur définition littérale.
Mais il ne faut jamais perdre de vue deux choses : l’une, que celui-là sera un mauvais maître de littérature qui ne travaillera point surtout à développer chez les élèves le goût de la littérature, l’inclination à y chercher toute leur vie un énergique stimulant de la pensée en même temps qu’un délicat délassement de l’application technique ; c’est là qu’il nous faut viser, et non à les fournir de réponses pour un jour d’examen ; l’autre, que personne ne saura donner à son enseignement cette efficacité, si, avant d’être un savant, on n’est soi-même un amateur, si l’on n’a commencé par se cultiver soi-même par cette littérature dont on doit faire un instrument de culture pour les autres, si enfin, tout ce qu’on a fait de recherches ou ramassé de savoir sur les œuvres littéraires, on ne l’a fait ou ramassé pour se mettre en état d’y plus comprendre, et d’y plus jouir en comprenant. […] Je n’ai même pas voulu faire l’histoire de la langue : c’est tout un livre qu’il faudrait écrire ; entre la Grammaire historique et l’Histoire de la littérature, il y a place pour ce que j’appellerais l’Histoire littéraire de la langue, l’étude des aptitudes, ressources et propriétés littéraires de la langue générale dans les divers états qu’elle a traversés.
Car si la justice se réalise un jour, elle n’aura pas d’effet rétroactif ; le futur ne rachètera pas le passé et le contraste de la perfection de l’état futur avec l’imperfection ancienne ne fera que rendre plus sensibles les injustices passées et irréparables. — Spiritualisme, Messianisme, ce sont deux « stades de l’illusion » dont parle M. de Hartmann. […] Sorel a montré l’existence d’un « sublime » moral à l’état latent dans l’âme ouvrière ; d’une aptitude au sacrifice dans la lutte sans merci que la classe ouvrière soutient contre les classes possédantes qui représentent pour elle l’immoralité. — L’ouvrier anticlérical confond volontiers casuistique et jésuitisme ; de plus il est intolérant dans les choses qui touchent à la conduite comme dans celles qui touchent aux opinions et il ne respecte guère la liberté individuelle.
À côté d’eux, il y a ceux qui sont seulement curieux de la nature et qui nous demandent si nous sommes en état de la leur mieux faire connaître. […] Combien de vérités que les analogies physiques nous permettent de pressentir et que nous ne sommes pas en état d’établir par un raisonnement rigoureux !
L’espérance de s’avancer plutôt lui fit embrasser l’état ecclésiastique. […] Rien de plus ridicule & de plus contraire au bien de la litterature, que ces petites sociétés provinciales qui, loin de faire de véritables gens de lettres, ne font que des fainéans & des membres à charge à l’état.
« Notre connaissance, dit-il, étant resserrée dans des bornes si étroites, comme je l’ai montré, pour mieux voir l’état présent de notre esprit, il ne sera peut-être pas inutile… de prendre connaissance de notre ignorance, qui… peut servir beaucoup à terminer les disputes… si, après avoir découvert jusqu’où nous avons des idées claires… nous ne nous engageons pas dans cet abîme de ténèbres (où nos yeux nous sont entièrement inutiles, et où nos facultés ne sauraient nous faire apercevoir quoi que ce soit), entêtés de cette folle pensée que rien n’est au-dessus de notre compréhension 153. » Enfin, on sait que Newton, dégoûté de l’étude des mathématiques, fut plusieurs années sans vouloir en entendre parler ; et de nos jours même, Gibbon, qui fut si longtemps l’apôtre des idées nouvelles, a écrit : « Les sciences exactes nous ont accoutumés à dédaigner l’évidence morale, si féconde en belles sensations, et qui est faite pour déterminer les opinions et les actions de notre vie. » En effet, plusieurs personnes ont pensé que la science entre les mains de l’homme dessèche le cœur, désenchante la nature, mène les esprits faibles à l’athéisme, et de l’athéisme au crime ; que les beaux-arts, au contraire, rendent nos jours merveilleux, attendrissent nos âmes, nous font pleins de foi envers la Divinité, et conduisent par la religion à la pratique des vertus. […] S’il faut des magistrats, des ministres, des classes civiles et religieuses, que font à leur état les propriétés d’un cercle ou d’un triangle ?
Son Gilblas est un tableau de tous les états de la vie ; chacune de ses situations est une leçon pour les hommes. […] Un tel livre ne pouvoit que faire beaucoup de tort à un homme de son état.
Jeté, à quelque temps de là, dans le monde, sans fortune et sans appui, Chamfort se trouva bientôt réduit à l’état le plus misérable ; il ne subsistait que de son travail pour quelques journalistes et pour quelques prédicateurs, dont il faisait les sermons. […] Les personnes qui se trouvaient chez lui, et avec lesquelles il venait de dîner, averties de ce qui se passait par le bruit du coup de pistolet et par le sang qui coule à flots sous la porte, se pressent autour de Chamfort pour étancher le sang avec des mouchoirs, des linges, des bandages ; mais lui, d’une voix ferme, déclare qu’il a voulu mourir en homme libre, plutôt que d’être reconduit en esclave dans une maison d’arrêt, et que si, par violence, on s’obstinait à l’y traîner dans l’état où il est, il lui reste assez de force pour achever ce qu’il a commencé.
Restait donc à savoir, selon lui, comment le son émis par un organe, reçu par un autre organe, passe à l’état de signe abstrait et général, en vertu de la faculté fondamentale du moi, l’absolu, qui tient à notre nature d’être infini ; comment nous obtenons ainsi la série de l’ordre des signes vocaux ou oraux, laquelle se substitue successivement à l’ordre des signes visuels et tactiles. […] Et cependant il avait reconnu l’absolu dans le moi de l’homme exprimant par le son un rapport entre l’être physique et l’être métaphysique, et faisant passer ce son émis à l’état de signe abstrait.
est une éclosion démocratique, à l’état d’enveloppement d’abord, à l’état de développement ensuite, et qui tout à l’heure éclate de partout, comme la fleur du cactus après son incubation mystérieuse et centenaire, Odysse Barot proclame., avec la tuméfaction à la tête de l’orgueil, — car l’orgueil est hydrocéphale, — que l’esprit humain va de ce côté ; que l’avenir, ô bonheur du ciel mis sur la terre !
Si, au lieu de piquer un coin de la carte, Cénac-Moncaut avait embrassé d’un seul regard toute la mappemonde, il y aurait vu que l’Europe domine tout et tient le reste de l’univers à l’état de néant devant elle. […] La Critique, qui est aussi une sentinelle, doit le dire à tous ceux qui s’occupent d’histoire : dans l’état présent des travaux historiques, qui sont réels, avancés, l’heure est sonnée pour les esprits robustes d’aller aux ensembles et aux résumantes individualités historiques, et de planter là les monographies et ce qu’on peut appeler la petite histoire, l’histoire oubliée.
Frappé de l’état d’oppression et de servage dans lequel la femme et l’enfant ont été tenus jusqu’ici chez tous les peuples de la terre, et là où la civilisation s’est le plus élevée et grandit encore, Jobez, après avoir fait l’histoire de ces deux touchantes Faiblesses, l’enfant et la femme, se demande ce qu’il faudrait pour que l’oppression contre laquelle il s’indigne cessât entièrement, et pour qu’on vît s’ouvrir enfin la période d’affranchissement que doivent également provoquer l’homme d’État et le philosophe ; et il se répond sans hésiter, avec une simplicité légère, que la solution du douloureux problème est tout entière dans l’accroissement de la richesse. […] On s’attendait réellement à mieux qu’à des détails, intéressants d’ailleurs et d’une grande variété de renseignements, sur les souffrances et l’état d’abaissement de la femme et de l’enfant chez tous les peuples de la terre.
La gloire et la force du peuple américain, c’est la bâtardise : « La transplantation des races européennes — dit-il, l’anti-Européen, — a eu pour premier effet sinon de dissoudre entièrement, au moins d’affaiblir le principe de la famille. » Et plus bas, devenant plus explicite, il ajoute : « Le passage de l’Européen outre-mer a toujours eu pour cause une protestation contre l’autorité paternelle, une déclaration d’indépendance individuelle, une sorte d’assimilation à l’état de bâtardise. » Et le singulier penseur, qui lit l’histoire les yeux retournés, non seulement ne voit pas les conséquences éloignées du vice originel de l’Amérique, mais, lui qui parle tant de réalité, il ne voit pas même les réalités présentes ; car, à l’heure qu’il est, tout le monde sait, sans avoir eu besoin d’aller en Amérique, que le peuple américain est un peu gêné en ce moment par son heureuse bâtardise ; que la question de l’indigénat est une des plus grosses questions qui aient jamais été agitées dans les États de l’Union, et que cette question n’est pas autre chose que la nécessité — sous peine de dissolution complète — de se faire une espèce de légitimité contre l’envahissement croissant de toutes les bâtardises de l’Europe, contre le flot montant des immondices qu’elle rejette ! […] Il est douteux aussi — du moins, nous le croyons, — qu’ils admettent sans un modeste embarras la conclusion, logiquement très bonne, mais historiquement suspecte, que Bellegarrigue sait tirer de cette absence de la famille aux États-Unis : « L’autorité paternelle — dit-il — ayant abdiqué en Amérique, sinon en totalité, du moins en grande partie, il est arrivé que la famille n’y existe pas… et que l’extrême civilisation autorise les mœurs à ressaisir la simplicité de l’état sauvage. » Mais cet éloge, une fois jeté en passant, des Américains, qui ne sont pas l’objet spécial du livre, l’auteur revient aux femmes d’Amérique ; car sans la femme, nous dit-il avec une galanterie vraiment philosophique, la masculinité ne serait pas !
Au fond, il ne doit pas faire grand état des lettres. […] Il prend à Scott, ou plutôt à tout le monde, ce moyen usé de faire rire : la répétition de la même chose passée à l’état de tic.
L’éditeur de ces lettres, qui prend les choses de très haut, et qui ne s’étonne pas d’un état social où les classés commençaient à se mêler comme des numéros de loto dans leur sac, n’appuie pas beaucoup sur la question de savoir quelle fut la circonstance qui créa, de par un sentiment, une situation presque officielle en Europe, et sans exemple dans l’Histoire, depuis la nymphe Égérie, entre une marchande de glaces et le prince étincelant qui devait devenir Stanislas-Auguste. […] Je ne partage pas ses petits tremblements devant l’amour ; je ne partage pas ses incroyables et parfois amusantes anxiétés sur l’état du cœur de Madame Geoffrin.
Le roman d’Albéric Second est l’histoire d’un amour né dans les circonstances les plus inattendues et les moins propres, semble-t-il, à faire naître l’amour dans une âme… Il faut être, en effet, un écrivain très sûr et très maître de soi pour avoir osé la circonstance, et l’état mental et physique, et l’immonde costume dans lequel, dès les premières pages de son livre, l’auteur fait apparaître son héros, attaqué de folie, fuyant son cabanon, se présentant, effaré, aux yeux de tout Paris, en plein théâtre Italien, dans la loge de la comtesse Alice. […] À peine si une italienne aurait pu aimer jamais un homme qu’elle aurait vu dans l’état de dégradation où l’auteur a mis son René Derville.
C’est la madame Marneffe à l’état de ramollissement de M. […] Si le comte de La Villanera épousait cette jeune fille à la condition qu’elle adopterait le petit bâtard de madame Chermidy, l’enfant aurait un titre, une possession d’état et une fortune.
Impersonnel et désintéressé de tout, excepté de la perfection dont l’idée est à l’état d’étoile fixe dans son esprit, l’auteur du Marquis des Saffras est un artiste d’une sérénité infinie, que le temps n’a pas rendu spectateur comme le vieux Goethe, car il est jeune, mais qui est né contemplateur. […] On était en rivalité de tragédies, et dans ces luttes pacifiques on apportait la même passion que dans ces rixes terribles où, vingt ans auparavant, des villages entiers venaient offrir la bataille aux villages ennemis. » Or, à cette tragédie jouée à Montalric, il y avait, au milieu de la foule compacte, un homme qui assistait pour la première fois a cette solennité, et c’est de la rencontre et de la combinaison de la tête singulière de cet homme, simple potier-terrailler de son état, et de cette tragédie, dont l’impression le bouleversait, que va sortir tout le roman de M. de La Madelène.
On trouve là des révélations précieuses sur l’état des esprits et sur la situation des choses. […] De cette formule philosophique, éclairée par l’expérience de l’histoire, sort la règle suivante ; Les sociétés où il n’y aura que peu ou point de fixité dans les personnes seront dans un état de faiblesse tant qu’elles ne seront pas parvenues à un état fixe ; dans un état de désordre, si elles s’en sont écartées et si elles travaillent à y revenir. […] Enfin, dans les idées de M. de Bonald, il ne s’agit pas d’une noblesse fermée, mais d’une noblesse ouverte, dans laquelle toute famille qui s’élève, par des services rendus, de l’état privé à l’état public, a sa place marquée. […] Frayssinous dut conformer son enseignement à l’état intellectuel et moral de son auditoire. […] Royer-Collard, qui devient un symptôme remarquable de l’état des esprits.
[Tableau historique de l’état et des progrès de la littérature française depuis 1789 (éd. de 1834).]
Bernard Jullien Ce qui distingue éminemment les chansons de Désaugiers, et toutes ses productions, c’est la verve, le naturel, la bonne et franche gaîté, la peinture vraie et plaisante des mœurs et des ridicules de tous les états, souvent aussi une fécondité singulière pour tirer une multitude de pensées d’un fond qui ne semblait pas les comporter.
Heureusement pour lui, M. de Ramsay ne demeura pas long-temps dans cet état humiliant.
Elles sont tombées, parce qu’elles n’avoient pas le même mérite, & il n’y a qu’un mérite réel qui puisse soutenir un Ouvrage dans tous les temps & dans tous les états.
Si la plupart des spéculations de l’Abbé de Saint-Pierre. sont impraticables, on doit plutôt s’en prendre à l’état actuel des Sociétés, qu’au défaut de justesse & de suite dans ses observations.
Ainsi la loi d’une chose en mouvement et qui n’existe qu’à la condition d’être toujours divisée avec elle-même, de n’atteindre jamais à un état de repos, c’est de devenir à tout moment autre qu’elle n’est.
Mais il ne faut point croire que tous les paysans russes soient dans cet état de dégradation ; ils se relèvent au plus léger souffle de liberté, comme l’herbe flétrie que frappe un rayon de soleil. […] Pendant ce temps Arcadi Pavlitch interrogeait le starosta sur l’état des semailles, et sur quelques autres sujets qui se rapportaient à l’économie agricole. […] Contrairement à l’habitude de tous les poitrinaires, il ne se faisait du reste aucune illusion sur son état : et cependant il ne se désespérait nullement, et ne fit même pas la moindre allusion au sort qui lui était réservé. […] Enfin, il était arrivé au dernier terme de l’ivresse ; il se trouvait dans cet état heureux qui fait dire aux passants : « Tu es joli, frère ! […] Cette classe, ou plutôt cette caste, date d’assez loin ; le descendant d’un dvorovi ne retourne jamais à son ancien état. — Ce sont les prolétaires de la Russie.
Éloigné, par état, de toute prétention littéraire, l’auteur a dit sans art et sans éloquence ce qui lui semble la vérité.
Ses personnages n’existent qu’à l’état d’entités sentimentales ou symboliques ; ils s’appellent l’Amant, l’Amante, la Courtisane, la Mendiante ; ils ont si peu de réalité extérieure, qu’on ne sait à quelle époque les situer et quels costumes leur donner.
Pour mettre nos Lecteurs en état d’en juger, il nous suffira de citer une des réflexions de l’Auteur sur la doctrine désespérante de ceux de nos Philosophes, qui n’offrent, pour toute consolation, à l’humanité souffrante ou malheureuse, que l’attente du néant & la résolution de la hâter par une mort volontaire.
Mais qu’il nous soit permis d’observer que les mœurs de la Nation, l’état des Arts & des Sciences, les usages des différentes classes de Citoyens, devenus si intéressans sous la plume de MM.
C’est dans cette vue que j’indiquerai les livres que tout homme, de quelque état qu’il soit, peut se procurer.
Enfin, la plupart de ces néologismes consistent simplement à doter de formes actives ou passives les épithètes dépourvues de l’une ou de l’autre ; ils créent aussi le verbe qui nantira d’un pouvoir actif l’état marqué par un substantif ou par un adjectif.
Tantôt je me livre à de sublimes méditations : l’état où elles me conduisent par degrés tient du ravissement ; tantôt j’évoque, innocent magicien, des ombres vénérables qui furent jadis pour moi des divinités terrestres, et que j’invoque aujourd’hui comme des génies tutélaires. […] Ce besoin, cette faim de la science, qui agite l’homme, n’est que la tendance naturelle de son être qui le porte vers son état primitif et l’avertit de ce qu’il est. […] Dans l’état où il est réduit, il n’a pas même le triste bonheur de s’ignorer ; il faut qu’il se contemple sans cesse, et il ne peut se contempler sans rougir ; sa grandeur même l’humilie, puisque ses lumières, qui l’élèvent jusqu’à l’ange, ne servent qu’à lui montrer dans lui des penchants abominables qui le dégradent jusqu’à la brute. […] Qui pourrait croire qu’un tel être ait pu sortir dans cet état des mains du Créateur ? […] Le monde, plus vieux d’un demi-siècle, est exactement dans le même état où vous l’avez laissé.
Des caméléons rampaient sur les feuilles larges des cactus. » De la présence chez Flaubert de cette période statique et discrète, découlent l’emploi habituel du prétérit pour les actes et de l’imparfait pour les états ; de là encore l’apparence sculpturale de ses descriptions où les aspects semblent tous immobiles et placés à un plan égal comme les sections d’une frise. […] Cette assertion dut rester à l’état de simple hypothèse. Pensant que des acquisitions verbales, failles en état de somnanbulisme, seraient l’anologue du souvenir inconscient que Flaubert pouvait garder de ses lectures, nous avons prié M. le Dr Ch. […] Ce résultat négatif n’infirme pas, je crois, la théorie exposée plus haut, et lient surtout au complet oubli qui sépare l’état somnambulique de l’état de veille.
m’objecterez-vous donc que la propriété n’est pas d’aujourd’hui seulement, et qu’elle existait pendant tout ce moyen-âge que je compare à notre état présent ? […] Tu es dans cet état semblable à la mort qui précède et prépare la vie. […] Or cet état peut-il durer ? Peut-on raisonnablement soutenir que la division et l’anarchie dans la connaissance humaine soient l’état normal de la société ? […] Ce qui est certain, c’est que la connaissance que nous avons déjà de notre état est un grand pas pour en sortir.
Les prémieres impressions s’effacent par les secondes ; et ils ne sont point en état de juger du détail des objections, parce que ce jugement dépend de la vûë entiere de nos principes. […] Il peut le choisir seulement pour l’utilité des faits ou comme une époque de l’état et des progrès de l’esprit dans certains siecles. […] Du reste, en quoi intéresse-t-il l’état, les moeurs, ou la mémoire même de ce grand poëte ? […] Il les place au cinquieme livre de son poëme, lorsque le lecteur est encore en état de s’amuser, et c’est ainsi que le poëte latin corrige presque toûjours le poëte grec, en l’imitant. […] Je suis fâché de la voir dans cet état ; et si sa douleur est sincere, je lui en demande pardon, quoique je n’en sois que la cause innocente.
Sous l’œil (droit) de l’opinion et de la presse parisiennes, les départementaux de gauche sont maintenus dans un état de contrôle y gênant, après tout salutaire. […] La troisième République n’est pas apparue en France comme un état de droit, mais comme un état de fait, dans un pays qui n’était pas républicain, qui ne l’avait jamais été, et qui le devint peu à peu comme il était devenu orléaniste après 1830, par crainte d’un cléricalisme militant. […] Mais voici que, sur la gauche du socialisme, c’est-à-dire dans le communisme, il n’y a plus de mythe, plus d’état mythique. […] La dictature est devenue l’état normal de l’Europe et de l’Asie ; on y entre en sortant du pont de Kehl, on y demeure jusqu’au Pacifique. […] La timide figure qu’elles font aujourd’hui dans tous les Parlements, à commencer par le nôtre, révèle leur état de santé.
L’objection serait irréfutable si les conditions de la connaissance restaient toujours dans un état de simplicité idéale. […] Est-il un ancien soldat, comme Stendhal, inquiété par le problème de la production de l’énergie, et doué du pouvoir de se figurer des états de volition ? […] Ce ne sont point là des états très exceptionnels, et les circonstances qui les ont produits ont des analogues autour de nous. […] Il y a bien des causes diverses à un si pénible état d’intime désespoir. […] Mais ce tempérament s’accompagnait d’une imagination toute psychologique, c’est-à-dire très bien outillée pour se représenter des états de l’âme.
[Tableau historique de l’état et des progrès de la littérature française depuis 1789 (édit. de 1834).]
De même que « Richard Wagner n’est pas entré dans la légende en savant ou en curieux, mais en créateur », de même que Richard Wagner, « rejetant les aventures sans fin et tous les accessoires du roman, se place du premier bond au centre même du mythe et de ce point générateur recrée de fond en comble les caractères et l’organisme de son drame », de même enfin « qu’en restituant au mythe sa grandeur primitive, son coloris original, il sait y approprier les passions et les sentiments qui sont les nôtres, parce qu’ils sont éternels, et subordonner le tout à une idée philosophique », — de même Édouard Schuré dégage d’une époque historique ses éléments essentiels, lui recrée une émouvante jeunesse, et la fixe en cet état dans l’imagination humaine.
On passerait de là au sexe, à l’âge, à la couleur de la peau, à l’état, à des convenances plus fines, d’où l’on parviendrait à démontrer qu’un dessin de robe est de mauvais goût, et cela aussi sûrement que le dessin de quelque autre objet que ce fût, car enfin les mots de tact, d’instinct, ne sont pas moins vides de sens dans ce cas qu’en tout autre, si l’on fait abstraction de la raison, de l’usage des sens, des convenances et de l’expérience.
qu’y a-t-il de particulier dans la structure et l’état de leur esprit ? Il faut bien que cet état soit particulier, puisque tout d’un coup et pendant soixante ans le drame pousse ici avec une merveilleuse abondance, et qu’au bout de ce temps il s’arrête sans que jamais aucun effort puisse le ranimer. […] Anne de Boleyn dit sérieusement avant de livrer sa tête : « Je prie Dieu de conserver le roi, et de lui envoyer un long règne, car jamais il n’y eut prince meilleur et plus compatissant20. » La société est comme en état de siége, si tendue que chacun enferme dans l’idée de l’ordre ; l’idée de l’échafaud. […] Les rôles subordonnés sont effacés ; en tout quatre ou cinq personnages principaux, on n’en amène que le moins possible ; les autres, réduits à l’état de confidents, prennent le ton de leurs maîtres et ne font que leur donner la réplique. […] Elle se laisse frapper et traîner. « Faites, faites. » En cet état, les nerfs s’exaltent, et ne sentent plus rien ; elle refuse de dire le nom, et par surcroît, elle loue son amant, elle l’adore en présence de l’autre.
Les Horaces et les Curiaces ne sont que des particuliers, de simples citoyens de deux petites villes ; mais la fortune de deux états est attachée à ces particuliers. […] On entend par son exposition, l’état où se trouvent les personnages et sur lequel ils délibèrent ; on entend par son nœud, les intérêts ou les sentiments qu’un des personnages oppose aux désirs des autres ; et enfin par son dénouement, l’état de fortune ou de passion où la scène doit les laisser : après quoi, l’auteur ne doit plus perdre de temps en discours qui, tout beaux qu’ils seraient, auraient du moins la froideur de l’inutilité. […] Le style dramatique a, pour règle générale, de devoir être toujours conforme à l’état de celui qui parle. […] Ces mêmes hommes sont dans la joie ou dans la douleur, dans l’espérance ou dans la crainte : cet état actuel doit donner une seconde conformation à leur style, laquelle sera fondée sur la première, comme cet état actuel est fondé sur l’habituel ; et c’est ce qu’on appelle la condition de la personne. […] S’il est peint avec force et vérité, il aura toujours, comme certains portraits, le mérite de la peinture, lors même qu’on ne sera plus en état de juger de la ressemblance.
Pour apprécier certaines réformes admises et préconisées par Gui Patin, il convient de se reporter à l’état des choses et au mode de traitement usité à son époque. […] Mais ce n’est pas ainsi qu’il l’entend ; car, s’il se moque des uns, il croit fort et ferme aux autres, et ce qu’il en dit, c’est par amour et gloire de son état. […] Aujourd’hui que toutes les classes sont mêlées et confondues, que tous les angles sont polis et usés, le bon goût, le simple usage empêche qu’on ne ressente ou qu’on ne témoigne les colères ou les préjugés de son état : en a-t-on autant qu’autrefois toutes les convictions et les vertus ?
Il fut six mois dans la magistrature, en qualité d’avocat du roi au siège présidial de Tours ; il en souffrait cruellement, et il nous a exprimé à nu ses angoisses : Dans le temps qu’il fut question de me faire entrer dans la magistrature, j’étais si affecté de l’opposition que cet état avait avec mon genre d’esprit, que de désespoir je fus deux fois tenté de m’ôter la vie. […] L’embarras et la honte de paraître en robin devant le régiment inspirèrent à Saint-Martin un courage inaccoutumé ; il quitta brusquement un état qu’il abhorrait et où, sans cet incident, il serait peut-être resté par faiblesse. […] On ne pouvait être moins propre à l’état militaire que ne l’était Saint-Martin : « J’ai reçu de la nature, disait-il, trop peu de physique pour avoir la bravoure des sens. — J’abhorre la guerre, j’adore la mort. » En restant quelque temps au service, il faisait le plus grand sacrifice aux volontés de son père.
Au fond, il est adversaire et rival du christianisme constitué et établi dans l’Église ; il a tout bas son ordre trouvé, sa religion à lui, son règne de Dieu qui doit en partie réparer le monde et réintégrer l’homme dans un état de presque divine félicité, lui rendre même des facultés tout à fait merveilleuses et des lumières présentement surnaturelles. […] Les grands objets s’annonçaient à lui d’une manière de plus en plus imposante et douce, et proportionnée à son état présent : « J’ai mille preuves réitérées que la Providence ne s’occupe, pour ainsi dire, qu’à me ménager. » Il était d’ailleurs tellement inapplicable et impropre aux choses positives, que dans le second trimestre de l’an IV, ayant été porté sur la liste du jury pour le tribunal criminel de son département, il crut devoir se récuser par toutes sortes de raisons qui, si elles étaient admises, paralyseraient la société : Je ne cachai point mon opinion ; je dis tout haut que, ne me croyant pas le droit de condamner un homme, je ne me croyais pas plus en droit de le trouver coupable, et que sûrement, tout en obéissant à la loi qui me convoquait, je me proposais de ne trouver jamais les informations et les preuves assez claires pour oser disposer ainsi des jours de mon semblable. […] Tous nos profits, tous nos revenus, devraient être le fruit de notre travail et de nos talents ; et ce renversement des fortunes opéré par notre Révolution nous rapproche de cet état naturel et vrai, en forçant tant de monde à mettre en activité leur savoir-faire et leur industrie.
A la nouvelle du fâcheux accident, Philippe II fut plein d’inquiétude et manifesta le plus grand intérêt pour l’état de son fils. […] Le traitement de Vésale paraît avoir eu de bons effets : le toucher des reliques d’un religieux, Fray Diego, mort en état de sainteté il y avait quelque cent ans, et dont on fit apporter processionnellement le corps dans la chambre du malade, fut réputé aussi une des causes du rétablissement. […] Ces excès de table sont la cause de son état maladif, et bien des personnes pensent qu’en continuant de la sorte il ne pourra vivre longtemps.
Tout ce qui est visible, accentué aux sens, tout ce qui parle distinctement aux yeux et qui dessine vivement et même bizarrement le monde extérieur tel qu’il est, il l’absorbe, il l’abstrait en quelque sorte, il le fait passer à l’état de sentiment pur, d’analyse raisonnée et dialoguée ; il le transpose de la sphère visuelle dans celle de l’entendement, mais d’un entendement net, étendu, sans vapeur, non nuageux, de cet entendement clairement défini, bien qu’un peu nu, tel que va le circonscrire et l’éclairer philosophiquement, dans son Discours de la Méthode et ailleurs, Descartes, ce grand contemporain du Cid. […] Il est encore à l’état de jeune tige, de rejeton mince. […] « J’ai remarqué aux premières représentations, nous dit Corneille dans son Examen du Cid, que lorsque ce malheureux amant se présentait devant elle, il s’élevait un certain frémissement dans l’assemblée qui marquait une curiosité merveilleuse et un redoublement d’attention pour ce qu’ils avaient à se dire dans un état si pitoyable. » Lorsque Rodrigue arrive et entre chez elle, Chimène n’est pas encore de retour du palais : il ne trouve d’abord qu’Elvire la suivante, qui s’effraye de le voir en tel lieu, et qui, du plus loin qu’elle aperçoit sa maîtresse, l’oblige à se cacher.
C’est ainsi que la page suivante a toute sa valeur, venant de lui ; elle résume encore aujourd’hui avec exactitude ce que tant de publications récentes et de correspondances secrètes ont appris et démontré en détail : il vient de faire une revue générale des partis : « … Tel était alors l’état de la nation dont les représentants faibles ou corrompus avaient à régler les destinées ; ils en étaient incapables. […] Le roi consentait à signifier aux princes ses frères « que, dans aucun cas, il n’approuvait ni ne permettait leur entrée en France avec les armées ennemies, soit qu’ils s’y réunissent comme auxiliaires, soit qu’ils se crussent en état d’agir en corps séparé », Malouet proposa pour cette mission secrète auprès des princes son ami Mallot du Pan, qui voyait comme lui en politique : Mallet du Pan, après des retards, partit pour sa mission, muni d’instructions et d’un chiffre. […] Decrès, ministre de la marine, lui fit offrir par M. de Vaines la préfecture de Santo-Domingo, lors de l’expédition du général Leclerc ; il n’était ni d’un âge ni d’un état de santé à accepter.
Pour moi en particulier, aide de camp d’un général qui ne s’était pas informé un instant si j’avais un cheval en état de supporter de pareilles fatigues, si je comprenais un service si nouveau pour moi, l’on me confiait un ordre de mouvement à porter au milieu de la nuit, dans un moment où tout avait une grande importance, et l’on ne me permettait pas même de demander où je devais aller. […] Quoique mon cheval fût hors d’état d’avancer même au pas, je savais l’impossibilité de faire aucune objection ; je partis. […] « Jomini, chef de bataillon. » On lit au verso : « Le maréchal Ney, commandant en chef le 6e corps, certifie que le présent état de services est conforme à celui qui a été déjà adressé à Son Exc. le ministre de la guerre, légalisé par les chefs de M.
A priori, on peut affirmer que le journal, à l’état primitif au moins, n’a pas dû manquer à la Grèce. […] Par malheur, ceux qui seraient en état d’éclairer, de contrôler pertinemment ces origines de journaux, manqueront de plus en plus. […] Mais tout ce scepticisme, avant Niebuhr, n’était pas sorti d’un cercle restreint ; il souriait silencieusement au bas d’une note de Bayle, où se jouait avec l’abbé Barthélemy dans le salon de Mme de Choiseul ; il s’enfermait avec Pouilly et Levesque au sein de l’Académie des Inscriptions ; maintenant il s’est produit en plein jour et a passé à l’état vulgaire.
C’est alors une littérature en Décadence qu’il faudrait dire plus justement, une Littérature qui reproduit servilement des modèles supérieurs dont elle ne présente plus que l’état dégénéré. […] C’est l’état naturel et successif de toute Littérature ; il fut commun aux poètes d’autrefois comme aux poètes d’aujourd’hui, de même que ce sera le souci des poètes de demain. […] Le Vers, en ces nouvelles conditions et en ce nouvel état, prit le nom de Vers libre ou de Vers polymorphe, c’est-à-dire qui a toutes les formes, selon que la pensée les nécessite.
Les salons ne sont plus seulement une école du bien-dire ; ils sont aussi pour les écrivains un milieu excitant, où ils pensent pour le plaisir de penser, où ils sont entraînés par le mouvement de la causerie à tirer de leur cerveau les trésors qu’il contient à l’état latent et à faire en eux-mêmes des découvertes. […] La solennité est une nécessité de son état. […] Il s’écrie un instant : « J’ai besoin de tout mon respect pour ne pas éclater de colère. » Mais ne craignez rien ; l’éruption reste à l’état de menace.
Victorieux depuis qu’il régnait, n’ayant assiégé aucune place qu’il n’eut prise, supérieur en tout genre à ses ennemis réunis, la terreur « de l’Europe pendant six années de suite, enfin son arbitre et son pacificateur, ajoutant à ses états la Franche-Comté, Dunkerque et la moitié de la Flandre ; et ce qu’il devait compter pour le plus grand de ses avantages, roi d’une nation alors heureuse et alors le modèle des autres nations. » Les armées qui avaient conquis les pays dont sa longanimité rendait la plus grande partie par la paix de Nimègue, étaient florissantes, pleines de gloire et de confiance. […] Si le roi avait eu un enfant avec madame de Maintenon, et que les prêtres lui eussent fait un scrupule de laisser cet enfant sans état et sa mère dans le déshonneur, on pourrait dire que la religion a décidé le roi à épouser sa concubine, surtout s’il avait été dégoûté d’elle par la possession. Mais ce n’était point là l’état des choses : le roi était amoureux, et madame de Maintenon résistait ; elle opposait la religion.
Les fouilles récentes des géologues ont fait une étrange découverte ; elles ont exhumé du sol de l’Attique, à l’état fossile, un immense charnier d’animaux géants. […] En ce temps-là, les dieux jeunes et beaux, éloquents et nobles qui peuplent les poèmes et les sculptures helléniques, n’existaient encore qu’à l’état brut. […] Ces tragédies et ces comédies mortes errent et reviennent à l’état spectral, dans les écrits de la basse époque, évoquées par la citation d’un scholiaste ou d’un grammairien.
Nous saisissons ici Huet au plus vif instant de son premier état de cavalier. […] Il n’est pas de ceux qui aiment à se singulariser ni à rien outrer ; il se disait dans les petites choses, et peut-être dans les grandes, ce qu’il écrivait un jour à Ménage : « Vous voyez que tout le monde le fait ; il fait bon suivre le torrent, et ne se faire remarquer ni dans un sens ni dans l’autre. » Quand il était à l’état profane et naturel, il se trouvait par inclination sceptique et pyrrhonien. […] Le Journal de l’abbé Le Dieu, à la date du vendredi 21 décembre 1703, nous montre Huet dans sa chambre une après-midi, « en surtout et en cravate, un bonnet de cabinet sur la tête sans perruque, n’étant pas en état de descendre à la salle pour voir M. de Meaux (Bossuet, qui était venu visiter le père de La Chaise), ni M. de Meaux de monter quatre-vingts marches pour l’aller chercher si haut. » Ainsi ils ne se sont plus revus.
Six mois auparavant et lorsqu’il partait pour se faire élire en Provence, son père, le marquis, écrivait de lui au bailli (22 janvier 1789) : « Il dit hautement qu’il ne souffrira pas qu’on démonarchise la France, et en même temps il est l’ami des coryphées du Tiers. » La double pensée politique de Mirabeau, dès avant l’ouverture des États généraux, était tout entière dans ces deux conditions, tiers état et monarchie, et l’on peut dire qu’il ne cessa d’en poursuivre l’accord et le maintien depuis le premier jour de sa vie législative jusqu’à sa mort, avec toutes les secousses pourtant, les intermittences et les fréquents écarts qu’apportaient dans sa marche et dans sa conduite ses impétuosités d’humeur et de caractère, ses instincts d’orateur et de tribun, ses nécessités de tactique, et ses irritations personnelles. […] » Une fois même, poussé à un état d’exaspération plus violent que de coutume, il s’écria : « Tout est perdu ; le roi et la reine y périront, et vous le verrez : la populace battra leurs cadavres. » — Il remarqua, ajoute M. de La Marck, l’horreur que me causait cette expression. « Oui, oui, répéta-t-il, on battra leurs cadavres ; vous ne comprenez pas assez les dangers de leur position ; il faudrait cependant les leur faire connaître. » Après les journées des 5 et 6 octobre qui amenèrent le roi et la reine captifs à Paris, journées auxquelles, malgré d’odieuses calomnies, il ne prit aucune part que pour les déplorer et s’en indigner, Mirabeau, sentant que la monarchie ainsi avilie aurait eu besoin de se relever aussitôt par quelque grand acte, dressa un mémoire qu’on peut lire à la date du 15 octobre 1789. […] Le temps le frappera assez pour moi. » En attendant, dans les notes à la Cour qu’il eut bientôt l’occasion d’adresser, Mirabeau ne cessa de s’élever de toutes ses forces contre « cette dictature ignominieuse qui séparait le roi de ses peuples, le tenait en quelque sorte en état de guerre avec eux, leur servait d’intermédiaire, et, dans ce rôle non moins indécent que perfide, usurpait l’autorité, le respect et la confiance », absorbant à son profit toute la popularité, et ne laissant remonter au trône que le blâme : tout justement le contraire d’un vrai ministère constitutionnel !
Il n’eut point la délicatesse de le sentir, de même qu’il ne sentait point tant d’autres convenances de sa position et de son état. […] « L’Académie française (c’est le cardinal Maury qui parle) était seule considérée en France, et donnait réellement un état. […] J’ai appris l’italien comme on apprend sa langue, en écoutant : je conversais avec tout le monde, je prêchais même hardiment dans mon diocèse ; mais je ne serais pas en état d’écrire une lettre.
Il propose au président d’acheter tout de bon sa terre, non plus à vie, mais à perpétuité ; tant que ce nouveau projet, qui n’est qu’un leurre, est sur le tapis, la reconnaissance ne se fait pas, et il gagne du temps pour changer l’état des lieux avant qu’on ait constaté le point de départ. […] Lorsque Voltaire prit possession de Tourney (décembre 1758), il y avait des coupes de bois antérieurement faites et vendues par le président à un paysan du lieu, marchand de bois de son état, nommé Charlot Baudy. […] Et après un exposé de l’état vrai de leurs relations premières : Il faut être prophète pour savoir si un marché à vie est bon ou mauvais : ceci dépend de l’événement.
De même que les inclinations de Heine étaient variables, de même et plus fortement encore, ses émotions propres étaient instables, changeantes au point de se transformer en sentiments contraires si facilement que l’âme du poète finissait par alterner et comme par vibrer entre deux états opposés. […] C’était là, chez le poète, une condition organique, comme une faiblesse et une délicatesse trop grande du cerveau pour qu’il persistât dans un état violent, comme une légèreté vibrante de l’équilibre intérieur qu’affolaient les secousses vives. […] Mais cette diversité de sentiments préserva d’autre part Heine d’en être totalement envahi, l’état de sa conscience, ce qui constituait son moi, variant sans cesse il fut amené comme toutes les personnes qui ont une vive activité intellectuelle, beaucoup (le pensées, beaucoup de volonté, à éprouver, connaître, distinguer ces changements intérieurs, à s’analyser particulièrement dans ses sentiments, et à en diminuer ainsi non seulement l’intensité, mais la franchise, la vérité, un sentiment n’étant véritable que quand on n’a pas la liberté d’esprit de le discerner, c’est-à-dire de nouveau quand on en a peu et de durables.
Elle n’a passé à l’état définitif de vérité que lorsqu’elle a traversé saine et sauve le feu de la discussion. […] Fort bien jusqu’ici, voilà l’examen qui a passé à l’état de devoir, et tous nous parlons ainsi quand nous voulons persuader et convertir les hommes. […] Si d’ailleurs il y avait lieu d’espérer que l’on pût par quelque moyen empêcher les hommes de penser de telle ou telle manière, s’il y avait quelque procédé sûr de maintenir les esprits dans cet état d’obéissance que l’on regarde comme si souhaitable, je comprendrais à la rigueur qu’on l’essayât ; mais depuis que le flot du libre examen a fait irruption dans la science, dans la société, dans la religion, il a marché sans cesse de progrès en progrès : il a pénétré de couche en couche dans toutes les classes, il a gagné les contrées les plus rebelles à sa puissance ; il n’existe aucune force capable de le contenir et de le refouler ; les pouvoirs qui commencent par marcher contre lui se voient ensuite contraints de marcher avec lui.
Lorsque deux expérimentateurs arrivent à des résultats différents, c’est donc tout simplement qu’ils ne se sont pas placés dans les mêmes conditions : si l’on ne tient pas compte par exemple de l’âge, de l’état de santé, de l’état de sommeil ou de veille, d’abstinence ou de nourriture, on obtiendra sans doute des résultats différents ; mais placez vous dans les mêmes conditions, vous aurez les mêmes résultats. […] Aussi la distinction objective des causes n’est jamais que relative à l’état de nos connaissances, et nul ne peut affirmer d’une manière absolue que deux ordres de causes ne se réduiront pas plus tard à un seul.
Le vol deviendra l’expression artistique de nos états d’âme. […] Les aviateurs futuristes sont on train de créer aujourd’hui une nouvelle forme d’art qui exprimera, moyennant le vol, les états d’âme les plus complexes. […] J’ai constaté combien il est facile à la foule spectatrice de suivre et de comprendre les moindres nuances des différents états d’âme de l’aviateur Etant donnée l’identification du pilote et de son aéroplane, celui-ci devient le prolongement de son corps : les os, les tendons, les muscles et les nerfs se prolongent dans les fils et les câbles.
C’est là vraiment l’état de paralysie volontaire où l’on se met par le désir de laisser parler en soi la nature, et, loin de s’inquiéter de produire si peu, il faudrait plutôt s’émerveiller de produire encore quelque chose.
[Tableau historique de l’état et des progrès de la littérature française depuis 1789 (éd. de 1834).]
On peut dire que toutes les sciences tendent et s’acheminent vers cet état de perfection.
d’Arnaud ne sauroit donc recevoir trop de marques de reconnoissance & de considération de la part de cette classe d’hommes, que leur sagesse & leurs lumieres mettent seuls en état d’apprécier le talent & son véritable usage.
Cependant la bergère a bien la physionomie de son état.
Fruit d’une certaine disposition de l’être physique, intellectuel et moral qui le produit, le pessimisme sera pour le moins autant un état psychologique qu’une doctrine ; comme état psychologique, il variera avec chacun ; comme doctrine, il manquera de fixité. […] De ses divers articles, on pourrait extraire un tableau désolant de l’état actuel des esprits. […] Comme psychologue, il ne procède point en analyste, il ne décompose pas les actes pour remonter aux mobiles, il ne se complaît pas dans l’étude de certains états d’âme plus ou moins particuliers. […] L’observation sincère et désintéressée du monde ne peut guère aboutir qu’à la constatation de son mauvais état. […] Qui donc, en effet, prétendra que l’état de guerre, dans lequel nous vivons, soit un bien et soit conforme à la religion de paix que devrait être le christianisme ?
Spencer en ait donnée ; elle exprime essentiellement, elle aussi, un état de volonté. […] La grâce est l’expression visible de ces deux états : la volonté satisfaite et la volonté portée à satisfaire autrui. La grâce, en effet, suppose une certaine détente des muscles, qui ne se produit guère chez l’animal qu’à l’état de repos, de vie expansive et d’intention pacifique. […] Le sol sous ses pieds était plus mou qu’une onde… Elle ne se rappelait point la cause de son horrible état, c’est-à-dire la question d’argent. […] Le développement de tel ou tel art semble le plus souvent attaché à certaines mœurs et à un certain état social.
Il ne se cache pas sur les motifs qui l’y jetèrent : « Je ne balançai point, dit-il, et je ressentis un grand plaisir de voir qu’en quelque état que la dureté de la reine et la haine du cardinal (Mazarin) eussent pu me réduire, il me restoit encore des moyens de me venger d’eux. » Mal payé de son premier dévouement, il s’était bien promis qu’on ne l’y prendrait plus. […] Il savoit l’état où j’étois à la cour ; je lui dis mes vues, mais que sa considération me retiendroit toujours, et que je n’essaierois point à prendre des liaisons avec Mme de Longueville, s’il ne m’en laissoit la liberté. […] « Quoi qu’il en soit, il y a tant d’esprit dans cet ouvrage et une si grande pénétration pour connoître le véritable état de l’homme, à ne regarder que sa nature, que toutes les personnes de bon sens y trouveront une infinité de choses qu’ils (sic) auroient peut-être ignorées toute leur vie, si cet auteur ne les avoit tirées du chaos du cœur de l’homme pour les mettre dans un jour où quasi tout le monde peut les voir et les comprendre sans peine. » En envoyant ce projet d’article à M. de La Rochefoucauld, Mme de Sablé y joignait le petit billet suivant, daté du 18 février 1665 : « Je vous envoie ce que j’ai pu tirer de ma tête pour mettre dans le Journal des Savants. […] Vinet semble moins convaincu : on fera, dit-il, ce qu’on voudra de ces passages de Mme de Sévigné, témoin de ses derniers moments : « Je crains bien pour cette fois que nous ne perdions M. de La Rochefoucauld ; sa fièvre a continué ; il reçut hier Notre-Seigneur : mais son état est une chose digne d’admiration.
Des coups d’une force et d’une portée extraordinaires sont lancés, en passant et comme sans y songer, contre les institutions régnantes, contre le catholicisme altéré qui, « dans l’état présent où est l’Europe, ne peut subsister cinq cents ans », contre la monarchie gâtée qui fait jeûner les citoyens utiles pour engraisser les courtisans parasites466. […] À ce degré et en de tels sujets, il n’est plus qu’un effet de l’habitude et du parti pris, une manie de la verve, un état fixe de la machine nerveuse lancée à travers tout, sans frein et à toute vitesse […] Rousseau aussi est un artisan, un homme du peuple mal adapté au monde élégant et délicat, hors de chez lui dans un salon, de plus mal né, mal élevé, sali par sa vilaine et précoce expérience, d’une sensualité échauffée et déplaisante, malade d’âme et de corps, tourmenté par des facultés supérieures et discordantes, dépourvu de tact, et portant les souillures de son imagination, de son tempérament et de son passé jusque dans sa morale la plus austère et dans ses idylles481 les plus pures ; sans verve d’ailleurs, et en cela le contraire parfait de Diderot, avouant lui-même « que ses idées s’arrangent dans sa tête avec la plus incroyable difficulté, que telle de ses périodes a été tournée et retournée cinq ou six nuits dans sa tête avant qu’elle fût en état d’être mise sur le papier, qu’une lettre sur les moindres sujets lui coûte des heures de fatigue », qu’il ne peut attraper le ton agréable et léger, ni réussir ailleurs que « dans les ouvrages qui demandent du travail482 » Par contre, dans ce foyer brûlant, sous les prises de cette méditation prolongée et intense, le style, incessamment forgé et reforgé, prend une densité et une trempe qu’il n’a pas ailleurs. […] Il me paraît que ce peut être celles d’un valet de basse-cour, et même au-dessous de cet état, maussade en tout point, lunatique et vicieux de la manière la plus dégoûtante.
Molière et sa troupe étaient dans cette ville, comme comédiens de M. le prince de Conti, qui y présidait les états de Provence. […] Mais la représentation de cet ouvrage à Béziers en 1654, durant la tenue des états de Provence, est indubitable. […] Elles ne font point corps, elles ne font point agrégation ; mais elles sont une société libre, ou, comme le dit Somaise, un état libre dont le gouvernement n’est pas monarchique . […] Molière, intéressé comme poète et comme comédien à plaire aux gens de cour et aux gens du monde, avait pu se laisser aller à leur aversion pour les mœurs opposées aux leurs : cette facilité était l’esprit de son état.
Après m’être séparé de vous avec une sensibilité contre laquelle je me croyais aguerri, je vins à me présenter pour surcroît d’attendrissement ce que je venais de quitter, la bonne amitié du Docteur65, la franchise et les agréments de votre société ; puis je me trouvais seul dans des déserts, courant peut-être après une ombre, laissant, à la vérité, un état médiocre, mais qui pouvait prendre un jour de la consistance. […] Je n’ai point oublié les services que vous m’avez rendus et j’espère que la fortune me mettra bientôt en état de m’acquitter envers vous. […] Quoique mon état me donne une espèce d’aisance, il s’en faut beaucoup que je puisse rien réserver pour l’avenir. […] [NdA] Toujours le même idéal qui se couronnera par La Chaumière indienne, mais ici nous l’avons à l’état de prose et avec le côté matériel, que Bernardin ne négligeait pas.
Éloge de Racine Quand Sophocle produisait sur la scène ces chefs-d’oeuvre qui ont survécu aux empires et résisté aux siècles, la Grèce entière assemblée dans Athènes applaudissait à sa gloire ; la voix d’un héraut le proclamait vainqueur dans un immense amphithéâtre qui retentissait d’acclamations ; sa tête était couronnée de lauriers à la vue de cette innombrable multitude ; son nom et son triomphe, déposés dans les annales, se perpétuaient avec les destinées de l’état, et les Phidias et les Praxitèles reproduisaient ses traits sur l’airain et le marbre, de la même main dont ils élevaient les statues des dieux. Quand cette même Athènes voulait témoigner sa reconnaissance à l’orateur qui avait servi l’état et charmé ses concitoyens, elle décernait à Démosthène une couronne d’or ; et, si quelque rival ou quelque ennemi, usant du privilége de la liberté, réclamait contre cet honneur, les nations accouraient de toutes les contrées de la Grèce pour assister à ce combat des talens contre l’envie, et proclamer la victoire d’un grand homme. […] Dans nos gouvernemens modernes, il est de l’ordre politique que le pouvoir suprême, qui maintient tout, soit la première des grandeurs, que l’ambition des hommes de talent soit d’attirer les regards des hommes d’état, que la gloire du génie soit d’être distingué par le souverain, et d’obtenir des récompenses de celui qui seul les distribue à tous les genres de mérite, et qui a le plus d’intérêt à les encourager. Cette espèce d’illustration est aussi d’un prix réel quand elle est avouée par les suffrages publics ; et la considération sociale qu’elle répand sur les écrivains et les artistes émane de la même source que les honneurs accordés aux services rendus à l’état dans les places et les professions les plus éminentes.
Selon eux, par nécessité, Sans passion, sans volonté : L’animal se sent agité De mouvements que le vulgaire appelle Tristesse, joie, amour, plaisir, douleur cruelle, Ou quelque autre de ces états. […] Quelquefois et, comme ceci est plus particulier, je recours au texte quelquefois on peut être étonné de ce qu’une fable qui commence exactement d’après la même méthode, si je peux employer ce mot, qui commence par une description de la nature un certain jour de l’année, ne se termine pas de la même façon, se termine sans qu’il y ait de péripétie, sans que, à l’état paisible de la nature, au commencement, un état plus funeste soit décrit vers la fin. […] Mais vous n’êtes pas en état De passer, comme nous, les déserts et les ondes, Ni d’aller chercher d’autres mondes : C’est pourquoi vous n’avez qu’un parti qui soit sûr ; C’est de vous renfermer aux trous de quelque mur… » Voyez-vous les quatre tableaux qui se succèdent et qui s’enchaînent les uns aux autres, les quatre saisons de la vie rustique dans une chènevière, depuis le moment où l’on sème, c’est-à-dire après l’hiver passé, jusqu’à l’autre hiver, jusqu’au moment où la terre n’est plus couverte par es blés et par les chanvres et que les villageois se livrent aux cruels plaisirs que vous savez Voilà tout un récit rustique.
À ces impressions, personnelles et intimes, le poëte a marié, par une analogie symbolique, l’état du siècle lui-même qui nage dans une espèce de crépuscule aussi, crépuscule qui n’est peut-être pas celui du soir comme pour l’individu, car l’humanité a plus d’une jeunesse. […] Et cependant, quand l’instrument a été de bonne fonte, le timbre n’en est pas altéré ; dès qu’il vibre, il rend le même son pieux, plein, enivrant, qui étonne et scandalise presque celui qui l’a pu observer de près à l’état immobile.
L’érudit et très-élégant Dugas-Montbel, dans son Histoire des Poëmes homériques, nous a exposé avec une lucidité parfaite l’état de la question et tout ce qu’a de plausible, selon lui, le système de Wolf auquel il déclare se ranger. […] Y a-t-il eu toutefois une telle époque où le génie homérique, indépendamment d’un Homère même, était dans l’air et circulait çà et là, à l’état de divine tempête, de façon que tout rhapsode pût en prendre sa part indifféremment, à peu près comme au xviiie siècle, en poésie, il y avait du Dorat un peu partout ?
Celui-ci avait laissé le jeune abbé en train de fortes études et de thèses théologiques ; il se le figurait toujours sous cet aspect : « Vous avez trop bonne opinion de ma vocation à l’état ecclésiastique, lui écrivait Rancé : pourvu qu’elle ait été agréable à Dieu, c’est tout ce que je désire… » On a beau relire et presser les lettres de cette date, on y trouve de bons et respectueux sentiments pour son ancien précepteur, un vrai ton de modestie quand il parle de lui-même et de ses débuts dans l’école ou dans la chaire, de la gravité, de la convenance, mais pas le plus petit bout d’oreille de l’amant de Mme de Montbazon. Après la mort de cette dame et pendant les premiers temps de la retraite que fit Rancé à sa terre de Veretz, il se développe un peu plus et laisse entrevoir à son digne précepteur quelque chose de l’état de son âme : « Les marques de votre souvenir m’étant infiniment chères, lui écrit-il à la date du 17 juillet 1658, j’ai lu vos deux lettres avec tous les sentiments que je devois, quoique je me sois vu si éloigné de ce que vous imaginez que je suis, qu’assurément j’y ai trouvé beaucoup de confusion.
Les peuples du Nord ont existé, pendant plusieurs siècles, dans un état tout à la fois social et barbare, qui a dû longtemps laisser parmi les hommes beaucoup de souvenirs grossiers et féroces. […] D’ailleurs le docteur Blair n’aurait pu juger en Angleterre Shakespeare avec l’impartialité d’un étranger ; il n’aurait pu comparer la plaisanterie anglaise avec la plaisanterie française : ses études ne le conduisaient pas à ce genre d’observations ; il aurait pu encore moins, par des raisons de convenance relatives à son état, parler des romans avec éloge, et des philosophes anglais avec indépendance.
Il y a sans doute bien des œuvres mortes ; mais les chefs-d’œuvre sont devant nous, non point comme les documents d’archives, à l’état fossile, morts et froids, sans rapport à la vie d’aujourd’hui ; mais comme les tableaux de Rubens ou de Rembrandt, toujours actifs et vivants, capables encore d’impressionner les âmes de notre temps autant qu’ils firent celles de leur temps, et d’y déterminer des modifications profondes. […] Les grandes lignes du développement littéraire, les courants d’idées et de sensibilité, la succession des états du goût, les étapes de la formation et de la dissolution des doctrines, des genres et des formes, tous ces faits généraux sont mieux connus, mieux observés, mieux analysés.
Or, pour qu’il soit bien dit que drame et roman d’une part et d’autre part la poésie ont quelque chose d’essentiellement étranger, de foncièrement divergent, non seulement à l’état de santé, de puissance, mais aussi, mais surtout de maladie et d’amoindrissement, tandis que ceux-là perdant pied s’égareront dans l’empirisme, celle-ci au contraire, par respect de la tradition, s’attardera, s’enfoncera, et périra dans le formisme. […] Et enfin, comment nos aînés voici quinze ou vingt ans reçurent-ils des mains des derniers Parnassiens, le vers encore si plein naguère, si puissant et si varié de la grande Légende, des Poèmes Barbares, des Fleurs du Mal, en quel état ?
Il regrette — en juillet 1862 — « que la science du moraliste » encore mal organisée, soit à l’état pour ainsi dire anecdotique ; la critique reste donc un art qui demande chez celui qui l’exercice de dons innés. […] Il déduit d’une littérature quelque chose de plus profond même que l’histoire, la connaissance des états d’âmes intimes et successifs de tout un peuple : c’est par là que son œuvre inaugure et fait date.
La poésie intervient au sein même de toutes ces correspondances mystérieuses qui sollicitent notre activité intellectuelle, notre mémoire, nos aspirations, notre moi tout entier, et constituent cet état de conscience où, semble-t-il, nous communions dans l’infini. […] Chez le poète, il est nécessaire que cet état d’âme passe du mode affectif à l’état actif, se dynamise en quelque sorte, et c’est sans doute alors qu’il prend le nom d’inspiration.
état actuel de l’école française. voyons maintenant quel est l’état actuel de notre école, et revenons un peu sur les peintres qui composent notre académie.
Mais, dira-t-on, des traductions faites par des écrivains sçavans et habiles, ne mettent-elles point, par exemple, ceux qui n’entendent pas le latin en état de juger par eux-mêmes, en état de juger par voïe de sentiment de l’éneïde de Virgile ?
Il ne nie point l’amour paternel, l’amour maternel ; et c’est probablement qu’il reconnaît qu’ils existent et à l’état pur. […] La suite des états d’esprit à cet égard est celui-ci : on commence par ne pas saisir les contradictions en lisant les penseurs ; puis on en relève beaucoup ; puis on en aperçoit trop, et dès lors, selon la nature d’esprit que l’on a, on les multiplie avec malignité, et l’on en triomphe, ou l’on s’habitue à les résoudre toutes et l’on finit par les multiplier pour les résoudre.
Il y a dans les lois un Dieu puissant qui triomphe de notre injustice, et qui ne vieillit jamais. » À la seconde classe appartiennent ceux qui puisent la raison de ces lois dans un état abstrait de la nature de l’homme ; ceux qui croient à l’homme la puissance de faire des lois ; ceux qui, par conséquent, sont obligés d’admettre un contrat primitif. Ceux-là pensent que les libertés d’un peuple résultent de ses droits, et non point des concessions des princes, non plus que d’états antérieurs ; ils pensent que l’homme fait une sorte d’acte libre en entrant dans une association politique, et qu’à cet instant, qui est une fiction convenue, il cède une partie de ses droits, pour jouir de certains avantages qu’il n’aurait pas sans la société, comme, par exemple, celui de la propriété.
Quant au charme, il existe incontestablement, mais à l’état intermittent. […] Il était nuit ; on ne pouvait, espérer trouver dans un si misérable bourg les secours que réclamait impérieusement l’état de la voyageuse. […] elle est en mauvais état. […] Si je connais un seul des états que font ces gens-là, ne comptez plus sur mon amitié. […] Seulement, comme je n’ai pas trouvé d’autre état que celui-là pour ne pas mourir de faim, je fais celui-là.
Obligé par ma profession d’entrer dans les états d’esprit les plus divers, il en est un que je ne pouvais aucunement m’assimiler. […] Non ; c’est celui qui prend le temps, observe les nuages, suit les variations de l’état du ciel, plie au besoin ses toiles et ménage l’avenir. […] La majorité est naturellement apathique, parce qu’étant le nombre et ayant la force, elle n’a besoin de rien de plus et ne demande qu’à laisser les choses en l’état. […] Comment ne voit-on pas que la doctrine étroite sur l’adaptation nécessaire du poème dramatique à l’état présent de l’esprit public n’irait logiquement à rien de moins qu’à l’abolition de tout l’ancien répertoire ? […] l’état mental d’une créature ayant probablement fait ses humanités, qui signe et qui pense ces choses !
Les personnages qu’elle consacre, moins saillants que ceux des temps fabuleux, se montrent tels qu’elle les vit, effacés dans le frottement des intrigues d’état. […] Enfin le troisième, noble, sérieux et sensible, en qui se développe une autre partie du naturel italien, concentre les merveilles de son art sur les vastes rapports de la religion, de la grandeur des états, et de la gloire. […] On se divertit à considérer des physionomies, des attitudes et des démarches si conformes à l’état et aux mœurs des héros du poème. […] En échange des loisirs que j’espérais et des lauriers qui devaient me couronner avec honneur, ils m’inventèrent des peines qu’on n’avait pas encore subies, et sous le poids desquelles ils me précipitèrent en cet état cruel. […] Que dirai-je des nœuds politiques, des mariages contractés par les fils nombreux et les parents de Priam et d’Hécube, liens étendus qui tenaient les états environnants dans la dépendance du monarque troyen ?
Livre résumé pour la foule dans son titre, comme le « Tiers état » de Sieyès. […] Il a répété que, dans l’état de division où étaient les Français, l’abdication était nécessaire. […] C’est un état de sommeil lourd et sans rêve, ou c’est un état de sommeil traversé de rêves, d’hallucinations plutôt agréables. […] — Travaillons à changer l’état social, nous sommes ici précisément pour cela. […] En état social, le mensonge est toujours actuel.
Ses cris sont tout virils ; le soupir élégiaque, si fréquent dans la poésie féminine, ne l’est point dans la sienne… Madame Ackermann a trouvé, en poésie, des accents qui lui sont propres pour exprimer le dernier état de l’âme humaine aux prises avec l’inconnu : c’est là le caractère éminent de son œuvre.
Hugues, Clovis (1851-1907) [Bibliographie] La Femme dans son état le plus intéressant (Marseille, 1870)
Mourons donc, puisqu’enfin, dans l’état où je suis, La mort est l’espoir seul qui reste à mes ennuis.
Après avoir fait voir les deux armées aux prises, & avoir peint d’une maniere énergique la défaite du Duc, il lui adresse ainsi la parole : Grand Héros, qu’un excès d’amour & de valeur Engage aveuglément dans le dernier malheur, Tous tes autres exploits ont mérité de vivre ; Ils vivront à jamais sur le marbre & le cuivre : Tes sublimes vertus, dignes d’un meilleur sort, Effacent, à nos yeux, la honte de ta mort ; Et les siecles futurs, francs de haine & d’envie, Ne doivent pas juger de l’état de ta vie, Par l’instant malheureux qui surprit tes beaux jours D’une éclipse fatale au milieu de leur cours.
Mais c’étoit un fait dont j’avois été long-temps témoin oculaire ; & c’est ce que je suis en état de prouver par plusieurs lettres de Madame de la Fayette, & par l’original du manuscrit de Zaïde, dont elle m’envoyoit les feuilles à mesure qu’elle les composoit ».
Son Traité de la sainteté & des devoirs de l’état monastique, est écrit avec beaucoup de chaleur.
Des amis essayèrent de le tirer de cet état sombre. […] Littré en donnait en 1853 une deuxième édition, augmentée d’une Préface capitale dans laquelle il expose la loi des religions, comme il l’entend depuis qu’il est passé, disait-il, de l’état sceptique à une doctrine plus stable. […] Littré depuis une quinzaine d’années environ, il importe de se représenter l’état de la question, l’état de la science au moment où il y intervint. […] Littré, le néologisme marche toujours ; et il y a, tous les quarts de siècle ou les demi-siècles, de petits raccords à faire dans la langue comme dans toute institution mobile qui dépend de l’état de la société.
A. de Forges, le résumé des états de service du jeune officier. […] Le bon sens dira ce qu’il voudra de cette prétention ambitieuse, en supposant que l’interprétation que je donne soit juste ; il trouvera que c’est étrangement s’octroyer les droits et privilèges d’oint du Seigneur, et se faire à soi-même avec un suprême dédain les honneurs de la terre ; cela conduira plus tard M. de Vigny à sa théorie exagérée du poète, et finalement, à cet Exegi monumentum des Destinées : je sais les abus qu’on a vus sortir et qu’a trop tôt engendrés cette doctrine superbe tant de l’omnipotence que de l’isolement du génie ; mais ici, dans ce poème de Moïse, l’idée ne paraissait qu’enveloppée, revêtue du plus beau voile ; l’inspiration se déployait grande et haute ; elle restait dans son lointain hébraïque et comme suspendue à l’état de nuage sacré. […] Je ne répondrais pas que dans ces visites M. de Vigny ne se soit pas montré plus homme de lettres qu’il ne convenait peut-être à un homme du monde, qu’il n’ait point essayé de parler de lui comme il aurait désiré qu’on en parlât, qu’il n’ait point offert peut-être de donner une clef de sa pensée et de ses écrits à l’homme d’esprit qui se croyait fort en état de s’en passer ou de la trouver de lui-même. […] Chez quelques-uns, il n’existe et ne se dégage que dans la jeunesse, à l’état de vive flamme, et il ne luit dans son plein qu’un moment. […] L’infortune n’a changé que mon état.
— Quelques années plus tôt, en café, limonade, chocolat, orgeat, eaux glacées, le roi payait par an 200 000 francs ; plusieurs personnes étaient inscrites sur l’état pour dix ou douze tasses par jour, et l’on calculait que le café au lait avec un petit pain tous les matins coûtait pour chaque dame d’atour 2 000 francs par an232. […] Roch (c’était le nom de mon mentor) n’était pas en état de diriger leurs leçons ni de me mettre en état d’en profiter. […] Une grande dame « salue dix personnes en se ployant une seule fois, et en donnant, de la tête et du regard, à chacun ce qui lui revient267 », c’est-à-dire la nuance d’égards appropriée à chaque variété d’état, de considération et de naissance. « C’est à des amours-propres faciles à s’irriter qu’elle a toujours affaire, en sorte que le plus léger défaut de mesure serait promptement saisi268 » ; mais jamais elle ne se trompe, ni n’hésite dans ces distinctions subtiles ; avec un tact, une dextérité, une flexibilité de ton incomparables, elle met des degrés dans son accueil. […] Le temps nous emporte si vite, que je crois toujours être arrivé depuis hier au soir. » Parfois on arrange une petite chasse et les dames veulent bien y assister ; « car elles sont toutes fort lestes et en état de faire tous les jours à pied cinq ou six fois le tour du salon ».
On lui offre tous les honneurs et tous les bénéfices de l’Église, s’il veut entrer dans l’état ecclésiastique ; sa nature légère et libre se refuse à la gravité de cette profession. […] Mozart avait perdu son père, qui mourut à Salzbourg, le 28 mai 1787, à l’âge de soixante et dix ans, dans un état voisin de la misère, mais heureux devant Dieu et devant les hommes d’avoir accompli sa mission en donnant au monde le plus sublime des compositeurs. […] « En moins d’une heure je me trouvai à la porte de la maison paternelle ; au moment où mes pieds touchèrent la terre où j’avais eu mon berceau et où je respirai les tièdes haleines de ce doux ciel natal qui m’avait nourri, et qui m’avait donné l’aliment de la vie pendant tant de jeunes années, je fus pris d’un tremblement de tous mes membres, et une telle sensation de reconnaissance et de piété courut dans mes veines, que je restai pendant un certain temps immobile et comme incapable de tout mouvement, et je ne sais combien de temps je serais demeuré dans cet état si je n’avais entendu tout à coup, du haut du balcon, une voix qui sembla m’ébranler doucement le cœur, et que je crus reconnaître pour une voix anciennement connue de mon oreille. […] « Il faudrait n’avoir point de cœur dans la poitrine pour ne pas concevoir l’état d’un vieillard qui passait de beaucoup quatre-vingts ans dans un événement si surnaturel. […] « Maintenant, je suis plus maître de mes sensations, et je me sens en état, mon cher Théodore, de t’indiquer ce que j’ai cru saisir dans l’admirable composition de ce divin maître.
Sa philosophie fraternelle commence à peine à être sensible dans la législation et dans la politique ; son ère gouvernementale n’est pas encore venue même dans la littérature d’état. […] Les écrivains politiques en état de frénésie ou de cécité qui se sont faits les organes de cette théorie de la liberté illimitée, et qui ont été assez malheureux pour se faire des adeptes, n’ont pas réfléchi que tout jusqu’à la plume avec laquelle ils niaient la nécessité de la loi était en eux un don, un bienfait, une garantie de la loi ; que l’homme social tout entier n’était qu’un être légal depuis les pieds jusqu’à la tête ; qu’ils n’étaient eux-mêmes les fils de leurs pères que par la loi ; qu’ils ne portaient un nom que par la loi qui leur garantissait cette dénomination de leur être, et qui interdisait aux autres de l’usurper ; qu’ils n’étaient pères de leurs fils que par la loi qui leur imposait l’amour et qui leur assurait l’autorité ; qu’ils n’étaient époux que par la loi qui changeait pour eux un attrait fugitif en une union sacrée qui doublait leur être ; qu’ils ne possédaient la place où reposait leur tête et la place foulée par leurs pieds que par la loi, distributrice gardienne et vengeresse de la propriété de toutes choses ; qu’ils n’avaient de patrie et de concitoyens que par la loi qui les faisait membres solidaires d’une famille humaine immortelle et forte comme une nation ; que chacune de ces lois innombrables qui constituaient l’homme, le père, l’époux, le fils, le frère, le citoyen, le possesseur inviolable de sa part des dons de la vie et de la société, faisaient, à leur insu, partie de leur être, et qu’en démolissant tantôt l’une tantôt l’autre de ces lois, on démolissait pièce à pièce l’homme lui-même dont il ne resterait plus à la fin de ce dépouillement légal qu’un pauvre être nu, sans famille, sans toit et sans pain sur une terre banale et stérile ; que chacune de ces lois faites au profit de l’homme pour lui consacrer un droit moral ou une propriété matérielle était nécessairement limitée par un autre droit moral et matériel constitué au profit d’un autre ou de tous ; que la justice et la raison humaine ne consistaient précisément que dans l’appréciation et dans la détermination de ces limites que le salut de tous imposait à la liberté de chacun ; que la liberté illimitée ne serait que l’empiétement sans limite et sans redressement des égoïsmes et des violences du plus fort ou du plus pervers contre les droits ou les facultés du plus doux ou du plus faible ; que la société ne serait que pillage, oppression, meurtre réciproque ; qu’en un mot la liberté illimitée, cette soi-disant solution radicale des questions de gouvernement tranchait en effet la question, mais comme la mort tranche les problèmes de la vie en la supprimant d’un revers de plume ou d’un coup de poing sur leur table de sophistes. […] Il leur insinuait les grands principes d’où dépend le bonheur de l’homme vivant en société ; il entrait dans les plus petits détails des obligations particulières à leur état. […] Il persista dans ce même état l’espace de cinq nouveaux jours, après lesquels, faisant réflexion que puisqu’il avait rempli avec la dernière exactitude tout ce que les anciens pratiquaient en pareille occasion, il était temps qu’il se rendît enfin à la société, et qu’il serait coupable envers elle s’il continuait à écouter sa douleur, préférablement à ce que lui suggérait la raison d’accord avec le devoir. […] Le triste état des choses et des mœurs dans lequel je laisse la terre prouve, hélas !
À la fin du deuxième jour, j’examinai l’état des choses, et reconnus que l’extérieur d’un vaste nid sphérique s’en allait terminé, et que tous les matériaux provenaient du vieux chaume, quoiqu’il fût tout noir et à moitié pourri. […] Je regardai dedans : il était vide, mais propre et en bon état, comme si les propriétaires absents comptaient y revenir avec le printemps. — Déjà sur chaque tige les bourgeons étaient gonflés ; quelques arbres même se paraient de fleurs ; mais la terre était encore couverte de neige, et, dans l’air, on sentait toujours le souffle glacial de l’hiver. […] c’en était trop : je refusai de prendre son couteau, et lui dis de garder son fusil en état, pour le cas où nous rencontrerions un couguar ou un ours. […] Quelque temps il souffrit d’un désespoir profond, sous son nouveau maître ; mais, ayant retenu dans sa mémoire le nom des diverses personnes qui avaient acheté chacune une partie de sa chère famille, il feignit une maladie, si l’on peut appeler feint l’état d’un homme dont les affections avaient été si cruellement brisées, et refusa de se nourrir pendant plusieurs jours, regardé de mauvais œil par l’intendant, qui lui-même se trouvait frustré dans ce qu’il avait considéré comme un bon marché. […] Deux ou trois jours avant d’être en état de s’envoler, ils grimpent en haut du mur, jusqu’auprès de l’ouverture de la cheminée à l’abri de laquelle ils ont grandi.
Jamais je n’ai éprouvé que l’individu eût une valeur essentielle, que mon moi subît les contrecoups de mes apparences, de mes états, de mes actes successifs, de ce que j’éprouvais et de ce qui m’arrivait. » Après une telle constatation, quelle raison déciderait l’homme à se confiner au sein d’une petite réalité exploitable ? […] Que l’esprit ne soit point d’accord avec le monde extérieur, qu’il se refuse à suivre les contours des objets, des faits, ne sache en tirer aucun parti et même, le cas échéant, se refuse à en tirer aucun parti, voilà qui ne saurait être donné en preuve de son mauvais état. […] Mais enfin commencent à être jugées à leur prix les raisons que donnèrent pour vanter leurs taudis les gardiens de ce bric-à-brac et, déjà, nous pouvons affirmer que la crise de l’esprit ne suit point les oscillations d’une plus ou moins grande prospérité matérielle, ne désigne point l’état d’une intelligence révoltée contre le bluff d’un monde arbitrairement raisonnable mais au contraire mérite de qualifier les minutes, les années, les siècles où l’esprit croit à sa puissance parce qu’il se traîne à l’aide des béquilles réalistes. […] bs » Quel discours mieux que cette page d’André Breton pourrait préciser l’état des choses ? […] Ce pseudo proverbe éluardien semble fustiger l’attitude de conservation nostalgique des états antérieurs de soi, la pusillanimité du sujet résistant à la mouvance des choses.
L’état d’enveloppement de toutes les parties de la nature humaine, tel est le caractère de l’Orient. […] C’est en quelque sorte l’état d’innocence, l’âge d’or de la pensée. […] L’hypothèse d’un état de paix perpétuel dans l’espèce humaine est l’hypothèse de l’immobilité absolue. […] Tel est l’état de la philosophie de l’histoire. […] L’histoire de la philosophie est nécessairement relative, dans une époque donnée, à l’état de la philosophie spéculative dans cette même époque ; c’est un point incontestable ; et il est incontestable encore que dans toute époque l’état de la philosophie spéculative est relatif à l’état général de la société.
Barrès, l’état de 1900), il usurpe, et de toute la distance qu’il y a d’une châtaigne à une truffe. […] On n’y voit Flaubert qu’à l’état érotique, colérique ou dégoûté. […] Mais l’étonnement ne doit être en général qu’un commencement, qui nous mène à cet état où l’on ne s’étonne plus, parce qu’on s’explique et que l’on comprend. […] Ils ont dû vivre en état de lutte contre ce qu’il y avait de nouveau et de vraiment progressif dans la littérature de leur temps. […] La chute de Delcassé a créé l’état de menace de guerre qui a modelé la génération entrée au lycée après 1902 et qui a préparé 1914.
Le père d’Alexis, Aimé Piron, maître apothicaire de son état, et qui vécut quatre-vingt-sept ans, fut l’ami et le rival de La Monnoye, ou plutôt son second en matière de noëls. […] Pour moi, je crois que l’Altesse eût gagné à l’échange, et que j’aurais un peu mieux représenté le joyeux Piron (c’est-à-dire le père), qui plus de quarante à cinquante fois dans sa vie a fait l’âme du repas du tiers état. […] Un jour, dans une querelle avec son père sur le choix d’un état, les choses en vinrent au pire, si bien que, pour éviter une correction, Alexis dut se sauver et prendre l’escalier au plus vite ; mais après la quatrième marche, il se ravisa en criant : « Halte-là, mon père ! […] Piron nous a raconté lui-même, dans la préface de la Métromanie, comment ses parents, tout bons Gaulois qu’ils étaient, prétendaient l’engager dans un état régulier et le voulurent faire prêtre d’abord, puis médecin, puis avocat. […] Très-pauvre et assez peu en état de se gouverner, il eut des amis généreux, qui lui firent accepter, sans se nommer, de petites rentes viagères.
Et tout en causant des raisons littéraires, qui sont la cause de cet état, et qui nous tuent les uns après les autres, nous nous étonnions du manque de rayonnement autour de cet homme célèbre. […] Les uns et les autres se confient les hallucinations de leur mauvais état nerveux. […] Ce commerce n’est plus, chez le vendeur, un état d’infériorité vis-à-vis de l’acheteur, qui semble au contraire l’obligé du vendeur. […] Tout le monde aussitôt, rue Chauchat, où jusqu’à sept heures, nous touchons, nous manions, nous palpons des raretés, en un état de fatigue tout proche de l’évanouissement. […] En les donnant, le prince s’est excusé du mauvais état de ses armes, disant que ses amis s’en servaient, à Paris, pour couper les bouchons de Champagne.
Si ces îles avaient existé primitivement à l’état de chaînes de montagnes au milieu de terres étendues, au moins quelques-unes d’entre elles seraient formées, comme les autres sommets montagneux, de granit, de schistes métamorphiques et d’anciennes roches fossilifères ou autres analogues, au lieu de consister seulement en épaisses masses de matières volcaniques148. […] Dans le cours de deux mois, j’ai recueilli dans mon jardin douze espèces de graines, provenant des excréments de petits oiseaux ; elles paraissaient en parfait état, et celles que je semai germèrent. […] En tenant compte de ce que les productions tropicales étaient en état de souffrance, et incapables de présenter un ferme front de défense contre les envahisseurs, il me semble donc possible qu’un certain nombre des formes tempérées les plus vigoureuses et les plus dominantes aient pénétré dans les rangs des natifs, et soient arrivées jusqu’à l’équateur et même au-delà. […] L’océan serait entré en ébullition, et dans l’ombre, dans les ténèbres, tous les êtres vivants eussent été réduits à l’état de marrons ou de homards cuits en vases clos, ce qui serait bien loin d’expliquer la grande extension des glaciers. […] Des matières gazeuses ou vaporeuses se dilatent par la chaleur au lieu de se contracter, et cette masse de vapeur, en contact avec le soleil, serait bien vite arrivée à un état incandescent.
J’aurai occasion de revenir sur cette constatation à propos de l’état religieux et moral du peuple russe. […] … » — Il n’y a pas la moindre épigramme dans ceci ; je constate simplement un état de civilisation différent. […] La nature de ses souffrances est imparfaitement connue, comme l’état de son esprit durant les dernières années. […] ajouter d’autres éloges, et qu’est-ce que le surcroît des habiletés de l’esprit dont nous faisons tant d’état ? […] … Vous savez, elle descendait jusqu’aux genoux… J’ai hésité longtemps ; mais qu’en faire, dans mon état ?
Ce sont ces remerciements pour un service noblement rendu et universellement senti, que lui apportaient aujourd’hui les milliers de citoyens qui sont venus s’enquérir de son état à son domicile et dans nos bureaux.
Georges Pioch a voulu célébrer en ces Instants de ville ; ce sont, au contraire, les visions austères et tristes de la ville du peuple de l’ouvrier — et c’est avec des traits ordinairement exacts et souvent profonds que le poète évoque les aspects et les états des milieux ouvriers : tantôt c’est la rue, tandis que Le matin, morne et clair, sonne comme une enclume.
Despréaux, si délicat là-dessus, ne le nioit pas ; & quand on lui demandoit, pourquoi donc au troisieme Chant de son Lutrin, & dans sa neuvieme Satire, il en avoit parlé avec mépris, il répondoit, qu’au lieu d’Hesnault, il avoit d’abord mis Boursault, & ensuite Perrault, avec lesquels il s’étoit réconcilié, & leur avoit substitué, en dernier lieu, Hesnault, qui, étant mort dès 1682, étoit hors d’état de former aucune plainte. »
Par son secours, il se trouvoit en état de citer à tout propos & sur toutes sortes de sujets, des morceaux Grecs, Latins, Italiens, François, quantité d’Historiettes & de Bons Mots qu’il avoit appris, soit dans les livres, soit dans les sociétés.
Il eut encore cela de particulier, que, malgré la pétulance de son caractere, ses mœurs furent toujours pures, sa conduite toujours conforme aux devoirs de son état, son ame toujours sensible au sort des malheureux.
Personne ne sera tenté d’abuser de votre état et de votre sommeil.
Quoique plus à plaindre, il n’en est guère plus malheureux : car ce malheur de l’état d’ignorance, quelque réel qu’il soit, n’est ni apprécié ni senti que par ceux qui s’élèvent au-dessus. […] C’est-là pourtant l’état auquel voudroit nous réduire un de ces Philosophes nouveaux, qui emploie toute son éloquence à soutenir les plus étonnans paradoxes. […] C’est par lui qu’ils reçurent une nouvelle vie : ses progrès réparèrent avec rapidité les pertes des siècles précédens, & les bons Auteurs, multipliés par l’impression, trouvèrent bientôt une foule de lecteurs, en état de les entendre & de les lire avec fruit. […] Personne ne fut plus à sa place, chacun sortit de son rang, la corruption gagna tous les états, & l’esprit se ressentit de ce désordre extrême. […] Rien n’annonçoit plus le mauvais état des lettres & la décadence du bon goût, que cette foule de Romans de toute espèce, qui se succédoient les uns aux autres si rapidement, que les femmes même ne pouvoient suffire à les lire tous.
Et comme on le pousse là-dessus, Bonnetain avoue qu’il a une maladie de cœur, venue à la suite de scènes dont il a été le triste témoin, et qu’aujourd’hui encore, les cris, les chamaillades le mettent dans un tel état nerveux, que dans sa maison, où il y a un ménage qui se dispute fréquemment, quand cela arrive, il se lève de sa table et quitte son travail. […] Et nos paroles remuent beaucoup de choses, et Drumont le chrétien et le socialiste, se déclare contre le revenu de l’argent, contre l’héritage : déclaration qui fait entrer Mme Daudet, dans une belle colère, pendant qu’elle couve, de la tendresse de ses yeux, ses trois enfants, et que Drumont répète assez drolatiquement : « Que voulez-vous, je suis sociologue… mon état est d’être sociologue ! […] Daudet. — Oui, oui… d’autant plus que ce livre, il faudrait le préparer par un voyage, fait par soi-même, choisir ses décors… Enfin, je ne sais, il me semble que ce livre irait à la trépidation de mon cerveau… à mon état maladif, quoi ! […] Une émotion qui me fait sauter de mon lit de très bonne heure, et un état nerveux qui me rend le transport en voiture insupportable, comme inactif, et me fait descendre longtemps, avant d’arriver au théâtre. […] Samedi 8 décembre Un fichu état nerveux, qui me met des larmes dans les yeux, quand dans la correction des épreuves, je relis ma pièce.