Mille et mille générations en ont souffert. […] Une fois reçus dans ses salons, ils devenaient un peu ses prisonniers et leur intégrité artistique en souffrit certainement. […] Le malaise général dont souffre le bas peuple français et le haut avec lui, est le signe d’une anarchie, d’un désordre, d’une vicissitude plus graves encore. […] Ils définissent les maux essentiels dont nous souffrons. […] Ceux qui en profitent par rapport à ceux qui en souffrent, s’acharnent à conserver les privilèges.
C’est pourquoi il était disposé à tout souffrir plutôt que de donner un signe de faiblesse. […] On lui redressait le pied douloureusement dans une machine de bois pendant qu’il prenait sa leçon de latin, et son maître le plaignait. « Ne faites pas attention si je souffre, monsieur Roger, dit l’enfant ; vous n’en verrez aucune marque sur ma figure1248. » Tel il était enfant, tel il demeura homme. […] Véritablement chaque mot ici notait une émotion des yeux ou du cœur. « Cet azur tendre de la mer unie ; ces mousses des montagnes brunies par un ciel ardent1267 », ces îles « dans leurs robes de brume, rayées de bandes brunes et pourprées », toutes ces beautés imposantes ou sereines, il en avait joui et parfois souffert, et c’est pour cela que nous les voyons à travers ses vers. […] De là deux misères : on souffre, et l’on est tenté, quand on est sûr du secret, de jeter bas la vilaine machine étouffante. […] Dans cette large carrière ouverte, le plébéien souffrait de sa médiocrité et le sceptique de son doute ; le plébéien, comme le sceptique, atteint d’une mélancolie précoce et flétri par une expérience prématurée, livrait ses sympathies et sa conduite aux poëtes, qui disaient le bonheur impossible, la vérité inaccessible, la société mal faite, et l’homme avorté ou gâté.
Car patienter c’est souffrir, et patienter tout de même. […] Et les autres, Jeanne d’Arc, Jésus ont été tellement comblés en plus d’une autre sorte de grâce, d’une sorte de grâce de disgrâce, qu’ils ont souffert aussi, qu’ils ont exploré de souffrir dans la catégorie d’être malheureux. […] Quoique souffre pareillement saint Louis il ne le souffre que des infidèles. Il ne le souffre qu’aux frontières. Il ne le souffre qu’à l’ennemi et par l’ennemi.
Du reste, les troupes dramatiques n’étaient jamais composées que d’hommes : la sévérité anglaise et puritaine n’eût pas souffert de femmes sur la scène. […] si mon âme doit souffrir pour mon péché, mettez quelque terme à ma punition ! […] Le lecteur français souffre seulement d’y voir le caractère de Jeanne d’Arc indignement travesti par le préjugé brutal du poète. […] Le génie n’est jamais mieux inspiré que par les sentiments dont il a souffert. […] Presque autant persécuté que Voltaire par les injustices de la satire, il en souffrit, et s’en vengea de même.
je saurai souffrir… pas un reproche ! […] Les autres, au contraire, ont constamment à souffrir de cet antagonisme entre les idées dont ils portent le germe et celles qui dominent leur époque, et ce contraste se traduit pour eux en désenchantements amers, en douleurs poignantes, en suprêmes lassitudes. […] La rue ne fit peur qu’un moment, après quoi la bourgeoisie intelligente, riche d’écus et d’idées, se croyant maîtresse du terrain et sûre de recueillir les bénéfices de la victoire, laissa faire, dire et écrire ce qu’elle n’eût certainement pas souffert si elle avait été plus effrayée. […] Ce fut là qu’il vécut, qu’il souffrit, qu’il régna, si l’on peut donner sans ironie le nom de règne à cette douloureuse agonie qui se prolongea de la mort du père jusqu’à la mort du fils. […] Cette âme d’enfant devine tout ce qu’on souffre autour d’elle et pressent ce qu’elle-même va souffrir.
Il y aurait eu, du temps de Fronton, un retour aux anciens, aux plus anciens qu’Horace, et celui-ci en aurait souffert, comme, par exemple, Boileau, de nos jours, a pu souffrir d’un retour vers Regnier. […] Elle n’a pas changé, Lune toujours chérie ; Je souffre ; et de mes maux pourtant la rêverie M’entretient et me plaît ; j’aime le compte amer De mes jours douloureux. […] Je souffre et je suis las, endors mes yeux calmés, Souveraine du temps !
Ils ressemblent à ces femmes bien élevées et sans richesses, qui ne peuvent souffrir un époux vulgaire, et à qui une union mieux assortie est interdite par la fortune. […] Des années se passèrent pour moi à souffrir, à me contraindre, à me dédoubler. […] C’était l’image de la bonté de M. de Mareste : gaie et chaude à l’intérieur avec les heureux du monde ; sensible, et humide et compatissante au dehors avec ceux qui souffrent et qui pleurent ; aimé de tout le monde, des heureux parce qu’il partage leur gaieté, des malheureux parce qu’il pleure sur eux comme eux-mêmes. […] Je souffrais dans mon amour-propre, mais je conquérais, comme vous aussi, cent mille lecteurs et un million d’auditeurs, au lieu de quelques centaines d’admirateurs.
Nous apprenons de lui, aujourd’hui encore, non pas à vivre en Dieu, mais à vivre en nous, et de façon à ne point souffrir des hommes. […] Mais, outre que nous ignorons ce qu’il put souffrir, il est trop clair que les âmes les plus délicatement impressionnables et tendres, les plus « amoureuses d’aimer », sont celles qui répugnent le plus à ce qu’il y a de nécessaire dureté, de brutalité — et de haine — dans l’amour-maladie. […] C’est par là surtout qu’elle fut intéressante ; et c’est par là seulement que souffrit cette créature joviale. […] Mais on ne saurait douter qu’il n’ait cruellement souffert de sa situation subalterne et des prudences qu’elle lui imposait.
Au milieu de ces revers, qui affectent si profondément l’honneur militaire et l’avenir de la monarchie, l’apathie de Louis XV est complète ; « Il n’y a pas d’exemple qu’on joue si gros jeu avec la même indifférence qu’on jouerait une partie de quadrille. » Le seul honneur de Bernis chargé de la partie politique, mais naturellement exclu des questions militaires, et qui n’a qu’un peu plus de faveur que les autres sans avoir plus d’autorité et d’influence aux heures décisives, est de comprendre le mal et d’en souffrir : « Sensible et, si j’ose le dire, sensé comme je suis, je meurs sur la roue, et mon martyre est inutile à l’État. » Il demande un gouvernement à tout prix, du nerf, de la suite, de la prévoyance : « Dieu veuille nous envoyer une volonté quelconque, ou quelqu’un qui en ait pour nous ! […] Il y a un an que je souffre le martyre.
En France, trop de science chez les femmes, et surtout l’affiche et le diplôme qui y serait attaché, nous a toujours paru contre nature : « Nous avons bien de la peine à permettre aux femmes un habit de muse, disait Ginguené en parlant de celles qui font honneur à l’Italie : comment pourrions-nous leur souffrir un bonnet de docteur ? […] Une de ces difficultés, c’est, dit-elle, que « la plupart des gens sont gâtés aujourd’hui par la lecture de quantité de livres vains et frivoles, et ne peuvent souffrir ce qui n’est pas dans le même goût.
Il a jugé que cette sorte d’éloquence ne pouvait souffrir deux Balzacs, non plus que l’empire d’Asie deux souverains, et le monde deux soleils ; que même la nature, je dis la jeune nature, lorsqu’elle était la plus féconde en miracles34, eût eu de la peine de produire en France deux hommes faits comme vous, et que sur son déclin, pour vous donner au monde, elle a épuisé ses derniers efforts. […] Dès ce premier ouvrage il opposait assez finement la modestie de Voiture, ou du moins son bon goût à repousser les éloges trop directs, à la passion bien connue de Balzac pour les compliments, et à ce grand appétit de louange qu’il ne craignait pas de lui rappeler, en l’en supposant gratuitement guéri : Je suis assuré que s’il (Voiture) revenait au monde, et qu’il fût informé des bonnes qualités de M. de Girac et de la franchise de son procédé, il ferait tous ses efforts pour le satisfaire, et pour l’éclaircir de ses doutes ; car je suis obligé de rendre ce témoignage de lui, que je n’ai connu personne, jusques ici, qui souffrît de meilleure grâce qu’on le contredît et qu’on eût des opinions contraires aux siennes.
Pendant que Frédéric s’appliquait, après tant de désastres, à rétablir toutes les parties de l’État qui avaient souffert, soignant l’agriculture et l’industrie, attirait chez lui les populations voisines, faisait bâtir des villages, rendait à l’armée sa discipline et le ton de solidité qu’elle avait autrefois, et, en cela comme dans le veste, moins inventeur et novateur que praticien, « se bornait à donner par la routine, par de continuels exercices, aux officiers et aux troupes, l’intelligence et la fermeté dans tous les mouvements, pour être sûr d’eux à l’occasion s’il était nécessaire de les employer dans le sérieux » ; pendant que chaque jour, depuis le matin jusqu’à la nuit, il remplissait ainsi en conscience son devoir de chef et de tuteur de peuple, il fut atteint de la plus cruelle des douleurs. […] Notez que, la première douleur épanchée, Frédéric n’aimait pas à y revenir en paroles : il remuait le moins qu’il pouvait les tristes souvenirs, et ne rentrait pas volontiers dans les pertes sensibles qu’il avait faites : « Pour moi, j’évite avec soin, disait-il, tous les endroits où j’ai vu des personnes que j’ai aimées : leur souvenir me rend mélancolique, et quoique je sois tout préparé à les suivre dans peu, je souffre cependant de ne plus jouir de leur présence. » C’est que son deuil était un deuil qu’un rayon consolateur n’éclairait pas. — « Le système merveilleux répugne à la sincérité de mon espritag », disait-il encore.
Ce qu’elle espéra, ce qu’elle agita de pensées tumultueuses, ce qu’elle souffrit en ces moments, nous est révélé par des lettres de David Hume, le grand historien et philosophe, qui était devenu l’ami intime de Mme de Boufflers, son conseiller, une espèce de confesseur pour elle au moral24. […] Mme de Boufflers pourtant ne suivit pas son conseil ; sans doute elle ne s’en trouva pas la force ; elle resta jusqu’à la fin aussi liée avec le prince, aussi assidue, aussi dévouée : elle souffrit et renferma en elle sa souffrance.
M. de Harlay était trop courtisan et trop voué à son ambition pour avoir le sentiment de la justice ; mais il était doux, d’un naturel humain, et il dut souffrir de ces sévérités exigées en son nom et pour sa défense. […] Les intérêts ne pardonnent pas, et l’archevêque eut sensiblement à souffrir depuis lors de la part de ce même Clergé qu’il avait si longtemps mené à son gré.
Mais enfin je retrouve quelqu’un qui laisse la note dans son naturel et qui me prend par mes fibres délicates, sans me heurter, sans m’offenser et me faire souffrir. […] Dominique qui, de son côté, essaye de tout pour se guérir, qui s’est jeté dans une vie intellectuelle forcée et qui a complètement cessé de la voir, visitant un jour un Salon d’exposition, s’arrête tout étonné devant une figure de femme, signée d’un illustre pinceau, et tout effrayante de réalité et de tristesse : il y peut lire dans un reflet étrange, dans un regard foudroyant d’éclat, l’aveu d’une âme qui souffre et qui aime.
Collé, de sa personne, était et reste, à nos yeux, le plus parfait exemple, et peut-être le dernier, de la pure race gauloise non mélangée ; c’est le dernier des Gaulois : ennemi de l’anglomanie, de la musique italienne, des innovations en tout genre, ennemi des dévots et des Jésuites, il ne pouvait non plus souffrir Voltaire, trop brillanté selon lui, trop philosophique, trop remuant, un Français du dernier ton et trop moderne, il l’appelait « ce vilain homme », et il abhorrait aussi Jean-Jacques à titre de charlatan. […] Collé restait trop exclusivement gaulois et ne souffrait point qu’on fît un pas en avant ; il abondait dans son sens et dans ses goûts : c’était une fin et un bout du monde qu’une telle manière d’être non renouvelée.
Il souffrait et l’on souffrait autour de lui d’être hors d’état de rien entreprendre et de ne pouvoir renouveler la leçon de La Marsaille : « Au nom de Dieu, écrivait Tessé le 30 juin 1694. que le roi se détermine à prendre la vaisselle d’argent de cent hommes qui la lui enverront de bon cœur, et ayons une fok dans la vie de quoi donner les étrivières à tous ces gens-là.
Mme Dufrenoy que je vois en cela semblable à d’autres personnes qui ont souffert du désaccord conjugal et qui n’ont point trouvé de satisfaction complète ailleurs, dans les passions inspirées ou ressenties, en était venue à placer naturellement le bonheur dans la situation contraire à la sienne, c’est-à-dire dans un bon mariage, dans une union bien assortie. […] » et je souffrais horriblement de ne pouvoir pleurer.
Sa santé, qui ne fut jamais robuste, avait souffert dans cette campagne d’hiver, et le 8 mars 1807, du quartier général d’Osterode, Berthier avisait le ministre directeur de l’administration de la guerre « d’un congé de quatre mois pour raison de santé, accordé par l’Empereur au colonel Jomini, attaché à l’état-major impérial. » Le 9 avril, il était dans son pays natal, à Payerne, hésitant entre les eaux de Baden et celles de Schinznach. […] Avec cette différence toutefois, que la guerre n’est pas de la géométrie pure, ni de la pure analyse ; qu’elle se fait sur des hommes et avec des hommes ; que, n’y eût-il que la fraternité des armes, si l’on vient un jour à la briser, on en souffre, et que, fût-on strictement dans son droit, le cœur saigne.
Il nous insinue une sérénité fataliste, qui est un grand bien ; il assoupit en nous toute la partie douloureuse de nous-mêmes ; et ce qui est charmant, c’est que nous la sentons qui s’endort et que nous nous en souvenons sans en souffrir Il serait beau de voir un jour (et pourquoi pas ?) […] Pourtant il sait que l’homme souffre ; Mais il sonde l’éther profond… La Judée avait le prophète, La Chaldée avait le berger… La foule raillait leur démence, Et l’homme dut, aux jours passés, A ces ignorants la science, La sagesse à ces insensés… Ce roman du Berger est, à mon avis, le chef-d’œuvre de M. de Glouvet.
Au théâtre, comme dans la vie, le jeune homme a toujours souffert, plus ou moins, de la maladie qui rongeait Panurge, et que Rabelais appelle « faute d’argent ». […] On meurt ou l’on souffre à présent de cette plaie d’argent jadis si facile à guérir.
Enfin, madame, vous me verrez plutôt me retirer du monde ou l’aimer d’amour, que de souffrir qu’il soit à l’avenir tourmenté pour moi et par moi… M. d’Argental n’eut point connaissance de cette lettre dans le temps où elle fut écrite. […] Le siècle qui allait être celui de Voltaire ne pouvait souffrir longtemps un tel désaccord entre les divers interprètes des arts, et Mlle Le Couvreur fut la première, non pas à protester, mais (ce qui vaut mieux) à opérer doucement une révolution par le charme de son influence.
Songez que j’ai fait un voyage éloigné, que je ne souffre pas, que si je pouvais sentir, je serais heureux et content, pourvu que vous le soyez. […] Voilà l’explication la plus plausible, dans les termes mêmes où je la reçois ; et, malgré tout, le sentiment moral persiste à souffrir d’une dénégation si formelle de la part de Barnave.
Il y a là de quoi les faire souffrir et crier. […] je ne puis souffrir les tièdes, et j’aime mieux être haï de mille à outrance, et aimé de même d’un seul.
Dans le monde et dans les familles on se montra sensible à un tel éclat comme on devait l’être ; on rougit, on souffrit. […] Elle cherchait à se faire une loi de ses devoirs ; elle souffrait, elle rêvait, elle avait dans les yeux des larmes vagues, quand elle vit un jour entrer chez elle M. de Francueil, homme jeune, aimable, élégant, amateur de musique comme elle, poudré comme il le fallait, le type d’un premier amant d’alors.
Bazin lui-même était de ceux qui prennent tout d’abord dans leur esprit la mesure des autres, et qui peut-être souffrent un peu de ne pouvoir donner à l’instant la leur : il en résulte que, plus tard, trop tard, quand on leur accorde ce qui leur est dû, ils n’en savent pas gré, et ne répondent au succès qu’avec un demi-sourire ; l’habitude de l’ironie est contractée. […] Et ce cœur souffrait d’un mal celé jusqu’à sa dernière minute.
Il ne pouvait souffrir ce qui était haché, saccadé, et c’était un défaut qu’il reprochait à Montesquieu. […] Il souffrait qu’on parlât de lui et de son génie à bout portant, et il en parlait lui-même avec bonhomie, comme en parlait déjà son siècle et comme allait faire la postérité.
L’assertion, si flatteuse pour moi, souffre cependant, de part et d’autre, quelques exceptions. Elle en souffre surtout quant au mode de talent et de nature.
Sa nature calme et peu passionnée ne paraît point avoir souffert d’ailleurs d’une telle union : En l’année 1639, ayant épousé M. de Motteville, dit-elle, qui n’avait point d’enfants et avait beaucoup de biens, j’y trouvai de la douceur avec une abondance de toutes choses ; et si j’avais voulu profiter de l’amitié qu’il avait pour moi, et recevoir tous les avantages qu’il pouvait et voulait me faire, je me serais trouvée riche après sa mort. […] Le ministre, de même, semblait par son adresse faire un bon usage des malédictions publiques ; il s’en servait pour acquérir auprès de la reine le mérite de souffrir pour elle… On sent, dans ces passages et dans tout le courant du style de Mme de Motteville, une imagination naturelle et poétique, sans trop de saillie, et telle qu’il seyait à la nièce de l’aimable poète Bertaut.
Marmont, mis hors de combat par de si graves blessures, fut transporté à Burgos et jusqu’à Bayonne, et reçu partout avec les honneurs dus à sa dignité : « Spectacle imposant, dit-il, de cette entrée en pompe d’un général d’armée mutilé sur le champ de bataille, porté avec respect devant les troupes, entrant au bruit du canon et escorté de tout son état-major. » Et comme il faut que l’esprit français se trouve partout, même dans les revers : « Je fis la plaisanterie, ajoute-t-il, de dire que j’avais, pendant ce voyage, assisté plusieurs fois à l’enterrement de Marlborough. » Sur la foi de son chirurgien Fabre, Marmont résista à toutes les insinuations qu’on lui faisait de se laisser couper le bras (qui était le bras droit) ; il aima mieux souffrir et obtenir une lente guérison. […] Mes blessures étaient encore ouvertes, mon bras sans aucun mouvement, et soutenu par une écharpe ; il me demanda comment je me portais, et quand je lui eus dit que je souffrais encore beaucoup, il répondit : « Il faut vous faire couper le bras1. » Je lui répliquai que je l’avais payé assez cher par mes souffrances, pour tenir aujourd’hui à le conserver ; et cette singulière observation en resta là.
Souffrez que je vous fasse un aveu de ma faiblesse ; je rougis en le faisant : l’amitié vient de me faire faire des vœux que l’ambition ne m’aurait jamais arrachés. […] Je regarde avec des yeux d’indifférence tout ce qui m’attend, sans désirer la fortune ni la craindre, plein de compassion pour ceux qui souffrent (son père à l’agonie), d’estime pour les honnêtes gens et de tendresse pour mes amis.
Dans ses huit volumes de romans, où figurent tous les exemplaires de la race humaine, du paysan au prince, de la petite fille aux vieilles moribondes, chaque acteur agit, existe et souffre, avec toute l’intensité d’un être en chair, avec des gestes particuliers, une physionomie minutieusement évoquée, des façons individuelles de se tenir, de s’exprimer, de se comporter, d’aimer ou de mourir, qui suscitent peu à peu chez le lecteur des images nettes et comme familières. […] Si son intelligence lui dit les causes nécessaires de tout le mal, elle instruit sa sensibilité à n’en pas souffrir.
Orateur ardent et grave, peintre passionné des angoisses philosophiques, après avoir construit plusieurs morceaux de la science, il a souffert qu’une équivoque involontaire, fruit d’un penchant secret, vînt rompre le tissu serré et savant de sa morale. […] Les rudes apostrophes, les dénonciations, la vie militante de la Chambre auraient brisé sa nature passionnée et délicate ; il aurait trop senti et trop souffert.
Le sens lui-même souffre de ce sans-gêne.
Il n’est pas jusqu’à l’abbé de Gondi qui ne quitte trop souvent sa soutane pour se battre en duel, aller à la brèche, au bal, ou se déguiser en menuisier ; et l’on souffre en voyant le sensé De Thou si enfoncé dans l’étude qu’au moment de la conspiration il ignore tout ce qui s’est passé en politique depuis trois mois, et qui pourtant se pique d’être au fait par amour-propre : ce ridicule est digne du Dominus de Guy-Mannering.
Disons néanmoins, et avec regret, que cette pitié pour les innocents n’est pas égalée par son indignation contre les bourreaux ; l’idée que ceux-ci, quels qu’ils aient pu être, ont sauvé la France de l’invasion, a trop arrêté sa plume prête à les flétrir ; il s’est trop répété que le plus énergique alors était aussi le plus digne du pouvoir ; et je souffre qu’il ait dit, en déplorant la mort des Girondins : « On ne pourrait mettre au-dessus d’eux que celui des Montagnards qui se serait décidé pour les moyens révolutionnaires par politique seule et non par l’entraînement de la haine. » Non, nul Montagnard, fût-il tel qu’on le veut, un Carnot ou tout autre pareil, ne pourrait être mis au-dessus des proscrits du 2 juin ; l’assassin n’est jamais plus noble que l’assassiné.
La génération surtout qui était venue trop tard pour participer à l’effervescence politique et s’embraser à l’illusion révolutionnaire évanouie vers 1824 ; cette génération étouffée, qui était au collège durant la plus belle ardeur de la Charbonnerie ; qui manquait la classe, le jour où l’on chassait Manuel, et qui, à son premier pas dans le monde, trouvant tout obstrué, allait se ronger dans la solitude ou se rétrécir dans les coteries ; cette génération cadette, dont Bories et ses compagnons furent les aînés, intelligente, ouverte, passionnée sans but, amoureuse indifféremment de Napoléon et de la République, de madame de Staël et de madame Roland, folle de René et des lettres de Mirabeau à Sophie, emportant sous le bras Diderot à la classe de rhétorique et Béranger à la classe de philosophie ; noble et chaleureuse jeunesse, qui se consuma trop longtemps dans des idées sans suite, dans des causeries sans résultat, dans d’interminables analyses ; dont les plus pressés s’affadirent si vite aux tièdes clartés des bougies, et s’énervèrent chaque soir dans l’embrasure de quelque fenêtre d’un salon doctrinaire ; cette génération-là surtout a souffert profondément, et a ressenti jusque dans la moelle de ses os la consomption de l’ennui et le mal rêveur.
Des personnes difficiles, qui souffrent impatiemment ce qui s’élève, ce qui retentit et menace de se prolonger, ont demandé d’abord quelle théorie précise, définitive, complètement nouvelle, M.
La satisfaction que donne la possession de soi, acquise par la méditation, ne ressemble point aux plaisirs de l’homme personnel ; il a besoin des autres, il exige d’eux, il souffre impatiemment tout ce qui le blesse, il est dominé par son égoïsme ; et si ce sentiment pouvait avoir de l’énergie, il aurait tous les caractères d’une grande passion ; mais le bonheur que trouve un philosophe dans la possession de soi, est de tous les sentiments, au contraire, celui qui rend le plus indépendant.
Il n’est point une image, point une exclamation, une apostrophe, une prosopopée qu’on en puisse faire disparaître sans dommage : ce n’est pas la forme qui en souffrirait dans son élégance ou sa beauté, c’est surtout le fond, qui ne serait plus suffisamment exprimé, et quelque chose manquerait à la clarté lumineuse ou à l’énergie persuasive du discours.
A-t-il beaucoup souffert pour en arriver là ?
— Il… — Je souffre en damné.
cela hurle, cela commet Des crimes sur un morne et ténébreux sommet, Cela frappe, cela blasphème, cela souffre, Hélas !
Tous les supplices dont il permet l’usage, sont de ceux qui tuent les condamnez sans leur faire souffrir d’autre peine que la mort.
Les classiques s’embarrassaient peu de ces négligences ; c’étaient pourtant des négligences, et la preuve, c’est qu’on eût pu les retrancher sans que leur prose en souffrît.
Ainsi le peuple de Rome ne souffrit plus le droit caché, jus latens dont parle Pomponius ; et voulut avoir des lois écrites sur des tables, lorsque les caractères vulgaires eurent été apportés de Grèce à Rome.
Mme la Princesse sa mère ne le souffrit pas, et prit la chose du ton d’une personne toute fière d’être entrée dans la maison de Bourbon ; elle exigea des réparations solennelles. […] Dans les entretiens du soir, le bon Arnauld, près de s’endormir au coin du feu, et rentrant tête baissée dans l’égalité chrétienne, défaisait tout doucement ses jarretières devant elle, ce qui la faisait un peu souffrir. […] Elle avait ses ennemis, ses envieux ; des mots blessants ou même insultants lui arrivaient ; elle souffrait tout, et elle disait à Dieu : Frappe encore !
On craignait que cette consécration poétique, cette transfiguration merveilleuse de la réalité ne souffrît quelque atteinte dans l’esprit du brillant écrivain, s’il prêtait l’oreille à des confidences indiscrètes. […] Elle a consenti à se taire, à attendre, à souffrir pour retourner au milieu de tout ce qui lui est cher ; mais elle a refusé toute action, toute parole qui fût un hommage à la puissance. […] Il m’est impossible de dire tout ce que je souffre de cette perspective et combien je suis abîmé de douleur en pensant à la solitude où je me trouverai.
Je ne sais si je m’abuse, mais il me semble que cette force de représenter tout en emblèmes, exagérée jusqu’au point de ne pouvoir souffrir l’abstraction, est le trait caractéristique de la poésie de M. […] Elle était, en réalité, subordonnée à ses grandes stratégies littéraires, et parfois elle dut en souffrir, comme toute chose de premier ordre qu’on réduit à l’état de chose secondaire et qu’on sacrifie à un but préféré. […] Il ne souffrait aucune espèce d’intermédiaire entre l’univers et lui.
« S’il est vrai, dit-il dans la préface de Don Sanche, que la crainte ne s’excite en nous par la représentation de la tragédie que quand nous voyons souffrir nos semblables, et que leurs infortunes nous en font appréhender de pareilles, n’est-il pas vrai aussi qu’elle pourrait être excitée plus fortement en nous par la vue des malheurs arrivés aux personnes de notre condition, à qui nous ressemblons tout à fait, que par l’image de ceux qui font trébucher de leurs trônes les grands monarques, avec qui nous n’avons aucun rapport qu’autant que nous sommes susceptibles des passions qui les ont jetés dans ce précipice, ce qui ne se rencontre pas toujours ? […] Voltaire a dit beaucoup plus de mal de ses tragédies qu’il n’eût souffert qu’on en dît ; se trop critiquer touche à s’estimer trop. […] A peine souffrons-nous qu’on nous veuille donner le goût de vertus moins sublimes, mais plus sûres.
Le premier convient aux timides, aux scrupuleux, aux prétentieux et aussi aux personnes affectueuses qui ne veulent pas faire souffrir les autres sans se persuader que c’est pour leur bien. […] L’homme qui n’est fait ni pour vivre isolé, ni pour vivre de la vie sociale qui s’est imposée à lui, l’homme souffre constamment et doit sans cesse s’efforcer et peiner. […] Son Dieu parfait lui-même, a dû, malgré toutes les contradictions, souffrir, s’efforcer et mourir.
Je reprends, ma chère et bien bonne amie, pour vous exhorter à mettre en Dieu seul toute votre confiance ; il nous afflige, mais il nous console par l’espoir d’une récompense bien au-delà et sans proportions avec ce que nous souffrons. […] Je n’étais pas le seul à souffrir. […] Qui a connu ce rationabile obsequium n’en peut plus souffrir d’autre.
C’est une hypocrisie dont nous souffrons, dont nous rougissons et que nous renierons, si le titre de wagnéristes a bien le sens de disciples de la vérité. […] — A l’Eden-Théâtre, la saison des concerts a cruellement souffert de la préparation de la saison théâtrale ; et tout l’intérêt pour les wagnéristes, qui voient dans une exécution enfin complète de Manfred un événement wagnérien, s’est porté au Châtelet. […] Ses gestes sont lourds et gauches : il a l’air étonné comme un innocent (c’est le mot populaire qui peut le mieux rendre l’expression allemande : thor) ; il pleure, rit, brusquement ; les émotions le trouvent sans force, et le récit de la mort de sa mère le fait souffrir comme une blessure ; il bondit pour étrangler Kundry, puis tombe inanimé : c’est bien là le sauvage, le grand enfant.
………………………………………………… La hache souffre autant que le corps, — le billot Souffre autant que la tête, ô mystère d’en haut ! […] Une Critique qui a du cœur souffre plus qu’on ne croit des morts qu’elle est tenue de constater !
Estaunié ne nous montre jamais que des êtres qui souffrent, la caractéristique serait bien banale. […] » Et ailleurs : « Est-ce que les hommes ont besoin de vouloir pour faire souffrir ? […] Il a voulu raconter des existences qui font souffrir, et sans le vouloir. […] Ces hommes souffrent bien par des hommes, et ne souffrent que par des hommes, mais non par des hommes qui veulent les faire souffrir. […] Ces personnages souffrent et font souffrir non parce qu’ils existent, mais parce qu’ils sont seuls et qu’ils se taisent.
Honte à qui dort parmi le travail de tous, à qui jouit au milieu des hommes qui souffrent ! […] Il semble que le poète ait songé : Je souffre et je passe mon temps à le dire et je sens que la vie est mauvaise et pourtant je vis et l’on vit autour de moi. […] Mais, à dire vrai, tout se passe dans sa tête : il n’aime ni ne souffre autant qu’il le dit, il est dupe d’une illusion de poète. […] Après cela, on souffre ce qu’on croit souffrir : l’illusion d’Olivier, partagée par M. […] Souvent le railleur souffre et se meurt de sa propre ironie.
Il vit en lui et souffre en lui. […] C’est un petit être d’instinct, né pour aimer, pour souffrir, en faisant souffrir, et pour léguer après elle ce même pouvoir de souffrir où les hommes, nés de la femme, se reconnaissent à travers les siècles. […] De Juliane on nous dit surtout qu’elle a beaucoup souffert. […] C’est ici deux êtres qui s’aiment et qui se font souffrir. […] Ceux-ci n’auront pas à souffrir de ces fâcheuses disgrâces.
Il ne faut pas plaindre ceux qui ont souffert et langui pour un amour dédaigné. […] Pardonne-moi, Ami, à cette fois, Estant outrée et de despit et d’ire : Mais je m’assur’, quelque part que tu sois, Qu’autant que moy tu souffres de martire. […] D’Aubigné souffrit cruellement du mauvais succès de son amour et il ne pouvait pas se consoler de la perte de Diane Salviati. […] Quand vous me voyez tousjours celle Qui pour vous souffre, et son mal cèle, Me laissant par luy consumer, Ne me debvez-vous bien aymer ? […] Que vous m’aimiez, c’est pour moi lettre close ; Voire on dirait que quelque changement À m’alléguer ces raisons vous dispose ; Je ne le puis souffrir aucunement.
L’éclat des grandes œuvres de George Sand a été trop vif ; elles ont été célébrées ou discutées avec trop de feu, pour que les nouvelles n’eussent pas un peu à en souffrir. […] … Tu souris, mon gracieux poète, endors-toi ainsi. » Je ne peux souffrir cette sollicitude pour la vertu future de Sténio en un pareil moment. […] Rarement elle se fâchait, soit contre les hommes, soit contre les choses, même quand elle en souffrait le plus cruellement. […] Si nos regards se perdent dans les horizons de la mer, on nous y montre une voile, et sous cette voile nous devinons un rude travailleur qui peine et qui souffre. […] Il faut avoir digéré beaucoup ; aimé, souffert, attendu, et en piochant toujours.
Seulement, une correspondance assez copieuse avec deux ou trois amis intimes, très abandonnée, très naïve, où il apparaît surtout qu’il a un fond d’âme très noble, qu’il souffre de ne rien faire, de n’être rien « à son âge », et qu’il est toujours en gésine de quelque chose, sans savoir au juste de quoi. […] Il m’est impossible de souffrir que, discrètement et sans y toucher, on rapproche ainsi Lamartine d’un improvisateur napolitain, d’un « ténor », d’une « prima donna » et de ces « féministes » qui, d’avoir été féministes, moururent jeunes. […] Le prêtre est, à ses yeux, l’homme qui souffre et expie pour les autres. […] Cette première expiation de Cédar paraît assez complète : car il souffre vraiment tout ce qu’il peut souffrir dans son corps et dans son âme et comme époux, et comme père, et comme membre d’une société humaine. […] Les anciens le savaient, que l’amour n’est pas bon, et qu’il contient, « virtuellement », le goût de faire souffrir.
Il continue de parler de la mort, quand sa femme attristée par ses vilains dires, coupe la conversation, mais il y revient encore, disant que pour l’homme qui souffre, l’approche de la mort est l’annonce de la cessation de la souffrance. […] Dimanche 14 juin Aujourd’hui Daudet entre chez moi, avec une figure tirée, des yeux éteints, et des contractions nerveuses du corps, qui lui font dire : « Je souffre vraiment trop, il y a des moments, où j’appelle la mort comme une délivrance ! […] Mardi 23 juin Je souffre peut-être pour la première fois, depuis la mort de mon frère, de me trouver seul. […] Jeudi 20 août Dans l’isolement de ce mois, dont je souffre cette année, et dans le gris de jours ressemblant à des jours d’automne, j’ai inventé une distraction, je passe mes journées au Louvre. […] Mais à la mort du troisième, l’intérêt baisse dans l’omnibus, et quand elle en arrive à la mort de son quatrième enfant, mangé, au bord du Nil, par un crocodile — et c’est cependant celui qui a dû le plus souffrir, — tout le monde éclate de rire.
Il y souffrit d’une misère affreuse, connut le besoin, le froid, le désespoir, et même l’aumône ; resta jusqu’à cinq jours sans manger. […] Chateaubriand a mis sa sensibilité à se sentir vivre, à souffrir, à savourer ses souffrances, y ajoutant pour les goûter plus pleinement, et les exaspérant pour en mieux jouir. […] Mais l’impression dernière qu’il laisse n’en souffre point. […] Vigny connaît ce divertissement misérable : « Il est mauvais et lâche de chercher à se dissiper d’une noble douleur pour ne pas souffrir autant Il faut y réfléchir et s’enferrer courageusement dans cette épée. » Et ensuite ? […] Mais il en souffrait cruellement, et ne s’obstinait que davantage à y donner matière.
Incommodés ou non, il faut être prêts à marcher au premier ordre, et à donner du plaisir quand nous sommes bien souvent accablés de chagrins ; à souffrir la rusticité de la plupart des gens avec qui nous avons à vivre, et à captiver les bonnes grâces d’un public qui est en droit de nous gourmander pour l’argent qu’il nous donne. […] Il fut trouvé incapable de jouer aucune pièce sérieuse ; mais l’estime que l’on commençait à avoir pour lui fut cause que l’on le souffrit. » Quoi qu’il en soit de cette interprétation, sans perdre beaucoup de temps, dix jours seulement après le 24 octobre, « le jour des Trépassés, 3 novembre 1658, la troupe commença à représenter en public », dit La Grange, sur le théâtre du Petit-Bourbon. […] Je me suis donc déterminé à vivre avec elle comme si elle n’était point ma femme ; mais, si vous saviez ce que je souffre, vous auriez pitié de moi. […] Un jour qu’il souffrait plus que de coutume de l’affection de poitrine qui abrégea ses jours, Despréaux, Chapelle, Lulli, de Jonzac et Nantouillet arrivèrent très disposés à se bien réjouir. […] Cette inconséquence ne peut, ne doit s’expliquer que par la réponse du prince de Condé à Louis XIV à l’occasion de Scaramouche ermite : le sujet de l’une blessait la morale, dont ils ne se souciaient point ; les autres les jouaient eux-mêmes, ce qu’ils ne pouvaient souffrir.
Ainsi nourrie, la créature ardente et nerveuse souffre et se répand de tous côtés en idées violentes, en visions troubles. […] « Elle n’examine pas, elle ne fait que sentir. » Elle se trouble et souffre ; en vain elle veut croire Pylade, elle ne le croit pas. […] La France était jalouse, dit M. de Sybel ; elle voulait regagner son « prestige perdu » ; elle ne pouvait souffrir l’unité de l’Allemagne, la nouvelle puissance de la Prusse, le voisinage d’une égale ; elle demandait une « revanche, la revanche de Sadowa ». […] Strauss dit que nous ne voulions pas souffrir dans la rue une maison aussi belle que la nôtre. […] Accordons-leur des garanties ; l’intérêt et l’amour-propre en souffriront, il n’importe.
Avons-nous cette sensibilité puérile qui ne souffre que l’amusement, et que l’on ose à peine émouvoir ? […] Priam lui-même aurait plaint nos revers : « J’en atteste Pallas déchaînant sur nos têtes, « Et le courroux des vents, et l’horreur des tempêtes r « …………………………………………………………… « Souffrez donc que j’oublie en une douce paix « Les maux que j’ai soufferts, et tous ceux que j’ai faits. […] Le fonds de ces poèmes ne souffrait pas qu’on l’éludât. […] Qui d’entre les souverains modernes souffrirait que la force arrachât de son palais ou sa femme ou sa parente, sans invoquer autour de lui la plus éclatante vengeance ? […] La question est de principe, et l’affirmative ne souffre point la restriction qu’ils y mettent.
Berthelot, et celui-ci s’en plaint, parce qu’il en souffre, en quoi tout le monde le comprendra. […] L’envie aux doigts crochus a sur nous autres hommes tant d’empire que nous ne pouvons pas souffrir, ni au théâtre ni dans le roman, les hommes trop aimés. […] C’est très amusant, tout cela, pour les êtres qui aiment à voir souffrir, et vous savez que tous les lecteurs de roman sont tout simplement de ces êtres-là. […] Mais l’âge mûr a aussi plus d’énergie ; il a plus l’habitude de souffrir ; il peut reprendre cette habitude après l’avoir perdue. […] Bergeret des inconstances de son cœur et des méprises de son intelligence, et, par exemple, ne peut pas souffrir M.
Puisque tu as souffert à cause de moi, pardonne-moi. […] J’en souffrais, j’en souffrais cruellement. […] Pauvre Gilbert, que tu devais souffrir ! […] Elle aima, elle souffrit, elle mourut. […] On souffre.
Ce fut là que naquit son amitié pour les fleurs et qu’elle se familiarisa avec les beautés de la terre, des eaux et du ciel, que grandit en elle cet ardent et mélancolique amour de la vie qui la rendit à jamais sensible à tout ce qui est vivant, à tout ce qui en nous souffre, désire, espère, regrette. […] Par elles et pour elles, il avait souffert, et son labeur désintéressé n’avait été récompensé que par une gloire tardive. […] Il souffrait, disait-il, de troubles nerveux très pénibles, d’insomnies persévérantes. […] Des rêves hallucinés et morbides de la douloureuse période qu’il venait de traverser, Emile Verhaeren portait les traces sur son visage, d’une maigreur énergique, d’une nervosité inquiète, aux traits rudes, à la longue moustache, tombante, mais il n’y avait rien de souffreteux chez cet homme qui avait souffert et qui donnait malgré tout une impression de force et de ressort. […] De cette injustice faite à son destin littéraire, je crois que Toulet souffrit, mais il en souffrit fièrement et silencieusement.
Comme amateur des vieux livres, on peut souffrir de cette divulgation des choses rares ; comme partie du public et comme lecteur du commun, on ne saurait s’en plaindre. […] Lorsqu’on lit les réflexions et fragments de cet autre généreux écrivain enlevé comme lui dès le début, de Vauvenargues, et qu’on en pénètre l’esprit, l’inspiration secrète, on voit certes un homme de pensée, mais on reconnaît encore plus un homme de caractère et d’action qui a manqué sa destinée et qui en souffre.
Aussi je le dis hautement, quelques souffrances que nous éprouvions de la part de nos père et mère, songeons que sans eux nous n’aurions pas le pouvoir de les subir et de les souffrir, et alors nous verrons s’anéantir pour nous le droit de nous en plaindre ; songeons enfin que sans eux nous n’aurions pas le bonheur d’être admis à discerner le juste de l’injuste ; et, si nous avons occasion d’exercer à leur égard ce discernement, demeurons toujours dans le respect envers eux pour ce beau présent que nous avons reçu par leur organe et qui nous a rendus leurs juges. […] Il fut six mois dans la magistrature, en qualité d’avocat du roi au siège présidial de Tours ; il en souffrait cruellement, et il nous a exprimé à nu ses angoisses : Dans le temps qu’il fut question de me faire entrer dans la magistrature, j’étais si affecté de l’opposition que cet état avait avec mon genre d’esprit, que de désespoir je fus deux fois tenté de m’ôter la vie.
Elle fut de celles-là, et à ce titre elle mérite d’être citée en exemple aux femmes auxquelles leur situation donne des loisirs et peut engendrer par là même plus de regrets : L’âge, disait-elle, — et sans transition on la retrouve ici à plus de trente ans de distance ; elle avait vécu, souffert, aimé dans l’intervalle ; elle avait élevé sa famille et marié ses enfants ; — l’âge, disait-elle donc, ne nous enlève que des choses qui nous deviennent successivement inutiles, et qui sont remplacées par d’autres qui valent souvent beaucoup mieux. […] M. de Tracy (vieux, et après la perte d’une affection qui lui était tout) se livrait solitairement au sentiment du plus triste abandon… II craignait de déranger les autres, il ne les recherchait plus ; il se plaisait à faire des observations sur son déclin général : « Je souffre, dont je suis », disait-il. — On le voyait à sa fenêtre en contemplation devant les nuages qui passaient et se succédaient.
Benjamin Constant, populaire, mais peu considéré, dut souffrir de cette mésestime hautement témoignée par un homme si considéré qu’il en parut un moment quasi populaire. […] il en souffrit comme d’une humiliation et d’une injure personnelle ; on l’entendit sur son lit de mort, et dans le délire suprême de l’agonie, murmurer ces mots qui ressemblaient à un reproche et à une plainte : « Après douze ans d’une popularité justement acquise, justement méritée !
Sans doute le biographe tire un peu à lui et pousse le plus haut qu’il peut dans l’ordre des poètes son cher Pontus ; mais il n’y a pas à cela grand mal ; si le goût d’abord s’étonne et souffre d’un peu d’excès dans la louange, les choses ensuite se rétablissent aisément, et l’on y a gagné, au total, de mieux connaître son vieil auteur. — L’étude de M. […] Un cœur calme et glacé que toute ivresse étonne, Qui ne saurait aimer et ne veut pas souffrir ?
Il aime à être vêtu avec pompe… Tout en lui dénote qu’il sera d’un orgueil sans égal : car il ne pouvait souffrir de rester longtemps en présence de son père ni de son aïeul, le bonnet à la main. […] Il est de complexion mélancolique : c’est pourquoi il a, pendant trois ans, presque sans interruption, souffert de la fièvre quarte, avec aliénation d’esprit parfois : accident d’autant plus notable chez lui, qu’il paraît en avoir hérité de son grand-père et de sa bisaïeule (Jeanne la folle).
D’Albert est né trop tard ; il y a aussi des climats pour les âmes, et, une fois le vrai climat manqué, elles sont à jamais dépaysées et souffrent d’une nostalgie immortelle. […] Est-il amoureux, par exemple, souffre-t-il : au lieu de se plaindre, de gémir, de se répandre en larmes et en sanglots, de presser et de tordre son cœur au su et vu de tous, ce qui lui paraît peu digne, — car il ne sied pas, selon lui, que le poète geigne en public, — il se contient, il a recours à quelque image comme à un voile, il met à son sentiment nu une enveloppe transparente et figurée ; il dira : LE POT DE FLEURS Parfois un enfant trouve une petite graine, Et tout d’abord, charmé de ses vives couleurs, Pour la planter, il prend un pot de porcelaine Orné de dragons bleus et de bizarres fleurs.
Ceux qui, comme Mme de Sévigné et Saint-Évremond, avaient admiré le Cid encore nouveau, et étant eux-mêmes dans leur première jeunesse, ne lui comparaient rien et souffraient difficilement que l’on comparât personne à Corneille. […] Il lui offre ses bons offices et son épée contre Rodrigue : « Souffrez qu’un cavalier vous venge par les armes. » Cette voie est plus sûre et plus prompte que la justice du roi.
Jean-Bon raconte simplement ce que lui et ses compagnons ont souffert et ce dont il a été témoin ou victime pendant près de trois années. […] non ; la misère est toujours la misère ; l’homme, même celui qui fut violent ou impérieux un jour, s’il a du bon et du naturel, redevient homme aisément, c’est-à-dire faible et sensible dès qu’il souffre.
mais avez-vous donc oublié qu’à cette heure où Louis XVI avait péri, il n’y avait plus que deux ou trois habitants de ces ci-devant palais, des femmes comme vous, prisonnières comme vous, enfermées au Temple comme vous à Sainte-Pélagie, destinées à plus d’insultes, à plus d’outrages que vous n’en subîtes jamais ; — l’une surtout, une reine redevenue auguste par le courage et le malheur, une victime comme vous allez l’être, et que vous suivrez à trois semaines de distance sur le fatal échafaud ; celle même dont les pages secrètes retrouvées aujourd’hui viennent faire concurrence aux vôtres et avertir les cœurs généreux de ne rien maudire, de ne rien commettre d’inexpiable, et de réunir dans un même culte de justice et d’humanité tout ce qui a régné par la noblesse du sang, le charme de la bonté, par l’esprit, par le caractère, tout ce qui a lutté, combattu, souffert et grandi dans la souffrance, tout ce que le malheur a sacré ! […] Pour le moment, elle se plaît à lui faire de la vie qu’elle mène en ce triste lieu une description reposée et presque attrayante : on l’y voit à merveille, dans cette cellule assez large à peine pour souffrir une chaise à côté du lit, devant la petite table où elle lit, écrit ou dessine, avec le portrait de son ami sous ses yeux ou sur son sein, pour tout ornement de son réduit ayant un bouquet de fleurs que Bosc lui fait envoyer chaque matin du Jardin des Plantes : c’est un joli coin de tableau, que j’appellerais flamand s’il n’était si net et si clair de tout point ; le clair-obscur n’est point le fait de Mme Roland.
j’en appelle à la noble fierté et au courage de vos ancêtres ; vous ne souffrirez jamais un tel outrage ! […] J’ai donc tâché d’y apporter toute lumière et, sans rien voiler, rien qu’en exposant, de faire en sorte que tous ceux qui sont et seront plus ou moins ses disciples puissent l’apprécier, le voir tel qu’il était en effet, le bien comprendre dans ses vicissitudes de sentiments et de destinée, le plaindre, l’excuser s’il le faut, pour tout ce qu’il a dû souffrir, l’aborder, l’entendre, le connaître enfin de près et comme il sied, d’homme à homme, et peut-être l’affectionner
Ce que décidément j’aimais dans Mme de Krüdner, c’est l’auteur et le personnage de Valérie, la femme du monde qui souffre, qui cherche quelque chose de meilleur, qui aura un jour sa conversion, sa pénitence, sa folie mystique ; qui ne l’a pas encore, ou qui n’en a que des lueurs ; qui n’a renoncé ni au désir de plaire ; ni aux élégances, ni à la grâce, dernière magie de la beauté ; qui se contredit peut-être, qui essaie de concilier l’inconciliable, mais qui trouve dans cette impossibilité même une nuance rapide et charmante dont son talent se décore. […] Ce n’est donc point ce qui plaisait qu’on quitte en changeant de vie, c’est ce qu’on ne pouvait plus souffrir ; et alors le sacrifice qu’on fait à Dieu, c’est de lui offrir des dégoûts dont on cherche, à quelque prix que ce soit, à se défaire195.
Cela me fait frémir, mais cela me fait un peu souffrir ; cela est grand comme le cœur humain, mais cela est de la beauté cherchée ; cela sent la grande décadence, les magnifiques débris d’une vieille langue. […] « L’habitant de la cabane et celui des palais, tout souffre, tout gémit ici-bas ; les reines ont été vues pleurant comme de simples femmes, et l’on s’est étonné de la quantité de larmes que contiennent les yeux des rois !
J’ai souffert bien des maux ; mais un de mes plus grands était de ne pouvoir vous dire ce que je sentais pour vous pendant ce temps, et que mon amitié augmentait par vos malheurs, au lieu d’en être refroidie… « … Ne montrez cette lettre à personne au monde, excepté à l’abbé de Langeron, car je suis sûr de son secret. […] Après ce que lui inspire le plus ardent désir de soulager ceux qui souffrent, il a mieux que le remède ou l’aumône, il a son regard, un mot tendre, un soupir, une larme.
III Heureusement ; du reste, parmi ces histoires si souvent chimériques et surtout dans les livres dont je n’ai pas encore parlé, circulent, piaffent, caracolent, pleurent, souffrent et meurent des femmes bien vivantes, d’un charme singulier et dangereux. […] Elles éprouvent d’abord à son endroit une sorte d’antipathie et de peur physique, comme si elle pressentaient vaguement qu’elles lui appartiendront tout entières et qu’elles souffriront par lui dans leur chair et dans leur coeur.
Si la partie de l’ame qui connoît aime la variété, celle qui sent ne la cherche pas moins ; car l’ame ne peut pas soûtenir long-tems les mêmes situations, parce qu’elle est liée à un corps qui ne peut les souffrir ; pour que notre ame soit excitée, il faut que les esprits coulent dans les nerfs. […] Suétone nous décrit les crimes de Néron avec un sang froid qui nous surprend, en nous faisant presque croire qu’il ne sent point l’horreur de ce qu’il décrit ; il change de ton tout-à-coup & dit : l’univers ayant souffert ce monstre pendant quatorze ans, enfin il l’abandonna : tale monstrum per quatuordecim annos perpessus terrarum orbis tandem destituit.
Que Marguerite ait souffert quelques vers de galanterie de Marot, on peut le croire sans faire injure à sa vertu. […] François Ier écrivit à la cour des aides, qui le relâcha ; mais, à peine libre, la persécution générale l’atteignit de nouveau ; il craignit que François Ier ne se lassât de le protéger, et se réfugia d’abord à Blois auprès de Marguerite, puis à Ferrare, auprès de Renée de France, laquelle avait fort à souffrir du duc son mari, allié de Charles-Quint.
Il n’avait point eu à souffrir, comme La Rochefoucauld, des caractères qu’il a tracés, et sa sévérité même est exempte de rancune. […] Je ne puis souffrir un portrait qui ressemble à une biographie ; et, quant au faux dévot, je persiste à ne le reconnaître que dans Tartufe.
Les religions de l’Orient disent à l’homme : « Souffre le mal. » La religion européenne se résume en ce mot : « Combats le mal. » Cette race est bien fille de Japet : elle est hardie contre Dieu. […] Le Cosaque n’en veut à personne des coups de fouet qu’il reçoit : c’est la fatalité ; le raïa turc n’en veut à personne des exactions qu’il souffre : c’est la fatalité.
Non ; car, outre que la moralité et l’intelligence amèneraient pour lui immanquablement l’ordre et l’aisance, cette culture le ferait considérer, aimer, estimer, le placerait dans ce joli monde des âmes polies, où l’on sent finement et d’où il souffre de se voir exilé. Le paysan ne souffre pas de son abjection morale et intellectuelle ; mais l’ouvrier des villes voit notre monde distingué, il sent que nous sommes plus parfaits que lui, il se voit condamné à vivre dans une fétide atmosphère de dépression intellectuelle et d’immoralité, lui qui a senti la bonne odeur du monde civilisé ; il est condamné à chercher sa jouissance (car l’homme ne peut vivre sans jouissance de quelque sorte, le trappiste a les siennes) dans d’ignobles lieux qui lui répugnent, repoussé qu’il est par son manque de culture, plus encore que par l’opinion, des joies plus délicates.
Je lui ai répondu avec fermeté, qu’à mon âge on ne pouvait faire ombrage a un esprit bien fait ; que ma conduite, dont elle avait été témoin dix ans de suite, démentait tous ses soupçons ; que j’avais si peu songé au dessein qu’elle me prêtait, que je l’avais souvent priée de m’obtenir la permission de me retirer ; que je ne souffrirais plus désormais ses hauteurs, que ses inégalités abrégeaient mes jours par les chagrins qu’elles me causaient — Et qui vous retient ici ? […] Et ce que j’ai dit bien des fois, elle lui fait connaître un pays tout nouveau, je veux dire le commerce de l’amitié et de la conversation sans chicane et sans contrainte ; il en paraît charmé. » Certes, elle devait être d’un grand charme cette amitié qui, dans madame de Maintenon, était de l’amour retenu par la raison, la justice, l’honneur, la bienséance ; cette amitié, où les sens entraient pour quelque chose, mais soumis à de plus hautes et plus puissantes sympathies, celles de l’âme et de l’intelligence, à de plus nobles besoins, ceux de la considération et du respect de soi-même ; cette amitié passionnée que l’honneur forçait à résister au plus doux penchant, qui ne souffrait pas moins de sa résistance que l’ami à qui elle était opposée ; cette tendresse qui avait autant besoin d’être consolée de ses refus que celui qui les essuyait et dont la souffrance parvenait à obtenir des encouragements de l’amant voluptueux et contrarié.
Le mot d’humanité revient souvent sous sa plume : « L’humanité, dit-elle à son fils, souffre de l’extrême différence que la fortune a mise d’un homme à un autre. […] Elle se méfie de la partie sensible : « Rien n’est plus opposé au bonheur qu’une imagination délicate, vive et trop allumée. » Les vertus d’éclat ne sont point le partage des femmes : elle paraît en souffrir un peu en le remarquant, ainsi que du « néant, dit-elle, où les hommes ont voulu nous réduire ».
La comtesse de Bonneval, informée de cette brouillerie, pressentit de loin l’orage ; elle écrivait à son mari avec ce sens de prudence que le cœur développe chez les femmes : « J’ai beaucoup souffert des bruits qui se sont répandus ici de votre brouillerie avec le prince Eugène… Quand nos amis deviennent nos ennemis, je les crois les plus dangereux. […] Là-dessus, Bonneval, qui en voulait au marquis de Prié, comme à un homme de peu et créature du prince Eugène, s’enflamme (22 août 1724) et prend fait et cause pour la vertu de cette petite reine Élisabeth de Valois, à laquelle, disait-il, il avait l’honneur d’appartenir et d’être apparenté : « Le comte de Bonneval a l’honneur d’être allié au sang royal de France par les maisons de Foix et d’Albret. » — « Comme j’ai l’honneur, disait-il encore, d’appartenir à la maison de Bourbon par des filles de souverains qui sont entrées dans la mienne, je ne pouvais, sans être déshonoré, souffrir un pareil attentat contre une princesse de France. » Pour satisfaire à ce singulier devoir, il écrit un billet contenant un démenti outrageant pour les de Prié, et des copies s’en répandent dans tout Bruxelles.
Mais, dans un article sur les obsèques de Sautelet (16 mai), Carrel lui-même ne disait-il pas, en voulant expliquer l’âme douloureuse de son ami : La génération à laquelle appartenait notre malheureux ami n’a point connu les douleurs ni l’éclat des grandes convulsions politiques… Mais, à la suite de ces orages qui ne peuvent se rencontrer que de loin à loin, notre génération a été, plus qu’une autre, en butte aux difficultés de la vie individuelle, aux troubles et aux catastrophes domestiques… Et pourquoi, s’il en était ainsi de cette génération, pourquoi interdire à la sensibilité particulière et sincère son expression la plus naturelle et la plus innocente qui est la poésie lyrique, consolation et charme de celui qui souffre et qui chante, et qui ne se tue pas ? […] Il engageait alors une discussion plus ou moins vive, et, quand il savait à quoi s’en tenir sur la valeur du néophyte, il mettait un art infini à arranger les choses sans que la dignité de l’un ou de l’autre pût en souffrir.
Une leçon qui est un homme, un mythe à face humaine tellement plastique qu’il vous regarde et que son regard est dans un miroir, une parabole qui vous donne un coup de coude, un symbole qui vous crie gare, une idée qui est nerf, muscle et chair, et qui a un cœur pour aimer, des entrailles pour souffrir, et des yeux pour pleurer, et des dents pour dévorer ou rire, une conception psychique qui a le relief du fait, et qui, si elle saigne, saigne du vrai sang, voilà le type. […] Cependant on pleure autour de lui, la terre se désespère, les nuées femmes, les cinquante océanides, viennent adorer le titan, on entend les forêts crier, les bêtes fauves gémir, les vents hurler, les vagues sangloter, les éléments se lamenter, le monde souffre en Prométhée, la vie universelle a pour ligature son carcan, une immense participation au supplice du demi-dieu semble être désormais la volupté tragique de toute la nature ; l’anxiété de l’avenir s’y mêle, et comment faire maintenant ?
Et généralement elle y est intéressante, simplement parce qu’elle a la place de s’étendre et que c’est un mode qui ne souffre guère la sécheresse — ou alors il faut beaucoup d’esprit et de méchanceté. […] Un artiste bien doué ne doit souffrir que pendant la gestation.
Il y avait longtemps qu’ils souffraient sous ce fléau, lorsqu’une troupe de ces oisifs du village de Passy, leurs voisins, s’adressèrent à nos agriculteurs, et leur dirent : donnez-nous ce que les brigands du Gros-Caillou vous prennent, et nous vous défendrons. […] Les grecs si uniment vêtus ne pouvaient même souffrir leurs vêtemens dans les arts.
Amédée Thierry n’a pas souffert. D’ailleurs, s’il n’était que le cadet, il croyait l’être, après tout, dans une assez bonne maison historique pour ne pouvoir pas en souffrir !
Il s’est strictement renfermé dans le jugement dernier, le dénombrement des crimes qui mènent à l’enfer et la description des peines qu’on y souffre. […] Pour un bonheur imperceptible, Souffrir un mal intraduisible À tous les langages humains !
Il a vivement souffert du dénouement de cette séance de la Chambre, où M. […] « Elle le vit souffrir et elle le plaignit. […] Par l’effet de cette sensibilité spéciale qui force certaines âmes à deviner douloureusement ce qu’elles ne savent pas, il a senti, sans en avoir une claire conscience, la fatigue mentale qui a suivi tant de généreux efforts pour connaître la nature des choses ; il en a souffert plus peut-être que les robustes ouvriers de nos désillusions. […] Tout trompait, tout mentait, tout faisait souffrir et pleurer. […] Nous avons souffert d’abord d’une maladie littéraire.
Le livre que vous ne pouviez pas souffrir il y a dix ans, vous l’appréciez aujourd’hui ; et ce que vous admiriez autrefois vous paraît maintenant fade. […] Quelques-uns ne peuvent souffrir Chateaubriand et louent M. […] Tu ne peux rester plus longtemps ; je ne le souffrirai pas, je ne le supporterai pas, je ne le permettrai pas. […] Là, mille faits stupéfiants s’offrent à nous, nous souffrons mille terreurs. […] Saint Paul a dit : On nous maudit et nous bénissons ; on nous persécute et nous souffrons ; on nous dit des injures et nous répondons par des prières.
Ces manques de justesse dans un panégyriste nous font souffrir plus qu’il ne faudrait, nous autres critiques littéraires qui y regardons de plus près.
« Mais il ne faut pas souffrir que des goujats barbouillent de rouge notre drapeau.
En lisant et en jugeant la Vie de Napoléon Bonaparte, nous avons tâché plus d’une fois de séparer dans notre esprit l’historien du romancier, et de ne pas souffrir que notre sévérité pour l’un retranchât rien à notre admiration pour l’autre.
Mickiewicz et en les retournant en un sens plus général, la France réelle, celle qui a tant aimé la Pologne, qui a tant saigné pour elle, la France qui a vaincu aux trois jours, et qu’on a liée par surprise, et qui souffre et qui attend, cette France dont nos gouvernants enhardis s’accoutument à nier l’existence, croyant l’avoir confisquée dans leurs petites Sibéries, cette France ne pourrait-elle pas répondre au poète : « Oh !
L’excès du malheur retrempa les âmes ; le joug tranquille énervait les esprits supérieurs, ainsi que la multitude ; les fureurs de la cruauté, longtemps souffertes, avilirent encore davantage la masse de la nation ; mais quelques hommes éclairés se relevèrent de cet abattement général, et ressentirent plus que jamais le besoin de la philosophie stoïcienne.
Celui qui par sa faute, ou par le hasard, a beaucoup souffert, cherche à diminuer la chance de ces cruels fléaux, qui ne cessent d’errer sur nos têtes, et son âme, encore ouverte à la douleur, a besoin de s’appuyer par le genre de prière qui lui semble le plus efficace.
Mais il faudrait pousser la réflexion à un degré où elle va rarement, et peu d’hommes ont souffert de cette double vie morale, où l’on s’empêche d’agir à force de se regarder faire.
si douce survivra à cette nuit, Mais j’éprouve un grand besoin d’être seule… Accordez-moi cette grâce, vous que j’ai tant fait souffrir.
comme nous en avons souffert de cet esclavage moral où se sont soumis les littérateurs, qui naquirent vers la fin du régime impérial !
Je veux qu’il souffre.
Cette infection prouve donc qu’il est survenu dans la terre un changement considerable, soit qu’il vienne de ce que la terre n’est plus cultivée comme du temps des Cesars, soit qu’on veuille l’attribuer aux marais d’Ostie et à ceux de l’Ofanté, qui ne sont plus desséchez comme autrefois, soit enfin que cette altération procede des mines d’alun, de souffre et d’arsenic, qui depuis quelques siecles, auront achevé de se former sous la superficie de la terre, et qui présentement envoïent dans l’air, principalement durant l’été, des exhalaisons plus malignes que celles qui s’en échapoient lorsqu’elles n’avoient pas encore atteint le dégré de maturité où elles sont parvenuës aujourd’hui.
Si pendant ces temps derniers, elle paraît avoir souffert d’un certain discrédit, c’est pour avoir été mal comprise.
III Il les reprocherait d’autant moins que cette sévérité a pour l’historien sa tristesse, et que, comme le juge, il souffre, parce qu’il est homme, d’avoir un coupable à condamner et à flétrir.
Il est sensible, et il a souffert.
Entre l’Allemand et le Français, le Suisse a été pris et écrasé tout doucement, sans souffrir et sans crier.
Versificateur exercé, il a peut-être moins souffert qu’un autre de ces liens terribles de la langue qu’il a voulu parler, mais il les a sentis, et, quoi qu’il ait fait, il en porte la marque encore.
Je crois avoir bien parlé du Paradis terrestre qu’est Venise, mieux encore de l’héroïsme charnel de Rubens ; j’ai mis en valeur aussi les fougueux aventuriers de la Renaissance ; mais toute ma complaisance, je la donne à ceux qui souffrent et qui acceptent.
Nous souffrons de leur séparation : ils n’en souffrent pas du tout. […] En plongeant dans la personnalité des autres, il oublia la sienne : ce qui est la seule manière peut-être de n’en pas souffrir. » S’il y a une manière de ne pas souffrir, on peut ne pas désespérer du tout. […] Lorsque Henri Heine souffre, on s’inquiète, on partage son angoisse. […] Jeanne, dans son excès de charité, va jusqu’à vouloir souffrir et se damner elle-même pour sauver les damnés. […] Souffrir, c’est encore vivre.
Le peuple mangeur de pain blanc, condamné au pain de chien, semblait souffrir seulement de cette faveur, achetée du reste par des heures de queue. […] Je crois que, de ma vie, je n’ai encore autant souffert. […] Correspondance d’un enthousiasme tout jeune, qui souffre quelquefois des revenez-y canaille de la nature primitive de la femme. […] Comme si tout ce que nous souffrons n’était pas suffisant, voici qu’il apparaît, dans les journaux, la perspective d’une occupation prussienne. […] — « Diable, lui dis-je, que vous avez dû souffrir !
Les Muses, de tout temps, ont eu à souffrir, elles ont eu souvent à solliciter ; seulement elle le font avec plus ou moins de dignité et de conscience d’elles-mêmes. […] Je suis toujours tout entier à ce que je fais : peut-être même trop, car ma santé en souffre quelquefois. […] Je saignais, je souffrais.
Ainsi, pauvre malheureux, vous souffrez à la fois tous les maux de l’âme et du corps ? […] Lorsqu’elle commence à se montrer, je souffre ordinairement davantage ; la maladie diminue ensuite, et semble changer de nature : ma peau se dessèche et blanchit, et je ne sens presque plus mon mal ; mais il serait toujours supportable sans les insomnies affreuses qu’il me cause. […] C’était beau, cela tombait avec bruit sur l’âme ; mais cela n’y pénétrait pas comme une pluie insensible qui amollit les sens et qui fait de la douleur non pas la déclamation de l’écrivain, mais l’impression même de celui qui souffre.
Ces sacrifices nous font horreur comme des mutilations de la personne, et nous en souffrons, pour ainsi dire, dans notre chair et notre sang. […] Il avait souffert plus que personne de l’esprit de dispute ; et quoiqu’il n’en laisse rien voir dans son écrit, où la sévère discipline de Port-Royal n’a pas permis à la personne de se montrer, cette sagacité qui pénètre dans les causes secrètes de nos brouilleries n’est que l’impression personnelle, et encore brûlante, des blessures qu’il en avait reçues. […] La gloire de bien écrire ne paraît point le toucher, et il songe bien moins à ce qu’on dira de lui qu’au dommage que pourrait souffrir la vérité de l’insuffisance de l’écrivain.
Je souffre de mon désir, et dans la souffrance je désire toujours ! […] Les flèches du désir qui l’ont traversé lui révèlent instantanément la profondeur du mal dont souffre le roi déchu du Graal. […] Tous ces êtres qui croient jouir, comme ils souffrent, comme ils crient après la rédemption !
Souffre donc que cet enfant, dont à ta vue le petit cœur palpite d’un mouvement involontaire, t’embrasse, te touche de ses douces lèvres ; car il n’est pas dans la nature de sensation plus délicieuse que le toucher d’un enfant. […] ne faut-il pas que le vénérable ermite ait perdu, par l’âge, l’intelligence, pour souffrir que de si grossiers vêtements enveloppent un si beau corps ? […] Va, de même que je t’ai recueilli lorsque, au moment de ta naissance, tu vins à perdre ta mère, à présent que tu souffres de ma part un second abandon, notre bon père va te prodiguer les soins les plus tendres.
Oui, j’ai été longtemps bien malheureuse ; mais dans ce moment ma joie surpasse tous les maux que j’ai soufferts, puisque le fils de mon seigneur daigne avoir pitié de moi. […] « Laissez-le pleurer, disent ses serviteurs ; ceux qui souffrent doivent parler de leurs souffrances. […] « C’est bien », dit-il ; « il s’est conduit en véritable guerrier qui ne souffre pas impunément l’outrage et l’insolence.
Peu d’hommes vivants, je pense, ont plus souffert que moi dans une vie où la souffrance ne m’a pas encore dit son dernier mot ! […] C’est la température vraie de ce globe où l’on meurt, mais aussi de ce globe où l’on vit ; de ce globe où l’on souffre, mais aussi de ce globe où l’on aime ! […] …………………………………………………… …………………………………………………… …………………………………………………… …………………………………………………… Le mal dès lors régna dans son immense empire ; Dès lors tout ce qui pense et tout ce qui respire Commença de souffrir ; Et la terre, et le ciel, et l’âme, et la matière, Tout gémit ; et la voix de la nature entière Ne fut qu’un long soupir.