Tout ira bien, s’il plaît à Dieu ; mais si quelqu’un vous dit que tout ceci est bien aisé, ayez la bonté de ne le pas croire. […] Plaire et servir, cela peut-il être séparé ? Peut-on plaire sans servir ? […] Peut-on servir sans plaire ? […] Peut-on plaire sans servir ?
Il est aisé de croire que son commerce me plairait infiniment sans cette malheureuse passion, qui m’étonne autant qu’elle me flatte, mais dont je ne veux pas abuser. […] Je lui écrirai ce qu’il vous plaira ; je ne le verrai de ma vie, si vous le voulez ; j’irai même à la campagne, si vous le jugez nécessaire ; mais ne le menacez plus de l’envoyer au bout du monde. […] Ne voyez-vous pas qu’elle nous dédaigne, et qu’il faut savoir du grec pour lui plaire ? […] Ce n’est pas que je manque de reconnaissance ni d’envie de plaire ; mais je trouve que l’approbation d’un sot n’est flatteuse que comme générale, et qu’elle devient à charge quand il la faut acheter par des complaisances particulières et réitérées. […] plût à Dieu qu’il n’y eut qu’à solliciter sa grâce !
Son attitude dans le salon de sa femme était particulière ; bien que ce fût à son intention, et en grande partie pour lui plaire, pour servir et accroître sa renommée, qu’elle s’appliquât à rassembler cette élite brillante, il n’était là qu’un spectateur silencieux et froid : « Hormis quelques mots fins qu’il plaçait çà et là, personnage muet, il laissait à sa femme le soin de soutenir la conversation. » Marmontel, qui fait cette remarque, ajoute que ce silence et cette gravité de M. […] Son esprit fin, ironique, dédaigneux, plein de nuances, se plaisait à observer un monde dont il voyait à merveille les exagérations et les légers ridicules, un monde dont il jouissait et dont il allait se servir sans jamais s’y mêler entièrement. […] Je ne sais s’il vous plairait, je crois qu’oui à beaucoup d’égards ; dans la société, il est fort naturel et fort gai ; beaucoup de franchise ; il parle peu, est souvent distrait… Il y a des jours où M. Necker lui plaît tant dans la conversation, quand il s’y abandonne, qu’elle lui trouve du rapport avec Horace Walpole, et elle l’ose avouer : « Le Necker a beaucoup d’esprit ; il ne s’éloigne pas de vous ressembler à quelques égards. » Horace Walpole n’est point de cet avis ; M. et Mme Necker font au printemps de 1776 un voyage en Angleterre, et, à leur retour, Mme Du Deffand écrit : Ils ne vous plaisent pas beaucoup, je le vois bien ; tous les deux ont de l’esprit, mais surtout l’homme. […] Il se plaisait à se présenter, dès les premières lignes de ce Compte rendu, comme un homme de renoncement et de sacrifice ; il était capable de bien des sacrifices en effet, excepté de celui de la louange qu’il avait à en recueillir.
Les poëtes, dit Platon, ne se plaisent point à nous décrire la tranquillité de l’interieur d’un homme sage qui conserve toujours une égalité d’esprit à l’épreuve des peines et des plaisirs. […] Platon vante même assez cette partie de l’art poëtique, laquelle sçait rendre un discours plus pompeux et plus agréable à l’oreille, en introduisant dans ses phrases un nombre et une harmonie qui lui plaisent plus que la cadence de la prose. Selon lui les loüanges des dieux et celles des heros mises en vers en deviennent plus capables de plaire et de se faire retenir.
Que d’art il faut pour plaire ! […] Il ne faut point toujours vouloir plaire, surtout plaire à l’oreille. […] Plaire raisonnablement, voilà l’objet de leur littérature. […] Consentez à comprendre ce genre d’esprit, il finira par vous plaire. […] Quand un verset lui plaît, il le chante une demi-minute encore après que la congrégation l’a fini.
Il est pour eux une école plus sure où je les renvoïe, c’est le théatre même ; c’est-là qu’il faut étudier ce qui plaît et ce qui doit plaire ; et comme l’art, pour parler poëtiquement, est le fils de l’expérience, chacun aussi ne parvient à se rendre l’art propre en quelque façon, qu’à proportion de son expérience particuliere. […] Un poëte veut réüssir ; et pour réüssir, il faut plaire. […] Les ouvrages nous plaisent comme raisonnables : mais ils nous plaisent du moins autant comme difficiles ; et de là sont nés les vers qui n’ajoûtent de mérite aux pensées que la difficulté de les exprimer avec justesse, malgré la gêne des regles. […] De plus comme les poëtes n’en veulent qu’à l’estime des hommes, il ne leur importe pas d’étudier ce qui doit plaire, il leur suffit de savoir ce qui plaît ; et quand ils auroient une raison supérieure, capable de corriger le goût de leur siecle, peut-être n’oseroient-ils l’entreprendre, de peur de n’être pas assez-tôt goûtés. […] J’admire les critiques de perdre tant de raisons à prouver qu’un ouvrage qui plaît universellement, n’auroit pas dû plaire.
Mais il a tant d’esprit, de bon sens, de naïveté, de finesse, de génie, que le désordre de ses pensées plaît plus que l’arrangement symétrique d’un écrivain médiocre. […] Les choses communes ou peu importantes qu’on y trouve, sont mêlées de quelques traits neufs & plaisent d’ailleurs par la maniere ingénieuse dont elles sont exprimées. […] C’est encore dans l’école de Mme. de Lambert que Mr. de Moncrif a puisé les principes de son Essai sur la nécessité & les moyens de plaire : écrit excellent où l’auteur n’enseigne que ce qu’il a pratiqué : écrit aussi utile qu’agréable par la précision & l’élégance du style ; par la justesse, la délicatesse, la solidité de la plûpart des réfléxions. […] Du Spectateur anglois sont sortis le Spectateur françois de Marivaux, écrit avec trop d’affectation ; le Misantrope de Van Effen, qui dit des vérités utiles ; la Spectatrice Danoise, par M. de la Baumelle, qui a des meilleurs titres pour plaire aux gens de goût ; le Nouveau Spectateur, par M. de Bastide qui, avec de l’esprit, n’a pas pu égaler l’ancien ; le Monde, par le même, ouvrage périodique de morale critique, où l’on trouve des morceaux intéressans.
La conversation de Mme de Luxembourg ne pétille pas d’esprit ; ce ne sont pas des saillies, et ce n’est pas même proprement de la finesse ; mais c’est une délicatesse exquise qui ne frappe jamais et qui plaît toujours. […] Je désire qu’elle le croie ; je m’efforcerai à en prendre l’air pour la recevoir ; je ferai de mon mieux pour lui plaire ; mais j’ai bien peur de ne pas réussir. […] La première soirée a été contrainte de toute part, quoiqu’elle s’efforçât d’être aimable et que nous nous efforçassions à lui plaire. […] Elle se plaisait à tâter les esprits, à les piquer, à vous interpeller au souper, d’un bout de la table à l’autre, par quelque question provocante ; la repartie qu’on y faisait vous jugeait sur l’heure. […] La maréchale de Luxembourg aurait désavoué une pareille élève qui, à côté de l’autorité, supprimait le charme, et qui, au lieu de plaire en avertissant, ne savait que régenter.
D’autres fois, la vue d’un danger, les caprices d’un cheval fougueux que son mari se plaisait à monter ; lui causaient de si vives terreurs qu’elle en perdait connaissance… » Toutes ces recherches et ces inventions de sensibilité étaient peine perdue. […] C’est mille fois plus que je ne mérite ; mais la Providence se plaît à accabler ses enfants, même des bienfaits qu’ils ne méritent pas… » Le malin fabuliste avait dit précisément la même chose : ……….. […] On sent encore ce que cette terre a d’attachant, mais on est plus près d’une félicité plus durable. » Cette sorte de station intermédiaire est précisément l’état dans lequel elle se plaisait à se dessiner alors, et dans lequel nous nous plaisions nous-même à la considérer, en nous prêtant à sa coquetterie à demi angélique. […] Ce n’est donc point ce qui plaisait qu’on quitte en changeant de vie, c’est ce qu’on ne pouvait plus souffrir ; et alors le sacrifice qu’on fait à Dieu, c’est de lui offrir des dégoûts dont on cherche, à quelque prix que ce soit, à se défaire195. […] Je me plais du moins à noter ce procédé-ci à titre de bon goût et de bonne grâce.
Il s’y met en scène sous le nom de Zelmis, et ne s’y montre pas à son désavantage : « Zelmis, comme vous savez, mesdames, est-il dit dans le récit, est un cavalier qui plaît d’abord : c’est assez de le voir une fois pour le remarquer, et sa bonne mine est si avantageuse qu’il ne faut pas chercher avec soin des endroits dans sa personne pour le trouver aimable ; il faut seulement se défendre de le trop aimer. » Ce Zelmis a rencontré à Bologne, dans une fête, une belle Provençale, une Arlésienne, mariée à un sieur de Prade, et qui, dans le roman, s’appelle Elvire. […] Regnard, quand il eut produit quelques-uns de ses meilleurs ouvrages en vers, eut la bonne grâce de dédier sa pièce des Ménechmes à Boileau, en se professant son disciple et en lui disant : Le bon sens est toujours à son aise en tes vers ; et Boileau, à quelqu’un qui, pour lui faire la cour, traitait devant lui Regnard de poète médiocre, eut la justice de répondre : « Il n’est pas médiocrement gai. » « Qui ne se plaît pas à Regnard n’est pas digne d’admirer Molière », a dit excellemment Voltaire. […] Un chevalier bel esprit y fait solennellement appel au bon sens du siècle à venir et à la postérité ; le comédien répond humblement : « Quelque succès qu’ait notre pièce, nous n’espérons pas, monsieur, qu’elle passe aux siècles futurs ; il nous suffit qu’elle plaise présentement à quantité de gens d’esprit, et que la peine de nos acteurs ne soit pas infructueuse. » Et encore, à toutes les minauderies et aux scrupules grimaciers d’une comtesse très équivoque, M. Bredouille réplique par la grande raison de tous les poètes heureux : « Pour moi, je n’y entends pas tant de façon ; quand une chose me plaît, je ne vais point m’alambiquer l’esprit pour savoir pourquoi elle me plaît. » Regnard aurait pu se dispenser de cette petite pièce ; Le Légataire se défendait tout seul avec les rires qu’il provoquait. […] Ces philosophes au naturel et de la famille de Gil Blas me plaisent, et font diversion à ces autres philosophes métaphysiques et superfins qui se consument à raisonner sur la cause et la substance, sur le moi et le non-moi.
Je souscris volontiers au livre qui a dit : que les plus grands ennemis de la gloire des heros, étoient leurs valets de chambre : les heros gagnent toujours à n’être connus que par le recit des historiens ; la plûpart se plaisent à rapporter ces traits naïfs et ces petits faits anecdotes qui font encore admirer davantage les hommes illustres, mais ils taisent volontiers tout ce qui feroit un effet contraire. […] D’ailleurs Melpoméne se plaît à parer ses victimes de couronnes et de sceptres ; et les maisons souveraines sont aujourd’hui tellement enlacées les unes avec les autres par les mariages, qu’on ne sçauroit faire monter présentement sur la scene tragique un prince qui ait regné depuis cent ans dans un état voisin, sans que le souverain du païs où la piece seroit répresentée, s’y trouvât interessé comme parent. […] Il est vrai que les défauts qui resultent de cet embarras ne sont remarquez que par un petit nombre de personnes assez instruites pour les connoître ; mais il arrive que, pour faire valoir leur érudition, elles exagerent souvent l’importance des défauts, et il ne se trouve que trop de gens qui se plaisent à repeter leur critique.
M. de Marca fut nommé à l’Archevêché de Paris, sur la démission du Cardinal de Retz ; mais il mourut au moment qu’il alloit en prendre possession, ce qui donna lieu à cette mauvaise épitaphe qu’on se plaît trop souvent à répéter : Ci-gît Monsieur de Marca, Que le Roi sagement marqua Pour le Prélat de son Eglise ; Mais la Mort qui le remarqua, Et qui se plaît à la surprise, Tout aussi-tôt le démarqua.
Catherine, connaissant l’humeur et l’étourderie, le mélange de faiblesse et de violence du grand-duc, et voyant éclater les premiers symptômes graves de sa désaffection à l’occasion de sa seconde grossesse, où elle accoucha d’une fille (décembre 1758), s’était à l’avance posé tous les cas, toutes les chances, et elle les énumérait ainsi : ou bien, 1°, s’attacher à lui, lier sa fortune à la sienne, quelle qu’elle fût ; ou bien, 2°, rester exposée à toute heure à ce qu’il lui plairait de disposer pour ou contre elle ; ou enfin, 3°, prendre une route indépendante de tout événement ; mais laissons-la s’exprimer elle-même : « Pour parler plus clair, il s’agissait de périr avec lui ou par lui, ou bien aussi de me sauver moi-même, mes enfants et peut-être l’État, du naufrage dont toutes les facultés morales et physiques de ce prince faisaient prévoir le danger. […] Avec une pareille disposition d’esprit, j’étais née et douée d’une très-grande sensibilité, d’une figure au moins fort intéressante, qui plaisait dès le premier abord sans art ni recherche. […] Je viens de dire que je plaisais, par conséquent la moitié du chemin de la tentation était faite, et il est en pareil cas de l’essence de l’humaine nature que l’autre ne saurait manquer ; car tenter et être tenté sont fort proches l’un de l’autre, et malgré les plus belles maximes de morale imprimées dans la tête, quand la sensibilité s’en mêle, dès que celle-ci apparaît, on est déjà infiniment plus loin qu’on ne croit, et j’ignore encore jusqu’ici comment on peut l’empêcher de venir. […] Or, si vous ne fuyez pas, il n’y a rien de si difficile, selon moi, que d’échapper à ce qui vous plaît foncièrement. Tout ce qu’on vous dira à la place de ceci ne sera que des propos de pruderie non calqués sur le cœur humain, et personne ne tient son cœur dans sa main, et ne le resserre ou le relâche à poing fermé ou ouvert à volonté. » On ne peut mieux indiquer, par cette digression même presque involontaire et où la femme revient et se trahit, que, tout en cédant volontiers de son côté à la tentation et à l’attrait, elle se prévalait aussi à son tour de cet attrait et de cet ascendant aimable, de sa séduction irrésistible et de sa certitude de plaire, pour se faire, à la Cour et dans tous les rangs, nombre d’amis dévoués, inféodés, résolue à tout pour la servir, et qui, le jour et le moment venus, la firent ce que de tout temps elle avait rêvé d’être, afin de pouvoir ensuite donner sa mesure au monde et marquer son rang dans l’histoire.
Je comprends et il me plaît que la critique d’un écrivain catholique soit intolérante à l’endroit des ennemis de la foi. […] Cette alliance de la songerie religieuse et de l’enragement charnel, des jeunes gens l’ont appelée « satanique » Comme il leur plaira ! […] D’un ensemble de pratiques insignifiantes et inutiles il fait un art qui porte sa marque personnelle, qui plaît et qui séduit à la façon d’un ouvrage de l’esprit. […] Il plaît et règne par les apparences qu’il donne à sa personne physique, comme l’écrivain par ses livres. Et il plaît tout seul, sans le secours d’autrui.
En vain Mme de Sévigné essayait quelquefois de le modérer dans son zèle de bons offices et de correspondance : Vous jugez bien, écrivait-elle à sa fille, que puisque le régime que je lui avais ordonné ne lui plaît pas, je lâche la bride à toutes ses bontés et lui laisse la liberté de son écritoire. […] J’avouerai que, sans être une grande beauté, je suis pourtant une des plus aimables créatures qui se voient ; que je n’ai rien dans le visage ni dans les manières qui ne plaise ni qui ne touche ; que, jusqu’au son de ma voix, tout en moi donne de l’amour, et que les gens du monde les plus opposés d’inclination et de tempérament sont d’un même avis là-dessus, et conviennent qu’on ne me peut voir sans me vouloir du bien. […] Mais le plus grand charme de ma voix est dans sa douceur et la tendresse qu’elle inspire ; et j’ai enfin des armes de toute espèce pour plaire, et jusques ici je ne m’en suis jamais servie sans succès. […] Elle s’était brouillée, en repoussant Maulévrier, avec la famille des Colbert ; elle sut plaire au grand rival de Colbert, à Louvois. […] Deux choses nuisaient à Louvois dans son esprit, sans compter qu’il ne lui plaisait pas : la première, c’est que toute sa famille et son mari lui-même conspiraient honteusement à le lui donner pour amant, afin de pousser leur fortune.
Un monstre horrible nous ferait sécher de frayeur ; un misérable que nous ne pourrions soulager, nous déchirerait les entrailles : mais ce monstre et ce malheureux, en peinture, l’un fût-il plus effrayant que l’hydre de Lerne, et l’autre plus à plaindre que Bélisaire, ne sauraient manquer de faire un plaisir très grand aux spectateurs, s’ils sont tracés par une main habile ; et voilà pourquoi Boileau a si bien dit après Aristote : Il n’est point de serpent ni de monstre odieux, Qui, par l’art imité, ne puisse plaire aux yeux. […] Car alors, non contents d’étudier la nature dans leur propre cœur, ils jugeaient de ce qui devait plaire par ce qui plaisait en effet, et se conformaient au goût des peuples pour suivre de plus près la nature, comme un sculpteur habile et éclairé étudie l’antique qui a plu, pour approcher de plus près du vrai beau qui doit plaire. […] S’il n’a voulu instruire, il a prétendu plaire : et pouvait-il imaginer deux moyens plus efficaces pour y parvenir ?
Si un certain degré de culture est nécessaire pour en goûter toutes les beautés, il suffit d’avoir l’esprit sain pour s’y plaire. […] Les enfants y reconnaissent les mœurs du chien qu’ils caressent, du chat dont ils abusent, de la souris dont ils ont peur ; toute la basse-cour, où ils se plaisent mieux qu’à l’école. […] Aussi ne se plaît-on aux fables d’Esope et de Phèdre que pour le mérite de la justesse ; et ce n’est pas si peu ; mais on n’y fait pas amitié avec les personnages : on a l’instruction sans le plaisir. […] C’est par la forme dramatique que La Fontaine plaît si universellement. […] Si sa morale nous plaît si fort, c’est qu’elle ne se croit pas toujours efficace, et qu’elle avoue ne pas connaître autant de remèdes qu’il y a de maladies.
Ils savent que rien n'est beau que le vrai ; que chaque chose doit être revêtue des couleurs qui lui sont propres ; que trop de faste dans le style est une preuve certaine de la stérilité de l'esprit ; que le naturel seul a droit de plaire, de saisir, de toucher. […] Personne n'ignore qu'il est nécessaire de plaire, afin de persuader ; mais cet Ecrivain ne semble vouloir persuader que pour avoir lieu de plaire. […] Où l'Orateur se plaît sur-tout à nous promener, c'est dans le monde physique, dans le monde moral, le monde politique, le monde intellectuel…… Le plus doux de ses plaisirs est d'imprimer le respect, d'imprimer la crainte, d'imprimer à, d'imprimer sur, d'imprimer au dedans, d'imprimer au dehors…… Si nous le suivons dans des phrases de plus longue haleine, il nous dira d'abord que les passions, comme un limon grossier, se déposent insensiblement en roulant à travers les Siecles, & la vérité surnage ; que la Nature varie par des combinaisons infinies les facultés intellectuelles de l'homme, comme les propriétés des êtres physiques *.
., et je n’ai pas craint de le mettre parce que je suis assurée que vous ne le ferez pas imprimer, quand même le reste vous plairait. […] Cela ne plut guère à La Rochefoucauld, qui pria Mme de Sablé de changer un peu ce qu’elle avait fait. Celle-ci, à ce qu’il paraît, n’y put réussir, et elle adressa de nouveau son projet d’article à La Rochefoucauld, lui avouant qu’elle a laissé ce qui lui avait été sensible, mais l’engageant à user de son article comme il lui plairait, à le brûler ou à le corriger à son gré.
C’est ce qu’il n’eut pas honte de publier dans une épitaphe qu’il composa sur un de ses oncles ou cousins, nommé d’Is, dont il étoit héritier : Ici gît le bon monsieur d’Is, Plût or à dieu qu’ils fussent dix ! […] expression qu’il employoit souvent, pour demander si l’on étoit encore en état de leur plaire. […] Le prélat le réveille, pour le mener à un sermon qu’il devoit prêcher : Dispensez-m’en, s’il vous plaît , lui dit Malherbe, je dormirai bien sans cela.
Je m’en suis enorgueilli, et avec juste raison, puisque j’avais su plaire à celui qui sait apprécier l’homme par l’intégrité de sa vie et la pureté de son cœur, et non par l’éclat de sa naissance. » De ce jour Mécène et Horace devinrent inséparables. […] Auguste était un ambitieux du repos ; Mécène, son ami, un voluptueux sans ambition, n’ayant pas même voulu être sénateur pour rester le confident désintéressé d’Auguste ; Horace, un épicurien modéré, heureux de plaire aux maîtres de l’empire, mais fier de mépriser leurs faveurs. […] Quand il leur plaira d’enchaîner les vents qui se combattent sur la mer écumante, les cyprès et les ormes séculaires cesseront de plier sous leurs coups. […] L’immortalité comme la vie est un don ; ce don de l’immortalité, il le dut au don de plaire ; ce don de plaire, il le dut au naturel, cette grâce involontaire de l’esprit. […] L’amabilité peut se définir le don d’aimer et d’être aimé ; ce don se révèle dans les œuvres d’un écrivain comme dans son caractère ; il n’est pas le génie, mais il est le charme, cette qualité indéfinissable qui est le génie de l’agrément ; le don de plaire, ce don de plaire qu’on n’a jamais pu définir parce qu’il est divin, est bien rarement compatible avec l’austérité de l’esprit, du caractère et des œuvres d’un homme.
Tour à tour Géometre, Astronome, Naturaliste, Géographe, Moraliste, il est partout Ecrivain instructif & amusant, parce que les leçons plaisent toujours quand elles n’ont point l’air de leçons, & quand on a l’art d’éclairer l’esprit, sans le rebuter par un ton dogmatique. […] Le plus acharné de tous, a été celui qui avoit mis au bas de son portrait : Son sort est de fixer la figure du monde, De lui plaire, & de l’éclairer.
C’est là le défaut de ses premières années ; c’est le premier pli qu’il a cru devoir se donner pour plaire. Jeune, il a pourtant une autre religion encore que celle de plaire, et qui le domine avant tout, celle de la gloire et de l’honneur militaire. […] Jusqu’à la fin il aura le désir de plaire : « il n’y a que les bourrus qui ne l’aient pas » ; mais son grand précepte, en pareille matière, sera surtout de n’imiter personne : « La méthode se verrait, tout serait gâté. Le plus grand art pour plaire est de n’en pas avoir. » Tel il dut être, sinon dans le premier, du moins dès le second moment. […] Il faut nourrir cette amabilité, en avançant, de toutes sortes d’idées justes et solides sans en avoir l’air : l’homme aimable de soixante ans, même pour paraître n’en avoir jamais que vingt, ne doit pas être aimable comme on l’est à vingt, où l’on paye de mine et de jolies manières en bien des cas ; il faut, tout en conservant le désir de plaire, qu’il y joigne bien des qualités qu’il n’avait pas à cet âge ; il faut qu’en sentant toujours de concert avec la jeunesse, il ait l’expérience de plus, et qu’elle accompagne sans se marquer.
Cela, sans doute, ne comble pas mes vœux ; tout ce qui pourrait me plaire est à mille lieues de moi ; mais je ne veux point me contraindre, j’aimerais mieux rendre ma vie ! […] Mais vous êtes ardent, bilieux, plus agité, plus superbe, plus inégal que la mer, et souverainement avide de plaisirs, de science et d’honneurs ; moi, je suis faible, inquiet, farouche, sans goût pour les biens communs, opiniâtre, singulier, et tout ce qu’il vous plaira. […] » Ici nous retrouvons quelques-unes des idées particulières et, si l’on veut, des préventions de Vauvenargues, un reste de gentilhomme, ou plutôt un commencement de grand homme ambitieux, qui aimerait mieux franchement être Richelieu que Raphaël, avoir des poètes pour le célébrer que d’être lui-même un poète ; qui aimerait mieux être Achille qu’Homère : « Quant aux livres d’agrément, ose-t-il dire, ils ne devraient point sortir d’une plume un peu orgueilleuse, quelque génie qu’ils demandent ou qu’ils prouvent. » Il ne permet tout au plus la poésie à un homme de condition et de ce qu’il appelle vertu, que « parce que ce génie suppose nécessairement une imagination très vive, ou, en d’autres termes, une extrême fécondité, qui met l’âme et la vie dans l’expression, et qui donne à nos paroles cette éloquence naturelle qui est peut-être le seul talent utile à tous les états, à toutes les affaires, et presque à tous les plaisirs ; le seul talent qui soit senti de tous les hommes en général, quoique avec différents degrés ; le talent, par conséquent, qu’on doit le plus cultiver, pour, plaire et pour réussir. » Ainsi la poésie, il ne l’avoue et ne la pardonne qu’à titre de cousine germaine de l’éloquence, et qu’autant qu’elle le ramène encore à une de ces grandes arènes qui lui plaisent, à l’antique Agora ou au Forum, ou à un congrès de Munster, en un mot à une action directe sur les hommes. […] Mais l’homme dur et rigide, l’homme tout d’une pièce, plein de maximes sévères, enivré de sa vertu, esclave des vieilles idées qu’il n’a point approfondies, ennemi de la liberté, je le fuis et je le déteste… Un homme haut et ardent, inflexible dans le malheur, facile dans le commerce, extrême dans ses passions, humain par-dessus toutes choses, avec une liberté sans bornes dans l’esprit et dans le cœur, me plaît par-dessus tout ; j’y joins, par réflexion, un esprit souple et flexible, et la force de se vaincre quand cela est nécessaire : car il ne dépend pas de nous d’être paisible et modéré, de n’être pas violent, de n’être pas extrême, mais il faut tâcher d’être bon, d’adoucir son caractère, de calmer ses passions, de posséder son âme, d’écarter les haines injustes, d’attendrir son humeur autant que cela est en nous, et, quand on ne le peut pas, de sauver du moins son esprit du désordre de son cœur, d’affranchir ses jugements de la tyrannie des passions, d’être libre dans ses idées, lors même qu’on est esclave dans sa conduite. […] Il n’a jamais mieux déployé que dans ces lettres cette indulgence supérieure, cette ouverture, cet art de la persuasion dont il se pique, « l’art de plaire et de dominer dans un entretien sérieux » ; on croit l’entendre.
Une idée qui vint d’abord à d’Antin, c’est que, pour plaire au roi, il fallait être magnifique et faire de la dépense ; pour y subvenir, à défaut des secours de Mme de Montespan, il s’appliqua au jeu, et il en tira de grosses sommes. […] Il sut plaire même au misanthrope Montausier, qui lui donna en mariage Mlle d’Uzès, sa petite-fille. […] Mais que l’on ne puisse jamais espérer de plaire et de mériter la moindre part dans l’amitié de quelqu’un à qui vous êtes attaché uniquement, que vous servez avec dévouement, auprès duquel vous passez votre vie entière dans un abandon total de vous-même, et occupé jour et nuit de ce qui peut lui être plus agréable ; en vérité, c’est un état trop douloureux pour les gens qui ont le malheur d’avoir le cœur sensible. […] La langue écrite de d’Antin est négligée, mais elle est pleine de ces locutions qui nous plaisent comme sentant la façon de dire de son siècle. […] La goutte, les rhumatismes, les fatigues de la guerre, tout attaque la bonne santé dont j’ai toujours joui ; je vois le vide de la vie que je mène ; je ne désire aucune fortune plus que celle que j’ai ; je n’ai aucune démangeaison de me mêler des affaires publiques, et cependant je demeure courtisan, et je m’y ruine par toutes sortes de dépenses, plus encore pour satisfaire mon goût que pour plaire au roi, quoiqu’il en soit le prétexte.
La critique littéraire, qui doit être heureuse et fière de s’élever toutes les fois qu’elle rencontre de grands sujets, se plaît pourtant, par sa nature, à ces sujets moyens qui ne sont point pour cela médiocres, et qui permettent à la morale sociale d’y pénétrer. […] Il s’enhardit assez vite, se fit connaître et agréer de ces hommes plus ou moins distingués, et leur plut davantage à proportion qu’ils avaient plus d’esprit eux-mêmes. […] Il se plaît à raconter les stratagèmes, les ruses de diplomatie ou de guerre qu’il lui faut employer pour cela. […] Voulant montrer que, parmi les différentes sortes d’esprits, celui de saillie et de légèreté est le plus opposé à l’amitié : Elle s’accommoderait mieux, ajoute-t-il, de cet esprit fin et délicat qui semble ne s’exprimer que pour plaire, et qui laisse entrevoir plus qu’il n’exprime. Mais observez qu’il ne plaît en effet qu’en prenant la teinture du sentiment, et qu’il reste toujours à savoir si ses grâces séduisantes ne sont pas le fruit de l’usage du monde ou de l’hypocrisie du cœur.
Leur goût est un goût dépravé, mais séduisant, fait pour plaire aux femmes, aux jeunes gens, à tous les lecteurs superficiels. […] Chacun se décidoit pour l’un ou pour l’autre sonnet, selon l’intérêt qu’on pouvoit avoir de plaire au prince ou à la princesse. […] Cet ami ne balança point, & lui envoya pour réponse un rondeau qui finit par ces vers : De ces rondeaux un livre tout nouveau A bien des gens n’a pas eu l’art de plaire : Mais, quant à moi, j’en trouve tout fort beau, Papier, dorure, images, caractère, Hormis les vers qu’il falloit laisser faire A la Fontaine.
On a de la vertu, de la probité, des connaissances, du génie, même du goût, et l’on ne plaît pas. Cependant il faut plaire. L’art de plaire tient à des qualités qui ne s’acquièrent point.
Plus un ouvrage plaît, moins on est en état de reconnoître et de compter ses défauts. Or l’ouvrage qu’on entend réciter, plaît plus que l’ouvrage qu’on lit dans son cabinet. […] Elles se touchent plus facilement qu’eux des passions qu’il leur plaît d’avoir.
Aussi déplaît-elle autant à ceux qui ont de la justesse dans le goût, qu’elle plaît à ceux qui ne sont point d’accord avec la raison. […] Si notre musique nous plaît, c’est parce que nous ne connoissons pas rien de mieux, et parce qu’elle chatoüille les sens, ce qui lui est commun avec le ramage des chardonnerets et des rossignols. Elle est semblable à ces peintures de la Chine, qui n’imitent point la nature, et qui ne plaisent que par la vivacité et par la varieté de leurs couleurs.
Eugénie de Guérin, qui fit le miracle posthume de plaire à Villemain, ce sec qui s’humecta pour elle, fut aussi couronnée par l’Académie, mais elle était morte, la pauvre fille ! […] Les livres qu’elle n’aurait jamais dû écrire et qu’elle se plaît à multiplier, font un grand contraste avec le premier qui lui sortit de l’âme comme un cri, et l’Académie n’avait pas besoin d’être émue pour les couronner. […] Avec son titre prétentieux de Fleurange, d’un ridicule presque idéal, le roman de Mme Craven, qui pourrait se nommer maintenant Mme Berquin, a l’innocence de la fadaise et la sentimentalité de la fadeur… Cette fleur-ange ou cet ange-fleur a dû plaire aux académiciens comme les petites filles plaisent aux vieillards.
S’il me plaisait de vous dire le nom de l’auteur de Robert Emmet, je vous le dirais : mais il ne me plaît pas. […] Et après Villemain, c’est Sainte-Beuve, non pas seulement, sur Byron, mais sur tout, le Sainte-Beuve qui plaît aux femmes, parce qu’il est fin et faux comme elles, fin de la finesse de leurs aiguilles et de leurs épingles, sans plus de largeur et de longueur ! […] Elle peut continuer de s’appeler l’auteur de Robert Emmet tant qu’il lui plaira !
Bonnes ou mauvaises, ces doctrines qui renaissaient sous l’empire despotique de Bonaparte étaient infiniment propres à lui plaire. […] Je cultive un petit parterre de fleurs qui pourront vous plaire ; vous en trouverez d’assez rares. […] Plût à Dieu que ce fût en effet la fièvre ! […] Il plut à Dieu de le rompre et de me laisser isolé et seul au milieu du monde. […] On dirait que le ciel se plaisait à empoisonner les tristes jouissances qu’il vous laissait.
Personne n’avoit moins besoin des ressources du vice, pour plaire & se faire un nom. […] Gustave plaira toujours, à cause de la vivacité & de l’intérêt des situations.
Ainsi les vers que soupiroit Tibulle et que l’amour lui dictoit, pour me servir de l’expression de l’auteur de l’art poëtique, nous plaisent infiniment toutes les fois que nous les relisons. […] Les épigrammes, dont le merite consiste en jeux de mots, ou dans une allusion ingenieuse, ne nous plaisent que lorsqu’elles sont nouvelles pour nous.
Les sentiments élevés, les hautes vertus que la poésie, l’éloquence et l’histoire se plaisent à mettre sous nos yeux, ne peuvent pas être pour nous un vain spectacle. […] À Dieu ne plaise qu’un pareil sentiment nous anime dans nos études biographiques et littéraires. […] On a dit que le goût était la faculté de se plaire aux beautés de la nature et de l’art. […] Nous ne saurons pas seulement qu’un poème nous plaît, nous saurons encore pourquoi il nous plaît. […] Aux champs tout plaît, hors la nature… Tout est amusement, tout, même une lecture.
Mlle de Lespinasse n’était point jolie ; mais, par l’esprit, par la grâce, par le don de plaire, la nature l’avait largement récompensée. […] » D’Alembert a relevé ce mot et le lui a reproché comme venant d’un trop grand désir de plaire, et de plaire à tous. […] » Elle, c’est être aimée qu’elle veut, ou plutôt c’est aimer, dût-elle ne pas être payée de retour : « Vous ne savez pas tout ce que je vaux ; songez donc que je sais souffrir et mourir ; et voyez après cela si je ressemble à toutes ces femmes, qui savent plaire et s’amuser. » Elle a beau s’écrier par instants : Oh ! […] Mon âme n’avait pas besoin d’aimer ; elle était remplie d’un sentiment tendre, profond, partagé, répondu, mais douloureux cependant ; et c’est ce mouvement qui m’a approchée de vous : vous ne deviez que me plaire, et vous m’avez touchée ; en me consolant, vous m’avez attachée à vous… Elle a beau maudire ce sentiment violent qui s’est mis à la place d’un sentiment plus égal et plus doux, elle a l’âme si prise et si ardente, qu’elle ne peut s’empêcher d’en être transportée comme d’ivresse : « Je vis, j’existe si fort, qu’il y a des moments où je me surprends à aimer à la folie jusqu’à mon malheur. » Tant que M. de Guibert est absent, elle se contient un peu, si on peut appeler cela se contenir. […] C’est parce que cela me plaît : vous ne vous en seriez jamais douté, si je ne vous l’avais dit.
Ces petits faits, qui appartiennent à un ancien monde disparu, et qui nous le représentent dans une entière vérité, nous plaisent et nous attachent : à une distance médiocre, ils pouvaient sembler surabondants et superflus ; à une distance plus grande, ils sont redevenus intéressants et neufs. […] Cette parure, avec son voile noir, la fît paraître belle et de bonne mine, et en cet état elle plut à toute la compagnie. […] Pour achever de la représenter telle que je l’ai vue, il faut avouer qu’elle avait infiniment de l’esprit, de cet esprit brillant qui plaît aux spectateurs. […] Quand la comédie italienne s’introduisit sous les auspices de Mazarin, elle se plaisait peu à ces pièces en musique : « Ceux qui s’y connaissent, disait-elle, les estiment fort ; pour moi, je trouve que la longueur du spectacle en diminue fort le plaisir, et que les vers, répétés naïvement, représentent plus aisément la conversation et touchent plus les esprits que le chant ne délecte les oreilles. » Tout cela sent un esprit juste, un cœur noble plutôt que disposé à la tendresse ou à la passion. Cette comédie italienne, représentée chez le cardinal, excita l’enthousiasme de quelques courtisans tels que le maréchal de Grammont ou le duc de Mortemart qui paraissait enchanté au seul nom des moindres acteurs ; « et tous ensemble, afin de plaire au ministre, faisaient de si fortes exagérations quand ils en parlaient, qu’elle devint enfin ennuyeuse aux personnes modérées dans les paroles ».
Pour des raisons de hâte, et par le désir d’être le plut tôt possible ailleurs qu’à l’auberge. […] Ils ont une hospitalité sévère qui plaît à la conscience. […] En 1600, pendant que l’empereur Rodolphe faisait la guerre à son frère révolté et ouvrait les quatre veines à son fils, assassin d’une femme, il fit Comme il vous plaira, Henri IV, Henri V et Beaucoup de bruit pour rien. […] En 1609, pendant que la magistrature de France, donnant un blanc seing pour l’échafaud, condamnait d’avance et de confiance le prince de Condé « à la peine qu’il plairait à sa majesté d’ordonner », il fit Troïlus et Cressida. […] Shakespeare glorifia Élisabeth ; il la qualifia Vierge étoile, astre de l’Occident, et, nom de déesse qui plaisait à la reine, Diane ; mais vainement.
Il y a d’ailleurs un autre défaut : c’est que sur un grand nombre d’exemples que l’auteur rapporte, il se contente de dire qu’ils plaisent, sans montrer pourquoi ils plaisent. […] On n’a pas trouvé non plus assez de justesse dans plusieurs de ses idées, comme dans celle qu’il donne de la délicatesse, qu’il fait consister dans le mystère qu’une pensée présente à l’esprit, & que l’esprit se plaît à développer. […] Il dit que le desir de plaire, de s’élever, de se faire de la réputation, n’est point un motif qu’on doive écouter ; qu’il ne faut parler que pour instruire ; ne louer un héros que pour apprendre ses vertus au peuple, que pour l’exciter à les imiter, que pour montrer que la gloire & la vertu sont inséparables. […] On embrasse ici ces deux objets, parce que le Poëte & l’Orateur, (ainsi qu’on l’observe) n’ayant tous deux que le même but, celui de plaire, de toucher, d’instruire, ils ne différent que dans la maniere d’employer les moyens qui leur sont communs : mais la poétique n’est pas longue, parce qu’on se propose moins de former des Poëtes que des lecteurs éclairés. […] &c. : & si l’on examine les endroits qui lui plaisent dans les auteurs, tous ces ornemens s’y rencontrent.
Intelligence ferme et décidée comme elle est, ennemie du vague, allant droit au fait, droit au but, — Elle et son frère, le prince Napoléon, en cela semblables, — si l’on se permettait d’être observateur en les écoutant, on se plairait à retrouver en eux, pour le trait général et le contour, quelque chose de la forme et du profil d’esprit du grand empereur leur oncle. […] La princesse, au milieu de l’effroi et de la panique générale, garda son calme et son sang-froid : ce qui plut à l’empereur […] En voyant l’avénement de l’Empire en France, je me plaisais à espérer que le retour de ce régime pourrait ne point entraîner, comme une conséquence inévitable, celui d’une lutte de rivalité avec la Russie, et d’un conflit à main armée entre les deux pays. Plût au ciel que l’orage prêt à éclater puisse se dissiper encore !
Ce qui plaît toujours quand on rouvre Voltaire et ce qui fait qu’on s’intéresse, c’est (avec cette jolie manière de dire) qu’il met de l’action à tout ; les moindres choses, ou celles même qui chez d’autres feraient l’effet de la raison et de la sagesse, prennent avec lui un air d’entrain et de diablerie. […] Dans la seconde lettre, Rousseau se plaît à étaler nos incertitudes et nos faiblesses, même au cœur de la civilisation la plus avancée. […] Je ne serre pas de trop près, je ne veux pas démêler ce qu’il peut y avoir de vague et d’indécis sous ces phrases si nettes et si fermes de ton ; j’applique à Rousseau le précepte qu’il nous a donné pour le bien lire : « Mes écrits ne peuvent plaire qu’à ceux qui les lisent avec le même cœur qui les a dictés » ; et je dis que Rousseau, dans ces pages où il invoque si vivement le sentiment moral tel que tout honnête homme le trouve en lui-même dans une société civilisée, est moral lui-même et religieux. […] La vicomtesse d’Houdetot, femme aimable, spirituelle, morte de très bonne heure, laissa quelques vers que ses amis se plurent à recueillir après elle et à faire imprimer en un tout petit volume (Poésies de la vicomtesse d’Houdetot, 1782).
La justice de l’Empereur se plut à reconnaître ses services en cette occasion, qui en résumait tant d’autres, et à l’en récompenser par des marques de bonté qui ont rejailli sur son excellente veuve. […] Mais le grand philologue de Leyde, qui était son véritable ami, qui entretenait avec lui un commerce de lettres, qui se plaisait à être son hôte dans ses voyages à Paris, saurait dire mieux que personne et dans leur juste mesure les qualités précises et multiples de celui qu’il distinguait et estimait entre tous. […] Je m’empresse de reconnaître que j’en ai très-souvent profité, et plût au Ciel que je pusse en profiter encore ! […] C’est là un hommage mérité que je me plais à rendre à la mémoire de Dübner, bien persuadé que je ne serai pas démenti par tous ceux qui l’ont pratiqué un peu intimement.
Qu’on se figure, dans la position de madame de Maintenon, une femme d’un autre caractère : elle mettra en jeu tout ce que l’art de la galanterie aura de plus raffiné, d’abord pour nuire à sa rivale, ensuite pour plaire toujours plus qu’elle-même : elle disputera sa possession autant qu’il faudra pour en exalter le désir jusqu’à la passion. […] Demandez donc bien à Dieu ce que je dois faire ; et après qu’il vous l’aura inspiré, conduisez-moi ou il vous plaira… Mes compliments à M. […] « Mais on serait également injuste envers madame de Maintenon, si on se plaisait à attribuer le chagrin de voir madame de Montespan revenir à la cour, à des motifs peu dignes d’elle, et à ces petites passions qu’on retrouve si souvent dans la société. […] Elle me redonne au roi comme il lui plaît, et m’en fait perdre l’estime.
Molière même, pour ne pas se brouiller avec un corps si dangereux, appela précieuses ridicules celles qu’il mit sur la scène ; depuis ce temps le mot précieuse se prit en mauvaise part, et c’est en ce sens que La Fontaine s’en sert dans cette petite historiette, qu’il lui plaît d’appeler une fable. […] Bref, il plut dans son escarcelle. La Fontaine, en disant qu’il plut dans la bourse de ce marchand, a voulu exprimer avec force qu’il avait fait fortune, sans qu’il l’eût mérité par ses soins et par sa prévoyance ; comme il a soin de dire ensuite que, s’il fut ruiné, ce fut par son imprudence, par sa faute, et même pour avoir trop dépensé. […] La petite aventure que raconte ici La Fontaine, arriva à Londres vers ce temps-là, et donna lieu à cette pièce de vers, qu’il plaît à La Fontaine d’appeler une fable.
La chanson est une fleur qui se plaît sous le ciel de la France : elle y réussit sans art, sans culture, et c’est un des ornements de notre guirlande poétique. […] On n’y voit point le poëte courtisan qui mendie la faveur par de serviles adulations, mais l’homme de lettres qui sait plaire par le noble exercice de son talent. […] Si, chez une nation, la satire de tout mérite personnel est une des règles du théâtre, l’ostracisme doit être un des articles de la législation, et les hommes qui se plaisent à voir outrager Euripide, parce qu’il est trop grand, sont les mêmes qui exilent Aristide, parce qu’il est trop juste. […] À Dieu ne plaise que je parle, dans le sanctuaire des lettres, du triomphe de la barbarie, et que je rappelle, devant les statues de Corneille et de Racine, l’époque déplorable où leurs chefs-d’œuvre furent mutilés par des mains sacrilèges.
Cela est sans contredit juste et parfaitement écrit ; mais à la suite, quand Agnès déclare à son tuteur qu’un jeune homme, malgré tous les obstacles, a trouvé le moyen de s’introduire près d’elle et de lui plaire, le tuteur se plaint d’avoir perdu tous les soins qu’il a pris pour lui plaire lui-même ; Agnès lui répond : Vraiment, il en sait donc là-dessus plus que vous, Car à se faire aimer il n’a pas eu de peine. […] — Le… — Plaît-il ?
En revanche, disposez de mon travail comme il vous plaira ; vous êtes le maître d’approuver, de contredire, d’ajouter, de retrancher. Une obligation que je vous aurai toujours, à vous et à M. le baron d’Holbach, une marque signalée de votre estime, c’est de m’avoir proposé une tâche qui plaisait infiniment à mon cœur : : plût à Dieu qu’elle eût été moins disproportionnée à mes forces, et que vous vous fussiez rappelé, l’un et l’autre, le Quid ferre recusent, Quid valeant humeri !
Tout ce qui plaît à notre imagination dans la sublimité des fables homériques, tout ce qui touche nos cœurs dans cette première et naïve expression des passions humaines, notre raison l’approuve, et elle y trouve sa part dans la leçon morale qui s’insinue sous le plaisir. […] A quoi doit-elle de plaire à Perrault ? […] Le jugement en gros sur ces deux personnages, Et ce fut de moi qu’il partit, C’est que l’un cherche à plaire aux sages, L’autre veut plaire aux gens d’esprit. Il leur plaisait jusqu’à leur faire lire sans défiance des explications atténuantes de toutes les incrédulités, y compris l’athéisme. […] A Dieu ne plaise que je manque à ce devoir !
Après cela, lui plaisent-ils parce qu’ils sont de la Revue des Deux Mondes, ou en sont-ils parce qu’ils lui plaisent ? […] Il lui plaît de rajeunir les formes vieillies de ce temps-là. […] Il ne se pique pas de plaire à tout le monde, oh ! […] qu’est-ce que tout cela, puisqu’il plaît à M. […] Il plaît à M.
Plaire au roi, servir ses propres amis, assurer un libre essor à leurs talents et au sien, plaire à Montausier même, furent trois succès que Molière me paraît s’être promis d’allier, en faisant le bel ouvrage dont nous parlons ; et j’aime à penser qu’il se proposa une alliance si difficile, parce que l’accomplissement de ce dessein ajoutait le mérite de la difficulté vaincue au mérite du talent le plus élevé.
Il faut encore posséder l'art d'enchaîner naturellement les Scenes, d'exposer des caracteres variés & soutenus, d'amener des situations comiques qui sortent du sujet, de plaire enfin au Spectateur, sans l'égarer dans des routes nouvelles, & par-là même suspectes. […] Ils aiment mieux plaire quelques instans, se faire applaudir aux dépens du goût & de la raison, que de s'assujettir aux regles qu'exige la véritable Comédie.
Donnez-moi ce qu’il vous plaît, et selon la mesure qu’il vous plaît, et dans le temps qu’il vous plaît. […] Placez-moi où il vous plaira, et disposez de moi librement en toutes choses. […] Ce qui plaît aux autres réussira, et ce qui vous plaît n’aura point de succès ; on écoutera les discours des autres, et les vôtres seront comptés pour rien ; les autres demanderont, et ils recevront ; vous demanderez, et vous n’obtiendrez pas. […] Plût à Dieu que leur vie eût répondu à leur science ! […] Plût à Dieu que nous eussions bien vécu dans ce monde un seul jour !
Marianne, comme le plus avisé des disciples féminins de La Rochefoucauld, nous expose le pourquoi de l’infidélité et son secret mobile, et aussi le remède : On ne le croirait pas, dit-elle, mais les âmes tendres et délicates ont volontiers le défaut de se relâcher dans leur tendresse, quand elles ont obtenu toute la vôtre : l’envie de vous plaire leur fournit des grâces infinies, leur fait faire des efforts qui sont délicieux pour elles ; mais, dès qu’elles ont plu, les voilà désœuvrées. […] Ce nœud très léger qu’il agite et qu’il tourmente, il ne faudrait que s’y prendre d’une certaine manière pour le dénouer à l’instant ; il n’a garde de le faire, et c’est ce manège, ce tatillonnage bien mené et semé d’accidents gracieux, qui plaît à des esprits délicats. […] Tout va à merveille tant que les deux sincères ne le sont qu’à l’égard d’autrui et non vis-à-vis l’un de l’autre : mais Ergaste se hasarde trop en croyant qu’il peut, sur les questions de la marquise, lui avouer qu’il a aimé Araminte presque autant qu’elle, et convenir qu’Araminte, à la vérité, lui semble plus belle, bien que la marquise plaise davantage ; il ne réussit lui-même qu’à déplaire. […] Et le tout finit par un double mariage, qui est l’inverse de celui qu’on avait prévu d’abord : tant il est vrai que dans la vie il faut un peu de flatterie, même pour s’aimer avec amour et se plaire avec quelque passion. […] Elle était des premières à s’y plaire ouvertement et à y applaudir.
Le vieux poète joue aux fables avec le jeune enfant ; il lui en récite, il lui en emprunte, il en compose sur des sujets de son choix (le Chat et la Souris), et il se déclare d’avance battu et vaincu : « Il faut, lui dit-il en tête de son douzième livre qui lui est tout dédié, il faut, Monseigneur, que je me contente de travailler sous vos ordres ; l’envie de vous plaire me tiendra lieu d’une imagination que les ans ont affaiblie ; quand vous souhaiterez quelque fable, je la trouverai dans ce fonds-là. » Et aussi, en récompense, quand La Fontaine meurt, on trouve parmi les thèmes ou les versions du jeune prince un très joli morceau sur cette mort (in Fontani mortem), un centon tout formé de la fleur des réminiscences et des plus élégantes expressions antiques. […] L’abbé de Polignac eut même, à l’occasion et à la suite de son livre, des conférences de philosophie avec le jeune prince, et Fénelon se plut à laisser faire cet auxiliaire brillant dont la métaphysique, toute vouée aux causes finales, était proche parente de la sienne. […] Il lui était venu en réponse à ces questions de nombreux mémoires, jusqu’à former 42 volumes manuscrits in-folio ; il avait commencé par tout lire et dépouiller d’un bout à l’autre, étant de ces esprits qui cherchent sans doute la délivrance et la sortie du labyrinthe, mais qui se plaisent aussi dans le dédale. […] Il en était fort triste, ayant besoin de plaire. […] que cet état plaît à Dieu !
« Charles-Édouard, depuis ce temps, nous dit l’historien, se cacha au reste de la terre. » Plût à Dieu pour lui, pour l’honneur de sa mémoire, qu’il se fût en effet caché et dérobé à tous ! […] On ne dit point pourtant que le prince, en tout ceci, ait été jaloux d’Alfieri, lequel au contraire avait su lui plaire ; mais on rapporte « qu’il obsédait sans cesse sa femme, ne la laissait jamais sans lui ; quand il était obligé de la perdre de vue, il l’enfermait à clef. […] Le biographe se plaît singulièrement à relever la conduite de cette fille naturelle, reconnue et légitimée par son père, et à mettre son dévouement, fort respectable assurément, mais fort explicable, en opposition avec l’éloignement et la séparation de l’épouse. […] il nous a détestés et abhorrés hautement, il nous a exécrés, et il lui est difficile, en revanche, de se faire bien venir de nous et de nous plaire. […] Il lui plaisait, il lui apparut grand ; elle devina, elle présagea sa muse, et elle-même elle la devint.
Maintenant nous aborderons, s’il vous plaît, un terrain plus solide que le terrain de la fantaisie. […] Argan ressemble trop à notre histoire courante de chaque jour, pour qu’elle puisse beaucoup nous plaire. […] En pareille occasion, l’avare ( Plût à Dieu que je les eusse ces dix mille écus ! […] — Rosine : Et de qui donc, s’il vous plaît ? […] À Dieu ne plaise que je chagrine ces gloires naissantes, que je prenne à partie ces Agamemnons et ces Frontins de hasard !
Plus ambitieuse de plaire à l’esprit que de toucher le cœur, son éloquence est plutôt celle d’un Ecrivain moraliste & poli, que d’un Orateur Chrétien, pénétré des vérités qu’il prêche, & doué du talent d’en pénétrer les autres. […] Pour y parvenir, il doit plaire, il doit prouver, il doit toucher ; car il ne peut rien obtenir de l’Auditeur ou du Lecteur, que par l’art de s’attirer sa bienveillance par la force des raisons, & par le trouble où il le jette : le dernier point, le plus difficile sans doute, mais le plus infaillible, & sans lequel il n’y a point de véritable éloquence évangélique, est précisément celui qui nous paroît manquer à M. l’Abbé Poule.
Le but que se propose la poesie du stile, est de faire des images et de plaire à l’imagination. Le but que la mécanique de la poesie se propose, est de faire des vers harmonieux et de plaire à l’oreille. […] Quant aux mots considerez comme de simples sons qui ne signifieroient rien, il est hors de doute qu’à cet égard les uns ne plaisent davantage que les autres, et par consequent que certains mots ne soient plus beaux que d’autres mots. Les mots qui sont composez de sons, qui par eux-mêmes et par leur mêlange plaisent davantage à l’oreille, doivent lui être plus agréables que d’autres mots où les sons ne seroient pas combinez aussi heureusement, et cela, comme je l’ai dit, indépendamment de leur signification. Osera-t-on nier que le mot de compagnon ne plaise plus à l’oreille que celui de collegue, bien que par rapport à leur signification le mot de collegue soit plus beau que celui de compagnon ?
Elle me plaît pour causer. […] Poète, fais les vers qui te plaisent, non ceux qui risqueraient de plaire au public payant.
C’est lorsqu’il s’agit de sçavoir si un poëme plaît ou s’il ne plaît pas, si, generalement parlant, un poëme est un ouvrage excellent ou s’il n’est qu’un ouvrage médiocre. […] En un mot, comme le premier but de la poësie est de plaire, on voit bien que ses principes deviennent plus souvent arbitraires que les principes des autres arts, à cause de la diversité du goût de ceux pour qui les poëtes composent.
J’aime ce satyre à moitié ivre, qui semble avec ses lèvres humer et savourer encore le vin ; j’aime ses tréteaux rustiques ; ses enfants ; sa femme qui sourit et se plaît à l’achever. […] Est-ce que l’idée de ce tonneau percé par l’autre satyre ; ces jets de vin qui tombent dans la bouche de ses petits enfants étendus à terre sur la paille ; ces enfants gras et potelés ; cette femme qui se tient les côtés de rire de la manière dont son mari allaite ses enfants pendant son absence, ne vous plaît pas [?]
C’est avec cette orthographe et cette diction qu’il ne laissait pas cependant de plaire à quelques-unes de ces dames qui se piquaient de philosophie. […] Pour moyens d’y arriver, il n’eut que deux maximes principales, qu’il suivit constamment et exactement tous les jours : c’était d’étudier mieux que ses rivaux toutes les choses qui déplaisaient à celui qui gouvernait, pour les éviter, et toutes les choses qui lui plaisaient et celles qui lui plaisaient le plus, pour les rechercher avec soin dans l’étendue de son ministère. […] Un ministre général (un premier ministre) ne pouvait pas souhaiter un valet plus assidu, plus attentif à le louer et à lui plaire, etc.
Nous sçavons sans méditer, nous sentons le contraire de tout ce que nous dit celui qui veut nous persuader qu’un ouvrage qui nous plaît infiniment, choque toutes les regles établies pour rendre un ouvrage capable de plaire. […] Ainsi le poëme qui a plû à tous les siecles et à tous les peuples passez est réellement digne de plaire, nonobstant les défauts qu’on y peut remarquer, et par consequent il doit plaire toujours à ceux qui l’entendront dans sa langue.
La beauté dans les ouvrages d’esprit est un reflet de l’intelligence divine ; en quelque endroit qu’il plaise à Dieu de le faire tomber, nous lui devons au moins notre respect. […] De même, tonnez tant qu’il vous plaira contre un spectacle qui m’attire ; je priserai peut-être votre éloquence, mais je rejetterai votre morale. […] Les chevaux y ont fait leur lit, ils y mangent, ils s’y plaisent. […] L’amour-propre y trouve son compte ; on se plaît à se reconnaître un fonds d’idées que la lecture fait découvrir.
C’est de lui qu’un Poëte a dit : Il reçut deux présens des Dieux, Les plus charmans qu’ils puissent faire : L’un étoit le talent de plaire ; L’autre, le secret d’être heureux. […] Telle, dans des canaux pressée, Avec plus de force élancée, L’onde s’éleve dans les airs : Et la regle, qui semble austere, N’est qu’un art plus certain de plaire, Inséparable des beaux Vers.
On ne peut nier que son Livre ne réunisse tout ce qui peut plaire & instruire, excepté dans les occasions où il se livre trop à ses idées. […] Des traits d’Histoire semés adroitement, des réflexions judicieuses, des pensées agréables & souvent énergiques, l’art d’exprimer de grandes choses d’une maniere naïve, l’abondance des métaphores, la multitude & la variété des images, sont des titres suffisans pour contenter les Esprits superficiels, parce qu’ils se laissent facilement entraîner à ce qui leur plaît, & qu’ils sont incapables de rien approfondir.
L’art de la peinture est si difficile, il nous attaque par un sens, dont l’empire sur notre ame est si grand, qu’un tableau peut plaire par les seuls charmes de l’execution, independamment de l’objet qu’il répresente : mais je l’ai déja dit, notre attention et notre estime sont alors uniquement pour l’art de l’imitateur qui sçait nous plaire, même sans nous toucher.
Quand nous plaisons, on veut nous plaire, et ce que nous donnons en prévenances, on nous le rend en attentions. […] Désormais les grands, ayant moins souci d’imposer que de plaire, se dépouillent de la morgue comme d’un costume gênant et « ridicule, et recherchent moins les respects que les applaudissements. […] Revient-on à se plaire, on se reprend avec autant de vivacité que si c’était la première fois qu’on s’engageât ensemble. […] Quelles physionomies fines, engageantes et gaies, toutes brillantes de plaisir et d’envie de plaire ! […] La femme qui pouvait lui paraître aimable, ou seulement plaire à la duchesse de Gramont, sa sœur, était sûre de faire tous les colonels et tous les lieutenants généraux qu’elle voulait.
Nul lieu au monde ne me plaît comme le chez moi. […] Cette régence ne me va pas mal et me plaît assez pour un jour, mais pas davantage. […] Aussi ne s’y plaît-elle guère, dès qu’elle vient à considérer où elle est. […] Plût à Dieu que je pusse le voir et savoir ce qui te tourmente ! […] Je l’aime ainsi et m’y plais comme aux plus beaux endroits du monde, toute solitaire qu’elle est.
Massillon plaira à celui qui a une certaine corde sensible dans le cœur, et qui préfère Racine à tous les poètes ; à celui qui a dans l’oreille un vague instinct d’harmonie et de douceur qui lui fait aimer jusqu’à la surabondance de certaines paroles. Il plaira à ceux qui n’ont point les impatiences d’un goût trop superbe ou trop délicat, ni les promptes fièvres des admirations ardentes ; qui n’ont point surtout la soif de la surprise ni de la découverte, qui aiment à naviguer sur des fleuves unis, qui préfèrent au Rhône impétueux, à l’Éridan tel que l’a peint le poète, ou même au Rhin dans ses âpres majestés, le cours tranquille du fleuve français, de la royale Seine baignant les rives de plus en plus élargies d’une Normandie florissante. […] s’écrie-t-il, vous qui vîtes dans leur naissance les dérèglements des pécheurs qui m’écoutent et qui, depuis, en avez remarqué tous les progrès, vous savez que la honte de cette fille chrétienne n’a commencé que par de légères complaisances et de vains projets d’une honnête amitié : que les infidélités de cette personne engagée dans un lien honorable n’étaient d’abord que de petits empressements pour plaire, et une secrète joie d’y avoir réussi : vous savez qu’une vaine démangeaison de tout savoir et de décider sur tout, des lectures pernicieuses à la foi, pas assez redoutées, et une secrète envie de se distinguer du côté de l’esprit, ont conduit peu à peu cet incrédule au libertinage et à l’irréligion : vous savez que cet homme n’est dans le fond de la débauche et de l’endurcissement que pour avoir étouffé d’abord mille remords sur certaines actions douteuses, et s’être fait de fausses maximes pour se calmer : vous savez enfin que cette âme infidèle, après une conversion d’éclat, etc. […] Et après qu’il avait ainsi fait frissonner, en la touchant au passage, la plaie cachée de chaque auditeur, après qu’il avait dû sembler en venir presque aux personnalités auprès de chacun, Massillon se relevait dans un résumé plein de richesse et de grandeur ; il se hâtait de recouvrir le tout d’un large flot d’éloquence, et d’y jeter comme un pan déployé du rideau du Temple : Non, mon cher auditeur, disait-il aussitôt en rendant magnifiquement à toutes ces chutes et toutes ces misères présentes des noms bibliques et consacrésa, non, les crimes ne sont jamais les coups d’essai du cœur : David fut indiscret et oiseux avant que d’être adultère : Salomon se laissa amollir par les délices de la royauté, avant que de paraître sur les hauts lieux au milieu des femmes étrangères : Judas aima l’argent avant que de mettre à prix son maître : Pierre présuma avant que de le renoncer : Madeleine, sans doute, voulut plaire avant que d’être la pécheresse de Jérusalem… Le vice a ses progrès comme la vertu ; comme le jour instruit le jour, ainsi, dit le Prophète, la nuit donne de funestes leçons à la nuit… Ici l’écho s’éveille et nous redit ces vers de l’Hippolyte de Racine : Quelques crimes toujours précèdent les grands crimes… Ainsi que la vertu, le crime a ses degrés… On a souvent remarqué que Massillon se souvient de Racine et qu’il se plaît à le paraphraser quelquefois.
« Et que nous importe de vous plaire, si nous ne vous changeons pas ? […] » Acceptant hardiment l’éloge et en tirant sujet de s’humilier : Dieu, dit-il, ne retire plus ses prophètes du milieu des villes, mais il leur ôte, si j’ose parler ainsi, la force et la vertu de leur ministère ; il frappe ces nuées saintes d’aridité et de sécheresse : il vous en suscite qui vous rendent la vérité belle, mais qui ne vous la rendent pas aimable ; qui vous plaisent, mais qui ne vous convertissent pas : il laisse affaiblir dans nos bouches les saintes terreurs de sa doctrine ; il ne tire plus des trésors de sa miséricorde de ces hommes extraordinaires suscités autrefois dans les siècles de nos pères, qui renouvelaient les villes et les royaumes, qui entraînaient les grands et le peuple, qui changeaient les palais des rois en des maisons de pénitence… Et faisant allusion à d’humbles missionnaires qui, durant ce même temps, produisaient plus de fruit dans les campagnes : « Nous discourons, disait-il, et ils convertissent. » J’ai cité, d’après la tradition, quelques-unes des conversions soudaines opérées par l’éloquence de Massillon : pourtant, sans nier les deux ou trois cas que l’on cite, je vois que Massillon croyait peu à ces sortes de conversions par coup de tonnerre, « à ces miracles soudains qui, dans un clin d’œil, changent la face des choses, qui plantent, qui arrachent, qui détruisent, qui édifient du premier coup… Abus, mon cher Auditeur, disait-il ; la conversion est d’ordinaire un miracle lent, tardif, le fruit des soins, des troubles, des frayeurs et des inquiétudes amères ». […] Rien ne plaît parce qu’on ne saurait plus soi-même se plaire : on se venge sur tout ce qui nous environne des chagrins secrets qui nous déchirent ; il semble qu’on fait un crime au reste des hommes de l’impuissance où l’on est d’être encore aussi criminels qu’eux : on leur reproche en secret tout ce qu’on ne peut plus se permettre à soi-même, et l’on met l’humeur à la place des plaisirs. […] Il mêlait à cette tolérance une sorte d’aménité d’homme du monde ; il se plaisait à réunir à sa maison de campagne des jésuites et des oratoriens, deux sociétés assez peu disposées à s’entendre, et il les faisait jouer aux échecs : c’était la seule guerre qu’il leur conseillât.
À la différence de tant d’hommes distingués et d’écrivains de renom qui, ayant eu une partie de leur fortune viagère, en ont une autre partie durable et immortelle, Voiture a tout mis en viager : il n’a été qu’un charme et une merveillle de société ; il a voulu plaire et il y a réussi, mais il s’y est consumé tout entier ; et aujourd’hui, lorsqu’on veut ressaisir en lui l’écrivain ou le poète, on a besoin d’un effort pour être juste, pour ne pas lui appliquer notre propre goût, nos propres idées d’agrément, et pour remettre en jeu et dans leur à-propos ces choses légères. […] Il eût de bonne heure les cheveux grisonnants, et sa complexion résista peu à cette continuelle fatigue de plaire. […] Cet esprit de Voiture et de son monde n’était pas seulement un esprit de riposte et de trait, c’était aussi un esprit inventif, et qui se mettait en frais d’imagination pour divertir et pour plaire avec abondance et récidive. […] Le prince de Condé disait de lui : « Si Voiture était de notre condition, on ne le pourrait souffrir. » Si Voiture était venu un siècle plus tard, on ne peut trop dire ce qu’il aurait fait, et de quel côté se serait tournée cette vocation décidée de réussir et de plaire. […] Voiture, en écrivant à son familier Costar, a pu d’ailleurs se donner les airs de parler une fois avec aisance sur un sujet qui d’ordinaire lui plaisait moins.
Ces épigrammes, qui plaisent tant aux connaisseurs et sont exquises aux délicats, ne semblent souvent presque rien à les traduire ; quelques-unes seulement ont une beauté qui subsiste ou qui se laisse deviner d’une langue 293 à l’autre. […] Un trait piquant d’abord plaît, frappe, étonne ; Mais il s’émousse, et devient monotone ; Et si le goût ne le place avec choix, Si d’un sel pur grâce ne l’assaisonne, Si l’épigramme à la vingtième fois Ne vous plaît mieux, elle n’est assez bonne. […] Sommeil profond, facile à provoquer ; Ni créanciers, ni, prêts à critiquer, Censeurs fâcheux ; — beauté tendre et sincère, Point inégale, et n’aspirant à plaire Qu’à moi tout seul : — Bellocq, si quelque jour Un beau miracle en ma faveur opère De ce souhait l’agréable chimère, Je t’abandonne et Paris et la Cour. […] Elle est toute seule dans une grande place qui est environnée de trois couvents, des jacobins, des capucins et des carmélites ; de manière que je suis là comme dans un petit ermitage, où mes amis ne laissent pas de me venir voir quelquefois, et où quand il me plaît d’en sortir, je n’ai qu’à faire deux cents pas pour me trouver dans le cœur de la ville.
Je parle, outre cela, espagnol, et je suis sûre d’ailleurs que ce choix plairait à toute la nation de laquelle je puis me vanter d’avoir toujours été aimée et estimée. Mon dessein serait, madame, d’aller jusqu’à Madrid, d’y demeurer tant qu’il plairait au roi, et de venir ensuite à la Cour rendre compte à Sa Majesté de mon voyage. […] Je soumets cette idée à votre prudence, et, si elle vous paraît juste, vous la tournerez comme il vous plaira, car vous êtes plus habile que moi. […] Si vous croyez que la lettre soit bonne à faire voir, vous en ferez, s’il vous plaît, l’usage que vous jugerez à propos. […] À la rigueur, étant moi-même grande d’Espagne, cela ne devrait pas leur donner de la jalousie ; mais, étant Française aussi, je me contenterai d’exercer ma commission jusqu’où il plaira à Sa Majesté, et je continuerai le voyage comme une personne qui est bien aise de faire sa cour à la petite-fille de son roi et qui a aussi des affaires à Madrid.
Il écrit à Racine les vers suivants : Et qu’importe à nos vers que Perrin les admire, Que l’auteur du Jonas s’empresse pour les lire ; Qu’ils charment de Senlis le poète idiot127, Ou le sec traducteur du français d’Amyot, Pourvu qu’avec éclat leurs rimes débitées Soient du peuple, des grands, des provinces goûtées, Pourvu qu’ils puissent plaire au plus puissant des rois, Qu’à Chantilly Condé les souffre quelquefois, Qu’Enghien en soit touché, que Colbert et Vivonne, Que La Rochefoucauld, Marsillac et Pomponne, Et mille autres qu’ici je ne puis faire entrer, À leurs traits délicats se laissent pénétrer ! Et plût au ciel encor, pour couronner l’ouvrage, Que Montausier voulût leur donner son suffrage ! […] Racine a pourtant bien de l’esprit, il faut espérer. » Il est vrai, et cet aveu ne coûte point à faire, que madame de Sévigné se plaisait à l’élévation plus qu’à l’attendrissement, et qu’elle préférait le sublime au pathétique ; mais l’amour d’un genre n’était pas l’aversion de l’autre. […] Ce mot de reconnaissance ne peut regarder que madame de Sévigné, et les éloges qu’elle se plaisait à donner aux fables du poète, à mesure qu’elles paraissaient, surtout dans les cercles du duc de La Rochefoucauld, qui en était charme comme elle. […] Dans le fait, Molière, Boileau et elle se plaisaient, s’estimaient et se recherchaient.
LE but de la Poésie chez tous les peuples a été de plaire & de plaire en remuant les passions ; ainsi c’est tantôt le langage des Dieux & tantôt celui des Démons, suivant les effets qu’elle produit. […] Sa morale ne leur plaît pas davantage, & en beaucoup d’endroits ils la trouvent très-dangereuse pour les bonnes mœurs. […] A Dieu ne plaise que j’applique cette comparaison à M. […] Cette ridicule platitude plut dans le tems. […] Puis redevenu voluptueux, ou par inclination, ou par politique, pour plaire au Prince qui aimoit la débauche, il fut l’un de ses principaux confidens.
Tel qu’il est, ce roman a de quoi plaire à quiconque n’est pas absolument dégoûté de ceux du jour. […] — N’est-ce pas déjà une débauche, en lisant, que de s’y plaire ?
Louis Payen De même que dans la vie ordinaire nous nous plaisons à agrémenter d’un peu de beauté nos actes et nos pensées pour plaire à notre correspondant lointain, ainsi, dans Le Songe d’une femme, les personnages prennent des attitudes et cherchent à embellir mutuellement leur vie.
— Plût à Dieu ! […] Le roi se plaisait tellement aux divertissements fréquents que la troupe de Molière lui donnait, qu’au mois d’août 1665, Sa Majesté jugea à propos de la fixer tout à fait à son service, en lui donnant une pension de sept mille livres. […] Je ne vois pas, pour moi, que le cas soit pendable ; Et je vous supplierai d’avoir pour agréable Que je me fasse un peu grâce sur votre arrêt, Et ne me pende pas pour cela, s’il vous plaît. […] Ayez-en donc, madame, et voyons cette affaire ; Par ce rare secret efforcez-vous de plaire ; Et sans… ARSINOÉ. […] Autant qu’il vous plaira vous pouvez arrêter, Madame ; et là-dessus rien ne doit vous hâter.
« Si la psychologie, dit-il276, étudiait les affections et opérations au lieu des facultés, et réglait son langage en conséquence, il semble qu’on se débarrasserait d’un bon nombre de questions embarrassantes parmi lesquelles il faut mettre la controverse sur la liberté de la volonté, ce qui est littéralement la liberté d’une non-existence. » La question examinée de près se réduit, suivant l’auteur, à se demander, non pas si nous sommes libres d’agir dans certains cas comme il nous plaît, — car personne, je pense, ne conteste que nous le soyons ; — mais s’il y a des causes régulières qui nous mettent en état de « vouloir » agir comme nous agissons. […] En accomplissant ces actions, nous n’en faisons pas moins ce qui nous plaît ; nous agissons avec une parfaite liberté. […] Pourquoi serait-il incompatible que vous fassiez ce qu’il vous plaît, et que je prédise, moi, ce que vous feriez ou même que je sois cause que vous désiriez le faire ?
L’abbé Testu m’y croit déjà ; mais dites-lui, s’il vous plaît, qu’il se contente de m’écrire de très froids billets et qu’il vous laisse faire des gazettes de tout ce qui vous viendra à la tête. […] Sa piété est douce, gaie, point fastueuse ; mais il veut une vie chrétienne et active ; c’est un homme admirable ; je vous l’enverrai, si vous souhaitez, à vous et à Guébriant, Il commence pars emparer des passions, il s’en rend maître, et il y substitue des mouvements contraires, il m’a ordonné de me rendre ennuyeuse en compagnie, pour modifier la passion qu’il a aperçue en moi, de plaire par mon esprit. […] On ne peut la confondre avec ces fadeurs que la galanterie se plaît à semer au hasard, sans en prévoir, sans en désirer positivement des résultats.
Par exemple, quand Homere composa son iliade, il n’écrivoit pas une fable inventée à plaisir, qui lui laissât la liberté de forger à son gré les caracteres de ses heros, de donner aux évenemens le succès qu’il lui plairoit, et d’embellir certains faits par toutes les circonstances nobles qu’il auroit pu imaginer. […] Ces discours devoient plaire à des gens qui supposoient dans les animaux un dégré de connoissance que nous ne leur accordons pas, et qui plusieurs fois en avoient tenu de pareils à leurs chevaux. […] Homere, par cet endroit-là même qui l’a fait blâmer ici, plairoit encore à plusieurs peuples de l’Asie et de l’Afrique, qui n’ont point changé la maniere ancienne de gouverner leurs chevaux, non plus que beaucoup d’autres usages.
Nous sommes quinze ou vingt qui cherchons à te plaire. […] Voltaire vainement nous répète vingt fois Que, sur ses douze chants, on peut en lire trois ; Que le reste est absurde et plein d’extravagances, Grossier, bizarre, obscur, chargé d’invraisemblances ; C’est par là qu’il nous plaît \ l’ombre sert aux tableaux ; Verrait-on ses beautés, s’il n’avait des défauts ? […] Pour toi, douce Erato, si tu tiens à Parny, Si Dufrénoy te plaît, ton empire est fini.
On ne comprenait rien au Festin de Pierre ; il ne plaisait point « aux honnêtes gens, mais au peuple, qui aime cette espèce de merveilleux364 ». […] Ce spectacle plaît aux Espagnols, ou leur a plu à un certain moment de leur histoire. […] « Celui qui dans l’histoire de la nature célèbre la puissance mystérieuse des fées, et les voit, sylphes invisibles, colorer les feuilles de la rose et déposer dans son sein parfumé la perle humide de la rosée ; celui qui dans le corps du ver luisant enferme un esprit de lumière, qu’il promène ensuite dans les ondes dorées des plumes du paon ; celui-là pourra briller comme poète, mais jamais il ne sera naturaliste392. » Le critique qui dans l’histoire littéraire célèbre l’indépendance de la Muse, et s’imagine qu’elle chante où il lui plaît, quand il lui plaît, et de la manière qu’il lui plaît ; le critique qui dans l’âme d’Aristophane enferme un ingénieux démon qu’il croit immortel, et qu’il s’étonne de ne pas retrouver dans l’âme de Molière ; ce critique pourra briller comme écrivain, mais jamais il ne sera philosophe. […] comment vous plaît-il ? […] L’honnête homme, l’homme distingué, comme on dit en France aujourd’hui, est un sage qui veut plaire et qui plaît, comme l’oiseau chante, comme l’insecte bourdonne, sans y penser, avec un ait naturel.
Aujourd’hui, c’est d’Histoire qu’il vient nous entretenir et, s’il vous plaît, d’Histoire ecclésiastique, M. […] Viennet n’est pas de ceux qui se plaisent à attaquer les faibles et les grandeurs qui semblent en péril.
Dès que les vers latins font plus d’impression sur nous que les françois, il s’ensuit donc que les vers latins sont plus parfaits et plus capables de plaire que les vers françois. […] Cependant les vers latins plaisent plus, ils affectent plus que les vers françois.
Ce prologue fut très-applaudi de toute la cour, et plut beaucoup à Louis XIV. […] Mais aussi les connaisseurs admirèrent avec quelle adresse Molière avait su attacher et plaire pendant cinq actes, par la seule confidence d’Horace au vieillard, et par de simples récits. […] Si les médecins de notre temps ne connaissent pas mieux la nature, ils connaissent mieux le monde, et savent que le grand art d’un médecin est l’art de plaire. […] Le Misanthrope était l’ouvrage d’un sage qui écrivait pour les hommes éclairés ; et il fallut que le sage se déguisât en farceur pour plaire à la multitude. […] L’Amphitryon de Molière réussit pleinement et sans contradiction ; aussi est-ce une pièce faite pour plaire aux plus simples et aux plus grossiers, comme aux plus délicats.
(forcés par crainte du bâton à être sages et à se contenter de plaire). » Voltaire faisait mieux alors que de se montrer, il cherchait le chevalier de Rohan pour avoir raison de lui l’épée à la main, en galant homme, et celui-ci le faisait emprisonner : « (3 mai 1726) — Voltaire a été enfin mis à la Bastille ; il avait toujours sa folie dans la tête de poursuivre le chevalier de Rohan qui n’est pas si fâché qu’il soit là. […] Rollin, quoique bien critiqué en plusieurs endroits, mais qui est composé de grâces et de choses qui plaisent, l’emportera toujours sur la critique de son adversaire qui tient du collège et qui a un peu trop orgueilleusement raison. » Mais surtout les auteurs favoris de Marais sont les grands écrivains du siècle précédent ; il ne s’en tient pas à Boileau, son oracle ; à ses moments perdus, il se complaît et s’adonne à La Fontaine, dont le premier il s’avisa de composer une sorte de Vie puisée aux originaux et dans les ouvrages mêmes du poète, devançant ainsi le genre et la méthode des Walckenaer, pour la biographie littéraire. […] Il y a de bonnes petites anecdotes, des traits philosophiques, en un mot de tout ce qu’il faut pour plaire, et j’ai bien regretté ma pauvre Mme de Mérigniac, qui en était folle. […] On en est quitte envers la plus haute naissance pour les respects qui lui sont dus ; mais la beauté et les grâces qui se joignent à cette naissance ont des droits encore plus puissants, et principalement les grâces d’une si grande jeunesse qu’on ne peut guère les accuser d’aucun dessein de plaire, quoique ce dessein même fût une faveur. » Puis, comme il ne faut pas seulement persévérer dans les agréables défauts que vos ennemis vous reprochent, il fit peu après, et dès que l’occasion s’en offrit, son Éloge de Newton qu’il lut à l’Académie des Sciences, et se vengea ainsi noblement et avec sérénité, en mettant dans le plus beau jour le côté supérieur de son esprit. […] J’accepte, monsieur, cette nomination, qui me vaut une élection dans les formes, et comme la plus grande joie que j’aurais serait d’être d’un corps dont vous êtes, j’en suis dès que vous m’avez nommé, et cet in petto me plaît plus que la chose même… Vos lettres ne manqueront pas de faire du bruit ; mon nom sera mêlé avec le vôtre ; on dira que vous m’avez jugé digne d’être un jour académicien : n’en est-ce pas plus cent fois que je ne mérite ?
Il reste, et il veut plaire : il s’évertue gauchement, lourdement, sans aisance, comme ses contemporains l’ont remarqué ; il a la mauvaise grâce d’un homme fier, qui fait effort pour plaire et manifeste si sensiblement son intime humiliation qu’il en perd tout le bénéfice. […] Avec l’antithèse, il prodigue l’ironie où il est maître : il se plaît à dérouter le lecteur par l’exposition flegmatique de la pensée contraire à celle qu’il veut enfoncer, jusqu’à ce qu’un mot, un tout petit mot parfois, tout à la fin du morceau, donne la clef du reste, et nous découvre qu’il faut renverser tous les termes. […] Désireux de plaire à tout le monde, il proposa une dizaine de raisons pour et contre l’une et l’autre opinion, encouragea les modernes en approuvant les anciens, et finit par s’échapper sans conclure. […] Fénelon est charmant et coquet comme une femme : toute sa force est dans ce don et ce désir de plaire. Si l’on descend au fond de son âme, la raison de ce besoin de plaire est un amour infini de soi-même.
Ils évoquent des cavaliers beaux, spirituels, habiles à tous les exercices du corps, aisés, victorieux, sûrs de plaire, qui jouissent de tout leur être et dont l’occupation est de cueillir toutes les fleurs des plaisirs les plus réels. […] Et ce monde lui plaît assurément, et il marque çà et là quelque satisfaction de le si bien connaître ; mais il n’en est point ébloui, il s’en faut. […] Et, de même, le dernier but des mondains dont c’est le métier d’être mondains est de plaire aux tentatrices, de leur plaire jusqu’au bout, de plaire à toutes celles qui sont désirables.
Aussi la plus simple parure suffisait à une pensée élégante pour leur plaire, et la vérité pure les satisfaisait dans les descriptions. […] Si le soin de l’entretenir est le seul dont il plaise au ciel de nous charger, il faut s’en acquitter gaiement et de la meilleure grâce qu’il est possible, et attiser ce feu sacré, en s’y chauffant de son mieux, jusqu’à ce qu’on vienne nous dire : C’est assez. […] Les premiers chapitres du premier volume ne sont pas ceux qui me plaisent le plus ; ils traitent de Dieu, de la création, de l’éternité, et de bien d’autres choses. […] C’est quand il revient à parler des mœurs et des arts, de l’Antiquité et du siècle, de la poésie et de la critique, du style et du goût, c’est sur tous ces sujets qu’il nous plaît et nous charme, qu’il nous paraît avoir ajouté une part notable et neuve au trésor de ses devanciers les plus excellents. […] s’écriait-il, cela est long, cela est rare, cela cause un plaisir extrême ; car les pensées achevées entrent aisément dans les esprits ; elles n’ont pas même besoin d’être belles pour plaire, il leur suffit d’être finies.
Sayous ne nous retrace pas avec moins de finesse et de vérité l’aspect naturel du pays en Savoie, ces frais paysages jetés dans un cadre grandiose, cette espèce d’irrégularité et de négligence domestique, et ce laisser-aller rural que peut voir avec regret l’économiste ou l’agronome, mais qui plaît au peintre et qui l’inspire insensiblement : « L’imagination, dit-il, est plus indulgente : elle sourit à ce spectacle qui a sa grâce, et l’artiste jouit en reconnaissant un instinct de l’art et comme un goût de nature dans ce confus arrangement qui semble avoir été abandonné au hasard. » Nous connaissions déjà, depuis les peintures de Jean-Jacques Rousseau, ce charme des vallons et des vergers de Savoie, si frais et si riants au pied des monts de neige ; mais, avant d’en venir à saint François de Sales, il était bon de nous le rappeler. […] Il est même à remarquer qu’en avançant il se dépouilla de plus en plus des considérations de prudence humaine, et qu’il se plaisait par-dessus tout à se laisser entièrement gouverner à la Providence. […] Le duc de Savoie (Charles-Emmanuel), politique habile et rusé, lui sut toujours mauvais gré de ces liaisons intimes qu’il avait contractées à la cour de France, et des distinctions singulières dont il avait été l’objet ; il en conçut de la méfiance contre celui qui n’avait pourtant aucune vue d’ambition mondaine, et qui disait en son gracieux langage : « Je suis en visite bien avant parmi nos montagnes, en espérance de me retirer pour l’hiver dans mon petit Annecy où j’ai appris à me plaire, puisque c’est la barque dans laquelle il faut que je vogue pour passer de cette vie à l’autre. » Henri IV, de son côté, ne cessa d’avoir l’œil sur l’évêque de Genève. […] Cette haute estime que l’on avait alors en France pour saint François de Sales comme négociateur, ce n’était pas Louis XIII encore enfant qui pouvait en être juge, c’était Richelieu qui se plaisait ainsi à l’exprimer. […] Il dit aux honnêtes femmes qui se plaisent aux coquetteries et aux légères attaques : « Quiconque vient louer votre beauté et votre grâce vous doit être suspect : car quiconque loue une marchandise qu’il ne peut acheter, il est pour l’ordinaire grandement tenté de la dérober. » On voit que, s’il n’interdit point absolument le bal et la danse, ce n’est point par relâchement.
Et toutefois, dans le dégoût que donnent quelques poésies impures conservées sous le nom de Catulle, on ne sera guère tenté de chercher près de lui l’étincelle lyrique, telle du moins qu’elle nous plaît. […] « Avance, s’il te plaît, et je le crois ainsi ; et entends nos paroles. […] « Il plaît aux jeunes filles de te poursuivre d’une plainte mensongère. […] Les rudes imitations ou les élans patriotiques des vieux poëtes de la tragédie romaine ne retentiront plus au théâtre, ne plairont plus aux esprits élégants et seront comptés parmi les admirations surannées qu’on reprochait à Cicéron en fait de poésie. […] Tel est pourtant le privilège du génie raffiné par le goût, que son nom et ses vers traverseront les siècles et plairont à jamais aux esprits délicats, dans ce monde déjà tant renouvelé et qui change toujours.
Il est vrai que le souvenir de leur sexe peut également se retourner contre elles… En somme, soit que l’idée d’un autre charme que celui de leur style agisse sur nous, soit qu’au contraire l’effort de leur art et de leur pensée nous semble attenter aux privilèges virils, il est à craindre que nous ne les jugions avec un peu de faveur ou de prévention, qu’elles ne nous plaisent à trop peu de frais dans les genres pour lesquels elles nous semblent nées (lettres, mémoires, ouvrages d’éducation), et qu’elles n’aient, en revanche, trop de peine à nous agréer dans les genres que nous considérons comme notre domaine propre (poésie, histoire, critique, philosophie). […] Je les croyais faites, étant femmes, pour plaire et pour être aimées, et, cette destination étant la plus belle de toutes, je voulais qu’elles s’en souvinssent, même en écrivant. […] Plût au ciel que nos névrosées se plussent à lire Jacques ! et plût au ciel que nos révolutionnaires fussent nourris du socialisme arcadique du Meunier d’Angibault !
Il se plaît dans les contrastes les plus frappans, dans les phénomenes les plus terribles qui font l’école du génie. […] Vous n’avez pas moins de charmes pour moi que la vérité ; puissiez-vous me toucher & me plaire jusques dans les derniers instans de ma vie. […] Active imagination, tu es la source & la gardienne de nos plaisirs ; ce n’est qu’à toi que nous devons l’agréable illusion qui nous flatte ; tu sçais fournir à notre cœur les plaisirs dont il a besoin ; tu rappelles nos voluptés passées, & tu nous fais jouir de celles que l’avenir nous promet ; tu plais sur-tout à l’esprit ; c’est ta flamme subtile & légere qui colore & les Cieux & la terre & les Mers ; sans toi l’ame se refroidit, la fleur la plus précieuse de notre sensibilité tombe, se fanne, & tous les charmes de la vie disparoissent ; tu distingues dans les Arts celui qui est né avec du génie ; la pensée la plus profonde s’évanouit, si elle n’est revêtue de tes couleurs ; tu as peut-être découvert plus de vérités que la raison même, car tu joins la force à l’agrément, la persuasion à l’autorité ; tout ce qui est vif, délicat, riant est de ton ressort ; oui, tu es le miroir heureux où se peignent, se multiplient, s’embellissent tous les objets de la Nature. […] Il épanche sa douleur dans ses vers éloquens ; il se plaît dans ses plaintes, le succès de son esprit trompe son cœur, & il rend vaine la vengeance de son Tyran.
La Bruyère marque décidément l’ère nouvelle, et il inaugure cette espèce de régime tout à fait moderne dans lequel la netteté de l’expression veut se combiner avec l’esprit proprement dit, et ne peut absolument s’en passer pour plaire. […] Bref, il savait faire toutes sortes de personnages avec tant de grâce et d’agrément, qu’il était difficile de se passer de lui quand il voulait bien prendre la peine de plaire. […] Analyser ces Mémoires de Grammont serait une tâche ingrate et maussade, puisque c’est le tour qui en fait le prix, et que le récit, à partir d’un certain moment, va un peu comme il plaît à Dieu. […] L’espiègle Ariel se joue dans toute cette partie des Mémoires, et il se plaît souvent à embrouiller l’écheveau.
Les blasés des La Harpe, des Chénier, des Féletz trouvèrent cela délicieux… Le vieux Bertin, ce bœuf de génie qui a laissé dans la presse française l’ineffaçable sillon du Journal des Débats, et qu’Ingres nous a si bien peint, dans sa force fatiguée, fit son favori de ce jeune homme, qu’il tutoya comme les Rois d’Espagne tutoient leurs favoris, et à qui, en dehors de ses appointements, il donnait des gratifications de mille écus pour un feuilleton qui lui plaisait ! […] Il les aimait à travers Horace, qu’il a trop aimé et qui ne les aimait pas, et il se plaisait à en rapporter dans les théâtres de Paris la modeste fleur étonnée ! […] il me plaît tant, cet homme de lettres et d’esprit, et d’esprit français, que j’ai essayé de replacer aujourd’hui dans la lumière de son mérite, qui est immense et qui est charmant, et dont la nature est de passer, — de n’être pas plus immortel que les fleurs qui passent, — il me plaît tant que j’arrête ici mon chapitre !
Qu’on se figure la multitude de tours, d’images, de mouvements qui ont dû naître de ces conversations, où les sens, l’imagination, le cœur, étaient en jeu ; où l’émulation de plaire et d’étonner excitait les amours-propres ; où la critique n’était pas moins exaltée par les rivalités que le besoin de produire par l’émulation de plaire ! […] Là, l’émulation de plaire fait qu’on se reprend, qu’on se corrige à l’instant même qu’on est en faute, et que la leçon n’est pas sitôt donnée qu’elle profite.
La bienveillance habituelle qui règne dans son observation générale de l’homme, et qui ne permet point à l’amertume de se glisser sous le fruit de son expérience, n’empêche pourtant pas qu’il ne dise des choses assez vives à ce sexe qu’il paraît avoir bien connu : « Il n’est pas adroit de se montrer très-clairvoyant avec les femmes, à moins que ce ne soit pour deviner ce qui leur plaît. » « Il n’est pas rare de voir une femme, miraculeusement échappée aux dangers de la jeunesse et de la beauté, perdre le fruit de ses sacrifices en se donnant dès qu’on cesse de l’attaquer. […] Peut-être serait-elle plus sûre encore, si toutes deux avaient passé l’âge de plaire. » En revanche, il croit fort à l’amitié d’un sexe à l’autre.
De plus en plus la jeune fille lui plaisait. […] Agissez comme il vous plaira. […] Ce livre lui plut. […] Est-ce que cette fille ne te plairait pas ? […] Cela te plaît-il ?
L’homme qui désire se pare de toutes ses couleurs, il veut plaire ; cela ne prouve rien. […] Je pars pour l’Angleterre par Bruxelles, 31 octobre 1815, etc., etc. » Et maintenant, quand on publiera les lettres d’amour de Benjamin Constant à Mme Récamier, quand on relira la biographie flatteuse qu’il a tracée d’elle pour lui plaire et la charmer, quand on le verra prodiguer les larmes, les soupirs, faire jouer les feux follets de l’imagination et même les légères vapeurs du mysticisme (car tout est bon pour s’insinuer), on aura le revers ; on saura ce qu’il était avant et après ; avant, tant qu’il eut le désir, et après, quand il eut cessé d’espérer.
Les tableaux plaisent sans le secours de cette illusion, qui n’est qu’un incident du plaisir qu’ils nous donnent, et même un incident assez rare. Les tableaux plaisent, quoiqu’on ait présent à l’esprit qu’ils ne sont qu’une toille sur laquelle on a placé des couleurs avec art.
Les poètes anglais qui ont succédé aux Bardes écossais, ont ajouté à leurs tableaux les réflexions et les idées que ces tableaux même devaient faire naître ; mais ils ont conservé l’imagination du Nord, celle qui plaît sur le bord de la mer, au bruit des vents, dans les bruyères sauvages ; celle enfin qui porte vers l’avenir, vers un autre monde, l’âme fatiguée de sa destinée. […] Le climat est certainement l’une des raisons principales des différences qui existent entre les images qui plaisent dans le Nord, et celles qu’on aime à se rappeler dans le Midi. […] L’âme, doucement ébranlée, se plaît dans la prolongation de cet état, aussi longtemps qu’il lui est possible de le supporter.
» — Ce jour-ci, qui finit, fut pour vous plein de charmes, Ma Dame, un heureux jour de divertissement, De triomphe ; et peut-être encore, en ce moment, Quelque songe léger vous rend à la pensée Ceux à qui vous plaisiez dans la foule empressée, Ceux aussi qui plaisaient… Oh ! […] Elle n’a pas changé, Lune toujours chérie ; Je souffre ; et de mes maux pourtant la rêverie M’entretient et me plaît ; j’aime le compte amer De mes jours douloureux. […] Ce commentaire affecte un ton de plaisanterie assez opposé d’ailleurs à son caractère, et n’a été écrit qu’en vue de la circonstance, pour faire pièce à quelques pédants à qui il se plaît à en remontrer en fait de classique. […] Cette veine-là nous plaît moins chez Leopardi ; elle nous est d’ailleurs peu accessible, par la difficulté d’entendre ces sortes d’allusions. […] Parmi les érudits, dit-il à la fin de sa préface, dont les conjectures heureuses m’ont profité, est le comte Jacques Leopardi, que je me plais à signaler à mes compatriotes comme l’un des ornements actuels de l’Italie, comme l’une de ses futures et de ses plus certaines espérances.
Je sens que je suis honnête homme, et qu’il me serait impossible de ne pas l’être, non pour plaire à un Être suprême qui n’existe pas, mais pour me plaire à moi-même, qui ai besoin de vivre en paix avec mes préjugés et mes habitudes, et pour donner un but à ma vie et un aliment à mes pensées. […] … Je viens vous plaire. — Causons ! […] Là désormais, sans trouble, au port après l’orage, Rafraîchissant vos jours aux fraîcheurs de l’ombrage, Vous vous plaisez aux lieux d’où vous étiez sorti. […] Ce livre ne me plut pas, malgré les belles pages dont il est rempli. […] Vous avez, plus heureux que moi, refusé de mêler les eaux pures de votre talent avec les eaux troubles et tumultueuses de votre temps ; et plût à Dieu que j’en eusse fait autant à l’âge de ma sève politique !
En Allemande des bords du Necker et du Rhin, Élisabeth-Charlotte aimait les sites pittoresques, les courses dans les forêts, la nature livrée à elle-même, et aussi des coins bourgeois et plantureux au milieu de l’encadrement sauvage : J’aime mieux voir des arbres et des prairies que les plus beaux palais ; j’aime mieux un jardin potager que des jardins ornés de statues et de jets d’eau ; un ruisseau me plaît davantage que de somptueuses cascades ; en un mot, tout ce qui est naturel est infiniment plus de mon goût que les œuvres de l’art et de la magnificence : elles ne plaisent qu’au premier aspect, et aussitôt qu’on y est habitué, elles inspirent la fatigue et on ne s’en soucie plus. […] Au contraire de la nature des femmes, elle n’a aucune envie de plaire, aucune coquetterie : « Nulle complaisance, dit Saint-Simon, nul tour dans l’esprit, quoiqu’elle ne manquât pas d’esprit. » On lui demandait un jour pourquoi elle ne donnait jamais un coup d’œil au miroir en passant : « C’est, répondit-elle, parce que j’ai trop d’amour-propre pour aimer à me voir laide comme je suis. » Le beau portrait de Rigaud nous la rend d’une parfaite ressemblance dans sa vieillesse, grasse, grosse, à double menton, aux joues colorées, avec la dignité du port toutefois et la fierté du maintien, et une expression de bonté dans les yeux et dans le sourire. […] C’est par cette naïveté de brusquerie peut-être, et aussi par ses qualités solides d’honnête femme, j’allais dire d’honnête homme, quelle plut à Louis XIV, et qu’entre elle et lui se noua cette amitié qui ne laisse pas d’avoir sa singularité et d’étonner au premier abord. […] Elle aida plus que personne à le consoler ou à le distraire de la mort de la duchesse de Bourgogne ; elle allait près de lui le soir, aux heures permises, et marquait qu’elle se plaisait dans sa compagnie : « Il n’y a que Madame qui ne me quitte pas, disait Louis XIV, je vois qu’elle est bien aise d’être avec moi. » Madame a ingénument exprimé le genre d’affection ouverte et sincère qu’elle se sentait pour Louis XIV, lorsqu’elle a dit : « Quand le roi eût été mon père, je n’aurais pu l’aimer plus que je ne l’ai aimé, et j’avais du plaisir à être avec lui. » Quand la santé du roi décline et qu’il approche de la dernière heure, on voit Madame dans ses lettres laisser éclater sa douleur à nu ; elle, dont le fils sera Régent, elle craint, plus que tout, le changement de règne : « Le roi n’est pas bien (15 août 1715) ; cela me tracasse au point que j’en suis à moitié malade ; j’en perds l’appétit et le sommeil.
Je sais que vous aurez bien su profiter de ce bonheur-là, car, sur tous les hommes que je connais, vous êtes celui qui savez le mieux jouir d’une bonne fortune et deorum muneribus sapienter uti ; vous prendrez ce sapienter comme il vous plaira, en sa propre signification32, ou en sa métaphorique ; car si on fait de beaux discours à Balzac, on y fait aussi de bons dîners ; et je ne doute pas que vous n’ayez su goûter admirablemeut l’un et l’autre. […] En attendant, il correspondait avec quelques illustres, avec Voiture notamment, et se plaisait à assaisonner ses lettres de tout ce qu’il trouvait de plus fin et de plus piquant dans ses auteurs. […] Et qui lui a dit que Balzac n’usera point du pouvoir que Costar lui donne de changer, de rayer ce qu’il lui plaira de cet ouvrage, et de supprimer même l’ouvrage, si bon lui semble ? […] Il faut donc, s’il vous plaît, avant toutes choses, avoir des nouvelles de M. […] Dans la critique qu’il faisait de ces lettres qui lui plaisaient moins, il remarquait certaines manières de dire nouvelles, tout à côté d’autres locutions trop usées et trop communes, quelque chose qui n’était pas assez poli ni assez soigné, et qui, pour tout dire, n’était pas assez à la Balzac : « Et aliquid non satis politum et accuratum, et, ut ita dicam, non satis Balzacianum.
Dites à vos messieurs qu’elle ne sera manquée que pour eux, que c’est à moi qu’on a promis le privilège, et que, quand je l’aurai une fois, je choisirai la compagnie qui me plaira. […] Quand on ne songe qu’à l’idéal de l’agrément, à la fleur de fine raillerie et d’urbanité, on se plaît à se figurer Voltaire dans cette demi-retraite, dans ces jouissances de société qu’il rêva bien souvent, qu’il traversa quelquefois, mais d’où il s’échappait toujours. « Mon Dieu, mon cher Cideville, écrivait-il à l’un de ses amis du bon temps, que ce serait une vie délicieuse de se trouver logés ensemble trois ou quatre gens de lettres avec des talents et point de jalousie, de s’aimer, de vivre doucement, de cultiver son art, d’en parler, de s’éclairer mutuellement ! […] écrivait-il à Thieriot en 1739 ; j’en suis très mortifié : il est dur d’être toujours un homme public. » Ce fut toute sa vie sa prétention d’avoir l’existence d’un écrivain gentilhomme, qui vit de son bien, s’amuse, joue la tragédie en société, s’égaie avec ses amis et se moque du monde : « Je suis bien fâché, écrivait-il de Ferney à d’Argental (1764), qu’on ait imprimé Ce qui plaît aux dames et L’Éducation des filles ; c’est faner de petites fleurs qui ne sont agréables que quand on ne les vend pas au marché. » Je me suis amusé moi-même à recueillir dans la correspondance nouvellement publiée bon nombre de préceptes de vie qui se rapportent à ce régime de gaieté, auquel il dérogea souvent, mais sur lequel aussi il revient trop habituellement pour que ce ne soit pas celui qu’il préfère : Ce monde est une guerre ; celui qui rit aux dépens des autres est victorieux. […] Il était réellement sous le charme : il l’admirait, il la proclamait sublimée, il la trouvait belle ; il se plaît, dans ses lettres à Falkener, à donner son adresse chez elle, au château de Cirey : « Là, disait-il, vit une jeune dame, la marquise du Châtelet, à qui j’ai appris l’anglais, etc. » Trois choses pourtant me gâtent Cirey, a dit un fin observateur : — d’abord, cette manie de géométrie et de physique qui allait très peu à Voltaire, qui n’était chez lui qu’une imitation de la marquise, et par laquelle il se détournait de sa vocation vraie et des heureux domaines où il était maître ; — en second lieu ces scènes orageuses, ces querelles de ménage soudaines, rapides mais burlesques, dont nous sommes, bon gré mal gré, informés, et qui faisaient dire à un critique de nos jours qu’il n’aurait jamais cru que l’expression à couteaux tirés fût si près de n’être pas une métaphore ; — en troisième lieu, cette impossibilité pour Voltaire, même châtelain, même amoureux, même physicien et géomètre de rencontre, de n’être pas un homme de lettres depuis le bout des nerfs jusqu’à la moelle des os ; et dès lors ses démêlés avec les libraires, ses insomnies et ses agitations extraordinaires au sujet des copies de La Pucelle (voir là-dessus les lettres de Mme de Grafigny), ses fureurs et ses cris de possédé contre Desfontaines et les pamphlets de Paris. […] Biot se plaisait à citer, comme le plus fidèle et le plus vivant résumé de la théorie de la lumière, ces beaux vers de l’épître à Mme du Châtelet Sur la philosophie de Newton : Il déploie à mes yeux par une main savante De l’astre des saisons la robe étincelante ; L’émeraude, l’azur, le pourpre, le rubis, Sont l’immortel tissu dont brillent ses habits.
L’esprit littéraire, dans sa vivacité et sa grâce, consiste à savoir s’intéresser à ce qui plaît dans une délicate lecture, à ce qui est d’ailleurs inutile en soi et qui ne sert à rien dans le sens vulgaire, à ce qui ne passionne pas pour un but prochain et positif, à ce qui n’est que l’ornement, la fleur, la superfluité immortelle et légère de la société et de la vie. […] Ayant vu pour la première fois Paris en 1813, y arrivant avec tout un monde de préventions dans la tête, il les secoue ; il goûte la société et s’y plaît ; comme Mme d’Albany nous en voulait un peu et pour cause, il lui écrit ces paroles qui pourraient si bien s’adresser de tout temps à la plupart de nos ennemis en Europe : « Je sais que jugeant les Parisiens à distance, vous conservez contre eux de la rancune pour les maux qu’ils ont faits et ceux qu’ils ont soufferts. […] En quelque lieu qu’il s’arrête, sur quelque métairie qu’il porte ses regards, il voit tout ensemble devant lui, la vigne qui, élégamment suspendue en contre-espalier autour de chaque champ, l’environne de ses festons ; les peupliers, rapprochés les uns des autres, qui lui prêtent l’appui de leur tronc, et dont les cimes s’élèvent au-dessus d’elles ; l’herbe, qui croît au pied de ces élégants contre-espaliers et qui gazonne les bords des nombreux fossés, destinés à l’écoulement des eaux ; les mûriers qui, plantés sur deux lignes au milieu des champs, et à une distance assez grande pour ne pas les offusquer de leur ombre, dominent les moissons ; les arbres fruitiers qui, çà et là, sont entremêlés aux peupliers et à la vigne ; les blés de Turquie qui, s’élevant à six ou huit pieds au-dessus de terre, entourent leurs magnifiques épis de la plus riche verdure ; les trèfles annuels dont les fleurs incarnates se penchent sur leur épais feuillage ; les lupins dont le coup d’œil noirâtre et l’abondante végétation contraste avec la souplesse, l’élégance et la légèreté des seigles non moins vigoureux qu’eux et qui s’élèvent au-dessus de la tête des moissonneurs ; enfin, les blés dont les longs épis dorés sont agités par les vents et rappellent par leurs ondulations le doux mouvement des vagues d’un beau lac. » Le second morceau consacré aux Collines est comme un pendant au tableau des plaines ; celles-ci, dans aucun pays, ne peuvent plaire aux yeux que par l’abondance et la fertilité qui les caractérise. […] La verdure des oliviers, quoiqu’elle ne soit pas la seule qui se conserve, n’est pas exposée à autant de comparaisons désavantageuses qu’au printemps ; quand la campagne est animée par un soleil brillant et souvent très-chaud, on peut se plaire a se trouver sous leur ombre. […] Il peut goûter les gens, il peut vouloir leur plaire ; mais une tendre et vraie amitié, l’abandon, le dévouement, sont choses qu’il ne faut pas attendre de lui.
» Bien plus, ce qui plaît à l’un déplaît souvent à son voisin le plus proche. […] Molière disait28 : « Je voudrais bien savoir si la grande règle de toutes les règles n’est pas de plaire, et si une pièce qui a attrapé son but n’a pas suivi un bon chemin. » Et Racine, à son tour, répétait en écho29 : « La principale règle est de plaire et de toucher : toutes les autres ne sont faites que pour parvenir à cette première. » Il suit de là que toutes les œuvres qui ont plu, qui ont été qualifiées de belles, se recommandent par cela seul à l’attention de l’histoire. […] Une œuvre qui plaît aux sens vaudra mieux, si elle satisfait en même temps notre besoin d’émotions et notre intelligence ; elle sera une œuvre suprême, un vrai chef-d’œuvre, si elle est par surcroît largement douée de la beauté morale et de la beauté idéale. […] Oui, il faut qu’il devienne en quelque sorte un être multiple, capable de se faire contemporain de Louis XIV pour goûter Racine, familier de l’Hôtel de Rambouillet pour se plaire avec Voiture, homme de la Renaissance, enivré de grec et de latin, pour entrer en communion avec Ronsard.
Les lettres et les arts ont ceci de commun que les unes et les autres visent essentiellement à plaire, poursuivent également et avant tout la beauté. […] La littérature, dans toutes ses œuvres, a souci de plaire à l’oreille ; par conséquent, elle désire avoir et a souvent des qualités musicales. […] Leur union n’a pas eu le don de plaire à tout le monde. […] Admirateur du monde visible, il se plut à en retracer le spectacle. […] Changement de couleurs aussi dans les tentures : on n’aime plus que les nuances tendres : le mauve, le vert d’eau, le jaune soufre, le rose passé plaisent aux regards raffinés par la délicatesse de leurs teintes.
Mais, nous l’avons dit, on se plaisait alors à les oublier au bénéfice de ses attraits. […] Ce public compte, mais on connaît ses goûts et ce qui lui plaît. […] Abel Hermant s’efforce de plaire par le dehors : Molière le faisait bien. […] Marcel Boulenger se plaît à de si fines études, et y excelle. […] Certes ces personnages ont de quoi plaire.
Soyez le bienvenu, Monseigneur, et nous ferons de la bonne besogne, s’il plaît à Gott, le Dieu des Allemands. […] Qu’il plaise à Gott ou qu’il ne lui plaise pas, nous ferons toujours de bonne besogne avec vous, et je vous promets de m’y mettre jusqu’au cou et de vous y servir en ami : je m’en vante et du grand vent. […] Laujon, qui en était le grand artisan à Berny, le disait avec grâce en publiant après plus d’un demi-siècle son Mélange de Fêtes… « Puissiez-vous ne pas oublier que le principal attribut du poëte de société, c’est la complaisance, et que le désir de plaire est le seul vœu qu’elle lui prescrive !
Béranger a été corrupteur, mais qu’il a choisi de préférence, dans la corruption, ce côté ignoble et grossier qui n’a rien de commun avec les ardeurs de l’amour et de la jeunesse, mais qui plaît aux libertins de mauvais ton, aux sexagénaires blasés, aux Don Juan de comptoir et d’estaminet. […] Ce fut son triomphe, car il plut à tout le monde.
Il faut, pour être assuré de toujours plaire, s’attacher à des ressorts plus essentiels & plus solides, c’est-à-dire, à ce naturel qui survit à tout, à cette chaleur vivifiante, à ce moëlleux séduisant & flatteur, qui naissent de la force du sentiment, & que l’esprit ne sauroit jamais suppléer. […] Sa Muse, à qui voudroit s’en former une idée, offriroit assez l’image d’une femme plus jolie qu’intéressante, sans cesse occupée à plaire, & plaisant en effet à ceux qui préferent l’Art à la Nature, l’esprit à la sensibilité, le ton pétillant & cavalier à la modestie & à la pudeur ; ou, pour se la peindre plus exactement, elle annonce le caractere & les manéges d’une Coquette, qui, au milieu de son changement perpétuel d’ajustemens, de fantaisies, de conversation & de cercle, a toujours la même façon de s’habiller, la même démarche, les mêmes manieres, le même jargon.
Le goût de la solitude chez cet homme qui plaisait tant dans le monde et qui se plaisait tant dans le monde, le goût de la solitude a été continuel, et il a été chez lui — il ne faut guère se servir du mot profond quand on parle de La Fontaine — mais il a été presque profond chez lui ; il a été, en tout cas, très pénétrant. […] Seulement dans la société, et surtout quand vous êtes ce que vous êtes, on jouit du plaisir de plaire à tout le monde ; et dans la solitude, on jouit du plaisir de vivre avec soi-même, et cela est une affaire d’âge et de condition. […] Ainsi je vous citerai une seule anecdote touchant ses distractions fameuses, et qui est celle-ci : Un jour dînant (comme on disait alors, c’est-à-dire déjeunant) en compagnie d’une société qui ne lui plaisait pas beaucoup, il se leva et prit congé. « Où allez-vous donc Oh ! […] Par des transports n’espérant pas vous plaire, Je me suis dit seulement votre ami, De ceux qui sont amants plus qu’à demi. Et plût au sort que j’eusse pu mieux faire !
Louable ou non, il n’est pas mal de se rendre compte de cette manière et de ce genre de talent qui, avec ses défauts, a son prix, et dont quelques productions plaisent encore. […] S’ils n’ont pas produit des ouvrages plus durables et qui soient de nature à nous plaire encore, « prenez-vous-en, dit-il, aux siècles barbares où ces grands esprits arrivèrent, et à la détestable éducation qu’ils y reçurent en fait d’ouvrages d’esprit. […] Il vous dira qu’en matière de critique, au lieu de se hâter et de se prononcer d’un ton d’oraclen : Cela ne vaut rien, cela est détestable, un habile homme, après avoir lu un livre, doit se contenter de dire : Il me plaît ou il ne me plaît pas ; car plus on a d’esprit, et plus on voit de choses, et plus on distingue autour de soi de sentiments et de goûts particuliers qui diffèrent du nôtre : « Ah ! […] Quelquefois on nous en fait habilement accroire, sans qu’on puisse nous reprocher d’être faciles de croyance : et cet auteur a voulu nous dire que souvent le cœur tourne l’esprit comme il veut ; qu’il le fait aisément incliner à ce qui lui plaît ; qu’il lui ôte sa pénétration ou la dirige à son profit ; enfin qu’il le séduit et l’engage à être de son avis, bien plus par les charmes de ses raisons que par leur solidité… Voilà bien des choses que l’idée de dupe renferme toutes, et que le mot de cette idée renferme toutes aussi.
La fin générale que s’est proposée Racine dans ses tragédies, c’est le plaisir de ses auditeurs : il a donc voulu plaire, en excitant dans les âmes ces émotions vives qui naissent de l’admiration, de la compassion, de la terreur. […] Dans cette même Dissertation, l’abbé de Pons soulevait vers la fin une autre matière à procès : il plaidait pour la prose contre les vers, il niait les vers et leur charme : « Les vers ne plaisent point par eux-mêmes ; il nous a fallu un long commerce avec eux pour n’être guère choqués de leur démarche affectée, de leur air contraint. » Il n’y voyait donc que de la singularité et de la gêne imposées par une convention arbitraire, et nuisibles à l’excellence de la diction, à son naturel, à sa vérité. […] Il oubliait que le nombre et la mesure plaisent naturellement aux hommes, que la cadence est aussi un rythme intérieur de la pensée ; que le chant, dans quelques organisations prédestinées, est un don facile, involontaire, une source qui jaillit d’elle-même et se renouvelle sans cesse : Je chantais, mes amis, comme l’homme respire, Comme l’oiseau gémit, comme le vent soupire, Comme l’eau murmure en coulant. […] Son verbe ne manque pas de marcher derrière, suivi d’un adverbe, etc. » L’abbé de Pons rend la pareille de cette moquerie au latin et aux phrases à la Cicéron, « à ces périodes immenses dont le sens vaste, mais confus, ne commence à se développer que lorsqu’il plaît au verbe dominant de se montrer, verbe que l’orateur romain s’obstine à faire marcher à la suite de toutes les idées qu’il aurait dû précéder selon l’ordre de nos conceptions ». […] Pour mieux raisonner, il se plaît à supposer (anticipant sur l’invention de la statue de Condillac) que les hommes sont nés sourds, créés sans l’organe de l’ouïe : « Comment auraient-ils fait ?
Il paraît, par tout ce que l’on en dit, qu’elle est assez grande pour son âge, qu’elle a d’assez belles dents et une belle taille, un vilain nez, et, quoiqu’elle ne soit point belle, qu’elle a en tout une figure qui plaît. » On lui fit quitter son costume polonais à Strasbourg. […] D’ailleurs elle a de beaux yeux et est fort bien faite ; elle est blanche, a de beaux cheveux ; beaucoup de désir de plaire, remplie d’attentions ; de l’esprit, de la vivacité ; sentant parfaitement tout son bonheur ; souhaitant passionnément de réussir dans cette Cour-ci ; une très bonne santé, point délicate de corps ni d’esprit ; encore un peu enfant ; une extrême envie de bien apprendre le français ; demandant qu’on la reprenne sur les mauvais mots qu’elle pourra dire… » Après l’avoir vue de ses yeux, il adoucit quelques traits et y ajoute en bien : « Un beau teint, assez blanche, de beaux yeux bleu foncé, un assez vilain nez, des dents qui seront belles quand on y aura travaillé, la taille très jolie ; elle se tient un peu en avant en marchant ; un peu plus grande que Madame (Madame Henriette). […] Plaire au dauphin, agréer à ce jeune veuf austère, n’était pas chose aussi facile qu’on le croirait, même pour une jeune princesse aussi aimable : elle eut à faire tous les frais. […] Ce qu’il y a de plus fatigant encore, ce sont toutes ces présentations qui ne finissent pas ; et elle veut retenir tous les noms, ce qui est un travail d’esprit terrible ; sans cesse occupée d’ailleurs de plaire et d’attentions. […] Elle continue de plaire de plus en plus ; M. le dauphin l’aime un peu trop ; il a des bouderies et des colères même dont elle sait très bien profiter, et elle passe pour une personne habile, parmi les femmes : ce qui est un cours de philosophie qui leur est particulier et dont nous ne faisons que nous douter.
Les Allemands et les Anglais, avec leur caractère complexe d’analyse et de poésie, s’entendent et se plaisent fort à ces excellents livres. […] Je ne sais si je m’abuse, mais je crois déjà voir en cette nature sensible, résignée et sobre, une naïveté attendrissante qui me rappelle le bon Ducis et ses amours, une vertueuse gaucherie pleine de droiture et de candeur comme je l’aime dans le vicaire de Wakefield ; et je me plais d’autant plus à y voir ou, si l’on veut, à y rêver tout cela, que j’aperçois le génie là-dessous, et qu’il s’agit du grand Corneille15. […] Il doit plaire surtout aux hommes d’état, aux géomètres, aux militaires, à ceux qui goûtent les styles de Démosthène, de Pascal et de César. […] Le temps aux plus belles choses Se plaît à faire un affront, Et saura faner vos roses Comme il a ridé mon front. […] Ils pourroient sauver la gloire Des yeux qui me semblent doux, Et dans mille ans faire croire Ce qu’il me plaira de vous.
« À quarante-cinq ans, dit madame de Maintenon, il n’est plus temps de plaire, mais la vertu est de tous les âges… Il n’y a que Dieu qui sache la vérité… Je le renvoie toujours affligé, jamais désespéré. » On se rappelle qu’en 1672 elle écrivait à madame de Saint-Géran : « Le maître vient quelquefois chez moi, malgré moi, et s’en retourne désespéré, jamais rebuté. » Je suis persuadé qu’il n’y a pas une âme délicate, pas une femme qui ne sente une différence entre les deux locutions, et ne se plaise à en discerner le caractère d’après les circonstances. […] Quand Louis s’en retournait, en 1672, désespéré, mais non rebuté, les désirs des sens étaient repoussés, le besoin, l’espérance de plaire commençaient à se faire sentir ; le prince, jeune et ardent, était désespéré ; le prince, aimable et charmé, n’était pas rebuté, ou ne se rebutait pas. […] Elle promet à Gobelin le plaisir de voir le roi très aimable et très chrétien à la messe, quand il viendra à Versailles ; elle parle de la simplicité de la chambre qu’elle occupe ; mais elle ajoute : « Plût au ciel qu’il y en eut autant dans mon cœur, et que sans compter ce que je n’y connais pas, le n’y découvrisse pas encore des replis qui peuvent gâter ce que je suis ! […] Mais ayant pris depuis deux ans beaucoup d’embonpoint, sans rien perdre de la noblesse de sa taille, elle était plus belle qu’on ne l’avait jamais vue à la cour ; sa figure étonnait par son éclat et sa majesté ; elle n’avait jamais mis de rouge, et le teint d’aucune jeune personne n’effaçait la pureté du sien. » Madame de Genlis se plaît à décrire ailleurs les charmes physiques de madame de Maintenon ; mais elle la place dans une situation romantique : elle venait de se dépouiller de sa mante et de son écharpe pour en revêtir une personne qui manquait d’habits.
. — Se plaire dans l’horrible. — N’avoir point de grâce. — N’avoir point de charme. — Dépasser le but. — Avoir trop d’esprit. — N’avoir pas d’esprit. — Faire « trop grand ». — « Faire grand ». […] Édition Gifford) : « Je me rappelle que les comédiens mentionnaient à l’honneur de Shakespeare que, dans ses écrits, il ne raturait jamais une ligne ; je répondis : Plût à Dieu qu’il en eût raturé mille ! […] Après ces paroles de Pope, on ne comprend guère à quel propos Voltaire, ahuri de Shakespeare, écrit : « Shakespeare, que les anglais prennent pour un Sophocle, florissait à peu près dans le temps de Lopez (Lope, s’il vous plaît, Voltaire) de Vega. » Voltaire ajoute : « Vous n’ignorez pas que dans Hamlet des fossoyeurs creusent une fosse en buvant, en chantant des vaudevilles, et en faisant sur les têtes des morts des plaisanteries convenables à gens de leur métier. » Et, concluant, il qualifie ainsi toute la scène : « Ces sottises ». […] Les choses de l’inconnu, les problèmes métaphysiques reculant devant la sonde, les énigmes de l’âme et de la nature, qui est aussi une âme ; les intuitions lointaines de l’éventuel inclus dans la destinée, les amalgames de la pensée et de l’événement, peuvent se traduire en figurations délicates, et remplir la poésie de types mystérieux et exquis, d’autant plus ravissants qu’ils sont un peu douloureux, à demi adhérents à l’invisible, et en même temps très réels, préoccupés de l’ombre qui est derrière eux, et tâchant de vous plaire cependant. […] Dites donc, bocages, pas tant de fauvettes, s’il vous plaît.
Certains poètes sont sujets, dans le dramatique, à de longues suites de vers pompeux, qui semblent forts, élevés, et remplis de grands sentiments ; le peuple écoute avidement, les yeux élevés et la bouche ouverte, croit que cela lui plaît, et à mesure qu’il y comprend moins l’admire davantage, il n’a pas le temps de respirer, il a à peine celui de se récrier et d’applaudir. […] Il n’y a point d’ouvrage si accompli qui ne fondît tout entier au milieu de la critique, si son auteur voulait en croire tous les censeurs, qui ôtent chacun l’endroit qui leur plaît le moins. […] L’un élève, étonne, maîtrise, instruit ; l’autre plaît, remue, touche, pénètre. […] Il semble que la logique est l’art de convaincre de quelque vérité ; et l’éloquence un don de l’âme, lequel nous rend maîtres du cœur et de l’esprit des autres ; qui fait que nous leur inspirons ou que nous leur persuadons tout ce qui nous plaît. […] Il ne faut point mettre un ridicule où il n’y en a point, c’est se gâter le goût, c’est corrompre son jugement et celui des autres ; mais le ridicule qui est quelque part, il faut l’y voir, l’en tirer avec grâce, et d’une manière qui plaise et qui instruise.
Il me plaît, ce Giraud : c’est un Saint-Just avec un filet de vinaigre, maigre et opiniâtre, tranchant, sans bruit. […] Donc, pratiquons le vers libre, s’il nous plaît, laissons le poète tranquille et admirons.