/ 2328
705. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXI » pp. 220-221

C’était en effet un coup de maître pour Molière, de représenter Montausier, ce censeur énergique, sous les couleurs les plus nobles, et d’opposer son caractère même aux prétentions de bel esprit sans esprit, et le poète sans talent ; de le montrer intraitable pour un mauvais ouvrage, quelque honnête, quelque estimable que fut l’auteur, en respectant en lui l’homme de bien et de mérite ; précisément comme Racine et Boileau prétendaient en user avec Chapelain, Cottin et leurs semblables.

706. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — J. — article » pp. 544-546

C’est ainsi qu’on parvient à cette prétendue élévation d’ame, ou plutôt à cette insouciance destructive de tout sentiment noble, & dans laquelle on ne s’endort avec complaisance, que parce que, n’écoutant que soi-même, on ne trouve pas de Contradicteurs : espece de mort morale, dont on ose faire une vertu sublime, tandis qu’elle anéantit toutes les vertus.

707. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 392-394

Les deux Ouvrages dont nous venons de parler, ont une marche libre, noble, qui prouve que l’Auteur a su se rendre maître des événemens, & les disposer de la façon la plus propre à faire effet.

708. (1890) L’avenir de la science « III » pp. 129-135

Si l’on supposait que ces vérités pussent venir d’ailleurs que de l’étude patiente des choses, la science élevée n’aurait plus aucun sens ; il y aurait érudition, curiosité d’amateur, mais non science dans le noble sens du mot, et les âmes distinguées se garderaient de s’engager dans ces recherches sans horizon ni avenir. […] Mais, s’il m’était permis de m’entendre de bien près avec eux, nous verrions jusqu’à quel point leur ardeur scientifique n’est pas une noble inconséquence. […] Le jour n’est pas loin où, avec un peu de franchise de part et d’autre et en levant les malentendus qui séparent les gens les mieux faits pour s’entendre, on reconnaîtra que le sens élevé des choses, la haute critique, le grand amour, l’art vraiment noble, le saint idéal de la morale ne sont possibles qu’à la condition de se poser dès le premier abord dans le divin, de déclarer tout ce qui est beau, tout ce qui est pur, tout ce qui est aimable, également saint, également adorable ; de considérer tout ce qui est comme un seul ordre de choses, qui est la nature, comme la variété, l’efflorescence, la germination superficielle d’un fond identique et vivant. […] Étaient-ce de superstitieuses illu-sions qui raidissaient ces nobles âmes ? […] Mais rien n’est supérieur à la science et à la grande civilisation purement humaine, et il n’y a qu’un esprit superficiel qui puisse comparer cette grande forme de la vie complète à ces siècles factices où l’on ne pouvait avoir un noble sentiment qu’avec une réminiscence de rhétorique, où l’on faisait venir un philosophe pour s’entendre lire une Consolation quand on avait perdu un être cher et où l’on tirait de sa poche en mourant un discours préparé pour la circonstance.

709. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juin 1885. »

Tel l’Univers parut aux artistes ; tel nous l’a montré le maître de cette époque, Racine, la noble essence du génie classique, l’insigne psychologue, réaliste, qui dit le monde vrai de l’âme, — mais le monde qu’il voyait, rationnel, affranchi du temps et du lieu, un monde d’esprits sans corps. […] De là l’indifférence à leur égard d’une grande partie de notre public : on applaudit sincèrement l’opérette, qui satisfait du moins un des besoins de notre race — le moins noble, il est vrai — et l’on n’estime que par bon ton des œuvres vraiment élevées, dont l’essence nous est étrangère. […] Qu’il unisse intimement la poésie et la musique, non pour les faire briller l’une par l’autre, mais en vue du drame seul ; qu’il repousse sans faiblesse, poète, tous les agréments littéraires, musicien, toutes les beautés vocales et symphoniques qui seraient de nature à interrompre l’émotion tragique ; qu’il renonce au récitatif, aux ariettes, aux strettes, aux ensembles même, à moins que le drame, à qui tout doit être sacrifié, n’exige l’union des voix diverses ; qu’il rompe le cadre de l’antique mélodie carrée ; que sa mélodie, sans se germaniser, se prolonge infiniment selon le rythme poétique ; que sa musique, en un mot, devienne la parole, mais une parole qui soit la musique pourtant ; et surtout, que l’orchestre mêlant, développant, par toutes les ressources de l’inspiration et de la science, les thèmes représentatifs des passions et des caractères, soit comme une grande cuve où l’on entendra bouillir tous les éléments du drame en fusion, pendant qu’enveloppée de l’atmosphère tragique qui en émane, l’action héroïque et hautaine, complexe, mais logiquement issue d’une seule idée, se hâtera parmi les passions violentes et les incidents inattendus, et les sourires, et les pleurs, vers quelque noble émotion finale ! […] Mais dans quelle sphère la pouvait-on emprunter, cette Mélodie de la Nature, qui devait porter un caractère noble, universel, éternel ? […] Cependant, les poètes du siècle passé avaient pressenti le rôle de la Musique ; Schiller écrivait, en 1797, à Goethe : « j’ai toujours eu confiance que de l’opéra, comme autrefois des chœurs des antiques fêtes dionysiaques, surgirait une plus noble forme de tragédie. » C’est Beethoven qui rendit la musique capable de faire ce qu’on attendait d’elle, et Wagner est le grand disciple de Beethoven, l’héritier direct des poètes classiques.

710. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Gustave Flaubert. Étude analytique » pp. 2-68

Mais il la convoitait comme une chose anormale et difficile, parce qu’elie était noble, parce qu’elle était riche, parce qu’elle était dévote, — se figurant qu’elle avait des délicatesses de sentiment, rares comme ses dentelles, avec des amulettes sur la peau et des pudeurs dans la dépravation. » C’est ainsi, par des expansions et des contractions altérnées, modérant, contenant et précipitant le flux des syllabes, que Flaubert déclame la longue musique de son œuvre, en cadences mesurées. […] Puis ces caractères jetés dans l’existence, soumis à ses heurts et consommant leurs récréations, évoluent au gré des événements et de leur nature, avec toute l’unité et les inconséquences de la vie véritable, tantôt nobles, déçus et victimes comme Mme Bovary, tantôt perpétuant à travers des fortunes diverses leur permanente impuissance comme Frédéric Moreau, tantôt sages et victorieux comme Mme Arnoux. […] Qu’elles se débattent, l’une entre une tourbe de niais et avide de trouver une âme assonante à la sienne, elle prostitue son corps et ses cris à de bas goujas et meurt abandonnée de tous par le fier refus de l’indulgence de celui qui la fit lafemme d’un imbécile ; que l’autre, plus intimement malheureuse, froissée sans cesse par le choquant contact d’un rustre, renonçant en un pudique et sage pressentiment, à l’amour probablement chétif d’un jeune homme « de toutes les faiblesses », insultée par les filles, haïe de son enfant, et finissant en une hautaine indulgence par faire à son mari l’aumône de soins délicats, — toutes deux mesurent l’amertume de la vie, hostile aux nobles, et paient la peine de n’être pas telles que ceux qui les coudoient. […] La phrase non plus réduite à une élégante armature dans laquelle s’enchâssent n’importe quels mots bas, ordonne des vocables sonores, colorés et beaux, les rythme en retentissantes cadences, développe de nobles visions, splendides, grandioses ou d’une haute horreur. […] L’étrange et bas palais de Constantin précède le festin farouche de Nabuchodonosor ; l’apparition de la reine de Saba galante et vieillote en son charme de chèvre ; dans le temple des hérésiarques la beauté flétrie, monacale et livide des femmes montanistes, le culte horrible des ophites, conduisent à l’évocation d’Apollonius de Thyane qu’un charme maintient suspendu sur l’abîme, planant et montant en sa noble robe de thaumaturge ;  le défilé des théogonies et sur la frise qu’a formée le pullulement des dieux brahmaniques, le Bouddha apparaissant assis, la tète ceinte d’un halo et sa large main levée ; le catafalque des adonisiennes, Aphrodite, puis l’immortel dialogue de la luxure et de la mort où les mots sont tantôt liquides de beauté, tantôt lourds de tristesse ; et ces dernières pages où tous les monstres se dégagent et se confondent en un protoplasme ’ qui est la vie même  quelle grandiose suite d’épisodes, dont chacun figure une plus charmante ou rayonnante ou tragique beauté.

711. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIIe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset » pp. 409-488

XII Alfred de Musset appartenait à une ancienne famille noble de la Touraine. […] Sa conduite, dans toutes les circonstances difficiles de ces temps de contrastes et de revirements de fortune, fut aussi noble que ses sentiments. […] La chevalerie était la noble folie de la vertu ; les don Juan sont la folie du vice. […] Tu as été élevée sous ce règne terre à terre où la France de 1830, antichevaleresque et antilibérale tout à la fois, s’était fondu un trône à son image avec des rognures d’écus entassées dans ses coffres-forts, et où le matérialisme de la jouissance ne prêchait pour toute morale aux enfants de tels pères que le mépris de toute noble intellectualité ! […] Et comment bien espérer encore de ce réveil de ton âme, ô Jeunesse dorée de Musset, Jeunesse à qui tes poètes eux-mêmes, tes poètes épicuriens, chantres jadis des nobles passions, baladins de paroles aujourd’hui, prêchent l’indifférence, le boudoir et la coupe pour toute vérité ?

712. (1868) Curiosités esthétiques « I. Salon de 1845 » pp. 1-76

Achille Devéria Voilà un beau nom, voilà un noble et vrai artiste à notre sens. […] Ces dessins, dont les uns représentent la grande lutte entre Arminius et l’invasion romaine, d’autres, les jeux sérieux et toujours militaires de la Paix, ont un noble air de famille avec les bonnes compostions de Pierre de Cornélius. — Le dessin est curieux, savant, et visant un peu au néo-Michel-Angelisme. — Tous les mouvements sont heureusement trouvés — et accusent un esprit sincèrement amateur de la forme, si ce n’est amoureux. — Ces dessins nous ont attiré parce qu’ils sont beaux, nous plaisent parce qu’ils sont beaux ; — mais au total, devant un si beau déploiement des forces de l’esprit, nous regrettons toujours, et nous réclamons à grands cris l’originalité. […] Brillouin a envoyé cinq dessins au crayon noir qui ressemblent un peu à ceux de M. de Lehmud ; mais ceux-ci sont plus fermes et ont peut-être plus de caractère. — En général, ils sont bien composés. — Le Tintoret donnant une leçon de dessin à sa fille, est certainement une très-bonne chose. — Ce qui distingue surtout ces dessins est leur noble tournure, leur sérieux et le choix des têtes. […] Nous ne savons comment louer sa statue — elle est incomparablement habile — elle est jolie sous tous les aspects — on pourrait sans doute en retrouver quelques parties au Musée des Antiques ; car c’est un mélange prodigieux de dissimulations. — L’ancien Pradier vit encore sous cette peau nouvelle, pour donner un charme exquis à cette figure ; — c’est là certainement un noble tour de force ; mais la nymphe de M.  […] Dantan a fait quelques bons bustes, nobles, et évidemment ressemblants, ainsi que Clesinger qui a mis beaucoup de distinction et d’élégance dans les portraits du duc de Nemours et de madame Marie de M… Camagni A fait un buste romantique de Cordelia, dont le type est assez original pour être un portrait ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ Nous ne croyons pas avoir fait d’omissions graves. — Le Salon, en somme, ressemble à tous les salons précédents, sauf l’arrivée soudaine, inattendue, éclatante de M. 

713. (1895) Nos maîtres : études et portraits littéraires pp. -360

Corneille créa les drames plus reposés, plus nobles, d’une race plus fine. […] Un noble poète est mort. […] Mallarmé n’en demeure pas moins très belle et très noble, dans l’art de notre temps. […] Une caste de nobles et de princes fut lentement constituée, sous le cours des siècles. […] Mais, un soir, tandis que scintillent les infinies étoiles, voici qu’une révolte a saisi ce noble cœur ignoré.

714. (1929) Critique et conférences (Œuvres posthumes III)

Son œuvre, si déplorablement interrompue, l’assure d’une noble et longue réputation. […] Ma royauté de pourpre dérisoire et d’épines néanmoins s’irradie, à son couchant, de cette amitié si franche et si noble et si belle ! […] Mais pour être un homme poète on n’en est pas moins l’homme qu’il faut, et je vais finir de croire que M. de Montesquiou est aussi fier, bien que riche et noble, que ce pauvre diable de roturier que me voici. […] Leur cœur s’attachait de préférence aux nobles lignes que les beaux éphèbes déployaient dans les exercices du gymnase. […] Et ce sera, si vous le voulez bien, mon adieu à la noble ville d’Anvers.

715. (1866) Nouveaux essais de critique et d’histoire (2e éd.)

Ils lui prescrivent de comparer les choses nobles aux choses nobles et les objets vils aux objets vils, de trouver en des sujets religieux des figures pieuses, et des images joviales en des sujets gais. […] En politique, il a le gros enthousiasme du vulgaire ; il est furieux contre les nobles, les rois et les prêtres. […] Si maintenant on considère le rôle auquel il aspire et parvient, on ne le trouve pas plus noble. […] L’idée d’une œuvre utile, d’un but noble suffit pour vaincre les lassitudes et les répugnances. […] Cette sorte de louange convenait seule : Marc-Aurèle est l’âme la plus noble qui ait vécu.

716. (1913) Le mouvement littéraire belge d’expression française depuis 1880 pp. 6-333

Estimons les nobles parties de son œuvre, respectons l’intransigeance irréductible de son tempérament. […] C’est Rembrandt, dont les nobles paroles avaient jadis, à Harlem, inspiré la vocation du jeune homme, qui sera l’artisan de son relèvement. […] L’auteur de Kaatje et de À Damme en Flandre sait maîtriser son émotion sans la restreindre ; il garde une noble énergie dans les abandons les plus doux. […] Il n’y a pas de but plus noble à notre vie164. […] Il n’y a rien au monde qui obéisse plus scrupuleusement aux ordres purs et nobles qu’on lui donne165.

717. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Villehervé, Robert de la = Le Minihy de La Villehervé, Robert (1849-1919) »

Je recommande encore, avec une admiration toute particulière : le Sonnet prologue, les vers À Célimène, Un Soir, le délicieux rondel intitulé : Calme plat, Mythologie, où revivent les grandes déesses, Crépuscule, le Retour de Marielle, Vers le jardin, très délicates terzo-rimes, et des vers bien langoureux et bien tristes aussi, la Fleur de larmes et encore le Masque ; presque tout enfin… M. de La Villehervé est un noble poète à qui manquera peut-être un applaudissement bruyant de la foule, mais non pas certes l’estime et l’admiration des gens de goût.

718. (1891) [Textes sur l’école romane] (Le Figaro)

C’est dans ce noble but que les poètes Maurice du Plessys, Raymond de La Tailhède, Ernest Raynaud, et le savant critique Charles Maurras sont venus à moi, non en « escorte », mais pour avoir trouvé dans mon Pèlerin passionné les aspirations de leur race et notre commun idéal de Romanité.

719. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 390-393

C’est parce qu’on s’éloigne trop de cette noble simplicité, qui fut toujours l’objet de leur émulation, qu’on donne à présent dans l’extraordinaire, dans le bizarre, ou dans le foible.

720. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 474-476

in-12, nous autorise à placer son nom parmi ceux de nos Littérateurs qui ont fait le plus noble usage de leurs lumieres & de leurs talens.

721. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 548-551

Cet Orateur prouve assez bien les vérités qu’il avance, ses raisonnemens sont assez suivis, ses pensées assez souvent lumineuses & toujours assez bien exprimées ; mais il ne touche, il ne remue, il n’est vraiment éloquent que par intervalles, & les intervalles sont très-longs, si ce n’est dans le Discours sur l’aumône, où il se montre souvent sensible & pathétique, toujours noble & quelquefois sublime.

722. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 453-456

Mais en nos Siecles où les charmes Ne font pas de pareilles armes ; Qu’on voit que le plus noble sang.

723. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Argument » pp. 287-289

Jalousie avec laquelle les aristocraties primitives prohibaient les mariages entre les nobles et les plébéiens.

724. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre IV. La philosophie et l’histoire. Carlyle. »

L’univers de Dieu est un patrimoine de saint Pierre un peu plus grand que l’autre, duquel il serait agréable et bon de chasser le pape… La haute louange d’avoir poursuivi un but juste ou noble ne peut lui être accordée sans beaucoup de réserves, et peut même, avec assez d’apparence, lui être refusée. La force qui lui était nécessaire n’était ni noble ni grande, mais petite et à quelques égards de basse espèce. […] Ces hommes sont les véritables héros de l’Angleterre ; ils manifestent en haut relief les caractères originels et les plus nobles traits de l’Angleterre, la piété pratique, le gouvernement de la conscience, la volonté virile, l’énergie indomptable. […] It is not a mighty drama enacted on the theater of Infinitude, with suns for lamps and Eternity as back-ground… but a poor wearisome debating-club dispute, spun through ten centuries, between the Encyclopédie and the Sorbonne… God’s Universe is a larger patrimony of Saint Peter, from where it were pleasant and well to hunt the Pope… The still higher praise of having had a right or noble aim cannot be conceded to him without many limitations, and may plausibly enough be altogether denied… The force necessary for him was no wise a great and noble one ; but a small, in some respects a mean one, to be nimbly and seasonably put into use. […] Loyalty, mot intraduisible, qui désigne le sentiment de subordination, quand il est noble.

725. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le cardinal de Bernis. (Fin.) » pp. 44-66

Bernis lui répond, et cette réponse, bien comprise, est d’un bout à l’autre une noble et sage leçon. […] Lui qui devait si bien s’acclimater à Rome, en épouser les habitudes, en ressentir et en rehausser encore la noble hospitalité, il fut sévère d’abord jusqu’à l’injustice pour ses collègues les princes de l’Église, et pour le peuple romain en général. […] Les événements de la Révolution vinrent mettre à l’épreuve sa fermeté : il vit cette opulence presque royale dont il jouissait depuis plus de vingt ans et dont il usait avec une libéralité vraiment auguste, lui échapper tout à coup, et la misère, à soixante-seize ans, lui apparaître ; il fut le même : « À soixante-seize ans révolus, disait-il, on ne doit pas craindre la misère, mais bien de ne pas remplir exactement ses devoirs. » J’ai déjà cité quelques-unes de ses nobles paroles.

726. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — II. (Fin.) » pp. 257-278

La nouvelle de la victoire de Fleurus par Jourdan (26 juin 1793) le comble de joie, et il en consigne l’expression dans son Journal en homme qui, à cette date déjà bien sanglante, était pour la Révolution tout entière, sans marquer ses réserves : De même qu’on a fait apporter aux prêtres leurs lettres de prêtrise, et aux nobles leurs lettres de noblesse, de même nous ne devrons accorder la paix à nos ennemis qu’autant que tous les rois faux auront apporté leurs lettres de royauté. […] Au printemps de 1794, le décret sur les nobles le força de quitter Paris où il avait passé l’hiver, et où il remplissait régulièrement ses devoirs civiques : il dut se retirer dans sa commune d’Amboise. […] Il lui envie cette puissance et cette fermeté de talent qu’il n’avait pas, mais il se sent d’une région plus noble et plus élevée : « Rousseau, dit-il, frappait plus bas que moi. » Il diffère de lui surtout en ce qu’il croit essentiellement à un Dieu qu’on ne salue pas seulement, qu’on ne se borne pas à proclamer, mais qu’on aime et qu’on prie : « À force de dire, Notre Père, espérons que nous entendrons un jour dire, Mon fils. » Voilà ce que l’orgueil de Rousseau eût repoussé.

727. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — II » pp. 454-475

Une fois sur l’autre rive, il est rencontré, recueilli, entouré de, soins par une noble famille allemande. […] La science militaire est composée de deux choses, de moralité et de géométrie : par l’une on apprend l’art de plier l’homme à une exacte discipline, d’exalter son âme et de lui inspirer un noble orgueil de son état ; par l’autre on combine les moyens les plus prompts d’opérer avec précision différents mouvements. […] Ce qui est assez particulier, c’est que ce comte de Saint-Alban, dessiné de la sorte, nous est donné de son propre aveu comme ayant été à l’origine, et presque dès le collège, un libéral sans préjugés et un ambitieux de la belle gloire, de celle qui s’acquérait dans les luttes de la parole publique et de l’antique forum ; ce serait un grand citoyen manqué, un Chatam venu trop tard ou trop tôt, désœuvré dans le pays de Mme de Pompadour, et qui, voyant le noble but impossible, en aurait dédaigné de moindres, et se serait jeté, de dégoui et de pitié, dans les délices : Les plaisirs sont la seule ressource de l’homme ardent et passionné dont l’ambition est contrariée !

728. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. (suite et fin) »

Royer-Collard parlait magnifiquement et avec admiration comme de la plus haute à laquelle il eût assiste, que des débris et des lambeaux épais, incomplètement recueillis ; ils suffisent à donner une idée et surtout un regret de ce noble orateur qui s’égara vers la fin et se dévora. […] Ce noble cœur, ce grand talent, un peu dévoyé vers la fin et rejeté hors de l’arène, alla mourir, comme on sait, à Naples, en 1824, d’une maladie au foie, dans l’ennui de l’ambassade inactive où on l’avait confiné. […] Il eut plus qu’eux aussi, plus que tous ces hommes distingués et raisonneurs du premier et du second groupe doctrinaire, le sentiment patriotique proprement dit, celui même qui animait le noble duc de Richelieu, et qui fait qu’on souffre tout naturellement et qu’on a le cœur qui saigne à voir l’étranger fouler le sol de la patrie.

729. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid (suite.) »

Quelques strophes nobles et fières de Malherbe promettaient, faisaient pressentir et désirer une œuvre entière et de longue haleine : elle n’était pas venue. […] On aime à prêter l’oreille au son du clairon, au Chant du Départ de la noble littérature. […] Corneille n’a pas et n’aura jamais ce sentiment du ridicule qui s’attache à certains de ses personnages nobles.

730. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [V] »

En accueillant ces images qui étaient de mise à cette date dans les genres réputés nobles et que paraissait réclamer en particulier la dignité de l’histoire, Jomini ne faisait que suivre le courant public et les exemples d’alentour : il eût fallu de sa part un grand effort d’artiste pour atteindre, en 1820, à la simplicité d’Augustin Thierry ; il lui suffisait, quand il tâchait, d’écrire comme Lacretelle. […] j’en appelle à la noble fierté et au courage de vos ancêtres ; vous ne souffrirez jamais un tel outrage ! […] Son extérieur était noble, gracieux et imposant : la vivacité de sa conception me parut grande ; il saisissait d’un trait les plus graves questions.

731. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [I] »

Une noble idée d’émulation le saisit aussitôt. […] Au lieu de cela, faute d’un grand poète comme Homère ou comme le puissant rhapsode qui de loin nous donne l’idée d’un Homère, faute d’un poète supérieur qui pût, sinon fixer la langue, du moins la montrer et l’attester à jamais par une œuvre vivante, et solenniser ce noble et simple genre en l’attachant dans la mémoire des hommes avec des clous d’airain et de diamant, on alla à la dérive, selon le cours des temps et la dégénérescence des choses ; on en vint par degrés au dégoût et au mépris pour un genre usé qui tombait dans un romanesque affadissant ; puis l’oubli arriva. […] Qu’on regrette qu’il y ait eu interruption depuis deux cents ans déjà avec les sources premières du moyen âge et que la déviation ait été si profonde, je le comprends ; mais qu’on en fasse un crime à de jeunes hommes qui n’ont eu encore le temps que d’embrasser et d’épouser un seul ordre d’études, le plus noble de tous, et qui, la plupart, vont s’y consumer par trop de zèle et s’y dévorer, cela est souverainement injuste, et c’est méconnaître le rôle et la vocation assignés par la nature des choses et par la loi de l’histoire aux générations successives.

732. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo en 1831 »

Au printemps de 1811, il partit avec sa mère et ses frères pour l’Espagne, où il rejoignit son père, général dès 1809, puis premier majordome du palais et gouverneur de deux provinces ; il logea quelque temps au palais Macerano, à Madrid, et de là fut mis au séminaire des nobles, où il resta un an ; on le destinait à entrer dans les pages du roi Joseph, qui l’aimait  beaucoup. C’est à ce séjour au collége des nobles qu’il faut rapporter les combats d’enfants pour le grand Empereur, dont le poëte fait quelque part mention. […] Ce qui domine dans ce dernier et remarquable jugement, c’est un cri de surprise, un étonnement profond qu’un tel poëte s’élève, qu’un tel livre paraisse, un grain de sévérité littéraire et puriste, un sourire de pitié au siècle qui se dispose sans doute à railler le noble inconnu.

733. (1892) Boileau « Chapitre II. La poésie de Boileau » pp. 44-72

Hugo : Les mots bien ou mal nés vivaient parqués en castes : Les uns nobles, hantant les Phèdres, les Jocastes, Les Méropes ; ayant le décorum pour loi, Et montant à Versailles aux carrosses du roi… Et il est vrai pourtant que les deux images s’équivalent, si l’on tient compte de la différence des temps. […] Ce prétendu père de la poésie noble ne cherche pas les périphrases ni les mots élégants. […] Nous avons peine aussi à convenir que les dissertations morales de Boileau, ses nobles démonstrations de la sottise humaine, ou ses languissantes diatribes contre le faux honneur et l’équivoque, soient de la poésie.

734. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre II. Clément Marot »

Elle n’était pas protestante : elle ne songea jamais à rompre l’unité ; mais sa foi avait de trop vives sources pour s’accommoder de la sécheresse des scolastiques ; elle engageait dans sa religion de trop nobles aspirations intellectuelles et morales pour ne pas mépriser l’ignorance et la brutalité des moines. […] Ainsi s’affranchir par l’entendement, se donner par l’amour, voilà l’idéal de cette noble femme. […] Son érudition est du moyen âge : J’ai lu des saints la légende dorée, J’ai tu Alain, le très noble orateur (Alain Chartier), Et Lancelot, le très plaisant menteur.

735. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chansons de Béranger. (Édition nouvelle.) » pp. 286-308

Je vais prendre une comparaison qui n’est pas noble, mais elle est parfaitement exacte. […] refusez vos tendres airs À ces nobles qui, d’âge en âge, Pour en donner portent des fers. Ainsi, parce qu’on est né noble, on sera exclu et privé du chant du rossignol !

736. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Mme de Caylus et de ce qu’on appelle Urbanité. » pp. 56-77

Soit en habit du matin, soit en habit de cour, ou en habit d’hiver, elle y paraît fine, mince, grande, noble, élégante et jolie ; d’une taille élevée et qui a tout à fait grand air ; une figure un peu ronde, une figure d’ange, et où la douceur s’allie à la malice, une bouche fine où la raillerie se joue aisément, de beaux yeux où éclatent l’agrément et l’esprit : en tout la grâce et la distinction même. […] S’il fallait badiner, s’il faisait des plaisanteries, s’il daignait faire un conte, c’était avec des grâces infinies, un tour noble et fin que je n’ai vu qu’à lui. […] Rémond, menait plus loin qu’Hélène ; elle répandait une joie si douce et si vive, un goût de volupté si noble et si élégant dans l’âme de ses convives, que tous les âges et tous les caractères paraissaient aimables et heureux.

737. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mademoiselle de Scudéry. » pp. 121-143

La prétention des Scudéry, en effet, était d’être sortis d’une maison très noble, très ancienne et toujours guerrière, originaire du royaume de Naples, et depuis des siècles établie en Provence. […] Je ne m’arrêterai pourtant point, Madame, à vous dire quelle fut son enfance : car elle fut si peu enfant, qu’à douze ans on commença de parler d’elle comme d’une personne dont la beauté, l’esprit et le jugement étaient déjà formés et donnaient de l’admiration à tout le monde ; mais je vous dirai seulement qu’on n’a jamais remarqué en qui que ce soit des inclinations plus nobles, ni une facilité plus grande à apprendre tout ce qu’elle a voulu savoir. […] Ne la prenez pas pour un bel esprit de profession, elle s’en défend tout d’abord : « Il n’y a rien de plus incommode, pense-t-elle, que d’être bel esprit ou d’être traitée comme l’étant, quand on a le cœur noble et qu’on a quelque naissance. » Elle sent mieux que personne tous les inconvénients d’un bel esprit (surtout femme), qui est reçu par le monde sur ce pied-là, et elle les expose en fille de bon sens et en demoiselle de qualité qui en a souffert.

738. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Rivarol. » pp. 62-84

Il paraît bien que Rivarol était noble, malgré toutes les plaisanteries et les quolibets qu’il eut à essuyer à ce sujet. […] Il montre les gens d’esprit, les gens riches trouvant la noblesse insupportable, et si insupportable que la plupart finissaient par l’acheter : « Mais alors commençait pour eux un nouveau genre de supplice, ils étaient des anoblis, des gens nobles, mais ils n’étaient pas gentilshommes… Les rois de France guérissent leurs sujets de la roture à peu près comme des écrouelles, à condition qu’il en restera des traces. » Cette cause morale, la vanité, qui fut si puissante alors dans la haine irréconciliable et l’insurrection de la bourgeoisie excitée par les demi-philosophes, est démêlée et exposée par Rivarol avec une vraie supériorité. […] Mais aussi ce qui honore en Rivarol l’intelligence et l’homme, c’est qu’il s’élève du milieu de tout cela comme un cri de la civilisation perdue, l’angoisse d’un puissant et noble esprit qui croit sentir échapper toute la conquête sociale : « Malgré tous les efforts d’un siècle philosophique, dit-il, les empires les plus civilisés seront toujours aussi près de la barbarie que le fer le plus poli l’est de la rouille ; les nations comme les métaux n’ont de brillant que les surfaces. » Il y a des moments où, porté par le mouvement de son sujet et par l’impulsion de la pensée sociale, il va si haut, qu’on se demande si c’est bien Rivarol qui écrit, le Rivarol né voluptueux avant tout et délicat, et si ce n’est pas plutôt franchement un homme de l’école religieuse : Le vice radical de la philosophie, c’est de ne pouvoir parler au cœur.

739. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Rollin. » pp. 261-282

C’est le cœur qui parle au cœur ; on sent une secrète satisfaction d’entendre parler la vertu : c’est l’abeille de la France. » On ose à peine trouver excessive cette royale louange, née d’un si noble sentiment. […] qui ne jetterait un cri de douleur en la voyant ainsi dépouillée de grâces, de vertus, et même de ces nobles traits de la physionomie qui semblaient héréditaires ! […] Pour rendre à ces nouveaux venus le respect des lettres et des nobles études, on ne saurait les présenter trop sérieuses, trop essentielles à la nature humaine et à son développement, trop liées avec tout ce qui est utile dans l’histoire, dans la politique, trop conformes à la vraie connaissance morale et à l’expérience.

740. (1759) Réflexions sur l’élocution oratoire, et sur le style en général

Nos écrivains modernes, pour la plupart copistes superstitieux et serviles de l’antiquité, ont adopté cette définition, sans faire attention que les anciens qui nous l’ont laissée, y bornaient l’éloquence à sa partie la plus noble et la plus étendue, et que par conséquent la définition était incomplète. […] Mais passons un moment du sacré au profane, et donnons encore un exemple des avantages de la simplicité d’expression, pour rendre avec autant de vérité que d’énergie les idées nobles ou pathétiques ; rappelons-nous de quelle manière Virgile dépeint Orphée, seul avec sa douleur sur le rivage de la mer, pleurant sa chère Euridice depuis la naissance jusqu’au déclin du jour. […] Il ne suffit point au style de l’orateur d’être clair, correct, noble, harmonieux, vif et serré ; il faut encore qu’il soit facile, c’est-à-dire que le travail ne s’y fasse point sentir.

741. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVIII. Des obstacles qui avaient retardé l’éloquence parmi nous ; de sa renaissance, de sa marche et de ses progrès. »

Ainsi, probablement on fit des colosses avant la Vénus de Médicis et l’Apollon du Belvéder ; on bâtit les pyramides d’Égypte avant les ouvrages d’une architecture noble et régulière. […] Faites naître, si vous le pouvez, à Constantinople, un homme avec le génie de l’éloquence, donnez-lui une âme noble et grande, et cette vigueur de sentiments que nous admirons dans les anciens orateurs ; il faudra qu’il l’étouffe ; il faudra qu’il asservisse ses passions généreuses aux circonstances, et dompte son génie ; semblable à ce Grec, qui, fait prisonnier par les Perses, et entraîné loin de son pays, à la cour des Satrapes, forcé de plier à la servitude un caractère qui était né pour la liberté, employait tous les jours le pouvoir de la musique, et le mode le plus capable de porter la mollesse dans l’âme, pour adoucir, s’il était possible, la fierté de la sienne, et supporter l’esclavage et les fers avec moins de regret. […] Dans tous les genres, nous eûmes plutôt de la dignité que de la force ; et notre éloquence, circonspecte jusque dans sa grandeur, et mesurée même en s’élevant, fut presque toujours noble et sage, et presque jamais impétueuse et passionnée.

742. (1911) Nos directions

M. de Faramond, nous en avons la certitude nous donnera un jour l’œuvre définitive, par laquelle s’imposera la nouveauté de sa noble formule. […] On l’a vu prince dans Giselle, svelte, fier, éperdu de noble douleur, rugissant. […] D’autre part les cinq actes progressifs, exclusivement nobles, un peu oratoires, un peu abstraits, de la tragédie française. […] 59 — mais peut-être sans s’en douter… Il devrait se lamenter avec nous de voir le noble effort de M.  […] Racine, loin d’élire des héros nobles mais moyens, se soit plu à ne peindre que « des bêtes féroces » — le mot est de Brunetière, comme on sait.

743. (1885) L’Art romantique

Tout ce qui est beau et noble est le résultat de la raison et du calcul. […] Mais ici la conquête, la proie, est d’une nature plus noble, plus spirituelle. […] Dans quel discrédit et dans quelle indifférence est tombé ce noble art de la gravure, hélas ! […] Tous les écrivains ont pu, en mainte occasion, apprécier ces nobles qualités. […] Il s’était évidemment assigné un but qu’il croit d’une nature beaucoup plus noble et plus haute.

744. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — [Note.] » pp. 444-445

Malheureusement ses forces étaient épuisées : sa vie s’était usée dans les efforts que ce noble désir lui avait fait faire.

745. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Revue littéraire. Victor Hugo. — M. Molé. — Les Guêpes »

Nous n’avons pas besoin de renouveler ici l’expression de nos vœux et de notre entière sympathie pour ce noble esprit, judicieux, élégant, ami des lettres, nourri par elles de bonne heure, et l’ayant prouvé par deux ouvrages que ses Mémoires, dès longtemps écrits, devront un jour couronner.

746. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Angellier, Auguste (1848-1911) »

Il comprend cent soixante-dix sonnets développant tout un roman d’amour qui commence par la floraison des aveux et des premières tendresses, se continue au bord des flots bleus, dans les monts, s’attriste d’une querelle, se poursuit en rêveries, devant la mélancolie des vagues grises, se termine enfin par le sacrifice, le deuil et l’acceptation virile qui n’est pas l’oubli… C’est bien l’histoire commune et éternelle des cœurs… C’est un véritable écrin que l’Amie perdue, un écrin plein de colliers et de bracelets pour l’adorée, et aussi de pleurs s’égrenant en rosaire harmonieux… C’est un des plus nobles livres d’amour que j’aie lus, parce qu’il est plein d’adorations et exempt de bassesses, parce que la joie et la douleur y sont chantées sur un mode toujours élevé, entre ciel et terre, comme le vol des cygnes qui ne s’abaisse pas même quand leur aile s’ensanglante d’une blessure… Je vous assure qu’il est là tel sonnet que les amants de tous les âges à venir, même le plus lointains, aimeront à relire, où ils retrouveront leur propre pensée et leur propre rêve, comme le doux André Chénier souhaitait qu’il en fût de ses vers d’amour… [Le Journal (26 juillet 1896).]

747. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Chateaubriand, François René de (1768-1848) »

Peut-être doit-il à ce goût des vers quelques-unes de ses magnifiques qualités, le rythme, la mélodie des phrases ; mais il lui doit peut-être aussi maint défaut dont il trouvait l’exemple chez les versificateurs de son temps : le culte de la périphrase, l’abus des comparaisons, une certaine aversion pour le mot propre, très souvent remplacé par le terme réputé noble.

748. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Meurice, Paul (1818-1905) »

Victor Hugo … Paul Meurice, un esprit lumineux et fier, un des plus nobles hommes de notre temps… De nos jours, l’écrivain doit être au besoin un combattant ; malheur au talent à travers lequel on ne voit pas une conscience !

749. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Samain, Albert (1858-1900) »

Albert Samain est un poète d’automne et de crépuscule, un poète de douce et morbide langueur, de noble tristesse.

750. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » pp. 163-165

Malheur aux François modernes que ces sortes de peintures ne toucheroient pas, & qui préféreroient l’art froid de raisonner à cette noble sensibilité, seule capable de former des Héros & des Sages !

751. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 100-103

Il est bien plus noble d’imiter ces Fondeurs habiles, qui, sachant conserver l’attitude & les principaux traits d’une Statue, forment un nouveau moule pour la rendre avec les beautés qu’elle avoit déjà, lui donner celles qui lui manquoient, & la corriger des défauts qui en rendoient l’exécution moins heureuse.

752. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 58-61

Il ne faut jamais oublier que le genre historique exclut les ornemens recherchés ; que le naturel, une noble simplicité, la chaleur du style, & avant tout, le discernement & l’amour de la vérité, sont les seules qualités qu’il admet.

753. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre premier. Beaux-arts. — Chapitre VI. Architecture. — Hôtel des Invalides. »

La rouille des siècles qui commence à le couvrir, lui donne de nobles rapports avec ces vétérans, ruines animées, qui se promènent sous ses vieux portiques.

754. (1824) Préface d’Adolphe

Mais quand on voit l’angoisse qui résulte de ces liens brisés, ce douloureux étonnement d’une âme trompée, cette défiance qui succède à une confiance si complète, et qui, forcée de se diriger contre l’être à part du reste du monde, s’étend à ce monde tout entier, cette estime refoulée sur elle-même et qui ne sait plus où se replacer ; on sent alors qu’il y a quelque chose de sacré dans le cœur qui souffre parce qu’il aime ; on découvre combien sont profondes les racines de l’affection qu’on croyait inspirer sans la partager ; et si l’on surmonte ce qu’on appelle faiblesse, c’est en détruisant en soi-même tout ce qu’on a de généreux, en déchirant tout ce qu’on a de fidèle, en sacrifiant tout ce qu’on a de noble et de bon.

755. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LEBRUN (Reprise de Marie Stuart.) » pp. 146-189

Les grandes sources sentimentales et lyriques que notre époque a comme trouvées en elle et fait jaillir plus abondamment que tous les anciens jets d’eau de Chantilly ou de Versailles, ne sauraient dissimuler et masquer ce noble fond régulier, harmonieux, de l’édifice, ce portique d’un beau temple qu’on ne referait plus. […] Voilà ce qu’on se pouvait dire, ce que le poëte aurait pu opposer aux idées de reprise, s’il avait mieux aimé sa tranquille possession de renommée que l’art même, si longtemps glorieux, qu’il a, pour sa part, cultivé d’un noble effort, et qu’il parut, à un certain jour, avoir agrandi. — « J’irai voir ce soir vos Templiers, » disait quelqu’un à M. […] De nobles patronages, de hautes amitiés, qui ne sont pas étrangères à ce grand nom des Stuarts, agirent-elles en effet sur elle pour la fixer dans ce choix ? […] Mais il semble que ce n’est plus assez maintenant, dans l’ode, que la roue aille vite, d’un noble et nombreux essor, et parcoure toute l’arène ; il faut que chaque clou y soit d’or : L’or reluisait partout aux axes de ses chars.

756. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre II. Le quinzième siècle (1420-1515) »

Qu’il rencontre un sentiment vrai (et il l’a eu, le même que chez tous les grands lettrés du temps : le patriotisme et la pitié du peuple), alors il écrira les plus fermes et les plus nobles pages de prose qu’on ait avant La Boétie et L’Hôpital : des pages qui n’ont guère plus vieilli que les meilleures du xvie siècle. […] Ainsi, de l’honneur, de la foi féodale, il ne faut plus parler, et voici que la foi religieuse elle-même n’est plus de force à enlever l’homme, à créer de nobles formes d’âme et d’existence. […] Il fréquenta aussi la maison du prévôt de Paris, Robert d’Estouteville, dont la femme, Ambroise de Loré, « moult sage, noble et honneste dame », faisait bon accueil aux poètes. […] Ceux que sa faveur politique avait courbés ou accablés dans les affaires privées, relèvent la tête : marchands alléguant des contrats léonins ou frauduleux, nobles appelant d’arrêts injustes, travaillent à lui faire rendre gorge.

757. (1856) Cours familier de littérature. I « Digression » pp. 98-160

On ne pouvait s’empêcher de penser, en contemplant et en écoutant Delphine, à cette Vittoria Colonna, qui fut la noble et chaste Aspasie de Rome moderne, la passion platonique de Michel-Ange, le modèle des Vierges de Raphaël, pendant qu’elle était, par ses propres poésies, la rivale heureuse de Pétrarque ! […] Noble don, Garant universel du céleste pardon ! […] Oui, de la vérité rallumant le flambeau, J’enflammerai les cœurs de mon noble délire ; On verra l’imposteur trembler devant ma lyre ; L’opprimé, qu’oubliait la justice des lois, Viendra me réclamer pour défendre ses droits ; Le héros, me cherchant au jour de sa victoire, Si je ne l’ai chanté doutera de sa gloire ; Les autels retiendront mes cantiques sacrés, Et fiers, après ma mort, de mes chants inspirés, Les Français, me pleurant comme une sœur chérie, M’appelleront un jour Muse de la patrie !  […] Tout jeune, je faisais admirer mon courage ; Comme un vaillant aiglon, j’aspirais à l’orage… Ma mère (il m’en souvient, j’étais encore enfant) Me contait les exploits d’Hercule triomphant… Au superbe récit de cette noble vie, Mes yeux brillaient d’orgueil, d’espérance et d’envie ; Et ma mère joyeuse, en me tendant les bras, Disait : « C’est ton aïeul, et tu l’égaleras. » Et moi, j’entrevoyais une sublime tâche !

758. (1828) Préface des Études françaises et étrangères pp. -

Sainte-Beuve, qui rendent notre pensée beaucoup plus éloquemment que nous ne pourrions le faire : « On vit, chose inouïe jusque-là, une littérature moderne appliquer le goût le plus exquis à ses plus nobles chefs-d’œuvre ; la raison prévenir, assister le génie, et, comme une mère vigilante, lui enseigner l’élévation et la chasteté des sentiments, la grâce et la mélodie du langage. […] Au total, malgré de nombreux vices d’exécution et une débilité de style qui contraste trop souvent avec la hardiesse des idées, Voltaire a dû produire tout l’effet qu’il a produit, et il est impossible de ne pas reconnaître qu’il a étendu, sinon agrandi notre scène tragique, et qu’il a passionné encore le dialogue et les situations ; enfin il a ouvert une source nouvelle et abondante de pathétique, et on lui doit de fortes et nobles émotions qu’on n’avait pais éprouvées au même degré avant lui. […] De là, cette indifférence du public pour le Théâtre-Français, qui fut si longtemps notre gloire et notre plus noble plaisir. […] Tout le monde n’y réussit pas comme M. de Boisjolin, par exemple, dans sa traduction de la Forêt de Windsor de Pope, traduction faite de verve, noble chant de poète, suivi d’un trop implacable silence.

759. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — II. (Fin.) » pp. 330-342

Ce n’est pas seulement aux nobles et aux chevaliers qu’il s’adresse : Je demande aussi à tous ceux qui savent les noms de plusieurs simples soldats que j’ai marqués comme j’ai pu, pour avoir commencé l’impulsion dans un combat, servi de guide à une brèche, ou mis le premier le genou sur les créneaux ou retranchements, qu’il leur plaise m’aider de tels noms sans avoir égard à la pauvre extraction et condition ; car ceux-là montent davantage qui commencent de plus bas lieu. […] Il y contracta, à l’âge de soixante et onze ans, un second mariage avec une noble veuve de la maison des Burlamaqui.

760. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Poésies complètes de Théodore de Banville » pp. 69-85

Tandis que, dans un autre ordre parallèle, de nobles poètes, qui procèdent plutôt de M.  […] Voilà que vous vous retranchez dans le beau convenu et dans le noble, fût-il ennuyeux, et moi je me déclare pour la vérité à tous risques, fût-elle même la réalité. — Ou en d’autres jours, vous abondez dans votre prose, et je me replonge dans la poésie.

761. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — I » pp. 93-106

Royer-Collard le patriarche ; mais le monde va, l’humanité subsiste et se transforme ; les sectes morales les plus nobles elles-mêmes passent ; et dans le lointain quel effet nous font-elles ? […] Je suis tout à la fois l’homme le plus impressionnable dans mes actions de tous les jours, le plus entraînable à droite et a gauche du chemin dans lequel je marche, et à la fois le plus obstiné dans mes visées. » Sa noble vie sera tout d’une teneur, mais on y sentira la ténacité, et ce mot non plus ne lui déplaît pas (tome i, page 433).

762. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET (La Confession d’un Enfant du siècle.) » pp. 202-217

Si l’amour appelé vertueux, l’amour dans l’ordre et le mariage, lui paraissait peu favorable à son cadre de roman, s’il voulait l’amour libre et sans engagements consacrés, eh bien, c’était une conclusion encore satisfaisante et noble, encore digne d’être proposée de nos jours, non-seulement sans scandale, mais même avec fruit, au commun de la jeunesse ; du moins l’art, qui n’est pas si scrupuleux que la morale exacte, y trouvait un but idéal, une terminaison harmonieuse. […] « Tu ne t’entends pas trop mal, se dit Octave à lui-même en se rendant justice, à exalter une pauvre tête, et tu pérores assez chaudement dans tes délires amoureux. » Le dernier chapitre, ce dîner en tête-à-tête de Brigitte et d’Octave aux Frères Provençaux, a du charme ; la résolution d’Octave part d’un noble cœur ; il s’immole, il renonce à Brigitte, il l’accorde à Smith, et, malgré l’étrangeté du procédé, on n’y sent pas le manque de délicatesse ; mais pour qu’on pût jouir un peu de cette situation nouvelle et plus reposée, pour qu’on y crût et qu’elle fût définitive aux yeux du lecteur, il faudrait des garanties dans ce qui précède.

763. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre I. L’esprit gaulois »

Le magnifique fleuve déploie le cortège de ses eaux bleues entre deux rangées de montagnes aussi nobles que lui ; leurs cimes s’allongent par étages jusqu’au bout de l’horizon dont la ceinture lumineuse les accueille et les relie ; le soleil pose une splendeur sereine sur leurs vieux flancs tailladés, sur leur dôme de forêts toujours vivantes ; le soir, ces grandes images flottent dans des ondulations d’or et de pourpre, et le fleuve couché dans la brume ressemble à un roi heureux et pacifique qui, avant de s’endormir, rassemble autour de lui les plis dorés de son manteau. […] Une raie de peupliers solitaires au bout d’un champ grisâtre, un bouleau frêle qui tremble dans une clairière de genêts, l’éclair passager d’un ruisseau à travers les lentilles d’eau qui l’obstruent, la teinte délicate dont l’éloignement revêt quelque bois écarté, voilà les beautés de notre paysage ; il paraît plat aux yeux qui se sont reposés sur la noble architecture des montagnes méridionales, ou qui se sont nourris de la verdure surabondante et de la végétation héroïque du nord ; les grandes lignes, les fortes couleurs y manquent ; mais les contours sinueux, les nuances légères, toutes les grâces fuyantes y viennent amuser l’agile esprit qui les contemple, le toucher parfois, sans l’exalter ni l’accabler. — Si vous entrez plus avant dans la vraie Champagne, ces sources de poésie s’appauvrissent et s’affinent encore.

764. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre II. Signes de la prochaine transformation »

Un amour profond de la vérité, une noble foi dans la raison et dans la science soutiennent les savants adonnés aux plus âpres études. […] Un noble poignard remplace le trivial oreiller.

765. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VII. Maurice Barrès et Paul Adam » pp. 72-89

Voyez les cerveaux de noble inquiétude modelés par Ibsen. […] La contemplation des vies harmonieuses provoquera la création d’existences nobles.

766. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Une soirée chez Paul Verlaine » pp. 18-33

Quelque chose de noble et de fier dans la tête. […] On vivait, en sa compagnie, de bonnes heures, dans une atmosphère échauffée de ferveur, de foi et de nobles discussions.

767. (1890) L’avenir de la science « Préface »

Un état qui donnerait le plus grand bonheur possible aux individus serait probablement, au point de vue des nobles poursuites de l’humanité, un état de profond abaissement. […] Je le dis franchement, je ne me figure pas comment on rebâtira, sans les anciens rêves, les assises d’une vie noble et heureuse.

768. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre I : De la méthode en psychologie »

« Il est certainement vrai que la psychologie de l’association représente plusieurs des états mentaux supérieurs comme étant en un certain sens le développement des états inférieurs. » Mais dans d’autres cas semblables, comme le fait remarquer finement l’auteur, on a exalté précisément la sagesse et l’art merveilleux de la nature qui tire, dit-on, le meilleur du pire et le noble du bas. D’ailleurs, si ces parties, les plus nobles de notre nature, ne sont pas originelles, elles ne sont pas pour cela factices et non naturelles.

769. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre II » pp. 12-29

À ces causes s’en joignait une autre encore plus pressante, c’était l’émulation établie entre les sexes par leur mélange dans les sociétés particulières, depuis que Louis XII et Anne de Bretagne avaient relevé les femmes de cette infériorité qui subsiste encore en Angleterre et en Allemagne ; émulation de mérite et de vertu pour les nobles héritières des traditions d’Anne de Bretagne ; émulation de galanterie pour les élèves de l’école de François trop bien soutenue par ses successeurs. […] La conversation devint bientôt le principal attrait de cette société, et fut placée entre les plus vives et les plus nobles jouissances de la vie : c’était la préparation et le complément de toutes celles qui étaient réservées à l’intimité.

770. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces diverses — Préface du « Rhin » (1842) »

Des esprits, excellents et nobles d’ailleurs, l’ont controversée en France assez vivement à cette époque, et ont pris tout d’abord, comme il arrive presque toujours, deux partis opposés, deux partis extrêmes. […] Il a presque un sentiment lilial pour cette noble et sainte patrie de tous les penseurs.

771. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre dixième. »

Le discours du bœuf a un autre genre de beauté : c’est celui d’un ton noble et poétique, quoique naturel et vrai. […] Mais s’il y a un amour-propre petit, mesquin, ou si l’on veut méprisable, n’en est-il pas un autre noble, sensible et généreux ?

772. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’empire russe depuis le congrès de vienne »

Tout grand pouvoir, qui se fait charmant, doit avoir pour les plus nobles esprits des fascinations d’Armide, mais quand on est un lynx, on garde ses yeux, et on ne permet même pas à la Toute-Puissance, devenue aimable, de vous les fermer avec sa plus douce main de fer, gantée de velours. […] … Qui sait si ce mot trop antidaté ne lui paraîtrait pas une ironie, et si le désappointement pour son pays n’enverrait pas un noble nuage de tristesse sur ce petit front carré dont le prince de Ligne disait avec raison : « D’une tempe à l’autre, voilà l’empire ! 

773. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte Gaston de Raousset-Boulbon »

Aujourd’hui nous redisons ce noble nom d’un homme doué de facultés éclatantes et que beaucoup d’entre nous ont aimé, nous le disons parce que l’air de notre temps vibre encore des coups de feu sous lesquels il s’est si magnanimement abattu. […] Gaston de Raousset-Boulbon — d’une des familles les plus nobles et les plus anciennes de Provence — était le dernier rejeton d’une de ces races militaires qui, selon le mot du grand-duc de Guise, « doivent se bâtir des renommées sur les ruines de leur propre corps ».

774. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Vie de la Révérende Mère Térèse de St-Augustin, Madame Louise de France »

et jouit-il enfin de voir, dans les filles de Louis XV, tout ce noble et généreux sang de la maison de Bourbon si mortellement empoisonné ? […] Là, pour ces nobles filles de France, sont les sources troublées de leur histoire, et il y a assez de limon dans ces sources pour que leurs ennemis délicieusement y pataugent.

775. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VII. »

Jamais ne meurent sou noble souvenir ni son nom ; mais, sous la terre qui le couvre, il est immortel celui que, dans le feu de la victoire, de la résistance, du combat pour la patrie et la famille, le terrible Mars a frappé. […] Le génie, comme le courage d’une noble race, est vivant et debout dans ces courtes élégies de Tyrtée.

776. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Fontainas, André (1865-1948) »

Henri de Régnier On imagine volontiers son profil bossué au bronze de quelque médaille du temps des Flandres bourguignonnes, et, au revers, pour allégoriser d’emblèmes décoratifs le poète du Sang des fleurs et des Vergers illusoires, on figurerait, dans une guirlande en entrelacs, un miroir, une épée et une grappe, car ses vers, à des vigueurs héroïques, allient des nuances opalines d’eaux calmes et mêlent les saveurs telluriques d’un noble cru.

777. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Haraucourt, Edmond (1857-1941) »

Leconte de Lisle L’Âme nue est un recueil de fort beaux poèmes où il a su exprimer de hautes conceptions en une langue noble et correcte, et prouver qu’il possédait, dans une parfaite concordance, un sens philosophique très averti, uni au sentiment de la nature et à celui du grand art.

778. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Villeroy, Auguste »

Auguste Villeroy du noble effort qu’il a tenté.

779. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 368-371

Nous renvoyons les Lecteurs de bonne foi à l’Ouvrage même : ils verront combien l’Auteur est éloigné de favoriser l’autorité arbitraire & le gouvernement despotique ; ils verront avec quelle force il défend les droits des Sujets, avec quel noble courage il présente au Prince, non seulement le tableau des devoirs de la Royauté, mais une infinité de principes & de vérités propres à écarter du cœur des Souverains, l’orgueil qui cherche sans cesse à les séduire & à leur faire oublier qu’ils ne sont sur le Trône, que pour rendre leurs Peuples heureux.

780. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 45-49

Les Réflexions morales sur les Evangiles, l’Abrégé des obligations chrétiennes, ses Lettres spirituelles respirent une éloquence noble, vive & touchante, qui prend sa source dans un cœur fortement pénétré des vérités qu’il y expose.

781. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXIXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (1re partie) » pp. 241-314

La douce émotion que l’on ressent au soir d’une journée bien employée respirait sur ses traits ; notre conversation roulait sur de grands et nobles sujets ; je voyais alors se montrer tout ce que sa nature renfermait de plus élevé, et mon âme s’enflammait à la sienne. […] — Noble figure ! […] J’avais fait de la comtesse le représentant de la noblesse, et les paroles que je mets dans sa bouche indiquent quels doivent être les sentiments d’un noble. […] « Oui, il veut que les nobles soient pleins d’humanité, mais il les maintient dans la possession de leurs titres, de leur rang, et c’est là une modération qui ne pouvait plaire dans un temps de révolution radicale. » 15. […] Quand une grand âme est active, ce qu’elle fait reçoit toujours sa noble et durable empreinte. »

782. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Le Comte Léon Tolstoï »

Dans le roman où se dessine cette héroïne d’une si chaude vie, on peut suivre le même travail minutieux de représentation par un grand nombre d’incidents sur tous les personnages de premier plan ; toute une période de leur vie nous est donnée en d’innombrables instants pour Wronsky l’homme moderne du bel air, élégant, un peu lourd d’esprit ; mais noble, constant, délicat, digne d’être aimé, et se haussant parfois à de grandes idées humaines étrangères à sa caste, comme pour Lévine plus fruste, plus simple et plus profond et dépeint de ses occupations de gentilhomme campagnard à ses angoissantes préoccupations sur le but et le sens de la vie. […] Et que l’on mette en regard de ces personnages douteux toute la masse des hommes et des femmes qui peuplent les grands romans de Tolstoï ; que l’on se rappelle cet ensemble de physionomies gracieuses, mâles, vieillottes, vénérables, nobles ou basses, du capitaine, Timokhine à Sonia, du colonel Berg à la princesse Bolkonsky, que l’on énumère Karénine, Drone Dologhof, le prince Basile, la princesse Hélène, qu’on les mette en regard des types usuels de la jeune fille, de l’officier, de la femme corrompue, de l’intendant, du joueur, du fonctionnaire, tels que les aurait conçus par exemple Victor Hugo, et que l’on ressaisisse du même coup la différence de deux arts, et celle qui sépare un être véritablement existant à part lui, d’une personnification fictive de catégorie qui n’a en somme d’autre titre à la vie que le mot même qui la désigne. […] Cet homme qui jeune, fut musculeux et trapu, le visage oblong, le front bombé par les côtés et arrondi par le haut, les yeux clairs enfoncés sous les sourcils broussailleux, le nez puissant, les lèvres charnues et rondes dans la barbe épaisse, l’air énergique et mâle, brusque et bon, bien Russe, qui, né noble et riche, prit part aux guerres du Caucase et à la défense de Sébastopol, qui parcourut l’Europe, mena à Saint-Pétersbourg et Moscou la grande vie du gentilhomme, qui fut cassant et orgueilleux, insolent pour Tourguénef, qui devint célèbre et dont la gloire a conquis ces dernières années la France et l’Allemagne, s’est tout à coup détourné de sa nature, de son génie, de sa renommée et contraint mystérieusement par les commandements de sa conscience, renonçant à ses habitudes, à ses appétits, à l’exercice de sa puissante intelligence, s’est retiré du monde, de l’art, de la jouissance même de ses richesses. Comme Lévine, il a rencontré sur sa route un pauvre d’esprit dont les paroles ont retenti dans son cœur, comme une voix intérieure, et ce Slave dont l’âme violentée et repoussée par les durs dogmes de la science occidentale, demandait au monde plus de bonté qu’il n’en contient, cet aristocrate, cet homme de fortune, ce grand écrivain s’est retiré à la campagne, écrit des contes pour les moujiks, s’adonne à des travaux manuels, fait des souliers et raccommode des poêles, donne son bien en aumône, prêche la vie populaire, le refus du serment, le pardon des injures, l’union avec une seule femme, interdit le divorce, le service militaire, la violence, la résistance aux méchants, les injures et menace de fonder une nouvelle secte de gens scrupuleux et troublés dont il sera le patriarche, devenu aujourd’hui un grand vieillard de soixante ans, les cheveux longs rejetés en arrière du front creusé de profondes rides, au-dessus des yeux plus caves, mais fermes, inébranlablement fermes, les joues creuses autour du large nez et ployant sur de massives pommettes, la bouche droite, saillante et close, au milieu d’une longue barbe blanche tombant sur de larges épaules, l’air vénérable et sûr, de la certitude de ceux qui ont cru à jamais ; l’air noble et d’une joie austère, de la joie de ceux qui sont affermis dans leur foi. […] Pour ceux qui connaissent la bienfaisance de l’art, son efficacité à rehausser la vie d’émotions intenses et nobles dont est retirée la souillure de la douleur et de l’égoïsme, c’est par ses œuvres mêmes que Tolstoï paraîtra avoir accompli, sans le savoir, la mission qu’il s’est assignée sur le tard.

783. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIe entretien » pp. 5-85

III D’un autre côté, cette jeunesse éternelle de l’esprit humain, renouvelée de génération en génération et de race en race, l’empêche de tomber dans ce découragement de lui-même et dans ce dénigrement de son temps, qui est une erreur aussi commune mais moins noble que le rêve du progrès continu, illimité et indéfini sur la terre. […] Et la pensée exprimée, autrement dit littérature, étant la plus noble fonction de l’homme, un seul groupe d’hommes pensants dans un siècle vaut mieux pour l’histoire que des multitudes qui sèment et qui broutent : Fruges consumere nati  ! […] Terre que consacra l’empire et l’infortune, Source des nations, reine, mère commune, Tu n’es pas seulement chère aux nobles enfants Que ta verte vieillesse a portés dans ses flancs : De tes ennemis même enviée et chérie, De tout ce qui naît grand ton ombre est la patrie ! […] Et ailleurs : ……………………………………………………… Mais, malgré tes malheurs, pays choisi des dieux, Le ciel avec amour tourne sur toi les yeux ; Quelque chose de saint sur tes tombeaux respire, La barbarie en vain morcelle ton empire, La nature, immuable en sa fécondité, T’a laissé deux présents : ton soleil, ta beauté ; Et, noble dans son deuil, sous tes pleurs rajeunie, Comme un fruit du climat enfante le génie. […] Je ne me lassais pas de contempler ces nobles figures de paysans ou de paysannes, qui me rappelaient les scènes patriarcales de la Bible dans l’opulence de la cité des arts.

784. (1905) Pour qu’on lise Platon pp. 1-398

Platon était un Athénien dans la pleine acception du mot et dans la plus noble. […] Ce sont des sciences nobles. […] C’est la plus belle des sciences, la plus noble ; c’est la science sublime, c’est la science divine. […] Le plaisir, quelque pur qu’il soit et quelque noble, est un accident. […] Cette morale est donc très pure, très élevée et très noble.

785. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome I

Une noble amitié est un chef-d’œuvre à deux, où l’on ne saurait discerner ce qui revient à l’un et à l’autre des collaborateurs. […] Son rêve d’une vie exaltée, ce noble rêve qui permet seul d’égaler en les comprenant les nobles âmes des nobles artistes, le fera, lui, s’user sur place, dans l’attente d’un je ne sais quoi de définitif qui ne viendra jamais. […] La noble manie de la perfection le tyrannisait. […] Noble et fier défaut après tout, car il dérive du plus magnifique des tourments qu’il soit donné à l’homme d’éprouver : — le mal de la perfection. […] Un livre le mérite quand il a été composé sous l’influence de la plus noble passion ici-bas : l’amour de la vérité.

786. (1890) Dramaturges et romanciers

Que l’on sente vibrer un peu plus en lui la fibre de l’homme universel sympathique à toute grandeur, à toute cause noble, accessible à toutes les préoccupations légitimes de ses contemporains. […] » ne manquait jamais de dire son grand-père, lorsqu’elle exprimait quelque haut désir trop noble pour les conditions de la terre, ou qu’elle aspirait à quelque perfection impossible à rencontrer. […] Nul ne peut deviner que cette marquise de Campvallon, que nous voyons apparaître avec une franchise si noble, renferme un monstre. […] Lorsqu’on la voit apparaître pour la première fois au château de Campvallon si fière et si noble, qui oserait soupçonner qu’elle peut contenir un monstre ? […] Qu’est-ce que le plus grand poète de l’Italie moderne, le noble et malheureux Leopardi ?

787. (1882) Autour de la table (nouv. éd.) pp. 1-376

parce que certains oiseaux de proie tuent avec le bec, au lieu d’étouffer avec la griffe, les voilà qualifiés de nobles ! […] C’est que Goethe (je veux le répéter) n’était pas seulement un grand écrivain, c’était un beau caractère, une noble nature, un cœur droit, désintéressé. […] Il n’appartient qu’aux organisations grossières et lâches de se laisser corrompre par les richesses matérielles ; une âme noble sait en faire un usage noble. […] si, par mes paroles ou mes prières, je parvenais à toucher ce cœur, je ramènerais au bercail un noble esprit qui s’est égaré, mais qui n’est pas perdu sans retour ! […] Il a captivé les esprits les plus sérieux et jeté des fleurs à pleines mains sur de grandes et nobles existences austères et tourmentées.

788. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre I. Le Roman. Dickens. »

Dombey, comme un noble, aime sa maison autant que lui-même. […] Sa seconde femme, la fière Édith Skewton, lui résiste et le méprise ; l’orgueil du négociant se heurte contre l’orgueil de la fille noble, et les éclats contenus de cette inimitié croissante révèlent une intensité de passion que des âmes ainsi nées et ainsi nourries pouvaient seules contenir. […] Le petit Joas de Racine n’a pu naître que dans une pièce composée pour Saint-Cyr ; encore le pauvre enfant parle-t-il en fils de prince, avec des phrases nobles et apprises comme s’il récitait son catéchisme. […] Dans ce pays, où il y a tant de sectes et où tout le monde choisit la sienne, chacun croit à la religion qu’il s’est faite, et ce sentiment si noble élève encore le trône où la droiture de leur volonté et la délicatesse de leur cœur les ont portés. […] Laissez aux savants la science, l’orgueil aux nobles, le luxe aux riches ; ayez compassion des humbles misères ; l’être le plus petit et le plus méprisé peut valoir seul autant que des milliers d’êtres puissants et superbes.

789. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIIe entretien. Cicéron (2e partie) » pp. 161-256

Quoi de plus agréable à l’esprit et à l’oreille qu’un discours poli, orné, rempli de pensées sages et nobles ! […] « Mais aujourd’hui que la fortune m’a frappé d’un coup terrible et que le fardeau du gouvernement ne pèse plus sur moi, je demande à la philosophie l’adoucissement de ma douleur, et je la regarde comme l’occupation de mes loisirs la plus douce et la plus noble à la fois. […] Et celui-là, sur le noble désintéressement de la vertu, que les disciples d’Épicure appellent si faussement un habile égoïsme, et que Cicéron appelait, lui, de son vrai nom, un sacrifice de soi-même ? […] Aussi, jouissant d’un loisir aussi complet, et se trouvant dans une aussi riche bibliothèque, il semblait, si l’on peut se servir d’une comparaison aussi peu noble, vouloir dévorer les livres. […] Ce que je puis ajouter, c’est qu’il me paraît déjà donner beaucoup de marques d’une belle âme et d’un noble esprit ; mais vous voyez combien son âge est tendre. — Je le vois bien, lui dis-je, et c’est aussi dans cet âge qu’il faut l’initier à ces études et ouvrir son âme à ces sentiments qui le prépareront aux grandes choses qui l’attendent

790. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [Lamartine.] » pp. 534-535

En choisissant et indiquant les points élevés et lumineux, vous avez obéi à cette noble nature qui va, comme le cygne, se poser à tout ce qui est limpide, éclatant et pur ; et vous m’avez ainsi, rien que par le bonheur amical de vos citations, élevé à ta fois et idéalisé à votre exemple.

791. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 121-125

Telle expression noble dans le Latin, devient ridicule dans le François.

792. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 236-239

C’est là qu’on admire à la fois tout ce que le sentiment a de plus vif, tout ce que la piété a de plus noble & de plus tendre, tout ce que la Langue Latine a de plus énergique & de plus mélodieux, tout ce que la Religion peut ajouter à l’enthousiasme, en lui fournissant des sujets vraiment propres à l’échauffer.

793. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre premier. Beaux-arts. — Chapitre IV. Des Sujets de Tableaux. »

3º Les costumes modernes conviennent peu aux arts d’imitation : mais le culte catholique a fourni à la peinture des costumes aussi nobles que ceux de l’antiquité130.

794. (1848) Études critiques (1844-1848) pp. 8-146

Néanmoins, il faut convenir que ces figures assez peu nobles rehaussent l’intérêt du livre par la prestesse et l’ardeur avec lesquelles M. de Balzac sait les faire mouvoir. […] Ce n’est pas tout à fait le cas de Lorenzaccio, mais il ne nous importe guère ; ce qui nous frappe plus que l’érudition un peu voilée du livre, c’est le caractère très bien tracé du duc Alexandre et le génie noble et enthousiaste de la marquise de Cibo. […] Ce sont là des costumes grecs, mais sur des corps vivants ; quant à cette inerte enluminure de Fortunio, elle n’appartient guère aux plus nobles travaux de l’esprit que les prospectus de M.  […] Sainte-Beuve autrefois et qu’il poursuit encore, il y eut place pour les qualités les plus nobles, et la renommée individuelle en se sacrifiant y gagne à coup sûr, mais il n’en fut pas de même pour la politique du parti. En cherchant des ancêtres aux romantiques et en s’efforçant de prouver que ces ancêtres-là étaient nobles, très nobles, excessivement très nobles, M. 

795. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE STAEL » pp. 81-164

Les héroïsmes de Mme Roland et de Charlotte Corday la trouvent prête et sont à l’aise dans son cœur ; ses délicatesses pour les autres nobles amitiés n’y perdent rien. […] Dans son noble attachement pour l’amie intime de cette âme de génie, pour la dépositaire de tant de pensées aimantes, M. de Chateaubriand a modifié et agrandi ses premiers jugements sur un caractère et un talent mieux connus ; toutes les barrières précédentes sont tombées. […] Un ordre de police la rejetait à quarante lieues de Paris : instinctivement, opiniâtrément, comme le noble coursier au piquet, qui tend en tous sens son attache, comme la mouche abusée qui se brise sans cesse à tous les points de la vitre en bourdonnant, elle arrivait à cette fatale limite, à Auxerre, à Châlons, à Blois, à Saumur. […] On la nommait tout bas dans l’intimité (Mme de Flahaut), de même qu’aussi l’on savait de quels éléments un peu divers se composait la noble figure d’Oswald, de même qu’on croyait à la vérité fidèle de la scène des adieux, et qu’on se souvenait presque des déchirements de Corinne durant l’absence. […] C’est ainsi que ton œil, ô ma noble Compagne, Beau comme ceux des nuits, à temps m’a rencontré ; Et je reçois de Toi, quand le doute me gagne, Vérité, sentiment, en un rayon sacré.

796. (1778) De la littérature et des littérateurs suivi d’un Nouvel examen sur la tragédie françoise pp. -158

N’allons pas éteindre une clarté naissante, qui doit nous guider plus loin ; nous sommes nés pour connoître & pour perfectionner notre entendement ; ce desir dévorant de connoître, est le plus noble attribut de l’homme ; qu’il en soit toujours jaloux. […] La gloire doit donc payer des travaux aussi nobles, aussi désintéressés. […] Mais l’Auteur qui n’aura pas la noble & légitime hardiesse de faire obéir la foule à ses conceptions neuves & vigoureuses, laissera l’Art au même point où il l’aura pris, & ne lui ayant pas fait faire un seul pas, il aura contribué à sa décadence. […] Il y en a de nobles, il y en a de bas ; & cette inégalité est fondée, de même que l’autre, sur le caprice, le hazard & le cours bisarre des évènemens. […] Idée noble, où l’on reconnoîtra sans peine l’expression & la pensée de M.

797. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Riposte à Taxile Delord » pp. 401-403

Jeune homme, qui vous destinez aux lettres et qui en attendez douceur et honneur, écoutez de la bouche de quelqu’un qui les connaît bien et qui les a pratiquées et aimées depuis près de cinquante ans, — écoutez et retenez en votre cœur ces conseils et cette moralité : Soyez appliqué dès votre tendre enfance aux livres et aux études ; passez votre tendre jeunesse dans l’etude encore et dans la mélancolie de rêves à demi-étouffés ; adonnez-vous dans la solitude à exprimer naïvement et hardiment ce que vous ressentez, et ambitionnez, au prix de votre douleur, de doter, s’il se peut, la poésie de votre pays de quelque veine intime, encore inexplorée ; — recherchez les plus nobles amitiés, et portez-y la bienveillance et la sincérité d’une âme ouverte et désireuse avant tout d’admirer ; versez dans la critique, émule et sœur de votre poésie, vos effusions, votre sympathie et le plus pur de votre substance ; louez, servez de votre parole, déjà écoutée, les talents nouveaux, d’abord si combattus, et ne commencez à vous retirer d’eux que du jour où eux-mêmes se retirent de la droite voie et manquent à leurs promesses ; restez alors modéré et réservé envers eux ; mettez une distance convenable, respectueuse, des années entières de réflexion et d’intervalle entre vos jeunes espérances et vos derniers regrets ; — variez sans cesse vos études, cultivez en tous sens votre intelligence, ne la cantonnez ni dans un parti, ni dans une école, ni dans une seule idée ; ouvrez-lui des jours sur tous les horizons ; portez-vous avec une sorte d’inquiétude amicale et généreuse vers tout ce qui est moins connu, vers tout ce qui mérite de l’être, et consacrez-y une curiosité exacte et en même temps émue ; — ayez de la conscience et du sérieux en tout ; évitez la vanterie et jusqu’à l’ombre du charlatanisme ; — devant les grands amours-propres tyranniques et dévorants qui croient que tout leur est dû, gardez constamment la seconde ligne : maintenez votre indépendance et votre humble dignité ; prêtez-vous pour un temps, s’il le faut, mais ne vous aliénez pas ; — n’approchez des personnages le plus en renom et le plus en crédit de votre temps, de ceux qui ont en main le pouvoir, qu’avec une modestie décente et digne ; acceptez peu, ne demandez rien ; tenez-vous à votre place, content d’observer ; mais payez quelquefois par les bonnes grâces de l’esprit ce que la fortune injuste vous a refusé de rendre sous une autre forme plus commode et moins délicate ; — voyez la société et ce qu’on appelle le monde pour en faire profiter les lettres ; cultivez les lettres en vue du monde, et en tâchant de leur donner le tour et l’agrément sans lequel elles ne vivent pas ; cédez parfois, si le cœur vous en dit, si une douce violence vous y oblige, à une complaisance aimable et de bon goût, jamais à l’intérêt ni au grossier trafic des amours-propres ; restez judicieux et clairvoyant jusque dans vos faiblesses, et si vous ne dites pas tout le vrai, n’écrivez jamais le faux ; — que la fatigue n’aille à aucun moment vous saisir ; ne vous croyez jamais arrivé ; à l’âge où d’autres se reposent, redoublez de courage et d’ardeur ; recommencez comme un débutant, courez une seconde et une troisième carrière, renouvelez-vous ; donnez au public, jour par jour, le résultat clair et manifeste de vos lectures, de vos comparaisons amassées, de vos jugements plus mûris et plus vrais ; faites que la vérité elle-même profite de la perte de vos illusions ; ne craignez pas de vous prodiguer ainsi et de livrer la mesure de votre force aux confrères du même métier qui savent le poids continu d’une œuvre fréquente, en apparence si légère… Et tout cela pour qu’approchant du terme, du but final où l’estime publique est la seule couronne, les jours où l’on parlera de vous avec le moins de passion et de haine, et où l’on se croira très clément et indulgent, dans une feuille tirée à des milliers d’exemplaires et qui s’adresse à tout un peuple de lecteurs qui ne vous ont pas lu, qui ne vous liront jamais, qui ne vous connaissent que de nom, vous serviez à défrayer les gaietés et, pour dire le mot, les gamineries d’un loustic libéral appelé Taxile Delord.

798. (1893) Thème à variations. Notes sur un art futur (L’Académie française) pp. 10-13

Il faut donc admirer la beauté aux grandes lignes calmes et nobles, ainsi que de symbole de la grandeur morale ; mais non la gentillesse fardée.

799. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XI. Des Livres sur la Politique & le Droit Public. » pp. 315-319

Une érudition très-étendue, une connoissance exacte des intérêts des différens princes de l’Europe, un style noble & élégant ; telles sont les qualités qui distinguent cet ouvrage.

800. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome I

Fils de paysan, — c’est l’histoire de Julien Sorel, — et muni d’une instruction assez imprudemment donnée, il s’introduit chez de grands bourgeois ou des nobles. […] La fin de Don Quichotte nous montre Cervantès donnant raison à son chimérique et si noble héros contre le grossier bon sens de Sancho Pança. […] Personne n’a déploré davantage la contradiction intérieure qui veut que sans cesse notre volonté se pervertisse et que nos plus nobles efforts portent en eux un élément de corruption. […] Le sillon a été creusé, droit, profond, allant très loin, et une moisson a poussé de nobles livres auxquels, grâce à Dieu, s’adjoindront d’autres. […] Puisse-t-il, malgré ses succès de critique et déjà de dramatiste, persévérer dans cet art du roman, — le plus riche, le plus noble, le plus complet de tous !

801. (1927) Les écrivains. Deuxième série (1895-1910)

Tout ce qu’elle offre de beautés uniques, de nobles exemples s’y grave en traits profonds qui ne s’effaceront plus. […] Les livres de Léon Bloy fourmillent de ces choses… Il en est d’incomparablement grandes et nobles. […] Il nous venait de ces deux nobles esprits une émulation puissante et le désir ardent de bien vivre et de mieux faire. […] Vielé-Griffin, « un grand, pur et noble poète ». Parmi les ouvrages de ce pur, noble et grand poète, M. 

802. (1896) Écrivains étrangers. Première série

Je n’ai pas souvenir d’avoir jamais vu une figure plus noble et plus douce, avec une plus admirable expression d’humanité, que la figure de Walt Whitman dans ses derniers portraits. […] Leur refus n’a pas chagriné outre mesure le noble vieillard. […] Il rêva un idéal d’existence où l’action, l’amour, et la souffrance même, auraient leur part, tout ce qui, parmi les sensations possibles, était noble et passionné. […] Disposant d’un pouvoir absolu et illimité, adoré de ses sujets, en paix avec les pays voisins, Ottomar semble n’avoir affaire, lui aussi, que de travailler à la réalisation de son noble rêve. […] Il le montrait partagé déjà entre ses aspirations et ses doutes, plein de nobles projets et ne pouvant point se décider à l’action.

803. (1896) La vie et les livres. Troisième série pp. 1-336

Et que ne puis-je célébrer sur le mode dorien la noble procession des fouilleurs de Délos et de Delphes ! […] Moi qui les croyais si intelligents, si nobles, si généreux ! […] Ses pesantes semelles piétinent, de préférence, ce qui est délicat et noble, ce que la souffrance embellit et idéalise. […] Mais peu à peu, Olivier se sent ému par l’accent très élevé, très noble, d’une passion dont il ne soupçonnait pas la sincérité. […] Elles s’étonnent que les passions très nobles soient presque toujours, par un étrange caprice du sort, coupables et malheureuses.

804. (1900) La vie et les livres. Cinquième série pp. 1-352

Le curé, au contraire, prétendait « conserver aux murailles de son église le noble vernis dont le temps les avait revêtues ». […] Et il serait facile de prouver, par des extraits de ses confessions, qu’il fut aussi naïf, aussi aimable, aussi noble que les héros de ses romans. […] La noble passion qui a embelli la vie, déjà longue, du poète Édouard Grenier a été souvent récompensée. […] Émile Deschanel les convictions politiques dont il a été, pendant quarante ans, sans ostentation et sans défaillance, le très noble serviteur. […] Et ce récit finit mal, comme la plupart des nobles vies.

805. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XIII » pp. 53-57

Il trouvait que le tout était fortement mêlé de vers à la moderne, à la Victor Hugo ; il me citait, par exemple, cette apostrophe de Brutus qui se dit à lui-même de dissimuler encore : Noble sang des aïeux, qui me gonfles le cou, Redescends, indigné, dans les veines du fou !

806. (1874) Premiers lundis. Tome II « L. Aimé Martin. De l’éducation des mères de famille, ou de la civilisation du genre humain par les femmes. »

Au milieu de distinctions fines et de bien nobles sentiments de spiritualisme que nous y reconnaissons, il nous est impossible, pour notre compte, d’en admettre le procédé, ni beaucoup des résultats.

807. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Guérin, Charles (1873-1907) »

Guérin est particulièrement noble et éloquente ; je recommande à ceux qui ouvriront son livre la série des poèmes intitulés : Fenêtres sur la vie.

808. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Van Lerberghe, Charles (1861-1907) »

Charles Van Lerberghe laisse l’impression d’une œuvre très noble et très pure.

809. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 260-264

La sienne, sans prétendre au sublime, offre un ton simple, noble, intéressant, affectueux, naturel ; un style pur, correct, élégant, qui pénetre l’ame, sans la contraindre ni l’agiter.

810. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre III. Des Philosophes chrétiens. — Métaphysiciens. »

L’autre, au contraire, en m’associant à la Divinité, en me donnant une noble idée de ma grandeur, et de la perfection de mon être, me dispose à bien penser et à bien agir.

811. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre III. Combinaison des deux éléments. »

. — Si enfin, après la religion et la coutume, nous envisageons l’État, c’est-à-dire le pouvoir armé qui a la force physique en même temps que l’autorité morale, nous lui trouvons une source presque aussi noble. […] On n’avait aucune idée juste du paysan, de l’ouvrier, du bourgeois provincial ou même du petit noble de campagne ; on ne les apercevait que de loin, demi-effacés, tout transformés par la théorie philosophique et par le brouillard sentimental. « Deux ou trois mille392 » gens du monde et lettrés faisaient le cercle des honnêtes gens et ne sortaient pas de leur cercle. […] Il aime les sons beaux et purs, il est plein d’enthousiasme pour les harmonies nobles, il a autant de cœur que de génie402. […] Autour de cette idée centrale se reforme la doctrine spiritualiste  Un être si noble ne peut pas être un simple assemblage d’organes ; il y a en lui quelque chose de plus que la matière ; les impressions qu’il reçoit par les sens ne le constituent pas tout entier. « Je ne suis pas seulement un être sensitif et passif413, mais un être actif et intelligent, et, quoi qu’en dise la philosophie, j’oserai prétendre à l’honneur de penser. » Bien mieux, ce principe pensant est, en l’homme du moins, d’espèce supérieure. « Qu’on me montre un autre animal sur la terre qui sache faire du feu et qui sache admirer le soleil.

812. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mai 1886. »

Les divers timbres de voix sont groupés, et leurs parties dessinées dans ce morceau d’ensemble avec une finesse si exquise et tant de noblesse, qu’on ne saurait y méconnaître un appel de poètes, une invitation de nobles rivaux à de nobles luttes. […] Les nobles Châtelaines vêtues des couleurs de leur maison, font porter leurs traînes par de jeunes pages. […] Cette marche en si majeur est relevée par une autre en sol majeur, destinée à l’entrée des poètes ; d’une mesure plus lente, elle a un caractère plus réfléchi, plus élégant et plus noble que la première ; c’est là un de ces détails finement, intentionnés, qui rendent les compositions de Wagner riches, substantielles, et d’une étude si attachante.

813. (1908) Dix années de roman français. Revue des deux mondes pp. 159-190

René Bazin est le traducteur le plus exact de la mentalité et de la vie provinciales : la Sarcelle bleue, les Noëllet, Ma tante Giron, Une tache d’encre, Mme Corentine reflètent avec ferveur et avec une précision pittoresque cette déformation spéciale, — tantôt heureuse et noble, tantôt piquante ou amusante, — que l’existence de province imprime aux idées et aux habitudes morales. […] Bazin excelle à embellir cette œuvre simple et noble, qui s’est mesurée avec la vie et qui en a étudié les vicissitudes dans les âmes les plus humbles. […] À son tour, il a vu dans le pays natal la terre sacrée où germent les vertus sublimes et d’où viennent les nobles aspirations parce qu’elle est imprégnée de toute la grandeur héroïque des ancêtres. […] De rares et solides qualités littéraires ne servirent jamais qu’une inspiration constamment élevée, noble et bienfaisante.

814. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre II. La poésie lyrique » pp. 81-134

La Maison de l’Enfance, la Beauté de Vivre, les Clartés Humaines, l’Or des Minutes, réalisent heureusement le noble programme de l’auteur. […] L’art parfait, la noblesse idéologique des Bijoux de Marguerite et du Sang de la Sirène sont dignes des plus nobles poètes de France : Mais le sang a voilé mes yeux, et rien ne luit Dans ces antres de pourpre, où l’éternelle nuit          Du Sort à jamais se prolonge. […] Les Amours de Lyristès, le Chœur des Muses rayonnent par de nobles strophes. […] « Il pleut, cet homme seul en proie à cette étude Est noble de travail et beau de solitude.

815. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres mêlées de Saint-Évremond »

Les âmes délicates s’en étaient révoltées, et la noble nature de Mme de Sablé la première. […] Là, aussi, tout en ayant la plus convenable et la plus noble liberté de jugement, il a au fond l’indifférence, une sorte de découragement de voluptueux. […] Je ne prétends pas dire, assurément, qu’il n’y ait plus lieu aux convenances des esprits et des âmes, ni à ce noble sentiment de l’amitié ; mais la forme où nous le voyons se produire chez Saint-Évremond a notablement changé avec les conditions de la société elle-même.

816. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Vie de Rancé »

Rancé était une âme forte, une grande âme ; il comprit du premier jour qu’il avait perdu ce qu’il ne recouvrerait jamais, que recommencer sur les brisées d’hier une vie moindre, c’était indigne même d’une noble ambition humaine. […] M. de Pomponne entrait aux affaires, et allait prêter à ce noble bon sens du monarque l’élégance de plume d’un Arnauld. […] Qu’il y a loin des vers au fils unique de Louis XIV : Noble sang du plus grand des rois, Son amour et notre espérance, etc.

817. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger en 1832 »

Aussi, quand le poëte, dans sa chanson adressée à l’auteur du Génie du Christianisme, s’écrie : Ta voix résonne, et soudain ma jeunesse  Brille à tes chants d’une noble rougeur ! […] À rangs égaux, en lignes sourcilleuses, Dès le matin des luttes fabuleuses, Aux flancs des monts vaguement éclairés, Les noirs soldats s’ébranlaient par degrés ; Dès qu’un rayon aux collines prochaines Montrait l’aurore, ils saluaient César ; Puis, tout le jour, à son jeu de hasard, Silencieux, ils épuisaient leurs veines ; Tant qu’à la fin, dans l’excès des combats, Noble immolée, ô France, tu tombas ! […] Il ne sait pas le latin assurément ; mais, à l’entendre parfois discourir du théâtre et remonter de Molière, Racine ou Shakspeare aux tragiques de l’antiquité, je suis tenté de croire qu’il sait le grec, qu’il a été Grec, comme il le dit dans le Voyage imaginaire, tant cet ordre de beauté et de noble harmonie lui est familier.

818. (1875) Premiers lundis. Tome III «  À propos, des. Bibliothèques populaires  »

Dans l’ardeur de votre zèle inquisitorial, vous confondez avec des écrits, peut-être méprisables en effet (je ne les ai pas tous lus), le noble Jean Reynaud et sa philosophie religieuse, sa soif d’immortalité, sa vie future dans les astres. […] Agir à leur égard de la sorte, les associer et les accoler à d’indignes voisins pour les confondre dans un même anathème, c’est se faire tort, c’est se préparer de grands mécomptes, et, si le mot était plus noble, je dirais, de grands pieds-de-nez dans l’avenir. […] Les recherches de l’auteur sont attentives ; ses jugements, intègres ; sa prédilection, ardente pour tout effort de justice et d’humanité, pour tout noble caractère, dans quelque parti qu’il se trouve.

819. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis »

Il se fit une fête publique à Florence, et tout ce qu’il y avait de noble et de beau dans la ville s’y trouvait. […] Valori nous apprend que Lucretia était de la noble famille des Donati, qu’elle était également distinguée par sa beauté et par sa vertu, et qu’elle descendait de ce Curtio Donato que ses hauts faits militaires avaient rendu célèbre dans toute l’Italie18. […] Il était alors dans sa vingt et unième année, et son père pensa qu’il était temps de l’attacher au lien conjugal ; dans cette vue, il avait négocié un mariage entre Laurent et Clarice, fille de Giacopo Orsini, de la noble et puissante famille de ce nom, qui avait si longtemps disputé à Rome la prééminence à celle des Colonne.

820. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre I. Les mondains : La Rochefoucauld, Retz, Madame de Sévigné »

Mais la plus pure, la plus noble âme, à qui Mme de Sablé ait adressé le manuscrit des Maximes, Mme de Schomberg, se déclarait impuissante à contredire des vérités, que son indulgente bonté n’aurait pas toute seule découvertes. […] Ses Lettres nous sont une image merveilleusement fidèle de la vie noble au xviie  siècle, dans tous ses aspects et ses emplois, à la cour, en province, aux champs, à la comédie, au sermon, dans l’intimité domestique, dans les relations sociales, dans la représentation des grandes charges : les impressions journalières de Mme de Sévigné font un des documents d’histoire les plus sincères qu’on puisse consulter. […] On sait comment elle fonda Saint-Cyr, pour élever gratuitement deux cent cinquante demoiselles nobles, à qui le roi assurait ensuite des dots pour se marier ou entrer en religion.

821. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Victor Hugo, Toute la Lyre. »

Je me contenterai de choisir dans Toute la Lyre, pour votre plus noble divertissement, quelques exemples de ce don d’amplification étourdissante et vertigineuse. […] Et ceux-ci, aux fils dont les pères ont été glorieux : Soyez nobles, loyaux et vaillants entre tous ; Car vos noms sont si grands qu’ils ne sont pas à vous. […] A ne regarder que les hommes, l’un me paraît plus noble que Hugo, l’autre plus malheureux, et tous deux plus aimables.

822. (1895) La musique et les lettres pp. 1-84

Les deux villes anglaises, au ras d’un souvenir s’effacent, avec leurs reliquaires de savoir, flèches, enfin ; par une perspective, me laissant, dira-t-on, terre à terre : n’importe, si le sol est le nôtre et que j’y découvre ce noble pécule. […] L’éditeur qui donne, aujourd’hui, les œuvres de Racine, se trouve un peu l’héritier du poëte quand il bénéficie de la faveur acquise à de nobles vers. […]   Ainsi, quant au malaise ayant tantôt sévi, ses accès prompts et de nobles hésitations ; déjà vous en savez autant qu’aucun.

823. (1894) Propos de littérature « Chapitre V » pp. 111-140

Pour elle il eût donné d’imaginaires et magiques tournois ; chaque trouée du taillis aurait connu l’or des armures et dans les fabuleux territoires du Songe des villes eussent été conquises, des peuples de géants domptés ; maintes merveilles somptueuses, maintes prouesses d’héroïsme comme en une haute-lisse assemblées en leurs images, seraient devenues un tapis idéal pour les pieds de la Fiancée et cela, combats, trésors, gloires et joies, eût formé le poème de son âme tout entière, — pur, vaste et noble drame, mélancolique comme l’attente, mystérieux comme la forêt, riche autant que les splendeurs songées, mais triste surtout et résigné, parce qu’Elle n’était point là et ne devait jamais venir. […] « Ces visions enchantées, (ainsi écrivais-je dans la Wallonie), elles sont de l’ordre le plus noble ; elles passent dans le soleil parmi des cristaux, des lacs aux forêts captives, des femmes qui sont reines ou fées bien loin dans nulle histoire. […] Pourtant, — MM. de Régnier et Griffin l’ont compris en tentant la poésie la plus noble, — il n’est pas de demi Beauté ; et qui d’entre nous, se disant artiste, aurait la lâcheté de ne pas dévouer tout son être au poème éternel ?

824. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre X. La littérature et la vie de famille » pp. 251-271

La femme noble, au pays des troubadours, est véritablement reine. […] Corneille nous représente fréquemment l’amour noble, élevé, austère, inspirateur des beaux sentiments et des grandes actions. […] Nul n’ignore quelle était la sévérité de l’éducation dans la plupart des familles nobles et bourgeoises d’autrefois.

825. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre VIII »

C’est un noble et touchant tableau ; il ranime l’Age d’or de la vieille France ; aucune emphase n’altère sa simple grandeur. […] Il lui dit l’infamie de son père, l’extrémité à laquelle il a réduit sa noble et digne femme, forcée de fuir un foyer honteusement souillé. […] Rien de plus noble et de plus charmant.

826. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Études sur Saint-Just, par M. Édouard Fleury. (2 vol. — Didier, 1851.) » pp. 334-358

Un jour, Saint-Just vint froidement proposer un moyen de terminer la lutte de la Révolution contre les nobles suspects et détenus : Il y a mille ans, dit-il, que la noblesse opprime le peuple français par des exactions et des vexations féodales de tout genre : la féodalité et la noblesse n’existent plus ; vous avez besoin de faire réparer les routes des départements frontières pour le passage de l’artillerie, des convois, des transports de nos armées : ordonnez que les nobles détenus iront par corvée travailler tous les jours à la réparation des grandes routes. […] Il a rendu ce méchant sentiment avec toute l’énergie dont il était capable, dans un de ses rapports où il est dit : « Il serait juste que le peuple régnât à son tour sur ses oppresseurs, et que la sueur baignât l’orgueil de leur front. » Selon Barère, une telle proposition ne trouva que résistance au sein même du Comité ; on répondit que nos mœurs répugnaient à un tel genre de supplice ; que la noblesse pouvait bien être abolie par les lois politiques, mais que les nobles conservaient toujours dans la masse du peuple un rang d’opinion, une distinction due à l’éducation, et qui ne permettait pas d’agir à Paris comme Marius agissait à Rome : Eh bien !

827. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre II. Des poëtes étrangers. » pp. 94-141

L’intrigue est naturelle, la scène animée par les actions qui s’y passent, les mœurs sentent l’antique ; le langage est noble & poétique sans être affecté, les personnages sont intéressans. […] Le fond de ses piéces est noble, intéressant & théatral. […] Son langage est incorrect, obscur, rempli d’expressions populaires ; souvent bas dans le familier, & enflé dans le noble.

828. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre III. »

Un philosophe éloquent du dernier siècle a voulu surprendre et décrire l’entrée du premier homme dans la vie, son action instinctive, l’éveil de ses sensations, et ce qu’il nomme les plaisirs de sa grande et noble existence. […] Pindare nous avertit de ces différences ; et parfois, selon le génie de cette Grèce où tout ce qui servait aux arts était noble, où le comédien et le joueur de flûte n’étaient exclus d’aucune dignité, il se montre lui-même disposant le concert et ordonnant le chœur, dont les lyres et les voix vont soulever dans les airs le vol de sa strophe nouvelle. […] Valeureux soldats et nobles citoyens, qui montrèrent alors de quels pères ils étaient nés39 ! 

829. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — I » pp. 248-262

Mais Bossuet, qui n’était pas seulement le docteur, mais l’orateur, ne séparait pas de son Augustin son saint Chrysostome ; il y apprenait les interprétations de la sainte Écriture les plus propres à la chaire, et s’y familiarisait avec ces tours nobles et pleins, avec ces tons incomparables d’insinuation « qui lui faisaient dire que ce Père était le plus grand prédicateur de l’Église. » — Il louait aussi Origène, nous dit l’abbé Le Dieu, ses heureuses réflexions et sa tendresse dans l’expression, dont il rapportait souvent cet exemple : « Qu’heureuses furent les tourterelles, dit Origène, d’avoir été offertes (par la Vierge au jour de la purification) pour notre Seigneur et sauveur ! […] lui disaient mesdames de Luynes, ces deux nobles et saintes religieuses de Jouarre, après l’avoir entendu ; vous nous tournez comme il vous plaît, et nous ne pouvons résister au charme de vos paroles. » Je ne m’explique tout à fait bien que depuis que j’ai lu l’abbé Le Dieu, la célèbre phrase qui termine l’oraison funèbre du prince de Condé, et dans laquelle, avant d’avoir atteint soixante ans, Bossuet semble renoncer pour jamais aux pompes de l’éloquence.

/ 2328