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916. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 25, des personnages et des actions allegoriques, par rapport à la poësie » pp. 213-220

Les évenemens dépeints dans ce poëme, sont arrivez en des tems où le commun des hommes étoit persuadé de leur existence.

917. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 19, qu’il faut attribuer aux variations de l’air dans le même païs la difference qui s’y remarque entre le génie de ses habitans en des siecles differens » pp. 305-312

Pourquoi le commun du monde les néglige-t-il aujourd’hui ?

918. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Charles Barbara » pp. 183-188

La donnée du roman est le sujet de roman ou de drame le plus commun dans l’histoire de nos mœurs présentes.

919. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre III. Trois principes fondamentaux » pp. 75-80

Si des idées uniformes chez des peuples inconnus entre eux doivent avoir un principe commun de vérité, Dieu a sans doute enseigné aux nations que partout la civilisation avait eu cette triple base, et qu’elles devaient à ces trois institutions une fidélité religieuse, de peur que le monde ne redevînt sauvage et ne se couvrît de nouvelles forêts.

920. (1913) Les livres du Temps. Première série pp. -406

Ils n’ont qu’un trait commun : la bonté. […] Aussi ne tombe-t-elle point dans l’erreur commune aux tenants des deux thèses précitées. […] Mais la vie qu’on y mène n’a rien de commun avec l’activité si éloquemment préconisée par M.  […] On construit une ligne de chemin de fer : le village devient commune de plein exercice. […] Il n’y a pas de commune mesure.

921. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome I

Nous ne faisons point cette citation pour adresser un reproche à la mémoire de Geoffroy : le rédacteur du feuilleton du Journal de l’Empire se trouvait dans une position qui lui commandait ces espèces d’éloges, il sacrifiait à la loi commune. […] Ce faste de piété filiale, cet acharnement à poursuivre un coupable si cher, et bien moins coupable que malheureux, n’a rien de commun avec la véritable grandeur d’âme : ce n’est qu’un étalage de vertu forcée, fondé sur la vanité et sur l’ostentation. […] Les juges pensent si bien de la nature humaine, qu’il ne leur paraît pas vraisemblable qu’une jeune fille très amoureuse sacrifié son devoir à sa passion : rien assurément n’est plus vraisemblable, plus commun et plus conforme à la nature. […] La tragédie n’est pas faite pour les événements bourgeois et communs, et la différence est grande entre l’extraordinaire et l’absurde. […] Le temps ajoute encore au plaisir que fait éprouver un style où l’on découvre sans cesse des beautés nouvelles ; mais pour le commun des poètes, dont la versification est lâche, sèche et plate, ils ne peuvent exciter d’intérêt qu’autant qu’ils occupent l’esprit, et remplissent par les incidents et les faits le vide de leurs poésies.

922. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Eugène Gandar »

Il écrivait le 13 mars à ses parents : « L’anxiété que mêlaient à l’inquiétude commune mes propres pensées m’avait mis hors de moi. […] … » Comme si, par une association naturelle avec les touchantes beautés de l’Odyssée, il avait eu à cœur de dater d’Ithaque tous les souvenirs les plus chers de la patrie, Gandar écrivait de là aussi à une personne dont le nom ne m’est pas indiqué, qui pourrait bien être celle à laquelle il était déjà fiancé de cœur et qui devint plus tard, et non sans d’assez longues épreuves, la digne et dévouée compagne de sa vie ; ou si ce n’est elle, il s’adressait à elle par une amie commune, et en parlant à l’une, il pensait certainement à l’autre. […] Olympie, c’est l’unité de la Grèce, c’est la fraternité des peuples consacrée par des jeux et des prières solennelles, c’est la concorde succédant, quand son heure est venue, aux guerres intestines, et faisant tomber des mains de quelques-uns, au nom de la patrie commune, des armes fratricides. […] Je dirai aussi quelques mots de lord Byron, cherchant à marquer du point de vue où je suis placé la part de chacun de ces trois grands poètes dans l’influence commune, et malheureusement très funeste, qu’ils ont exercée sur la littérature contemporaine. » L’ouvrage qu’il roulait dans son esprit et dont il avait déjà fixé le plan avait été conçu à cette occasion et dans cet ordre d’idées. […] Ce n’est pas sans raison qu’un des hommes les plus spirituels de ce temps-ci, et des plus indépendants par le jugement, M. de Rémusat, qui n’a pas craint d’appeler Bossuet « le sublime orateur des idées communes », a écrit autrefois de lui ce mot, comme il l’aurait dit de M. 

923. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Malherbe »

Ce n’est pas un poète dont les beautés soient communes ; elles ne vieillissent point, et ses formes hautaines n’ont cessé de séduire les esprits délicats. » C’est là l’opinion, très bien exprimée, d’un romantique de 1830, mais, il est vrai, d’un romantique normand126. […] Après la première guerre des Princes (1614), il fit une manière de traduction ou de paraphrase du Psaume cxxviii : Sæpe expugnaverunt me a juventute mea , qu’il mit dans la bouche du jeune roi : Les funestes complots des âmes forcenées, Qui pensaient triompher de mes jeunes années, Ont d’un commun assaut mon repos offensé : Leur rage a mis au jour ce qu’elle avait de pire ;                 Certes, je le puis dire ; Mais je puis dire aussi qu’ils n’ont rien avancé. […] Mais combien de fois, contre l’opinion commune, ai-je dit avec ma franchise accoutumée, que je ne les trouvais que fort médiocres ; et que s’ils avaient de la probité, ils n’avaient du tout point de suffisance ; ou s’ils avaient de la suffisance, ils n’avaient du tout point de probité141 ! […] Nous avons lu, vous et moi, assez d’exemples de courage que leurs qualités éminentes ont élevés au-dessus du commun ; mais qu’en matière de mépriser l’argent, un particulier ait eu si souvent son roi pour antagoniste, et que toujours il en soit demeuré victorieux, c’est une louange que je ne vois point que jusques ici les plus hardis historiens aient donnée à ceux mêmes qu’ils ont flattés le plus impudemment. […] Je ne crois pas qu’il y ait de quoi m’accuser de présomption quand je dirai qu’il faudrait qu’un homme vînt de l’autre monde pour ne savoir pas qui je suis ; le siècle connaît mon nom, et le connaît pour un de ceux qui y ont quelque relief par-dessus le commun ; et néanmoins ne sais-je pas qu’il y a de certains chats-huants à qui ma lumière donne des inquiétudes, et qui, se trouvant en des lieux où la faiblesse de ceux qui les écoutent leur laisse tenir le haut du pavé, font, avec je ne sais quelles froides grimaces, tous leurs efforts pour m’ôter ce qu’il y a si longtemps que la voix publique m’a donné ?

924. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIIe entretien. Cicéron (2e partie) » pp. 161-256

« La haine peut être fléchie par les prières ; des raisons politiques, l’utilité commune, peuvent la désarmer ; les obstacles qu’elle éprouve peuvent la rebuter, et le temps peut l’éteindre. […] « — Il y a longtemps aussi, lui dis-je, que j’attends cet ouvrage, et cependant je n’ose pas vous presser, car j’ai appris de notre ami Libon, dont vous connaissez la passion pour les lettres, que vous n’interrompez pas un seul instant ce travail, que vous y employez tous vos soins et que jamais il ne sort de vos mains ; mais il est une demande que je n’avais jamais songé à vous faire et que je vous ferai, maintenant que j’ai entrepris moi-même d’élever quelque monument à ces études qui me furent communes avec vous, et d’introduire dans notre littérature latine cette ancienne philosophie de Socrate. […] XXVI Et ce passage, sur l’immatérialité et sur l’immortalité de l’âme, qu’en direz-vous après l’avoir lu : « L’origine de notre âme ne saurait se trouver dans rien de ce qui est matériel, car la matière ne saurait produire la pensée, la connaissance, la mémoire, qui n’ont rien de commun avec elle. […] Et, par conséquent, l’âme est d’une nature singulière qui n’a rien de commun avec les éléments que nous connaissons. […] Rien de ce qui a été déterminé ou par les dieux immortels, ou par notre commune mère, la nature, ne doit être compté pour un mal.

925. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins » pp. 185-304

Tu ne saurais pas aujourd’hui que les plus belles philosophies n’ont que des jours d’explosion et des années de fumée, fumée à travers laquelle on ne reconnaît plus rien que des décombres ; que les peuples, comme des banqueroutiers de la vérité, ne tiennent jamais ce qu’ils promettent ; que les princes les meilleurs ne recueillent que l’assassinat, comme Henri IV, ou le martyre, comme Louis XVI ; que les réformateurs les plus bienfaisants ont pour ennemis les utopistes les plus absurdes ; que les gouvernements héréditaires subissent les dérisions de la nature, qui ne sanctionne pas toujours l’hérédité du génie ou des vertus ; que les gouvernements parlementaires subissent la domination de l’intrigue, la fascination du talent, l’aristocratie de l’avocat, qui prête sa voix à toutes les causes pourvu que l’on applaudisse, et qui est aux assemblées ce que la caste militaire est aux despotes, pourvu qu’ils les payent en grades et en gloire ; que les gouvernements absolus font porter à tous la responsabilité des fautes d’une seule tête ; que les gouvernements à trois pouvoirs sont souvent la lutte de trois factions organisées qui consument le temps des peuples en vaines querelles, qui n’ont d’autre mérite que d’empêcher les grands maux, mais d’empêcher aussi les grandes améliorations, et qui finissent par des Gracques ou par des Césars, ces héritiers naturels des anarchies ou des servitudes ; que les républiques sont la convocation du peuple entier au jour d’écroulement de toute chose pour tout soutenir, le tocsin du salut commun dans l’incendie des révolutions qui menace de consumer l’édifice social ; mais que si ces républiques sauvent tout, elles ne fondent rien, à moins d’une lumière qui n’éclaire pas souvent le fond des masses, d’une capacité qui manque encore au peuple, et d’une vertu publique qui manque plus encore aux classes gouvernementales. […] Après 1814, ma mère avait retrouvé dans Louis-Philippe et dans madame Adélaïde, sa sœur, des souvenirs d’enfance et d’éducation communs qui les disposaient à toutes les bontés pour la fille de leur gouvernante. […] Courir aux succès de tribune au lieu des grands résultats d’opinion, jeter quelques imprécations retentissantes au parti du gouvernement, embarrasser les ministres dans toutes les questions, se coaliser avec tous les partis de la guerre ou de l’anarchie dans la chambre ; se faire applaudir par les factions au lieu de se faire estimer par la nation propriétaire et conservatrice ; ébranler, hors de saison, un gouvernement mal assis, mais qui couvrait momentanément au moins les intérêts les plus sacrés de l’ordre et de la paix ; menacer sans cesse de faire écrouler cette tente tricolore sur la tête de ceux qui s’y étaient abrités ; jouer le rôle d’agitateur au nom des royalistes conservateurs, de tribun populaire au nom des aristocraties, de provocateur de l’Europe au nom d’un pays si intéressé à la paix ; se coaliser tour à tour avec tous les éléments de perturbation qui fermentaient dans la chambre et dans la rue ; harceler le pilote au milieu des écueils et prendre ainsi la responsabilité des naufrages aux yeux d’un pays qui voulait à tout prix être sauvé ; former des alliances avec tel ministre ambitieux, pour l’aider à donner l’assaut à tel autre ministre ; renverser en commun un ministère, sans vouloir soutenir l’autre, et recommencer le lendemain avec tous les assaillants le même jeu contre le cabinet qu’on avait inauguré la veille ; être, en un mot, un instrument de désorganisation perpétuelle, se prêtant à tous les rivaux de pouvoir pour renverser leurs concurrents et triompher subalternement sur des décombres de gouvernement ; danger pour tous, secours pour personne ; condottiere de tribune toujours prêt à l’assaut, mais infidèle à la victoire ; faire du parti légitimiste un appoint de toutes les minorités, même de la minorité démagogique dans le parlement : voilà, selon moi, la direction ou plutôt voilà l’aberration imprimée à ce parti, moelle de la France, qui réduisait les royalistes à ce triste rôle d’être à la fois haïs par la démocratie pour leur supériorité sociale, haïs par les conservateurs industriels pour leur action subversive de tout gouvernement, haïs par les prolétaires honnêtes pour leur participation à tous les désordres qui tuent le travail et tarissent la vie avec le salaire. […] XXXV Le roi, très clairvoyant sur les conséquences de cette guerre civile entre ses amis, me fit prier à plusieurs reprises par un ami commun de venir causer secrètement avec lui de la gravité des circonstances. […] XXXVII La coalition parlementaire, manœuvre déloyale qui ne pouvait aboutir qu’à la chute du trône d’Orléans, sapé maintenant par les chefs orléanistes, à la déception des légitimistes et des libéraux coalisés, avec des vues contraires, dans un acharnement commun contre la royauté de 1830, forma alors autour du trône une circonvallation de plus en plus resserrée, où le roi, menacé à la fois par ses complices de juillet et par ses ennemis avoués, allait être étouffé entre cinq ou six intrigues de parlement, de presse et de trahisons presque domestiques, qui présageaient à tout œil clairvoyant une chute sinon prochaine, du moins inévitable.

926. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre dixième. Le style, comme moyen d’expression et instrument de sympathie. »

Le caractère vraiment social du style littéraire et poétique consiste, selon nous, à stimuler les émotions selon les lois de l’induction sympathique, et à établir ainsi une communion sociale ayant pour but le sentiment commun du beau. […] Nous ne sympathisons qu’avec l’homme : les choses ne nous arrivent et ne nous touchent que comme vision et émotion, comme interprétation de l’esprit et du cœur humains ; et c’est pour cela que « le style est l’homme. » Le vrai style naîtra donc de la pensée et du sentiment mêmes ; il en sera la parfaite et dernière expression, à la fois personnelle et sociale, comme l’accent de la voix donne leur sens propre aux paroles communes à tous. […] La poésie est un bien commun au même titre que la logique ou la clarté : il est donc juste qu’elle puisse trouver son expression, et son expression entière, dans le langage commun à tous. […] Ce qui est vrai, c’est que la prose tend, comme nous venons de le montrer, à s’organiser d’une manière à la fois plus savante et plus libre, mais en conservant ce qui a toujours fait le fond commun de la poésie et de la prose, à savoir l’image et le rythme, l’une s’adressant aux yeux, l’autre aux oreilles, tous deux cherchant à atteindre le cœur.

927. (1922) Le stupide XIXe siècle, exposé des insanités meurtrières qui se sont abattues sur la France depuis 130 ans, 1789-1919

Ainsi l’image de la Patrie, qui est une image de conjonction, pour la défense commune et les intérêts communs, des hommes de même langage et de mêmes aspirations, a-t-elle pu être travestie, par ses adversaires de mauvaise foi, en une image de Baal et de Moloch. […] C’est le sort commun de toute soi-disant philosophie, qui repose sur une hypothèse scientifique. […] Un mouvement réel, saisi par un œil exercé, paraît faux au commun public. […] Ceci prouve la faiblesse en commun des personnalités écoutantes, réfléchissantes et discutantes. […] Ce fut le siècle du suicide en commun.

928. (1929) Critique et conférences (Œuvres posthumes III)

Cette crainte commune du soleil était d’autant plus caractéristique chez Charles Cros que son pays était Fabrezan, près Narbonne, où il naquit le Ier octobre 1842. […] Cette conférence a eu encore pour moi l’avantage de mettre tout à fait en lumière et dans son vrai jour un poète que j’aime… Qui n’a pas sa légende aujourd’hui pour peu qu’il sorte du commun ? […] Ma pantomime fut parfaitement comprise, et, au milieu des pleurs que nous versâmes en commun, je sentis ma main serrée avec une chaleur qui me convainquit de la sincérité de l’accueil. […] En dépit de notre commune difficulté à comprendre l’un et l’autre les paroles de chacun, nous parvînmes à nous faire entendre, et ce dernier me confia ses plans d’avenir. […] La Guerre et la Commune survinrent.

929. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Fontaine de Boileau »

Mes guides cependant, d’une commune voix, Regrettaient le bouquet des ormes d’autrefois, Hautes cimes longtemps à l’entour respectées, Qu’un dernier possesseur à terre avait jetées.

930. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires relatifs à la Révolution française. Le Vieux Cordelier, par Camille Desmoulins ; Les Causes secrètes ou 9 thermidor, par Villate ; Précis du 9 thermidor, par Ch.-A. Méda, Gendarme »

Ce regard du condamné vers les sentiments de famille est d’ailleurs à remarquer, en ce qu’il fut commun à plusieurs hommes de ce parti, à Danton, à Phélippeaux, ainsi qu’à Desmoulins.

931. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Tissot. Poésies érotiques avec une traduction des Baisers de Jean Second. »

Mais alors les voies littéraires n’étaient pas préparées au génie ; les langues, celles du nord en particulier, n’étaient pas faites, ou n’étaient pas polies : il n’y avait qu’une seule langue commune à tout le monde savant, et vraiment digne de lui ; l’enfant qu’on destinait aux lettres l’apprenait en naissant, et le latin pour lui était presque la langue de sa nourrice.

932. (1874) Premiers lundis. Tome I « Bonaparte et les Grecs, par Madame Louise SW.-Belloc. »

Bonaparte et les Grecs, ce sont là sans doute deux grands événements européens, qui figurent en commun au premier rang dans l’histoire de ces vingt-cinq dernières années.

933. (1874) Premiers lundis. Tome II « Dupin Aîné. Réception à l’Académie française »

On lui a su gré de sa parfaite clarté ; mais les détails biographiques étaient souvent lourds et communs : nulle délicatesse, nulle grâce n’est venue les relever.

934. (1875) Premiers lundis. Tome III « Émile Augier : Un Homme de bien »

Les jeunes gens du jour ont ce travers commun D’affubler leur candeur d’un vêtement d’emprunt, De faire les lurons à qui rien n’en impose, Et dont l’œil voit d’abord le fond de toute chose ; De ne pas sembler neufs sottement occupés, Ils mettent de l’orgueil à se croire trompés, Perdant ainsi, pour feindre un peu d’expérience, La douceur d’être jeune et d’avoir confiance !

935. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — J — Jammes, Francis (1868-1938) »

Il existe assez réellement lui-même pour pouvoir se passer d’adjuvants, des communes ressources littéraires ; de sorte qu’on s’étonne d’abord, tant sa littérature emprunte peu à celle des autres.

936. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XII. Mort d’Edmond de Goncourt » pp. 157-163

  Quoique le départ de son apport et de celui de son frère et collaborateur soit assez malaisé, on s’assure, par leurs témoignages communs et par l’examen des écrits du survivant, que Jules de Goncourt fut le virtuose habile et fécond, l’improvisateur toujours prêt, l’homme d’imagination et d’esprit, un peu le Monsieur en habit noir d’Henriette Maréchal.

937. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Hallé » pp. 71-73

Et ces marmots à physionomie commune, mal groupés, mal dessinés, vous les appellez des génies ; ah Mr Hallé !

938. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 4, du pouvoir que les imitations ont sur nous, et de la facilité avec laquelle le coeur humain est ému » pp. 34-42

Ceux des anglois qui sont le mieux informez de l’histoire de leur païs, ne parlent pas d’Olivier Cromwel avec la même admiration que le commun de la nation ; ils lui refusent ce genie étendu, penetrant et superieur que lui donnent bien des gens, et ils lui accordent pour tout merite la valeur du simple soldat et le talent d’avoir sçu paroître penetré des sentimens qu’il vouloit feindre, et aussi ému des passions qu’il vouloit inspirer aux autres, que s’il les avoit senties veritablement.

939. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 12, qu’un ouvrage nous interesse en deux manieres : comme étant un homme en general, et comme étant un certain homme en particulier » pp. 73-80

En second lieu il est interessant par rapport à certaines personnes seulement, c’est-à-dire que tel sujet qui n’est capable que de s’attirer une attention mediocre du commun des hommes, s’attire cependant une attention très-serieuse de la part de certaines personnes.

940. (1887) La vérité sur l’école décadente pp. 1-16

La chose était des plus simple : un clan de poètes très divers de talent et d’inspiration, sans théorie ni foi commune si ce n’est qu’ils aspiraient tous à une rénovation de la forme poétique, se trouvaient groupés par les hasards de la publicité dans les colonnes d’un même journal hospitalier et dans la devanture d’un même éditeur.

941. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome II pp. 5-461

Notre amour-propre est la cause de cette propension si commune, par laquelle nous devenons tous plus ou moins comédiens, les uns à l’égard des autres. […] Tel rôle y prend un ton bas et commun, après s’être annoncé dans un haut rang : pourquoi s’en fâcher ? […] On ne craint pas seulement la tyrannie du pouvoir, mais toutes les prépondérances qui rompraient l’équilibre de la commune. […] Devait-il produire une fable commune et basse sous les mêmes formes qu’un sujet rare et noble ? […] Ainsi Molière imprime toujours à la comédie une utilité générale, en redressant par la moquerie les torts les plus communs de la société.

942. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Charles Magnin ou un érudit écrivain. »

Magnin, en propre dans la masse commune ? […] Forcez un peu plus le coloris, dessinez plus nettement tel caractère, prolongez telle situation, transformez enfin le vaudeville en comédie ; au lieu d’une esquisse gracieuse ou piquante, vous aurez un tableau, mais commun, faux ou maussade. » Et M.  […] On y mit toute sorte de précautions et de préliminaires ; des amis communs s’entremirent : on dut, comme dans les négociations du Céleste Empire, s’inquiéter avant tout que l’étiquette fût observée.

943. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Jocelyn (1836) »

Nous avons déjà eu plus d’une fois l’occasion de le remarquer, ce qui est particulier à Lamartine consiste dans un certain tour naturel de sentiments communs à tous. Il ne débute jamais par rien d’exceptionnel, soit en idées, soit en sentiments ; mais, dans ce qui lui est commun avec tous, il s’élève, il idéalise. […] Pourquoi n’aiderait-il pas, dans l’absence de croyance véritablement régnante, à maintenir ces sentiments de christianisme moral, sans prétention dogmatique, de christianisme qui n’a plus la prière du soir en commun, mais qui (en attendant ce que réserve l’avenir) peut se nourrir encore par de touchants exemples et des effusions affectueuses ?

944. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre II. Principale cause de la misère : l’impôt. »

Jugez de la part exorbitante que s’adjugent l’Église et l’État, puisque, avec des frais de culture si minimes, le propriétaire trouve dans sa poche, à la fin de l’année, 6 ou 8 sous par arpent, sur quoi, lorsqu’il est roturier, il doit encore payer les redevances à son seigneur, mettre pour la milice à la bourse commune, acheter son sel de devoir, faire sa corvée, et le reste. […] Contre le collecteur et le receveur il n’a qu’une ressource, sa pauvreté simulée ou réelle, involontaire ou volontaire. « Tout taillable, dit encore l’assemblée provinciale du Berry, redoute de montrer ses facultés ; il s’en refuse l’usage dans ses meubles, dans ses vêtements, dans sa nourriture et dans tout ce qui est soumis à la vue d’autrui. » — M. de Choiseul-Gouffier683 voulant faire à ses frais couvrir de tuiles les maisons de ses paysans exposées à des incendies, ils le remercièrent de sa bonté et le prièrent de laisser leurs maisons comme elles étaient, disant que, si elles étaient couvertes de tuiles au lieu de chaume, les subdélégués augmenteraient leurs tailles. » — « On travaille, mais c’est pour satisfaire les premiers besoins… La crainte de payer un écu de plus fait négliger au commun des hommes un profit qui serait quadruple684 » — «… De là, de pauvres bestiaux, de misérables outils et des fumiers mal tenus, même chez ceux qui en pourraient avoir d’autres685. » — « Si je gagnais davantage, disait un paysan, ce serait pour le collecteur. » La spoliation annuelle et illimitée « leur ôte jusqu’au désir de l’aisance ». […] La réponse n’est pas douteuse, et tant de communes qui plaident chaque année contre messieurs tels ou tels pour les soumettre à la taille l’écrivent tout au long dans leurs requêtes.

945. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIe entretien. Trois heureuses journées littéraires » pp. 161-221

Je connaissais, par des fragments recueillis déjà dans des recueils ou dans la mémoire des amis communs, beaucoup des vers de Laprade. […] Cette parenté de l’homme par l’âme, commune avec tous les êtres animés de la nature, est une charité poétique qui caractérise ses poèmes et qui donne à ses descriptions la double vie du temps et de l’éternité. […] Vous saurez, comme nous, malgré la loi commune, Porter le cœur toujours plus haut que la fortune, Un cœur qui dans sa foi jamais ne se dément ; Et, de votre œuvre, à vous, quel que soit l’instrument, Ou le fer, ou la plume à mes doigts échappée, Tout sera dans vos mains noble comme l’épée.

946. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (1re partie) » pp. 305-364

L’enfant-roi, sortant du sépulcre où on l’a jeté à la fosse commune, secoue son linceul et, rappelant ses souvenirs confus, s’écrie en revoyant la terre : Où donc ai-je régné ? […] Être contemporains, c’est presque être amis, si l’on est bons ; la terre est un foyer de famille, la vie en commun est une parenté. […] Louis Blanc, dont la seule énonciation faisait rire leur bon sens ; à moins cependant, ajoutai-je encore, que le travail libre ne devînt travail forcé pour toute la société, que des répartiteurs du salaire, le fouet ou le glaive à la main, ne fussent chargés de faire travailler tout le monde, et que la société des blancs ne fut réduite à une horde d’esclaves, chassés chaque matin de leurs cases communes au travail uniforme, par des conducteurs de nègres blancs !

947. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (3e partie) » pp. 161-219

Les longs rapports qu’il avait eus dès sa jeunesse avec les hommes d’État de tous les gouvernements, à commencer par le prince régent, avec Canning, Stuart, Castlereagh, en Angleterre ; Talleyrand, Fouché, Napoléon, en France ; Gentz, Hiebluer, dans le Nord ; l’empereur Alexandre, de Maistre, en Russie ; Capo d’Istria, en Grèce ; Cimarosa, à Naples, le grand musicien, ami et successeur de Mozart, prédécesseur de Rossini ; Pozzo di Borgo, Decazes, sous la restauration ; Matthieu de Montmorency, le duc de Laval, Chateaubriand, Marcellus, dans l’ambassade de France à Rome ; Metternich et son école, en Autriche ; Hardenberg, en Prusse : lui avaient enseigné que le vrai christianisme se compose, sans acception, de ces idées générales qui, sans se formaliser pour ou contre tel ou tel dogme, généralisent le bien, la civilisation, la paix sous un nom commun, et font marcher le monde pacifié non dans l’étroit sentier des sectes, mais dans la large et libre voie du progrès incontesté sous toutes ces dénominations. […] Le Pape pour lui était le père commun de la civilisation chrétienne. […] Aussitôt que le cardinal avait accompli auprès du Pape ses devoirs du matin, il se rendait régulièrement auprès de son amie et s’entretenait confidentiellement avec elle dans sa chambre, assis à côté de son lit couvert de papiers et de correspondances examinés en commun.

948. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIVe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Il rallia ainsi, dans une coalition néfaste, les amis et les ennemis de la Restauration dans une agression commune. La coalition de principes opposés, mais de haine commune, cette maladie organique de la France, ne laissa plus de doute aux amis des Bourbons sur leur ruine prochaine. […] Il est évident qu’elle se sentait à charge, qu’elle voulait éviter à son tour la contrainte et l’humiliation d’un changement si pénible en l’homme qu’elle avait aimé, et que le voile de l’absence et de la distance pouvait excuser aux yeux de leurs amis communs.

949. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série «  M. Taine.  »

Se croire pétri d’un autre limon que le commun des hommes, c’était pour Napoléon une manière d’être religieux ; car dès lors, il se sentait élu ». […] Il ne fait pas évoluer son modèle dans l’espace et dans le temps, et il ne tient pas compte de ce qu’il peut avoir de commun avec les autres hommes. […] C’était un gros, l’air commun.

950. (1914) Enquête : Les prix littéraires (Les Marges)

Dans cet état de choses, qui est conforme aux œuvres humaines, comment les tribunaux littéraires échapperaient-ils à la loi commune ? […] Fagus La Société a le devoir absolu de subventionner l’écrivain, parce qu’il n’est pas de société, fût-elle de Canaques, qui ait pu jamais se passer de poètes ou de conteurs, et que l’écrivain représente donc une utilité publique ; qu’il ne ressortit donc pas aux lois commerciales régissant les autres travailleurs, d’autant plus que d’autre part son travail n’est pas mesurable selon cette commune mesure. […] L’artiste n’a — heureusement — rien de commun avec le député, non plus qu’avec le petit élève de cinquième… Pourquoi donc vouloir lui décerner des prix et des accessits, surtout au moyen de ce ressort toujours faussé qu’est le suffrage plus ou moins universel ?

951. (1902) Le culte des idoles pp. 9-94

Alors dans la littérature et dans les arts il y eut une sorte de vénération extraordinaire pour La Science, sorte de divinité vague, que chacun se représentait à sa façon, mais que tous adoraient en commun. […] Non : il nous peint des personnages vulgaires, sans distinction d’esprit ni de caractère, des mœurs basses et communes, mais il relève tout cela par des sensations rares et par un style plus rare encore ; ainsi, pour certains bibliophiles, le contenu du livre importe moins que le papier et la reliure. […] Cette fondation a quelque chose d’aussi bizarre que le Journal, une académie a pour but de maintenir certaines traditions, de conserver, de développer, par une action commune, un art déterminé.

952. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 avril 1886. »

En ce que, s’ils diffèrent par la famille, la maison, la nation, ils sont au moins sortis d’une race commune. […] Dans une époque où chaque parole demeure incomprise parcs qu’elle ne résulte plus de la conscience d’une unité entre les peuples, mais sert seulement à constater leur différence, dans ce temps la musique seule pouvait parler à l’humanité des choses communes à tous ces hommes, et, par ce langage, ranimer le sang Aryen et le Christianisme. […] Nous nommons société un nombre d’individus entre eux coalisés pour différents buts. « Le peuple, dit Wagner, consiste en tous ceux qui sentent une misère commune. » La lutte pour l’existence et les besoins métaphysiques sont reliés par l’art qui ainsi a une signification pratique.

953. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre premier. La sélection et la conservation des idées dans leur relation à l’appétit et au mouvement. »

Il n’en est pas moins vrai qu’il y a, dans le cerveau, des vibrations communes aux deux, avec irradiations différentes. […] Ce qui se renouvelle d’abord, c’est un certain état vague et général de la conscience qui est commun à toutes les sensations pénibles et qui doit correspondre à la réaction générale provoquée par la douleur. […] Parmi les mots, le malade oublie d’abord les noms propres, puis les noms communs, qui ne sont que des adjectifs érigés en substantifs, puis les adjectifs, puis les verbes.

954. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Romans et nouvelles » pp. 3-80

Ils ne comprennent pas que pour un curieux de ma sorte, un enthousiaste, un fanatique de style qui se trouve content et satisfait, si par hasard il rencontre en quelque tarte narbonnaise, un mot vrai, un mot trouvé, le commun des lecteurs, le commun des martyrs, rassasié de ces folies du style en délire, aussitôt les rejette et n’en veut plus entendre parler, une fois qu’il a porté à ses lèvres ce breuvage frelaté où se mêlent sans se confondre les plus extrêmes saveurs. […] Il y a je ne sais quelle répugnante promiscuité de salut dans cette adjonction : c’est la fosse commune de la prière… Derrière moi, à la chapelle, pleure la nièce de Rose, la petite qu’elle a eue un moment chez nous, et qui est maintenant une jeune fille de dix-neuf ans, élevée chez les sœurs de Saint-Laurent : pauvre petite fillette étiolée, pâlotte, rachitique, nouée de misère, la tête trop grosse pour le corps, le torse déjeté, l’air d’une Mayeux, triste reste de toute cette famille poitrinaire attendue par la Mort et dès maintenant touchée par elle, — avec, en ses doux yeux, déjà une lueur d’outre-vie.

955. (1902) La métaphysique positiviste. Revue des Deux Mondes

Il faut qu’il y ait du corps, et des fluides, une définition fixe, et une notion commune, générale, universelle. […] La vérité, c’est l’acquêt de l’expérience humaine, que d’ailleurs il faut bien se garder de confondre avec le « consentement universel. » Le consentement universel n’est souvent que l’erreur commune, et il n’est dans presque tous les cas que rencontre ou coïncidence fortuite, mais l’expérience, c’est le consentement universel passé pour ainsi dire au crible de la critique et de l’histoire ; — c’est le consentement universel dégagé des circonstances qui le déterminent, à peu près comme la loi d’un fait n’est sans doute que ce fait lui-même, dépouillé ou abstrait des conditions qui le particularisent ; — c’est le consentement universel, jugé, et tantôt confirmé, mais tantôt condamné, par ceux qui ont autorité pour le faire, et qui sont, en tout ordre de choses, les spécialistes de la chose. […] « Sous un tel ascendant, continue-t-il, nos diverses connaissances réelles pourront donc enfin former un vrai système, assujetti dans son entière étendue et dans son expansion graduelle, à une même hiérarchie et à une commune évolution, qui n’est certainement possible par aucune autre voie. » Et il conclut : « L’indispensable harmonie entre la spéculation et l’action est ainsi pleinement établie, puisque les diverses nécessités mentales, soit logiques, soit scientifiques, concourentà conférer la présidence philosophique aux conceptions que la raison publique a toujours considérées comme devant universellement prévaloir. » On remarquera que ces lignes, que j’extrais de la dernière leçon du Cours de philosophie positive, sont datées de 1842 ; elles appartiennent donc à la « première phase » de la philosophie d’Auguste Comte.

956. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Division dramatique. » pp. 64-109

La manière la plus commune, et par conséquent la plus défectueuse, d’amener une exposition, c’est de faire faire à un acteur, par un autre, tous les récits dont il a besoin, tantôt dans le dessein d’instruire un personnage qui n’est pas au fait, tantôt en lui rappelant ce qu’il peut avoir oublié, quelquefois même en lui disant qu’il s’en souvient, comme si c’était une raison de le lui redire. […] Aujourd’hui, les monologues conservent la même mesure des vers que le reste de la tragédie ; et ce style alors est supposé le langage commun : mais Corneille en a pris quelquefois occasion de faire des odes régulières, comme dans Polieucte et dans le Cid, où le personnage devient tout à coup un poète de profession, non seulement par la contrainte particulière qu’il s’impose, mais encore en s’abandonnant aux idées les plus poétiques, et même en affectant des refrains de ballade où il fallait toujours retomber ingénieusement. […] Cette faute de faire dire ce qui arrivera, par un acteur qui parle seul et qu’on introduit sans raison, était très commune sur les théâtres grecs et latins : ils avaient cet usage, parce qu’il est facile.

957. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XIII] »

      Du plus haut des cieux élancée       Sa vaste et sublime pensée Redescend et s’assied sur les bords d’un cercueil : Et là, dans la muette et commune poussière,       D’une voix redoutable et fière,       Des rois il terrasse l’orgueil. […] À l’effronterie des cyniques, ils joignent la noble impudence de débiter tous les paradoxes qui leur tombent dans l’esprit ; ils se targuent de géométrie, et soutiennent que ceux qui n’ont pas étudié cette science ont l’esprit faux ; que par conséquent ils ont seuls le don de bien raisonner : leurs discours les plus communs sont farcis de termes scientifiques. […] « Accoutumez-vous à la disette des talents en tout genre, à l’esprit devenu commun, et au génie devenu rare, à une inondation de livres sur la guerre pour être battus, sur les finances pour n’avoir pas un sou, sur la population pour manquer de recrues et de cultivateurs, et sur tous les arts pour ne réussir dans aucun. » (Ibid.

958. (1913) La Fontaine « VI. Ses petits poèmes  son théâtre. »

Enfin il faut mourir ; car sans ce commun sort. […] Vos greniers sont témoins que chacune de vous Tâche à contribuer au commun bien de tous. […] , il y a tout un La Fontaine, je ne dirai pas burlesque, mais demi-burlesque, et qui savait se servir des procédés burlesques, des procédés burlesques même les plus communs.

959. (1857) Réalisme, numéros 3-6 pp. 33-88

Ces idées rentrent mieux dans la nature d’Hugo ; elles ne lui appartiennent pas, c’est le fonds commun des déclamations, il n’a qu’à développer, à déployer son amour pour les choses étrangement farouches, lugubres, sombres. […] Il pardonne le commun, voire même le bas dans la pensée et les actions, mais non l’arbitraire et l’excentrique. […] Ici, les deux partis se montrent aussi coupables de cette inconséquence, ce qui prouve, une lois de plus, le tort commun aux deux systèmes de n’envisager qu’un côté des choses, et prouve également la richesse foncière de la nature humaine. […] Aie soin d’enlever à leur visage toute expression qui se rattacherait à la vie commune, afin qu’il y ait quelque charme à examiner des formes idéales. […] L’éternelle glorification du style et de l’idéal, mais qui devient ici une affaire de bonne compagnie ; M. de Laborde transportant dans l’appréciation des tableaux son mépris et ses répugnances d’homme du monde envers les petites gens, les gens communs.

960. (1892) Sur Goethe : études critiques de littérature allemande

Remarquons-le d’abord : Goethe, qui a su prêter à chacun de ses personnages une physionomie distincte, leur a donné à tous pour trait commun, pour trait fondamental, la bonté. […] Mais, pour partir d’une cause semblable, la douleur mâle et silencieuse d’Hermann n’aura rien de commun dans ses effets avec la douleur chagrine et perpétuellement plaintive de Werther. […] Il n’y a de commun entre Henri Heine et ses amis qu’un échange de pensées frivoles. […] Il faut voir avec quelle candeur il plaint les esprits communs qui se jettent sur le grossier de son livre et n’en distinguent pas le délicat ; avec quel orgueil il appelle son œuvre une pierre de touche pour les esprits ! […] L’histoire particulière se confond ainsi avec l’histoire générale, et Antoine, par son mariage avec Sabine, rentre dans la vie commune du peuple allemand, dont il fut sorti par son mariage avec Lénore.

961. (1890) Nouvelles questions de critique

Et enfin, ou vous vous pâmerez sur la geste de Guillaume au court nez, ou vous répondrez devant la postérité de la dissociation de la patrie commune. […] Sera-t-il quelque jour possible d’unir sinon dans la même, au moins dans une commune admiration, notre littérature classique et celle du moyen âge ? […] Les choses, pour lui, n’ont rien de commun avec l’action qu’elles exercent sur la sensibilité de l’homme. […] Ses personnages ne sont que le support commun de leurs sensations successives, et, à cet égard, les jeunes gens les trouvent aujourd’hui conformes aux plus récents enseignements de la psycho-physiologie. […] L’histoire naturelle ne fait-elle pas les siennes quand elle constate que, dans une même espèce, il y a des individus moins bien adaptés que leurs congénères aux conditions de leur existence commune ?

962. (1933) De mon temps…

Puis vint la guerre et les longs mois d’angoisses jusqu’au jour où le comte Primoli eut la joie de voir ses deux patries unies dans une commune victoire, mais le temps avait passé sa santé s’était altérée et lui donnait des inquiétudes. […] Ses exploits de canotage étaient demeurés fameux, non moins que ses prouesses sexuelles que la légende avait peut-être exagérées, mais qui, ramenées à la vraisemblance, n’en attestaient pas moins chez ce robuste « gars » une virilité peu commune. […] Nous partîmes tous deux, quelque peu embarrassés de nos captifs auxquels, une fois parvenus dans l’avenue du Bois, nous donnâmes, d’un commun accord, la volée. […] Je le revois tel qu’il m’apparut dans le logis qu’il occupait en commun avec un de ses amis. […] Certes, les fleurs de ces plates-bandes ne sont pas des fleurs rares, mais y a-t-il des fleurs communes ?

963. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Troisième partie de Goethe. — Schiller » pp. 313-392

VI La liaison littéraire avait commencé entre ces deux hommes par la publication en commun d’un recueil littéraire intitulé les Heures. […] « Mille mains actives travaillent et se soutiennent dans un commun accord, et toutes les forces se déploient dans ce mouvement empressé. […] Notre vie commune était belle ; c’était l’époque à laquelle je commençais à avoir la conscience de moi-même. […] La gloire littéraire, ce stimulant du génie, y est démembrée comme le territoire ; chaque capitale y a son foyer, ses talents, mais il n’y existe pas un foyer commun.

964. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIIe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin » pp. 225-319

Le lecteur, indépendamment de ce qu’on lui dit, aime à être pris pour confident par l’ami qui chante ou qui parle : avoir un secret en commun avec cette âme, c’est vivre à deux, c’est une espèce d’amour qui s’enivre de ce qu’on lui dit à l’oreille et de ce qu’il répond confidentiellement lui-même à la confidence connue ou inconnue. […] Dans cette région de la vieille France située entre le midi et l’ouest, derrière le Périgord, près de la Charente, non loin de l’Océan, s’étend un pays d’habitudes, de traditions, de pauvres cultures, de familles incrustées comme le grès dans la terre, nobles par consentement commun, parce que le château n’est que la première masure du village, et que tout le monde y vient, comme chez soi, chercher ce qui lui manque : bonne amitié, vieilles idées, semailles, aliments, soins, outils, conseils, médicaments. […] Les portes, ou les barrières à claire-voie, étaient sans cesse ouvertes, et permettaient nuit et jour aux passants de monter les degrés de pierre pour venir demander le morceau de pain, le coup d’eau à puiser au seau suspendu derrière la porte, et aux paysans du hameau d’Andillac de vivre pour ainsi dire en commun avec les habitants de la maison. […] Quelques grosses chaises et fauteuils de noyer, entre la table de cuisine et la cheminée, se prêtaient aux maîtres de la maison, quand ils venaient s’asseoir en commun avec les gens, soit pour prendre le repas banal dans l’écuelle de lourde faïence, soit pour leur faire la prière, soit pour causer des travaux du jour ou du lendemain.

965. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (2e partie) » pp. 161-239

Dans ces régions désolées et sauvages qui ne sont guère fréquentées que par l’Indien, l’espèce du daim commun était extraordinairement abondante. […] Le bas de la cavité, jusqu’à moitié du nid, était garni de poil de lièvre, et sur le fond, ou nichette, avaient été étendues une demi-douzaine de ces larges plumes duveteuses que notre tétrao commun porte sous le ventre. […] Pour vous mettre mieux à même de comparer ses mœurs avec celles du troglodyte commun d’Europe (les mœurs des oiseaux ayant toujours été, comme vous le savez, le sujet de prédilection de mes études), je vous présente ici les observations que mon savant ami W.  […] « Une après-midi, pendant ma résidence à Springvale, non loin de Hammersmith, je m’amusais à suivre de l’œil les évolutions d’un couple de poules d’eau qui prenaient leurs ébats, au bord de ces grands roseaux si communs dans les environs, lorsque mon attention se porta sur un troglodyte qui, un fétu dans le bec, s’était enfoncé tout à coup au milieu d’une petite haie, précisément au-dessous de la fenêtre où je me tenais en observation.

966. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXIXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (1re partie) » pp. 241-314

Il nous a entretenu de Schiller, de leurs travaux communs, de ce que celui-ci voulait faire, de ce qu’il aurait fait, de ses intentions, de tout ce qui se rattache à son souvenir : il est le plus intéressant et le plus aimable des hommes. […] Il découvrit dans un livre un jeune homme pauvre et souffrant, le seul rival que la nature pouvait lui opposer, Schiller ; il l’appela à Iéna, puis à Weimar, tourna sur lui l’amitié du grand-duc, travailla en commun avec lui, en fit son frère, et lui prêta la moitié de son génie. […] — C’est aussi comme toi, Ottilie, un ami du théâtre », ajouta-t-il, et nous nous félicitâmes mutuellement de notre penchant commun. […] On se rattache alors à la seconde génération, avec laquelle on vit assez longtemps et avec laquelle on lie des rapports intimes : mais elle part aussi, et nous laisse solitaire avec une troisième génération qui arrive presque au moment de notre propre départ et avec laquelle nous n’avons rien du tout de commun.

967. (1890) L’avenir de la science « XVII » p. 357

Mais on ne peut lui faire un crime de s’élever au-dessus de la dépression commune et de s’écrier avec saint Paul : « Cupio omnesfieri qualis et ego sum. » Ne dites donc plus : « L’infériorité de la philosophie est d’être accessible à un petit nombre », car c’est au contraire son titre de gloire. […] Mais ils posséderaient l’infini, la vérité absolue, qu’ils devraient souffrir de les posséder seuls et regretter les rêves vulgaires qu’ils savouraient au moins en commun avec tous. […] Il ne suffit pas, pour le progrès de l’esprit humain, que quelques penseurs isolés arrivent à des points de vue fort avancés et que quelques têtes s’élèvent comme des folles avoines au-dessus du niveau commun. […] Outre le fond individuel, que chacun fait valoir, il y a le cens du capital, qui, s’accumulant toujours, forme le fonds commun de l’espèce, etc. » (Voir l’admirable fragment intitulé : Ueber den Charakter der Menschheit).

968. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1872 » pp. 3-70

Le voici, aussitôt, qui se met à parler de la parenté de ces images avec Giotto, avec les primitifs, à parler d’une perspective commune à ces deux arts — obtenus chez les Italiens, par des moyens plus timides, moins choquants — d’une perspective qui met en vue le centre de la composition, et permet de la peupler avec un monde, au lieu d’y placer deux ou trois têtes mangeant tout. […] Elle était charmante, toute blanche, avec un trait dans l’œil, ce qui est assez commun chez nous. […] Mercredi 15 mai Aujourd’hui a lieu le mariage d’Estelle, la fille de Théophile Gautier, à l’église de Neuilly, encore toute trouée des éclats d’obus de la Commune. […] Mais pour faire ces romans tout unis, ces romans de science humaine, sans plus de gros drame, qu’il n’y en a dans la vie, il ne faut pas en pondre un, tous les ans… Savez-vous qu’il faut des années, des années de vie commune avec les gens qu’on veut peindre, pour que rien ne soit imaginé, qui ne corresponde à leur originalité propre… Oui, des romans comme cela, un romancier ne peut en fabriquer qu’une douzaine, dans sa longue vie, tandis qu’un de ces romans, qu’on fait avec le récit d’une aventure, amplifiée augmentée, chargée, dramatisée, on peut l’écrire en trois mois, ainsi que le fait Feuillet et beaucoup d’autres.

969. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Le Comte Léon Tolstoï »

La réalisation de ces deux conditions abstraites de nombre et d’ordonnance des données sur les personnages, la qualité commune de réalisme perçu et convaincant de leur individualité, définit tout l’art de la caractérisation chez Tolstoï. […] Comme Tolstoï sait montrer le charme vrai de la vie de famille, il décrit encore et fait aimer le libre attachement des hommes entre eux, la camaraderie, l’amitié, la fraternité, l’affection et l’aide mutuelle des paysans d’une même commune, les beaux attachements des soldats d’une même troupe, l’en-masse des foules, ou plus individuellement la liaison de Wronsky avec ce grand officier lent de la garde Javshine, ou de Nicolas Rostow avec Denissow ; la vérité sans embellissement du récit est la même et provoque de cordiales adhésions. […] Plus profondément encore et plus généralement, ses personnages sont animés et animent de bonté, de toutes tes passions bienfaisantes de pitié, d’union, de pardon, de concorde, de serviabilité, qui rendent possible et précieuse la vie en commun ; ils sont pénétrés et pénètrent de ce profond sérieux moral, de cette attitude attentive et virile devant les grands problèmes de la vie, de la constante méditation de son terme et de son but qui porte à relier les actions humaines à des principes, à un système de vérités universellement catégoriques. […] Il a réprouvé et rejeté de son œuvre ceux dont la propriété commune est d’être malfaisants, de causer de la souffrance, de contrevenir aux préceptes de la morale chrétienne, et il a étudié avec trop de sympathie et d’insistance ceux où se marquent les caractères contraires.

970. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIe entretien » pp. 5-85

III D’un autre côté, cette jeunesse éternelle de l’esprit humain, renouvelée de génération en génération et de race en race, l’empêche de tomber dans ce découragement de lui-même et dans ce dénigrement de son temps, qui est une erreur aussi commune mais moins noble que le rêve du progrès continu, illimité et indéfini sur la terre. […] Terre que consacra l’empire et l’infortune, Source des nations, reine, mère commune, Tu n’es pas seulement chère aux nobles enfants Que ta verte vieillesse a portés dans ses flancs : De tes ennemis même enviée et chérie, De tout ce qui naît grand ton ombre est la patrie ! […] Mais cette unité fédérale de l’Italie ne se renouera jamais que sous la pression d’un grand danger commun à toutes les nationalités morcelées dont la Péninsule se compose. […] Sans doute il y eût eu des oscillations, des tâtonnements, des anomalies, des inexpériences, des froissements, des rivalités, des excès d’impulsion, des excès de résistance ; mais la médiation présente et armée de la France aurait été une dictature de salut commun, acceptée par la nécessité jusqu’à l’heure où cet amphictyonage des alliés aurait fait place à l’amphictyonage des Italiens constitués et armés dans leurs propres villes.

971. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — I » pp. 236-253

Il a le malheur, pour un chrétien et pour un homme né depuis l’Évangile, de croire à des étages différents d’esprits, à des séparations presque absolues entre le vulgaire ou le commun des hommes pour lequel il n’a que du mépris et du dédain, les esprits moyens et médiocres qui flottent un peu au-dessus sans pouvoir assez s’en détacher, et les sages qui jouissent de la douceur suprême dans un inviolable et inaccessible retranchement. […] L’auteur a possédé sa matière et l’a tirée de son propre fonds (c’est le contraire), y mettant beaucoup de réflexions particulières ; donnant un tour singulier à celles qui sont communes, s’énonçant d’une manière propre à faire penser plus qu’il ne dit, et réveillant l’attention par la vivacité de ses expressions, quelque usées qu’elles commencent d’être… » Mais ce ne sont pas seulement les pensées, ce sont le plus souvent les expressions mêmes de Charron qui sont prises de Montaigne.

972. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — II » pp. 369-387

Cette querelle nous est commune ; l’issue de cette journée nous laissera plus d’envieux que de malfaisants : nous en partagerons l’honneur en commun.

973. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Sénecé ou un poète agréable. » pp. 280-297

Quoi qu’il en soit, ce poète de Toulouse, qui végéta toute sa vie dans les fonctions de président au présidial d’Aurillac, est un digne représentant des poètes disgraciés par la fortune, et dont le mérite n’a pu triompher d’une mauvaise étoile ; il a droit de se citer lui-même en exemple au malheureux Acanthe, et, pour mieux le consoler encore, il lui retrace les malheurs de leur père commun et de leur maître, Apollon. […] Chose singulière, ou plutôt chose ordinaire et assez commune aux vieillards, il prétendait n’y rien reconnaître de ce qu’il avait vu, à tel point que les mémoires de Retz (1717), en raison de deux ou trois erreurs de fait qu’il y relevait, lui semblaient un roman fabriqué par quelque homme de lettres de Hollande.

974. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — II » pp. 414-431

La guerre voyage en grande dame : elle a commencé en Amérique, à présent elle est arrivée dans l’océan et dans la Manche ; elle n’a pas débarqué encore, et si elle prend terre le printemps qui vient, elle pourrait peut-être, pour plus grande commodité, cheminer en litière, de sorte qu’on la verra venir de loin ; et, après tout, on est exposé à tant de hasards dans le cours commun de la vie, que la guerre n’y ajoute qu’un petit degré de plus. […] Quoique tout semble perdu, il nous reste des choses qu’on ne pourra nous enlever : c’est la fermeté et les sentiments du cœur. » Cependant, Frédéric discutait librement avec elle de ses résolutions tragiques, de leur commune et unanime destinée ; il sentait la force des raisons qu’on lui opposait, et il les admettait en partie : Si je ne suivais que mon inclination, je me serais dépêché d’abord après la malheureuse bataille que j’ai perdue ; mais j’ai senti que ce serait faiblesse, et que c’était mon devoir de réparer le mal qui était arrivé.

975. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mémoires de Mme Elliot sur la Révolution française, traduits de l’anglais par M. le comte de Baillon » pp. 190-206

Dès les premiers instants, en raison du malheur commun, on devient les meilleurs amis du monde. « C’était un très gai jeune homme, avec un air très militaire, très beau et très galant. » Il venait beaucoup, dès qu’on le lui permit, du côté des dames, et il y en avait de très grandes de l’ancienne noblesse, qui toutes paraissaient le connaître. […] À peine sorti de prison, il m’envoya une livre de thé vert, le meilleur que j’aie jamais pris, et une petite provision de sucre. » Mais le souvenir du 21 janvier s’interposait toujours, et elle ne put s’empêcher d’être ingrate. — Le régime de la prison en vue d’une mort commune et prochaine est la plus grande leçon d’égalité.

976. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres publiées par M. de Falloux. »

Elle en fait quelque chose d’essentiellement à part et qui ne ressemble pas à ce que le commun des gens entend sous ce nom : car se résigner, après tout, n’est pas si rare ni si difficile, et il n’y a pas tant de mystère ; tous les hommes y viennent plus ou moins quand la nécessité est là ; mais Mme Swetchine se méfie de ce qui est trop simple et trop commun : « Ce qui me gâte un peu la résignation, avait-elle dit, c’est de la voir si conforme aux lois du bon sens : j’aimerais encore un peu plus de surnaturel dans l’exercice de ma plus chère vertu. » En conséquence elle s’est appliquée à y introduire le plus de surnaturel possible, et elle y a réussi.

977. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poëme des champs par M. Calemard de Lafayette. »

Voici pourtant (car nous autres, du commun des hommes, et qui ne sommes point à cette sublime hauteur de stoïcien et de panthéiste, nous avons besoin de tableaux plus doux), voici une pièce qui a son charme : elle a pour titre le Bernica. […] Il a intitulé son recueil la Flûte de Pan 37, parce que les pièces diverses qui le composent sont liées ensemble, bien qu’inégales de ton et de sujet, et que le lien commun est « la croyance à la vie dans les choses », c’est-à-dire au grand Pan.

978. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français »

Les deux formes, la glorieuse et la triviale, ont pourtant cela de commun aujourd’hui d’être également mortes ; l’une l’est d’hier ou d’avant hier, l’autre l’est d’il y a trois siècles : peu importe, elles n’en sont pas moins expirées comme genre actuel et vivant. […] Cependant les idiomes modernes, tels quels, étaient nés, ils étaient sortis de leurs langes et faisaient de toutes parts leurs vives et gaies enfances, leurs premières jeunesses ; le commun des gens, le peuple, avait besoin de drames à lui, avait faim de spectacles également dévotieux et émouvants, qu’il entendît, dans lesquels il intervînt et eût sa large part.

979. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français, et de la question des anciens et des modernes, (suite et fin.) »

d’un commun, d’un prosaïsme mélangé de suranné et de vulgaire ! […] L’audace et la curiosité vagabonde qui pousse l’oiseau hors du nid entraîne les peuples adolescents loin du berceau commun.

980. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Fontaine »

Mais cette légère inconséquence, qui lui est commune avec d’autres grands esprits naïfs de son temps, n’a pas lieu d’étonner chez lui, et elle confirme bien plus qu’elle ne contrarie notre opinion sur la nature facile et accommodante de son génie. […] Par exemple, on a retrouvé, tout entière de sa main, une première ébauche de la fable intitulée le Renard, les Mouches et le Hérisson ; et, en la comparant à celle qu’il a fait imprimer, on voit que les deux versions n’ont de commun que deux vers.

981. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Mathurin Regnier et André Chénier »

Ce n’est pas d’ailleurs en différences et en contrastes que se passera toute cette comparaison : Regnier et Chénier ont cela de commun qu’ils sont un peu en dehors de leurs époques chronologiques, le premier plus en arrière, le second plus en avant, et qu’ils échappent par indépendance aux règles artificielles qu’on subit autour d’eux. […] Ses aveux là-dessus ne laissent rien à désirer : Or moy qui suis tout flame et de nuict et de jour, Qui n’haleine que feu, ne respire qu’amour, Je me laisse emporter à mes flames communes, Et cours souz divers vents de diverses fortunes.

982. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre quatrième »

une société quelconque d’hommes, réunis par le lien le plus grossier, ne peut pas être un seul jour sans avoir des idées générales, et sans que chacun reconnaisse confusément l’humanité dans ce qu’il voit en lui de commun avec tous. […] Tel est le caractère commun des chroniqueurs, à quelques lumières près qui ont apparu aux mieux doués.

983. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Mme de Genlis. (Collection Didier.) » pp. 19-37

L’élégance commune de la forme n’y dérobe plus l’insipidité du fond, et quelques observations fines y surnagent à peine dans des flots de paroles. […] La première page est heureuse ; elle débute par un mouvement vif, mais qui ne se soutient pas et qui tourne vite au commun, au faux sensible et au faux élégant.

984. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire de la Restauration, par M. de Lamartine. (Les deux premiers volumes. — Pagnerre.) » pp. 389-408

D’ailleurs, la nature supérieure et d’elle-même généreuse de M. de Lamartine se fait jour dans l’impartialité de quelques appréciations : il rend à Marmont, duc de Raguse, la justice qui lui est due pour sa défense de Paris, et il le lave du reproche de trahison en déterminant la part d’erreur et de faiblesse, commune alors à bien d’autres moins accusés. […] Mais, quoi que j’aie pu dire à M. de Lamartine ce jour-là, et quand même, à l’exemple de tant d’autre il m’aurait échappé en parlant quelque sottise, qu’a de commun, je vous prie, un pareil propos avec un article de critique aussi motivé que celui qu’on vient de lire, et dans lequel il se trouve d’ailleurs, ce me semble, d’assez beaux restes d’admiration ?

985. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre III : La littérature du xviiie et du xixe  siècle »

Elle ne lui dit pas ce qu’il aurait à faire de sa personne pour que ces vœux fussent accomplis et pour mériter sa part dans le bien commun. […] Il faut lui faire une place à part, et ne pas le comparer à d’autres avec lesquels il n’a pas de commune mesure.

986. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre V. Seconde partie. Des mœurs et des opinions » pp. 114-142

Les trois races de nos rois ont une origine commune, qui est le berceau même du christianisme dans les Gaules. Ainsi nos rois nous ont donné notre religion, ou notre religion nous a donné nos rois ; ainsi la religion, la patrie, le roi, se confondent pour nous dans un sentiment commun ; ainsi le dogme de la légitimité n’est point pour nous une chose vague et obscure, il sort de toutes nos traditions, de tous nos sentiments nationaux, de toutes nos affections de famille ; il a crû, il s’est élevé sur le sol même de la patrie ; son ombrage s’est étendu de siècle en siècle sur les générations qui nous ont précédés, sur les tombeaux de tous nos ancêtres.

987. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIII : De la méthode »

Pour savoir ce qu’est une fonction, vous prendrez la digestion, qui en est une, puis la circulation, la respiration, la locomotion, qui en sont d’autres, et vous regarderez quelle circonstance commune fait jaillir dans tous ces cas distincts le mot fonction, Pour savoir ce qu’est une nature, vous prendrez un animal, une plante, un minéral dont vous noterez les propriétés, et vous verrez que le mot nature apparaît au moment précis où vous avez fait la somme des faits importants et distinctifs. […] Et pour cela, nous avons pris un moyen simple : nous avons ramené les noms compliqués et généraux aux cas particuliers et singuliers qui les suscitent ; en réunissant plusieurs exemples, nous avons démêlé et détaché la circonstance commune qu’ils désignent ; nous les avons réduits à exprimer cette circonstance.

988. (1858) Du roman et du théâtre contemporains et de leur influence sur les mœurs (2e éd.)

Ils voudraient bien persuader au public que leur cause est commune avec celle de ces immortels génies, et ils accusent volontiers de manquer de respect à leur mémoire ceux qui se permettent de critiquer les écrits de leurs indignes successeurs. […] Alors, au lieu de peindre les mœurs, la littérature aspire à les réformer ; au lieu d’exprimer les idées communes, elle s’efforce d’en répandre de nouvelles. […] Son scepticisme est plutôt absence de foi et de croyances propres, qu’hostilité aux croyances et à la foi communes. […] Tant que l’individu trouvera son avantage à accepter les conditions d’existence commune que lui fait la société, il s’en tiendra vis-à-vis d’elle à l’exécution du contrat. […] Mais quelques-uns se sont emparés du commun héritage par l’astuce, par la force…, et c’est de cela que Dieu s’afflige.

989. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome II

Dumas du côté du mysticisme, et ces raisons lui sont-elles communes avec beaucoup de ses contemporains ? […] Il est bailleurs des sortes bien différentes d’âmes poétiques, entre lesquelles c’est une difficulté grande que de discerner les traits communs. […] Les comparses qui s’agitent autour de lui sont également choisis parmi la masse commune de la profession. […] C’est l’histoire commune de toutes les théories d’art, fussent-elles d’ailleurs excellentes, quand elles aboutissent au dernier excès de leur principe. […] L’observateur n’échappe point à la loi commune.

990. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires du marquis d’Argenson, ministre sous Louis XV »

Les différents articles qui les composent, et dont l’analyse ne saurait embrasser la variété, n’ont entre eux de commun que le mérite littéraire, le seul que je puisse apprécier d’une vue générale : apprécier le mérite littéraire d’un livre, quel qu’il soit, c’est d’ordinaire donner l’exacte mesure de sa valeur réelle.

991. (1874) Premiers lundis. Tome I « Anacréon : Odes, traduites en vers française avec le texte en regard, par H. Veisser-Descombres »

Mais, en y regardant de plus près, on reconnut que le travail de M. de Saint-Victor, pour être supérieur à celui de ses devanciers, ne rendait guère mieux son modèle, et que le plus souvent la pensée grecque, si pure et si simple, disparaissait sous un amas d’épithètes oiseuses et d’élégances communes.

992. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la distribution des prix du lycée d’orléans. » pp. 223-229

L’Île-de-France peut dire : « J’ai Paris » ; la Lorraine : « Je suis la frontière » ; la Flandre : « J’ai lutté pour la liberté des communes et j’ai vu quelques-unes des plus belles batailles de la Révolution » ; l’Auvergne : « J’ai Vercingétorix » ; la Normandie : « J’ai conquis l’Angleterre, qui, par malheur, a bien rendu ce mauvais procédé à la France » ; la Bretagne : « Je suis celtique, et les Celtes sont les aînés des Francs » ; la Provence : « Je suis romaine, et Rome fut l’éducatrice des Gaules » ; et ainsi de suite. — Mais l’Orléanais, c’est la France la plus ancienne, vera et mera Gallia ; son histoire ne fait qu’une avec celle de la royauté, et le sort de votre ville a été, à maintes reprises, celui de la France même.

993. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XIX. Réflexions morales sur la maladie du journal » pp. 232-240

VII Les magasins se notifient par des enseignes démesurées semblablement, des journaux arborèrent les raccrocheuses manchettes : elles n’ont rien de commun avec celles de Buffon.

994. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXIV » pp. 251-258

Ce qui distingue le langage des femmes du grand monde et de la cour, du langage commun, c’est moins l’usage de certains tours, de certaines formes et de certaines expressions réputées nobles et élégantes, que l’ignorance parfaite des paroles et des locutions grossières, qui ont pris naissance dans le peuple.

995. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 169-178

N’y remarque-t-on pas une confusion d’idées indigestes, communes, extravagantes, & par-dessus tout, un style froid, dur, rebutant ?

996. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Dédicace, préface et poème liminaire de « La Légende des siècles » (1859) — Préface (1859) »

Il appartient à la vie isolée, par la racine, et à la vie en commun, par la sève.

997. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre VI. Des dictionnaires Historiques » pp. 220-228

C’est une compilation indigeste qui offre des recherches peu communes sur des objets ignorés par le plus grand nombre des lecteurs.

998. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Examen du clair-obscur » pp. 34-38

Celui d’un voyageur ordinaire l’est aussi, mais d’un possible si commun que l’emploi n’en a rien que de naturel.

999. (1761) Salon de 1761 « Peinture — M. Pierre » pp. 122-126

et qu’il rend votre composition froide et commune.

1000. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre V. Première partie. Les idées anciennes devenues inintelligibles » pp. 106-113

L’orateur enfin ne peut être animé, ne peut être entraîné hors de lui-même, et ramener ainsi son auditoire à un centre commun, que par la conscience de l’impression qu’il produit, de l’ascendant qu’il exerce.

1001. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Émile Augier »

Un marquis tarte à la crème, deux caillettes, dont l’une n’est que la Bélise de Molière servilement copiée, et un type d’Henri Monnier, à présent commun comme la borne, voilà les épouvantables éléments dont se compose le cléricalisme qui fait trembler, et auquel Augier, cette tête de linotte dramatique, oppose, pour l’aplatir, Giboyer le vénal, monsieur son bâtard et la demoiselle Fernande, née de l’adultère… La critique, cette courtisane de tous les publics dont elle devrait être l’institutrice, a battu des mains comme un simple Gringalet du lustre, et fait ensuite, sur le tremplin du lieu commun, sa pirouette mélancolique en l’honneur des partis vaincus.

1002. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Renan — II »

Si mêlé qu’il fût à la vie parisienne, cet illustre maître n’avait plus grand’chose de commun avec les préoccupations morales actuelles.

1003. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre I. Définition des idées égalitaires »

L’idée de la valeur commune aux hommes n’écarte nullement, mais appelle, au contraire, l’idée de la valeur propre à l’individu.

1004. (1911) Nos directions

La question est celle-ci : Ont-ils un souci d’art commun ? […] La troupe en était diverse, bizarre, composée d’éléments contradictoires, mais mue par le désir commun de rénover la poésie. […] Pourquoi ces deux principes communs à tous les arts, unité de conception et respect de la matière, ne s’appliqueraient-ils pas au théâtre ? […] A la musique, aux décors, aux ensembles, on découvrit du moins une qualité commune, l’effacement. […] Est-ce à dire que ces œuvres ne possèdent nul lien commun ?

1005. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre III. L’Âge moderne (1801-1875) » pp. 388-524

C’est pourquoi, dans les premières années de la Restauration, entre 1815 et 1825, il s’établit une façon commune de penser et surtout de sentir ; les bornes de l’ancien horizon se déplacent ou plutôt s’évanouissent ; et le cosmopolitisme littéraire est né. […] Mais ce n’étaient toutefois que d’heureux « accidents » ; des rencontres, qui ne contenaient pas en soi, pour ainsi dire, de quoi se reproduire ou se renouveler ; et personne, avant lui, n’avait compris comme lui que le vrai rôle ou la vraie fonction littéraire du roman est d’être la représentation abrégée de la vie commune. […] C’est ce qui nous rend facile aujourd’hui d’en reconnaître les vrais caractères ; et, par exemple, de voir clairement que, ce que des œuvres aussi différentes en apparence que les Poèmes antiques, 1852, Le Demi-Monde, 1855, et Madame Bovary, 1857, ont pourtant de commun, c’est d’être en premier lieu ce que nous appelons des œuvres « impersonnelles ». […] « L’art, écrivait Flaubert, est une représentation, nous ne devons penser qu’à représenter », et, dans un autre endroit de sa Correspondance : « L’art ne doit rien avoir de commun avec l’artiste ». […] Nous avons depuis quatre cents ans, dans notre littérature et dans notre langue même, les moyens de travailler ensemble à la grandeur du nom français et au bien commun de l’humanité.

1006. (1892) La vie littéraire. Quatrième série pp. -362

Ces pastiches furent de tous temps assez communs. […] La pensée de ces cénobites qui vivent en commun pour mieux goûter la solitude est singulière comme leur vie. […] Antoine eut sa part de l’atroce férocité commune aux Romains de ces temps scélérats. […] Mais c’est un inconvénient commun à tous les changements. […] Prendre à un poète ses sujets, c’est seulement tirer à soi une matière vile et commune à tous.

1007. (1889) La bataille littéraire. Première série (1875-1878) pp. -312

Je demande que la commune juge. […] La commune veut juger. […] La commune veut vous juger, elle est sur vos talons. […] Les Prisons de la Commune. — 1877. […] — Rigault cria : — Vive la Commune ! 

1008. (1894) Études littéraires : seizième siècle

C’est cette commune haine qui a fini par les concilier. […] Ils ont abouti, après bien des luttes contre l’ennemi commun et entre eux, à réinstaller le philosophisme de la Renaissance, c’est-à-dire le philosophisme antique. […] Il n’y a donc pas là le moindre problème, mais bien un cas qui était, au temps de Marot, un cas très commun et à bien peu près universel. […] Plus aucune commune mesure. […] Entre le parfait et ce qui ne l’est pas il n’y a pas de degré, parce qu’il n’y a pas de commune mesure.

1009. (1902) Le problème du style. Questions d’art, de littérature et de grammaire

Cela est moins plaisant pour le commun des hommes, qui vit de vérités, exactement comme d’herbe le bœuf. […] On n’apprend pas à écrire, c’est-à-dire à acquérir un style personnel ; sans quoi rien ne serait plus commun, et rien n’est plus rare. […] Le point de départ est commun à tous ; les arrivées sont particulières. […] Les esprits communs les chargent de fardeaux immédiatement dissemblables : vie-mort, blan-noir, vertu-vice. […] Mais la commune mesure étant le nombre réel, il faut qu’à des intervalles presque réguliers un vers plein surgisse, qui rassure l’oreille et guide le rythme.

1010. (1924) Intérieurs : Baudelaire, Fromentin, Amiel

En outre, ces trois écrivains, ces trois contemporains, peuvent, d’un certain biais, être réunis dans une nature commune. […] Leurs façons de comprendre et de vouloir leur furent communes avec toute une génération qui se développe aujourd’hui assez clairement devant le regard de l’histoire et de la critique, et dont ces deux noms aident à comprendre les mérites et les limites. […] On devra rechercher dans la nature orientale le genre commun, la réalité ordinaire, le type que l’on reconnaît oriental sans être jamais allé en Orient. […] Chacun porte d’ailleurs dans le genre commun de cette école sa différence spécifique. […] Il l’a portée dans son idée des rapports entre les deux arts qu’il menait de front, s’essayant sans y parvenir à délimiter leur frontière commune.

1011. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — P.-S. » pp. 38-40

Voici leur commune division : La crainte de la méprise dans la vocation et la nécessité d’y consulter Dieu et ses ministres pour l’éviter, premier point : et le second fut le danger de la méprise, laquelle est si ordinaire.

1012. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Andrieux »

Andrieux, qui n’eut jamais rien de commun avec l’Allemagne que d’être né dans la capitale alsacienne, et qui faisait fi de tout ce qui était germanique, avait moins de répugnance pour la littérature anglaise, et il la posséda, comme avait fait Suard, par le côté d’Addison, de Pope, de Goldsmith, et des moralistes ou poëtes du siècle de la reine Anne.

1013. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre I »

Émotion au début de l’œuvre, émotion dans l’œuvre, c’est la règle commune même à ceux pour qui reste morte la « notion rédemptrice de l’art », chère à l’école allemande.

1014. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre V. Du jeu, de l’avarice, de l’ivresse, etc. »

Il est, et je tâcherai de le prouver dans la troisième partie de cet ouvrage, il est des distractions utiles et constantes pour l’homme qui sait se dominer ; mais la foule des êtres passionnés, qui veulent échapper à leur ennemi commun, la sensation douloureuse de la vie, se précipitent dans une ivresse qui, confondant les objets, fait disparaître la réalité de tout.

1015. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre IX. Précision, brièveté, netteté »

Cependant ce n’est pas là le défaut le plus commun dans les écoles et dans les lycées : les élèves, en général, y développent leur esprit en sens contraire de la nature ; ils y prennent des défauts qui ne sont pas de leur âge.

1016. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Jean Lahor (Henri Cazalis). »

C’est qu’il se rencontre avec le darwinisme dans ce principe commun que la force, quelle qu’elle soit, par où l’univers se développe, lui est intérieure et immanente.

1017. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « La Solidarité »

Les liens nécessaires ou consentis qui vous unissent à vos camarades et à vos maîtres, vous ne les connaissez guère que par leur douceur, vous ne luttez que pour des palmes innocentes, vous n’avez pas à gagner votre pain les uns contre les autres ; vous avez, tout naturellement, des idées, des intérêts, des plaisirs communs.

1018. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Fort, Paul (1872-1960) »

Dirai-je, en outre, qu’il a des points communs avec Jules Laforgue pour la conception ?

1019. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les Zutistes » pp. 19-27

Avec eux, s’isolait du commun des récitants, un poète tôt disparu, Charles Vignier, esprit subtil, dont il reste, sous ce titre un peu dédaigneux, Centon, un volume de vers blonds et vaporeux.

1020. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Malherbe, avec différens auteurs. » pp. 148-156

Elle alloit avoir des suites fâcheuses, lorsqu’un ami commun arrive, & les appaise tous deux.

1021. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — L’abbé Boileau, et Jean-Baptiste Thiers. » pp. 297-306

Mais ces flagellans modernes n’ont rien de commun avec les anciens, si ce n’est les flagellations.

1022. (1887) La Terre. À Émile Zola (manifeste du Figaro)

Non seulement l’observation est superficielle, les trucs démodés, la narration commune et dépourvue de caractéristiques, mais la note ordurière est exacerbée encore, descendue à des saletés si basses que, par instants, on se croirait devant un recueil de scatologie : le Maître est descendu au fond de l’immondice.

1023. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre viii »

Chapitre viii Catholiques, protestants, socialistes, tous en défendant la France, défendent leur foi particulière Un trait commun à ces diverses familles d’esprit durant cette guerre, c’est qu’elles sentent toutes que le meilleur, le plus haut d’elles-mêmes, leur part divine est engagée dans le drame, et périrait avec la France.‌

1024. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre VI. Autres preuves tirées de la manière dont chaque forme de la société se combine avec la précédente. — Réfutation de Bodin » pp. 334-341

. — Réfutation de Bodin § I Nous avons montré dans ce Livre jusqu’à l’évidence que dans toute leur vie politique les nations passent par trois sortes d’états civils (aristocratie, démocratie, monarchie), dont l’origine commune est le gouvernement divin.

1025. (1922) Gustave Flaubert

» écrit-il à sa sœur. « C’est un homme comme un autre, d’une figure assez laide et d’un extérieur assez commun. […] Comme la Muse est de gauche (elle se compromettra dans la Commune) ils ont, dès cette rencontre, des dissentiments politiques. […] En 1871, Flaubert se gausse d’apprendre qu’elle est restée cachée trois jours, après la Commune, dans la cave de Sainte-Beuve. […] Car l’Histoire de la Commune de Du Camp vient de faire condamner un homme aux galères ; c’est une histoire horrible. […] Imaginez au contraire que dans chaque commune il y ait un bourgeois, un seul, ayant lu Bastiat, et que ce bourgeois-là soit respecté.

1026. (1881) Le roman expérimental

C’est l’idéal qui est la commune mesure, un dogme de la vertu, et c’est pourquoi beaucoup de gens sont vertueux comme ils sont catholiques, sans pratiquer. […] Est-ce que, depuis six mille ans, chaque peuple n’a pas interprété et nommé à sa façon les choses venues de la souche commune ? […] Il semble d’abord que tout le monde a deux yeux pour voir et que rien ne doit être plus commun que le sens du réel. […] Le don de voir est moins commun encore que le don de créer. […] Ce qui nous groupe, c’est une méthode commune d’observation et d’expérience.

1027. (1894) Dégénérescence. Fin de siècle, le mysticisme. L’égotisme, le réalisme, le vingtième siècle

Et cependant, tous ces cas « fin de siècle » ont un trait commun : le dédain des convenances et de la morale traditionnelles. […] Le caractère commun de tous ces êtres, c’est de ne pas donner leur véritable nature, mais de vouloir représenter quelque chose qu’ils ne sont pas. […] La possession commune d’une qualité implique une ressemblance qui est d’autant plus grande, que plus nombreuses sont les qualités communes. […] Ils exposèrent à Londres, au printemps de 1849, une série de tableaux et de statues qui portaient tous, outre la signature de l’auteur, l’inscription commune P.  […] A la table de la science il y a place pour tous, et chacun de ceux qui s’associent aux observations communes est le bienvenu.

1028. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

Abailard a tant de génie, il est si supérieur aux autres hommes, que la femme qu’il élève jusqu’à lui par son amour échappe aux lois communes, s’illustre de sa chute et grandit en tombant ! […] Il sut la faire sortir de cette ombre mystérieuse où la retenaient quelques initiés, pour l’exposer au grand jour, lui apprendre à parler la langue commune, et à faire servir ses découvertes au progrès de la vie publique. […] Jusque-là, Louis XVII, même au milieu des sanglants épisodes qui l’environnent et l’enlacent, conserve encore quelques traits qui lui sont communs avec les autres fils de rois. […] Dès le 20 août, la Commune de Paris décide que madame de Lamballe, madame et mademoiselle de Tourzel, Chamilly et les femmes de chambre, ne rentreront pas au Temple. […] Deux mois s’écoulent ; la chute des Girondins signale la victoire définitive des Conventionnels Montagnards, coalisés avec la Commune de Paris.

1029. (1913) Poètes et critiques

Quelle que soit la distance qui les en sépare, c’est toujours à l’église de leur commune qu’ils veulent fêter les dimanches et les grandes fêtes. Ils aiment mieux faire cinq lieues dans la neige que de se rendre en vingt minutes à l’église d’une commune voisine, mais étrangère. […] On comprend que cette nature à part doive créer une âme peu commune. […] Seule, l’avant-dernière année, (1898), avait été marquée par une publication que j’ai déjà citée, mais que je me reprocherais de ne pas définir, au moins en quelques mots, pour en marquer le caractère peu commun. […] Il y a bien longtemps qu’un lettré d’une qualité peu commune, M. 

1030. (1865) La crise philosophique. MM. Taine, Renan, Littré, Vacherot

Tous ces faits étant décrits et rassemblés, il faut le dire, avec une vigueur de pinceau peu commune, et systématisés avec une extrême habileté, le talent d’un écrivain en est la résultante. […] Ces deux idées vont se perdre l’une et l’autre dans l’idée commune d’un absolu phénoménisme. […] Elle les écarte comme des importunités, et recherche avec une curiosité maladive par quels liens elle touche à la matière, comment les maladies du cerveau sont les maladies de la pensée, ce qu’elle a de commun avec l’animalité, comment dans la nature les degrés supérieurs naissent des inférieurs. […] Telles sont les deux philosophies opposées (malgré certains traits communs) que représentent aujourd’hui parmi nous deux esprits éminents, recommandables entre tous par la science, par la sincérité, par le sérieux, par l’absence de tout charlatanisme, M.  […] Ce qu’il faut expliquer, c’est comment tant de causes diverses s’entendent pour arriver à produire cette action commune ; c’est cette coïncidence de tant d’éléments divergents dans un effet unique.

1031. (1868) Curiosités esthétiques « II. Salon de 1846 » pp. 77-198

Il y a des tons gais et folâtres, folâtres et tristes, riches et gais, riches et tristes, de communs et d’originaux. […] Et toutes ces corporations réunies devant un Horace Vernet par l’amour commun de la gloire ! […] Ainsi les douteurs varient à l’infini, et je suis obligé de mettre en paquet plusieurs individus qui n’ont de commun que l’absence d’une individualité bien constituée. […] Glaize compromet ses débuts par des œuvres d’un style commun et d’une composition embrouillée. […] Il y avait des élèves unis par des principes communs, obéissant à la règle d’un chef puissant, et l’aidant dans tous ses travaux.

1032. (1926) La poésie pure. Éclaircissements pp. 9-166

En sa qualité d’animal raisonnable, le poète observe d’ordinaire les règles communes de la raison, comme celles de la grammaire ; non en sa qualité de poète. […] l’intellect volontiers exigerait du langage commun des perfections et des puretés qui ne sont pas en sa puissance… je rejetais non seulement les lettres mais encore la philosophie presque tout entière parmi les choses vagues et les choses impures auxquelles je me refusais de tout mon cœur…j’étais fort de mon désir infini de netteté. c’est ici la tentation à son paroxysme ; le « grand refus » du don poétique sur le point d’être consommé ; l’« intellect » narguant la fine pointe de l’âme ; la prose elle-même bafouée comme encore trop semblable à la poésie. […] Bergson développer dans une leçon que, contrairement à une théorie très commune, ce n’est pas par images que l’on pense profondément. […] l’art, écrit-il, est un phénomène « collectif », l’établissement d’états de conscience communs chez un certain nombre d’« individus » qui se « ressemblent » ou se « succèdent » autour d’une œuvre. les arts dynamiques sont caractérisés parce que l’élément « temps » intervient dans le plan…etc : je suis bien au regret d’avoir dû tailler et couper à travers la magnifique dissertation de M.  […] Non, non, c’est André Chénier qui a raison : tout s’allie et se forme et tout va naître ensemble. sans quoi l’action poétique et l’action mystique n’auraient rien de commun, — ce qui serait contraire à la conclusion même de ce pénétrant philosophe.

1033. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIe entretien. L’homme de lettres »

Je ne vous rappellerai point ce qu’on vous a dit personnellement d’injurieux à cette occasion ; je ne désire ici que de rapprocher tous les esprits de leur intérêt commun ; mais, en qualité de rapporteur de votre commission, de membre de votre section de morale, et de citoyen, je suis obligé de vous dire que dans un rapport public sur les institutions qui peuvent fonder la morale d’un peuple, il y va de votre devoir de manifester le principe d’où dérive toute morale privée ou publique. […] Vous rappellerez par vos aveux des frères égarés, mais estimables même dans leur misanthropie, au centre commun de toutes les lumières et de tous les sentiments. […] Comme Virginie dirigeait toujours au bien d’autrui ses actions même les plus communes, elle ne mangeait pas un fruit à la campagne qu’elle n’en mît en terre les noyaux ou les pépins. « Il en viendra, disait-elle, des arbres qui donneront leurs fruits à quelque voyageur, ou au moins à un oiseau. » Un jour donc, qu’elle avait mangé une papaye au pied de ce rocher, elle y planta les semences de ce fruit. […] Tous les lieux qui lui rappelaient les inquiétudes, les jeux, les repas, la bienfaisance de sa bien-aimée ; la rivière de la Montagne-Longue, ma petite maison, la cascade voisine, le papayer qu’elle avait planté, les pelouses où elle aimait à courir, les carrefours de la forêt où elle se plaisait à chanter, firent tour à tour couler ses larmes ; et les mêmes échos qui avaient retenti tant de fois de leurs cris de joie communs ne répétaient plus maintenant que ces mots douloureux: « Virginie ! […] Tout ce qu’une puissance infinie et une bonté céleste ont pu créer pour consoler un être malheureux ; tout ce que l’amitié d’une infinité d’êtres, réjouis de la même félicité, peut mettre d’harmonie dans des transports communs, nous l’éprouvons sans mélange.

1034. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Une passion commune de connaître la Perse et d’en faire de plus exactes et plus amples relations qu’on n’avait encore faites nous lia d’abord d’amitié, et nous convînmes, l’année suivante, de faire aussi, à frais et à soins communs, une description de la ville capitale, où rien ne fût omis de ce qui serait digne d’être su. […] Cette grande place se vide dans les fêtes et dans les solennités, comme aux audiences des ambassadeurs ; mais, en d’autres temps, elle est pleine de quincailliers, de fripiers, de revendeurs, de petits artisans ; en un mot, d’une infinité de petites boutiques, où l’on trouve les denrées les plus communes et les plus nécessaires. […] Ensuite, on trouve le magasin du café, le magasin des pipes, celui des flambeaux, qu’on appelle la maison du suif, parce que la plus commune lumière dont les Persans se servent dans leurs maisons est faite avec des lampes nourries de suif raffiné, lequel est blanc et ferme comme la cire vierge ; et puis suit le magasin du vin. […] Les logements du commun sont le long du mur de cet enclos.

1035. (1898) Émile Zola devant les jeunes (articles de La Plume) pp. 106-203

Ce n’étaient cependant pas des personnes du commun. […] Et je ne veux pas dire seulement par là que leurs péripéties se trouvent enchaînées dans le nœud d’une critique commune, mais qu’ils ont été écrits selon une même conception morale, d’après des principes rigoureux, solidement établis au préalable. […] Il a chanté le sombre aveugle et l’impétueux élan de l’instinct, où l’on retrouve déjà toutes les formes supérieures de la sensibilité, de ce puissant instinct commun à toute l’espèce, qui pousse chaque créature à persévérer dans son être, à se développer, à s’étendre, qui guide ses appétits, qui le précipite à la curée, au rut, au gain, à la jouissance et quelquefois au crime. […] Quand vous chantez un acte simple de la vie commune à tous les hommes, en le douant de beauté, je rends hommage. […] Mais, voyez-vous, mon cher critique, on l’a dit excellemment, — et c’est la sagesse des poètes qui l’affirme : Il n’y a que de beaux vers et de mauvais vers, — il n’y a que de bons et de mauvais écrivains que l’on reconnaît à leur don d’exprimer la vie, créée en eux, reflétée, ou vue simplement à travers leur tempérament particulier, — car les idées évoluant selon l’ombre ou la lumière des âges sont communes à tous les hommes, et le génie se révèle par l’empreinte qu’il laisse au front des mots choisis pour les formuler !

1036. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE VIGNY (Servitude et Grandeur militaires.) » pp. 52-90

Il y a un admirable moment où l’élite, sinon l’ensemble d’une société, demeurant capable de participer encore à l’œuvre de la poésie, mais seulement par l’intérêt commun qu’elle y apporte, cette œuvre tout accomplie, tout élaborée, lui est offerte par d’illustres individus privilégiés qui seuls ont acquis et mûri l’art de charmer avec profondeur, d’enseigner avec enchantement. […] Ceux du poëte qui nous occupe n’étaient et ne pouvaient être encore qu’un tâtonnement : quelques vers gracieux, mélancoliques, très-roses ou très-sombres, une ébauche de tragédie des Maures de Grenade, mais déjà des idées d’art inquiètes, lointaines et hors du commun. […] Le point de départ de M. de Vigny en poésie a été le contraire du convenu, du commun, au prix quelquefois d’un certain naturel et d’une certaine simplicité, au prix de la verve de prime-saut et droicturière, comme dirait Montaigne.

1037. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE RÉMUSAT » pp. 458-491

Son père, maître des requêtes, avait été intendant à Auch, et occupait à Paris, au moment de la Révolution, une place importante, quelque chose comme une direction générale ; il fit partie en 89 de l’administration de la commune de Paris, mais fut très-vite dépassé : il périt en 94 sur l’échafaud. […] Les ouvrages qui sont dans ce dernier cas (et c’est le lot commun même des meilleurs) peuvent dire : J’ai eu mon jour. […] On l’a dit, l’inconvénient des livres de Pensées, quand elles ne sont pas communes, est qu’elles paraissent souvent prétentieuses ; les mêmes choses dites ne l’étaient pas.

1038. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Charles Labitte »

Les deux amis poussèrent vivement les préparatifs de leur commune entreprise ; ils lurent tout ce qui était imprimé en fait de vieux sermonnaires, ils abordèrent les manuscrits, et, même lorsque l’idée d’une rédaction définitive eut été abandonnée, ils durent à cette courageuse invasion au cœur d’une rude et forte époque de connaître les sources et les accès de l’érudition, d’en manier les appareils comme en se jouant, et d’avoir un grand fonds par-de-vers eux, un vaste réservoir où ils purent ensuite puiser pour maint usage. […] C’est comme qui dirait une apologie de la portion la plus exagérée et la plus pure de la Commune de Paris, qui aurait paru à la veille du 9 thermidor. […] Ce morceau a été écrit pour la Revue des Deux Mondes et pour acquitter en quelque sorte la dette commune.

1039. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre II. Les bêtes »

Seulement il en ajoute chez nous une seconde « commune à nous et aux anges, fille du ciel, trésor à part, capable de suivre en l’air les phalanges célestes, lumière faible et tendre pendant nos premiers ans, mais qui finit par percer les ténèbres de la matière. » Ces gracieuses rêveries, imitées de Platon, vraie philosophie de poëte, peignent son sentiment plutôt que sa croyance. […]     Tout était en commun, plaisir, peine, souffrance     Ce qui manquait à l’un, l’autre le regrettait ;     Si l’un avait du mal, son ami le sentait ;     Si d’un bien, au contraire, il goûtait l’espérance. […] Cela est si commun que nous ne l’avions pas remarqué.

1040. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (1re partie). Littérature scientifique » pp. 221-288

La mort de leur mère les surprit alors ; ils la pleurèrent tous deux comme la racine commune de leur existence. […] Il en déduisit une observation commune à tout le groupe des îles Canaries, à savoir que les produits inorganiques de la nature (montagnes et rochers) restent semblables à eux-mêmes jusque dans les régions les plus éloignées ; mais que les produits organiques (plantes et animaux) ne se ressemblent pas. […] Tous deux, enchaînés si étroitement d’amitié, dans une vie de communs travaux, avaient, de tout temps, partagé peines et plaisir.

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