/ 3723
1795. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VII, seconde guerre médique. »

La seule ville de Thasos dépensa quatre mille talents — plus de trois millions d’aujourd’hui — à rassasier cet hôte dévorant. […] Quelques Thespiens furent seuls jugés dignes de rester et de mourir dans leurs rangs. […] La volonté du héros mordit ces fluctuations comme une ancre, elle retint par son seul poids la flotte ébranlée. […] Le seul sénateur qui rompit l’unanimité du refus par un vote contraire, fut lapidé par le peuple. […] S’il faut en croire Hérodote, des trois cent mille hommes de Mardonios, trois mille seuls survécurent.

1796. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — II. (Fin.) » pp. 254-272

C’est la seule fois où on le surprend à dire un mot léger sur l’impératrice Catherine et sur l’inconvénient des femmes sur le trône : On leur prodigue des hommages, elles n’en font pas la distinction et les acceptent comme souveraines. — Ainsi la galanterie de Ségur, la piquante indifférence de Fitzherbert (l’ambassadeur d’Angleterre), qui n’en rendait sa petite louange que bien plus fine, ayant l’air de ne la laisser échapper qu’à regret ; la flatterie des uns, la courtisanerie des autres enivraient cette princesse. […] Après Lacy, plus complet et qui unissait l’éclair et le sang-froid, il n’estimait rien tant que Laudon, grand homme de guerre dès qu’on était dans l’action : « J’étais tout en feu moi-même par cet être qui tient plus du dieu à la guerre que de l’homme. » Après la prise de Belgrade, le prince de Ligne, qui s’était vu quelque temps dans une demi-disgrâce, obtient une distinction due au seul mérite : il est nommé commandeur de l’ordre militaire de Marie-Thérèse. […] M. de Narbonne seul, comme pour en honorer le souvenir, en offrait un dernier échantillon dans l’état-major de l’empereur ; le reste était comme sorti de terre, gardant de son origine jusque sous l’or et la pourpre, ayant du lion dans le courage, génération toute faite pour la lutte des géants. […] Selon lui, et contrairement à Montesquieu, c’est la terreur seule qui fait la république : « Dieu veuille qu’elle ait de la vertu pendant six mois, elle sera détruite. » Il estime de bonne heure que le résultat le plus net de la Révolution de France et de ce qui s’y est passé en 93, sera de fortifier partout le principe monarchique ; ce régime de 93 aura fait l’effet de l’Ilote ivre et aura dégoûté de l’imitation : On verra plutôt, dit-il, des républiques devenir des royaumes que des royaumes devenir républiques. […] Il était d’avis que. dans tous les grands moments de l’histoire qui se prolongent et qui se fixent, « tout tient à un seul homme », ou à un très petit nombre ; les règnes, même les plus durs, lui semblaient offrir plus de chances aux talents et aux grands hommes que l’anarchie : Les Scipions, dit-il, étaient de grands aristocrates ; Périclès était une espèce de roi.

1797. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gabrielle d’Estrées. Portraits des personnages français les plus illustres du XVIe siècle, recueil publié avec notices par M. Niel. » pp. 394-412

Niel s’est attaché dans sa collection à ne reproduire que ce qu’il y a de plus authentique et de tout à fait original, et il s’en est tenu à une seule espèce d’images, à celles qui sont dessinées aux crayons de diverses couleurs par les artistes du xvie  siècle : « On désignait alors par le nom de crayons, dit-il, certains portraits sur papier exécutés à la sanguine, à la pierre noire et au crayon blanc ; teintés et touchés de manière à produire l’effet de la peinture elle-même. » Ces dessins fidèlement reproduits, et où la teinte rouge domine, sont dus primitivement la plupart à des artistes inconnus, mais qui semblent être de la pure lignée française. On dirait d’humbles compagnons et suivants de nos chroniqueurs, et qui ne songent en leurs traits rapides qu’à saisir les physionomies telles qu’ils les voient, avec vérité et candeur ; la seule ressemblance les occupe ; les imitations étrangères ne les atteignent pas. […] L’Estoile, qui est l’écho des propos de la bourgeoisie et des honnêtes gens de la robe, remarque que, le mardi 13 septembre 1594, le roi vint se promener à la dérobée à Paris et s’en retourna le lendemain seul, avec Mme de Liancourt dans son coche, à Saint-Germain-en-Laye. […] D’un esprit gentil et gracieux, elle avait surtout un naturel parfait, rien de savant ; le seul livre qu’on ait trouvé dans sa bibliothèque était son livre d’Heures71. […] Henri commence en marquant son intention : Allons nous promener, nous deux seuls, lui dit-il en lui prenant la main et passant familièrement, selon sa coutume, ses doigts entre les siens ; j’ai à vous entretenir longuement de choses dont j’ai été quatre fois tout près de vous parler ; mais toujours me sont survenues, en ces occasions, diverses fantaisies en l’esprit qui m’en ont empêché.

1798. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — I » pp. 236-253

Ces trois vérités qu’il veut établir sont : 1° qu’il y a un Dieu ; 2° que de toutes les religions la chrétienne est la seule vraie ; 3° qu’entre les diverses créances ou communions dites chrétiennes, la catholique romaine est la seule véritable. […] Ce livre de controverse par un catholique royaliste eut du succès : l’évêque de Cahors, entre autres, messire Antoine Hébrard de Saint-Sulpicel, sur la seule lecture de la première édition, voulut en rapprocher de lui et en posséder l’auteur ; il n’eut point de cesse qu’il n’eût établi Charron dans sa maison épiscopale avec charge et fonction de prêcher en son église les dimanches et fêtes. […] Peu de gens, remarque-t-il, ont la force et le courage de se tenir droits sur leurs pieds, il faut qu’ils s’appuient ; ils ne peuvent vivre s’ils ne sont mariés et attachés ; n’osent demeurer seuls de peur des lutins : craignent que le loup les mange : gens nés à la servitude ! […] Tout ce qu’il dit contre l’esprit d’opiniâtreté et de nouveauté qui fait les sectes est encore excellent à lire ; il disait, par exemple : Je voudrais que tous ces remueurs de ménage et troubleurs de l’ancienne religion, qui se disent chrétiens et tenir leur religion du ciel, considérassent bien ce que dit Plutarque de la religion de son temps, vaine et humaine : Ceux, dit-il, qui mettent en doute les opinions de la religion me semblent toucher une grande, hardie et dangereuse question ; car l’ancienne et continuelle foi et créance qui nous est témoignée par nos ancêtres nous devrait suffire, étant cette tradition le fondement et base de toute religion ; et si la fermeté de la créance venue de main en main vient à être ébranlée ou remuée en un seul point, elle devient suspecte et douteuse en tous les autres

1799. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — II » pp. 414-431

L’adversité a cela de particulier, qu’elle donne à Frédéric le sentiment du droit, qu’il n’a pas toujours eu très présent et très vif en toutes les circonstances de sa vie : en cette crise d’alors, il se considère comme iniquement assailli et traqué, lui le champion d’une grande et juste cause, le soutien de la liberté de l’Allemagne et de l’indépendance protestante : « L’Allemagne est à présent dans une terrible crise : je suis obligé de défendre seul ses libertés, ses privilèges et sa religion ; si je succombe, pour le coup, c’en sera fait. » Il ajoute ces remarquables paroles, qui ont dans sa bouche une singulière autorité et dont il paraît s’être mal souvenu dans d’autres temps : A-t-on jamais vu que trois grands princes complotent ensemble pour en détruire un quatrième qui ne leur a rien fait ? […] Il lui avait envoyé son poème sur La Loi naturelle ; elle lui propose des doutes sur sa théorie, un peu trop platonicienne selon elle ; il semble que pour son compte elle adopterait plutôt celle de Hobbes, de Pascal, et de ceux qui ne cherchent l’origine de la justice que dans l’amour de la conservation et dans la seule utilité de la société. […] Il le répétait à sa sœur en finissant l’épître à elle adressée (août 1757) : Ainsi, mon seul asile et mon unique port Se trouve, chère sœur, dans les bras de la mort. […] Nous pensons de même, et je ne saurais condamner en vous les sentiments que j’éprouve tous les jours… Il ne me reste que vous seule dans l’univers, qui m’y attachiez encore ; mes amis, mes plus chers parents sont au tombeau ; enfin, j’ai tout perdu. […] La seule oraison funèbre qui se conçoive pour l’épicurien sincère est celle-ci : « Tout est fini, c’est irréparable ; nous-mêmes nous y serons demain.

1800. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mémoires de Mme Elliot sur la Révolution française, traduits de l’anglais par M. le comte de Baillon » pp. 190-206

J’ai été hier à l’Opéra ; les aboyeurs étaient occupés de mon seul service ; j’avais le vestibule pour moi, et Roland mon domestique faisait promenade solitairement dans le couloir ; cependant la salle était pleine… — On court après Lafayette. […] Elle est de la religion politique de Burke qui ne concevait pas que dans une nation de galants hommes, dans une nation d’hommes d’honneur et de chevaliers, dix mille épées ne sortissent pas de leurs fourreaux à l’instant, pour venger une noble reine de l’insulte, ne fût-ce que de l’insulte d’un seul regard. Causant un jour avec Biron du procès du roi, elle lui dit « que c’était l’événement le plus cruel et le plus abominable qu’on eût vu jusqu’alors, et que son seul étonnement était qu’il ne se fût pas trouvé un brave chevalier français pour mettre le feu à la salle où siégeait la Convention, brûler les scélérats qui y étaient, et délivrer le roi et la reine de la prison du Temple ». […] Je n’osai pas coucher seule dans ma chambre ; je fis veiller ma femme de chambre avec moi toute la nuit, avec beaucoup de lumières et en priant. […] Les seules petites discussions que nous avions ensemble, c’était sur la politique ; elle était ce qu’on appelait constitutionnelle au commencement de la Révolution, mais elle n’était pas le moins du monde jacobine, car personne n’a plus souffert qu’elle du règne de la Terreur et de Robespierre. » Elle y trouva aussi Mme de Custine, qui y devint veuve de son jeune mari exécuté, et qui s’en montra d’abord inconsolable.

1801. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Lammenais » pp. 22-43

« C’est à peu près, dit-il, la seule consolation de ce monde : quand les hommes vous maudissent, c’est alors que Dieu vous bénit. » Il a besoin, je l’ai dit, de sensations intellectuelles aiguës ; cette ardeur effrénée et cette surexcitation que d’autres, poètes surtout et artistes, ont portée dans les jouissances sensuelles, il la porte, lui, dans les systèmes philosophiques et politiques. […] Il a parlé quelque part de Fontenelle, celui de tous les êtres qui lui ressemblait le moins assurément, le plus patient des hommes, le plus disposé à prendre les autres comme ils sont, et qui, dans une vie de quatre-vingt-dix-neuf ans, ne s’était jamais mis une seule fois en colère. […] Car la Vérité triomphera, cette Vérité « qui seule, dit-il, a eu ses premières années, et qui aura ses dernières » ; mais quellevérité ? […] Il est d’un naturel, en effet, d’un sincère, d’une intrépidité sans égale, d’une imprudence à faire peur ; il justifie ce mot de l’abbé Frayssinous sur lui (seule réponse à tant d’injures) : « Cet homme d’une candeur effrayante… » Il justifie cet autre mot de son frère, l’abbé Jean, qui le nomme de son vrai nom : « Dieu l’a fait soldat !  […] Chaque flot a sa voix dans cette vaste mer : le souverain de l’Océan se tait seul dans sa grotte. » Prêt à sortir de Rome en 1832, il s’écriait : « J’espère que mon séjour à Rome ne se prolongera pasdésormais longtemps, et l’un des plus beaux jours de ma viesera celui où je sortirai de ce grand tombeau, où l’on netrouve plus que des vers et des ossements.

1802. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Des prochaines élections de l’Académie. »

Ce fut aussi chose à peu-près convenue dès lors, dans l’opinion, que les autres Académies moins nobles travaillaient, publiaient des mémoires, des recueils savants dont on leur demandait un compte exact et fréquent mais que l’Académie française, à part son Dictionnaire qu’elle retouchait de temps en temps et qu’elle recommençait toujours, ne travaillait pas : elle était censée comme les lis de la vallée, « qui ne travaillent ni ne filent. » Une conséquence qui découlait de cette distinction première : toutes les autres Académies eurent des académiciens libres ou amateurs ; l’Académie française seule n’en eut pas. […] On n’a plus, j’imagine, la peau si irritable qu’autrefois : on supporte même la critique littéraire exercée publiquement par des confrères ; j’en suis la preuve vivante, et (sauf un seul cas, que je regrette) je puis certifier, à l’honneur de ceux qu’il m’est arrivé de toucher et même de combattre, que les bons rapports académiques n’en sont pas altérés. […] Mazères semble avoir pour lui l’ancienneté des titres, leur parfaite convenance dans la circonstance présente, une collaboration heureuse avec des maîtres illustres de la scène, et, en son propre et seul nom, des pièces agréables, dont une, faite de verve, le Jeune Mari, est restée au répertoire ; ce qui était fort compté en d’autres temps. […] Lacordaire, d’ailleurs, avait peu joui de l’Académie, et elle de lui, dans le trop court espace de temps qu’il lui avait appartenu ; et je crois même qu’il n’y était venu s’asseoir qu’une seule fois depuis sa réception solennelle. […] Dupin : « Dans vingt ans, vous aurez encore à l’Académie un discours doctrinaire » ; et cela quand tout change et marche autour de nous ; — je n’y tiens plus, et je ne suis pas le seul, plus d’un de mes confrères est comme moi ; c’est étouffant à la longue, c’est suffocant.

1803. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poëme des champs par M. Calemard de Lafayette. »

Cette grande nuit sans fin, ce sommeil inéveillable, c’est peut-être la seule chose qu’il désire encore avec âpreté et qui le passionne. […] D’irréparables fleurs gisent sur nos collines ; Tout dort ; seule, une voix, la voix de nos ruines, Nous dit : Cueille, il le faut, les roses de l’oubli ! […] ma sincérité, le seul bien qui me reste, Contre moi-même, Enfant, armera ta candeur. […] ta belle âme en est digne ; Mais seul je veux porter le poids des jours derniers. […] Le seul défaut, à mon sens, de ces strophes si bien faites, si bien découpées, est de trop rappeler la sculpture, d’en avoir le poli et aussi un peu la dureté : cette poésie fait à l’oreille ce que le marbre fait au doigt : Et puis, pourquoi traduire un art par un art ?

1804. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Journal de la santé du roi Louis XIV »

Il faudrait, pour parler dignement de ce livre, un critique qui eût pris d’avance une potion de Rabelais ou de Molière ; le génie qui a inspiré la cérémonie du Malade imaginaire semble, à première vue, le seul esprit dans lequel il conviendrait de deviser d’un pareil Journal. […] Mais il faut en prendre son parti : si l’art était la forme la plus haute sous laquelle l’Antiquité aimait à concevoir et à composer l’histoire, la vérité au contraire est la seule loi, décidément, que les modernes aient à suivre et à consulter. […] Une fois, une seule fois dans sa vie, on a noté qu’il s’était soumis aux bains de chambre ; mais hors cette seule occasion (1665), jamais plus. […] N’abusons de rien, et que ceux qui sont sans aucun reste d’intempérance et sans un seul petit vice à soixante ans, lui jettent la première pierre.

1805. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite) »

Ce travail est absurde, mais les pauvres artisans s’en trouveraient mal s’ils voulaient prouver que leurs examinateurs sont des niais. » Je ne crois pas qu’en parlant ainsi Gœthe fût équitable pour tous les savants de nos jours, et le succès de ses vues en physiologie végétale, ou même en anatomie comparée, montre assez que ce n’était pas la seule prévention qui s’opposait à son triomphe dans l’optique. […] Détrôner Newton, égaler pour le moins Voltaire, et approcher de Shakspeare, c’était trop embrasser à la fois par un seul mortel. […] Le faible de Gœthe fut celui des grands esprits immodérés : en aspirant à un nom souverain dans les sciences, il demandait aux hommes plus qu’ils ne peuvent en accorder à un seul ; et de ce côté il prêta flanc. […] Il n’est pas le seul des poëtes critiques que des adversaires de secte et de coterie aient accusé « d’être plus qu’un esprit sceptique, d’être un cœur sceptique ; de n’avoir ni enthousiasme, ni amitié ; de faire vanité de n’aimer qui que ce soit, quoi que ce soit au monde, etc. » Nous connaissons ces injures pour nous avoir été dites51 : mais n’ont-elles pas été dites à Gœthe notre maître, tout le premier ? […] Je sens ce qui pourrait exister, lorsque des hommes comme Alexandre de Humboldt passent par Weimar et en un seul jour me font plus avancer dans mes recherches, dans ce qu’il me faut savoir, que je ne pourrais y réussir par des années de marche isolée sur ma route solitaire.

1806. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite) »

Aucun grand homme, aucun grand esprit ou talent, si singulier ou original qu’il semble, n’est seul de son espèce. Jean-Jacques Rousseau n’était pas le seul, au xviiie  siècle, de cette forme d’humeur, de sensibilité et de talent. […] « Cher Deleyre, lui disait-il, sans être votre ami, j’ai de l’amitié pour vous. » Et moyennant cette distinction à demi bourrue, à demi obligeante, il lui donnait parfois de bons conseils ; un jour, par exemple, que Deleyre s’était refait journaliste et polémiste à l’étranger : « Cher Deleyre, lui écrivait Rousseau, défiez-vous de votre esprit satirique ; surtout apprenez à respecter la religion : l’humanité seule exige ce respect. […] C’est ainsi qu’au temps où se composait la Nouvelle Héloïse, lui parlant du prochain mariage d’une jeune fille, il la montrait dans sa pudeur, se désolant à l’approche d’un époux : « C’est, disait-il, une eau pure qui commence à se troubler au premier souffle du vent. » Et il ajoutait, comme pour le piquer au jeu : « Dites de belles choses là-dessus. » Rousseau, en effet, répondant à l’appel, s’emparait de cette pensée et de cette image virginale, et l’employait dans la Nouvelle Héloïse à l’occasion du mariage de Claire (deuxième partie, lettre XV) : « Et, en vérité, elle est si belle, disait-il, que j’aurais cru la gâter en y changeant autre chose que quelques termes. » Il aurait même mieux fait de n’y pas changer un seul mot. […] Sans qu’un seul mot y vise à la conversion, n’est-ce pas la prédication la plus éloquente ?

1807. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

Cabarrus ; à huit heures sonnantes, je sortirai seul avec lui. » On insista ; on craignait un malheur qui aurait souillé la Révolution, pure jusque-là de toute effusion de sang. […] Veuillot a dit en parlant de M. de Girardin à ce moment où il était si seul et à la tête de la résistance : « Ce fut sa belle époque, non-seulement honorable, mais glorieuse, et qu’il ne retrouvera pas. […] Il a manqué aux idées et à l’esprit de M. de Girardin l’épreuve décisive du pouvoir, cette épreuve qui vous met en présence de difficultés que la logique seule et la science ne résolvent pas. […] Il y a mieux : ce parfait état de société, cet ordre idéal et simple que M. de Girardin a en vue, je le suppose acquis et obtenu, je l’admets tout formé comme par miracle : on a un pouvoir qui réalise le vœu du théoricien ; qui ne se charge que de ce que l’individu lui laisse et de ce que lui seul peut faire : l’armée n’est plus qu’une force publique pour la bonne police ; l’impôt n’est qu’une assurance consentie, réclamée par l’assuré ; l’individu est libre de se développer en tous sens, d’oser, de tenter, de se réunir par groupes et pelotons, de s’associer sous toutes les formes, de se cotiser, d’imprimer, de se choisir des juges pour le juger (ainsi que cela se pratique pour les tribunaux de commerce), d’élire et d’entretenir des ministres du culte pour l’évangéliser ou le mormoniser… ; enfin, on est plus Américain en Europe que la libre Amérique elle-même, on peut être blanc ou noir impunément. […] Ma principale dissidence avec M. de Girardin porte, en définitive, sur un seul point : c’est qu’il est plus confiant que moi dans la logique, dans la rectitude et le bon esprit de tous.

1808. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. (Suite et fin.) »

Notre fondateur Romulus, bien plus sage, a vu la plupart des peuples voisins, en un seul jour ennemis de Rome et ses « concitoyens. » Le programme de Romulus (si Romulus il y a) fut celui de toute la République et de tout l’Empire ; il fut appliqué et pratiqué, bon gré, mal gré, à chaque période, et dans des proportions de plus en plus larges, jusqu’au jour où parut enfin ce décret impérial dont on fait honneur à Caracalla, et en vertu duquel tous les hommes libres, sans distinction, répandus sur toute la surface de l’Empire, se trouvèrent avoir acquis officiellement le droit de cité romaine. […] Aussi ne trouve-t-on réellement à Rome, dès le principe, « qu’un seul art grand et original, l’architecture, parce qu’il est le plus utile. » De même « un seul des dons de l’esprit y naît naturellement, y atteint de soi-même tout son développement, et étend son influence sur tous les autres, l’éloquence. » Ici encore, une de ces pages concises et pleines, qui résument toute une perspective et une suite de vues : « Par leur caractère, par leurs institutions, les Romains sont naturellement un peuple, je ne dirai pas éloquent, mais oratoire. […] Il s’est attaché à y bien saisir et à y marquer la nuance de caractère de chacun des premiers empereurs : cette diversité de caractères personnels décide, en effet, du degré de transformation dans le gouvernement, qui est surtout alors le gouvernement d’un seul. […] La seule chose qui pourrait t’attacher à la vie serait l’espoir de faire partager aux autres tes sentiments ; mais tu vois quelle douleur c’est de ne trouver qu’opposition dans le commerce des hommes.

1809. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Affaires de Rome »

J’ai désormais des devoirs plus simples et plus clairs ; le reste de ma vie sera, je l’espère, consacré à les remplir, selon la mesure de mes forces… Qu’on ne s’y trompe pas, le monde a changé : il est las des querelles dogmatiques. » Telle est la déclaration formelle que M. de La Mennais exprime aux dernières pages de ce livre ; les termes seuls dans lesquels elle est conçue montrent assez que, si le nouvel écrit est destiné à clore la série de ceux que l’auteur a publiés à partir des Réflexions sur l’État de l’Église, datant de 1808, il ne leur ressemble ni par les principes ni par le ton, et que, sinon pour le sujet et la matière, du moins dans les pensées et les conclusions, il se rattache déjà à cette série d’écrits futurs que nous promet l’illustre auteur. […] Il y a dans sa conduite d’alors et dans sa tendance d’aujourd’hui cette véritable, cette seule ressemblance, à savoir qu’il ne s’est jamais borné et même qu’il n’a guère jamais aimé à envisager le christianisme, comme tant de grands saints l’ont fait, par le côté purement intérieur et individuel, par le point de vue du salut de l’âme et des âmes prises une à une, mais qui l’a embrassé toujours de préférence (et en exceptant, si l’on veut, son Commentaire sur l’Imitation et sa traduction de Louis de Blois) par le côté social, par son influence sur la masse et sur l’organisation de la société ; et c’est ainsi qu’il se portait avant tout pour la défense des grands papes et des institutions catholiques. « Jésus-Christ, disait-il en 1826, ne changea ni la religion, ni les droits, ni les devoirs ; mais, en développant la loi primitive, en l’accomplissant, il éleva la société religieuse à l’état public, il la constitua extérieurement par l’institution d’une merveilleuse police, etc. » Toutefois les moyens que M. de La Mennais proposait et exaltait jusqu’à la veille de juillet 1830 étaient, il faut le dire, séparés du temps actuel et de sa manière de penser présente par un abîme. […] Du Fossé, voulant peindre dans le grand Arnauld cette colère de lion pour la vérité qui s’unissait en son cœur avec la douceur de l’agneau, nous dit naïvement : « L’exemple seul de Moïse, que Dieu appelle le plus doux de tous les hommes, quoiqu’il eût tué un Égyptien pour défendre un de ses frères, brisé par une juste colère les Tables de la Loi, et fait passer au fil de l’épée vingt-trois mille hommes pour punir l’idolâtrie de son peuple, fait bien voir qu’on peut allier ensemble la douceur d’une charité sincère envers le prochain avec un zèle plein d’ardeur pour les intérêts de Dieu. » En ne prenant les vingt-trois mille hommes et l’Égyptien tués qu’en manière de figure, comme il convient dans ce qui est de l’ancienne Loi, et en rapportant à l’abbé de La Mennais cette phrase de Du Fossé sur le grand Arnauld, je me rappelais bien que lui-même avait condamné ce dernier, et qu’il avait écrit de lui en le comparant à Tertullien : « Et Tertullien aussi avait des vertus ; il se perdit néanmoins parce qu’il manqua de la plus nécessaire de toutes, d’humilité. […] Lui seul pourrait nous le dire, si sa mémoire parlait. […] J’ouvre les Mélanges de 1825 : « On ne lit plus,… on n’en a plus le temps… Cette accélération de mouvement qui ne permet de rien enchaîner, de rien méditer, suffirait seule pour affaiblir et, à la longue, pour détruire entièrement la raison humaine. » Et en tête du livre de la Religion considérée dans ses rapports, etc. (1826) : « On ne lit plus aujourd’hui les longs ouvrages ; ils fatiguent, ils ennuient ; l’esprit humain est las de lui-même, et le loisir manque aussi… Dans le mouvement rapide qui emporte le monde, on n’écoute qu’en marchant… » On peut observer en règle générale que, de même que les livres de M. de La Mennais commencent tous par une parole empressée sur la vitesse des choses et la hâte qu’il faut y mettre, ils finissent tous également par une espèce de prophétie absolue.

1810. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre I. Composition de l’esprit révolutionnaire, premier élément, l’acquis scientifique. »

Autour de cette vérité capitale se rangent comme compléments ou prolongements presque toutes les découvertes du siècle : — Dans les mathématiques pures, le calcul de l’infini inventé en même temps par Leibnitz et Newton, la mécanique ramenée par d’Alembert à un seul théorème, et cet ensemble magnifique de théories qui, élaborées par les Bernoulli, par Euler, Clairaut, d’Alembert, Taylor, Maclaurin, s’achèvent à la fin du siècle aux mains de Monge, de Lagrange et de Laplace327. […] Des molécules organiques partout répandues ou partout naissantes, des sortes de globules en voie de déperdition et de réparation perpétuelles, qui, par un développement aveugle et spontané, se transforment, se multiplient, s’associent, et qui, sans direction étrangère, sans but préconçu, par le seul effet de leur structure et de leurs alentours, s’ordonnent pour composer ces édifices savants que nous appelons des animaux et des plantes ; à l’origine, les formes les plus simples, puis l’organisation compliquée et perfectionnée lentement et par degrés ; l’organe créé par les habitudes, par le besoin, par le milieu ; l’hérédité transmettant les modifications acquises330 : voilà d’avance, à l’état de conjectures et d’approches, la théorie cellulaire de nos derniers physiologistes331 et les conclusions de Darwin. […] Il n’est pas seul sur la tige : au-dessous de lui, autour de lui, presque à son niveau, sont d’autres bourgeons nés de la même sève ; qu’il n’oublie jamais, s’il veut comprendre son être, de considérer, en même temps que lui-même, les autres vivants ses voisins, échelonnés jusqu’à lui et issus du même tronc. […] En tout ceci l’homme continue la nature ; d’où il suit que, pour le connaître, il faut l’observer en elle, après elle, et comme elle, avec la même indépendance, les mêmes précautions et le même esprit  Par cette seule remarque, la méthode des sciences morales est fixée. […] Selon que l’autorité est aux mains de tous, ou de plusieurs, ou d’un seul, selon que le prince admet ou n’admet pas au-dessus de lui des lois fixes et au-dessous de lui des pouvoirs intermédiaires, tout diffère ou tend à différer dans un sens prévu et d’une quantité constante, l’esprit public, l’éducation, la forme des jugements, la nature et le degré des peines, la condition des femmes, l’institution militaire, la nature et la grandeur de l’impôt.

1811. (1892) Boileau « Chapitre VII. L’influence de Boileau » pp. 182-206

Cette statistique suffirait seule à établir combien l’influence de Boileau a été considérable ; car il s’agit ici d’un écrivain que manifestement on ne lit pas seulement par passe-temps et pour le plaisir. […] Aussi touche-t-il seul 3 000 livres, qu’on paye encore en 1674 à ses héritiers. […] Bornée du côté des sens, elle développe son activité intellectuelle avec une étonnante énergie, du seul côté que les habitudes sociales laissent ouvert : elle abstrait, déduit, analyse, avec une dépense effrayante de réflexion et de logique. Et la forme de sa pensée est dépouillée aussi de tout élément sensitif ou imaginatif : jamais forme ne fut plus abstraite, plus immatérielle, plus affranchie du nombre et de la mesure, qui sont les lois de la substance étendue : pure notation algébrique où l’intelligence seule trouve son compte. […] Mais, pour la même raison, il ne peut se donner à lui-même par sa seule énergie ce que l’imitation de l’antiquité avait aidé les grands classiques à créer : une poésie originale, qui fût vraiment une œuvre d’art.

1812. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre I. François Rabelais »

On ne saurait trop dire que les cinq livres de Rabelais forment non pas un, mais cinq ouvrages, qui s’échelonnent pendant trente ans à des moments très divers de notre Renaissance, et qu’à vouloir les juger tous en bloc comme formant une seule œuvre, on risquerait de n’en pas apprécier exactement la valeur… et de s’égarer sur le caractère de l’auteur. […] Jouant avec un merveilleux sang-froid son double personnage de sage et de fol, il dosa très modérément la satire sociale et irréligieuse, ne toucha jamais le dogme, et dissémina adroitement sous la satire morale et la bouffonne fantaisie une doctrine positive : dans le cinquième livre seul, les proportions sont décidément renversées, et ce n’est pas une des moindres marques de l’inauthenticité du cinquième livre, que la vie et la philosophie y cèdent presque toute la place à la polémique agressive. […] De plus, comme il arrive souvent aux constructeurs des morales les moins morales, l’auteur répare par la rectitude de sa nature l’insuffisance de son système : comme il sent en lui la bonne volonté, la chaude sympathie, des formes affectueuses d’égoïsme, il érige son instinct en loi générale de l’humanité, et il se fait d’optimistes illusions sur le penchant inné des hommes à « faire tous ce qu’à un seul voyaient plaire ». […] Comme penseur, il fonde ce qui avait déjà paru avec Jean de Meung, et qui ne pouvait recevoir toute sa force et tout son sens que de l’humanisme seul : il fonde le culte antichrétien de la nature, de l’humanité raisonnable et non corrompue. […] Enfin, par son impartiale représentation de la vie, dont nulle étroitesse de doctrine, nul scrupule de goût, nul parti pris d’art ne l’empêche de fixer tous les multiples et inégaux aspects, il est et demeure la source de tout réalisme, plus large à lui seul que tous les courants qui se séparèrent après lui.

1813. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre IV. Le roman »

Le roman est le seul genre d’art qui soit en progrès au xviiie  siècle. […] Avec Marivaux500, le roman fait un grand progrès par cela seul que la Vie de Marianne et le Paysan parvenu se passent en France, à Paris. […] Mais, tel que Marivaux nous est apparu dans son théâtre, il est aisé de deviner que la peinture des mœurs et des milieux ne l’occupera pas seule dans ses romans. […] C’est peut-être depuis Tartufe le seul hypocrite qu’on ait réussi à mettre debout. […] L’histoire de Manon est la seule œuvre qui subsiste de l’abbé Prévost502.

1814. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre dixième »

Le seul titre du chapitre sur les Variétés de la race humaine trancha la question en la posant. […] Élever l’espèce humaine à ses propres yeux par l’idée que seule elle possède le privilège de n’être exotique nulle part, et que le premier homme a été à un certain moment l’œuvre unique du divin artisan, est un des effets toujours agissants de la vérité trouvée par Buffon. […] Dans ce livre prodigieux, il pouvait contenter son cœur, marcher seul, à la lumière du regard intérieur, et, désormais affranchi du secours des autres, découvrir sans voyageurs, observer sans naturalistes, des pays que Dieu seul a vus. […] Parmi tant de discours académiques, dont plusieurs sont d’excellents modèles, un seul a l’autorité d’un ouvrage d’enseignement : c’est le Discours de Buffon sur le style.

1815. (1890) L’avenir de la science « XVI »

Tout était dans une seule œuvre, tous les éléments de l’humanité s’y recueillaient en une unité, qui était bien loin sans doute de la clarté moderne, mais qui avait, il faut l’avouer, une incomparable majesté. […] La pensée primitive n’avait vu qu’un seul monde ; la pensée à son second âge aperçoit mille mondes, ou plutôt elle voit un monde en toute chose. […] L’Allemagne est le seul pays où la littérature se laisse influencer par les théories préconçues de la critique. […] Voilà le seul tempérament politique que l’on y connaisse. […] Certains linguistes supposent qu’à l’origine il y avait une seule langue sémitique, dont tous les dialectes sont dérivés par altération ; d’autres supposent tous les dialectes également primitifs.

1816. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre III : Les Émotions »

Physiquement, le système n’est ouvert qu’à une seule chose ; nous sommes « tout yeux ou tout oreille. » Psychologiquement, tout autre plaisir, toute peine étrangère sont suspendus ; nous sommes entièrement à l’objet que nous poursuivons, les préoccupations objectives étant anesthésiques par nature. […] Peut-être en esthétique n’y a-t-il qu’une seule méthode vraiment sérieuse et qui n’aboutit pas à l’illusion, en croyant tenir la vérité ? […] La physiologie seule peut nous répondre. […] Mais ce n’est pas là la seule direction que puisse suivre l’action nerveuse pour se dépenser. […] Si le langage de la philosophie allemande ne devait paraître déplacé ici, nous dirions en un seul mot, que la morale de M. 

1817. (1886) De la littérature comparée

Il y a un état moral distinct pour chacune de ces formations et pour chacune de leurs branches ; il y en a un pour l’art en général et pour chaque sorte d’art ; pour l’architecture, pour la peinture, pour la sculpture, pour la musique, pour la poésie ; chacune a sa loi, et c’est en vertu de cette loi qu’on la voit se lever au hasard, à ce qu’il semble, et toute seule parmi les avortements de ses voisines, comme la peinture en Flandre et en Hollande au xviie  siècle, comme la poésie en Angleterre au xvie  siècle, comme la musique en Allemagne au xviiie  siècle. À ce moment et dans ces pays, les conditions se sont trouvées remplies pour un art et non pour les autres, et une seule branche a bourgeonné dans la stérilité générale. […] De vagues légendes circulent seules sur certains mythes antiques, les déforment, leur empruntent parfois des traits pour les prêter aux héros du christianisme. […] Seule, la sympathie critique peut nous faire comprendre combien ces variations, de forme ont peu d’importance. […] Ghiberti s’écrie « qu’une statue a des suavités infinies que l’œil ne peut comprendre, que la main seule peut découvrir par le toucher ».

1818. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Des lectures publiques du soir, de ce qu’elles sont et de ce qu’elles pourraient être. » pp. 275-293

Il serait temps, aujourd’hui que l’expérience a suffisamment parlé, et que les hommes de mérite qui se sont chargés par pur zèle de ces humbles lectures ont assez montré dans quel sens utile et désintéressé ils les conçoivent, que de son côté aussi le public a montré dans quel esprit de bienséance et d’attention il les vient chercher, il serait temps, je crois, de donner à cette forme d’enseignement la consistance, l’ensemble, l’organisation enfin qui peut, seule, en assurer le plein effet et la durée. […] Dans un tel cours, l’histoire universelle, comme on peut penser, serait traitée d’une façon très sommaire, très rapide : l’histoire de France seule devrait être développée. […] Mais voilà que, dans un banquet, quelqu’un des convives s’avise de chanter un des plus beaux chœurs d’Euripide, et aussitôt tous ces vainqueurs farouches se sentent le cœur brisé, et il leur parut que ce serait un crime d’exterminer une cité qui avait produit de tels hommes. » Voilà ce qu’on trouverait à chaque page dans Plutarque, et il fournirait, à lui seul, de quoi rendre vivante et sensible par des exemples toute l’Antiquité dont on aurait besoin. […] On ne serait pas éloigné, ajoute-t-on, de l’idée de les concentrer en un seul lieu, afin d’obtenir un résultat plus saillant. […] C’est à ce prix seulement qu’on se montrera tout à fait digne de les aimer en elles-mêmes et de les comprendre ; car c’est le seul moyen de les sauver désormais et d’en assurer à quelque degré la tradition, que d’y faire entrer plus ou moins chacun et de les placer sous la sauvegarde universelle.

1819. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « La reine Marguerite. Ses mémoires et ses lettres. » pp. 182-200

Écrivant à Henri IV son mari en octobre 1594, elle lui disait en plaisantant que, s’il avait vu la place et la façon dont elle s’y gardait, il jugerait bien que c’était à faire à Dieu seul d’entreprendre de la réduire, et qu’elle avait bien raison de croire que « cet ermitage avait été miraculeusement bâti pour lui être une Arche de salut ». […] Il lui tient un discours qu’elle rapporte au long, avec une sorte de complaisance : Ma sœur, la nourriture que nous avons prise ensemble ne nous oblige moins à nous aimer que la proximité… Nous avons été jusques ici naturellement guidés et cela sans aucun dessein et sans que telle union nous apportât aucune utilité que le seul plaisir que nous avions de converser ensemble. […] sans doute bien des faiblesses vulgaires, mais moins odieuses que ne l’ont dit d’âpres et déshonorants chroniqueurs, seules autorités de ce qu’ils avancent. […] Au milieu de cela, elle était aimée : « Le 27 du mois de mars (1615), dit un contemporain, mourut à Paris la reine Marguerite, le seul reste de la race de Valois, princesse pleine de bonté et de bonnes intentions au bien et repos de l’État, qui ne faisait mal qu’à elle-même. […] Guessard en 1847 ; c’est la seule exacte et correcte.

1820. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Michelet »

Indécent : La lecture seule du livre entier peut donner une idée juste de l’ouvrage. […] Pour cette raison, on est moins frappé qu’au premier jour ; mais ce n’est pas la seule raison, du reste, qui puisse expliquer la pâleur ou la lenteur du succès d’un livre dans lequel, selon moi l’auteur vaut bien ce qu’il valait quand il fit l’Oiseau, si même il ne vaut davantage ! Il en est une autre, qui tient au sujet grandiose de son livre et à ce titre, qui, d’un mot, d’un seul mot de trois lettres : « la Mer !  […] Nous qui l’avons lu, comme nous lisons tout ce qui vient de son auteur, bien plus pour l’expression que pour le renseignement, bien plus pour l’agrément que pour les profits graves, nous ne sommes pas, du reste, de ceux qui croient qu’un livre ne peut avoir qu’un seul accent. […] … Il est vrai que Michelet ne reconnaît pas cette vieillerie de Dieu, qu’il a supprimée dans son livre un peu plus aisément que la science ne supprimera la tempête, et que c’est même là le seul point — le dédain de Dieu et la possibilité de s’en passer très bien — qui reste fixe sous les pirouettes de cet esprit toton qui nous a montré tant de faces et qui doit nous en présenter bien d’autres avant qu’il cesse de tourner !

1821. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Un symbole »

La voici dans toute son éloquence : qu’on en retienne les termes pour les comparer tout à l’heure à ceux du document, officiel celui-là, que je citerai : « En présence des malheurs qui désolent la France, et des malheurs plus grands peut-être qui la menacent encore ; « En présence des attentats sacrilèges commis à Rome contre les droits de l’Église et du Saint-Siège, et contre la personne sacrée du Vicaire de Jésus-Christ ;‌ « Nous nous humilions devant Dieu et, réunissant dans notre amour l’Église et notre Patrie, nous reconnaissons que nous avons été coupables et justement châtiés,‌ « Et pour faire amende honorable de nos péchés et obtenir de l’infinie miséricorde du Sacré-Cœur de Jésus-Christ le pardon de nos fautes, ainsi que les secours extraordinaires qui peuvent seuls délivrer le Souverain Pontife de sa captivité et faire cesser les malheurs de la France, nous promettons de contribuer à l’érection à Paris d’un sanctuaire dédié au Sacré-Cœur de Jésus. »‌ Il n’y a là nulle équivoque possible : le document est nettement catholique et incontestablement papiste. […] — « Une Assemblée nationale, disait-il, est « une assemblée laïque qui traite de choses politiques, lesquelles seules sont soumises à la loi de la majorité… Quel que soit le trouble que nos malheurs aient amené dans l’esprit français, on ne verra pas, non, on ne verra pas, quatre-vingts ans après la Révolution de 1789, une assemblée politique représentant tous les citoyens, consacrer, pour sa part, le pays à une dévotion aussi particulière et aussi a discutée. » Ce ne furent, malgré leur solidité, ni les arguments juridiques de M.  […] La majorité de la Chambre se serait inévitablement soulevée contre une pareille offense à la nation et aurait abandonné le vœu à la seule approbation des sectaires catholiques de France. […] Il leur pardonnera leur ingratitude s’ils veulent encore le suivre, car il est la seule vérité et il veut leur bien. […] Si l’on y songe un seul moment, il est impossible de ne pas rayer spontanément ce qui « nous a été imposé, en de mauvais jours de réaction, par une coterie toute puissante65 » Déjà, en 1880, le conseil municipal adressa une pétition à la Chambre, en vue de faire disparaître le vote du vingt-quatre juillet 1873.

1822. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre III. Ben Jonson. » pp. 98-162

Sa femme et ses enfants étaient morts ; il vivait seul, délaissé, servi par une vieille femme. […] Mais suis-je seul héritier ? […] La seule beauté Qui ait du prix à Venise. […] Fermez votre bouche, Ou j’en arracherai la seule dent qui y reste. […] Il avait l’imagination complète ; tout son génie est dans ce seul mot.

1823. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VII. Les poëtes. » pp. 172-231

Ils ne comprennent qu’une seule espèce de beauté ; ils n’établissent de préceptes que ceux qui peuvent la produire ; ils récrivent, traduisent et défigurent sur son patron les grandes œuvres des autres siècles ; ils l’importent dans tous les genres littéraires, et y réussissent ou y échouent selon qu’elle s’y adapte ou qu’elle ne peut s’y accommoder. […] Pour ce qui est du mal qui s’y rencontre ou s’y peut rencontrer, je laisse à Dieu seul le soin de les corriger ou de les réformer. […] « Tu es le seul qui puisses m’attrister, qui puisses me consoler, qui puisses me donner de la joie… Je serais plus heureuse et plus orgueilleuse d’être appelée ta concubine que l’épouse de l’empereur… Jamais, Dieu le sait, je n’ai rien souhaité en toi que toi-même. […] C’est une collection de bons préceptes bien sages dont le seul défaut est d’être trop vrais. […] Tantôt l’antithèse est comprise dans un seul vers, tantôt elle en occupe deux ; tantôt elle est dans les substantifs, tantôt dans les adjectifs et dans les verbes ; tantôt elle n’est que dans les idées, tantôt elle pénètre jusque dans le son et la position des mots.

1824. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIVe entretien. Épopée. Homère. — L’Odyssée » pp. 445-524

De cette nombreuse maison, mon père seul, quoique le dernier né, s’était marié. […] C’est par ces chemins creux que les bois de la contrée, sa seule richesse, descendent, après les coupes, sur la rive gauche de la rivière d’Ouche, qui roule plutôt qu’elle ne coule des hauts plateaux de la Bourgogne vers la ville de Bossuet. […] toute votre vie, enfin, dans une seule légère fumée, sortant du fagot de buis que la servante jette le soir sur les cendres chaudes ! […] Connaissez seule mon dessein, et distribuez avec soin toutes ces provisions. […] Ils se mettent en route ; les bergers et les chiens restent seuls pour la garde des bergeries.

1825. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Féval » pp. 107-174

C’est peut-être la seule fois de ma vie que j’aurai plus de mérite que madame de Staël ! […] Seule, la pratique lui manquait. […] c’est le seul mot que j’aurais voulu changer à ce portrait superbe. […] Un seul fut irréprochable : Jean de la Porte, mais il y eut parmi eux un traître, et ce fut Jolivet, l’homme des anglais. […] Mais il fut le seul.

1826. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLIXe Entretien. L’histoire, ou Hérodote »

Les hommes éclairés le comblèrent d’éloges et l’autorisèrent à donner à chacun des livres de cette Histoire le nom d’une Muse, comme le seul digne de sa perfection. […] C’est ce dieu, celui sans doute qui naguère m’a prédit ce triste avenir, qui seul en est l’auteur. » Il ordonna ensuite de faire à son fils des funérailles dignes de sa naissance. […] Tous obéissaient à mes ordres : seul, il n’a pas voulu les reconnaître et n’en a fait aucun cas. […] Harpagus n’avait qu’un seul fils, âgé à peine de treize ans. […] Mais il vous reste à vous venger d’Astyage, de votre assassin, puisque son dessein fut de vous faire mourir ; et, si vous vivez, les dieux seuls vous ont sauvé.

1827. (1925) La fin de l’art

Au surplus est-il suffisamment caractérisé par la date de sa venue au jour, où il est certainement seul de son espèce. […] Bientôt même on ne se le demande plus et, comme il n’exprime plus une seule idée contemporaine, on le néglige puis on l’oublie. […] Ce serait même le seul moyen de ne pas mourir. […] On croyait fermement, dans le reste de la France, que le Limousin était un pays de rustres, quasi de sauvages, et ce nom seul suffisait à faire rire. […] Il avait réservé cette révision à son fils, mais la mort le lui prit, il y a quelques années, et il se mit seul courageusement à la tâche.

1828. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Glatigny, Albert (1839-1873) »

Théodore de Banville Né dans un village, arrivé presque à l’âge d’homme sans éducation et sans lettres, Albert Glatigny entrevit l’art pour la première fois sous cette forme sensible qui seule peut s’imposer aux esprits ignorants. […] Ce qui constitue l’originalité curieuse et sans égale d’Albert Glatigny, c’est qu’il est non pas un poète de seconde main et en grande partie artificiel, comme ceux que produisent les civilisations très parfaites, mais, si ce mot peut rendre ma pensée, un poète primitif, pareil à ceux des âges anciens, et qui eut été poète, quand même on l’eût abandonné petit enfant, seul et nu dans une île déserte.

1829. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XX. Conclusion » pp. 499-500

Mais il va de soi qu’elles ne peuvent, à elles seules, tout expliquer ; qu’elles ont besoin d’être complétées par des causes et lois secondaires qui s’appliquent au détail du mouvement. […] Elle apprendra ainsi à gouverner, dans la mesure du possible, les forces obscures auxquelles jusqu’à présent elle a obéi sans le savoir et elle fera un pas vers cette liberté qui est seule à sa portée et qui consiste à connaître le jeu des lois naturelles pour commander aux puissances de la vie et pour les employer à la satisfaction de ses besoins matériels comme de ses plaisirs esthétiques.

1830. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 230-234

Toutes ces sciences sont suivies, examinées dans leurs différens progrès ; & cette seule exposition suffit pour prouver que les Modernes ont réellement ajouté peu de lumieres à ces divers objets de la curiosité humaine. […] Recueillir, mettre en ordre, corriger, éclaircir ; telle a été la tâche que son zele infatigable a remplie ; &, ne fût-il connu que par cette seule édition, c’en seroit assez pour lui concilier la reconnoissance de tous les Savans : ajoutons que son respect pour la Religion lui a mérité l’estime des honnêtes gens, &, ce qui n’est pas moins honorable, les injures du Garasse * de la moderne Philosophie.

1831. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Pierre » pp. 200-201

Quand on cite un seul vers d’un poème épique, il faut qu’il soit de la plus rare beauté. Quand on ne montre qu’un seul incident d’une scène immense, il faut qu’il soit sublime, et qu’il dise ex ungue leonem.

1832. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre III. Le lien des caractères généraux ou la raison explicative des choses » pp. 387-464

Ce dernier rapport, il est vrai, est le seul qui puisse tomber directement sous notre observation, et, lorsque nous définissons le premier par le second en faisant intervenir l’idée de limite, nous nous conformons aux conditions de notre logique humaine. […] Posez que, dans ces sociétés de molécules qu’on nomme corps, les habitants et les matériaux sont une seule et même chose : la comparaison s’appliquera très exactement. […] Voilà donc une liaison perpétuelle, universelle, infaillible, entre le groupe et le caractère ; et, pour qu’elle soit telle, il suffit qu’une seule fois on l’ait constatée en fait. Par cela seul que le groupe est donné, toujours, partout, infailliblement le caractère est donné aussi ; en d’autres termes, la présence du groupe entraîne la présence du caractère. […] Sur cela l’expérience seule peut nous instruire.

1833. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre II. Le Roman (suite). Thackeray. »

Pour mieux se déployer, elle s’étale seule. […] Ici, comme tout à l’heure, l’auteur plaide les raisons du prochain ; la seule différence est qu’il les plaide avec trop de chaleur : c’est une insulte sur une insulte. […] La seule innovation qu’il admit était l’usage de liqueurs européennes, et il s’y livrait avec un grand goût. […] Votre belle-sœur est la seule de la famille qui ne vous souhaite point morte, parce que Gaunt se remarierait si vous l’étiez. […] Je n’en vois qu’un seul estimable, personnage effacé, lord Kew, qui, après beaucoup de sottises et de débauches, est touché par sa vieille mère puritaine et se repent.

1834. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CLe entretien. Molière »

La jeune élève, sans guide dans la vie, sans fortune et sans gloire, s’était sentie flattée de trouver tous ces titres dans un seul homme. […] Pensez-vous faire croire, à voir comme tout roule, Que votre seul mérite attire cette foule ? […] J’en suis ravi de même ; et, sans doute, il m’est doux, Madame, de me voir seul à seul avec vous. […] Jamais l’amour seul n’a pu rendre ridicule un homme de quarante-deux ans, et c’est l’âge d’Arnolphe. […] On peut s’attendre à tout d’un homme qui, arrivant dans sa maison, répond à tout ce qu’on lui dit par cette seule question: Et Tartuffe ?

1835. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « M. Denne-Baron. » pp. 380-388

Je laisse la fable agréable, mais un peu moins parfaite de l’amour de Flore pour Zéphyre ; le tout se termine par un vœu : Puisses-tu, beau Zéphyre, auprès de ton poète, Pour seul prix de mes vers, au fond de ma retraite,         Caresser un jour mes vieux ans ! […] Combien de talents incomplets, mais qui avaient quelques parties distinguées, n’ont-ils pas pressenti et précédé le talent supérieur qui seul éclatera aux yeux de tous et qui les fera oublier ! […] Semblable au vent qui roule une feuille d’automne, On entend le Temps seul, d’une aile monotone,         Balayer la cendre des rois !

1836. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXVIII » pp. 266-276

Ce seul point, qui est capital, déplace à l’instant le centre et ruine le parallèle ! […] 47 ; il associait tout cela, rimait comme un ouvrier à la journée, et la seule différence, c’est qu’on ne parlait plus de lui et qu’on ne le lisait pas : son talent n’étant plus porté par des sujets actuels était retombé dans le vulgaire du métier. […] Nous voyons que M. de Lamartine se justifie dans les journaux amis d’avoir écrit un seul vers durant ce dernier voyage, et même depuis longtemps : nous avons en conséquence à lui faire réparation de l’en avoir soupçonné.

1837. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — V »

Toutefois, qu’on ne l’oublie pas, l’intelligence n’est pas ici seule en jeu, il s’agit de la réalité phénoménale qui d’ailleurs conditionne, on l’a vu, l’intelligence. […] L’état quelconque du mouvement qu’il immobilise apparaît sous le regard de la conscience, comme le seul état parfait ; il emporte la foi absolue en lui-même et fait tenir le nombre illimité des possibles dans les limites qui le définissent. « Je suis, dit-il toujours, la vérité et la vie. » Et la force avec laquelle ce pouvoir d’arrêt s’affirme sous forme de vérité dans le monde moral traduit expressément le degré du pouvoir de réalisation dont il est l’interprète. […] Ce qui dure est seul perceptible, il n’y a pas de connaissance de ce qui serait absolument installé et éphémère.

1838. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre II. Qu’il y a trois styles principaux dans l’Écriture. »

Aucun écrivain n’a poussé la tristesse de l’âme au degré où elle a été portée par le saint Arabe, pas même Jérémie, qui peut seul égaler les lamentations aux douleurs, comme parle Bossuet. […] Cela nous semble un mystère sublime et touchant, que Jésus-Christ ait choisi pour chef de son Église précisément le seul de ses disciples qui l’eût renié. […] Jean fut encore le seul des apôtres qui accompagna le Fils de l’Homme jusqu’à la croix.

1839. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Seconde faculté d’une Université. Faculté de médecine. » pp. 497-505

Ils sont obligés de partager les soins de leur journée entre un très-grand nombre de malades, parmi lesquels un seul exigerait quelquefois leur observation et leur présence assidues. […] Une maladie est communément un problème si compliqué, l’effet de tant de causes, un phénomène si variable d’un malade à un autre, que je ne conçois pas comment le médecin qui visite cinquante à soixante malades par jour, en soigne bien un seul. […] Le ministre dédaigne le vieillard qui n’est plus bon à rien et ne prise l’enfant que par le fruit qu’il en attend ; il n’y a qu’une vie précieuse pour lui, celle de l’homme fait, parce qu’elle seule est utile ; sa tête est comme une ruche où, à l’exemple des abeilles, il extermine toutes celles qui cessent de donner du miel.

1840. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 18, reflexions sur les avantages et sur les inconveniens qui resultoient de la déclamation composée des anciens » pp. 309-323

En second lieu, quand bien même chaque comedien pris en particulier seroit aussi capable de composer la declamation d’une tragedie qu’un maître de l’art, il seroit encore vrai de dire que la declamation d’une piece qui auroit été composée d’un bout à l’autre par une seule personne, devroit être et mieux conduite et mieux ménagée qu’une declamation où chaque acteur recite son rolle à sa mode. […] En second lieu, et ceci détruiroit seul l’objection à laquelle je réponds, nous sçavons très certainement que les acteurs des anciens se touchoient autant quoiqu’ils fussent astreints à suivre une déclamation composée, que les nôtres se touchent en déclamant arbitrairement. […] Notre experience sçait dissiper en un moment bien des ombres de difficultez que le raisonnement seul ne viendroit peut-être point à bout d’éclaircir.

1841. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XVI. Mme de Saman »

Le bas-bleu qu’elle fut et qui est oublié, le bas-bleu qui a écrit Gertrude, Jérôme, Sextus, dont elle se souvient seule aujourd’hui, a voulu jeter encore un livre sur la place pour faire un dernier bruit, et ce livre a été sa vie. […] Ce changement ou plutôt cette détérioration dans nos mœurs et, il faut bien le dire, le cynisme que nous avions seuls et que les femmes veulent à présent partager avec nous, n’ont pas uniquement une cause morale. […] Or, comme l’âge est venu et qu’ici il ne peut y avoir d’autre, je me dis qu’il n’y a plus alors que le plaisir de se vanter, pour le seul plaisir de se vanter !

1842. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Histoire des ducs de Normandie avant la conquête de l’Angleterre »

et l’Histoire des ducs de Normandie avant la conquête de l’Angleterre 20 par le seul duc qui soit un peu connu, parce qu’il a pris position de roi dans l’histoire, qu’est-ce que cela fait au xixe  siècle, à sa politique, à son industrie, à ses passions, à sa haute raison et même à sa curiosité ? […] Labutte est d’une école dont nous connaissons les perversités et les manies ; car, pour une idée, nous la défions bien d’en produire une seule qu’elle puisse discuter ! […] Voit-il juste, enfin (car nous pourrions multiplier à l’infini de tels exemples), lorsque, à propos de Richard II, le bienfaiteur de ces moines qui firent tomber à genoux la barbarie devant eux, il parle de sa piété peu éclairée, comme si, dans ce sincère xe  siècle, coulé d’un seul jet dans le monde virginal des peuples nouveaux, il y avait deux sortes de piétés, dont l’une fût éclairée et dont l’autre ne le fût pas !

1843. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre II. Des éloges religieux, ou des hymnes. »

Par un heureux accord, tu fonds tellement ce qui est bien avec ce qui ne l’est pas, qu’il s’établit dans le tout une harmonie générale et éternelle : seuls parmi tous les êtres, les méchants rompent cette grande harmonie du monde. […] Les objets qui l’environnent et qui le frappent, c’est l’architecture qu’il a créée, les métaux qu’il a tirés du sein de la terre, les richesses qu’il a cherchées au-delà de l’océan, les différentes parties du monde unies par la navigation, enfin tout ce qu’a de brillant le tableau de la société, des lois et des arts ; mais dans les campagnes, l’homme disparaît, et la divinité seule se montre. […] Notre seul mérite aujourd’hui est d’avoir mis quelque pureté de style dans un genre d’ouvrage le plus susceptible de beautés fortes, et qui semblerait devoir être grand et sublime, comme le tableau de la nature.

1844. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVII. De l’éloquence au temps de Dioclétien. Des orateurs des Gaules. Panégyriques en l’honneur de Maximien et de Constance Chlore. »

Je ne parle pas de vingt autres causes qui la préparèrent ; mais je remarque que dès le premier siècle, la grandeur de l’empire, une puissance qui n’était limitée par rien, des fantaisies qui n’avaient de bornes que la puissance, des trésors qu’on ne pouvait parvenir à épuiser, même en abusant de tout, firent naître dans les princes je ne sais quel désir de l’extraordinaire qui fut une maladie de l’esprit autant que de l’âme, et qui voulait franchir en tout les bornes de la nature ; de là cette foule de figures colossales consacrées aux empereurs, la manie de Caligula de faire enlever de toutes les statues des dieux leur tête, pour y placer la sienne ; le palais d’or de Néron, où il avait englouti un quart de Rome, une partie des richesses du monde, et des campagnes, des forêts et des lacs ; la statue d’Adrien élevée sur un char attelé de quatre chevaux, et qui faite pour être placée au sommet d’un édifice, était d’une grandeur que nous avons peine à concevoir ; sa maison de campagne, dont les ruines seules aujourd’hui occupent dans leur circonférence plus de dix milles d’Italie, et où il avait fait imiter les situations, les bâtiments et les lieux les plus célèbres de l’univers ; enfin le palais de Dioclétien à Spalatro en Illyrie, édifice immense partagé par quatre rues, et dont chaque côté avait sept cents pieds de long. […] Ce peuple, si longtemps libre dans ses forêts, et qui souvent même avait fait trembler Rome, apprivoisé enfin par un long esclavage, et poli par les vices même de ses vainqueurs, s’était livré aux arts, comme au seul charme et au dédommagement de la servitude. […] Son seul mérite était d’aimer la guerre, et d’y réussir.

1845. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Mémoires du général La Fayette (1838.) »

J’avais de l’attrait pour Bonaparte ; j’avoue même que, dans mon aversion de la tyrannie, je suis plus choqué encore de la soumission de tous que de l’usurpation d’un seul. […] Il se trouve, en définitive, présenté, lui et son parti, comme le seul conséquent (c’est tout simple), et lui-même comme le plus conséquent de son parti. […] Les remèdes qu’il proposerait sont modestes, de simples palliatifs, les seuls qu’il croie proportionnés, dit-il encore, à l’état présent de l’estomac national. […]  —  Quelle noble imprudence de cœur à rester presque la seule femme de France compromise par son nom, qui n’ait jamais voulu en changer92 ! […] Lainé, propose de défendre la capitale contre le grand ennemi ; il se trouve seul de cet avis énergique avec M. de Chateaubriand.

1846. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VI. Les romanciers. » pp. 83-171

» Rien, sinon marcher tout droit et tout seul à travers les coups et les éclaboussures. […] Leurs successeurs font de même, et toutes les diversités des tempéraments et des talents n’empêchent pas leurs œuvres de reconnaître une source unique et de concourir à un seul effet. […] Il la séquestre seule, pendant plusieurs mois, avec une mégère, sa complaisante, qui la bat et la menace. […] À force de se répéter entre eux la même idée, ils la fixent dans leur cervelle, et s’exaspèrent quand on essaye de la leur ôter. « Nous sommes sept et vous êtes seule : qui doit céder de toute la famille ou d’une seule personne ?  […] Allons, ma chère maussade silencieuse, dites-moi un seul mot ; vous en direz bientôt deux à M. 

1847. (1899) La parade littéraire (articles de La Plume, 1898-1899) pp. 300-117

Leur autonomie est complète, seuls des buts moraux et une communauté de tendances les dirigent. […] Paul Fort est né malin, et c’est sa seule vertu. […] S’il y en avait une, deux hommes seuls pourraient en être dits les chefs : M.  […] Ma seule excuse est mon emportement. […] Ils pensent que les sources gréco-latines sont les seules qui puissent vivifier notre esprit.

1848. (1868) Curiosités esthétiques « II. Salon de 1846 » pp. 77-198

Et pourtant que d’artistes de ce temps-ci doivent à elle seule leur pauvre renommée ! […] Le tableau est composé d’une seule figure et d’une pique qui est d’un effet assez désagréable. […] Ingres est encore seul de son école. […] Je crois que c’est une intelligence honnête, calme et ferme, que les louanges exagérées des poëtes ont seules pu égarer. […] Il n’a malheureusement donné cette année qu’un seul paysage : ce sont des vaches qui viennent boire à une mare dans la forêt de Fontainebleau, M. 

1849. (1895) Hommes et livres

Une seule occasion, paraît-il, mit en défaut sa soumission. […] Le titre seul de son traité est un brevet d’originalité, il a créé la chose avec le nom. […] C’est qu’en fin de compte le public seul jugeait. […] Il n’en va guère autrement au théâtre : le plaisir du spectateur qui paye est la seule loi. […] Mais souvent aussi on s’intéresse à lui seul, on l’isole, on en fait le tout et le fond de l’œuvre.

1850. (1890) Le réalisme et le naturalisme dans la littérature et dans l’art pp. -399

Il y reste des vestiges d’architecture romane, et le gothique n’y est pas d’une seule époque. […] Seul Sébastien Mercier se rue sans broncher. […] Mais ce genre mixte n’était pas le seul possible. […] Le seul travail d’adaptation qu’il ait à faire, c’est de remplacer le mot « médecin » par le mot « romancier ». […] La réalité présente seule admise par le réalisme didactique ; Proudhon. — Courbet. — M. 

1851. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

Ce n’est pas le seul ; il s’en est produit un second, à la vérité, de moindre importance. […] Il ne prononça distinctement que cette seule phrase. […] Il lui était donné de choisir le seul candidat qui la représente au dehors, un poète qu’elle a patronné, couronné et opposé à la nouvelle école : Eh bien ! […] L’actrice seule fait tout passer. […] Matharel de Fiennes, le seul feuilletoniste qui puisse donner, loin de Paris, l’idée du théâtre parisien.

1852. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [Véron.] » pp. 530-531

On voulut bien remarquer en particulier que, lié comme je l’étais avec lui et même lui ayant dû la première idée et la mise en train de ces Causeries du lundi, je ne lui en avais jamais consacré une seule comme à un écrivain de quelque valeur, à un auteur de mémoires. […] Mais Turenne fit toujours la sourde oreille et refusa de délivrer un titre pour autoriser une chose si contraire à la vérité : « C’est ainsi, disais-je, qu’il m’a toujours paru, si parva licet componere magnis, qu’un vrai critique ne devait pas accorder à Véron la seule qualité précisément à laquelle il n’avait aucun droit. » Règle générale et qui, du petit au grand, ne souffre pas d’exception : il n’est jamais permis à un homme réputé expert dans un métier de mentir et d’aider à tromper le public sur une chose essentielle au métier.

1853. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Riposte à Taxile Delord » pp. 401-403

Jeune homme, qui vous destinez aux lettres et qui en attendez douceur et honneur, écoutez de la bouche de quelqu’un qui les connaît bien et qui les a pratiquées et aimées depuis près de cinquante ans, — écoutez et retenez en votre cœur ces conseils et cette moralité : Soyez appliqué dès votre tendre enfance aux livres et aux études ; passez votre tendre jeunesse dans l’etude encore et dans la mélancolie de rêves à demi-étouffés ; adonnez-vous dans la solitude à exprimer naïvement et hardiment ce que vous ressentez, et ambitionnez, au prix de votre douleur, de doter, s’il se peut, la poésie de votre pays de quelque veine intime, encore inexplorée ; — recherchez les plus nobles amitiés, et portez-y la bienveillance et la sincérité d’une âme ouverte et désireuse avant tout d’admirer ; versez dans la critique, émule et sœur de votre poésie, vos effusions, votre sympathie et le plus pur de votre substance ; louez, servez de votre parole, déjà écoutée, les talents nouveaux, d’abord si combattus, et ne commencez à vous retirer d’eux que du jour où eux-mêmes se retirent de la droite voie et manquent à leurs promesses ; restez alors modéré et réservé envers eux ; mettez une distance convenable, respectueuse, des années entières de réflexion et d’intervalle entre vos jeunes espérances et vos derniers regrets ; — variez sans cesse vos études, cultivez en tous sens votre intelligence, ne la cantonnez ni dans un parti, ni dans une école, ni dans une seule idée ; ouvrez-lui des jours sur tous les horizons ; portez-vous avec une sorte d’inquiétude amicale et généreuse vers tout ce qui est moins connu, vers tout ce qui mérite de l’être, et consacrez-y une curiosité exacte et en même temps émue ; — ayez de la conscience et du sérieux en tout ; évitez la vanterie et jusqu’à l’ombre du charlatanisme ; — devant les grands amours-propres tyranniques et dévorants qui croient que tout leur est dû, gardez constamment la seconde ligne : maintenez votre indépendance et votre humble dignité ; prêtez-vous pour un temps, s’il le faut, mais ne vous aliénez pas ; — n’approchez des personnages le plus en renom et le plus en crédit de votre temps, de ceux qui ont en main le pouvoir, qu’avec une modestie décente et digne ; acceptez peu, ne demandez rien ; tenez-vous à votre place, content d’observer ; mais payez quelquefois par les bonnes grâces de l’esprit ce que la fortune injuste vous a refusé de rendre sous une autre forme plus commode et moins délicate ; — voyez la société et ce qu’on appelle le monde pour en faire profiter les lettres ; cultivez les lettres en vue du monde, et en tâchant de leur donner le tour et l’agrément sans lequel elles ne vivent pas ; cédez parfois, si le cœur vous en dit, si une douce violence vous y oblige, à une complaisance aimable et de bon goût, jamais à l’intérêt ni au grossier trafic des amours-propres ; restez judicieux et clairvoyant jusque dans vos faiblesses, et si vous ne dites pas tout le vrai, n’écrivez jamais le faux ; — que la fatigue n’aille à aucun moment vous saisir ; ne vous croyez jamais arrivé ; à l’âge où d’autres se reposent, redoublez de courage et d’ardeur ; recommencez comme un débutant, courez une seconde et une troisième carrière, renouvelez-vous ; donnez au public, jour par jour, le résultat clair et manifeste de vos lectures, de vos comparaisons amassées, de vos jugements plus mûris et plus vrais ; faites que la vérité elle-même profite de la perte de vos illusions ; ne craignez pas de vous prodiguer ainsi et de livrer la mesure de votre force aux confrères du même métier qui savent le poids continu d’une œuvre fréquente, en apparence si légère… Et tout cela pour qu’approchant du terme, du but final où l’estime publique est la seule couronne, les jours où l’on parlera de vous avec le moins de passion et de haine, et où l’on se croira très clément et indulgent, dans une feuille tirée à des milliers d’exemplaires et qui s’adresse à tout un peuple de lecteurs qui ne vous ont pas lu, qui ne vous liront jamais, qui ne vous connaissent que de nom, vous serviez à défrayer les gaietés et, pour dire le mot, les gamineries d’un loustic libéral appelé Taxile Delord.

1854. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Soulary, Joséphin (1815-1891) »

Le seul des maîtres chanteurs de nos jours avec lequel on puisse lui découvrir certaines affinités, c’est l’auteur de Rolla  ; mais que de métamorphoses ils ont subi, ces emprunts involontaires ! […] Paul Mariéton Il est le seul de l’école dite « plastique » qui ne soit jamais tombé dans le convenu… Pour quiconque est las des rêveries fades et malsaines, des étrangetés creuses ou des sonorités romantiques, Soulary sera toujours le prince des sonnettistes et, en tous cas, l’un des plus puissants virtuoses de notre langue poétique.

1855. (1864) Le roman contemporain

Nos romans seuls l’étaient moins. […] Ferait-il la guerre seul ou avec des alliés ? […] George Sand était restée seule, triste et découragée. […] Paul Féval dans un seul de ces romans. […] La science seule doit gouverner, selon vous.

1856. (1890) Le massacre des amazones pp. 2-265

Dans le seul livre de Laurenty, j’ai copié quatre pages de citations aussi précieuses. […] Seuls, les naïfs croiront que vous ne ressemblez pas à tout le monde, Mesdames. […] Elle cède pour la seule joie de céder. […] Je veux bien que l’un d’eux parle seul, longuement, nettement, avec des phrases. […] Il lui faut un enseignement d’Etat seul et tout-puissant, une orthodoxie scientifique.

1857. (1896) La vie et les livres. Troisième série pp. 1-336

Il se sentit moins seul. […] Il y a plus d’inattendu génie dans une seule larme ou un seul sourire de ce maître que dans tous les froids décors de nos pensers. […] Seul, Paul Verlaine fait exception parmi ces gloires confortables. […] La seule honnête femme de toute la bande. […] Hanotaux, je vous citerai une de ses fautes, une seule, mais suffisante pour le juger.

1858. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre IV. Le développement général de l’esprit est nécessaire pour bien écrire, avant toute préparation particulière »

Mais une âme fine et philosophique qui ait senti ce que la présence de l’homme met d’intérêt dans les choses inanimées, ce que l’indifférente sérénité de la nature a de navrant, quand disparaît ce bonhomme qui allait, venait, bêchait, taillait, introduisant le mouvement, la variété, la vie, peuplant ce désert à lui seul, âme de ce petit inonde ; une imagination imbue de poésie païenne, qui exprime la tristesse de cette impassibilité même, et mette en deuil pour le vieux jardinier les fleurs éternellement belles et souriantes, peuvent seules dicter cette brève parole, où l’on entend un écho d’Homère et de Virgile.

1859. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Préface »

Parmi les artistes qui, sous toute forme et dans toute œuvre, arrivent à ce degré de profondeur et d’intensité qui est plus que la vie et qui en constitue l’idéal, il y a ceux qui ont tiré à eux toute cette magnifique couverture du nom de poètes et qui l’ont gardé pour eux seuls. Seuls, en effet, entre tous, ils s’appellent spécialement : Les Poètes.

1860. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVI. La littérature et l’éducation publique. Les académies, les cénacles. » pp. 407-442

Il semble que l’esprit d’examen se précipitât avec fureur dans la voie étroite qui seule lui restait ouverte. […] Un seul grand écrivain du xviiie  siècle échappera à cette ignorance, et cela seul suffirait à colorer son talent d’une teinte particulière. […] Toute institution permanente est conservatrice de sa nature ; elle aime la stabilité, par cela seul qu’elle est stable. […] Encore n’avons-nous parlé que d’une seule compagnie littéraire  ; et il en est d’autres qui ont joué leur rôle ou leur « rôlet ». […] Et ce n’est pas le seul danger que le huis-clos fasse courir à ceux qui s’y emprisonnent.

1861. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxviie entretien. Un intérieur ou les pèlerines de Renève »

Ils sont bons, ils sont obligeants, mais ils ne peuvent pas faire de placements si considérables sur une seule signature. […] notre pauvre père qui se faisait une fête de ce pèlerinage étant tombé un peu malade, fut forcé d’y renoncer et de nous laisser partir seules. […] Vous n’y serez plus seule, des hommes et des femmes y seront avec vous et vous tiendront compagnie tout le jour ; vous aurez du pain, et surtout vous n’aurez plus peur les nuits d’hiver des loups qui viennent gratter à votre porte. […] C’était la seule boisson du logis. […] L’église, avec son clocher romain du treizième siècle, s’élevait seule au bout du jardin, et il y avait une chapelle donnant sur le jardin.

1862. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre III »

Du temps de Molière, elle était à elle seule une comédie ou un drame. […] Henri seul n’est pas ravi de cette petite histoire ; il trouve que sa femme sait trop bien mentir : cela lui donne à rêver, et déjà il tâte son front avec inquiétude. […] Son plan est fait ; un procès en séparation peut seul la rendre à son monde ; ce procès, elle l’aura, elle y jouera le beau rôle. […] Le vieux marquis demande à rester seul avec elle, et là, entre deux yeux, comme on dit, il lui ordonne de partir, de s’exiler, de quitter son nom. […] Un amoureux seul peut se permettre de tuer sa maîtresse, au théâtre, et encore faut-il qu’il l’aime pour qu’on lui pardonne !

1863. (1856) La critique et les critiques en France au XIXe siècle pp. 1-54

Le sujet seul aurait parfois à se plaindre. […] Je ne veux pas qu’on me donne l’estaminet pour le salon, qu’on se croie homme du monde par cela seul qu’on n’est pas homme d’étude ; enfin je me figure que pour avoir de l’esprit il ne suffit pas d’être ignorant. […] Jupiter seul ose s’en vanter ; encore se flatte-t-il un peu. […] Quel débutant peut marcher longtemps seul, si le public ne lui offre la main ? […] Il est vrai que la passion littéraire n’était pas la seule qui animât Chénier contre Chateaubriand.

1864. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Proudhon » pp. 29-79

Lui seul, Proudhon, est le verbe incarné, sans culotte, de 1793, et il ne se gêne pas — croyez-le encore !  […] Quant au génie d’idée, il y faut penser moins que jamais, depuis cette chétiveté de l’antithèse de la Justice de la Révolution et de la Justice de l’Église, sa seule philosophie de l’Histoire. […] Pour un seul Proudhon, c’est possible ; mais s’il en avait connu deux, ils l’auraient converti ! […] Veuillot est le seul homme peut-être qui mène un bâton où il doit aller d’une poigne aussi vigoureuse. […] Le Christianisme seul, dans le cours des siècles, a répondu aux épouvantes des législations en donnant à la femme sa place juste dans l’organisation du monde.

1865. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juillet 1886. »

  Vous fûtes un poète, un soldat, le seul Roi De ce siècle où les rois se font si peu de chose Et le martyr de la Raison selon la Foi. […] Ils eurent cette langue musicale précise, qui seule permet une expression régulière des émotions. […] Pendant quatre siècles, nulle autre harmonie ne fut connue : Guico d’Arrezzo déclarait, en 1050, que les seuls accords raisonnables sont les accords de quarte et de quinte, ajoutant que l’accompagnement à la quarte était plus spécialement doux et plaisant. […] Tristan s’est dressé convulsif, l’œil hagard, les narines dilatées, haletant, livré tout entier aux sensations suraiguisées de l’agonie ; il a prononcé un seul mot, — le nom de son idole. — et il a rendu le dernier soupir dans un dernier baiser. […] Richard Wagner est le maître de ces conclusions toutes puissantes, qui vivent de leur seule beauté, qui résument supérieurement l’intensité d’une œuvre et qui sont poignantes par cela simplement qu’elles emportent l’esprit des auditeurs aux plus hautes sphères de l’idéal humain.

1866. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre premier. La sélection et la conservation des idées dans leur relation à l’appétit et au mouvement. »

Qu’il y ait dans la mémoire un automatisme capable de fonctionner tout seul, c’est chose évidente ; les maladies mêmes et les illusions dont elle est susceptible prouvent ce qu’il y a de délicat et de fragile dans cette merveille de mécanique naturelle. […] C’est, en effet, parce que les nerfs du rouge sont fatigués par l’image tout comme par la sensation même, que les nerfs du vert vibrent ensuite presque seuls sous l’influence de la lumière blanche. […] Il est facile de se donner des nausées par la pensée de ces nausées, parce que le vomissement est un mouvement de masse distinct, facilement représentable, qui peut se reproduire par l’imagination ; aussi, l’idée seule qu’on va vomir peut provoquer le vomissement. […] Les uns perdent la mémoire des figures, d’autres des couleurs, d’autres d’une seule couleur, d’autres des nombres, d’autres de plusieurs nombres seulement. […] Plus tard, sa seule occupation était de couper en morceaux, automatiquement, ce qui tombait sous sa main.

1867. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Romans et nouvelles » pp. 3-80

Quelques mois après, l’éditeur Dumineray, le seul éditeur parisien qui avait consenti à mettre son nom sur la couverture de notre bouquin, nous priait de le débarrasser du millier d’exemplaires restant, dont l’emmagasinement le gênait. […] En 1877, ces libertés et ces franchises, je viens seul, et une dernière fois peut-être, les réclamer hautement et bravement pour ce nouveau livre, écrit dans le même sentiment de curiosité intellectuelle et de commisération pour les misères humaines. […] Car seuls, disons-le bien haut, les documents humains font les bons livres : les livres où il y a de la vraie humanité sur ses jambes. […] Eh bien, au moment de me mettre à ce travail, je trouve que les livres écrits sur les femmes par les hommes, manquent, manquent… de la collaboration féminine, — et je serais désireux de l’avoir, cette collaboration, et non pas d’une seule femme, mais d’un très grand nombre. […] Il y a aujourd’hui plus de trente ans que je lutte, que je peine, que je combats, et pendant nombre d’années, nous étions, mon frère et moi, tout seuls, sous les coups de tout le monde.

1868. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre III. De la logique poétique » pp. 125-167

Le nom de mortel fut d’abord réservé aux hommes, seuls êtres dont la condition mortelle dût se faire remarquer. […] L’interjection soulage la passion de celui à qui elle échappe, et elle échappe lors même qu’on est seul ; mais les pronoms nous servent à communiquer aux autres nos idées sur les choses dont les noms propres sont inconnus ou à nous, ou à ceux qui nous écoutent. […] En effet, les poètes ayant d’abord formé le langage poétique par l’association des idées particulières, comme on l’a démontré, les peuples formèrent ensuite la langue de la prose, en ramenant à un seul mot, comme les espèces au genre, les parties qu’avait mises ensemble le langage poétique. Ainsi cette phrase poétique usitée chez toutes les nations, le sang me bout dans le cœur, fut exprimée par un seul mot, στόμαχος, ira, colère. […] Les prêtres seuls savaient le latin et le grec.

1869. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — II. (Fin.) » pp. 110-133

Il aime à vivre en garçon en sa maison de Blancmesnil à trois lieues de Paris : Quand il a besoin de mon conseil, nous dit Gui Patin, il m’envoie un coureur gris qui me porte là en cinq quarts d’heure ; et, après y avoir bien soupé et bien causé fort avant dans la nuit, nous deux seuls (car il n’a ni femme ni enfants ni n’en veut avoir, ni valets même), je dors le reste de la nuit pour en partir le lendemain de grand matin. […] Quant à Richelieu, c’était autre chose : « Il ressemblait à Tibère ; c’était un atrabilaire qui voulait régner, un Jupiter massacreur. » C’est la seule différence qu’il établisse entre eux. […] Mais ces grands débordements s’arrêtent tout d’un coup et tombent au seul nom du roi : Bayle a déjà remarqué que, sur cet article, le respect de Gui Patin ne se dément jamais. […] Néanmoins je vous dirai que mes larmes n’ont pas été à cause de lui tout seul, quelque homme de mérite qu’il soit, mais pour le malheur commun de tout le monde qui perd beaucoup à sa mort. […] Il restait presque tout seul du nombre des savants de Hollande.

1870. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville (suite et fin.) »

Ce ne sont pas les seules passions anarchiques qui renversent les trônes : cela ne s’est jamais vu ; ce sont ces mauvais sentiments s’appuyant sur de bons instincts. […] Pour le peuple en particulier, pour le très-grand nombre, n’y a-t-il pas des moments où il est salutaire et légitime que l’on soit guidé et dirigé, et où c’est même le seul moyen que le progrès démocratique fasse un pas de plus, un pas décisif en avant ? […] S’il est resté quelque chose de la démocratie en France, dans nos institutions, c’est au gouvernement d’un seul qu’on le doit. […] Ne pourrait-on pas demander à l’auteur de la Démocratie (et c’est la seule critique que je hasarde) un peu moins d’amour-propre pour l’homme, un peu plus d’amour pour la démocratie elle-même, pour l’humanité en masse ? […] C’est que, tout en distribuant çà et là le blâme à un livre, où d’autres ne voyaient guère qu’à admirer, vous étiez le seul qui eussiez réellement compris Tocqueville comme écrivain et jugé son style.

1871. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de la Mennais (suite et fin.)  »

Une armée étrangère peut seule le maintenir sur le trône ; et si cette année reste en France, si le pillage régulièrement organisé continue, en un mot si l’on nous traite comme Buonaparte a traité l’Espagne, nous n’avons non plus qu’un exemple à suivre, celui des Espagnols ; car il n’y a point de maux pour un peuple qui ne soient préférables à la perte de l’honneur et de l’indépendance. […] Cela paraît dépendre encore, à cette date, du seul abbé Carron : « Mon père (toujours M.  […] La seule manière de me servir véritablement est de ne s’occuper de moi en aucune façon. […] L’obscurité seule me convenait ; aussi n’est-ce certainement pas de moi-même que j’en suis sorti… » — « (3 mars 1818)… De ma vie je n’ai été si malheureux que je le suis depuis deux ans. […] Loin de m’applaudir du succès de mon livre, j’y vois la ruine du seul bien qui me restait pour me rendre la vie supportable, une profonde obscurité ; et je ne me connais pas seulement l’ombre d’une petite consolation. » Il répète le même refrain presque dans chaque lettre.

1872. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE BALZAC (La Recherche de l’Absolu.) » pp. 327-357

Et il faut reconnaître que dans ce rapide succès, à part les coups de trompette du commencement aux environs de la mise en vente de la Peau de Chagrin, la presse parisienne n’a été que médiocrement l’auxiliaire de M. de Balzac ; qu’il s’est bien créé seul sa vogue et sa faveur auprès de beaucoup, à force d’activité, d’invention, et chaque nouvel ouvrage servant, pour ainsi dire, d’annonce et de renfort au précédent. […] Le Dernier des Chouans offre seul pour la première fois du pittoresque, de l’entente dramatique, des caractères vrais, un dialogue heureux ; par malheur, l’imitation de Walter Scott et de Cooper est évidente. […] Pourtant le non-succès de sa tentative industrielle le rendit vite à la seule littérature, mais sur un tout autre pied que devant. « L’imprimerie, dit-il, m’a pris tant de capital, il faut qu’elle me le rende ; » et redoublant d’activité, révélant enfin son talent, il a tenu son dire. […] Un homme de vif esprit qui l’a beaucoup connu et qui lui a servi quelquefois de conseil, M. de Latouche, pourrait seul, s’il le voulait sans trop d’ironie, raconter en détail et éclairer ces origines contemporaines qui déjà se dérobent ; il pourrait animer d’anecdotes caractéristiques toute l’arrière-scène obscure de l’atelier littéraire de ce temps-là. […] Après avoir réfléchi mûrement, je pris la résolution de vivre au sein de l’obscurité sans éclat, et de borner mon ambition à faire des heureux en secret, sans me faire connaître. » C’est le jeudi saint 1831, à 10 heures 7 minutes du matin, que l’alchimiste avait opéré seul la transmutation ; il a noté le jour et l’heure comme Dante et Pétrarque ont fait pour le jour et l’instant béni où ils virent leurs divinités, et la page que je viens de citer du bon alchimiste me semble presque rappeler en naïve allégresse certains passages de la Vita Nuova.

1873. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre premier. De l’illusion » pp. 3-31

On en verra le détail et l’agencement dans les pages qui suivent. — En attendant, retenons ce principe, que la sensation, en l’absence ou en la présence des impulsions du dehors et de l’ébranlement nerveux, provoque ces hallucinations, et les provoque par elle seule. […] Elles cessent toutes pour le dormeur ordinaire ; pour le rêveur, celles-là seules subsistent qui concordent avec son rêve ; le somnambule et l’hypnotisé n’en gardent non plus qu’une série, celles qu’on nomme musculaires ou celles des sons proférés par l’opérateur. De cette façon, les sensations perdent tout à fait ou en partie le contrôle qu’elles exercent à l’état normal. — En langage physiologique, l’équilibre qui règne pendant la veille, entre les nerfs et les centres sensitifs d’un côté et les hémisphères de l’autre, est rompu au profit des hémisphères ; ils fonctionnent seuls et d’une façon prépondérante. […] Sans doute elle ne la provoque pas complètement ; le travail mental commencé est enrayé par les répressions circonvoisines ; il faudrait que l’image fût seule et livrée à elle-même, comme dans le sommeil et l’hypnotisme, pour qu’elle pût atteindre sa plénitude et avoir tout son effet ; elle ne l’a qu’à demi ; quand elle l’a tout à fait, l’homme est fou. — Mais, que le travail hallucinatoire soit ébauché ou achevé, peu importe, et l’on peut définir notre état d’esprit pendant la veille et la santé comme une série d’hallucinations qui n’aboutissent pas. […] Elles se servent tour à tour de toutes les langues de l’Europe qui sont familières au malade ; une seule de ces voix est entendue moins distinctement, parce qu’elle emprunte l’idiome russe, que M. 

1874. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre III. Littérature didactique et morale »

Ce procédé seul permit d’éluder la sécheresse de la codification et de colorer la maigreur des abstractions. […] Sur 18 000 vers qu’il a écrits, on en a pu rendre 12 000 à ses auteurs, dont 2 000 au seul Ovide. […] Les phénomènes passent, les individus meurent : l’espèce seule a de la réalité, seule elle est, parce que seule elle reste. […] La noblesse, dit Jean de Meung après Juvénal, la seule noblesse, c’est la vertu, c’est le mérite.

1875. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Une idée où il était si peu encouragé est donc bien à lui et à lui seul. […] Tout ce qu’on nous explique, nous croyons le comprendre, et nous ne sommes pas loin de nous imaginer que les seules choses dont on puisse bien juger sans études, c’est la société et l’État. […] Il ne veut pas que ce qui a cessé d’être bon l’ait été un seul jour ; le passé n’a pas été la préparation laborieuse et nécessaire, mais l’obstacle du présent. […] Où la philosophie croyait être arrivée par les seules forces de la raison, une tradition entrée dans le monde avec l’Évangile l’y avait amenée sans qu’elle s’en doutât. […] La famille seule cultive le cœur.

1876. (1890) L’avenir de la science « XXII » pp. 441-461

Les seules choses qui échappent au ridicule sont les choses médiocres et vulgaires, en sorte que celui qui a la faiblesse de s’interdire tout ce qui peut y prêter s’interdit par là même tout ce qui est élevé. […] Une seule chose ne prête point à rire, c’est l’atroce. […] Le scepticisme seul a le droit de rire, car il n’a pas à craindre les représailles. […] L’éternel seul a du prix ; or ces frivoles ne s’attachent qu’aux floraisons successives, sachant bien qu’ils passeront comme elles. […] Plût à Dieu que toutes les âmes vives et pures fussent convaincues que la question de l’avenir de l’humanité est tout entière une question de doctrine et de croyance, et que la philosophie seule, c’est-à-dire la recherche rationnelle, est compétente pour la résoudre !

1877. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIII. La littérature et la morale » pp. 314-335

Mais aussi la combinaison de ces éléments éternels varie incessamment ; vices et vertus changent suivant les temps et de forme et d’intensité ; la moralité dans l’humanité et même dans une seule nation a son va-et-vient, sa hausse et sa baisse, autrement dit son évolution. […] Si bien qu’on peut résumer ainsi la conduite de cette élite sociale qui seule importe aux écrivains d’alors : brèves victoires de la passion sur le devoir ; mais victoires mêlées de tremblement, de remords et suivies d’une pénitence finale. […] Si l’idée du devoir décidait seule à agir, dit-il, que de héros à rayer des fastes de l’humanité ! […] D’abord, par cela seul qu’elles déroulent une suite logique d’événements, un engrenage serré de causes et d’effets, elles donnent souvent de lumineuses leçons de choses ; elles montrent comment telle conduite engendre telle conséquence, et cela vaut un prêche. […] Les puritains qui réprouvent en bloc le roman et le théâtre allèguent qu’il s’y glisse presque toujours des tableaux capiteux et ils proscrivent comme contagieuse et grisante la description seule des mouvements de l’amour.

1878. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre II : La Psychologie. »

Dans le cas de la mécanique, chaque cause se retrouve dans l’effet, comme si elle avait agi seule. […] En effet, celle-ci a pour objet les faits de conscience, leurs causes immédiates et leurs lois ; elle doit les embrasser tous, tandis que la logique ne s’occupe que de la seule faculté d’inférer et de son mécanisme. […] VIII Quoique la psychologie nous occupe seule ici, il n’est pas hors de notre sujet de montrer en quelques mots les rapports de l’Associationisme avec les théories morales que Stuart Mill a exposées dans son petit livre On Ulititarianism. […] Le principe fondamental de l’école utilitaire, c’est que le seul critérium possible de la justice ou de l’injustice des actions consiste dans leurs conséquences calculables, c’est-à-dire dans leurs tendances : « Toujours depuis que l’homme est devenu un être social et moral, l’observation et le raisonnement ont montré constamment que certaines actions — par exemple, dire la vérité — tendent en général à augmenter le bonheur de l’humanité ; et que certaines actions contraires — par exemple, mentir, — tendent à porter atteinte au bonheur de l’humanité. […] Mill cite comme le seul ouvrage ayant paru en France, sur ce sujet, l’Étude sur l’association des idées de M. 

1879. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre VIII »

Pourquoi l’inviter à la valse autour du Veau d’or, si c’est pour qu’il y fasse un cavalier seul ? […] Cette scène est le seul moment où le drame éclate, l’unique éclair qu’il dégage. […] La mère et le fils vivent seuls dans cette maison presque fermée du côté du monde ; il y a un secret douloureux dans leur réclusion. […] Le mariage seul peut réparer le tort fait à l’honneur de mademoiselle Letellier par les galanteries malséantes du jeune Fourchambault ; il lui demande un rendez-vous, Léopold y vient. […] Bernard s’est révélé à son frère parce qu’il le fallait ; mais sa sœur même, il ne l’embrassera au front qu’une seule fois, sur l’invitation que lui en fait Léopold.

1880. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XV »

Restée seule avec lui, elle saute à son cou, se jette à sa tête ; elle s’offre, elle se livre, avec une sorte d’emportement forcené. […] La pudeur, chez la femme, n’est pas seulement morale, elle est dramatique ; elle seule peut poétiser ses chutes et relever ses écarts. […] Gérard se contient et se retire ; les deux époux restent seuls. […] Un seul trait le marque, l’adoration servile pour sa femme. […] Quand il sera vide, il se remplira tout seul : il y a un secret pour cela qui est celui d’Aladin.

1881. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Malesherbes. » pp. 512-538

L’occasion, qui nous révèle tout entier aux autres et à nous-même, l’alla chercher dans la tempête civile et le trouva tout préparé ; il vit celui qu’il avait appelé son maître, seul, sans défense, dans un cachot, et il s’avança en lui tendant les bras. […] Quelques-uns de ces amours-propres parlaient au nom de la religion et de la morale ; quelques autres (et ce n’étaient pas les moins aigres) se mettaient en avant au nom du goût : J’ai entendu dire sérieusement, remarquait-il, qu’il est contre le bon ordre de laisser imprimer que la musique italienne est la seule bonne… Je connais des magistrats qui regardent comme un abus de laisser imprimer, sur la jurisprudence, des livres élémentaires, et qui prétendent que ces livres diminuent le nombre des véritables savants. […] M. de Malesherbes, dans une remarquable lettre, répondit au ministre qu’il n’y avait guère, au fond, à compter sur la censure ; que des gens d’esprit, dans un ouvrage de longue haleine, viendraient toujours à bout de l’éluder ; qu’il ne savait qu’un seul moyen sûr de remédier aux abus, c’était de rendre les auteurs responsables personnellement de leurs fautes : Si ce moyen est le plus sûr, continuait M. de Malesherbes en s’adressant à l’abbé de Bernis, vous me demanderez pourquoi je n’ai pas employé jusqu’à présent ? […] Il n’y avait qu’un seul terrain sur lequel M. de Malesherbes eût chance de s’accorder avec Mme de Pompadour, c’était l’Encyclopédie. […] Qu’ils écrivent contre moi tant qu’ils voudront ; je suis bien sûr qu’avec un seul trait je ferai plus de tort à leur petite existence littéraire qu’ils ne pourront me nuire avec des pages entières de l’Encyclopédie.

1882. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1859 » pp. 265-300

Être dans son coin, vivre seul et sur soi-même, n’avoir que les maigres satisfactions qui vous touchent de bien loin et dont vous avez si peu conscience : la conscience du succès d’un livre qui n’est jamais au présent, mais toujours dans l’avenir. […] Là, nous voyons des clowns, des sauteurs, des franchisseuses de cercles de papier, qui font leur métier et leur devoir : au fond, les seuls acteurs dont le talent soit incontestable, absolu comme les mathématiques ou mieux encore comme le saut périlleux. […] Cette femme est Mme de Châteauroux, qui fait faire à l’un de nous le voyage de Rouen tout seul, pour aller copier un paquet de ses lettres intimes, adressées à Richelieu, et faisant partie de la collection Leber. […] Saint-Victor a une émotion qui se trahit par le silence, la fixité de sa lorgnette sur l’actrice, enfin par ce cri enfantin si naïf à la tombée du rideau, au quatrième acte, ce cri timide : « Lia toute seule ! Lia toute seule ! 

1883. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre V. La parole intérieure et la pensée. — Premier problème : leurs positions respectives dans la durée. »

II, § 7, 8, 9], a toujours un objet idéal ; les seuls jugements spontanés qui soient normalement et régulièrement portés sur elle sont ceux que le langage vulgaire réunit sous le nom de comprendre : quand je me parle, je me comprends, c’est-à-dire que je mets des idées sous les mots et des rapports d’idées sous leurs relations syntactiques. […] Parmi les pensées claires, celles-là seules sont faciles à exprimer et à bien exprimer, qui sont faciles à trouver et à entendre ; ce sont les idées du sens commun et du bon sens, que tout le monde admet d’avance. […] Puisque chaque problème résolu se double d’un problème à résoudre, les forces d’un seul ne suffiraient pas à la tâche ; il est donc sage de la diviser ; chacun aura sa part selon ses aptitudes. […] J’en veux former une seule idée. […] C’est pour cela même qu’en rangeant ses idées dans leur ordre véritable on est tristement forcé de renoncer à une foule de choses qu’on voudrait dire et que le bon arrangement à lui seul réfute et repousse comme contradictoires à ce qu’on entend prouver. » 254.

1884. (1899) Le roman populaire pp. 77-112

S’ils étaient une seule et même chose, je ne demanderais pas : « Peut-on citer, dans la littérature française, des exemples de roman populaire ?  […] Mais je n’ai pas à faire ici de critique littéraire, et la seule chose que je veuille expliquer, c’est l’impossibilité de faire entrer le roman naturaliste dans le genre que j’ai appelé : le roman populaire. […] Or, il ne me semble pas possible de soutenir que l’œuvre de l’école naturaliste, en général, a relevé le niveau moral du monde, que les âmes y ont pris une force, une pureté, une résolution de patience ou d’énergie sereine et tranquille, la seule qui mène loin. […] Tout ce qui est grand a été dit, et c’est le ton seul qui le rajeunit. […] Et voici que des Bédouins, cavaliers asservis au rythme de leur monture, accroupis sur la bosse de leur dromadaire et ne faisant avec lui qu’un seul bloc de sculpture, grâce aux plis des burnous retombant aux flancs des bêtes, passèrent à petite distance entre les vergers d’abricotiers.

1885. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Résumé et conclusion »

En réalité, nous indiquions le seul moyen possible de les rapprocher et de les unir. […] Plus elle pourra contracter de ces moments en un seul, plus solide est la prise qu’elle nous donnera sur la matière ; de sorte que la mémoire d’un être vivant paraît bien mesurer avant tout la puissance de son action sur les choses, et n’en être que la répercussion intellectuelle. […] De toutes les associations qu’on pourrait imaginer, les associations par ressemblance et par contiguïté sont donc d’abord les seules qui aient une utilité vitale. […] Examinons-les donc tour à tour, en présentant ici sous une forme plus métaphysique les conclusions que nous avons voulu tenir de la seule psychologie. […] Une seule hypothèse reste donc possible, c’est que le mouvement concret, capable, comme la conscience, de prolonger son passé dans son présent, capable, en se répétant, d’engendrer les qualités sensibles, soit déjà quelque chose de la conscience, déjà quelque chose de la sensation.

1886. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — I. » pp. 262-280

Le mérite de Bourdaloue s’annonça dès l’enfance : « Il était naturel, plein de feu et de bonté, dit Mme de Pringy ; il suça la vertu avec le lait, et ne sortit de l’enfance que pour entrer dans les routes laborieuses du christianisme. » Il n’eut dans sa vie qu’une seule aventure et qui fut décisive, ce fut, si j’ose dire, l’aventure de piété qui devint le point de départ de sa carrière. […] Aujourd’hui, ces heureuses et vives qualités de l’orateur, parmi lesquelles il faut compter l’une des premières, « une voix pleine, résonnante, douce et harmonieuse », ont disparu, et l’écrivain seul nous reste, écrivain juste, clair, exact, probe comme sa pensée, mais qui n’a rien de surprenant. […] Je sentais, au contraire, reparaître présente et vivante cette idée formidable de la mort au sens chrétien, idée souverainement efficace si on la sait appliquer à toutes les misères et les vanités, à toutes les incertitudes de la vie : ce fondement solide et permanent de la morale chrétienne m’apparaissait à nu et se découvrait dans toute son étendue par l’austère exposition de Bourdaloue, et j’éprouvais que, dans le tissu serré et la continuité de son développement, il n’y a pas un instant de pause où l’on puisse respirer, tant un anneau succède à l’autre et tant ce n’est qu’une seule et même chaîne : « Il m’a souvent ôté la respiration, disait Mme de Sévigné, par l’extrême attention avec laquelle on est pendu à la force et à la justesse de ses discours, et je ne respirais que quand il lui plaisait de finir… » À peine s’il vous laissait le temps de s’écrier, comme cela arriva un jour au maréchal de Grammont en pleine église : « Morbleu ! […] Dans quatre lignes de saint Bernard ou de Bossuet, il y en a bien autrement, me disait l’un d’eux, et l’on m’en citait ; et ce seul désavantage amortissait le grand effet moral du saint orateur dans leur pensée. […] Bourdaloue fut témoin et instrument de ce retour ; il assista et prépara le héros dans les deux dernières années ; il l’entendit, à l’heure de la mort, proférer ces nobles paroles, répétées par Vauvenargues : « Oui, nous verrons Dieu comme il est, Sicuti est, facie ad faciem. » Il l’entendit exprimer cette seule crainte touchante : « Je crains que mon esprit ne s’affaiblisse, et que par là je ne sois privé de la consolation que j’aurais eue de mourir occupé de lui et m’unissant à lui. » Et lorsque Condé eut légué son cœur à la maison professe de la Société, il dut, par reconnaissance, par devoir, prononcer une seconde fois une oraison funèbre68.

1887. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — II. (Fin.) » pp. 322-341

Les beaux-arts, pour lesquels seuls elle est faite, ne sont plus qu’un pis-aller : elle est profondément humiliée, dans son amour-propre excessif, de ne pas avoir une robe lilas comme ses sœurs aînées la France, l’Espagne, le Portugal. […] Il y avait encore sous la Restauration une ligne de démarcation dans le grand monde ; n’allait pas dans le faubourg Saint-Germain qui voulait ; ceux que leur naissance n’y installait point tout d’abord n’y étaient pas introduits, comme depuis, sur la seule étiquette de leur esprit. […] Il arrive que ce petit Julien, être sensible, passionné, nerveux, ambitieux, ayant tous les vices d’esprit d’un Jean-Jacques enfant, nourrissant l’envie du pauvre contre le riche et du protégé contre le puissant, s’insinue, se fait aimer de la mère, ne s’attache en rien aux enfants, et ne vise bientôt qu’à une seule chose, faire acte de force et de vengeance par vanité et par orgueil en tourmentant cette pauvre femme qu’il séduit et qu’il n’aime pas, et en déshonorant ce mari qu’il a en haine comme son supérieur. […] Le tableau des partis et des cabales du temps, que l’auteur a voulu peindre, manque aussi de cette suite et de cette modération dans le développement qui peuvent seules donner idée d’un vrai tableau de mœurs. […] Pendant son séjour dans l’État romain, tout en faisant des fouilles et en déterrant des vases noirs « qui ont 2700 ans, à ce qu’ils disent » (je doute là, comme ailleurs, ajoutait-il), il avait mis ses économies à acheter le droit de faire des copies dans des archives de famille gardées avec une jalousie extrême, et d’autant plus grande que les possesseurs ne savaient pas lire : J’ai donc, disait-il, huit volumes in-folio (mais la page écrite d’un seul côté) parfaitement vrais, écrits par les contemporains en demi-jargon.

1888. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Instruction générale sur l’exécution du plan d’études des lycées, adressée à MM. les recteurs, par M. Fortoul, ministre de l’Instruction publique » pp. 271-288

On avait cherché à diminuer le nombre croissant des candidats aux carrières dites libérales, en n’admettant que les seuls d’entre eux vraiment capables ; les épreuves imposées étaient devenues plus sérieuses, plus difficiles : on faisait la barrière plus haute, pour que tous indifféremment ne pussent la franchir. […] — Mais ceci est de tous les temps : ce qui est plus particulièrement du nôtre, c’est l’application perpétuelle de la science à tout ce qui améliore et perfectionne la vie : l’éclairage, le chauffage de nos maisons, cette eau qui d’elle-même monte à tous les étages, ces jeux de lumière et de soleil où se peignent comme magiquement nos portraits, ces nouvelles rapides que nous recevons d’une santé chérie avec la vitesse de la foudre, cette vapeur furieuse et soumise qui nous emporte presque au gré de la pensée, tout cela nous pose à chaque instant des problèmes que la paresse seule de l’esprit pourrait ne pas agiter et ne pas s’inquiéter de résoudre. […] J’en pourrais citer mille exemples, mais un seul me suffira. […] Le temps seul peut confirmer et louer dignement des réformes de ce genre : je ne veux que reconnaître et signaler l’etïort, l’attention ingénieuse et vigilante, la compréhension étendue et flexible, la sollicitude patiente qui témoigne d’une véritable piété pour toute connaissance humaine et divine, et d’un intérêt affectueux pour la jeunesse. […] Par elle seule, il était possible d’adoucir les mœurs et de discipliner les hommes d’armes.

1889. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — II » pp. 18-34

j’ai rêvé que je me trouvais seul dans une vaste cathédrale. […] Un homme pieux et poète, une femme dont l’âme va si bien à la sienne qu’on dirait d’une seule âme, mais dédoublée ; une enfant qui s’appelle Marie, comme sa mère, et qui laisse, comme une étoile, percer les premiers rayons de son amour et de son intelligence à travers le nuage blanc de l’enfance ; une vie simple, dans une maison antique ; l’océan qui vient le matin et le soir nous apporter ses accords ; enfin un voyageur qui descend du carmel pour aller à Babylone, et qui a posé à la porte son bâton et ses sandales pour s’asseoir à la table hospitalière : voilà de quoi faire un poème biblique, si je savais écrire les choses comme je sais les éprouver. […] Cette part faite aux nécessités matérielles, Guérin se réfugia d’autant plus, aux heures réservées, dans la vie du cœur et de la fantaisie ; il abonda dans sa propre nature ; retiré comme dans son terrier dans un petit jardin de la rue d’Anjou, proche de la rue de la Pépinière, il se reportait en idée aux grands et doux spectacles qu’il avait rapportés de la terre de l’ouest ; il embrassait dans son ennui la tige de son lilas, « comme le seul être au monde contre qui il pût appuyer sa chancelante nature, comme le seul capable de supporter son embrassement ». […] Ces deux volumes qu’on donne aujourd’hui le feront vivre ; et par une juste compensation d’une destinée si cruellement tranchée, ce qui est épars, ce qui n’était écrit et noté que pour lui seul, ce qu’il n’a pas eu le temps de tresser et de transformer selon l’art, devient sa plus belle couronne, et qui ne se flétrira point, si je ne m’abuse 3.

1890. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. (Suite et fin) »

Pouvait-il cependant tout connaître par le fait et tout décider de sa seule et pleine volonté ? […] Louis XIV commence par rappeler ses bons offices constants et ceux de ses prédécesseurs envers les Provinces-Unies de la Hollande, et il raisonne, comme il aime à le faire, non-seulement à l’adresse et à l’intention de ses contemporains, mais en vue de l’avenir : « La postérité, dit-il, qui n’aura pas été témoin de tous ces événements, demandera quel a été le prix et la reconnaissance de tous ces bienfaits ; pour la satisfaire, je veux lui apprendre que, dans toutes les guerres que les rois mes prédécesseurs ou moi avons entreprises, depuis près d’un siècle, contre les puissances voisines, cette république ne nous a non-seulement pas secondés de troupes ni d’argent, et n’est pas sortie d’une simple et tiède neutralité, mais a toujours tâché de traverser, ou ouvertement ou sous main, nos progrès et nos avantages. » La Hollande n’est pas la seule ni la dernière république qui ait été ingrate envers la France pour prix des plus grands services reçus à leur berceau : ces sortes de gouvernements, où tant de passions et de volontés s’en mêlent, sont coutumiers du fait […] Voilà donc ses troupes qui, au commencement de 1672, en plein hiver, se mettent à filer du côté de l’Allemagne, de ce seul côté par où la Hollande était vulnérable. […] Aussitôt après le passage du Rhin, le prince d’Orange se retire et n’estime pas de la prudence d’attendre dans ses retranchements de l’Yssel Louis XIV qui comptait se porter à sa rencontre : « Cette nouvelle de la retraite prompte du prince d’Orange, quoique avantageuse pour le bien de mon service, me donna d’abord quelque mortification pour ce qui regardait ma propre gloire, parce que, s’il fût resté sur l’Yssel, j’espérais le combattre et peut-être défaire entièrement son armée ; mais, ayant toujours préféré l’intérêt de l’État à celui de ma réputation, je ne songeai qu’à profiter des avantages que la retraite des ennemis me fournissait. » Ce ne fut pas la seule fois que Louis XIV regretta d’avoir manqué l’occasion de se mesurer avec le prince d’Orange : une autre fois, dans la suite de cette guerre (1676), il la manqua encore, proche de Valenciennes, mais par sa faute ce jour-là et par trop de prudence : il ne tenait qu’à lui d’attaquer. […] Ces mêmes marchands, à qui Louis XIV a tant de raisons ; d’en vouloir,, viennent de se relever dans son estime par le seul fait de cette résolution qui donne soudainement un si rude échec à ses propres desseins à lui !

1891. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois par M. Camille Rousset. Victor-Amédée, duc de Savoie. (suite et fin.) »

Il est parvenu, par le seul exposé des faits et la pénétration du détail, à rendre intéressant en même temps que distinct ce personnage si peu gracieux, si peu brillant, si peu sympathique, et en apparence si indéchiffrable ; désormais Louis XIV, avec sa physionomie solaire, nous apparaît comme encadré entre ses deux grands ennemis pâles et sombres, le prince d’Orange, Guillaume, et le duc de Savoie, Victor-Amédée. […] La porte d’ivoire par laquelle, selon le poète, s’échappent les songes faux, est toujours plus agréable que la porte de corne qui seule donne passage à la vérité. […] Seul, le jeune duc garda un visage impassible, écouta avec calme les explications de l’abbé d’Estrades, et lui dit qu’il était persuadé de la justice des motifs qui avaient causé le mécontentement du roi contre le marquis Dronero. […] Le jeune duc, seul de toute sa Cour et de tout son peuple, semblait impassible. […] Mais il ne peut agir seul contre ses sujets : qu’à cela ne tienne !

1892. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite et fin.) »

Introduit dans la Cour d’Apollon et trouvant tous les sièges occupés par les poëtes ses confrères, Cervantes se plaint d’être seul sans place au Parnasse ; Apollon, après quelques lieux communs de morale, lui dit : « Si tu veux pourtant mettre fin à ta plainte, te contenter et te consoler, plie en deux ton manteau et t’assieds dessus. […] Don Quichotte, après avoir écouté tous les détails sur la vocation obstinée du jeune homme, dont le seul crime est de trop aimer Homère et Virgile, et de vouloir converser tout le jour avec Horace, Tibulle et autres Anciens, répond aux craintes du père par un discours d’une merveilleuse sagesse, et qui, pour la grâce comme pour la modération, pourrait être tout entier (sauf quelques mots) d’un de ces aimables vieillards de Térence : « Les enfants, lui dit-il, sont une portion des entrailles de leurs parents ; il faut donc les aimer, qu’ils soient bons ou mauvais, comme on aime les âmes qui nous donnent la vie. […] Cette petite réunion d’adieux, dont le maître seul, avec un ou deux amis, avait le secret, se renouvela dix jours durant : après quoi il mourut, le onzième, comme à jour fixe. […] Jugeant en parfaite connaissance de cause les écrivains espagnols, Saint-Évremond disait : « Il y a peut-être autant d’esprit dans les autres ouvrages des auteurs de cette nation que dans les nôtres ; mais c’est un esprit qui ne me satisfait pas, à la réserve de celui de Cervantes en Don Quichotte, que je puis lire toute ma vie sans en être dégoûté un seul moment. […] Montesquieu, dans une de ses Lettres persanes, a écrit à propos des Espagnols ce mot souvent cité : « Le seul de leurs livres qui soit bon est celui qui a fait voir le ridicule de tous les autres. » C’était le mot définitif de Montesquieu, et il le répétait toutes les fois qu’on parlait de littérature espagnole devant lui.

1893. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

Encore une fois, mettons-nous à la place de ces premiers éditeurs : il n’est pas un seul d’entre nous qui, chargé au lendemain de la mort d’un ami célèbre de mettre en ordre ses papiers et d’en tirer la matière d’une publication réclamée et opportune, ne prenne garde, n’hésite plus d’une fois en vue même d’une mémoire respectée, ne conçoive des scrupules et n’estime quelques retranchements nécessaires, provisoirement du moins. […] Comme si, en consignant ce vilain détail dans ses Mémoires, — un de ces détails pour lesquels le président d’un tribunal ordonne le huis-clos, — elle n’avait pas commis par là même un acte immortel d’impudeur et n’avait pas donné jour à un récit que désormais les mères ne seraient pas seules à y chercher et que les jeunes filles, en ouvrant le volume, pourraient également y lire. […] À un endroit, par exemple, Mme Roland avait englobé tous les prêtres, mêlés à la Révolution, de quelque communion qu’ils fussent, dans une même accusation d’hypocrisie, dans un seul et même anathème. […] « Faire, disait-elle, le bonheur d’un seul et le lien de beaucoup par tous les charmes de l’amitié, de la décence, je n’imagine pas un sort plus beau que celui-là. » Elle disait encore en ces années dans une lettre à Bosc, l’un de ses jeunes amis, — et dans ce tableau d’une de ses journées elle offrait l’image de toutes les autres : « Vous me demandez ce que je fais, et vous ne me croyez pas les mêmes occupations qu’à Amiens (elle venait de s’établir à Ville franche) ; j’ai véritablement moins de loisir pour m’y livrer ou pour les entremêler d’études agréables. […] Il doit reconnaître aussi qu’il n’était point déraisonnable ni absurde de chercher dans quelques phrases, et d’après les seules traces qu’on eût laissées subsister dans les Mémoires, les indices d’un autre amour plus brûlant, plus tumultueux.

1894. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Mlle Eugénie de Guérin et madame de Gasparin, (Suite et fin.) »

» Dans toutes ces scènes qu’elle a commencé à nous décrire, à partir des Horizons prochains, et où la nature occupe le premier plan, mais où les humains ne sont pas oubliés ; dans toutes les courses et promenades qu’elle fait par monts et par vaux, en rayonnant tout à l’entour ; chez toutes ces bonnes gens qu’elle visite, vignerons, bûcherons, vachers, tuiliers et autres, tous les Jacques et les Jean-Pierre des environs, — et la mère Salomé la rebouteuse, — et Marguerite la désespérée, qui craint d’avoir commis le seul péché sans pardon, le péché contre le Saint-Esprit, — et une autre Marguerite, celle à Jean-Pierre, une Baucis sèche et fervente de quatre-vingt-sept ans, — dans toutes ces historiettes à conclusion édifiante, Mme de Gasparin a fait la Légende Dorée du protestantisme, légende très-modernisée, rehaussée et enluminée, à la mode du jour, de couleurs très-réelles, et présentée sous forme de mœurs populaires ; mais le protestantisme y est, il y revient bon gré, mal gré, il ne souffre jamais qu’on le perde de vue, et l’on pourrait intituler cet ensemble de volumes déjà si variés : le protestantisme dans la nature et dans l’art au xixe  siècle. […] C’est toujours un tapis éblouissant, d’une seule nuance, jusqu’à la fin de juin qu’il s’émaille de toutes les teintes, qu’il brille de tous les éclats, que chaque fleur s’ouvre, s’étale et parfume pour son compte. […] La nature toute seule, en effet, n’est pas conseillère du christianisme : elle l’est tout au plus du déisme, d’un déisme élevé, vague, immense, en présence duquel l’homme s’incline et adore. […] Ce parti pris, très sincère — un parti pris pourtant, — ce tour systématique est sensible en plus d’un endroit de ses courses et de ses excursions, soit seule, soit en joyeuse bande. […] ne croyez pas que je regrette un seul des rayons de sa douce auréole !

1895. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « HISTOIRE de SAINTE ÉLISABETH DE HONGRIE par m. de montalembert  » pp. 423-443

Pour le contredire, il faudrait avoir soi-même étudié de très-près et aux sources, seule manière en pareil cas d’avoir conviction et de se sentir autorité. […] L’étude, qui vient à l’appui, a pu vérifier pour lui cette opinion, mais elle n’a pas contribué seule à la faire naître. […] L’effort seul, fût-il incomplet, deviendrait une garantie de prudence. […] Je retrouve dans des notes, écrites pour moi seul, le portrait suivant qui, si je ne me trompe, doit être le sien quand il avait vingt-cinq ans : « Phanor est honnête, élevé de cœur, il a du talent, mais point d’originalité vraie ; et quelle suffisance ! […] Catholique de pied en cap, pourquoi ne trouve-t-il pas dans son cœur une seule petite fibre chrétienne un peu adoucie ?

1896. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre troisième. Les sensations — Chapitre premier. Les sensations totales de l’ouïe et leurs éléments » pp. 165-188

. — Lorsqu’un instrument tranchant s’enfonce dans notre chair, nous souffrons, et cette douleur, prise en elle-même et toute seule, est une sensation proprement dite. […] Chacun de ces sens forme un domaine à part ; ni l’odeur, ni la saveur, ni la couleur, ni le son, ni la sensation du contact ne peuvent être ramenés l’un à l’autre, et, dans chaque sens, il y a plusieurs domaines non moins séparés entre eux ; la saveur salée, la saveur amère et la saveur sucrée, comme le bleu, le rouge et le jaune, comme les sensations de chaleur, de pression, de chatouillement, semblent également irréductibles entre elles. — La seule donnée intrinsèque qu’on trouve commune à tous ces domaines si profondément distincts, c’est le degré d’intensité ; chaque sensation est capable de plus et de moins ; elle est un degré dans une grandeur ; l’odeur, la saveur, le son, la clarté, la pression, peuvent être plus ou moins forts. […] Mais, tandis que la sensation de son musical correspond à une suite de vibrations égales en longueur et en vitesse, celle du bruit correspond à une suite de vibrations inégales en vitesse et en longueur ; d’où l’on conclut que dans le premier cas les sensations élémentaires sont semblables, et dans le second dissemblables ; ce qui explique le nombre infini des sensations de bruit, et l’impossibilité de les grouper, comme celles de son musical, en une seule série ; il n’y a pas de limites aux combinaisons des dissemblables ; n’ayant pas de rapport fixe entre eux, ils ne produisent que le chaos. […] Il se fait ainsi en nous un travail souterrain, infini, dont les produits seuls nous sont connus, et ne nous sont connus qu’en gros. […] Jacques. — « Pour entendre le bruit de la mer quand on est sur le rivage, il faut bien qu’on entende les parties qui composent le tout, c’est-à-dire le bruit de chaque vague, quoique chacun de ces petits bruits ne se fasse connaître que dans l’assemblage confus de tous les autres ensemble et qu’il ne se remarquerait pas si cette vague qui le fait était seule.

1897. (1892) Boileau « Chapitre VI. La critique de Boileau (Fin). La querelle des anciens et des modernes » pp. 156-181

Un seul axiome : rien n’est beau que le vrai ; axiome tout positiviste et qui fonde le caractère expérimental de la théorie. […] Si c’était donc aux anciens que Boileau devait les parties les plus originales et les plus hautes de sa théorie, et si à une sincère admiration pour leurs ouvrages s’ajoutait le sentiment qu’en eux, et en eux seuls, sa doctrine trouvait une confirmation éclatante et complète, on concevra sans peine l’indignation qu’il ressentit quand il vit contester l’autorité et le mérite de la grande antiquité. […] Il s’engageait à faire voir que le siècle de Louis XIV était non pas plus grand à lui seul que tous les siècles passés, mais supérieur à n’importe quel siècle pris à part, même à celui d’Auguste. […] Mais si l’on songe que jusque-là, dans l’Art poétique et ailleurs, Boileau n’avait jamais regardé les œuvres littéraires que dans leur relation au genre, sorte de type analogue aux idées platoniciennes, seul élément d’estimation, et seul principe de classification, dont chaque ouvrage tirait et sa raison d’être et sa valeur, selon qu’il le réalisait plus ou moins complètement : si l’on songe qu’il n’avait jamais demandé que la connaissance des règles et le génie pour la création des chefs-d’œuvre poétiques, et ne croyait pas avoir besoin d’une autre considération pour expliquer que la Pucelle n’égale pas l’Iliade, on comprendra tout le chemin que Perrault fit faire à Boileau.

1898. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre IV. Des figures : métaphores, métonymies, périphrases »

D’autre part, il arrive souvent que rien n’annonce la métaphore : elle se présente toute seule, et si elle est claire et juste, elle n’a pas besoin d’introducteur ; on ne lui demande pas de passeport. […] TRISSOTIN Pour cette grande faim qu’à mes yeux on expose, Un plat seul de huit vers me semble peu de chose. […] Que vous servira d’avoir tant écrit dans ce livre, d’en avoir rempli toutes les pages de beaux caractères, puisque, enfin, une seule rature doit tout effacer : encore une rature laisserait-elle quelque trace, du moins d’elle-même ; au lieu que ce dernier moment, qui effacera d’un seul trait tout notre vie, s’ira perdre lui-même avec tout le reste dans ce grand gouffre du néant… Qu’est-ce donc que ma substance, ô grand Dieu ? […] Et quand Gilbert attaque la coterie encyclopédique : Eux seuls peuvent prétendre au rare privilège D’aller au Louvre, en corps, commenter l’alphabet, Grammairiens jurés, immortels par brevet : s’il eût dit simplement le privilège d’entrer à l’Académie, la moitié de sa pensée fût restée au bout de sa plume.

1899. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre I. Le théâtre avant le quinzième siècle »

Seule la Représentation d’Adam a une valeur littéraire. […] Dans la composition qui nous occupe, le défilé des prophètes est précédé d’un « Adam chassé du Paradis » et d’une « Mort d’Abel » ; ce sont en réalité trois pièces juxtaposées, et l’idée de la Rédemption fait seule l’unité du tout. […] La piété en était un, à cette date, mais non le seul ; et c’était une forme particulière de piété. […] Il survit seul à l’armée chrétienne, et en remercie le saint. […] L’imagination éveillée des poètes picards, ou peut-être la fantaisie originale du seul Adam de la Halle147, saisit la variété et la puissance des effets qui étaient contenus dans la forme de ces « jeux » sacrés.

1900. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Émile Zola, l’Œuvre. »

Le vertueux romancier naturaliste qu’on entrevoyait dans Pot-Bouille, le monsieur du second, le seul locataire propre de la maison de la rue Choiseul, traverse l’Œuvre à la façon d’un bon Dieu, faisant le bien et prononçant des discours. […] Faites donc penser un cerveau tout seul, voyez donc ce que devient la noblesse du cerveau quand le ventre est malade ! […] Mais la physiologie seule l’est encore moins. Il est tout à fait puéril de diviser les romanciers en psychologues, tous idiots ou charlatans, et en physiologistes, seuls peintres du vrai. […] C’est avec sa seule nudité que Christine lutte contre l’ennemie nue.

1901. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IV. Précieuses et pédantes »

Chez l’un comme chez l’autre, le didactisme tue l’art et la vie : il n’y a pas un seul être vivant ou harmonieux parmi tant de Rougon-Macquart, parmi tant de Cavrois-Héricourt. […] L’adjectif est d’ailleurs plus banal ici que chez Barrès ou Paul Adam et seul, je crois, un naturiste oserait dire : « Il admira la moisson féconde, la substance magnifique du pain nécessaire. » Or c’est tout le temps comme ça. […] Montégut, commerçant malin et romancier idiot, tourne la difficulté en mettant deux feuilletons sous un seul titre. […] Dans tous les discours que lui prête le pauvre Montégut, je n’ai trouvé, il est vrai, qu’une seule ironie, mais combien fine : le docteur parle d’une chienne comme s’il s’agissait d’une femme et d’une femme comme s’il s’agissait d’une chienne. […] » L’incohérence n’est pas rare : « Jamais je n’y consentirai en ce moment. » Ni l’incorrection la plus ignorante ou la plus étourdie : « Ils nous ont dit qu’il ne fallait pas convoiter le bien d’autrui, se montrer charitables, ne pas tenir aux choses. » Partout flottent des ombres d’idées banales et l’expression, qui n’est pas plus vivante, ne parvient pas à saisir un seul de ces fantômes.

1902. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le père Lacordaire orateur. » pp. 221-240

Lacordaire s’était fait le raisonnement que voici : La société, à mes yeux, est nécessaire ; de plus, le christianisme est nécessaire à la société ; il est seul propre à la maintenir, à la perfectionner : donc le christianisme est vrai, non pas d’une vérité politique et relative, comme l’admettent bien des gens, mais d’une vérité supérieure et divine : toute autre vérité secondaire serait un compromis et une sorte de malentendu indigne et de la confiance de l’homme et de la franchise de Dieu. […] Par la charité, il n’y eut pas de cœur où l’Église ne pût pénétrer ; car le malheur est le roi d’ici-bas, et, tôt ou tard, tout cœur est atteint de son sceptre… Désormais l’Église pouvait aller avec confiance conquérir l’univers, car il y a des larmes dans tout l’univers, et elles nous sont si naturelles, qu’encore qu’elles n’eussent pas de cause, elles couleraient sans cause, par le seul charme de cette indéfinissable tristesse dont notre âme est le puits profond et mystérieux. […] Dieu, mais Dieu seul, avait vaincu la France, commandée jusqu’à la fin par le génie, et triomphante encore au quart d’heure même qui signalait sa chute. Je ne dirai point les causes de cette catastrophe ; outre qu’elles ne sont pas de mon sujet, il répugne au fils de la patrie de creuser trop avant dans les douleurs nationales, et il laisse volontiers au temps tout seul le soin d’éclaircir les leçons renfermées par Dieu même au fond des revers. […] Dès les deux heures du matin, quelquefois plus tôt, il était debout ; c’était le temps où le travail domestique recommençait à la lueur d’une seule et mauvaise lampe.

1903. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Discours sur l’histoire de la révolution d’Angleterre, par M. Guizot (1850) » pp. 311-331

Daunou seul lui fit quelques observations judicieuses, mais timides. […] Guizot seul, mais à toute l’école doctrinaire dont il a été l’organe et le metteur en œuvre le plus actif, le plus influent. […] Voilà la seule philosophie pratique de l’histoire : rien d’absolu, une expérience toujours remise en question, et l’imprévu se cachant dans les ressemblances. […] Pour moi, je crois que, du moment qu’elle y regarde, il lui suffit d’un seul regard et d’une seule mesure pour tous.

1904. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Confessions de J.-J. Rousseau. (Bibliothèque Charpentier.) » pp. 78-97

Voltaire seul n’en avait pas, et sa parole vive, nette, rapide, courait comme à deux pas de la source. […] Enfin, quoi qu’il en soit de la manière dont cet ouvrage peut être écrit, ce sera toujours par son objet un livre précieux pour les philosophes : c’est, je le répète, une pièce de comparaison pour l’étude du cœur humain, et c’est la seule qui existe. […] Cet enfant de métier, qui va jouer avec ses camarades après le prêche, ou rêver seul s’il le peut, ce petit adolescent à la taille bien prise, à l’œil vif, à la physionomie fine, et qui accuse toutes choses plus qu’on ne voudrait, il a plus de réalité que l’autre et plus de vie ; il a de la bonhomie, il a des émotions et des entrailles. […] Avant lui, le seul La Fontaine, chez nous, avait connu et senti à ce degré la nature et ce charme de la rêverie à travers champs ; mais l’exemple tirait peu à conséquence ; on laissait aller et venir le bonhomme avec sa fable, et l’on restait dans les salons. […] S’étant allé promener seul hors de la ville un jour de grande fête, pendant qu’on était à vêpres : Le son des cloches, dit-il, qui m’a toujours singulièrement affecté, le chant des oiseaux, la beauté du jour, la douceur du paysage, les maisons éparses et champêtres dans lesquelles je plaçais en idée notre commune demeure, tout cela me frappait tellement d’une impression vive, tendre, triste et touchante, que je me vis comme en extase transporté dans cet heureux temps et dans cet heureux séjour où mon cœur, possédant toute la félicité qui pouvait lui plaire, la goûtait dans des ravissements inexprimables, sans songer même à la volupté des sens.

1905. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand. (Berlin, 1846-1850.) » pp. 144-164

Je n’en citerai qu’un seul exemple, resté secret jusqu’à ce jour. […] Enfin, s’il est permis d’entrer dans ces particularités, qui ne laissent pas d’avoir leur importance pour le lecteur, je me plaindrai, au nom de la France, qu’il n’existe pas à Paris un seul exemplaire complet des volumes jusqu’ici publiés. […] L’amour de la gloire était la seule chose dont il ne plaisantait jamais17. […] contre les scélérats, répondit Frédéric, j’ai le bourreau, et c’est bien assez. » Non, ce n’est pas assez ; quand on n’a que le bourreau seul, il ne suffit pas. […] Les Mémoires de Brandebourg sont la seule partie qui ait paru de son vivant.

1906. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Frédéric le Grand littérateur. » pp. 185-205

Je ne sais si Frédéric ne se fût pas dédit, au cas qu’un malin génie l’eût pris au mot et qu’il lui eût fallu opter tout de bon entre la guerre de Sept Ans et Athalie, ou plutôt je suis bien sûr que le roi, en définitive, l’eût emporté : mais le cœur du poète aurait saigné au-dedans de lui, et il nous suffit, pour le qualifier comme nous faisons, qu’il eût pu hésiter un seul instant. […] Considérant Voltaire de loin et d’après ses seuls ouvrages, l’embrassant avec cet enthousiasme de la jeunesse qu’il est honorable d’avoir ressenti au moins une fois dans sa vie, Frédéric le proclame l’unique héritier du grand siècle qui vient de finir, « le plus grand homme de la France et un mortel qui fait honneur à la parole ». Il l’admire et le salue, comme Vauvenargues bientôt également le saluera, sans rien entrevoir encore des défauts de l’homme, et d’après les seules beautés de son esprit et les grâces de son langage. […] Le roi n’était pas seulement l’homme le plus aimable de son royaume ; si l’on excepte le Milord Maréchal, il était le seul : « Il est presque la seule personne de son royaume, dit d’Alembert, avec qui on puisse converser, du moins de ce genre de conversation qu’on ne connaît guère qu’en France, et qui est devenu nécessaire quand on le connaît une fois. » D’Alembert ne tarit pas sur l’affabilité, la gaieté du roi, les lumières qu’il porte en tout sujet, sa bonne administration, son application au bien des peuples, la justice et la justesse qui se marquent en tous ses jugements.

1907. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « De la poésie et des poètes en 1852. » pp. 380-400

En tenant dans mes mains ces volumes de forme et d’inspirations différentes, mais auxquels un vœu égal a présidé, et dont pourtant un si petit nombre surnage, même un seul instant, j’éprouve un sentiment douloureux de voir tant de peines, tant de soins et de temps perdus autour de chaque œuvre si couvée et si caressée, et qui est déjà tombée du sein paternel dans un monde d’indifférence. […] La poésie, cultivée ainsi en secret et pour elle seule, dans les courts intervalles d’un travail pénible et d’une profession souvent ingrate, tourne au profit de la morale intérieure et devient une délicatesse de l’âme et une vertu. […] Évariste Boulay-Paty, en publiant avec luxe ses Sonnets (1851), au nombre de trois cent trente-huit, dont il n’est pas un seul qui ne soit ciselé avec amour et avec une curiosité infinie, tient aujourd’hui la palme du genre. […] Cette seule nouveauté de situation produit dans l’expression des sentiments naturels et simples un véritable rajeunissement. […] Seuls, les grands blés mûris, tels qu’une mer dorée, Se déroulent au loin, dédaigneux du sommeil : Pacifiques enfants de la terre sacrée, Ils épuisent sans peur la coupe du soleil.

1908. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — I. » pp. 401-420

Il se trouva que la princesse des Ursins réunissait seule les conditions difficiles de cet emploi : elle avait habité l’Espagne, en savait la langue et les usages, y jouissait de la grandesse par son mari. […] Pendant la campagne d’Italie que voulut faire Philippe V, Mme des Ursins, selon les devoirs et les prérogatives de sa charge, ne quitta pas un seul instant la reine : elle assistait chaque fois avec elle aux séances de la Junte, et, sous prétexte de l’initier aux affaires, elle-même elle en pénétrait le secret. […] Plus je les vois de près, et moins je trouve qu’ils méritent qu’on ait pour eux l’estime que je croyais qu’on ne pouvait leur refuser. » Selon elle, cette nation, en la personne de ses grands, ne s’était donnée à un fils de France que dans la pensée que la France seule la pourrait défendre et protéger. […] Un jour que Louville entrait avec le duc de Medinaceli dans l’appartement de Mme des Ursins, où celle-ci les introduisait pour causer plus librement, d’Aubigny, qui était installé au fond, ne voyant que la princesse et la croyant seule, se mit à l’apostropher en des termes d’une familiarité brusque, et des plus crus, qui mirent tout le monde dans la confusion. […] Il fallait donc rappeler mon ambassadeur, vous abandonner à la princesse des Ursins et la laisser seule gouverner vos royaumes, ou la rappeler elle-même.

1909. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — I. » pp. 186-205

Ici la volonté peut beaucoup, et l’on serait coupable de choisir, pour se décourager et se ralentir, le moment où l’activité de tous, au signal et à l’appel d’un seul, reprend l’essor et se déploie. […] Elle réfléchissait dans un âge où l’on commence à peine à penser… L’abbé Barthélemy a peint en mainte occasion Mme de Choiseul ; il l’a placée, elle et son mari, sous les noms de Phédime et d’Arsame dans le Voyage du jeune Anacharsis : « Phédime discerne d’un coup d’œil les différents rapports d’un objet ; d’un seul mot, elle sait les exprimer. […] Les détails où il faut entrer sans cesse, et qui recommencent chaque jour, ne le lassent point ; loin d’être jamais un ennui, ils lui paraissent une source de plaisirs : Consacrons à l’amitié, dit-il, les moments dont les autres devoirs nous permettent de disposer ; moments délicieux qui arrivent si lentement et qui s’écoulent si vite, où tout ce qu’on dit est sincère, et tout ce qu’on promet est durable ; moments où les cœurs à découvert et libres de contrainte savent donner tant d’importance aux plus petites choses, et se confient sans peine des secrets qui resserrent leurs liens ; moments enfin où le silence même prouve que les âmes peuvent être heureuses par la seule présence l’une de l’autre ; car ce silence n’opère ni le dégoût ni l’ennui. […] Lorsqu’il eut été nommé secrétaire général des Suisses, place qui, à elle seule, rapportait au moins 20 000 livres (janvier 1768), on vit, peu de jours après, dans un des bals du carnaval, un grand homme maigre, sec, dégingandé, qui le représentait en caricature, masqué et à moitié costumé en suisse, avec une calotte et un manteau noir ; et une scène se joua entre un compère et le masque : « Qu’est-ce que cela, beau masque ? […] Lui-même, il a l’honneur, je le crois, de ne pas être une seule fois nommé dans les œuvres de ce monarque et de ce despote littéraire du siècle.

1910. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — II. (Fin.) » pp. 246-265

» Il me semblerait étonnant qu’un homme si jaloux de son autorité, doué de tant d’esprit et s’en piquant, eût remis à un autre le soin de transmettre à la postérité des choses dont il possédait seul le secret, et dont il avait fait le plus grand nombre sans partage. […] Avenel, jusqu’au moment ou s’arrête le premier volume de cette publication, c’est-à-dire à l’époque où il rentre au Conseil pour y être désormais le seul maître (1624). […] La rigueur est très dangereuse où personne n’est content ; la mollesse, où il n’y a point de satisfaction, l’est aussi ; mais le seul moyen de subsister est de marier la rigueur avec une juste satisfaction de ceux qu’on gouverne, qui aboutit à punition des mauvais et récompense des bons. […] Ce rôle de l’homme d’État, qui, à chaque moment social, est le principal et le plus actuel, n’est pas le seul, et deux forces en lutte gouvernent le monde. […] Je laisse ces divers problèmes, ces contradictions apparentes de quelques-unes de ses pensées et de ses actes à agiter aux historiens futurs ; la renommée de Richelieu (et la renommée, il l’a dit, est le seul paiement des grandes âmes) ne peut que s’accroître avec les années et avec les siècles : il est de ceux qui ont le plus contribué à donner consistance et unité à une noble nation qui d’elle-même en a trop peu ; il est, à ce titre, un des plus glorieux artisans politiques qui aient existé ; et plus les générations auront été battues des révolutions et mûries de l’expérience, plus elles s’approcheront de sa mémoire avec circonspection et avec respect.

1911. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — II. (Fin.) » pp. 476-495

La seule étude salutaire aux hommes est celle qui nous apprend à vivre avec eux, à les connaître, et celle qui contribue à notre conservation et à notre plaisir : je regarde les autres comme des jouets qui amusent les enfants. […] Pour sentir le prix de ce vœu de Jordan, il faut savoir de quelle importance est à ses yeux sa chère bibliothèque, la seule rivale qu’ait le roi dans son cœur. […] Dans cette disette réelle, ayant essayé vainement d’amener d’Alembert, il y eut un seul homme qui lui fut d’une cordiale ressource pendant de longues années encore, et qui continua de lui procurer le sentiment et l’exercice de cette amitié à laquelle il était destiné par la nature : je veux parler de Milord Maréchal, le noble Écossais, le frère du brave maréchal Keith, tué au service du roi, et le protecteur de Jean-Jacques dans la principauté de Neuchâtel. […] Aussi souvent battu que victorieux ; seul, ayant la moitié de l’Europe sur les bras ; forcé de tenir tête avec cent vingt mille hommes (quand il est au complet) à trois cent mille ; calomnié par d’odieux libelles dont sa mémoire n’a triomphé encore aujourd’hui qu’imparfaitement, il a bien des paroles simples et magnanimes. […] À l’histoire seule appartient le devoir de l’apprécier dans son ensemble, de marquer avec impartialité les mérites, les grandeurs et les défauts du souverain, et de prendre toute sa mesure : c’est assez pour la critique littéraire, si elle a pu rendre sur un point un hommage et une justice bien dus au plus littéraire des rois.

1912. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre III. L’art et la science »

un quart de siècle, et représentez-vous l’incalculable somme de développement intellectuel que contient ce seul mot : tout le monde sait lire ! […] On s’élève seul, sans autre point d’appui que soi. […] Ce philosophe, le même qui mourut, à la lettre, de rire en voyant un âne manger des figures dans un bassin d’argent, avait tout étudié, tout approfondi, écrit sept cent cinq volumes, dont trois cent onze de dialectique, sans en avoir dédié un seul à aucun roi, ce qui pétrifie Diogène Laërce. […] Il savait d’innombrables choses, entre autres celles-ci : — La terre est plate. — L’univers est rond et fini. — La meilleure nourriture pour l’homme est la chair humaine. — La communauté des femmes est la base de l’ordre social. — Le père doit épouser sa fille. — Il y a un mot qui tue le serpent, un mot qui apprivoise l’ours, un mot qui arrête court les aigles, et un mot qui chasse les bœufs des champs de fèves. — En prononçant d’heure en heure les trois noms de la trinité égyptienne, Amon-Mouth-Khons, Andron d’Argos a pu traverser les sables de Libye sans boire. — On ne doit point fabriquer les cercueils en cyprès, le sceptre de Jupiter étant fait de ce bois. — Thémistoclée, prêtresse de Delphes, a eu des enfants et est restée vierge. — Les justes ayant seuls l’autorité de jurer, c’est par équité qu’on donne à Jupiter le nom de Jureur. — Le phénix d’Arabie et les tignes vivent dans le feu. — La terre est portée par l’air comme par un char. — Le soleil boit dans l’océan et la lune boit dans les rivières. — Etc. — C’est pourquoi les athéniens lui élevèrent une statue sur la place Céramique, avec cette inscription : À Chrysippe, qui savait tout. […] Je me souviens qu’étant adolescent, un jour, à Romorantin, dans une masure que nous avions, sous une treille verte pénétrée d’air et de lumière, j’avisai sur une planche un livre, le seul livre qu’il y eût dans la maison, Lucrèce, de Rerum Natura.

1913. (1897) Préface sur le vers libre (Premiers poèmes) pp. 3-38

Le tort ne fut point à qui s’avisa qu’une tragédie pouvait gagner à être resserrée en mêmes lieu, temps et espace, mais au pédant qui en fit une règle générale, de même qu’un pédant du drame aurait tort de proscrire une action rapide et vraisemblable en une seule journée. […] Que Banville a raison dans son texte contre Malherbe et Boileau : les règles draconiennes édictées par le seul Boileau ne se fondent sur rien de sérieux, c’est du pur arbitraire, c’est la volonté d’un critique gâté, s’imposant sans raison ; et Banville dit encore mille fois plus juste quand il déclare, que seule la lâcheté humaine fit qu’on déféra à cette loi, que c’est de par cette lâcheté et cet amour de la servitude qu’après Lamartine, Hugo, Gautier, Leconte de l’Isle, on en discutait encore. […] Nous considérons les strophes incluses en ce volume et dans nos autres livres comme des agencements, utiles momentanément, rendus stricts pour cette seule occasion. […] Sans admettre que le vers devienne un verset complet, et là le goût et l’oreille sont suffisants pour avertir le poète, on peut grouper en un seul vers trois ou quatre éléments ayant intérêt à ce que leur jaillissement soit resserré.

1914. (1889) Émile Augier (dossier nécrologique du Gaulois) pp. 1-2

On ne citera pas une seule de ses pièces où on ne retrouve cette passionnée tendresse, cette paternelle sévérité, cette affectueuse exigence pour la bourgeoisie dont il partage, à son insu, les goûts, les préjugés et les façons de penser. […] Les derniers moments Ainsi que nous le faisions prévoir hier, Émile Augier, s’est éteint, l’avant-dernière nuit, à deux heures cinquante du matin, sans avoir un seul instant repris connaissance. […] Ceux-ci englobent l’île de Croissy et sont traversés, non loin de là, en aval de la villa, par les deux ponts de Bougival — les deux seuls ponts à péage qui subsistent encore dans les environs, au grand désespoir des habitants des localités voisines. […] À droite de la maison se dressent les écuries, seules dépendances de la propriété. […] Quant à Augier, convaincu de sa puissance théâtrale, il se mit tout seul à l’œuvre, soutenu et encouragé par son condisciple du collège Henri IV, S. 

1915. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une préface abandonnée » pp. 31-76

Il me semble voir une maison dont le vestibule seul aurait été achevé. […] Malgré eux, cher écrivain, vos livres sont bien et dûment des romans, par la seule raison que vous avez collé cette étiquette sur la couverture, — et les meilleurs que je connaisse, puisque j’ai vu pleurer ma maîtresse en lisant Sous les tilleuls. […] » il n’a pas fait pratiquer, soyez-en sûrs, une seule saisie chez son débiteur insolvable. […] — Le Laid seul est littéraire, et je suis son prophète, —  telle est la devise de M.  […] Je ne demande pas à la police littéraire de fermer l’hôtel de Rambouillet, mais je veux que Murger seul y ait la parole.

1916. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Xavier Aubryet » pp. 117-145

Or, tel est et tel fait Xavier Aubryet, le jeune auteur des Jugements nouveaux, qui, par cela seul, justifieront leur titre. […] Dans ce volume, il y a en cause, à une seule exception près, si je ne me trompe, un nombre égal d’artistes et de littérateurs. […] Cela seul donne au livre de Xavier Aubryet une splendeur qui n’est pas la splendeur première venue des pinceaux littéraires actuels. […] Parmi les littérateurs de son recueil, Scribe est le seul dans la contrebande duquel il ait planté bravement sa sonde sans la briser, mais pour les autres, ou elle se casse, ou, ce qui est bien pis, elle ne pénètre pas. […] Folle de l’Allemagne, il aurait bercé sa folie dans ce chef-d’œuvre sur Weber que nous conseillons de lire, et dans cet autre chef-d’œuvre sur Mozart, que nous conseillons de lire encore ; car on n’en saurait rien citer sans citer tout, comme ces roses qui, pour une seule feuille qu’on leur ôte, croulent sur vos mains, ruines parfumées !

1917. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Prosper Mérimée »

d’un seul morceau. […] Pour être plus digne de lui, il veut qu’Henriette devienne une Bélise, et cette nature de Trissotin, qui n’a cessé d’exister, tant qu’il vécut, en Mérimée, malgré ses airs d’homme du monde en cérémonie et de dandy dégoûté, est encore la meilleure raison pour qu’il n’ait jamais été capable de ce bel oubli de tout, excepté d’une seule chose, qu’on appelle l’amour ! […] Après les inexplicables engouements, quand la Critique aura cessé de sonner les cloches comme pour une naissance, la naissance de facultés inconnues et battant neuf dans feu Mérimée, ces lettres, sans amour sincère, sans éloquence de cœur, sans aperçus sur quoi que ce soit, sans un seul jaillissement ou pétillement d’idées ou de mots, montreront un Mérimée bien inférieur à celui de ses œuvres. […] Gustave Planche, esprit exclusivement critique, qui ne pouvait être jamais un roi littéraire, tant sa tête manquait d’imagination par laquelle seule on est roi en littérature ! […] Talleyrand, dit-on, n’écrivit jamais une seule lettre ; Talleyrand, cet homme médiocre qui sentait sa médiocrité et malgré la conscience de l’enchantement de ses manières, n’avait pas tant d’esprit puisqu’il n’avait pas d’âme dessous !

1918. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Macaulay »

Pichot, au contraire, s’est, toute sa vie, tellement frotté à de grands poètes, qu’il a pris je ne sais quels grains de poussière étincelante au velours de ces fleurs lumineuses… Eh bien, pour cette raison-là seule, Amédée Pichot vaut mieux que M.  […] Voilà quels furent, et tout de suite saillants, les caractères primitifs de cet esprit bien né et bien portant, si succulent, si frais et si robuste, d’un sang très pur, sans humour ni humeur, sans enfin une seule des maladies intellectuelles qui font si souvent des esprits anglais, et même des plus grands, ou des maniaques sublimes ou tout au moins des excentriques et des originaux. […] D’ailleurs, Milton n’est pas seul sous le regard de son critique, qui nous fait comprendre son génie en lui donnant pour repoussoir le génie du Dante, c’est-à-dire en mettant, comme Michel-Ange à Saint-Pierre, une difficulté sur une difficulté. […] Mais il est de la nature des esprits très étendus de ne pouvoir conclure, empêchés par le nombre de choses qu’ils voient ; et tel est le seul défaut qu’en cherchant bien on peut trouver à la cuirasse de Macaulay, lequel n’en demeurera pas moins à la tête des critiques de cet âge, qui, tous, sceptiques en plus ou en moins, n’ont pas l’ensemble de ces fortes, saines et brillantes facultés que nous montrent, parce qu’ils nous les montrent presque sans alliage, les Essais littéraires. […] Le seul malheur de la vie de Macaulay fut sa mort prématurée ; mais ce malheur-là, qu’il ne vit pas venir, ne put avoir aucune influence sur son talent, qu’il fallait que la vie meurtrît pour lui donner ses teintes les plus touchantes !

/ 3723