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946. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Aicard, Jean (1848-1921) »

Aicard, c’est une note plus hardie, plus moderne.

947. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Charles Nisard »

Quelle fut l’influence profonde et que nous sentions sur nous, modernes, des travaux et de la personnalité intellectuelle de Juste Lipse, Scaliger et Casaubon ?

948. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (2e partie) » pp. 417-487

Cette définition, que nous n’avons malheureusement rencontrée jusqu’ici dans aucun publiciste moderne, et qui est pour nous à l’état d’évidence, élève le législateur véritable à la dignité d’oracle, fait du commandement un sacerdoce civil, de l’obéissance un devoir, de l’amour de la patrie un culte, et du dévouement des citoyens au gouvernement une sainteté. […] Patriarcale en Orient, théocratique dans les Indes, monarchiquement sacerdotale en Judée et en Égypte, royale en Perse, aristocratique en Italie, démocratique en Grèce, pontificale à Jérusalem et dans Rome moderne, élective et anarchique dans les Gaules, représentative et hiérarchique en Angleterre, chevaleresque et monacale en Espagne, équestre et turbulente comme les hordes sarmates en Pologne et en Hongrie, assise, immobile et formaliste en Allemagne, mobile, inconstante, militaire et dynastique en France, la forme du gouvernement varie partout, la souveraineté jamais. […] Cette propriété de la vie par celui qui la possède est tellement instinctive, unanime et de droit divin, puisqu’elle est d’inspiration de la nature, que vous ne trouvez pas une législation primitive ou un code moderne où elle ne soit écrite à la première page. […] Ce droit d’aînesse, contre lequel l’égalité moderne s’est si énergiquement prononcée, et qu’elle a effacé presque totalement de son code en France, n’a pas été si complétement effacé encore chez les autres peuples, orientaux ou européens, républicains ou monarchiques.

949. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hugo, Victor (1802-1885) »

Les livres où ces détails se trouvent peuvent bien être inconnus d’eux, mais il ne suit pas de là qu’ils le soient de tout le monde… En engageant le Théâtre-Français à jouer toutes les œuvres des maîtres et toutes les pièces notables, depuis Rotrou, comme étude de l’art et de la langue française et comme introduction à la littérature dramatique d’aujourd’hui, nous avons rapporté le drame moderne à M.  […] À l’homme moderne, incroyant et morose, elle est ce qu’est au mahométan le Coran, ou chrétien la Bible. […] Le style moderne est marqué à son empreinte. […] Gustave Flaubert C’est maintenant une opinion généralement reçue dans la critique moderne que cette antithèse du corps et de l’âme qu’expose si savamment dans toutes ses œuvres le grand auteur de Notre-Dame .

950. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre deuxième »

Mais c’est surtout par sa méthode que le père de la philosophie moderne tient une si grande place dans l’histoire de notre littérature. […] Nous avons donné le plus bel exemple, dans le monde moderne, de cette propriété de la vérité, qui est de susciter dans l’esprit qui la possède le désir et le devoir d’en faire part aux autres. […] Ce manifeste de l’esprit moderne contre l’esprit du moyen âge, dans les deux discours préliminaires ; ce titre d’Art de penser, substitué au titre d’Art de raisonner, qui servait à définir la logique ; cette recherche des causes qui font les jugements faux ; l’autorité de la raison proclamée dans les choses de la science : tout cela est cartésien. […] Les grands hommes du dix-septième siècle ont appris de Descartes à connaître le naturel de leur pays, ce naturel qui fait de l’esprit français l’image la plus parfaite de l’esprit humain dans les temps modernes.

951. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre troisième »

Le père de la philosophie moderne, Descartes, n’était l’aîné que de dix ans du père du théâtre, le grand Corneille. […] C’est d’ailleurs à la même tendance d’esprit que répondent les mystères du moyen âge et la tragédie moderne. […] Ainsi, au prologue de la tragédie antique il substitue le premier acte de la tragédie moderne, et il pose cette règle, « que le premier acte doit contenir les semences de tout ce qui doit arriver, tant pour l’action principale que pour les épisodiques ; en sorte qu’il n’entre aucun acteur dans les actes suivants qui ne soit connu par ce premier, ou du moins appelé par quelqu’un qui y aura été introduit. » Le prologue de la tragédie antique, tel qu’Aristote le caractérise, est un artifice dramatique dont la grossièreté ne peut pas être dissimulée par le mérite des paroles : il nous avertit que nous allons assister à un mensonge. Le premier acte de la tragédie moderne, c’est l’action elle-même, où nous entrons si soudainement, que le temps nous manque pour réfléchir qu’il s’agit d’aventures imaginaires et d’un plaisir de convention.

952. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre quatrième. Éléments sensitifs et appétitifs des opérations intellectuelles — Chapitre premier. Sensation et pensée »

Où est-elle donc, cette sensation informe, cette multiplicité, cette manière indéfinie, ἄπειρον, sinon dans l’imagination de Platon et de ses modernes disciples ? […] Reprenons l’exemple des couleurs. — « Voici du bleu et du rouge, disent les modernes disciples de Platon, vous jugez que ces deux couleurs différent ; mais la différence vous apparaît-elle bleue ou rouge ? […] Le tort de Platon et de ses modernes sectateurs est de rechercher l’élément supérieur à la matière, soit dans des objets intelligibles, soit dans des rapports intelligibles, au lieu de le chercher dans l’intelligence seule, dans la conscience : la psychologie moderne, encore un fois, aboutit à cette conclusion que tout objet proprement dit est sensible et que tout rapport d’objets est pour nous sensitif, réductible dans la conscience à un mode complexe de sentir et de faire effort.

953. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — IV. La Poësie dramatique. » pp. 354-420

Mais l’amour qu’il veut bien tolérer au théâtre, est un amour peint de ses propres couleurs & non du faux coloris de nos opéra, de nos romans & de la plupart de nos tragédies modernes ; un amour accompagné de tous ses effets tragiques, du trouble, du crime, des remords, de l’état le plus affreux & le plus capable de guérir de cette passion. […] Quelques modernes parmi eux, ajoute-t-il, ont introduit des héros dans le goût du Titus & de l’Alexandre de Racine ; mais ils l’ont fait sans succès ou avec licence & seulement par occasion . […] Un d’eux porta son jugement sur toutes les Electres anciennes & modernes. […] Quand il porte une vue générale sur la comédie ancienne & moderne, il trouve la différence à notre désavantage.

954. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « De la tradition en littérature et dans quel sens il la faut entendre. Leçon d’ouverture à l’École normale » pp. 356-382

J’y ai bien souvent rêvé, messieurs, et je me suis demandé, sous toutes les formes et en prenant quantité d’exemples particuliers, en me mettant à tous les points de vue ce qu’il en aurait été de la destinée moderne littéraire (pour n’envisager que celle-là), si la bataille de Marathon avait été perdue et la Grèce assujettie, asservie, écrasée avant le siècle de Périclès, lors même qu'elle aurait gardé dans son lointain la large et incomparable beauté de ses premiers grands poètes de l’Ionie, — mais sans le foyer réflecteur d’Athènes. […] Quand on peut voir face à face Platon, Sophocle, Démosthènes, on n’est pas tenté de trop accorder aux modernes, même les plus illustres. […] — Vous qui irez à Athènes, qui y allez tous les jours, vous résisterez de votre mieux à ce renversement des points de vue, même en ce qui est des époques modernes, et si, dans celles-ci, la vérité à tout prix (ou ce qu’on prend pour elle), si la curiosité l’emporte décidément sur l’art, vous ferez du moins que le procédé antique et ce qui en est sorti reste en honneur, un objet de culte et d’étude, présent à la mémoire et à la réflexion des intelligences fidèles que touche encore l’idée de beauté.

955. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure  »

Quoi qu’il en soit de sa théorie, la curiosité de M. de Lescure a voulu suppléer spirituellement au silence d’un grave historien moderne, qui n’avait rien oublié, dans le tableau du règne de Henri IV, que de parler de la belle Gabrielle ; l’omission était piquante2. […] Que de fois, avec nos modernes aussi, vous croyez lire du Sorbière, et vous avez du Pellisson, ou un peu moins que cela ! […] Il en sera ainsi de vous un jour, auteurs modernes si fiers et si vains de la vogue et du bruit ; il en sera ainsi de vos trois cents volumes si vantés, de ces ouvrages même pour lesquels on fait queue à leur naissance, qu’on se dispute à la porte du libraire ou qu’on s’arrache dans la rue au sortir de chez le brocheur.

956. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « L’abbé Prévost »

Quelques-uns, tout bas, la trouvent un peu faible peut-être et par trop simple de métaphysique et de nuances ; mais quand l’assaisonnement moderne se sera évaporé, quand l’enluminure fatigante aura pâli, cette fille incompréhensible se retrouvera la même, plus fraîche seulement par le contraste. […] L’abbé Desfontaines, dans ses Observations sur les Écrits modernes, parmi de justes critiques du plan et des invraisemblances de cet ouvrage, s’est montré de trop sévère humeur contre l’excellent doyen, en le traitant de personnage plat et d’homme aussi insupportable au lecteur qu’à sa famille. […] Nous ne signalerons, entre les productions dernières de sa prolixité, que l’Histoire d’une Grecque moderne, joli roman dont l’idée est aussi délicate qu’indéterminée.

957. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Du génie critique et de Bayle »

Dans l’autre genre de critique, que le mot de journaliste exprime assez bien, je mets cette faculté plus diverse, mobile, empressée, pratique, qui ne s’est guère développée que depuis trois siècles, qui, des correspondances des savants où elle se trouvait à la gêne, a passé vite dans les journaux, les a multipliés sans relâche, et est devenue, grâce à l’imprimerie dont elle est une conséquence, l’un des plus actifs instruments modernes. […] Chouet sur le venin des vipères et sur la pesanteur de l’air, il remarque que c’est là le génie du siècle et des philosophes modernes. […] , I, 184) où il explique pourquoi il n’était pas en bonne odeur de religion. — L’illustre Joseph de Maistre, si acharné aux athées, ne s’est pas montré trop rigoureux à l’endroit de Bayle : « Bayle même, le père de l’incrédulité moderne, ne ressemble point à ses successeurs.

958. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Introduction »

Dans la seconde partie, je compte examiner les gouvernements anciens et modernes sous le rapport de l’influence qu’ils ont laissée, aux passions naturelles aux hommes réunis en corps politique, et trouver la cause de la naissance, de la durée, et de la destruction des gouvernements, dans la part plus ou moins grande qu’ils ont faite au besoin d’action qui existe dans toute société. […] Il faudrait d’abord, en analysant les gouvernements anciens et modernes, chercher dans l’histoire des nations ce qui appartient seulement à la nature de la constitution qui les dirigeait. […] Ne serait-il pas possible que le genre humain, témoin et victime de ce principe de haine, de ce germe de mort qui a détruit tant d’États, pût chercher et trouver la fin du combat de l’aristocratie et de la démocratie, et qu’au lieu de s’attacher à la combinaison d’une balance, qui par son avantage même, par la part qu’elle accorde à la liberté, finit toujours par être renversée : on examinât, si l’idée moderne du système représentatif n’établit pas dans le gouvernement, un seul intérêt, un seul principe de vie, en rejetant toutefois tout ce qui peut conduire à la démocratie ?

959. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. Le théâtre romantique »

Le mélodrame ne reste « classique » que par la rectitude rapide de son action et par la grosse honnêteté bourgeoise de sa morale : au reste, par ses effets de pathétique brutal, par sa prose tour à tour triviale ou boursouflée, par le mélange des genres, par les sujets modernes ou exotiques, par l’exploitation du répertoire allemand ou anglais, il semble bien être un romantisme de la veille796. […] Même dans les sujets modernes, où la couleur locale nécessairement tient moins de place, on trouve dans Richard Darlington tout un tableau consacré à la description pittoresque des élections en Angleterre ; dans Antony, en plein quatrième acte, une conversation littéraire, intéressante du reste et instructive, mais qui devait être plutôt dans la préface que dans le drame. […] Mais ensuite Ponsard revient aux sujets modernes : il tire de l’histoire les scènes saisissantes de Charlotte Corday (1830) et du Lion amoureux (1866).

960. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Voltaire n’a pas connu le cœur de la société moderne. […] Il écrit l’histoire de la société moderne comme un magistrat au criminel fait un réquisitoire ; une seule chose soutient l’un et l’autre contre le dégoût de leur sujet, c’est le désir de gagner leur procès. […] Mais l’ancien me semble avoir un grand avantage sur le moderne.

961. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Discours préliminaire, au lecteur citoyen. » pp. 55-106

Ces deux Prophetes auroient été regardés comme des insensés, & cependant ces Insensés auroient prédit exactement & les effets magiques de la moderne Philosophie qui fascine les Esprits, & la docilité des Esprits qui se laissent fasciner par la Philosophie moderne. […] Mais les sarcasmes, les invectives, les déclamations de la Philosophie moderne contre la puissance & la grandeur, n’empêchent pas que les Philosophes ne trouvent des Grands & des Gens en place qui les protegent, qui les honorent, qui les caressent, & qui emploient quelquefois leur crédit pour imposer silence à leurs Adversaires.

962. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre VIII »

Ainsi que la vertu, le vice a ses degrés, et la pièce aurait pu choisir une petite dame de plus haut étage pour faire débuter la fille moderne au Théâtre-Français. […] Blanche n’est point une héroïne de roman ; c’est une de ces ingénues positive comme la riche bourgeoisie moderne en fabrique tant aujourd’hui. […] On croit entendre un cri espagnol ou romain de Corneille, répété par un écho de la vie moderne.

963. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1861 » pp. 361-395

* * * — Le péril, le grand péril de la société moderne est l’instruction. […] Enfin pour moi, dans les modernes, il n’y a eu jusqu’ici qu’un homme qui ait fait la trouvaille d’une langue pour parler des temps antiques : c’est Maurice de Guérin dans Le Centaure. […] * * * — Parfois, je pense qu’il viendra un jour, où les peuples modernes jouiront d’un dieu à l’américaine, d’un dieu qui aura été humainement, et sur lequel il y aura des témoignages de petits journaux : lequel dieu figurera dans les églises, son image non plus élastique et au gré de l’imagination des peintres, non plus flottante sur le voile de Véronique, mais arrêtée dans un portrait en photographie… Oui, je me figure un dieu en photographie et qui portera des lunettes.

964. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre III. »

À travers des obscurités que la science moderne n’éclaircit pas toujours, deux contrées de l’Orient, habitées de bonne heure par l’espèce humaine, semblent avoir de temps immémorial conçu et répété de tels accents religieux. […] Malgré ce que l’exacte sagacité des modernes et leur subtile esthétique peuvent ajouter à l’intelligence du texte antique, ne croyons pas que ces Hellènes judaïsants du second ou du premier siècle avant notre ère, que les Septante, que plus tard un Origène d’Alexandrie, qu’un saint Jérôme, entre les docteurs de Béthleem, et les pieuses Romaines qui chantaient pour lui les psaumes dans la langue hébraïque, n’aient pas entendu ce texte que rendait avec tant de force une nouvelle diction grecque ou romaine. […] Oui, pour la poésie de David et pour tout le lyrisme hébraïque, encore plus que pour Pindare, si témérairement reconstruit de nos jours, la science moderne ne peut rien démontrer en ce qui touche la forme du mètre, l’exacte mesure des strophes, le mécanisme enfin et l’ensemble de la mélodie.

965. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens, par M. Le Play, Conseiller d’État. »

Il a présenté en traits caractéristiques et non chargés ce type spécial à la civilisation moderne et qui n’y fait guère d’honneur, le propriétaire indigent, avec son bien grevé d’hypothèques et rongé par l’usure. En conséquence, il s’est demandé s’il n’y avait pas quelque remède, un moyen terme à proposer entre le retour impossible à l’ancien régime et le morcellement moderne indéfini.

966. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VIII. De l’éloquence » pp. 563-585

Mais si la méthode et la précision du raisonnement, le style, les idées accessoires sont susceptibles de perfectionnement, les discours des modernes peuvent acquérir, par leur ensemble, une grande supériorité sur les modèles de l’antiquité ; et ce qui appartient à l’imagination même produirait nécessairement plus d’effet, si rien n’affaiblissait cet effet, si tout servait au contraire à l’accroître. […] Un très petit nombre d’hommes se vouait, chez les anciens, à cette morale stoïcienne qui réprimait tous les mouvements du cœur : la philosophie des modernes, quoiqu’elle agisse plus sur l’esprit que sur le caractère, n’est qu’une manière de considérer tous les objets de la vie.

967. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Verlaine, Paul (1844-1896) »

Les efforts contradictoires de sa vie — vers la pureté et vers le plaisir — se coalisent en l’effort de sa pensée, quand sonne l’heure de lui donner la forme artistique, avec une intensité qui le met à part de tous les Modernes (à ce point de vue) et qu’il doit sans doute à sa naïve énergie de vivre… N’ayant que ses passions pour matière de son art, plus factice et plus lâche, il n’eût, comme la plupart de nos poètes français, accumulé que des rimes, sans unité d’ensemble : son instinct vital l’a sauvé, l’instinct triomphant qui n’a pas seulement soumis l’intelligence, mais qui, par un miracle, se l’est assimilée, se spiritualisant vers elle, la matérialisant vers lui, réalisant (au sens étymologique du mot) l’idéal, et puis, pour le conquérir, s’ingéniant, sans laisser jamais l’imagination se prendre à d’autres mirages que ceux de la vie elle-même, tels qu’ils sont peints par le hasard, sur le rideau de nos désirs. […] Cette exaltation violente et sacrée, cette fusion du cœur dans les brasiers du cœur d’un Dieu, cet amour gratuit, affolé, absolu, au-delà de l’enfer et du ciel, au-delà de toute idée de récompense ou de châtiment, cette transe divine n’avait jamais été traduits ainsi, ni dans la littérature française ni dans aucune littérature moderne.

968. (1761) Apologie de l’étude

N’excepterez-vous pas au moins de cette proscription générale, cinq ou six philosophes modernes, et par conséquent privilégiés ? […] En effet, s’ils trouvaient aujourd’hui dans un livre, sans nom d’auteur, que les lettres ne guérissent de rien, qu’elles ne nous apprennent point à vivre, mais à disputer ; que la raison est un mauvais présent fait à l’homme ; que depuis que les savants ont paru, on ne voit plus de gens de bien ; ils ne manqueraient pas d’attribuer cette satire de l’esprit et des talents à quelque déclamateur moderne, ami des paradoxes et des sophismes ; l’antiquité, diront-ils, était trop sage pour penser de la sorte, et encore moins pour l’écrire.

969. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « De Stendhal »

Cette société, en effet, qui recherchait la veille encore les luxuriances et les débauches des esprits outrés et malades, devait trouver le genre de talent de Stendhal trop simple, trop décharné, trop dru pour elle ; car même quand il se crispe et s’affecte, ce n’est jamais de cette affectation moderne qui juche à vide sur de grands mots. […] Car on se demande, en lisant ces lettres, dont quelques-unes valent en critique ce que leur auteur a jamais écrit de plus profond et de plus piquant dans ses livres, on se demande ce qu’il eût été, ce Stendhal-Beyle, s’il avait été spiritualiste et chrétien, c’est-à-dire ce qu’aucune intelligence moderne, ce qu’aucun esprit de ce côté du temps ne peut se dispenser d’être sans à l’instant même se rompre, en plus ou en moins, se dessécher, se rabougrir.

970. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Stendhal » pp. 43-59

Cette société, en effet, qui recherchait hier encore les luxuriances et les débauches des esprits outrés et malades, doit trouver le genre de talent de Stendhal trop simple, trop décharné, trop dur pour elle, car, même quand il se crispe et s’affecte, ce n’est jamais de cette affectation moderne qui juche à vide sur de grands mots. […] Car on se demande, en lisant ces lettres, dont quelques-unes valent en critique ce que leur auteur a jamais écrit de plus profond et de plus piquant dans ses livres, on se demande ce qu’il eût été, ce Stendhal-Beyle, s’il avait été spiritualiste et chrétien, c’est-à-dire ce qu’aucune intelligence moderne, ce qu’aucun esprit de ce côté du temps ne peut se dispenser d’être, sans, à l’instant même, se rompre en plus ou en moins, se dessécher, se rabougrir.

971. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Madame Paul de Molènes »

C’est la femme comme il faut, ce n’est pas la femelle moderne et ornementée de littérature orgueilleuse qui a pu écrire cette noble phrase, qui est un aperçu : « Quand, par la mort ou un changement dans les rôles qui échoient à chacun ici-bas, la femme devient chef de famille, elle perd de ses qualités sans acquérir celles qui lui seraient indispensables. […] Dans les décisions les plus importantes, elle s’est laissée aller aux mille contradictions qui sont dans sa nature », Enfin, il n’y a que la fierté d’une femme comme il faut, ayant horreur des livres modernes et des grossièretés de l’adultère, pour que celle-ci — hardie comme une princesse douairière !

972. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre II. La relativité complète »

Car c’est un fait remarquable que la relativité radicale du mouvement, postulée par Descartes, n’ait pu être affirmée catégoriquement par la science moderne. […] Mais, quoi qu’il arrive, la conception du mouvement spatial que nous trouvons chez Descartes, et qui s’harmonise si bien avec l’esprit de la science moderne, aura été rendue par Einstein scientifiquement acceptable dans le cas du mouvement accéléré comme dans celui du mouvement uniforme.

973. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVII. Des éloges en Italie, en Espagne, en Angleterre, en Allemagne, en Russie. »

Les Italiens modernes, quoiqu’ils descendent presque tous de Gaulois, d’Africains, de Germains, de Goths, de Lombards, d’Allemands et de Français, bien plus que des anciens Romains, aiment toujours la langue qu’on parlait autrefois au Capitole : elle leur rappelle qu’ils ont été les maîtres du monde. […] Au reste, de toutes les nations modernes, les Italiens sont peut-être ceux qui ont rendu le plus d’hommage à leurs hommes illustres.

974. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VIII. »

Sans doute, il s’y souvient encore et du penchant au plaisir, et des libres idées de sa première patrie ; mais il y mêle un sentiment moral, que relève l’accent de la poésie, pt qu’on n’attendrait pas d’un prétendu devancier du matérialisme moderne. […] La terre les a lancées vers le radieux foyer du soleil infatigable, qui les renvoie au tourbillon de l’éther ; chaque élément les reçoit rejetées par un autre, et tous en ont horreur. » Une découverte récente nous a fait connaître encore quelques débris de cette antique poésie, dont la philologie moderne rétablit quelquefois à grand hasard les mètres décomposés.

975. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de mademoiselle Bertin sur la reine Marie-Antoinette »

Le seizième siècle eut la docte manie des commentaires ; on se pique aujourd’hui d’en rire : serait-ce pour faire grâce à une prétention moderne qui n’a pas du moins pour elle le désintéressement ?

976. (1875) Premiers lundis. Tome III « Viollet-Le-Duc »

Il s’étonne ailleurs de la prédilection que certains écrivains de l’école dite moderne ont marquée pour ces devanciers du XVIe siècle : il les accuse presque d’inconséquence ; mais lui-même il est obligé de convenir pourtant que les critiques purement classiques sont restés bien courts sur ces matières, et il n’a d’autre parti à prendre, le plus souvent, que de les contredire et de les réfuter.

977. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XXII. L’affichage moderne » pp. 283-287

L’affichage moderne L’affiche illustrée (œuvre imprimée, qu’il faut donc mentionner ici) dont les oisifs regardent la pose toute fraîche et toute humide, admirant comment le mauvais et mince et tortillé chiffon sorti de la blouse grise affecte vite sur le renforcement du mur une allure de tableau et sous la décharge du pinceau un bel air verni, l’affiche illustrée est au juste, à cette heure, une industrie charmante qu’on est en train de gâcher.

978. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 145-150

Désormeaux doit occuper une place distinguée parmi nos Biographes modernes.

979. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 293-297

La Grece leur dressoit des Autels, Rome leur élevoit des Statues ; dans nos Gouvernemens modernes, l'Eloquence leur paye un tribut dont ils ne s'enorgueilliroient pas moins, s'il n'étoit réservé qu'au vrai talent, & si le grand nombre d'hommes obscurs qui le partagent, ne l'avoient, pour ainsi dire, avili.

980. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 309-314

Vous gémissez pathétiquement & pleurez à bon droit sur l'abomination de la désolation qu'annonce la Philosophie moderne & diabolique, en versant, comme elle fait, le poison de l'indépendance & de l'irréligion dans le cœur de nos jeunes gens.

981. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Préface »

Ainsi il y aurait, entre les esprits, des liens électifs plus libres et plus vivaces que cette longue communauté du sang, du sol, de l’idiome, de l’histoire, des mœurs qui paraît former et départager les peuples ; ceux-ci ne seraient pas divisés par d’irréductibles particularités comme l’école historique moderne s’est appliquée à le faire admettre ; la France, l’Allemagne plus encore, dont la littérature est grecque et cosmopolite, aurait conservé intacte une sorte d’humanité générale et large, toute à tous, sensible à l’ensemble des manifestations spirituelles de l’espèce, payant cet excès de réceptivité par quelque défaut de production originale, le compensant en universelle intelligibilité, réduite à emprunter souvent et à ouvrer pour ainsi dire à façon, mais travaillait pour le monde, plutôt foyer de réflexion, de convergence et de rayonnement que flambeau proprement et solitairement éclatant.

982. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre premier. Beaux-arts. — Chapitre III. Partie historique de la Peinture chez les Modernes. »

Partie historique de la Peinture chez les Modernes.

983. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre premier. Du Christianisme dans l’éloquence. »

Les modernes doivent à la religion catholique cet art du discours qui, en manquant à notre littérature, eût donné au génie antique une supériorité décidée sur le nôtre.

984. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Loutherbourg » pp. 224-226

Ce faire de Loutherbourg, de Casanove, de Chardin et de quelques autres, tant anciens que modernes, est long et pénible.

985. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Paul Nibelle »

Gœthe lui-même eût mieux fait de ne pas sortir du monde moderne.

986. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre III. Du temps où vécut Homère » pp. 260-263

Les jeunes esclaves des amants de Pénélope, avec leur beauté, leurs grâces et leurs blondes chevelures, nous sont représentés tels que les recherche la délicatesse moderne. — 8.

987. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre I. Objet de ce livre. — Retour de l’âge divin » pp. 357-361

Néanmoins nous consacrerons à ce sujet un livre particulier, afin d’éclairer les temps de la barbarie moderne, qui étaient restés plus obscurs que ceux de la barbarie antique, appelés eux-mêmes obscurs par le docte Varron dans sa division des temps.

988. (1888) Poètes et romanciers

Chaque livre de ses poèmes exprime une forme spéciale des civilisations antiques ou modernes. […] Le joug semble moins pesant à l’homme moderne qu’à l’homme antique. […] C’est là le vrai sens, la vraie portée de ce poème, si diversement interprété, si rarement compris, et qui restera parmi les tentatives les plus hardies de l’imagination moderne. […] Il semblait, dit un écrivain moderne, que l’image ne pouvait plus qu’appesantir la pensée. […] Il y a eu comme un grand travail d’acclimatation des idées scientifiques dans l’esprit moderne.

989. (1892) La vie littéraire. Quatrième série pp. -362

Ses plus beaux vers insérés dans la Revue moderne, avaient passé inaperçus. […] Ce père est aussi très moderne. […] Et je me persuade que madame de Burne est très moderne et tout à fait éloignée de la nature. […] Elle est la femme moderne, telle que les loisirs, l’oisiveté, la satiété l’ont faite. […] Louis Havet, y déploie toutes les ressources de l’érudition moderne.

990. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

Querelles des anciens et des modernes, des classiques et des romantiques, des réalistes et des idéalistes, que reste-t-il de tout cela ? […] La lutte horrible et moderne des passions et des intérêts a trouvé son héraut dans Balzac. […] En réalité, il n’est pas un ouvrage important dans les temps modernes qui n’ait plus ou moins manifesté l’esprit d’opposition. […] Ce style a inspiré toute la littérature moderne, donnant aux uns son allure, sa saveur générale, aux autres ses recherches et ses agréments plus spéciaux. […]  » Ce besoin de caractériser, de systématiser, d’encadrer ses impressions, ses réflexions et ses tendances est une préoccupation moderne.

991. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXXIII » pp. 332-336

L'orgueil de la vie, l’enivrement de la jeunesse et des sens, c’est là trop souvent l’inspiration unique de la poésie moderne, et il vient un moment où, poussée trop loin, prolongée au delà des termes, cette inspiration sans partage devient imprudence fatale, tourbillon et ruine.

992. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourgogne, par M. Michelet. (suite et fin.) »

Comme un homme du Moyen-Age ou un moderne dans toute la force du terme, il a dû creuser longtemps pour trouver l’eau de son puits, il a dû conquérir sa propre originalité.

993. (1874) Premiers lundis. Tome I « Ch.-V. de Bonstetten : L’homme du midi et l’homme du nord, ou l’influence du climat »

La question des climats n’est pas neuve : Hippocrate dans l’antiquité l’a traitée comme une question d’hygiène ; Montesquieu, dans les temps modernes, l’a envisagée dans son rapport avec le gouvernement, et, par la manière paradoxale et brillante dont il l’a présentée, il l’a remise en problème et en a provoqué une discussion nouvelle.

994. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Sainte-Beuve, Charles-Augustin (1804-1869) »

D’ailleurs, dans le paradis des poètes, ce critique-poète qui a si bien connu, pénétré et peint de main de maître le xviie  siècle, n’aura-t-il pas le droit, si cela lui convient, de s’asseoir à côté de ses maîtres, et de porter, comme eux, pour achever d’ennoblir son nez tout moderne, la majestueuse perruque blonde à la Louis XIV ?

995. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vacquerie, Auguste (1819-1895) »

Son style a la solidité, la vigueur de la belle langue classique, avec un éclat, une couleur, un mouvement tout modernes.

996. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 527-532

D’après cela, que penser de cette éloquence prétendue légere, qui semble être l’unique but de nos Orateurs modernes, & principalement de ceux du Barreau ?

997. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 317-322

On lui a reproché, dans la Société, un égoïsme qui rapprochoit tout de lui-même ; c’est un grand défaut, sans doute, mais on peut le lui pardonner, en ce qu’il a pris soin de le cacher autant qu’il a pu, & qu’il n’a pas cherché à l’inspirer par ses Ecrits, comme nos Moralistes modernes qui en font la base du bonheur de l’humanité, & croient s’acquitter envers la Patrie, envers le genre humain, par un amour universel pour les individus qui le composent.

998. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — J. — article » pp. 519-526

La plupart sont d’un goût & d’une délicatesse capables d’effacer tout ce que la plupart de nos Poëtes fugitifs modernes ont fait de plus passable.

999. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « De la comédie chez les Anciens. » pp. 25-29

Mais c’est en traitant de la Comédie chez les Modernes, que l’on donnera une connaissance plus étendue des principes de ce bel art, et des moyens imaginés pour varier l’instruction et les amusements que la bonne comédie doit offrir à la société chez une nation policée.

1000. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre premier. Que le Christianisme a changé les rapports des passions en changeant les bases du vice et de la vertu. »

Pourquoi les passions qui tiennent au courage sont-elles plus belles chez les modernes que chez les anciens ?

1001. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre IV. Pourquoi les Français n’ont que des mémoires. »

Concluons donc que c’est au changement des affaires humaines, à un autre ordre de choses et de temps, à la difficulté de trouver des routes nouvelles en morale, en politique et en philosophie, que l’on doit attribuer le peu de succès des modernes en histoire ; et, quant aux Français, s’ils n’ont en général que de bons mémoires, c’est dans leur propre caractère qu’il faut chercher le motif de cette singularité.

1002. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Law »

tout économiste moderne doit se sentir des entrailles pour l’homme du système, car c’est de cet homme que date, en France, « cette vive surexcitation de l’industrie » qui a remplacé la grande existence agricole d’autrefois.

1003. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — I »

Les sectaires, et même beaucoup d’esprits modernes, mais simplistes, y voulurent voir une défection.

1004. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIe entretien. L’homme de lettres »

Ce monde ou ce chaos des anciens géographes était à peu près celui des physiciens et des naturalistes modernes. […] Essayons de découvrir ce qu’il doit aux modernes. […] Rousseau, les huit volumes d’œuvres diverses complétèrent sous sa plume et encadrèrent Paul et Virginie, et furent couronnés par un remarquable Essai sur la vie et les ouvrages du Platon de l’amour moderne. […] C’était à mes yeux le saint du royalisme moderne. […] Tels ont été les Égyptiens dans leur décadence, les Grecs du Bas-Empire ; et tels sont, de nos jours, les Indiens, les Chinois, les Grecs modernes, les Italiens, et la plupart des peuples orientaux et méridionaux de l’Europe.

1005. (1900) La culture des idées

Il sera plus à propos, pour achever cette esquisse, qui n’est qu’une méthode, d’essayer l’examen des idées toutes modernes d’art et de beauté. […] L’idée d’art s’est de nouveau souillée à l’idée d’utilité ; l’art est appelé social par les prêcheurs modernes. […] Plus heureux que Platon et que Campanella, les législateurs modernes de l’amour ouvrent une voie où ils ont, hélas ! […] Voyant, par exemple, que la prostitution sévit dans les sociétés modernes, il en conclut immédiatement : la prostitution est un fait social, et lié à une certaine forme de la société. […] Le latin nous apporta la civilisation antique ; l’italien porterait aux hommes futurs la connaissance où le souvenir des civilisations modernes.

1006. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

Vers le même temps où se mettait en marche ce jeune esprit, assurément le moins rêveur, un autre grand talent se déclarait aussi, qui semblait, au contraire, appelé à donner à la moderne rêverie et au monde intérieur son expression la plus suave et la plus ample, la plus enchanteresse et la plus harmonieusement sensible. […] s’écrie-t-il et a-t-il droit de s’écrier dans cet égoïsme de l’artiste amoureux de son objet ; on m’a été prendre Alexandre du fond de l’antiquité, et on me l’a mis là, de nos jours, en uniforme de petit capitaine et avec tout le génie de la science moderne. » Pour la première fois donc l’historien a fait, a voulu faire un ouvrage. […] Il croit volontiers qu’en histoire les modernes ne doivent viser qu’au fait même, à l’expression simple de leur idée : moindres que les anciens à tant d’égards, ils sont plus savants, plus avancés dans les diverses branches sociales, obligés dès lors de satisfaire à des conditions plus compliquées, et leur principal besoin, en s’exprimant, est d’autant plus d’être clair, net, et de tout faire comprendre. […] Les esprits nets, précis, applicables, de ce groupe historique, répugnaient à des tentatives modernes dont les résultats n’étaient point assez dégagés sans doute, mais qui auraient peut-être mérité dans le détail attention et indulgence. […] Thiers exprime plus formellement qu’il n’a fait nulle part ailleurs son idéal de style moderne, tel qu’il l’entend.

1007. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « LEOPARDI. » pp. 363-422

Si ces canzones étaient égales au sujet, je sais bien qu’elles ne manqueraient ni de grandiose ni de véhémence… » Elles en sont empreintes en effet : bien que le sujet en semble aujourd’hui un peu usé, roulant sur cette plainte perpétuelle et cette désolation tant renouvelée depuis Dante, et se prenant à cette moderne Italie, à celle même d’Alfieri, de Corinne et de Childe-Harold, et de laquelle Manzoni a dit qu’elle était Pentita sempre e non cangiata mai, « Repentante toujours et jamais convertie ; » malgré cet inconvénient inévitable en telle rencontre, le poëte se sauve ici du lieu-commun par son impression sentie et profonde. […] Mais, en tout, il semble que Leopardi, parmi les modernes, puisse être dit un poëte du même ordre et de la même variété que Simonide parmi les anciens. […] Nos idées et nos lumières ont pu améliorer l’ordre social, mais je ne sais si les hommes des temps modernes sont meilleurs pour être plus faibles, et les progrès ne sont pas des vertus. » Cette page est un beau commentaire de la manière de sentir de Leopardi. […] Dans la préface qu’il mit au discours de Gémiste Pleton, il conteste l’opinion de son ami Giordani qui avait parlé de ce genre d’exercice comme n’étant profitable que dans l’enfance des littératures ; pour lui il pense, dit-il, que « les livres des Anciens, Grecs ou Latins, non-seulement sur toute autre matière, mais en philosophie, en morale, et en de tels genres dans lesquels les Anciens sont réputés si inférieurs aux modernes, que ces livres, s’ils étaient, moyennant de bonnes traductions, plus généralement répandus qu’ils ne le sont et ne l’ont jamais été, pourraient améliorer beaucoup plus qu’on ne croit les habitudes, les idées, la civilisation des peuples, et à certains égards plus efficacement que les livres modernes. » — Dans la liste des écrits publiées ou inédits de Leopardi nous trouvons, en conséquence, bon nombre de traductions.

1008. (1860) Cours familier de littérature. X « LIXe entretien. La littérature diplomatique. Le prince de Talleyrand. — État actuel de l’Europe » pp. 289-399

La diplomatie de chaque nation est l’expression de son caractère : Égoïste, superbe, religieuse, humanitaire et philosophique, en Angleterre ; Héroïque, généreuse et versatile, en France ; Immorale, cauteleuse et improbe, en Prusse ; Modeste, honnête et intéressée, en Hollande ; Ombrageuse et amphibie, en Belgique ; Persévérante, longanime, sans scrupule, mais non sans honnêteté, en Autriche ; Vaine, chevaleresque et loyale, en Espagne ; Grecque, habile, à petits manèges et à grandes vues, en Russie ; Consommée, universelle, sachant toutes les langues des cabinets, à Rome, Rome, la grande école de la diplomatie moderne, puissance qui ne vit que de politique sur la terre, d’empire sur les consciences, de ménagements avec les cours, de résistance derrière ce qui résiste, d’abandon de ce qui tombe, d’acquiescement aux faits accomplis ; Dépendante et adulatrice, dans les petites cours d’Allemagne et d’Italie, clientes de la force et de la victoire ; Hardie, inquiète, insatiable, en Piémont ; prompte à tout recevoir, quelle que soit la main qui donne ; prête à tout prendre, quelle que soit la main qui laisse envahir ; Alpestre, rude, pastorale, probe, mais intéressée, en Suisse ; non dépourvue d’une sorte d’habileté villageoise, se faisant appuyer par tout le monde, mais n’appuyant elle-même personne contre la fortune ; Enfin, simple et franche en Turquie, jouissance arriérée dans la voie de la corruption des cabinets européens ; puissance de bonne foi, dont la candeur est à la fois la vertu et la faiblesse ; puissance naïve qui n’a jamais eu de diplomatie que la ligne droite ; puissance qui a toujours cru à toutes les paroles, et qui n’a jamais manqué à la sienne ; puissance, enfin, destinée à être la grande et éternelle dupe de tous les cabinets, dupeurs de son ignorance et de sa loyauté. […] Or l’homme qui a le premier et le plus longtemps manié cette diplomatie nouvelle qu’on peut appeler du nom de la révolution française, la diplomatie moderne, la diplomatie de la France, c’est le prince de Talleyrand ; il l’a inspirée, maniée ou gouvernée presque constamment, soit comme membre des comités diplomatiques, en 1789 et 1790, soit comme envoyé secret à Londres, en 1791, jusqu’au 10 août, soit comme ministre des relations extérieures sous la république régularisée du Directoire, soit comme ministre du Consulat, soit comme membre du premier Empire, soit comme ministre de sa propre pensée, ayant pris, de sa pleine audace et de sa propre autorité, la France sous sa responsabilité en 1814, dans le gouvernement provisoire, gouvernement jeté entre la France vaincue et l’Europe armée pour restaurer à la fois la patrie envahie et la monarchie constitutionnelle des Bourbons, soit comme ministre plénipotentiaire et ambassadeur à la fois au congrès de Vienne, soit comme ministre de Louis XVIII à Vienne, à Gand et à Paris, après la seconde restauration des Bourbons, en 1815, soit comme ambassadeur de la royauté d’Orléans en Angleterre, après 1830, soit comme membre principal de la conférence de Londres, en 1831, pour se jeter une dernière fois entre la guerre européenne et la France après la révolution de la Belgique, soit enfin comme membre de la chambre haute et comme oracle consulté et obéi de la diplomatie française, régnant encore du sein de son repos majestueux sur les affaires du monde jusqu’à plus de quatre-vingts ans, soit même encore comme ministre honoraire à son dernier soupir, quand le souverain de la France vint recueillir, une heure avant sa mort, ce dernier soupir comme le secret de la Providence diplomatique, les rideaux fermés, la foule écartée, seul à seul avec l’homme du mystère. C’est donc évidemment dans la pensée, dans les négociations, dans les transactions de ce grand homme d’État, dont la vie se confond avec deux siècles et dix gouvernements de la France, qu’il convient le mieux, selon nous, d’étudier littérairement la conduite des affaires diplomatiques dans le système moderne de l’Europe. […] Ce ministre, plus philosophe et plus libéral qu’on ne le peint généralement aux préjugés populaires de la France, négociait encore secrètement en Hollande avec Danton pour atermoyer la rupture à mort entre les deux peuples modernes qui représentaient la liberté européenne. […] Thiers, l’annaliste le plus scrupuleux et le plus complet des temps modernes, il faut contempler le tableau vivant avec les portraits historiques de toutes ces négociations du consulat.

1009. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (3e partie) » pp. 5-96

Faust existait avant lui, mais à l’état d’embryon que le génie moderne n’avait pas encore regardé. […] « Les noms de Philémon et de Baucis, lui dis-je, me transportent sur la côte phrygienne, et je pense à ce couple célèbre de l’antiquité ; cependant la scène se passe dans l’ère chrétienne, et le paysage est moderne. […] Alors il sent ses ailes pousser dans toute leur envergure, et il monte dans le drame à une hauteur de l’éther où jamais homme, ni antique, ni moderne, n’avait osé regarder. […] XXIII Aussi était-il et est-il resté le génie le plus incontesté de son siècle, et peut-être de tous les siècles modernes au-delà du Rhin et même en deçà. […] La race germanique est évidemment, pour la langue comme pour les idées, un dérivé du Gange ; la misérable littérature imitée de Voltaire sur les bords de la Sprée, avec sa mesquine colonie de demi-philosophes sous l’empire du Denys moderne, Frédéric II, aurait médité et rimaillé pendant tout un siècle sans inventer mieux que Nanine ou la Pucelle d’Orléans, au lieu de ces trois personnages nouveaux à force d’être antiques, Faust, Méphistophélès et Marguerite.

1010. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juin 1886. »

Mais tandis que les vingt-cinq années que Parsifal germait dans l’esprit du Maître sont tout entières de la période de sa pleine maturité, l’idée première de la Gœtterdaemmerung est contemporaine des grandes luttes intestines et extérieures, de l’époque à laquelle Wagner n’avait pas encore rompu avec notre théâtre moderne, l’époque de Tahnhaeuser et de Lohengrin. […] La nécessité d’un choix exclusif s’impose à nos âmes modernes. […] Son développement subit les lois même de tout développement artistique, celles qui régirent (depuis les premières sculptures des Egyptiens, jusque les dessins modernes) les progrès de l’art plastique. […] Le promoteur véritable de la littérature moderne, le seul père intellectuel de nos âges, est le philosophe René Descartes, jamais un homme n’a exercé sur son temps une influence aussi vive que l’a fait sur les pensées et les mœurs du XVIIe siècle cet écrivain peu bruyant. […] J’aime le dernier d’eux, Crime d’Amour, plus peut-être qu’il ne conviendrait : la psychologie y est un peu factice, trop stendhalienne pour les âmes modernes des héros ; le personnage de la femme est pâle, ses pensées enchaînées par des liens sommaires.

1011. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 13, qu’il est probable que les causes physiques ont aussi leur part aux progrès surprenans des arts et des lettres » pp. 145-236

les differentes idées, dit un auteur moderne, sont comme des plantes et des fleurs qui ne viennent pas également bien en toutes sortes de climats… etc. . […] On en compte plusieurs dans les jardins de Versailles, qui sont des originaux de nos sculpteurs modernes. […] Ils firent les deux grouppes qui sont citez aujourd’hui parmi les chef-d’oeuvres de la Rome moderne. […] Comme nous ne faisons pas de triomphe réel, et qu’après nos victoires on ne conduit pas en pompe le triomphateur sur un char précedé de ses captifs, les sculpteurs modernes peuvent se servir, pour embellir leurs arcs allégoriques, des trophées et des armes qu’ils inventent à leur gré. […] Les rélations des voïageurs modernes sont remplies de descriptions des statuës et des bas-reliefs qu’on voit encore dans la Grece et dans l’Asie Mineure.

1012. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Shakespeare »

L’idée d’enseigner est une idée et un pédantisme modernes, et le naïf Shakespeare, qui n’était réfléchi que pour combiner des effets de beauté plus grands ou d’un plus poignant pathétique, ne pensait pas plus à l’enseignement qu’il ne pensait aux masses, qui n’étaient pour lui que son parterre et lui-même. […] L’ordre chronologique est comme une sorte de biographie de la pensée… Malheureusement cet ordre manque entièrement pour Shakespeare, ce poète moderne aussi peu connu qu’un Ancien, dont nous ne sommes séparés que par les quarante-huit heures de deux siècles, mais qui, en bien des choses, est, pour nous, aussi mystérieux que s’il était reculé et enfoncé dans l’ombre du temps. […] Il y a cette nourrice de Juliette, la sœur des Joyeuses Commères de Windsor, vraie comme l’Antique dans Homère, comique comme le Moderne dans Rabelais, et qui montre comment les grands poètes de l’idéal, quand ils s’en mêlent, entendent la réalité ! […] Mais il y a un autre grand conteur moderne auquel Shakespeare fait penser et qu’il semble avoir inspiré dans un de ses plus beaux ouvrages, et c’est Honoré de Balzac. […] Il y a encore, en effet, un dernier morceau de la draperie des temps antiques dans le Roi Lear, mais dans le Père Goriot, il n’y a que le nu du vrai dans la réalité moderne, et c’est peut-être plus puissant Quoi qu’il en soit, je ne crains pas de le dire, moi qui ne sais pas chicaner sa gloire à un homme, parce que cette gloire est nouvelle, Balzac, ce génie universel d’ailleurs comme Shakespeare, quand on le prend dans toutes ses œuvres, est aussi grand pour le moins que Shakespeare dans le Père Goriot.

1013. (1925) Promenades philosophiques. Troisième série

C’est peut-être le seul ton sur lequel il soit possible de parler des religions, surtout des religions modernes, bien connues historiquement. […] Ce qui caractérise en effet les paradis modernes, c’est qu’ils sont terrestres. […] C’est une solution amusante, le mécanisme moderne serait venu heureusement au secours de Fourier. […] Voici les religions et les philosophies modernes, les chrétiens et les spiritualistes qui m’offrent la contemplation de Dieu. […] Nos anciennes corporations ont connu ce principe et les modernes syndicats le font revivre avec une force en partie traditionnelle.

1014. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

Là est la raison de tous les phénomènes que présentent les sociétés anciennes et modernes. […] Aucune des théories de la philosophie moderne ne résista à cette redoutable enquête. […] La voie est frayée, le terrain est préparé, et l’on voit paraître Hume, le père du scepticisme moderne et du néant universel. […] Royer-Collard dans cette grande revue des philosophes modernes. […] Guizot, quand il fut nommé par M. de Fontanes professeur d’histoire moderne, montra la même disposition d’esprit.

1015. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome II pp. 1-419

Guizot l’enseignement de l’histoire moderne, peut-être le jeune ami de M.  […] Guizot désignent, sous le nom d’histoire moderne, l’espace compris entre l’invasion des Barbares et la convocation des États généraux. […] Michelet, en mettant le pied sur le terrain de l’histoire moderne, se trouve dépaysé. […] Or, Louis XI est le premier roi français qui appartienne à l’époque moderne, quoiqu’il plaise à M.  […] Par quel côté Pantagruel, Arnolphe et Zadig se rapprochent-ils des conceptions du moderne historien ?

1016. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. RODOLPHE TÖPFFER » pp. 211-255

Les anciens et la littérature moderne faisaient alors l’objet de ses études. […] Sur les limites du procédé et de l’art ; qu’il est bon que pour chaque homme l’art soit à recommencer ; sur la différence fondamentale de la peinture antique et moderne ; sur le clair-obscur et Rembrandt ; qu’en face de la nature les plus serviles ont été les plus grands, et que c’est bien ici que ceux qui s’abaissent seront élevés ; que la peinture pourtant est un mode, non pas d’imitation, mais d’expression ; il y a là-dessus une suite d’instructifs et délicieux chapitres, où la pensée et le technique se balancent et s’appuient heureusement, où le goût pour la réalité et pour les Flamands ne fait tort en rien au sentiment de l’idéal, où Karel Du Jardin tient tête sans crânerie à Raphaël. […] Le grand historien helvétique, un des plus grands historiens modernes, le vrai peintre et comme le poëte épique des vieux âges, Jean de Muller, est de cette autre Suisse qui n’a point, entre l’Allemagne et elle, les mêmes barrières de croyances et de purisme que la Suisse française se sent à l’égard de la France. […] Genève et la Suisse sont la patrie moderne de l’idylle ; au pied des grands monts, dans ces petits jardin un peu pomponnés, on l’y pratique journellement, et cela même était une raison peut-être pour qu’on n’en écrivît point de distinguées.

1017. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « PARNY. » pp. 423-470

Ce serait vraiment une trop sotte pruderie que celle qui m’empêcherait d’oser parler à ma guise d’un charmant poëte qui a eu, en son temps, de très-vives légèretés et de graves torts, mais qui a occupé une grande place dans la littérature de son siècle et du commencement du nôtre, dont les élégies ont été réputées classiques en naissant, que les plumes les plus sérieuses ont longtemps salué le premier des modernes en ce genre, et dont la mort a été pleurée par nos plus chers lyriques comme celle d’un Anacréon. […] En lisant ces vers, nous sentons s’éveiller et murmurer au dedans de nous cet écho du Vallon : J’ai trop vu, trop senti, trop aimé dans ma vie… On peut dire qu’en général l’élégie de Lamartine commence là où celle de Parny se termine, à la douleur, à la séparation, au désespoir ; mais le poëte moderne a su rajeunir, revivifier tout cela par les espérances d’immortalité et par l’essor aux sphères supérieures : ainsi les plus beaux sonnets de Pétrarque sont ceux qui naissent après la mort de Laure. […] Ici, n’oublions pas que nous sommes dans les temps modernes, et tout de bon (n’en déplaise à Théocrite) dans le siècle de fer de la prose ; l’Hiéron ou le Mécène est un directeur général des droits réunis. […] C’est assez dire d’ailleurs combien il n’eût rien entendu, selon toute probabilité, aux mérites sérieux, aux qualités d’élévation et de haute harmonie qui sont l’honneur de cette lyre moderne.

1018. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 14 mars 1885. »

Il est le contemporain du passé sans cesser d’être moderne. […] Toutes les finesses patientes du vieux génie gothique y sont rassemblées, mais transformées et rajeunies par le génie moderne. […] De ce moment date l’Allemagne moderne. […] On voit là toute l’influence de Wagner sur la manière dont on imagine le théâtre moderne.

1019. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Théâtre » pp. 83-168

Thierry que, si pour les inexpériences scéniques et les détails de métier, nous faisions bon marché de notre pièce, nous la trouvions, avec les critiques les plus autorisés, digne après tout du Théâtre-Français par ses qualités littéraires, par un style que les auteurs des Hommes de lettres, de Sœur Philomène, de Renée Mauperin, de Germinie Lacerteux, ne trouvent pas trop inférieur au style du répertoire moderne de notre grande scène. […] Au contraire, elle mettait en nous la volonté entêtée et presque colère de faire une dizaine de pièces coup sur coup, et cette fois sans aucune concession aux ingénieuses ficelles, au secret, à tout ce charpentage moderne dont n’a jamais usé l’ancien, le classique répertoire. […] Et quand, dans cet acte, nous jetions cette poésie soupirante d’un jeune cœur qui s’ouvre au milieu de tous les bruits d’esprit, de tous les engueulements drolatiques, de toutes les folies cocasses d’une nuit d’Opéra, — pas si réelle qu’on a bien voulu le dire, — nous croyions très sincèrement faire de la fantaisie, — oui, de la fantaisie moderne, s’entend ; car il n’y a pas à recommencer au xixe  siècle, n’est-ce pas, la fantaisie shakespearienne ? […] Alexandre Dumas fils, de l’intervention de M. de Morny, pour faire lever l’interdiction de la Dame aux Camélias. — Et puisque ici les noms de ces deux maîtres du théâtre moderne viennent sous notre plume, disons à M. 

1020. (1870) La science et la conscience « Chapitre I : La physiologie »

Si les mots de physiologie et de psychologie n’ont reçu que depuis la science moderne leur signification propre, il y a longtemps que l’homme physique et l’homme moral étaient l’objet d’observations, d’expériences, d’analyses, de descriptions, de méthodes spéciales de la part des médecins, des savants, des philosophes, des moralistes, des poëtes. […] « A ce point de vue, qui est le seul vrai, les volitions, ainsi que l’admettent plusieurs physiologistes modernes, peuvent et doivent être envisagées comme des phénomènes d’actions réflexes5. » Cette analyse de la volonté n’est qu’une application de la méthode générale de l’auteur, qui, dit-il, pourrait montrer que la plupart des phénomènes de l’entendement se produisent par un mécanisme semblable. […] Les vieilles écoles, les vieilles doctrines métaphysiques, peuvent être emportées par le courant de la science moderne ; la spéculation métaphysique peut changer de méthode ; le matérialisme et le spiritualisme des temps passés peuvent disparaître définitivement de la scène philosophique pour faire place à des idées plus complètes, à des théories plus positives : le problème métaphysique qui les a suscitées restera, non-seulement dans le domaine de l’imagination et du rêve, mais encore dans le domaine de la philosophie la plus sévère, quoi qu’en disent l’école critique de Kant et l’école positiviste de Comte. […] Tout cela se fait en vertu de lois physiques et chimiques que la science moderne est en train de réduire à des lois purement mécaniques.

1021. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Souvenirs et correspondance tirés des papiers de Mme Récamier » pp. 303-319

Un prédicateur disert n’est pas plus attentif à ménager la fin et la chute heureuse de son sermon, — un grand lyrique moderne n’est pas plus préoccupé de clore brusquement chacune de ses pièces par un coup de tonnerre ou par un coup de fouet éclatant, — Mme des Ursins, dans sa correspondance récemment publiée, n’est pas plus ingénieuse à introduire, à varier le compliment obligé et la noble révérence qui termine chacune de ses lettres à la maréchale de Noailles, — le général Bernadotte, dans les billets même qu’il adresse à Mme Récamier, n’est pas plus jaloux d’amener de bonne grâce et de tourner galamment son salut final chevaleresque, — que lui, M. de Montmorency, ne se montre attentif et ingénieux, dans chaque lettre, à insérer et à glisser son petit bout d’homélie. […] Quoi qu’il en soit, l’impression que laisse la lecture parallèle de ces lettres de M. de Montmorency et de M. de Chateaubriand est toute favorable au premier ; sa belle et bénigne figure ressort à nos yeux par le contraste ; et dans les générations modernes, ceux qui auront quelque souci encore de ces choses pourront dorénavant se faire une idée de ce dernier homme de bien des grandes races, de ce dernier des prud’hommes (comme on disait du temps de saint Louis), dont la renommée de vertu avait été jusqu’ici renfermée dans un cercle aristocratique tout exclusif.

1022. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Lettres de Madame de Sévigné »

Monmerqué, le plus instruit et le plus aimable des amateurs, le plus riche en documents, en pièces de toutes sortes, si au fait des sources et si porté à les indiquer, n’avait pas en lui l’esprit de critique et d’exacte méthode qui mène à terme et pousse à la perfection un travail de ce genre ; il fallait qu’un philologue de profession et à la fois ouvert à toutes les belles-lettres, un homme qui a fait ses preuves dans l’érudition antique la plus délicate et la plus ardue, et qui sait, à l’occasion, en sortir, apportât dans cette étude moderne les habitudes de la critique véritable et classique, pour que toutes les garanties, celles de la fidélité et du goût, se rencontrassent réunies : j’ai nommé M.  […] Ainsi pour les textes modernes, mais déjà acceptés, des grands écrivains de la France.

1023. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803, (suite et fin) » pp. 16-34

Avec les modernes, c’est tout différent ; et la critique, qui règle sa méthode sur les moyens, a ici d’autres devoirs. […] Changez les noms, et mettez-en de plus modernes, si vous le voulez : l’épigramme est éternelle.

1024. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. » pp. 31-51

On disait cela à l’auteur de Madame Bovary ; on le pressait de recommencer sans précisément récidiver, d’assurer son précédent succès par un autre un peu différent, mais sur ce même terrain encore de la réalité et de la vie moderne. […] On se le demandait, et bientôt on sut qu’en artiste ironique et fier, qui prétend ne pas dépendre du public ni de son propre succès, résistant à tout conseil et à toute insinuation, opiniâtre et inflexible, il laissait de côté pour un temps le roman moderne où il avait, une première fois, presque excellé, et qu’il se transportait ailleurs avec ses goûts, ses prédilections, ses ambitions secrètes ; voyageur en Orient, il voulait revoir quelques-unes des contrées qu’il avait traversées et les étudier de nouveau pour les mieux peindre ; antiquaire, il s’éprenait d’une civilisation perdue, anéantie, et ne visait à rien moins qu’à la ressusciter, à la recréer tout entière.

1025. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VIII. Les écrivains qu’on ne comprend pas » pp. 90-110

Aussi bien, la distinction moderne des arts et des métiers correspond à une division assez récente du travail, au développement de la mécanique. […] Proust fait parler le poète moderne : « Ce ne sont pas des fantaisies, ce sont des systèmes. » Suit la critique de cette lamentable manie.

1026. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXIV. Arrestation et procès de Jésus. »

Selon nos idées modernes, il n’y a nulle transmission de démérite moral du père au fils ; chacun ne doit compte à la justice humaine et à la justice divine que de ce qu’il a fait. […] La loi mosaïque, dans sa forme moderne, il est vrai, mais acceptée, prononçait la peine de mort contre toute tentative pour changer le culte établi.

1027. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Poésies nouvelles de M. Alfred de Musset. (Bibliothèque Charpentier, 1850.) » pp. 294-310

C’est le même Byron qui disait : « Je suis comme le tigre (en poésie) : si je manque le premier bond, je m’en retourne grommelant dans mon antre. » En général, nos poètes français modernes, Béranger à part, n’ont visé qu’à la poésie de premier bond, et ce qu’ils n’ont pas atteint d’abord, ils l’ont manqué. […] Quand on est d’un âge très jeune, d’une certaine date très récente, c’est par Musset qu’on aborde volontiers la poésie moderne.

1028. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Les romans de M. Edm. de Goncourt » pp. 158-183

Que l’on réfléchisse que cette méthode où le fait concret et caractéristique prime le général, que M. de Goncourt parmi les romanciers observe seul scrupuleusement, est celle des sciences morales modernes, qui l’ont prise aux sciences naturelles ; que M.  […] L’organisation de ses sens et de son style, ressemble à ces instruments infiniment complexes mais infiniment sensibles de la physique moderne qui saisissent des phénomènes et permettent des approximations inconnues aux anciennes machines.

1029. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 16, des pantomimes ou des acteurs qui joüoient sans parler » pp. 265-295

Les deux premiers instituteurs du nouvel art furent donc Pylade et Batylle, qui ont rendu leurs noms aussi célebres dans l’histoire romaine, que le peut être dans l’histoire moderne le nom du fondateur de quelque établissement que ce soit. […] Quelques auteurs modernes ont cru que Neron avoit chassé de Rome tous les comédiens, parce que Tacite, en racontant l’expulsion des pantomimes use du mot general dont on se servoit pour désigner ceux qui joüoient sur le théatre.

1030. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre premier. Considérations préliminaires » pp. 17-40

Dans nos gouvernements modernes, les hommes et les choses sont étroitement unis. […] Nos pères avaient, à mon avis, plus de respect pour les nations : tout à fait dans les temps anciens les rois étaient de race divine ; dans les temps modernes on a cru, d’après l’autorité de l’Écriture sainte, que Dieu lui-même se mêlait de choisir les princes des peuples : il y avait alors une religion sociale ; un roi n’était pas traîné à l’échafaud par ses propres sujets ; il ne tombait pas du trône à la présence d’un chef de bande : la royauté avait ses martyrs, et la patrie ne périssait jamais : le roi était la patrie devenue sensible ; la royauté était une des libertés de la nation, et la plus importante de toutes.

1031. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIX. Mme Louise Colet »

La communiante avec Lamennais, qui communiait aussi avec Garibaldi, le Christ moderne, et qui prend la Révolution italienne pour une hostie, ne pouvait pas la juger… Le livre de l’Italie des Italiens est un acte d’adoration perpétuelle, dans lequel, pour la première fois, et contrairement à la loi de l’amour, celle qui adore ne s’efface pas, ne s’enfonce pas dans l’être aimé. […] Évidemment ce n’est plus là de l’histoire littéraire abaissée, mais des mœurs modernes avachies.

1032. (1903) Propos de théâtre. Première série

Je ne vois guère de tragédie, ou grand drame, antique ou moderne, qui ne porte sur un des trois points suivants : conflit moral, remords, mort ou folie résultant du crime. […] C’est qu’il était moderne, et qu’il était pris entre deux systèmes lyriques, le système ancien dont il aurait voulu retrouver le secret, et le système moderne, le seul dont il pût avoir le sens, et qui est tout différent. Chez les modernes on définit à l’ordinaire la poésie lyrique : l’expression vive, imagée et harmonieuse des sentiments personnels. […] De là, en dehors du chœur, des élégies qui sont ce que les modernes appellent des morceaux lyriques. […] Il l’explique, et son explication est toute une théorie du lyrisme dramatique moderne.

1033. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXIV » pp. 294-298

Mais nous saluons les modernes en passant, et nous y revenons avec empressement, quand nous avons touché le but et affermi notre jugement.

1034. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXXI » pp. 323-327

Il le montre bel esprit éloquent et profond, talent supérieur, caractère faible, et d’une sensibilité inquiète et maladive qui devance certaines tristesses toutes modernes.

1035. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bouchor, Maurice (1855-1929) »

. — Le Faust moderne, histoire humoristique en vers et en prose (1878). — Contes parisiens en vers (1880). — La Messe en ré de Beethoven, compte rendu (1886). — Dieu le veut, drame en cinq actes et six tableaux (1888). — Les Symboles, poèmes (1888). — Tobie, légende biblique en vers et cinq tableaux (1889). — Noël ou le Mystère de la Nativité, en vers (1890). — Trois mystères : Tobie, Noël, Sainte-Cécile (1899). — Les Mystères d’Éleusis, pièce en quatre tableaux, en vers (1894). — Les Symboles, nouvelle série (1895). — Les Chansons de Shakespeare (1896). — Conte de Noël, un acte, en vers (1897). — Chants populaires pour les écoles (1897). — Aux femmes d’Alsace (1897). — Lectures et récitations (1898). — La Chanson de Roland, traduction en vers (1898). — Vers la pensée et vers l’action (1899).

1036. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé aux funérailles de M. Stanislas Guyard, Professeur au Collège de France »

Guyard a largement travaillé pour sa part au grand édifice de la science moderne, dont les profondeurs cachent tant d’efforts anonymes.

1037. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 329-336

Il n’est pas étonnant que les Philosophes modernes aient fait leurs efforts pour associer à leur Secte un génie aussi supérieur.

1038. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Préface »

La philologie moderne et la science des religions comparées ont renouvelé, depuis trente ans, l’interprétation du polythéisme hellénique.

1039. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre VIII. La Fille. — Iphigénie. »

L’observation est bonne en soi ; mais ce que le Père Brumoy n’a pas vu, c’est que l’Iphigénie moderne est la fille chrétienne.

1040. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre II. Amour passionné. — Didon. »

Ce n’est que dans les siècles modernes qu’on a vu se former ce mélange des sens et de l’âme, cette espèce d’amour, dont l’amitié est la partie morale.

1041. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre VI. Amour champêtre. — Le Cyclope et Galatée. »

On sait que les modernes, et surtout les Français, ont peu réussi dans le genre pastoral47.

1042. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 14, qu’il est même des sujets specialement propres à certains genres de poësie et de peinture. Du sujet propre à la tragedie » pp. 108-114

L’épigramme peut tout au plus relever et mettre en son jour quelque circonstance brillante de ces évenemens ; elle peut nous en faire admirer quelque trait, mais elle ne peut nous y interesser. à peine en compte-t-on cinq ou six bonnes parmi les anciennes et les modernes qui roulent sur de pareils sujets.

1043. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes de l’Évangile » pp. 89-93

Les héroïnes de Michelet, toutes ces femmes modernes qui ne sont pas de vraies chrétiennes, toutes ces femmes plus ou moins libres, avec les droits politiques qu’elles rêvent ou jalousent, avec leurs vaniteuses invasions dans les lettres et dans les arts, avec cet amour de la gloire, le deuil éclatant du bonheur, disait madame de Staël, et qui est le deuil aussi de la vertu ; toutes ces femmes, il ne faut pas s’y tromper !

1044. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre IV. De la morale poétique, et de l’origine des vertus vulgaires qui résultèrent de l’institution de la religion et des mariages » pp. 168-173

C’est ce qui doit diminuer l’horreur que nous inspire, dans la douceur de nos temps modernes, la sévérité de Brutus, condamnant ses fils, et de Manlius faisant périr le sien pour avoir combattu et vaincu au mépris de ses ordres.

1045. (1889) Derniers essais de critique et d’histoire

Il va chercher, dans tous les cercles des idées et des histoires modernes ou antiques, des comparaisons et des métaphores capables d’illustrer sa pensée. […] Aujourd’hui nous n’avons ni l’un ni l’autre ; ce Paris moderne, qui donne le ton, est un monde étrange et tout neuf ; or les arts se modèlent sur les goûts, comme un bronze sur un moule. […] Sur le mont Cassin, où le couvent de Saint-Benoît a remplacé un temple d’Apollon, des yeux modernes peuvent contempler le génie du lieu, le plus grandiose amphithéâtre italien, un cirque roussi de montagnes nues. […] Seulement notre Grec est de Paris et a toute la culture moderne. […] Aujourd’hui, avec plus de liberté et d’originalité, il aborde une grande question qui, dans son cadre limité, résume les solutions les plus nouvelles et les plus curieuses de la science moderne.

1046. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance. »

C’est ainsi qu’ayant eu communication des Mémoires, alors manuscrits, de Mme de La Rochejacquelein, revus et en partie rédigés par M. de Barante, il déclarait y avoir trouvé « la jouissance la plus vive que livre puisse jamais procurer. » Il y voyait tout ce qui constitue un morceau accompli d’histoire, « l’harmonie et la justesse d’un style partout adapté à la chose, l’art pittoresque qui met toujours et la scène et les personnages devant les yeux, l’intérêt le plus vif, le plus enthousiaste, le plus vertueux, qu’aucune période de l’histoire moderne ait jamais présenté, un intérêt qui s’attache aux personnes et qui ne se perd jamais dans les masses et les nombres abstraits, comme il arrive trop souvent. » Les Lettres de Mlle de Lespinasse, nouvellement publiées (1809), lui faisaient un effet bien différent ; c’était, pour lui, une lecture singulière qui lui laissait des impressions contradictoires, et où il se sentait quelquefois rebuté par la monotonie de la passion, souvent blessé d’un manque de délicatesse et de dignité dans la victime, mais attaché en définitive par la vérité et la profondeur de l’étude morale : « Un rapprochement, dit-il, que je faisais à chaque page augmentait pour moi l’intérêt de cette Correspondance. […] Sismondi appartient à la classe des historiens moraux ; il est trop porté à expliquer toutes choses, même celles d’un âge très-éloigné et d’une forme sociale toute différente, par les contrastes et les vicissitudes de liberté et de despotisme, de vertu et de corruption, qu’il entend au sens moderne. […] Il a eu le mérite d’y puiser, l’un des premiers, avant les systèmes modernes et tant de découvertes réelles ou prétendues.

1047. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (3e partie) » pp. 5-56

Rousseau et des publicistes modernes, c’est-à-dire pour l’égoïsme individuel contre le dévouement et contre l’intérêt général. […] L’autorité concentrée y devient facilement injuste et oppressive ; le peuple y demande sa place et l’obtient : gouvernement pondéré, monarchie, aristocratie, démocratie, trinité d’Aristote, gouvernements modernes des trois pouvoirs diversement représentés. […] Rousseau, des économistes, des tribuns du peuple, des démagogues de 1793, des saint-simoniens de 1820, des fouriéristes de 1830, des socialistes de 1840, des communistes de 1848, n’a pas d’autres utopies à présenter aux sociétés modernes, en vérité, de si vils et de si grossiers intérêts valent-ils la stérile agitation des utopistes qui les inventent, des populations prolétaires qui les rêvent, des législateurs qui les pulvérisent ?

1048. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre dixième. »

C’est là une des causes de la popularité de La Fontaine, la plus grande popularité littéraire des temps modernes, et certainement de notre pays. […] Homère, Dante, Shakspeare, Corneille, ces pères de l’art antique et de l’art moderne, sont de plus grands hommes. […] Les anciens ne lui gâtaient pas les modernes : Je chéris l’Arioste et j’estime le Tasse   : Plein de Machiavel, entêté de Boccace, J’en lis qui sont du Nord et qui sont du Midi Non qu’il ne faille un choix dans leurs plus beaux ouvrages88 .

1049. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 janvier 1886. »

C’est à cette époque, Wagner nous le dit, que « tout ce que, dans la vie moderne, nous qualifions d’art, cessa pour lui d’exister ». […] C’est en « se détournant du monde qui l’entourait » que Wagner conçut Lohengrin, — en travaillant à la partition, « il se sentait comme dans un oasis au milieu du désert », — notre « théâtre moderne n’existait plus pour lui » (IV, 366 et 379), — l’idée de Bayreuth prenait forme (Tappert, Biogr. ; 83, lettre du 31 août 1847) ; et, cependant, Lohengrin était destiné au théâtre moderne, et son succès était souhaité (IV, 370).

1050. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XII, les sept chefs devant Thèbes. »

Dans les sièges modernes, l’ennemi, tenu à distance par le feu des forts, reste invisible au peuple bloqué. […] Si l’on pouvait étaler en rang, depuis l’antiquité jusqu’à l’âge moderne, tous les cadavres de villes violées et éventrées par l’assaut, on y retrouverait les mêmes plaies atroces, les mêmes empreintes de férocité. […] C’est l’Olophryme ou la Nénie funèbre, perpétuée dans la Grèce moderne, par les Myriologues qui en sont l’écho direct et vibrant ; à Rome, par les Praeficae des obsèques ; en Espagne, par les Endechaderas de los muertos ; par les Voceratrices en Corse et en Sicile.

1051. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre II : Examen critique des méditations chrétiennes de M. Guizot »

On ne peut qu’approuver ce noble désir, et nous ne sommes pas de ceux qui, par haine du christianisme, espèrent et souhaitent qu’il reste en hostilité déclarée avec les principes de la société moderne dans la pensée qu’on en aura plus aisément raison. […] Sans doute nous savons que quelques-uns des esprits les plus éclairés de notre temps font tous leurs efforts pour engager l’Église dans cette voie de liberté et de progrès, dans cette voie de réconciliation avec les principes fondamentaux de l’esprit moderne. […] Or la société moderne prétend ne pas être tolérée ainsi.

1052. (1809) Quelques réflexions sur la tragédie de Wallstein et sur le théâtre allemand

La guerre de trente ans est une des époques les plus remarquables de l’histoire moderne. […] Il serait impossible de transporter sur notre théâtre cette singulière production du génie, de l’exactitude, et je dirai même de l’érudition allemande ; car il a fallu de l’érudition pour rassembler en un corps tous les traits qui distinguaient les armées du xviie  siècle, et qui ne conviennent plus à aucune armée moderne. […] Les édifices modernes se taisent, mais les ruines parlent.

1053. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome II pp. 5-461

D’où vient ce privilège acquis aux habitants de l’ancienne Grèce, de s’être rendus les maîtres de toutes les nations modernes dans la poésie, l’éloquence, et les beaux-arts ? […] mais les modernes sont en cela plus riches que le peuple grec, et de plus, instruits par son érudition première, et par les exemples qu’il a prodigués à la postérité. […] La comédie antique atteignit donc pleinement un point que la moderne touche à peine indirectement. […] L’esprit des gouvernements modernes lui est trop contraire pour qu’elle se renouvelle jamais. […] Il ne faut pas confondre le ridicule général, mobile de la moderne comédie, avec le ridicule public, étonnant et hardi ressort de la comédie ancienne.

1054. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

» Les deux plus illustres exemples de la formation du talent par l’imitation bien comprise, sont Virgile chez les Anciens et Chénier chez les Modernes. […] Lamothe Le Vayer pensait qu’il était plus louable d’emprunter des beautés littéraires aux Anciens qu’aux Modernes. […] Il avoue d’abord que Chateaubriand fut une des mains puissantes qui lui ouvrirent l’horizon de la poésie moderne. […] Il nous reste à montrer le profit d’assimilation qu’on peut retirer par l’imitation de l’art descriptif pris dans les auteurs anciens ou modernes. […] On n’aura plus qu’à appliquer ensuite ce genre de peinture en relief aux choses modernes, à une bataille du XIXe siècle comme à un tableau de nature.

1055. (1936) Histoire de la littérature française de 1789 à nos jours pp. -564

Mme de Staël affirme le progrès, — la supériorité des modernes — la venue et l’avenir d’une grande littérature nouvelle. […] Le monde moderne, selon la Romantique, procède de la conquête germaine et du christianisme. […] La théorie de Fauriel, son super-romanisme qui voyait dans la poésie des troubadours la source de toute la poésie moderne, n’a pas résisté au temps. […] Mais surtout son contact avec la poésie grecque est probablement le plus intime qu’ait connu un homme moderne. […] Il a été la grande révolution littéraire moderne.

1056. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LX » pp. 231-236

On y grossit toutes les horreurs et les trivialités qu’on s’efforce de voir dans le Théâtre grec pour en faire une défense du Théâtre romantique moderne.

1057. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Saint-Georges de Bouhélier (1876-1947) »

 Maurice Le Blond , à propos du collège d’esthétique moderne. — Je n’ai jamais été pour un enseignement esthétique quelconque, et je suis convaincu que le génie pousse tout seul, pour l’unique besogne qu’il juge bonne.

1058. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 512-518

Par cet art, aujourd’hui si négligé, on attache le Lecteur, & on le dédommage de l’ennui cruel, fruit inévitable de la monotonie de nos Poésies modernes.

1059. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 331-337

Tant que les idées de la bonne Comédie subsisteront, son nom sera mis à la tête de tous les Disciples de Thalie, soit anciens, soit modernes.

1060. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 133-139

C'est assez d'assurer que dans ses Comédies on apperçoit des traces de génie capables de lui faire, en ce genre, une réputation plus méritée que celle de la plupart de nos Comiques modernes.

1061. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Art français » pp. 243-257

Préface de la première édition (1881)54 En ce temps, où les choses, dont le poète latin a signalé la mélancolique vie latente, sont associées si largement par la description littéraire moderne, à l’histoire de l’Humanité, pourquoi n’écrirait-on pas les mémoires des choses, au milieu desquelles s’est écoulée une existence d’homme ?

1062. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre X »

Si beaucoup de mots latins n’ont pas gardé en français leur sens originaire, bien des mots du vieux français n’ont plus exactement en français moderne leur signification ancienne.

1063. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre III. Partie historique de la Poésie descriptive chez les Modernes. »

Partie historique de la Poésie descriptive chez les Modernes.

1064. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre V. Histoire littéraire. » pp. 212-219

Le Tableau des révolutions de la littérature ancienne & moderne, traduit de l’italien de M.

1065. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Restout » pp. 187-190

Il est entouré de quelques-uns de ses ministres qui ont à la vérité l’air rustique : ce caractère déplaît fort à nos artistes modernes dont l’imagination captivée par des idées de dignité du dix-huitième siècle, ne remonta jamais dans l’Antiquité ; mais cela me plaît à moi.

1066. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 31, de la disposition du plan. Qu’il faut diviser l’ordonnance des tableaux en composition poëtique et en composition pittoresque » pp. 266-272

Wotton dit qu’il étoit incapable de faire un bon paralelle des poëtes anciens et des poëtes modernes.

1067. (1885) L’Art romantique

Si nous jetons un coup d’œil sur nos expositions de tableaux modernes, nous sommes frappés de la tendance générale des artistes à habiller tous les sujets de costumes anciens. […] — Une seconde phase se produisit dans le mouvement littéraire moderne, qui nous donna Balzac, c’est-à-dire le vrai Balzac, Auguste Barbier et Théophile Gautier. […] Il est en nombreuse et illustre compagnie ; car le vent du siècle est à la folie ; le baromètre de la raison moderne marque tempête. […] Contraint d’entendre souvent les discussions orageuses de la rhétorique et de la grammaire antique aux prises avec la moderne, les querelles vives et spirituelles de M.  […] Ceci est déjà une considération importante, qui témoigne d’une connaissance absolue de tout le possible de la poésie moderne.

1068. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre II. Lord Byron. » pp. 334-423

. —  Conception moderne de la nature. […] » Tristes procédés, emphatiques et vulgaires, imités de Lucain et de nos Lucains modernes, mais qui font effet pendant la chaleur de la première lecture et sur la populace des auditeurs. […] Comment lui montrer ses dieux, les dieux modernes ? […] Chez lui, l’esprit moderne déborde avec calcul du vase étroit où par calcul il semble s’enfermer. […] Combien difficile est une telle œuvre pour un moderne !

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