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1557. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre II. Les directions divergentes de l’évolution de la vie. Torpeur, intelligence, instinct. »

C’est dire que son avenir déborde son présent et ne pourrait s’y dessiner en une idée. […] Ces mots ne donneraient pas une idée exacte de l’évolution, telle que nous nous la représentons. […] Le mot se retourne contre l’idée. […] Des idées nouvelles se lèvent. […] L’animal n’en a probablement aucune idée, même quand il perçoit comme nous les choses étendues.

1558. (1889) La bataille littéraire. Première série (1875-1878) pp. -312

Repoussé partout, lui qui a tout renié, Michel est poursuivi par une idée incessante : le suicide. […] En voici une qui donnera une idée de la manière de l’auteur. […] Je ne crois pas qu’il lui soit possible d’y changer une idée, une phrase, un mot. […] L’Idée de Jean Têterol. — 1875. […] Mais le temps a passé, les idées ont changé.

1559. (1890) La bataille littéraire. Deuxième série (1879-1882) (3e éd.) pp. 1-303

Il se la fouille même un peu trop à mon idée. […] Vous ne pouvez pas vous faire une idée du bonheur de M.  […] Je me faisais alors, il faut vous le dire, des femmes et de l’amour une idée extraordinairement élevée, une idée presque sainte. […] On lira avec plaisir une historiette de pays, fournie par ces idées. […] Ta douleur sera douce par l’idée de sa délivrance et de ce que tu as fait pour lui.

1560. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Ricard, Louis-Xavier de (1843-1911) »

. — L’Idée latine (1878). — La Conversion d’une bourgeoise (1879). — Un poète national, Aug.  […] Emmanuel Des Essarts Ses livres, pénétrés d’idées humanitaires, expriment, dans une langue mâle et hardie, souvent pleine d’ampleur, les tendances et les aspirations les plus généreuses de notre siècle.

1561. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 255-256

L’obscurité de ses idées, & la diffusion de son style, le placent au rang de ces Auteurs qui sont peut-être capables d’étudier avec fruit pour eux-mêmes, mais peu propres à éclairer l’esprit des autres. […] Au reste, s’il faut juger des qualités personnelles de cet Auteur par le nombre & le mérite de ses amis, on ne peut que se former l’idée la plus avantageuse de son caractere.

1562. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 214-215

Aux deux défauts près que nous avons indiqués, cet Auteur, dans les objets qui n’intéressent pas ses idées particulieres, est constamment habile Interprete des Ecritures, Défenseur zélé de l’Eglise, Moraliste éclairé, Prédicateur sensible de la Piété Chrétienne & de ses devoirs. […] Marmontel & Thomas ont lu avec fruit cette Institution, dont ils ont fondu quelques idées, à leur maniere, l’un dans son Bélisaire, l’autre dans l’Eloge de M. le Dauphin.

1563. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome II

Le résultat de ces batailles d’idées était inévitable. […] Il vous apportait, sur le sujet à traiter devant vous, des faits contrôlés et des idées réfléchies. […] Ses distractions étaient quelques dîners dont les convives avaient comme lui le goût passionné des idées. […] Elle devient une capitale de l’empire des idées. […] Les hommes d’État les mieux renseignés n’ont aucune idée exacte sur la valeur des forces en présence.

1564. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) «  Chapitre treizième.  »

Il ne craint pas de laisser, entre les idées importantes, des intervalles que le logicien par procédé remplirait d’idées intermédiaires laborieusement enchaînées. […] Avec ce sermon en projet, il montait en chaire et remplissait ce cadre de mouvements, d’images, de fortes peintures, liées entre elles par les idées principales plutôt que par l’artifice des transitions. […] Il a, dans chaque ordre d’idées, le langage à la fois le plus propre et le plus élevé. […] Pour la propriété du langage, dans tous les ordres de faits ou d’idées, Bossuet est sans égal. […] Tout en s’occupant de ce grand travail, Bossuet eut l’idée d’entreprendre le récit des variations des Eglises protestantes.

1565. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

D’idée principale, il n’y en a ou du moins nous n’y en trouvons pas. […] Il faut lire cet incroyable éloge pour se faire une idée du degré d’admiration de M.  […] Esprit d’homme de lettres, idées moyennes, sensations cordiales bourgeoises — nul plus mauvais « chantre » de l’amour. […] On sait que le mot et l’idée de liberté décuplent le génie de Victor Hugo. […] Non, monsieur, cette idée est bien de moi, je l’assume à votre barbe.

1566. (1888) Épidémie naturaliste ; suivi de : Émile Zola et la science : discours prononcé au profit d’une société pour l’enseignement en 1880 pp. 4-93

Courbet manquait d’élévation dans les idées, et, naturellement, était porté à voir dans toute chose le côté prosaïque et trivial. […] Lisez certaine correspondance de Henri VIII, roi d’Angleterre, avec Luther, le réformateur, et vous en aurez une idée. […] Toute œuvre d’art ou de littérature est conçue en vue d’une idée ou d’un objet principal. C’est sur cette idée, ou cet objet qu’il faut ramener toute l’intensité de lumière, c’est le point culminant qui doit arrêter l’attention. […] Il faut que nous cessions d’établir la réputation, la fortune, la gloire d’écrivains sans idées et sans grandeur.

1567. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. » pp. 124-157

Comme Mme Riccoboni, notre tendre auteur d’élégies semble avoir été de bonne heure poursuivi par l’idée fatale de l’infidélité dont un cœur aimant est victime. Si l’une exprime cette idée fixe par Fanny Butler, par le Marquis de Cressy, par tous ses romans, l’autre la déplore par toutes ses poésies. […] Ce sont là des idées bien tristes ; bien consolantes aussi pourtant ; car la plus douloureuse de toutes serait de penser que nous ne sommes plus rien pour ceux que nous pleurons toujours… « Je cherche quelque soulagement dans le travail. Mais écrire quoi que ce soit m’est impossible, car toutes mes idées retournent vers ma bien-aimée Inès, mon adorable fille absente. […] L’espagnol me plaît par l’idée que notre famille en sort du côté de la mère de papa.

1568. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « MÉLEAGRE. » pp. 407-444

ittré ne rentre pas dans l’ordre d’idées plus expressément littéraires que nous recherchons), on peut se demander quelle œuvre s’est produite en France qui mette l’antiquité grecque de pair avec le mouvement moderne et qui la fasse circuler. […] Venu environ un siècle et demi après Théocrite, après ses diminutifs Bion et Moschus, arrivé le lendemain de la grande moisson, il eut l’idée naturelle de glaner, de choisir dans tout ce qui était épars, de nouer la dîme des gerbes et de les ranger. […] Et pourtant, si l’on se reporte en idée à ce que devaient être ces premières Couronnes de Philippe et surtout de Méléagre, que de douleurs renaissent involontaires, et je dirai presque, que de larmes ! […] Sa Syrie, toute mélangée qu’elle était, la Phénicie d’où sortit Cadmus, ne lui suggéraient pas une idée pareille. […] Comment se fait-il qu’on n’ait pas eu l’idée de percer çà et là ce pays de bocages, et d’en rendre praticable à tous au moins quelques portions ?

1569. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 65-128

Quelle est ton idée en les quittant et en prenant ce déguisement pour me suivre ? […] CCI Je n’avais pas pensé à cela, monsieur, et, tout en déplorant qu’il ne voulût pas suivre mon idée de le faire sauver, je ne pus m’empêcher d’avouer qu’il disait trop juste et qu’à sa place j’aurais certainement dit ainsi moi-même. […] » CCIII À propos des colombes, ma tante, j’ai oublié de vous dire qu’une idée m’était venue, en quittant Hyeronimo, de me servir de ces doux oiseaux pour nos messages de la tour au cachot et du cachot à ma chambre haute. […] — Pauvre enfant, dit-elle, on voit bien que tu as bon cœur, car tu as pâli à l’idée du supplice d’un misérable qui ne t’est rien, pas plus qu’à moi, ajouta-t-elle, et pourtant je n’ai pas pu m’empêcher de pâlir, de trembler et de pleurer moi-même, tout à l’heure, quand j’ai entendu l’officier accusateur du conseil de guerre conclure son long discours par ce mot terrible : « la mort !  […] J’avais déjà mon idée, mon père !

1570. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre I. Les chansons de geste »

Ces hommes sont barbares, violents, brutaux, sans délicatesse, de pauvres et étroits cerveaux peu garnis d’idées : où est la souplesse merveilleuse, la richesse épanouie de l’âme grecque, même aux rudes temps des guerres homériques ? […] Nous tendons à lier nos perceptions, nos idées : nous ne pensons connaître et nous ne croyons réel ou vrai que ce dont nous apercevons les relations. […] On aurait une idée de la façon dont s’organisent les cycles, si l’on regardait cette vingtaine de poèmes qui forment la geste de Guillaume. […] Il y avait là une jolie idée, comique et romanesque à la fois : aussi retrouve-t-on plus d’une fois le brave enfant qui veut se battre et refuse d’étudier. […] Le début du Charroi de Nîmes est peut-être très ancien dans son fond ; mais tel que nous l’avons, c’est une très belle amplification littéraire ; le procédé appliqué au développement de l’idée est sensiblement analogue à celui de la fameuse scène des portraits d’Hernani ; c’est la traduction grandiose d’une idée grande.

1571. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Mme Desbordes-Valmore » pp. 01-46

Ceci n’est point amour en l’air ni paroles de romances. » Et il lui fit, soit de vive voix, soit par lettres (car ces fâcheuses idées lui revenaient plus aigrement quand il était seul) des scènes de jalousie. […] Je ne vois que ceci : il a voulu tromper pour tromper, d’une façon toute désintéressée, sans même l’idée d’un effet comique à produire, et sur un point qui n’importe à personne. […] Tu n’as pas d’idée de Mars, elle y met du cœur et une volonté qui récompense de tout ce que je lui ai porté d’admiration désintéressée dans ma vie. […] Victor Hugo, qui m’a reçue à cœur découvert… Il demeure attaché à l’idée de te ramener à Paris. […] » (Avons-nous, jamais, nous autres cœurs secs que nous sommes, vu Mme de Staël dans nos songes, et avons-nous tressailli de joie à l’idée de retrouver cette dame au Paradis ?

1572. (1912) Enquête sur le théâtre et le livre (Les Marges)

(Pour apprécier les hautes et fortes idées, il faut, en effet, se contraindre, se rassembler et se hausser.) […] Tharaud Nous n’avons aucune idée sur l’objet de votre enquête. […] Les gens les plus dépourvus de littérature, d’idées générales et d’esprit, y peuvent fort bien réussir dans les divers genres qui se sont développés de préférence à Paris, depuis vingt ans surtout. […] Quelques questions de ce genre, ingénieusement posées, ramèneraient vite le public à des idées plus justes sur la hiérarchie littéraire. […] On réédite, en mauvais français, les idées des littérateurs d’hier, et l’on comprend qu’une pareille lecture n’ait aucun attrait.

1573. (1890) L’avenir de la science « XXIII »

Voilà les grands de chair, des fats, des gens sans idée, sans morale, qui ont bien peu fait pour l’humanité. […] Mais, quand le monde sera rationaliste, le plus grand homme sera celui qui aura le plus fait pour les idées, qui aura le plus cherché, le plus découvert. […] Ont-ils cette grossièreté, ce regard émoussé, cette face dégradée qui, je le dis avec tristesse et sans l’idée d’un reproche, est la manière du peuple ? […] Les républicains prétendus austères se font une étrange illusion en croyant qu’on peut bannir de l’humanité l’idée de majesté. […] Voilà le Dieu dont l’idée est innée et qui n’a pas besoin de démonstration.

1574. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Edgar Allan Poe  »

La volition n’avait point disparu, mais elle était sans efficacité… L’eau de rose dont ta tendresse avait humecté mes lèvres, au moment suprême, me donnait de douces idées de fleurs, — fleurs fantastiques infiniment plus belles qu’aucune de celles de la vieille terre…. […] N’étant plus tenu aux semblants de réalité des contes, et libre de manier à son gré des idées purement générales, le poète y passe du physique au métaphysique par de merveilleuses trajectoires. […] L’intrigue sans exemple du Scarabée, la vengeance singulière dans la Barrique d’Amontillado, la stupéfiante idée de songer à décrire les conséquences d’une magnétisation in extremis, l’allégorie de W. […] Analysée en ses éléments, l’idée d’originalité se résout en l’accolement de deux ou plusieurs images qui ne se présentent pas d’ordinaire consécutivement, qui ne s’associent pas dans l’expérience ou la mémoire. […] Et il poursuit ainsi, développant toute la genèse possible du Corbeau, de son idée fondamentale à ses moindres détails.

1575. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — III. (Fin.) » pp. 175-194

La grande lignée de nos rois, les Louis IX, les Charles V, les Louis XII et même les François Ier, en rassemblant sous leur main la France et en augmentant le fonds de la nation, contribuaient cependant, de siècle en siècle, à jeter les fondements de l’idée de patrie. Cette idée avait déjà pris dans le personnage héroïque de Jeanne d’Arc une popularité ineffaçable. […] cette noble idée s’était de nouveau altérée et pervertie au temps de la Ligue. […] On l’a opposé à Colbert ; il est surtout l’opposé de Law, et fermé à toutes les idées modernes de crédit. […] Lui-même il a dû céder quelquefois à un sentiment bien naturel de vieillard et de loyal serviteur voué au deuil, sinon en exagérant le passé, du moins en prêtant à certaines idées qui lui revenaient plus de corps qu’elles n’en avaient eu réellement.

1576. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — I. » pp. 431-451

Ses idées favorites de gouvernement concordent avec celles d’Horace Walpole ; il a placé volontiers, comme ce dernier, son âge d’or historique dans cette merveilleuse période et cette ère élyséenne du siècle des Antonins, « dans laquelle le monde vit cinq bons monarques se succéder sans interruption77 ». […] Il s’arrêtait aux difficultés de détail qui se présentaient, soit philologiques, soit historiques, cherchait à les résoudre, et il entra dès lors en correspondance avec plusieurs savants, Crevier à Paris, Breitinger à Zürich, Gesner à Göttingen ; il leur proposait ses doutes ou ses idées, et il eut le plaisir de voir plus d’une de ses conjectures accueillie. […] Cette Académie des inscriptions et belles-lettres est proprement la patrie intellectuelle de Gibbon ; il y habite en idée, il en étudie les travaux originaux ou solides rendus avec justesse et parfois avec agrément ; il en apprécie les découvertes, « et surtout ce qui ne cède qu’à peine aux découvertes, dit-il en véritable Attique, une ignorance modeste et savante ». […] La lecture en est assez difficile et parfois obscure ; la liaison des idées échappe souvent par trop de concision et par le désir qu’a eu le jeune auteur d’y faire entrer, d’y condenser la plupart de ses notes. […] Aussi lui conseilla-t-il de composer cet ouvrage : « Da facilem cursum, atque audacibus annue coeptis… » L’idée, on le voit, est ingénieuse, et, même sans être autre chose qu’une conjecture, elle mérite qu’on lui sourie.

1577. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — I. » pp. 204-223

Après avoir jeté en passant quelques idées sensées et pratiques sur la réforme à faire dans les études, il arrive à ses années de jeunesse proprement dite : elles furent plus ardentes que romanesques et délicates. […] Au resteh, à cette date, Duclos ne songeait qu’à vivre, à se livrer à l’ardeur et à la fougue de ses sens, à cette vivacité courante de son esprit qui se dépensait chaque jour, qui faisait feu à bout portant ; et l’idée de composer des livres ne lui vint qu’ensuite et par degrés : encore ne s’y appliqua-t-il jamais dans le silence du cabinet, avec cette passion concentrée et dominante qui est le signe et la condition de toute œuvre littéraire mémorable. […] Ses principes, ses idées, ses mouvements, ses expressions sont brusques et fermes. » Il y a plus d’un endroit bien vu et bien rendu, et qu’une étude générale de Duclos ne fait que confirmer ; par exemple : « Il n’a que de l’amour-propre et point d’orgueil. […] C’est ainsi que, dans un chapitre de ses Considérations, il a très bien décrit ce travers du persiflage et de la méchanceté qui fut quelque temps une mode, une fureur, une espèce de grippe qui régnait sur tout Paris, et qui, du cercle brillant des Forcalquier, des Stainville et des duchesse de Chaulnes, gagnait les sociétés même subalternes : il n’était cercle bourgeois se piquant de bon ton, qui n’eût son petit héros de scélératesse, son Cléon : c’est, en effet, le moment où Gresset eut l’idée de faire sa comédie du Méchant (1747). […] J’ai cherché, parmi les portraits dessinés qu’on a de lui, celui qui nous rend le mieux l’idée de sa personne : c’est un portrait dessiné par Cochin et gravé par Delvaux.

1578. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « II » pp. 21-38

Tabareau de Lyon, voilà qu’il plaisante lui-même sur l’idée qu’on pourrait bien pendre Jean-Jacques Rousseau : Je fais mon compliment, monsieur, à la ville de Lyon sur les droits qui lui sont rendus ; mais je ne lui fais point mon compliment si elle pense qu’il y ait jamais eu un projet de déclarer Jean-Jacques le Cromwell de Genève. […] l’idée de Jean-Jacques montant à la potence ne lui arrache plus qu’un éclat de rire. […] Voltaire avait certainement tout l’esprit nécessaire pour être ministre ; mais il ne s’agit pas tant, en politique, d’avoir quantité d’idées que d’avoir la bonne idée de chaque moment et de s’y tenir. […] On l’y retrouve surtout dans les premières années, engendrant encore les tracasseries jusque dans son bonheur, se montant la tête pour son éternelle Pucelle ; car s’il avait eu tort de la faire, elle l’en a bien puni ; il se créait des dangers en idée, se voyait déjà décrété par un parlement, et tenait parfois ses paquets tout prêts, même en plein hiver et pendant les mois de neige, pour pouvoir d’un saut, s’il le fallait, franchir la frontière. […] C’est une noble idée, et qui ne saurait être tout à fait une illusion, que plus un homme est cultivé, et plus il doit être bon ; que dans une position élevée, et avec une renommée toute faite, on est plus aisément impartial et qu’on se doit à tous.

1579. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. (Suite et fin) »

Ayant pris de bonne heure au sérieux, autant et plus que souverain en aucun temps, son rôle et ses attributions de roi, cette idée élevée, ce respect religieux de son état le mena à écrire, à dicter des instructions et des pièces assez nombreuses qui ont été recueillies. […] Un roi, en effet, je veux dire quelqu’un qui est né pour l’être, qui se croit et se sent de race et d’étoffe à cela, soit qu’il s’appuie à la vieille idée du droit divin, ou qu’il s’inspire de la pensée d’une haute mission, suscitée et justifiée par l’attente universelle, doit avoir en soi une noble confiance. Un roi sceptique, ce sont là deux idées qui se repoussent. […] Rousset nous fait si heureusement profiter, me paraît être bien plus dans le vrai quand il nous montre Louis XIV, toutes les fois qu’il dicte ou qu’il écrit, « parlant en roi passionné pour la gloire, appliqué à ses affaires, qui agit par lui-même, qui prend connaissance et qui juge sainement de tout, et qui n’est pas tellement conduit par ses ministres qu’il n’influe beaucoup dans leurs résolutions, par son attention a les examiner et sa fermeté à les soutenir. » Cette conclusion mesurée est moins piquante que l’autre, qui suppose un Louis XIV. toujours maître et souverain en idée, et en réalité toujours dupe. […] Mais, comme phénomène non moins mémorable, il remarque que « dans les diverses classes et jusque dans les rangs les plus élevés de l’ordre social, des hommes se sont produits qui en ont rassemblé en eux tous les traits caractéristiques, au point d’identifier leur nom avec l’idée même de ces rangs et de ces classes, et d’en paraître comme la personnification vivante. » Et il cite pour exemple Louis XIV, que la Nature créa, dit-il, l’homme souverain par excellence, le type des monarques, le roi le plus vraiment roi qui ait jamais porté la couronne.

1580. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Mlle Eugénie de Guérin et madame de Gasparin, (Suite et fin.) »

On aime à paraître se contrarier, même lorsqu’au fond on est d’accord ; cela fait aller la conversation et sortir toutes les idées. […] Ainsi l’on fait en Angleterre, en Amérique ; tous ceux et toutes celles qui se sentent une idée et qui croient avoir quelque chose à dire le disent tout haut, résolument, effrontément, et à leur manière : toutes les originalités sortent, et les singularités aussi. […] Et puis l’ordre d’idées et de sentiments qu’éveille la Joconde n’a aucun rapport prochain ni lointain avec le puritanisme religieux. […] Notez que le chrétien selon Saint-Paul et selon Calvin a bien ses terreurs, mais aussi, une fois entré pleinement dans l’idée de la gratuité de la Grâce, il n’a point les scrupules perpétuels du chrétien catholique ; il marche avec candeur et sécurité dans la joie des enfants de Dieu. […] « La course au lac, il faut bien en parler, mais cela ne se dit pas, il faut le voir ; il faut passer par ces chemins en l’air pour en avoir l’idée.

1581. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire de la Grèce, par M. Grote »

Mais une lecture longue, continue, complète, n’est possible à la plupart même des gens instruits que lorsqu’elle est facile, et l’une des causes qui ont le plus retardé chez nous l’introduction des idées essentielles nées à l’étranger, ç’a été la lenteur des traductions ou importations. […] J’étais accoutumé à considérer comme un ensemble chacun des poëmes d’Homère, et je les voyais là séparés et dispersés, et, tandis que mon esprit se prêtait à cette idée, un sentiment traditionnel ramenait tout sur-le-champ à un point unique ; une certaine complaisance que nous inspirent toutes les productions vraiment poétiques me faisait passer avec bienveillance sur les lacunes, les différences et les défauts qui m’étaient révélés. » Mais n’était-ce qu’une illusion et une complaisance de sentiment, comme Gœthe paraît le croire ? […] On devrait bien une bonne fois, pour édifier la moyenne des gens instruits qui, chez nous, sont si en retard sur les grosses questions et à qui il convient d’offrir les idées sans trop de fatigue, nous traduire exactement et au complet les Prolégomènes de Wolf, qui, dans leur latin original et serré, sont d’une lecture assez rude ; ou les environnerait de notes, d’éclaircissements ; on y joindrait l’indication des travaux qui en sont dérivés et qui s’y rattachent. Comment un de nos jeunes professeurs n’a-t-il pas encore eu l’idée de cette traduction, qui serait mieux qu’une vulgarisation ? […] Rapprochez-la encore des vers 194, 195, 200, 201, 243 à 250 du chant XIX, et voyez si la suite des idées n’est point parfaitement établie.

1582. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « THÉOPHILE GAUTIER (Les Grotesques.) » pp. 119-143

Gautier ne soit pas homme à se laisser prendre en flagrant délit d’un dessein littéraire prémédité et qui aurait l’air sérieux, quoiqu’il se moque lui-même très-agréablement de la plupart des pauvres diables dont il s’est senti d’humeur à s’occuper cette fois, et quoiqu’enfin dans sa post-face (les préfaces sont le pont-aux-ânes, et dans un livre sur les grotesques il est bien permis de les mettre à l’envers) il ait paru faire bon marché de l’effort capricieux et léger qu’il venait de tenter, nous remplirons tout gravement à son égard notre métier de critique, et dussions-nous être réputé de lui bien pédant, bien académicien déjà, nous rendrons justice à l’idée logique de son livre, nous la discuterons, sans préjudice toutefois des brillantes fantaisies et des mille arabesques dont il l’entoure. […] J’avoue humblement que je ne me fais pas de la pédanterie une idée si particulière ni si limitée à telle forme d’affectation ; je pense avec Nicole que c’est un vice, non pas de robe, mais d’esprit, et, au lieu d’appeler pédants d’honnêtes écrivains qui s’appliquent à être exacts quand il importe de l’être, je serais tenté bien plutôt de voir une sorte de pédanterie retournée dans la prétention qu’on affiche de se passer de ces humbles qualités là où elles sont nécessaires. […] Il suffit d’ouvrir, de feuilleter, de lire çà et là ces volumes, pour prendre aussitôt du vieux Colletet une idée plus complète, plus vraie ; on ne le connaît qu’alors dans toute sa bonhomie et toute sa culture gauloise. […] Les contradictions, les inconséquences éclatent dans ses idées comme dans sa manière. […] Racan et même Maynard, avec bien moins de mouvement d’idées sans doute et moins de velléités originales, ont laissé d’eux-mêmes des témoignages poétiques bien supérieurs et encore subsistants51.

1583. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre I. Le théâtre avant le quinzième siècle »

Il est sorti d’un sermon apocryphe de saint Augustin sur cette idée fondamentale que l’Ancien Testament est tout entier une figure et une préparation du Nouveau : l’auteur du sermon traduisit cette idée en évoquant treize témoins prophétiques, qu’il faisait déposer en faveur de la mission de Jésus-Christ. […] Dans la composition qui nous occupe, le défilé des prophètes est précédé d’un « Adam chassé du Paradis » et d’une « Mort d’Abel » ; ce sont en réalité trois pièces juxtaposées, et l’idée de la Rédemption fait seule l’unité du tout. […] Les quarante miracles joués on ne sait dans quel puy, dans l’Ile-de-France, sans doute ou en Champagne, dont un manuscrit nous a présenté le recueil, sont de moindre valeur littéraire, et n’ajoutent pas grand’chose à l’idée qu’on se fait de l’évolution du genre dramatique. […] Vous aurez une idée légère de l’inénarrable pièce où Adam le Bossu a jeté tout à la fois ses rancunes et ses observations, toute son individualité, et la vie de cette ardente commune picarde, et jusqu’aux superstitions légendaires qui, à côté de la religion, maintenaient une idée du surnaturel dans ces natures matérielles : outre le dessin de l’œuvre, outre la verve des scènes populaires, il y a des coins de vraie poésie, tendre ou fantaisiste, où l’on n’accède parfois qu’à travers d’étranges et plus que grossières trivialités.

1584. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le Livre des rois, par le poète persan Firdousi, publié et traduit par M. Jules Mohl. (3 vol. in-folio.) » pp. 332-350

Il est bon de voyager quelquefois ; cela étend les idées et rabat l’amour-propre. […] Il faudrait bien de l’espace pour en donner une idée un peu générale. […] Mohl, on peut se former jusqu’à un certain point une idée du génie personnel de Ferdousi. […] Voltaire n’avait pas lu assurément Ferdousi, mais il a eu la même idée, celle d’un père, dans un combat, aux prises avec son fils, et le tuant avant de le reconnaître. […] Je demande à donner en peu de mots une idée de ce qu’est cet épisode chez Ferdousi.

1585. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Rulhière. » pp. 567-586

    Grimm, si fait d’ailleurs pour goûter Rulhière, avec lequel il avait plus d’un rapport d’esprit, nous l’a représenté à l’une de ces lectures qu’il faisait de sa Révolution de Russie chez Mme Geoffrin, et si l’on s’en tenait à cette page de Grimm, destinée à être lue à Saint-Pétersbourg, on prendrait de Rulhière une idée fort injuste : on le croirait un homme de talent indiscret et étourdi, tandis qu’il n’était rien moins que cela. […] Il avait des idées libérales comme nous dirions, mais il en désirait l’essai, l’application graduelle par les gouvernements et non par les peuples. […] En lui conseillant cette noble revanche du sort, Rulhière montrait qu’il était digne d’en embrasser l’idée élevée et de la comprendre. […] Après cela, j’avouerai que son style est ordinairement périodique (on avait reproché à Rulhière d’avoir la phrase trop longue), c’est-à-dire tel qu’il devait être pour représenter par l’enchaînement des expressions la liaison des idées, pour rapprocher et développer les circonstances des grands événements, et pour conserver à l’histoire sa magnificence et sa dignité. […] Rulhière en eut l’idée : là est son titre, et c’est en quoi, bien qu’il soit demeuré en chemin, nous le saluons aujourd’hui.

1586. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — III. (Suite et fin.) » pp. 242-260

On a besoin d’en prendre idée et de la suivre tant soit peu dans les diverses directions où elle s’est risquée, pour arriver à une conclusion équitable sur la nature de l’homme et sur celle du talent. […] Mais si, malgré la modération que nous nous étions imposée, il nous est échappé quelque expression qu’il désapprouve, nous le prions de nous la pardonner… Nous avons combattu ses idées, sans cesser d’admirer son style… Mirabeau était atteint ; il le désirait peut-être : il s’élança. […] Mais la paternité l’avait ramené d’instinct et en idée au drame moral et vertueux, et il répétait souvent dans sa vieillesse « que tout homme qui n’est pas né un épouvantable méchant, finit toujours par être bon quand l’âge des passions s’éloigne, et surtout quand il a goûté le bonheur si doux d’être père !  […] « Ce qui m’anime en tout objet, dit Beaumarchais, c’est l’utilité générale. » — « À chaque événement important, disait-il encore, la première idée qui m’occupe est de chercher sous quel rapport on pourrait le tourner au plus grand bien de mon pays. » Dans le courant de la guerre d’Amérique, il conçut plus d’une fois de telles idées et les mit en circulation avec bonheur ; comme, par exemple, le jour (1779) où, pour relever le courage des négociants et armateurs, il proposa au ministre de déclarer les protestants désormais admissibles dans les chambres de commerce, d’où ils étaient jusqu’alors exclus ; ou comme ce jour encore où, après la défaite navale de M. de Grasse (1782), il eut l’idée que chaque grande ville offrît au roi un vaisseau de ligne, portant le nom de la cité qui lui en ferait hommage.

1587. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — I. » pp. 322-340

Je ne dirai pas que son image s’est gravée en moi, mais il m’est du moins resté de sa personne une idée qui n’est en rien le contraire du vrai, et que le souvenir et la réflexion peuvent achever très fidèlement. […] Il voit bien, mais par parties ; il a de vives idées, mais elles ne sont ni très variées ni très abondantes : cela devient très sensible quand on le lit de suite et dans sa continuité. […] Courier, on l’a deviné déjà, n’a pas l’ardeur de la guerre, ni l’amour de son métier : homme de la Révolution et de la génération de 89, il en a tout naturellement les idées, mais non la ferveur et la flamme ; il en aime les résultats et il les défendra un jour, mais il n’est pas de ceux qui les arrachent ni qui les conquièrent. […] Aussi, dans ces armées qui portent à travers l’Europe nos idées et des germes féconds jusqu’au sein du désordre, il ne voit, lui, que le désordre même ; et, quand sa moderne patrie est aux prises avec l’antique, il n’hésite pas, c’est la patrie antique qu’il préfère et qu’il venge. […] Au fond de la Calabre, à cette extrémité de la Grande-Grèce, près de Tarente, en face de la Sicile qu’il convoite et qu’il voit là de l’autre côté du canal, « comme de la terrasse des Tuileries vous voyez le faubourg Saint-Germain », il a des accents et des tons pleins de chaleur et de largeur : Quant à la beauté du pays, les villes n’ont rien de remarquable, pour moi du moins ; mais la campagne, je ne sais comment vous en donner une idée : cela ne ressemble à rien de ce que vous avez pu voir.

1588. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — I. » pp. 186-205

Vieux, arrivé au terme d’une existence jusque-là des plus favorisées et des plus également douces, l’abbé Barthélemy se vit tout d’un coup privé par la Révolution de la fortune, de l’aisance et de la liberté ; dans ces instants d’ennui et de retraite, il eut l’idée d’écrire des Mémoires sur sa vie, restés inachevés, mais suffisants, et qui sont la source où l’on apprend le mieux à le connaître. […] Il nous a laissé une idée riante de son enfance au sein d’une famille unie et tendre ; il avait un frère et deux sœurs ; ayant perdu sa mère de bonne heure, il retrouva dans son père une affection toute maternelle. […] Enfin sa moisson augmente, son lot s’accroît ; il sent que son voyage n’aura pas été tout à fait en pure perte : c’était sa crainte en commençant ; cent fois il s’était repenti d’avoir occasionné une dépense inutile : Cette idée, ajoute-t-il naïvement, empoisonnait des moments que j’aurais pu passer avec plus de plaisir. […] Barthélemy avait songé d’abord à faire voyager un étranger, un Français, en Italie, vers le temps de Léon X, et à peindre par ce moyen la pleine et riche Renaissance ; mais, à la réflexion, il se trouva moins propre à un tel sujet, qui le tirait de son domaine favori et le jetait dans un monde d’art, de poésie moderne et de peinture, dans tout un ordre de sujets qui lui étaient médiocrement familiers, et il transporta alors cette idée en Grèce, en supposant un Scythe qui la visiterait vers le temps de Philippe. […] On en peut prendre quelque idée dans la correspondance même de Mme Du Deffand, et dans un petit poème héroï-comique de Barthélemy, appelé La Chanteloupée, qui est d’ailleurs bien frivole.

1589. (1911) Jugements de valeur et jugements de réalité

Les tentatives si souvent faites en vue de réduire les unes aux autres les idées de bien, de beau, de vrai et d’utile sont toujours restées vaines. […] Les périodes créatrices ou novatrices sont précisément celles où, sous l’influence de circonstances diverses, les hommes sont amenés à se rapprocher plus intimement, où les réunions, les assemblées sont plus fréquentes, les relations plus suivies, les échanges d’idées plus actifs : c’est la grande crise chrétienne, c’est le mouvement d’enthousiasme collectif, qui, aux xiie et xiiie  siècles, entraîne vers Paris la population studieuse de l’Europe et donne naissance à la scolastique, c’est la Réforme et la Renaissance, c’est l’époque révolutionnaire, ce sont les grandes agitations socialistes du xixe  siècle. […] Ce n’est plus qu’une idée, un ensemble d’idées. […] Ces idéaux, ce sont tout simplement les idées dans lesquelles vient se peindre et se résumer la vie sociale, telle qu’elle est aux points culminants de son développement. […] Livré à ses seules forces, comment aurait-il pu avoir et l’idée et le pouvoir de se dépasser soi-même ?

1590. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Prosper Mérimée »

C’était un grand maigre, un osseux, et presque une espèce de squelette, mais qui ne rougissait pas plus de sa maigreur qu’une vieille fille anglaise, et qui même eut l’idée d’en tirer parti. […] Et c’est même ce qui peut arriver de plus heureux pour l’honneur de Mérimée, c’est qu’on les oublie ; car, si on s’en souvient, elles diminueront étrangement l’homme qui les a écrites et l’idée qu’on avait de la puissance et de la distinction de son esprit. […] Avant celles-ci, les deux volumes à des Inconnues avaient donné déjà une triste idée de l’âme d’un écrivain surfait par une admiration surprise, et qui, pour ne pas croire à l’âme, méritait bien, du reste, de n’en pas avoir ! […] Excepté ce mot inconséquent sous lequel Mérimée ne pouvait mettre qu’une idée banale, sans aucun sens pour lui, on ne trouve rien dans ces Lettres à Panizzi qui caractérise et honore l’Empire, cet Empire qui l’avait comblé ! […] Cette tête de conteur d’histoires, qui n’a jamais fait véritablement grand dans ses romans et dans ses drames, avait la tête trop petite pour contenir une idée générale ou une philosophie quelconque.

1591. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Jean Richepin »

… Croyez-vous qu’ils feraient — si l’idée leur en venait — La Chanson des Gueux comme M.  […] Il faut convenir que cette idée ne pouvait venir qu’à une tête poétique, et je dirai plus : — à une âme profonde. […] Là il y a réellement de grandes et fortes beautés ; là l’accent profond, la couleur vraie, l’âcre senteur du sujet et en beaucoup de pièces ses lueurs terribles ; car toute misère est terrible quand l’Idée n’est pas là pour la désarmer. […] Mais je ne sache pas que d’être monocorde soit, pour un poète, une infériorité ou une diminution de puissance, quand il tire d’une idée ou d’un sentiment unique la plus étonnante diversité, et l’abondance, de la profondeur. […] Pour donner une idée de l’œuvre de M· Richepin, elle est obligée de renvoyer à son livre, à ce mastodonte qui, s’il disparaissait de la littérature, n’aurait pas de Cuvier ; car on ne reconstituerait pas avec les os de quelques pièces de vers isolées la gigantesque ossature du tout.

1592. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVI. Des oraisons funèbres et des éloges dans les premiers temps de la littérature française, depuis François Ier jusqu’à la fin du règne de Henri IV. »

À l’égard de Henri II, son nom aujourd’hui ne réveille plus l’idée de grandeur. […] Et qui, en voyant sur presque toute l’étendue de la terre, les hommes si malheureux, tant de fléaux de la nature, tant de fléaux nés des passions et du choc des intérêts, le genre humain écrasé et tremblant, éternellement froissé entre les malheurs nécessaires, et les malheurs que l’indulgence et la bonté auraient pu prévenir, peut se défendre d’un attendrissement involontaire, lorsqu’il voit s’élever un prince qui n’a d’autre passion et d’autre idée, que celle de rétablir le bonheur et la paix ? […] C’est ainsi que dans un siècle où l’on n’avait encore aucune idée de la vraie éloquence, la force d’un sujet pathétique et terrible, inspirait aux orateurs ou des mouvements, ou des traits heureux64. […] Le peuple, courbé sous ses travaux, prononce souvent le nom de Henri IV, et attache à ce nom des idées qui l’intéressent. […] Ils s’arrêtent au pied de son cercueil, ils l’examinent, ils l’entourent, ils semblent lui redemander un grand homme, et se livrent avec un mélange d’attendrissement et de terreur à toutes les idées que la vue de ce tombeau leur inspire65.

1593. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [1] Rapport pp. -218

Nul autant que lui n’évoque l’idée d’un Lucifer qui n’accepta point la défaite. […] Je me bornerai donc ici à relater quelques faits, à exprimer rapidement quelques idées, faits et idées sans lesquels s’interromprait la ligne historique de la poésie moderne. […] Ô belle vie, toute vouée à la vertu de l’idée et du labeur ! […] La plupart des poètes conçoivent et expriment une idée, en l’espérance qu’elle se développera, se répandra, se subtilisera, jusqu’à être plus qu’elle-même, sans renier sa source première ; tandis que, pour les Symbolistes, l’expression actuelle de l’idée, et l’idée elle-même, n’importent pour ainsi dire pas, à la condition que le mystérieux prolongement en soit obtenu. […] Pour ce qui est de la gêne qu’elle impose, assure-t-on, rien de plus saugrenu qu’une pareille idée.

1594. (1895) La vie et les livres. Deuxième série pp. -364

L’idée d’une obligation se formait. […] Elle mérite de devenir l’idée fixe de tous les esprits vivants et généreux. […] De même pour l’esprit, ils n’ont plus les idées promptes et libres. […] Une grande idée donne la sensation de l’immensité mieux encore que les profondeurs de l’Océan. […] La grossièreté de leurs sentiments, la platitude et la vulgarité de leurs idées ne le blessent-elles point ?

1595. (1887) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Troisième série pp. 1-326

Krantz prête à Boileau de semblables idées ? […] Krantz, dans l’ordre nouveau des idées et le nouvel arrangement des mots ? […] C’est beaucoup en effet que l’ordre des idées, et c’est quelque chose aussi que l’arrangement des mots. […] Nourrisson n’est pas le premier qui le dise, c’est à Descartes que Pascal aurait dû l’idée de la fameuse expérience du puy de Dôme. […] Contentons-nous, pour fixer les idées, de mettre ici les noms de Vauvenargues et de l’abbé Prévost.

1596. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 128-129

L'idée principale de ce Discours est grande, les tableaux en sont frappans, les détails pathétiques, les preuves lumineuses, le style riche en images & en expressions. […] L'Orateur n'en laisse échapper aucun trait, les fait valoir d'une maniere toujours riche, & soutient jusqu'à la fin l'idée des sacrifices héroïques qu'il avoit à célébrer.

1597. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « [Errata] — Fautes à corriger dans le second Volume. » p. 366

 26, pareilles idées, lis. de pareilles idées.

1598. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XI » pp. 39-46

Une forêt vierge inextricable où l’on aurait mis le feu et d’où sortiraient toutes sortes de bêtes et de tourbillons donne assez l’idée de cette lecture à cauchemar. […] Tout ce qu’il y a de jeune dans le catholicisme en France, tout ce qui est arrivé là par l’imagination, par les idées absolues, par les systèmes, par la tête plutôt que par le cœur, par la mode, les disciples des cathédrales et de l’art chrétien, les convertis du Saint-Simonisme enclins à la théocratie, les hommes venus là au sortir du jacobinisme révolutionnaire ou même sans en sortir (et il y a un noyau dont le type est Buchez), tout cela forme une milice ardente, violente, ou même légère, qui parade dans les églises aux Semaines Saintes, qui guerroie dans les journaux, et qui essaye le tapage aux cours. Il n’y a plus là ombre de la vieille et saine religion gallicane et de cette modération qui marquait ses mœurs comme ses idées.

1599. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Note »

Villemain qui, le premier, eut pour moi cette gracieuse idée en 1829. […] Lorsque M. de Chateaubriand revint de Rome à l’avènement du ministère Polignac, j’allais le voir quelquefois les matins : j’essayais de lui faire agréer les idées et comprendre le sens novateur de la jeune école romantique à laquelle il n’était guère favorable ; il avait fort connu Victor Hugo, mais il ne le voyait pas alors ; je faisais de mon mieux ma fonction de critique-truchement et négociateur. […] J’ai souvent pensé combien, malgré tous les soins qu’on prend pour peindre la société de son temps et pour en donner l’idée aux générations survenantes, on y réussit peu et quelles étranges images s’en font ceux qui se mêlent ensuite d’en écrire.

1600. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Le termite »

Car on peut hésiter entre les deux interprétations, comme vous le verrez par ces deux passages qui vous donneront une idée de la manière de M. Rosny : « Aussi, en Servaise, comme un clou formidable, perpétuelle, obsessionnelle, grandit l’idée de la note, la vie prise telle quelle, la vérité de la vision, de l’ouïe et de l’événement respecté en idole ; le tourment de se supprimer la réflexion et la transformation ; la recherche d’un absolu documentaire », etc… (page 35). […] Il laissa tout crouler, il se courba, il resta dans une morosité végétative, où les idées se tissaient lentes ainsi que des feuilles, moites de larmes intimes, tremblantes d’infinies angoisses… » Ah !

1601. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Sully Prudhomme (1839-1907) »

Théophile Gautier Dans son premier volume, qui date de 1865 et qui porte le titre de : Stances et poèmes, les moindres pièces ont ce mérite d’être composées, d’avoir un commencement, un milieu et une fin, de tendre à un but, d’exprimer une idée précise… Dès les premières pages du livre, on rencontre une pièce charmante, d’une fraîcheur d’idée et d’une délicatesse d’exécution qu’on ne saurait trop louer et qui est comme la note caractéristique du poète : Le Vase brisé… C’est bien là, en effet, la poésie de M.  […] Des trois actes qui décomposent l’action esthétique (Pensée, Idée, Expression), il n’accomplit que le premier.

1602. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VIII. Les Fedeli » pp. 129-144

On a dit que ce fut cette pièce qui inspira à Milton, voyageant quelques années plus tard en Italie, la première idée du Paradis perdu. […] Est-ce en souvenir du séjour que les Fedeli avaient fait à Paris en 1624-1625, ou à l’occasion d’un nouveau voyage de cette troupe, qu’un des organisateurs des divertissements de la Cour eut l’idée de faire danser « un ballet du roi représentant les comédiens italiens » pour lequel Bordier fît des vers 23 ? […] Nous reproduisons ce dessin qui donne une idée du costume des premiers rôles féminins dans la troupe des Fedeli.

1603. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Orientales » (1829) — Préface de l’édition originale »

L’auteur insiste sur ces idées, si évidentes qu’elles paraissent, parce qu’un certain nombre d’Aristarques n’en est pas encore à les admettre pour telles. […] Ne voyez-vous pas que l’idée première est horrible, grotesque, absurde (n’importe !) […] Il répondra qu’il n’en sait rien, que c’est une idée qui lui a pris ; et qui lui a pris d’une façon assez ridicule, l’été passe, en allant voir coucher le soleil.

1604. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Avertissement » pp. -

Rares en œuvres durables, elles sont souvent fécondes en écrivains de tout genre, et surtout en idées. […] Je dis : mathématiquement, parce que nos goûts personnels, en pareille affaire, n’ont rien encore à voir ; et on n’écrit point une Histoire de la Littérature française pour y exprimer des opinions à soi, mais, et à peu près comme on dresse la carte d’un grand pays, pour y donner une juste idée du relief, des relations, et des proportions des parties Et, — toujours afin que le livre fut plus utile, d’un secours plus efficace et plus constant, — j’ai donné à la Bibliographie une attention toute particulière. […] Il faudra même que l’on s’y reporte : premièrement, parce qu’on ne saurait négliger ces sources sans s’exposer à faire des découvertes qui n’en seraient pas ; et puis, parce que les jugements mêmes que les contemporains et ceux qui les ont suivis ont portés sur les œuvres de nos écrivains se sont comme incorporés à l’idée que nous nous formons d’elles.

1605. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 30, de la vrai-semblance en peinture, et des égards que les peintres doivent aux traditions reçuës » pp. 255-265

Il en prit idée d’après le buste de ce prince qui se voit dans un des bosquets de Versailles sur une colonne, et qu’un sculpteur moderne a déguisé en mars gaulois en lui mettant un coq sur son casque. […] En imitation, l’idée reçuë et generalement établie tient lieu de la verité. […] La regle qui enjoint aux peintres comme aux poëtes de faire un plan judicieux, et d’arranger leurs idées de maniere que les objets se débroüillent sans peine, vient immediatement après la regle qui enjoint d’observer la vrai-semblance.

1606. (1920) Impressions de théâtre. Onzième série

Une bonne idée ! […] Vertu, douce et cruelle idée ! […] Pourquoi l’idée d’un lavement ne les met-elle plus en joie ? […] » nous en révèle l’idée génératrice. […] Or, cela fait dévier, si je puis dire, l’idée du drame.

1607. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1888 » pp. 231-328

Et là dedans encore, il a eu l’idée d’installer deux paravents qu’il a fait couvrir d’affiches de Chéret, dont les colorations se marient au mieux avec la japonaiserie des murs. […] Car quel que soit le succès d’une pièce, son idée serait qu’elle ne fût jouée que quinze jours, quinze jours au bout desquels, l’auteur serait libre de la porter sur une autre scène. […] Il y a vraiment là, une idée neuve, originale, très favorable à la production dramatique, une idée digne d’être encouragée par un gouvernement. […] Mardi 24 juillet L’idée, que la planète la Terre peut mourir, peut ne pas durer toujours, est une idée qui me met parfois du noir dans la cervelle. […] cette idée était dure, car comme je l’avais dit à mes amis, je ne sais pas quelle sera la fortune de ma pièce, mais ce que je voudrais, ce que je demande, c’est de livrer la bataille, et j’ai eu peur de ne pas la livrer jusqu’au bout.

1608. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 295-296

Mercier a aussi exercé sa plume à des Eloges historiques, tels que ceux de Charles V & de Descartes ; à des Réflexions sur l’Art dramatique, où, parmi plusieurs hérésies littéraires, on trouve des idées neuves & vraiment instructives ; à des Songes philosophiques, propres à donner une idée de ce qu’il pourroit faire de bon, avec l’esprit & la facilité de penser qu’il a reçus de la Nature, s’il vouloit s’appliquer à être simple, naturel, & donner à son style cette chaleur qui suppose de l’ame, & fait vivre les Productions.

1609. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Note »

Cela donnera idée, mieux que tout, de la contradiction et de la confusion de pensées qui se combattirent longtemps en moi à son sujet, et pour lesquelles je ne veux chercher d’autre conclusion que leur exposé même : « (Février 1848.) […] Arthur de La Bourdonnaye. — Il fit peu après sa brochure de la Politique rationnelledédiée à Cazalès, très-raisonnable et noble manifeste. — Puis il alla en Orient mettre une page blanche entre son passé et son avenir. — Il entra à la Chambre, et fut d’abord à peu près seul du parti social, s’exerçant à manier la parole. — Il devint conservateur en défendant le ministère Molé contre la coalition. — Peu après il eut l’idée un peu brusque d’être président de la Chambre, et, n’y ayant pas réussi, il reprit son vol et passa à gauche, et par delà la gauche. […] Mais le correctif essentiel doit être aussitôt dans ce mot de Béranger : « Lamartine ne sait pas toutes les idées qu’il a. » « — J’aimais, j’adorais dans Lamartine le poëte, mais il y a longtemps que j’ai fui en lui l’ambitieux.  […] si Lamartine avait pu disparaître et s’évanouir dans les airs comme Romulus, le lendemain ou le soir même de cette triomphante journée du 16 avril, qui fut sa dernière grande journée politique, quelle idée il aurait laissée de lui !

1610. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Appendice à l’article sur Joseph de Maistre »

Deplace prêtait souvent sa plume aux idées et aux ouvrages de ses amis ; pour lui, il ne chercha jamais les succès d’amour-propre, et je ne saurais mieux le comparer qu’à ces militaires dévoués qui aiment à vieillir dans les honneurs obscurs de quelque légion  : c’est le major ou le lieutenant-colonel d’autrefois, cheville ouvrière du corps, et qui ne donnait pas son nom au régiment. […] Deplace : « Mais que dites-vous, monsieur, de l’idée qui m’est venue de voir à la tête du livre un petit avant-propos de vous ? […] Enfin, monsieur, voyez si cette idée vous plaît : je n’y tiens qu’autant qu’elle vous agréera pleinement. » Et dans cette même lettre datée de Turin, 19 décembre 1819, on lit : « On ne saurait rien ajouter, monsieur, à la sagesse de toutes les observations que vous m’avez adressées, et j’y ai fait droit d’une manière qui a dû vous satisfaire, car toutes ont obtenu des efforts qui ont produit des améliorations sensibles sur chaque point. […] Deplace, du 28 septembre 1818 : « Je reprends quelques-unes de vos idées à mesure qu’elles me viennent.

1611. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre VII. Narrations. — Dialogues. — Dissertations. »

Qui peut, en lisant les Annales de Tacite comme il les a écrites, prendre une idée claire des guerres de Germanie ou d’Arménie ? […] Il ne s’agit que de choisir quelques-uns de ces points de coïncidence ou d’intersection, en se conformant à la nature intime du sujet et à l’idée maîtresse qui doit tout dominer : ces points donneront les divisions naturelles de la matière. […] Exposer son sujet, c’est-à-dire indiquer le temps, le lieu, toutes les circonstances particulières, présenter les personnages, marquer les caractères, annoncer l’action qui va mettre aux prises ces personnages et ces caractères, en rappelant tous les événements antérieurs qu’il est nécessaire de connaître pour comprendre ce qui va se passer ensuite ; développer le sujet, c’est-à-dire montrer le jeu des caractères, l’évolution des idées et des sentiments, la série des faits qui résultent des états d’âme et qui les modifient aussi, faire agir en un mot et souffrir les personnages, dénouer enfin le sujet, c’est-à-dire pousser l’action et les caractères vers un but où l’une s’achève et les autres se complètent, de telle sorte que le lecteur n’ait plus rien à désirer et que toutes les promesses du début soient remplies, voilà la formule classique de l’œuvre dramatique, qui s’adapte merveilleusement aux conditions des brèves narrations. […] S’il suit la réalité, il risque d’être insignifiant, plat, superficiel : s’il tire les idées et les sentiments du fond des cœurs, il devient symbolique, froid, invraisemblable.

1612. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Stendhal, son journal, 1801-1814, publié par MM. Casimir Stryienski et François de Nion. »

« Si quelqu’un s’étonne de ce fragment, il n’a qu’à me le dire, et, parlant de la définition de la vertu, qu’il me donnera, je lui prouverai par écrit, aussi clairement que l’on prouve que toutes nos idées arrivent par nos sens, c’est-à-dire aussi évidemment qu’une vérité morale puisse être prouvée, que mon père à mon égard a eu la conduite d’un malhonnête homme et d’un exécrable père, en un mot d’un vilain scélérat. » Ce défi est assez bizarre. […] J’avais une tenue superbe de fierté et d’enthousiasme. » Et plus loin : « La charmante grâce de ma déclamation a interdit Louason. » Ou bien : « La réflexion profonde (à la Molière) que je fais dans ce moment, etc… » Ou encore : « Je commence à aborder dans le monde le magasin de mes idées de poète sur l’homme. […] Cet oubli est un des défauts capitaux du théâtre français. » Je n’ai pas le loisir de développer ici mon impression ; mais on sent que, plus tard, le romantisme, qu’il défendra, ne sera pas tout à fait la même chose pour lui que pour les romantiques, qu’il ne mettra pas les mêmes idées sous les mêmes mots, que cette révolution littéraire ne sera à ses yeux qu’un développement naturel du génie national dans le sens de la vraie simplicité et de la franchise d’observation… L’histoire de cette seconde entreprise de Beyle est donc l’histoire d’un second échec. […] C’est l’impression que m’a laissée ce journal — dont je n’ai pu vous donner, par ces quelques lignes, qu’une idée fort imparfaite.

1613. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXV. Mort de Jésus. »

Conséquents à cette idée, les prêtres firent demander pour Jésus, par la foule, le supplice de la croix. […] Par suite de la même idée, l’exécution dut être abandonnée aux Romains. […] » — Quelques-uns, vaguement au courant de ses idées apocalyptiques, crurent l’entendre appeler Élie, et dirent : « Voyons si Élie viendra le délivrer. » Il paraît que les deux voleurs crucifiés à ses côtés l’insultaient aussi 1186. […] L’idée mère de ce cruel supplice n’était pas de tuer directement le condamné par des lésions déterminées, mais d’exposer l’esclave, cloué par les mains dont il n’avait pas su faire bon usage, et de le laisser pourrir sur le bois.

1614. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre II. Filles à soldats »

Privée de son cœur, ce Paris de qui elle était accoutumée à recevoir le sang vivace, l’impulsion des idées… » Diable, diable ! si c’est l’or qui circule dans le « réseau artériel et veineux », comment se fait-il que les idées soient le « sang vivace » lancé par le « cœur » ? […] Il ne ménage pas tous ces infâmes galonnés que l’idée d’une « campagne possible grassement payée de croix et de propositions » unit en une émotion commune « comme l’espoir d’un bon coup assemble des rôdeurs au coin d’un bois ». […] Dans ces Maritimes où s’étalent tant d’exemples de couardise et le continuel besoin de paraître sans être, le Paul Adam qui, depuis quelques années, flagorne toutes les puissances, prétend, avec l’incompréhension la plus voulue et la plus lâche, rencontrer je ne sais quel « héroïsme des idées et des actes ».

1615. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Renou » pp. 301-307

Le crime rend égaux ceux qu’il associe… " en dépit de la sublimité de l’idée, à ce sifflement aigu de syllabes rheni medüs… etc, à ce rauque croassement de grenouilles, quos inquinat, oequat, je me bouche les oreilles et je jette le livre. […] ambrosioeque comoe divinum… etc. ô mon ami, la belle occasion de se fourvoyer et de demander aux poëtes italiens si avec leurs sourcils d’ébène, leurs yeux tendres et bleus, les lys du visage, l’albâtre de la gorge, le corail des lèvres, l’émail éclatant des dents, ces amours nichés en cent endroits d’une figure, on donnera jamais une aussi grande idée de la beauté. […] Homère a dit : autant l’œil mesure d’espace dans le vague des airs, autant les célestes coursiers en franchissent d’un saut ; et c’est moins la force de la comparaison que la rapidité des syllabes en franchissent d’un saut, qui excite en moi l’idée de la célérité des coursiers. […] Voilà ce que les grands génies ont exécuté d’instinct, et ce qu’aucun de nos feseurs de poétique n’a vu ; et que Dieu les bénisse. à nos peintres : certes, messieurs, l’idée qu’on prend de l’ange du livre de la sagesse n’est pas celle de vos petites têtes jouflues et soufflant des bouteilles, dont vous garnissez vos petits tableaux, que je dis petits parce qu’ils seraient toujours petits, quand ils auraient cinquante pieds de long.

1616. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Chamfort »

Mais Chamfort, volé de l’idée sociale à son berceau, Chamfort, dont l’orgueil ignorait qu’il était un avorton aux yeux des hommes, le fut aussi jusque dans son intelligence. […] Les autres l’ont fait avec urbanité et convenance, sympathisant douloureusement, mais sympathisant avec nos idées, ne voulant pas — comme l’a dit un des esprits les plus éloquents de notre âge — être « les propagateurs du vice dont ils sont le produit ». […] VIII Mais c’était impossible, Les idées sociales ont pendant longtemps été trop faussées pour que cette robuste adhésion à la vérité fût commune. […] Et ceux-là aussi — comme les premiers, qui les ont acceptées, — ont confirmé nos idées sur la bâtardise, tout en voulant les réfuter.

1617. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édouard Fournier »

On n’avait pas montré à ses ouvrages ce dédain et cette hostilité qu’on a pour tous les livres forts dans ce monde quand ils touchent à des idées faites ; car l’homme n’aime pas plus à être dérangé dans son esprit que dans son corps. […] le parfum de cette fleur qui ne lève point en lui Fournier l’a respiré, et c’est en ruminant le parfum que l’idée lui est venue d’imiter l’homme qu’on imite le moins, puisqu’il a été le La Fontaine de l’érudition fabuleuse. Malheureuse idée, qui, si elle ne l’a pas perdu, l’aura probablement empêché de se trouver ! […] Voulez-vous vous faire une idée des changements terribles pratiqués sur les mots historiques par ce grand critique désintéressé qui veut chasser l’esprit de l’histoire ?

1618. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Si j’avais une fille à marier ! » pp. 215-228

Et voici Alexandre Weill, qui n’est pas Allemand, mais qui ne doit pas être né très loin de l’Allemagne si j’en crois certains reflets gardés sur sa pensée, qui pense à son tour qu’en disant sans biaiser à mademoiselle sa fille ses idées, à lui, sur les femmes et sur le gendre qui doit lui agréer, il trouvera ce merle blanc, comme il l’appelle, qui n’est blanc souvent que parce qu’il s’est fourré de la poudre de riz quand il allait faire la cour à sa femme, mais qui finit toujours par redevenir l’autre merle que nous connaissons. […] … mais nous ne voulons qu’exposer ces bienheureuses idées qui font courir un danger aux sots ! […] Le grain de poésie qui est en lui, et qui l’a fait peintre d’intérieur et de paysages dans quelques nouvelles et quelques romans, l’empêchera toujours de se donner entièrement aux idées de ce monstre d’abstraction… et de concrétion, qui comparait les étoiles, ces radieuses fleurs du ciel, à une éruption de petite vérole. […] ne pouvait ni se couler ni se figer dans ce dur moule a philosophe qu’on appelle l’hégélianisme ; mais s’il ne le pouvait pas, et précisément parce qu’il n’est point du métal qui doit y entrer et en ressortir pour faire trou partout comme les balles, il n’en a pas moins en lui de l’hégélianisme en gouttelettes, et son idéal, par exemple, ce mot inventé pour esquiver le mot de Dieu dans une foule de cas, est extrait de l’idée d’Hegel !

1619. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Th. Carlyle » pp. 243-258

Un autre petit homme dans l’Histoire avait, comme Carlyle, écrit précisément celle de la Révolution française, n’ayant souci de rien que de se montrer révolutionnaire dans cette histoire, — le long de laquelle il passa à travers toutes les opinions, comme le singe de la Fable à travers son cerceau, avec les souplesses d’un esprit que le scepticisme rend plus souple encore ; — Thiers, qui grimpe sur toutes les idées comme il en dégringole, avec la même facilité, n’est que l’écureuil de la Politique et de l’Histoire ; mais quelle que soit l’alacrité des mouvements de l’écureuil, son genre historique, sobre de couleur, n’en a pas moins la gravité, il faut bien dire le mot, d’un homme qui est souvent un Prud’homme littéraire. […] Mais cette idée bouffonne, qui n’était pas une plaisanterie et qui aurait pu être une effrayante ironie, était maintenue tristement par ses inventeurs, avec des airs de docteurs convaincus absolument insupportables ! […] C’est la passion de l’Histoire même, la passion du récit, indépendamment des idées ou des sentiments qu’il exprime. […] Nul système d’idées préconçues ne s’impose à sa pensée d’historien, à une époque où tout historien a cette fatuité de viser plus ou moins à une philosophie de l’Histoire.

1620. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Ernest Hello »

Le talent de Hello, qui ne fait pas la sienne, s’est révélé dans ce nouveau livre sous une face nouvelle, quoique les idées qui sont le fond de ce talent n’aient pas changé. […] III À son originalité dans la conception de son livre qui tient à ses idées premières, aux assises mêmes de son esprit, et qu’il met audacieusement, pour la première fois, sous cette forme difficile du conte, pour les faire mieux briller sous cette forme vivante, comme on retourne et l’on fait jouer un diamant à la lumière du jour pour l’épuiser de tous ses feux, Ernest Hello ajoute aujourd’hui une originalité qui n’est plus celle de ses idées, mais de leur expression et de la vie spéciale qu’il sait leur donner, et il obtient ce résultat superbe que l’exécution de l’artiste vaut la conception du penseur ! […] Cette forme du conte, plus dure à manier dans sa brièveté que celle du roman dans sa longueur, cette forme concentrée, dans laquelle il faut se ramasser sans rien perdre de sa sveltesse, pouvait, par le seul fait de sa concentration, éclater sous sa main et le frapper dans sa prétention de conteur, qu’il n’en serait pas moins pour cela resté lui-même, avec sa valeur d’idées prouvée par les livres que j’ai énumérés : l’Homme, — Physionomies de saints, — la Parole de Dieu, ce dernier livre de Hello, qui échappe à la compétence de la critique profane, mais que des prêtres n’ont pas craint de lire dans leurs chaires, comme si c’était là de la littérature sacrée !

1621. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Marquis Eudes de M*** »

C’est un livre très hardi, très calme et très net, trois singularités ajoutées à la première (celle du sujet même), dans un temps où, en matière d’idées, la lâcheté du scepticisme donne la main à la quiétude des positions faites pour ne pas troubler la paix de l’erreur. […] Tout cela est si gros de visée, et dans le détail, comme on le verra, si blessant pour les idées acquises, si révoltant au premier abord, pour les éducations et les impressions contemporaines, que la Critique, fût-elle persuadée que la vérité est ici du côté de l’audace, doit, dans l’intérêt même du livre, s’interdire d’abord tout ce qui en dépasserait l’analyse complète et fidèle. […] L’énorme mémoire que nous indiquons à la curiosité publique sera suivi d’un second non moins considérable, — car l’auteur est un de ces esprits vigoureux et persistants, un de ces mordeurs d’idées qui n’abandonnent pas le sujet dans lequel ils ont mis la dent. […] Mais pour en avoir une idée il faut le lire, le lire tout entier !

1622. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Ch. Bataille et M. E. Rasetti » pp. 281-294

Bataille, qui manque ici à son tempérament pour n’écouter que la voix d’un esprit faussé par les livres et les idées modernes, fait la galeuse de son roman. […] Il a, lui, dans la tête, cette idée sans virilité ! […] Pour mon compte, je le trouve superbe quand il veut me donner l’idée de quelque boudin crevé dans un plat… Véritablement un talent aussi entripaillé que lui aurait dû être plus doux à une cuisinière comme Clémentine. […] La pensée d’un livre, l’idée qu’il exprime, la notion de vérité qu’il laisse dans l’esprit, une fois l’émotion apaisée, toutes ces choses, les réalistes en font peu de cas.

1623. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Ernest Feydeau »

Destinés à paraître dans un journal sous cette forme de roman-feuilleton qui peut se permettre tant de hors d’œuvre et de bavardages, les romans actuels de Feydeau sont tout aussi victimes de la forme qu’ils ont revêtue que des idées fausses et des facultés décroissantes de leur auteur. […] Mais Feydeau, qui n’avait pas d’idées à lui, a cru, en outrant l’infamie de son héros, dissimuler mieux un sujet de roman déjà traité et qui ne lui appartenait pas… Ce sujet, c’est celui de Leone Leoni. […] C’est, d’une part, l’absence complète d’invention dans l’idée de son ou de ses livres, et l’odieuse abjection, l’abjection extra-humaine, d’un personnage déjà odieux dans le livre de madame Sand, où il est brutal, joueur, escroc, ce qui suffit pour poser et montrer le mystère de cet horrible amour sans bandeau, qui se jette, les yeux ouverts, dans des bras infâmes ! […] Restent donc les faits, les événements, les aventures, toute cette danse macabre des faits qui sont la vie même du roman-feuilleton… Eh bien, ces faits, — la seule ressource qui restât à Feydeau dans sa pénurie d’idées, de sentiment, de conception quelconque !

1624. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIIe Entretien. Montesquieu »

Ce n’était pas un simple jurisconsulte, c’était un homme au courant de toutes les choses littéraires de son siècle, et qui partageait les idées nouvelles. […] un de ces hommes qui secouent par la vigueur de leur intelligence les traditions populaires ou les préjugés contemporains de leur temps pour faire place à des idées plus justes, et pour substituer des institutions neuves et pratiques aux vieilleries nuisibles ou usées de leur époque ? […] « Cette loi qui, en imprimant dans nous-mêmes l’idée d’un Créateur, nous porte vers lui, est la première des lois naturelles par son importance, et non pas dans l’ordre de ces lois. […] Il est clair que ses premières idées ne seraient point des idées spéculatives : il songerait à la conservation de son être avant de chercher l’origine de son être. […] On n’y rencontre qu’une expression toujours ingénieuse et une foule d’idées aventurées et fausses.

1625. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre III. Molière »

Il contribua — bien malgré lui — à enfoncer dans les esprits une idée fausse, née d’une étude superficielle de son théâtre : l’idée d’une comédie de caractères, sans tableaux de mœurs, au comique noble et contenu, et qui serait la forme supérieure de la comédie. Jusqu’à notre siècle, l’idée de la comédie de caractères, abstraite et sérieuse, hantera le cerveau d’excellents écrivains. […] S’il part d’une idée juste, d’une observation vraie, il se hâte de la fausser, pour forcer le rire. […] Mais cette idée, qu’en fait Regnard ? […] Notez, en outre les raisonneurs, qui sont chargés de parler au nom du bon sens, c-à-d. des idées propres à l’auteur.

1626. (1831) Discours aux artistes. De la poésie de notre époque pp. 60-88

c’est un grand mot, que beaucoup célèbrent avec enthousiasme, sans en avoir toujours une idée bien nette. […] Et alors s’établit dans le monde une nouvelle harmonie : l’homme ne peut plus voir les colonnades des forêts et les autels des montagnes, sans que l’idée d’un temple à l’Éternel ne lui revienne en mémoire. […] Ce sont, disent-ils, des idées primitives ; il n’y a rien à leur demander après cette définition. […] Mais son idée fixe est la terreur. […] Mais son idée religieuse avait besoin de revêtir une forme, et, dans son abandon, son isolement, sa nudité, elle a pris le dernier vêtement usé et percé de trous qu’elle avait sous la main.

1627. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre quatrième »

S’il a été exact de dire de Descartes qu’il est moins un homme qu’une idée, il ne l’est pas moins de dire de Pascal qu’il est plus un homme qu’un esprit. […] Les hommes sont plus considérables pour Pascal que les idées ; et à la différence de Descartes, qui ne s’occupe que du vrai et du faux, par rapport à la raison, Pascal ne s’en occupe que par rapport au malheur ou au bonheur de l’homme. […] Descartes nous avait montré l’idée de Dieu dans l’idée de l’infini, avec laquelle nous naissons. […] Quant aux habiles gens qui en auraient fait un mélange, se composant une foi de la réunion de ces deux ordres de preuves, on n’en avait pas même l’idée à cette époque, et l’on n’y eût vu que le calcul d’esprits médiocres, aussi incapables d’être philosophes que d’être chrétiens. […] S’il est vrai que l’idée en soit venue à Pascal du Gorgias de Platon, combien l’imitation est plus originale que le modèle !

1628. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre III. Poëtes françois. » pp. 142-215

L’énergie de son style vient en partie de la profondeur de ses idées & de la force de son ame. […] La Motte a laissé vingt Eglogues, précédées d’un discours sur ce genre, où l’on trouve des idées neuves. […] Cette idée nous paroît plus subtile que vraie. […] Ses Odes sont pleines d’idées, de tours, d’expressions, d’images dignes d’un rival de Pindare. […] Les idées de cet Ecrivain sont toujours fines ; mais ses expressions sont presque toujours communes.

1629. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre V. Des orateurs anciens et Modernes. » pp. 223-293

Cette piéce d’éloquence que le tems a respectée, peut nous donner une juste idée de sa harangue sur les devoirs de la royauté, adressée à Nicoclès, Roi de Salamine, & qui procura à son auteur un présent de vingt talens. […] de la Baumelle, encore chaque morceau étant isolé, on ne peut se former une juste idée de son éloquence. […] La noblesse des idées, la variété des images, la pureté de la diction, tout annonce en lui un grand maître. […] Ils ne se défendent pas assez de cette finesse qui supprime trop d’idées intermédiaires, pour en faire déviner d’autres. […] Il étoit pour lui-même le censeur le plus rigide de ses ouvrages, & l’idée qu’il s’étoit formée du beau, étoit si parfaite qu’il ne croyoit jamais en avoir approché ; c’est pourquoi il corrigeoit sans cesse.

1630. (1846) Études de littérature ancienne et étrangère

Elle rendit, si l’on peut parler ainsi, de grandes idées avant que la parole sût les exprimer. […] Ces morceaux, qui sont les plus fameux, ne peuvent donner une idée de tout son talent. […] Aucun ouvrage ne donne une idée plus juste et plus vive de la situation de la république. […] Du reste, nulle idée de bonté morale ne se mêle à ce tableau et ne vient l’épurer et l’embellir. […] Voilà l’idée qui me fait trembler ainsi ; mais, dis-moi donc, pourquoi es-tu venu ?

1631. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Camille Jordan, et Madame de Staël »

« Je savais bien, mon cher Camille, que ce qu’on appelle communément la raison n’était pas pour mon projet ; mais j’avais eu un élan vers quelque chose de mieux qu’elle, quand cette idée me vint. […] Je ne l’aurais pas eue, cette idée, avant ce que j’ai lu ; mais j’ai eu l’orgueil de trouver là tant de réponses à mes sentiments les plus intimes, qu’il me semblait que tout pouvait être d’accord. […] Ce qui m’y plaît c’est Villers, à qui je trouve vraiment beaucoup d’esprit, et je vous recommande de tirer parti de cet esprit cet hiver : il a toutes les idées du nord de l’Allemagne dans la tête. […] Il y a des négociations de paix, dit-on, mais on n’y croit pas. — J’ai écrit à M. de Lally pour savoir de lui s’il voulait donner la traduction de Cicéron à votre libraire. — Avez-vous adopté mon idée ? […] Du reste, qu’un ouvrage soit bien ou mal écrit, bête ou spirituel, contenant des idées sages ou folles, utiles ou indifférentes, on ne doit point y faire attention.

1632. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803, (suite et fin) » pp. 16-34

La sœur de Balzac, Mme Surville, dont la ressemblance physique avec son frère saute aux yeux, est faite en même temps pour donner à ceux qui, comme moi, ont le tort peut-être de n’admirer qu’incomplètement le célèbre romancier, une idée plus avantageuse qui les éclaire, les rassure et les ramène. […] Mais c’est le groupe, l’association, l’alliance et l’échange actif des idées, une émulation perpétuelle en vue de ses égaux et de ses pairs, qui donne à l’homme de talent toute sa mise en dehors, tout son développement et toute sa valeur. […] Qui n’a connu un talent que tard et ne l’a apprécié que dans son plein ou dans ses œuvres dernières ; qui ne l’a vu jeune, à son premier moment d’éclat et d’essor, ne s’en fera jamais une parfaite et naturelle idée, la seule vivante. […] Et le héros grec Diomède, parlant d’Énée dans Virgile, et voulant donner de lui une haute idée : « Croyez-en, dit-il, celui qui s’est mesuré avec lui !  […] Si, après toutes ces facilités d’observation auxquelles il prête plus que personne, on pouvait craindre de s’être formé de lui comme homme et comme caractère une idée trop mêlée de restrictions et trop sévère, on devrait être rassuré aujourd’hui qu’il nous est bien prouvé que ses amis les plus intimes et les plus indulgents n’ont pas pensé de lui dans l’intimité autrement que nous, dans notre coin, nous n’étions arrivé à le concevoir, d’après nos observations ou nos conjectures.

1633. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

L’exactitude du compte rendu et le soin des informations s’y joignent à la justesse des idées, à la rectitude des jugements, à la sobre fermeté du langage. […] Ce père de Foucault, un peu bourru, et qui prêtait au comique, eut l’idée, déjà vieux et depuis longtemps, affublé comme le Malade imaginaire, d’épouser en secondes noces Mlle Bossuet, la sœur du grandi évêque, personne elle-même d’un caractère singulier et qui se maria malgré sa famille ; il y eut bientôt incompatibilité d’humeur entre les époux, et séparation […] Il raconte que, dans une de ses tournées de début, un consul de Nogaro, qui était à la fois médecin, lui dit dans sa harangue « que le roi l’avait envoyé dans la province pour la purger de tous les fainéants et gens de mauvaise vie, et qu’au sentiment d’Hippocrate ce qui formait les humeurs peccantes était l’oisiveté. » L’idée, en un sens, n’était pas aussi fausse que l’expression était ridicule. — « Je gardai mon sérieux, ajoute Foucault, mai les assistants ne se crurent pas obligés à la-même gravité. » Foucault, comme autrefois Fléchier aux Grands Jours d’Auvergne, se moque des harangueurs surannés de la province ; il est un homme, de goût par rapport à ce consul. […] Il ne songe à rien dissimuler de sa conduite dans ces odieuses opérations, qu’il lui était difficile d’alléger, sans doute mais qu’il est toujours disposé plutôt à aggraver : « Le 23 juillet 1681, j’ai proposé à M. de Louvois de faire venir de Roussillon deux compagnies de cavalerie dans le haut Rouergue et dans le haut Quercy, pour seconder les missionnaires ecclésiastiques. » Foucault n’a pas inventé les dragonnades, dont le triste honneur reste acquis à Marillac, intendant du Poitou ; mais il a été des premiers, on le voit, à accueillir l’heureuse idée et à vouloir la faire fructifier. […] Et c’est cet homme, enchevêtré, il est vrai, par son éducation, par sa naissance, par ses alentours (son Journal en fait foi) et tous ses liens originels de famille, de paroisse, de cléricature, dans l’idée ecclésiastique la plus étroite, c’est cet homme religieux, d’ailleurs, et qui se croit charitable, qui a des pratiques vraiment chrétiennes, qui chaque fois qu’il lui naît un enfant, par exemple, le fait tenir sur les fonts baptismaux « par deux pauvres », c’est lui qui va devenir un persécuteur acharné, subtil, ingénieux, industrieux, impitoyable, de chrétiens plus honnêtes que lui, un tourmenteur du corps et des âmes, et le bourreau du Béarn.

1634. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte. »

Il a longtemps attendu un dessinateur digne de lui et à la hauteur de ses rêves ; car il ne s’agissait pas seulement de montrer les choses telles qu’elles étaient, mais de les faire entrevoir aussi parfois telles qu’il les voyait en idée et qu’il se les figurait dans son monde de visions. […] J’ai sous les yeux de jolies vignettes sorties du facile et spirituel crayon de Tony Johannot ; c’est le côté comique et gai, uniquement, qui est rendu, mais la dignité du héros, ce sentiment de respect sympathique qu’il inspire jusque dans sa folie, cette imagination hautaine qui n’était que hors de propos, qui eût trouvé sans doute son emploi héroïque en d’autres âges, et, comme on l’a très-bien nommée, « cette grandesse de son esprit et cette chevalerie de son cœur », qu’il sut conserver à travers ses plus malencontreuses aventures et qu’il rapporta intactes jusque sur son lit de mort, cela manque tout à fait dans cette suite agréable où l’on n’a l’idée que d’une triste et piteuse figure, et c’est au contraire ce que M.  […] En 1590, découragé apparemment ou bien tenté par la fortune, il eut l’idée de s’expatrier et adressa au roi une requête pour obtenir quelque place en Amérique, dans cette contrée qu’il appelle quelque part « le pis aller et le refuge des désespérés d’Espagne. » Il énumérait à l’appui de sa requête ses longs services, ses aventures, ses souffrances en Alger ; et cet ensemble de pièces et d’attestations, longtemps enseveli dans des archives, est devenu un document inappréciable pour ses biographes. […] Des êtres nouveaux, des créatures dont on n’avait pas l’idée et qui n’existaient pas la veille, entraient en possession de la vie et allaient courir le monde pour ne plus jamais mourir. […] Par les traductions et les analyses dont se compose ce volume, on peut se faire une idée juste de cette face du talent de Cervantes.

1635. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. (Suite et fin.) »

Tout différait entre eux et, sous les politesses de forme, tendait à faire glace au fond : origines, sphères d’idées, tour et qualité d’esprit, ton et habitudes morales, politique enfin. […] L’opinion prit alors ce caractère énergique qui la rend maîtresse des événements ; et c’est ainsi que le grand mouvement qui a abattu la puissance gigantesque créée par la Révolution, loin de démentir l’esprit primitif de celle-ci et le génie du siècle, n’a fait que déployer le principe fondamental de l’une et de l’autre, sous de plus nobles auspices et dans une direction plus heureuse. » Quand il écrivait ainsi, M. de Senfft était encore libéral, et il avait foi encore en l’avenir des peuples. — Mêlant des idées mystiques et des pensées de l’ordre providentiel à ses observations d’homme politique, il voyait, l’année suivante (1812) et lors de la gigantesque expédition entreprise pour refouler la Russie, il voyait, disait-il, dans « cette réunion monstrueuse » de toutes les puissances de l’Europe entraînées malgré elles dans une sphère d’attraction irrésistible et marchant en contradiction avec leurs propres intérêts à une guerre où elles n’avaient rien tant à redouter que le triomphe, « un caractère d’immoralité et de superbe, qui semblait appeler cette puissance vengeresse nommée par les Grecs du nom de Némésis » et dont le spectre apparaît, par intervalles, dans l’histoire comme le ministre des « jugements divins. » Il lisait après l’événement, dans l’excès même des instruments et des forces déployées, une cause finale providentielle en vue d’un résultat désiré et prévu : car telle grandeur d’élévation, telle profondeur de ruine. […] Aussi n’y eut-il aucun ami, et outre le scandale d’un divorce (qu’il avait causé)…, ses faits et gestes s’y bornèrent à diriger l’espionnage de tout ce qui se passait en Russie, dans le sens qu’il croyait convenir le mieux aux idées de l’Empereur et du duc de Bassano, mais faisant en même temps germer de plus en plus dans les cœurs polonais la défiance et le mécontentement contre Ja France. […] Singulier mélange, en effet, que cet abbé de Pradt, instruit de tant de choses et qui croyait s’entendre à toutes ; homme d’Église qui l’était si peu, qui savait à fond la théologie, et qui avait à apprendre son catéchisme ; publiciste fécond, fertile en idées, en vues politiques d’avenir, ayant par moments des airs de prophète ; écrivain né des circonstances, romantique et pittoresque s’il en fut ; le roi des brochuriers, toujours le nez au vent, à l’affût de l’à-propos dans les deux mondes, le premier à fulminer contre tout congrès de la vieille Europe ou à préconiser les jeunes républiques à la Bolivar ; alliant bien des feux follets à de vraies lumières ; d’un talent qui n’allait jamais jusqu’au livre, mais qui avait partout des pages ; habile à rendre le jeu des scènes dans les tragi-comédies historiques où il avait assisté, à reproduire l’accent et la physionomie des acteurs, les entretiens rapides, originaux, à saisir au vol les paroles animées sans les amortir, à en trouver lui-même, à créer des alliances de mots qui couraient désormais le monde et qui ne se perdaient plus ; et avec cela oublieux, inconséquent, disparate, et semblant par moments sans mémoire ; sans tact certainement et sans goût ; orateur de salon, jaseur infatigable, abusant de sa verve jusqu’à l’ennui ; s’emparant des gens et ne les lâchant plus, les endoctrinant sur ce qu’ils savaient le mieux ; homme à entreprendre Ouvrard sur les finances, Jomini sur la stratégie, tenant tout un soir, chez Mme de Staël, le duc de Wellington sur la tactique militaire et la lui enseignant ; dérogeant à tout instant à sa dignité, à son caractère ecclésiastique, avec lequel la plupart de ses défauts ou, si l’on aime mieux, de ses qualités se trouvaient dans un désaccord criant ; un vrai Mirabeau-Scapin, pour parler comme lui, un archevêque Turpin et Turlupin. […] Mais quand on a vu l’homme, on ne peut se faire pourtant à l’idée que ç’ait été là un archevêque pour de bon : il avait gardé de la Révolution quelque chose de déclassé, de défroqué et de mal renfroqué.

1636. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens III) Henri Rochefort »

C’est, dans le détail, le coq-à-l’âne, sous quelque forme que ce soit, le rapprochement imprévu de deux idées étonnées de se trouver ensemble. […] N’est-il pas prouvé que l’idée de rester neuf années sous les drapeaux remplit d’allégresse tous les Français âgés de vingt et un ans ? […] Puis, les idées dont il s’est fait le champion violent et facétieux supposent en même temps certaines croyances et certaines haines. […] On doit être fort tenté de croire aux idées qui vous donnent le plus d’esprit. Et lorsqu’on a soutenu ces idées tous les jours pendant vingt ans, on a encore plus tôt fait d’y croire, ne fût-ce qu’aux heures où l’on écrit.

1637. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie-Antoinette. (Notice du comte de La Marck.) » pp. 330-346

Parmi les écrits qui peuvent donner une juste idée de la reine Marie-Antoinette et de son caractère aux années de sa prospérité et de sa jeunesse, je n’en sais pas qui porte mieux la conviction dans l’esprit du lecteur que la simple Notice du comte de La Marck, insérée par M. de Bacourt dans l’Introduction de l’ouvrage récemment publié sur Mirabeau. […] On peut, dans un sentiment élevé de compassion, s’éprendre d’un intérêt idéal pour Marie-Antoinette, vouloir la défendre sur tous les points, se constituer son avocat, son chevalier envers et contre tous, s’indigner à la seule idée des taches et des faiblesses que d’autres croient découvrir dans sa vie : c’est là un rôle de défenseur qui est respectable s’il est sincère, qui se conçoit très bien chez ceux qui avaient le culte de l’ancienne royauté, mais qui me touche bien moins chez les nouveaux venus en qui ce ne serait qu’un parti pris. […] On ne lui avait jamais donné le goût ni l’idée d’une lecture sérieuse. […] Mais j’ose conjecturer que la publication de ces pièces confidentielles, si elle a lieu un jour, ne fera que confirmer l’idée que la réflexion et une lecture attentive des mémoires peuvent donner dès à présent. […] Le lendemain, elle écrivit qu’elle ne pouvait s’y décider, puisqu’il fallait, en fuyant, se séparer de son fils : « Quelque bonheur que j’eusse éprouvé à être hors d’ici, écrivait-elle, je ne peux pas consentir à me séparer de lui… Je ne pourrais jouir de rien en laissant mes enfants, et cette idée ne me laisse pas même de regrets ».

1638. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Les romans de M. Edm. de Goncourt » pp. 158-183

Et grâce à son habitude d’accorder le pas à ses observations sur ses idées générales, à ne point plaider de cause et à ne pas émettre de considérations sur la vie, M. de Goncourt a pu se tenir à égale distance de ces philosophies nuisibles à toute vue exacte de la vie, et antiscientifiques : l’optimisme et le pessimisme. […] Il sait l’adroit et caressant coup de main que donne une jeune fille sur la jupe de sa voisine, « l’allée et la venue d’un petit pied bête » d’une femme hésitant à dire une idée embarrassante et saugrenue, le rapide gigottement du coude d’une actrice éclatant d’un fou rire, et le geste de colère avec lequel, désespérant de trouver une intonation, elle tire les pointes de son corsage. […] Enfin il inventera ces étranges phrases disloquées, enveloppantes comme des draperies mouillées, mouvantes et plastiques qui semblent s’infléchir dans le tortueux d’une route : « Enfin l’omnibus, déchargé de ses voyageurs, prenait une ruelle tournante, dont la courbe, semblable à celle d’un ancien chemin de ronde, contournait le parapet couvert de neige d’un petit canal gelé » ; des phrases compréhensives donnant à la fois un fait particulier et une idée générale, des phrases peinant à noter ce que la langue française ne peut rendre et devenant obscures à force de torturer les mots et de raffiner sur la sensation : Ils savouraient la volupté paresseuse qui, la nuit, envahit un couple d’amants dans un coupé étroit, l’émotion tendre et insinuante, allant de l’un à l’autre, l’espèce de moelleuse pénétration magnétique de leurs deux corps, de leurs deux esprits, et cela, dans un recueillement alangui et au milieu de ce tiède contact qui met de la robe et de la chaleur de la femme dans les jambes de l’homme. […] Mais où le sens du joli éclate, c’est dans son nouveau livre, dans cette charmante étude de l’éclosion féminine qui forme la première moitié de Chérie, dans le geste mutin d’une petite fille perchée sur sa chaise et éventant sa soupe de son éventail ; dans la gaie répartie du maréchal consolant Chérie de s’apitoyer sur la douleur des parents des perdreaux servis à table ; dans la scène du baptême de la poupée ; dans l’inquiet effarement d’une troupe d’enfants enfermés dans les combles ; dans la bienveillante et aimable idée qu’a la maréchale de greffer sur les églantiers de de la forêt de Saiut-Cloud les roses du jardin impérial. […] Et quand on y songe qui ne frémirait, en effet, à cette idée de vivre peut-être au milieu d’une race de dieux implacables parmi des êtres qui lisent peut-être couramment dans notre pensée, quand la leur se cache pour nous sous une triple armure de diamant !

1639. (1876) Du patriotisme littéraire pp. 1-25

Après André Chénier — et je suis surpris que ce sujet n’ait tenté aucun des grands poètes contemporains — il restait à glorifier la même patrie, mais sous un tout autre aspect, dans l’éclat de ses actes héroïques, dans le rayonnement de ses idées, dans l’illumination de ses chefs-d’œuvre ; il restait à chanter l’hymne filial, non plus seulement à ce corps toujours renouvelé de la France, mais à son âme transmise d’âge en âge et non moins opulente et non moins féconde, l’hymne à la France pensante et créatrice, nourricière des intelligences et fertile pour le genre humain. […] Il faudrait encore bien rechercher si la sonorité de l’espagnol ne produit pas un cliquetis de mots parfois vide et vain, si la douceur italienne ne dégénère pas aisément en mollesse banale et ne fait point penser à ce « latin bâtard » dont parle Byron, si ces deux idiomes arrêtent et retiennent suffisamment l’idée, si dans ces deux langues la facilité toute spontanée de la musique ne se dérobe pas aux nuances psychologiques du sentiment, aux profondes analyses de la pensée, à la dialectique soutenue, à cette harmonieuse alliance de la philosophie morale et de l’art, qui recommandent la prose et la poésie française depuis leurs origines jusqu’aux chefs-d’œuvre contemporains. […] Les Prosateurs du seizième siècle viennent à nous non sans quelque désordre, mais comme ils sont équipés, comme ils sont armés pour cette lutte du style et des idées où ils feront triompher la Patrie ! […] C’était à Paris également, comme dans une forge de Vulcain, que les idées françaises se frappaient sur une retentissante enclume pour se répandre bientôt, comme en monnaies et en médailles, à travers toute l’Europe. […] C’est que notre littérature du dix-neuvième siècle a sur ses aînées cet incontestable avantage d’être plus accessible à tous et plus aimante pour tous, d’exprimer des sentiments plus fraternels et des idées plus généreuses, de se révéler plus philanthropique et, quoi qu’on dise, plus chrétienne, de porter sur elle-même le double signe des temps nouveaux, l’amour et la justice !

1640. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — N. — article » pp. 403-404

Son nom doit rappeler à tous ceux qui l’ont lu ou entendu, l’idée d’un des plus habiles Orateurs qui aient illustré la Chaire. […] Mais si cette abondance est chez lui un défaut, elle le préserve toujours de ces raisonnemens subtils & entortillés, de ces idées bizarres & gigantesques, de ces antitheses recherchées & puériles, de ces tours affectés, de ces expressions académiques, de ce ton ridiculement philosophique, qui font l’insipide mérite de quelques prétendus Prédicateurs de nos jours.

1641. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Venevault, Boizot, Bachelier et Francisque Millet » p. 222

Il vit le Mercure de Pierre et celui de Boizot, l’un changeant en pierre Aglaure, l’autre conversant avec Argus, et il dit : À effacer avec la langue pour avoir osé peindre des dieux sans en avoir d’idée ; et Mercure l’embrassa. […] C’est qu’il y a bien de la différence à rencontrer une belle idée, et à faire un bel ouvrage.

1642. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « M. Boissonade. »

Boissonade sous d’aussi larges aspects, le montrer aussi ouvert et aussi hardi de vues qu’on le fait ici ; il avait réellement un peu peur, quoi qu’on puisse dire, des idées générales et de tout ce qui y ressemble, il s’en garait et s’en abstenait le plus possible ; on l’aurait bien étonné si on lui avait dit « qu’il préparait l’avènement de la presse philosophique » ; il avait, moins que personne, « de ces lueurs qui semblent des anticipations de l’avenir. » Tout cela est à côté et au-delà. […] On voit par ce premier écrit, conservé dans les archives de l’Institut, quelle idée complète l’auteur s’était formée dès lors du critique, à prendre le mot dans toute la rigueur du sens et dans son application aux œuvres de l’Antiquité. […] Un jour deux de ses confrères de l’Institut, Letronne et Gail, se trouvant à proximité de son habitation, et sentant leur estomac qui parlait, eurent l’idée de le voir, de lui demander rafraîchissement et réconfort ; il fit dire qu’il n’y était pas. […] Un jour, l’idée lui prit de traduire quelque chose du portugais (car il le savait aussi) : qu’alla-t-il choisir dans cette littérature si peu connue ? […] Boissonade, de son côté, eut l’idée de donner une édition d’Eunape ; mais dans le cours de son travail, ayant appris que Wyttenbach avait amassé des notes et matériaux sur le même sujet, il le pria de lui en faire part, l’assurant que ce serait une recommandation et un ornement pour son livre.

1643. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger en 1832 »

Vers dix-huit ans, pour la première fois, l’idée de vers, odes, chansons et comédies, se glissa dans sa tête : il est à croire que cela lui vint à l’occasion des pièces de théâtre auxquelles il assistait. […] Il songea un moment à la vie active, aux voyages, à l’expatriation sur la terre d’Égypte, qui n’était pas abandonnée encore : un membre de la grande expédition, qui en était revenu deux ans auparavant , le détourna de cette idée. […] Vous avez donc une bien mauvaise idée de cette pauvre Lisette ? […] Béranger avait remarqué bien des fois cette disposition mélancolique des hommes assemblés, et en avait conclu l’idée de la chanson doucement sérieuse à l’usage du pauvre, de l’affligé, du peuple. […] Cette prise heureuse sur la mémoire des hommes (la source d’inspiration d’ailleurs y poussant) est due au refrain pour les paroles, au cadre pour l’idée.

1644. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. VINET. » pp. 1-32

Et cependant ce pays a produit des esprits qui, à un certain tour d’idées particulier, ont uni une certaine manière ]d’expression, et qui offrent un mélange, à eux, de fermeté, de finesse et de prudence, un mérite solide et fin, un peu en dedans, peu tourné à l’éclat, bien qu’avec du trait, et dont Mme Necker, dans les manuscrits qu’on a publiés d’elle, ne donnerait qu’un échantillon insuffisant. […] Mais les idées morales, religieuses, chrétiennes, eurent toujours le pas dans son esprit sur les opinions purement littéraires. […] C’est dans les classiques qu’il faut aller la cueillir, la respirer, s’en pénétrer ; c’est là qu’on la trouvera vivante ; mais il ne suffit pas, je le répète, d’une promenade inattentive à travers ces beautés. » J’ai voulu, en citant cette belle page, donner idée encore moins de la méthode que du succès. […] Préoccupé qu’il est, avant tout, de la stricte déduction, l’écrivain ne se fie pas assez à la liaison générale et au courant simple de l’idée. […] Que si, dans tout ceci, nous avons trop souvent arraché à un talent, le plus humble de cœur, les voiles dont il aime à s’envelopper, qu’il veuille songer, pour notre excuse, que l’effet de ces paroles, que nous aurions voulu rendre plus dignes, sera peut-être de convier quelques lecteurs de plus aux fruits des travaux que l’idée de l’utilité et du bien lui inspira ; et puisse-t-il ainsi nous pardonner !

1645. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES FRAGMENTS ET LETTRES DE BLAISE PASCAL, Publiés pour la première fois conformément aux manuscrits, par M. Prosper Faugère. (1844). » pp. 193-224

On n’y comprenait plus rien, on n’en discutait que plus fort ; toute l’ancienne idée si grave qu’on avait eue de l’apologiste chrétien achevait de se confondre et de disparaître. […] De ce monceau de petites notes inachevées, il s’agissait donc de tirer, de sauver, comme d’un naufrage, quelque chose qui donnât au public une idée de ses dernières méditations. […] pour le coup, nos bons premiers éditeurs n’avaient en rien l’idée de ce genre de beauté tronquée qui tient de celle de la Vénus de Milo, et, toutes les fois qu’ils avaient rencontré un audacieux fragment ainsi debout, ils l’avaient incliné doucement et couché par terre. […] Et cela indépendamment de la grandeur de leurs esprits et de la nature des idées. […] J’aime les biens, parce qu’ils donnent les moyens d’en assister les misérables….. » Que ce christianisme vrai et de source vient en démenti aux idées des plus sages païens !

1646. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires sur la mort de Louis XV »

L’idée que j’avais avec toute la Cour de l’effet que ferait sur le roi le second accès de fièvre, rendait à ma curiosité ce moment intéressant, il me l’était d’ailleurs encore plus par le renvoi, que je regardais comme certain, de sa maîtresse, et par la chute d’un ministre, et d’un ministre odieux, qui devait être la suite nécessaire du renvoi de cette maîtresse. […] On entoura donc les médecins, on les chambra ; on fit envisager aux honnêtes, ou à ceux qu’on croyait tels, combien le roi avait été frappé de l’idée de cette troisième saignée, combien il se croirait malade s’il se la voyait faire, et quel était le danger de la peur pour un homme de cette faiblesse et de cette pusillanimité. […] La lâcheté des médecins qui les avait fait renoncer à l’idée d’une troisième saignée si la seconde ne produisait pas un assez grand soulagement, ne les empêchait pas de penser, qu’elle serait vraisemblablement nécessaire ; mais ils s’étaient engagés, et, pour satisfaire à la fois leur parole et leur conscience, ils prirent le parti de faire faire la seconde saignée tellement abondante, qu’elle pût tenir lieu d’une troisième. […] C’est une espèce de fou qui ne manque pas d’esprit, à qui les caresses de Mme Dubarry et la confiance du roi dans cet horrible rapport avaient tourné la tête, qui se croyait un personnage, un homme à crédit, que cette idée disposait à tout faire pour l’avantage de cet indigne fripon, mais qui au moins était capable de mettre plus de force et plus d’intrépidité dans ses infamies ; homme d’ailleurs d’une crapule indécente, d’une déraison choquante et d’une insolence brutale. […] Quelque ferme que l’on soit dans son opinion, quand on y attache un grand prix, et quelque raison que l’on croie avoir de l’être, on la voit encore avec plaisir être celle des autres, et cette idée y confirme davantage.

1647. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. Le théâtre romantique »

Alfred de Musset : fantaisie lyrique ; idées générales et philosophie de son théâtre : le moi toujours présent, cause de vérité et de sincérité ; sens du dialogue, de la psychologie et de la caricature. — 3. […] Il n’y a pas là-dedans une idée morale, un sentiment : rien que l’horreur physique. […] Hugo, s’il se rencontrait déjà dans Notre-Dame de Paris : un comique d’imagination, sans esprit, sans finesse et sans idées, robuste, vulgaire, un peu lourd, tout renfermé dans les éléments sensibles du style et du vers, dans l’image et dans la rime, quelque chose de copieux et de coloré dont on ne saurait nier la puissance. […] Sur cette idée, qui ne nous étonne pas chez l’auteur de Moïse et de Stello, Vigny a écrit un drame émouvant et sobre, d’une amertume concentrée. […] Cependant la réflexion de Musset attachée sur les états de sensibilité dont il avait fait l’épreuve, sur ceux auxquels la pratique ou la poursuite de l’amour donne lieu, en a dégagé certaines idées générales, qui constituent, comme nous avons vu, sa philosophie personnelle : et ces idées transparaissent surtout dans son théâtre.

1648. (1895) La musique et les lettres pp. 1-84

Je confesse donner aux idées, pratiques ou de face, la même inattention emportée, dans la rue, par des passantes. […] Le génie, du reste, se servit de la langue, et des idées en cours, avant d’y mettre le sceau. […] Quelle agonie, aussi, qu’agite la Chimère versant par ses blessures d’or l’évidence de tout l’être pareil, nulle torsion vaincue ne fausse ni ne transgresse l’omniprésente Ligne espacée de tout point à tout autre pour instituer l’Idée ; sinon sous le visage humain, mystérieuse, en tant qu’une Harmonie est pure. […] le contexte évolutif de l’Idée — je disais parce que.. […]   Le vers par flèches jeté moins avec succession que presque simultanément pour l’idée, réduit la durée à une division spirituelle propre au sujet : diffère de la phrase ou développement temporaire, dont la prose joue, le dissimulant, selon mille tours.

1649. (1868) Alexandre Pouchkine pp. 1-34

Cependant lord Byron, né dans un pays d’habitudes oratoires, où l’on parle à toute occasion, et où trop souvent on écrit comme on parle, n’a jamais daigné faire un choix entre les idées qui se présentaient en foule à son imagination. […] Plus d’un poète prend pour des idées des images confuses, et à force de raffiner devient inintelligible. […] Elles éveillent encore quelques idées de terreur, mais elles n’ont pas une physionomie arrêtée. […] Pourtant il est encore tout plein d’idées romanesques et juvéniles, et ses caractères appartiennent plus à la convention qu’à la nature. […] Il est impossible de donner en français une idée de la concision de ses vers.

1650. (1894) Propos de littérature « Chapitre V » pp. 111-140

Au contraire, d’après M. de Régnier, l’allégorie objective l’idée qui le traverse : elle n’offre donc ainsi qu’une forme du passé. […] Il ne laisse jamais errer son idée toute nue telle qu’elle descendit de son souvenir et ne l’abandonne qu’ornée de scintillants joyaux, de soies aux plis flottants et de métaux orfévris. […] Je pense d’ailleurs qu’à présent les idées ont un peu changé ; M.  […] Les formes ne furent plus pour lui les vassales du sentiment ou de l’idée qu’elles contiennent, — comme chez M.  […] L’un demande à tous les éléments de plastique, de musique, de syntaxe, l’expression vive et nouvelle d’une idée ; il se glorifie souvent par des luxuriances qu’on s’étonne de ne guère rencontrer dans les Cygnes.

1651. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre douzième »

C’est à l’histoire générale qu’il appartient de juger cette entreprise, grande idée au dire des uns, selon d’autres grande présomption, qui, sous l’apparence d’un inventaire des connaissances humaines, faisait au passé tout entier le procès que Perrault et Lamotte avaient fait à Homère ; œuvre si contradictoire et si anarchique qu’au temps même où elle fut exécutée, des esprits qui la favorisaient comme acte la désavouaient comme ouvrage d’esprit, et la qualifiaient de Babel. […] Selon que l’idée du progrès par la destruction, ou l’idée de la conservation par l’amendement pacifique des choses, prévaudra dans l’esprit de l’historien, l’Encyclopédie sera un grand effort de la raison française, ou la plus dangereuse des témérités de l’imagination du temps ; un progrès ou une cause de ruine, une lumière qui continue à éclairer les hommes, ou une torche qui s’est étouffée elle-même dans l’incendie qu’elle a allumé. […] Tel est le faible des écrivains à vues : s’il leur vient une idée, fût-elle hors de leur sujet, il n’y a pas de risque qu’ils en fassent le sacrifice. […] Les zélés qui, en ces derniers temps, ont parlé de remplacer les Pères par les auteurs païens, ne se doutent guère que l’idée était venue à Diderot de mettre aux mains des enfants de dix à onze ans des extraits des Pères, « comme ayant autant d’esprit que les plus beaux esprits d’Athènes et de Rome. » Et poussant sa pointe, il voulait qu’on fît argumenter les enfants de douze ou treize ans sur les preuves métaphysiques de la religion. […] Buffon peint d’idée tout ce qu’il voit, et il ne voit rien qu’avec les yeux de l’esprit.

1652. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Appendice »

Sur plusieurs points nos idées se rencontraient merveilleusement : pour lui aussi, tout est philosophie. […] Et puis cela m’écarterait de mes idées chéries. […] j’arriverai peut-être par là à faire jour à mes idées. […] C’est faire tort au catholicisme que de l’accommoder ainsi à nos idées modernes, outre qu’on ne le fait que par des concessions verbales qui dénotent mauvaise foi ou frivolité. […] Quant au cupio omnes fieri, voici mon idée.

1653. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Malesherbes. » pp. 512-538

Dupin l’a envisagé, selon les habitudes de son esprit, avec vigueur, bon sens, et une sorte de résolution de coup d’œil : s’emparant de quelques objections adressées aux idées premières de M. de Malesherbes, il n’a pas seulement loué, il a discuté. […] Il arrêta immédiatement la vente du livre ; sa première idée fut de le faire examiner de nouveau par un autre censeur. […] Un jour, Marmontel, qui était rédacteur du Mercure, eut l’idée, pour être agréable à M. de Malesherbes, d’écrire l’éloge d’un de ses cousins, le président de Lamoignon, qui venait de mourir (mai 1759), et il lui demanda de lui procurer quelques détails biographiques. […] Il avait sur tout sujet un fonds d’idées et de connaissances amassées, et il s’enflammait à vous les dire. […] Dupin, dans son excellent travail, s’est attaché à montrer que Malesherbes ne s’était pas trompé, je ne dis pas en conduite, mais dans les vues, et que sur tous les points capitaux de liberté religieuse, de liberté de la presse, de liberté individuelle, d’égalité en matière d’impôt, cet homme éclairé n’avait fait que devancer les idées que les diverses chartes et constitutions ont mises en vigueur depuis.

1654. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « André Chénier, homme politique. » pp. 144-169

André Chénier partageait à beaucoup d’égards les idées de son siècle, ses espérances, ses illusions même. […] Lui, qui eût été un digne soldat de l’armée de Xénophon, il sent toute sa conscience héroïque se soulever à l’idée de cette violation de la discipline et de l’honneur érigée en exploit. […] Ce qui me frappe, c’est la raison et l’énergie : l’idée du talent ne vient qu’après. […] Tel est, dans cette admirable pièce, l’ordre et la suite des idées, dont chacune revêt tour à tour son expression la plus propre, l’expression hardie à la fois, savante et naïve. […] Il est évident qu’ils ont là-dessus des idées de gens de commerce et de petit commerce, des idées de détaillants, et ils vont prendre pour des défaites tout ce que ce galant homme leur répondra à ce sujet.

1655. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Études sur Saint-Just, par M. Édouard Fleury. (2 vol. — Didier, 1851.) » pp. 334-358

Ici celui qu’on pouvait prendre pour un élève de Montesquieu redevient un écolier de Rousseau, et, en général, toute cette brochure pèche par une grande obscurité et une grande confusion d’idées. […] Cela nous prépare à cet autre mot de Saint-Just en 1793 : « Marat avait quelques idées heureuses sur le gouvernement représentatif, que je regrette qu’il ait emportées. » Mais, je le répète, à cette date de 1791, Saint-Just n’est pas encore formé, et il cherche sous ses airs didactiques à donner une expression arrêtée à des idées incohérentes. […] À part cette idée de gouvernement fort, dont il abuse et qu’il pervertit au gré de ses sophismes et de sa passion ; toute la doctrine politique de Saint-Just n’est qu’un délire. […] Comme tous les fanatiques, Saint-Just confondait le triomphe de ses passions avec celui de ses idées, et avec le règne de la vérité absolue. […] En ce sens Saint-Just fut le doctrinaire de la Montagne : il le fut par le tour comme par les idées.

1656. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre I. Le Bovarysme chez les personnages de Flaubert »

Quelle influence singulière nous arrache ainsi à nous-mêmes et à l’heure présente, dressant l’idée en face de l’instinct, créant, à côté de nos besoins réels, des besoins imaginaires auxquels nous donnons l’avantage ? […] Dominé par son tempérament d’artiste, contraint, pour manier des idées abstraites, de les incorporer en des personnages vivants, il a dû composer à ceux-ci une individualité concrète afin qu’ils pussent, par le moyen de leurs gestes immédiats, évoquer des interprétations plus hautes. […] Sous ce jour ils personnifient l’homme moderne : à celui-ci, la vulgarisation de l’enseignement, phénomène propre à notre temps, ouvre des perspectives illimitées sur l’infinité des idées philosophiques, morales, littéraires et scientifiques élaborées par l’effort des civilisations antérieures. […] La disproportion est manifeste entre la pauvre énergie mentale dont ils sont doués et la somme de notions et d’idées qu’étaient devant leurs yeux l’instruction prodiguée à tous, la diffusion, par la presse et par les manuels de vulgarisation, des connaissances de tout ordre. […] Dénués de tout goût particulier assez fort pour courber dans un sens unique l’énergie de leur attention, pour, les absorber et les satisfaire par la perpétuité d’un plaisir toujours renaissant, ils cèdent à la fascination de l’idée qui dresse autour d’eux ses sommets et les sollicite avec une égale insistance sous toutes ses faces.

1657. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1859 » pp. 265-300

Il nous dit, et nous le croyons, que l’Empereur a corrigé les épreuves, que Fould y a travaillé et que Morny a fourni la fin, « la Métropole à Paris », une idée du Mémorial, une idée de l’autre, dont tout cet empire est une contrefaçon. […] * * * — J’ai eu des chaleurs de tête, des dévouements d’idées, des enthousiasmes d’âme ; mais à présent je juge qu’il n’y a pas une chose ou une cause qui vaille un coup de pied dans le cul, — au moins dans le mien. […] Il se plaint de sa non-compréhension, de son bavardage vide… Dans le temps où il imaginait dans sa tête des caricatures fantastiques, il avait eu l’idée de celle-ci : Un homme aimé. […] Ici il ne mange plus, — car nous dînions, — sa voix devient amoureuse, son œil, plus vif, prend de la fixité, et avec sa haute parole, il nous emporte comme dans un monde de rêves et d’idées, où il fait jaillir, sous des mots, des éclairs qui nous montrent des sommets. […] Dans ses divagations, ce dentiste a pour excuse de ne pouvoir porter quelque chose sur la tête et de tenir dans la rue son chapeau à la main, mais les folies qui jaillissent de sa faible cervelle, ne lui sont pas tout à fait personnelles : elles lui sont apportées par le courant des choses, elles lui sont soufflées par le vent des idées dans l’air.

1658. (1913) La Fontaine « III. Éducation de son esprit. Sa philosophie  Sa morale. »

Alors il est pris entre son idée, qui est aussi celle d’autres personnes (celle de Mme de Sévigné, par exemple, protestant avec énergie contre le machinisme des bêtes), il est pris entre cette idée que les animaux ont un esprit, que les animaux ont une âme, et cette autre idée qu’il est très dangereux que l’on croie à l’âme des bêtes. […] … Car enfin, si le bois fait la flamme, La flamme, en s’épurant, peut-elle pas de l’âme Nous donner quelque idée ? […] La Fontaine n’a pas consacré beaucoup de fables à cette idée morale, mais il en a consacré un certain nombre qui sont très soignées, qui ne sont pas sans doute l’expression de sa philosophie pratique, car il n’a jamais rien fait, mais de cette philosophie, vous savez, qu’on a pour les autres. […] Vous avez encore, dans le même ordre d’idées, le Loup et le Chien. […] Le ton est lyrique, et le ton est infiniment pénétrant, autant qu’il montre que l’auteur est de cette idée pénétré lui-même.

1659. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 256-257

Son génie heureux & facile, qui savoit se plier à tout, le rendit trop indulgent à lui-même ; il auroit dû se défier de la grande facilité, qui l'entraîne sans lui permettre ni le choix ni la correction ; de l'intempérance d'idées, qui s'appesantit sur un sujet & ne le quitte qu'après l'avoir épuisé. […] Des idées riantes, des pensées délicates, des expressions pleines d'aisance & de douceur, sont propres à faire naître dans leur esprit cette aménité qui fait le charme du style.

1660. (1890) Dramaturges et romanciers

Les idées, en se multipliant, ont perdu une grande partie de leur puissance. […] Nos idées sont trop multipliées pour laisser d’elles autre chose qu’une empreinte légère sur l’âme. […] Rivière nous, savons d’où vient l’idée, et par conséquent nous savons où elle va. […] Erckmann-Chatrian a nombre d’idées, et de jolies ; mais il semble ignorer l’art de les développer. […] Toutes les idées exprimées par M. 

1661. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIe entretien. Balzac et ses œuvres (1re partie) » pp. 273-352

Comme l’oncle Toby, il avait aussi une idée prédominante. Cette idée chez lui était la santé. […] « — Mais à quoi bon publier ces idées ? […] « “Une idée, mère ! […] « Mes idées changent tellement que le faire changerait bientôt !

1662. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre II. Les génies »

Dieu n’a pas fait ce merveilleux alambic de l’idée, le cerveau de l’homme, pour ne point s’en servir. […] Tout le poëme de Job est le développement de cette idée : la grandeur qu’on trouve au fond de l’abîme. […] Un déluge intérieur d’idées ténébreuses submerge la pensée ; la conscience noyée ne peut plus faire signé à l’âme ivrogne. […] Que les personnages restent d’accord avec eux-mêmes, mais que les faits et les idées tourbillonnent autour d’eux, qu’il y ait un perpétuel renouvellement de l’idée mère, que ce vent qui apporte des éclairs souffle sans cesse, c’est la loi des grandes œuvres. […] Le lointain des mœurs, des croyances, des idées, des actions, des personnages, est extraordinaire.

1663. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIe entretien » pp. 5-85

dans une époque où tout se fait matière et se pétrifie à force de regarder la pierre, le fer, le tissu, et de se désintéresser des idées ? […] Parce que le livre n’a que des idées, et que l’homme a un cœur. […] L’esprit humain veut donner un visage aux idées, un nom, un cœur, une âme, une individualité aux choses. Si quelqu’un voulait écrire l’histoire des idées, je vous défierais de le lire ; mais qu’il écrive l’histoire des hommes qui ont représenté ces idées, il sera lu d’un bout de la terre à l’autre. Dieu lui-même a fait les créatures sensibles pour personnifier ses idées.

1664. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre III. Le roman » pp. 135-201

En effet, ils semblent avoir été les véritables précurseurs de cette forme de roman qui tenta depuis les débutants, épris d’idées humanitaires. […] … Maintenant, quelle part de sincérité devons-nous trouver dans une œuvre dont les détails n’existent que pour la démonstration d’une idée ? […] Hirsch satisfait d’avoir des paysages à décrire et une peuplade nègre à imaginer, s’est laissé aller à écrire un délicieux roman d’aventures, avec de l’énergie de-ci de-là, et une idée directrice, noble et généreuse. […] Exquisément, avec un geste gamin, tendre et peureux, avec l’horreur de divulguer à la foule une pensée hautaine, elle composa d’imagination des histoires d’amour qui symbolisaient des conflits d’idée. […] Il est trop rapidement séduit par les Idées, voilà ce qui explique le chemin accompli depuis Éleusis.

1665. (1888) La vie littéraire. Première série pp. 1-363

Quel écrivain vous feriez, si vous aviez moins d’idées ! […] C’est d’actes et non d’idées que vivent les peuples. […] Il a sur le monde et la vie des idées très arrêtées. […] Ses idées changent à tout moment. […] La crudité des détails passe toute idée.

1666. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Du Plessys, Maurice (1864-1924) »

Comment la forme saurait-elle être dissoluble de l’idée ? Comment saurait-il y avoir des idées véridiques exprimées dans une langue fausse ?

1667. (1894) Propos de littérature « Introduction » pp. 9-10

Les œuvres des deux poètes que j’ai choisis me serviront plutôt à rendre plus claire l’expression de certaines idées qui me hantent et à illustrer quelques réflexions sur la philosophie dans l’art, sur la méthode, la forme et la technique de ceux que l’on a appelés les Symbolistes ; en analysant ce que contiennent la Chevauchée d’Yeldis et les Poèmes anciens et romanesques, par exemple, je voudrais arriver à établir indirectement le compte de doit et avoir d’une génération dont ces livres indiquent assez complètement, dans les limites de l’art, les tendances diverses. […] Frères par l’amitié, MM. de Régnier et Vielé-Griffin le sont aussi par leurs écrits, mais à cause de leurs différences mêmes, — en ce sens spécial que l’un complète l’autre à merveille et que leurs livres réunis donneraient l’idée presque parfaite de la poésie nouvelle.

1668. (1891) Lettres de Marie Bashkirtseff

On ne se fera jamais idée du calme profond, qui règne en cet endroit. […] L’idée de revoir ma tante m’occupe. […] Maintenant voici mes idées à moi pour que vous sachiez dans quel sens marcher. […] On me dira que ces gens-là n’ont pas ces idées-là. […] Les mêmes idées s’y trouvent répétées et souventtextuellement reproduites.

1669. (1912) Chateaubriand pp. 1-344

Dans ses Mémoires, il nous dit subitement (et il est vrai que, quelques années auparavant, il avait songé à aller au Canada ou aux Indes) : « Une idée me dominait, l’idée de passer aux États-Unis. […] On voit assez clairement, il me semble, comment cette idée était venue à ce jeune homme. […] On dirait que son rêve est de faire appliquer les idées de la Révolution par un personnel royaliste. […] Il se soumettait l’univers… » (Trois idées politiques.) […] Mémoires d’outre-tombe, ce titre les agrandit en y mêlant l’idée de la mort, leur donne quelque chose de mystérieux et de solennel.

1670. (1890) Impressions de théâtre. Quatrième série

Ils nous renvoient, liés et achevés, nos commencements d’idées. […] « Alors le grand prêtre a une idée, une idée d’une canaillerie magnifique. […] Ceux qui me refuseront ce droit se font donc une singulière idée de la critique ? […] Tant d’idées peuvent vous passer par la tête ! […] Il faut dire aussi que l’idée de péché nous préoccupe peu dans la vie réelle.

1671. (1890) La bataille littéraire. Troisième série (1883-1886) pp. 1-343

Tout à fait sourd, maintenant, il tournait avec rage, tourmenté par l’idée de son inexplicable et continuelle malechance. […] Tourmenté cependant par cette idée, il alla se placer derrière un enfant et, brusquement, se mit à jouer. […] Aussi, n’est-ce point à la forme qu’il faut s’en prendre, mais parfois au fond même de l’idée. […] Je m’en aperçois ; vous êtes verdâtre, rien qu’à l’idée de lui parler. […] Quelquefois, j’ai eu l’idée de les joindre à ce volume.

1672. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Gabriel Naudé »

Ce courant de folles idées, ce souffle aveugle dans l’air, attisait plus d’un bûcher. […] La politique n’est que l’art de mener les hommes, et cet art dépend de l’idée qu’on se fait d’eux. […] Je voudrais pouvoir donner idée du Mascurat à des lecteurs gens du monde, et j’en désespère. […] C’en est assez pour donner idée de la composition étrange de cet autre Neveu de Rameau. […] Il s’élève pourtant de ton en revenant sur ce sujet favori des révolutions d’idées, au chapitre VI de son Addition à l’Histoire de Louis XI.

1673. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Le Chevalier de Méré ou De l’honnête homme au dix-septième siècle. »

Elle a été l’objet de ses méditations dans sa retraite ; on la retrouve partout dans ses idées. […] Ces procédés-là (qui sont déjà les procédés américains) n’entrent pas dans l’idée du chevalier : au fond d’un désert comme au milieu de la cour, à l’écart, à l’improviste, à chaque heure, son honnête homme est le même, car il a son inspiration dans le cœur. […] Le chevalier, en vieillissant et en devenant plus vertueux, faisait subir à son idée d’ honnête homme une métamorphose graduelle qui le menait jusqu’à y comprendre tous les sages, Platon, Pythagore lui-même. […] Pour les idées aussi bien que pour les agréments, le chevalier peut bien n’être jamais allé au-delà d’une certaine surface et n’avoir point percé la glace, même en fait d’épicuréisme. […] Il ne s’est pas aperçu que cette raison universelle et tant soit peu platonicienne n’était pas compatible avec les idées de La Rochefoucauld.

1674. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (2e partie) » pp. 409-488

Je ne dis pas que Dieu existe, je ne dis pas qu’il n’existe pas, je dis seulement que je n’en sais rien, que cette idée me paraît avoir fait aux hommes autant de mal que de bien, et qu’en attendant que Dieu se révèle, je crois que son premier ministre, le hasard, gouverne aussi bien ce triste monde que lui. Je crois seulement que je ne crois à rien ; je me trompe cependant, je crois à ce qu’on appelle conscience, soit instinct, soit mauvaise habitude d’idées, soit effet de préjugés et de respect humain. […] Mareste, notre ami, m’a dit que vous aviez mille fois plus d’esprit qu’il n’y en a dans vos livres, que vous en prendriez encore beaucoup plus en vieillissant, et que vous étiez très bon à connaître pour moi, parce que vos sentiments étaient excellents, vos idées sincères, et que vous compreniez tout le monde, même moi, si je vous plaisais ! […] De bonne heure il conçut l’idée de naturaliser dans la littérature et la poésie romaine certaines grâces et beautés de la poésie grecque, qui n’avaient pas encore reçu en latin tout leur agrément et tout leur poli, même après Catulle et après Lucrèce. […] Virgile le sentait, et il y pensait déjà ; le triomphe d’Auguste pendant son retour de Brindes à Rome, la vingtième année avant la naissance du Christ, paraît lui avoir donné l’idée première de l’Énéide, poème légendaire de Rome.

1675. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Figurines »

Car toute son œuvre donne, au plus haut point, l’idée d’un grand esprit et, à la fois, d’une âme mélancolique et tendre. […] Il a, je crois, prévu l’homme de lettres du siècle suivant, ouvrier des idées généreuses, homme vraiment public. […] Ces idées ne sont jamais insignifiantes. […] Ces idées sont, presque toujours, majestueusement tristes. […] Il n’a peur ni des faits ni des idées.

1676. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre X, Prométhée enchaîné »

Ses plus anciennes fables leur associent déjà l’idée de la femme. […] Mais leur intervention exprime, en réalité, une idée plus haute, celle des âmes de la Nature émues du malheur de son plus grand fils. […] Cet arrêt de déchéance éventuelle signifié au Roi de l’Olympe déconcerte l’esprit moderne habitué à la fixité de l’idée divine. […] On en prendrait une fausse idée en l’envisageant d’après lui. […] Peut-être recula-t-il devant son idée ; peut-être aussi l’orthodoxie du Vatican, moins large que celle des anciens docteurs, interdit-elle au Titan l’entrée du sanctuaire.

1677. (1891) Impressions de théâtre. Cinquième série

une suite dans les idées ! […] Je ne sais qu’une chose : c’est que mes idées diffèrent entièrement des tiennes. […] Mais l’idée même de la prostitution la laisse singulièrement calme. […] C’est une idée qu’elle a comme cela. […] Et c’est aussi cette idée qui, remplissant le drame de M. 

1678. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (2e partie) » pp. 305-367

Une fois les idées progressives admises en pratique dans le gouvernement d’une société bien faite, la monarchie peut être avec logique et avec avantage le lien de ce faisceau d’idées. […] Aussi je ne me déclarai point républicain, mais populaire, et dans un discours prononcé à un banquet célèbre qui me fut donné à Mâcon par les délégués de trois ou quatre provinces réunies (banquet littéraire qu’il ne faut pas confondre avec les banquets politiques organisés par la coalition parlementaire), dans ce discours, dis-je, qui fit tressaillir la France par la hardiesse des idées et de l’accent, je conclus à dompter la monarchie par la force de l’opinion, et non à la détruire. […] Une pensée fixe, triste, mais nullement déconcertée, donnait à ses traits une sorte de pétrification lapidaire dans une seule idée et dans un même sentiment, idée abstraite, sentiment ferme, mais nullement sévère. […] Accordez-les-moi ou refusez-les-moi, selon l’idée que vous vous ferez de moi-même ; je respecterai également votre confiance et votre silence, je reviendrai ou je m’éloignerai sans retour. » Madame Lebas fut plus sensible à cette franchise qu’elle ne l’aurait été à une adulation intéressée de ses sentiments. […] Le jugement final porté par moi dans les Girondins sur cet homme, sur ses systèmes et sur ses actes, est trop implacable de sévérité pour qu’on puisse m’imputer aucune complicité d’idées ou aucune intention d’atténuation de ses immanités, juste horreur des siècles.

1679. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (1re partie) » pp. 305-364

Je ne nie pas mon incompétence pour un jugement ; je ne prends pas ma taille pour mesure du génie dramatique ; je ne dis pas : « Ce qui est plus haut que moi n’existe pas. » VI Quoi qu’il en soit, c’est l’âge qui fait les idées, c’est la jeunesse qui fait les amitiés. […] On peut différer d’idées, de goûts, de convictions même, pendant qu’on flotte, mais on ne peut s’empêcher de sentir une secrète tendresse pour ce qui flotte avec vous. […] Ce ne fut pas là un triomphe de trois jours contre la démagogie du drapeau rouge, ce fut le triomphe du sens commun contre une idée fausse. […] Ses fils travaillaient dans mon cabinet, aux Affaires étrangères ; j’étais fier du nom, et, en lisant dans les journaux ce programme de la république de propriété, d’ordre et de vraie liberté signé Hugo, je me félicitais qu’un si puissant esprit s’engageât dans l’armée où je servais moi-même la cause des améliorations populaires possibles, contre les démagogues de la rue, ces rêveurs de sang et de guerre, et contre les utopistes, ces démagogues de l’idée. […] Mais l’idée d’écrire sur l’œuvre d’un homme proscrit par lui-même sans doute, mais enfin proscrit par les circonstances, comme ferait à peine un ennemi, cette idée, sans convenance et sans mémoire, ne me vint même pas ; il y a des tentations qui ne surgissent que dans des âmes infimes, dignes d’être tentées par ce qui est abject comme elles.

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