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1737. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre III »

Avec de l’argent et de l’esprit, un parvenu se dégourdit vite, et son fils, sinon lui, sera initié : quelques années d’exercices à l’académie, un maître de danse, une des quatre mille charges qui confèrent la noblesse lui donneront les dehors qui lui manquent. […] La maréchale de Luxembourg, si fière, choisit toujours Laharpe pour cavalier ; en effet, « il donne si bien le bras !  […] Sareste, c’est le Contrat social que leur maître leur donne en guise de manuel. […] Siéyès leur en veut de l’abbaye qu’on lui a promise et qu’on ne lui a pas donnée. […] Mais la Révolution a donné bec et ongles à la petite bourgeoise et, un instant après, elle lui dit avec son plus beau sourire : « Voulez-vous du poulet, mon cœur ? 

1738. (1911) Enquête sur la question du latin (Les Marges)

Cette culture scientifique, qui devait leur donner de la netteté, n’en confère point si elle n’est accompagnée et complétée par une bonne culture classique. […] Sans cela je n’y aurais point donné mon assentiment. […] Et si l’on me reproche de citer les « têtes », il n’y a qu’à se rappeler le grand nombre d’oratoriens ayant jeté leur froc par-dessus la guillotine qui, à la Convention et en mission, se donnaient des airs de proconsuls. […] Mais le latin donne au terme componere un autre sens, bien plus fin, bien plus près de l’Art, et c’est cette signification-là qui, seule, peut dévoiler le curieux mystère de la composition. […] Il est constant que l’abandon graduel des études latines nous a donné une génération d’hommes qui massacrent la langue et ne savent plus ordonner un discours, un rapport.

1739. (1863) Le réalisme épique dans le roman pp. 840-860

Polybe, Appien, ont donné quelques détails sur l’emplacement des ports et de la ville ; il les a lus. […] Dès lors tout réussit aux mercenaires, Hannon est vaincu, la faction des marchands est obligée de rappeler Hamilcar et de lui donner le commandement de l’armée. […] Frédéric Hebbel, qui donne aussi beaucoup trop de place à la physiologie dans ses poétiques études, a montré Judith sur la scène au moment où elle sort de la tente d’Holopherne. […] Il veut peindre la réalité telle qu’elle est, donner à chaque chose son relief, et il ne s’aperçoit pas que cette attention accordée à tous les objets indifféremment, détruisant l’effet de l’ensemble, détruit aussi le détail. […] Je donne à ce mot tous les sens qu’il renferme.

1740. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Sieyès. Étude sur Sieyès, par M. Edmond de Beauverger. 1851. » pp. 189-216

Mais on peut dire, malgré ces résumés substantiels et judicieux, que, si le personnage public a donné sa formule, l’homme, chez Sieyès, ne nous apparaît que dans une sorte d’éloignement et d’ombre. […] Si nous donnons le nom de roman au plan d’un édifice qui n’existe pas encore, un roman est à coup sûr une folie en physique : ce peut être une excellente chose en politique. […] — Combien faudrait-il lui donner ? […] douze. — Fort bien ; mais au lieu de les lui donner en pension, donnez-lui une abbaye de la même valeur. […] Il donnait sans paraître.

1741. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1856 » pp. 121-159

La poignée de main qu’ils me donnent, ressemble à celles qu’ils m’ont données. […] Il y avait à traverser une grande pelouse, où la lune donnait en plein. […] On vous donnera ce que vous voudrez ! […] Un premier testament lui donnait 100 000 francs (le chiffre de ses dettes) ; un second, 300 000 francs ; enfin, la succession ouverte, un troisième testament, découvert sous le fauteuil dans lequel vivait, le jour et la nuit, la mourante d’une maladie de cœur, lui donne toute la fortune. […] » Et dans le dîner qu’il nous donne au Moulin-Rouge, apparaît, au fond de ses pensées et de ses paroles, comme une charge pesante, une responsabilité sérieuse, presque une tristesse effrayée de tant d’or inespéré.

1742. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre deuxième. Le génie, comme puissance de sociabilité et création d’un nouveau milieu social »

Aujourd’hui, avec les facilités de toutes sortes que nous donne l’imprimerie, le génie choisit lui-même son milieu, se confirme par ses études de prédilection ; tout cela ne le forme pas, mais peut servir plutôt à le constater. […] Pourtant, elle ne la produit pas ni ne l’impose entièrement ; la marque du génie est précisément de trouver une forme nouvelle que la connaissance de la matière donnée n’aurait pas fait prévoir. […] Il n’est donc pas facile de conclure d’une œuvre donnée à la société au milieu de laquelle elle s’est produite, si on veut sortir des généralités et des banalités. […] C’est pour cette raison que nous accordons à toute œuvre d’art nouvelle notre attention, notre sympathie, sans nous donner pour cela tout entiers, ni pour toujours, ni à un seul. […] Muillier (Allgemeine Ethnologie), tout en admettant l’influence de l’habitat et de la nourriture sur les caractères physiques et moraux, ne peut donner de cette action que des exemples extrêmement vagues et généraux.

1743. (1809) Quelques réflexions sur la tragédie de Wallstein et sur le théâtre allemand

L’on aperçoit tous les symptômes d’une insurrection prête à éclater, si le signal en est donné par Wallstein. […] Dans le Goetz de Berlichingen de Goëthe, ce guerrier, assiégé dans son château par une armée impériale, donne à ses soldats un dernier repas pour les encourager. […] Il avait, par ce ménagement mal entendu, dépouillé le chœur de l’impartialité qui donne à ses paroles du poids et de la solennité. […] On le voit à chaque instant prêt à s’adoucir, pour peu qu’Hermione lui donne quelque espérance. […] Aucun des personnages de femmes que nous voyons sur la scène française n’en peut donner l’idée.

1744. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’avenir du naturalisme »

Cette situation nouvelle, quelque éphémère et superficielle qu’elle puisse être, étant donnée la succession rapide des écoles et des théories, mérite bien qu’on s’y arrête pour l’envisager ; d’autant plus qu’elle nous fournira l’occasion d’un jugement d’ensemble, à un point de vue nouveau, sur l’œuvre et les idées conductrices du maître de Médan. […] Et en les connaissant, il a amassé un trésor d’expériences où il puisa lorsqu’il vint à faire des livres, et qui leur donne ce troublant parfum spécial qu’exhalent seules les choses qui ont été vécues personnellement dans l’éloignement du passé. […] Il est vrai, que si nous jetons les yeux à la page suivante, nous sentons chez l’auteur un certain regret — inexplicable — de s’être abandonné à de telles « folies » : « La passion de la nature nous a souvent emportés, et nous avons donné de mauvais exemples, par notre exubérance, par nos griseries du grand air. […] Et ce sont des symphonies de feuillage, des rôles donnés aux brins d’herbe, des poèmes de clarté et de parfums. […] Malgré la belle santé apparente et le fort parfum qui s’en dégage, son œuvre ne me donne pas assez l’impression d’un équilibre puissant de la vie intérieure et extérieure, d’une vision pleine et harmonique du monde.

1745. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIII. »

Aussi toi-même tu leur as départi ta puissance : tu leur as donné la garde des fortes villes ; et tu résides toi-même sur les hautes citadelles, attentif à ceux qui gouvernent le peuple par d’iniques décrets ou selon la voie droite ; tu leur donnes à tous, par surcroît, la richesse et la prospérité, mais non dans une mesure égale. […] Donne la vertu et la richesse. […] Sous le nom de Jupiter, c’est le Dieu des Juifs qui est adoré ici, ce Dieu qui donne la vertu et la richesse, et qui, même par les biens terrestres, anticipe sur les promesses éternelles, selon les images fréquentes dans les livres de l’ancienne loi. […] Vous n’avez plus ici ni Delphes, ni Olympie, ni cette tradition des lieux, ces temples, cette terre sacrée qui ravissait le poëte et lui donnait l’enthousiasme, en même temps que la lyre. […] Il donne beaucoup aussi à des rois courageux, beaucoup aux villes, beaucoup à de braves compagnons de guerre ; et, dans les lices sacrées que protège Bacchus, il n’est pas venu d’homme habile à moduler des airs, que ce roi ne lui ait donné un digne loyer de son art.

1746. (1878) Leçons sur les phénomènes de la vie communs aux animaux et aux végétaux. Tome I (2e éd.)

Quand on définit le nombre pair, « un nombre divisible par deux », on donne une définition géométrique selon Pascal, parce qu’on emploie un nom que l’on destitue de tout autre sens, s’il en a, pour lui donner celui de la chose désignée. […] Elle est une science expérimentale et n’a pas à donner des définitions a priori. […] De là, le nom d’Anatomie générale donnée à leur étude. […] Ce premier état transitoire donne bientôt naissance à des états plus complexes. […] Cohn en 1851, Stein en 1854, et Balbiani en 1873, qui à cet égard ont donné des bases plus solides à nos connaissances.

1747. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre III. L’Âge moderne (1801-1875) » pp. 388-524

On a donné du romantisme, on en donne encore tous les jours de nombreuses définitions, et elles contiennent toutes ou presque toutes, une part de vérité. […] Et il faut noter, à ce propos, qu’environ trente ans plus tard, Henri Heine, dans le livre où il refera celui de Mme de Staël, ne donnera pas du romantisme une idée si différente ! […] Ni leurs contemporains ne sauraient leur en demander davantage, ni eux-mêmes ne pourraient nous le donner, sans manquer au respect dont ils sont comme tenus envers leur propre originalité. […] Tandis que l’orateur essaie de donner à son émotion la forme la plus générale qu’il puisse, afin d’atteindre ainsi l’auditoire le plus divers et le plus étendu, c’est au contraire la forme la plus individuelle possible que le poète s’efforce de donner aux émotions de tout le monde. […] Vigny n’a pas laissé de plus beaux vers, qui lui ressemblent davantage, ni qui donnent de ce qu’il fut une plus noble idée.

1748. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLe entretien. Littérature villageoise. Apparition d’un poème épique en Provence » pp. 233-312

oui, donne ! […] Donnez le temps que l’on rêve, le temps qu’à tout le moins ils rêvent le bonheur ! […] qu’à peine aux lézards gris il donnait autant d’ombre qu’une touffe de jasmin. […] Les couronnes qu’il a reçues des filles d’Arles lui donnent la certitude d’honorer Mireille en la demandant pour épouse. […] Je ne demande rien de plus pour me sevrer de mon nid. — Belle, alors, dit le bouvier, donnez-moi votre amour !

1749. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1874 » pp. 106-168

J’ai eu un parent très riche et très avare, qui aurait donné de son argent, et pas mal, pour voir tomber du ministère Lamartine, qu’il ne connaissait pas du tout. […] Il me donne ce détail curieux, que les collectionneurs chinois n’exposent jamais leurs objets d’art. […] Aujourd’hui, je sens qu’il n’y plus rien au monde, que je me donnerais la peine de désirer, d’ambitionner, d’espérer, de rêver. […] C’est le nom que le lieutenant de gendarmerie donne aux vignerons du pays. […] Et la belle gravité de style que donne aux mouvements, aux attitudes, le danger du métier !

1750. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1887 » pp. 165-228

Vraiment curieuse, la mobilité du masque de l’acteur, et la succession des figures d’expression douloureuses, qu’il fait passer sur sa pétrissable chair, et les admirables et pantelants dessins qu’il donne d’une bouche terrorisée. […] Elle dit que c’est presque une réunion de famille, que les cinq cents personnes, qu’on rencontre partout à Paris, se donnent rendez-vous là, et qu’entre ce monde, il s’établit des courants curieux sur les choses qui se disent, sur les jugements qui se produisent. […] Depuis, les romans de Tolstoï, de Dostoïewski, et des autres, je crois, m’ont donné raison. […] Le second chapeau vert était donné à du Boys, garçon doux et tranquille, qui, un jour, venait conter à Mme Daudet des choses d’une violence terrible, coiffé de ce chapeau. Enfin le troisième chapeau était donné à Gill le caricaturiste.

1751. (1857) Cours familier de littérature. IV « XIXe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset (suite) » pp. 1-80

Il lui donne un démenti en vers qui soulèvent le cœur de dégoût. […] Il faut rendre justice au poète, il fait comme la nature, il donne toujours le beau rôle à la femme. […] Musset, dans Rolla, donne véritablement à la chauve-souris les ailes du cygne ou de l’aigle. […] Que le ciel lui donna sa beauté pour défense ? […] Poëte, prends ton luth, et me donne un baiser.

1752. (1859) Critique. Portraits et caractères contemporains

Il donne au roi Louis XVIII le bon Ducis ; il lui donne aussi madame de Staël (et, certes, c’était lui faire un magnifique présent !) ; il lui donne, ou peu s’en faut, Goethe et Walter Scott ! […] Que de vivacité dans ces batailles où il donnait tête baissée ! […] « Vous me donnez bien ce fagot, monsieur Dulac ?  […] C’est la forme qui leur donne toute leur importance.

1753. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre I. Les personnages »

Il n’oublie pas de donner à sa femme le titre d’usage ; il est furieux en termes officiels et choisis ; il ne se commettra jamais avec un insolent. […] S’il a perdu sa queue, il voudra se donner des compagnons. […] On ne se pique pas de donner, mais de prendre. […] Voilà la première vertu de la poésie ; on lui donne une idée, elle en fait un homme ; on lui apporte un cadre, elle en fait un tableau. […] C’est un fromage exquis : le dieu Faune l’a fait La vache Io donna le lait.

1754. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre III. La nouvelle langue. » pp. 165-234

Un ruisseau sinueux, qui va sans flots sur un sable uni et luit au soleil par intervalles, peut seul en donner l’image. […] Que Dieu leur donne mauvaise chance, et protége tous les amants !  […] Je veux donner la fleur de mon âge aux actes et aux fruits du mariage… Je veux un mari, et je ne le lâcherai pas !  […] Il suffit qu’on lui donne « bonne pitance. » « Car donner aux pauvres frères, c’est signe qu’un homme est bien confessé. » Des méchants répandront le bruit que le pénitent est fort peu repentant et fort peu contrit ; pure calomnie. […] C’est le titre que Froissart (1397) donna à son recueil de vers, en le présentant au roi Richard II.

1755. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxiiie entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff »

Mais madame Zverkoff s’est donné pour règle de ne point avoir à son service de femme de chambre mariée ; et, en effet, cela ne vaut rien. […] Combien a-t-il donné pour l’affranchir ? […] Gour Kroupianikoff, daignait ne point le renvoyer, mais il ne lui donnait plus d’appointements. […] Je lui donnai le temps de se reposer et m’assis à côté de lui. […] On donne ce nom aux habitants d’une contrée boisée qui commence aux districts de Bolkof et de Jisdra.

1756. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre II. La parole intérieure comparée à la parole interieure »

Tout dépend de la direction que l’attention, c’est-à-dire la volonté, donne ou néglige de donner à l’habitude. […] Je ne dis pas qu’elle en est le signe ; l’expression, ici, serait inexacte ; car il ne s’agit plus d’un caractère donné qui entraîne un jugement, mais d’un premier jugement qui en entraîne un second ; l’extériorité n’est jamais donnée, elle est toujours inférée ; elle ne saurait être un signe. […] Juste auparavant, Taine donne à propos de M. de Rênal un exemple de la rapidité et de la discontinuité des sentiments que Stendhal sait rendre. […] Taine donne alors ici un autre exemple, montrant cette fois la concentration intime d’émotions comme de représentations morales et sociales dans un mot, d’où son pouvoir sur nous. […] C’est l’explication qu’en donne, en d’autres termes, M. 

1757. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — I. » pp. 1-19

Je me trompe : on avait essayé d’en donner de son vivant une ébauche d’édition faite sur des notes et par des copistes (la sténographie n’existait pas alors) ; c’était sur cette édition incomplète, non authentique, que les critiques étaient réduits à le juger. Lorsque parut l’édition donnée par le neveu de Massillon et conforme en tout aux manuscrits, elle réunit donc tous les suffrages et satisfît à un grand désir des chrétiens et des gens de goût. […] Qu’on se représente bien (pour s’en donner toute l’impression), et le cadre, et l’auditoire, et l’orateur : Ne vous semble-t-il pas, disaient après des années les témoins qui l’avaient entendu, ne vous semble-t-il pas le voir encore dans nos chaires avec cet air simple, ce maintien modeste, ces yeux humblement baissés, ce geste négligé, ce ton affectueux, cette contenance d’un homme pénétré, portant dans les esprits les plus brillantes lumières, et dans les cœurs les mouvements les plus tendres ? […] Heureux le prince, vous dirait-il, qui n’a jamais combattu que pour vaincre ; qui n’a vu tant de puissancLes armées contre lui que pour leur donner une paix plus glorieuse (la paix de Ryswick), et qui a toujours été plus grand ou que le péril ou que la victoire ! […] Il n’est pas donné à tous les esprits de sentir et de goûter également ce genre de beautés et de mérites de Massillon : il en est, je le sais, qui le trouvent monotone, sans assez de relief et de ces traits qui s’enfoncent, sans assez de ces images ou de ces pensées qui font éclat.

1758. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — II. (Fin.) » pp. 198-216

Voulant donner idée de la félicité et de la gloire des saints en l’autre vie, voulant développer les desseins de Dieu dans l’accomplissement de ses élus et comment il les prend, les manie, les prépare et n’arrive que tout à la fin à leur donner le coup de maître, l’orateur, qui cherche à se rendre compte à lui-même, établit une dissertation élevée autant et plus qu’il ne prêche un sermon ; il dut peu agir cette fois sur les esprits de son auditoire et en être médiocrement suivi. […] Quant au bonheur même dont il voudrait nous donner directement l’idée, bonheur tout spirituel et tout intérieur de l’âme dans l’autre vie, il le résume dans une expression qui termine tout un développement heureux, et il le définit : « la raison toujours attentive et toujours contente ». […] Je ne veux rien dire que d’incontestable : Louis XIV bien jeune a été utile à Bossuet pour lui donner de la proportion et toute sa justesse. […] Cependant Bourdaloue continua d’être pour le siècle le prédicateur ordinaire par excellence, celui qui donnait un cours continuel de christianisme moral et pratique, et qui distribuait à tous fidèles sous la forme la plus saine le pain quotidien. […] Cette fois donc, en présence d’un si grand sujet et au pied de la statue, qu’il me suffise d’avoir donné d’un ciseau timide ce que j’appelle une première atteinte.

1759. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « La princesse des Ursins. Ses Lettres inédites, recueillies et publiées par M. A Geffrot ; Essai sur sa vie et son caractère politique, par M. François Combes » pp. 260-278

Geffroy a faite, il y a quelques années, dans la bibliothèque de Stockholm, d’une centaine des lettres de la princesse adressées soit à la maréchale de Noailles, soit à Mme de Maintenon, est venue compléter heureusement le recueil si curieux donné en 1826 chez les frères Bossange ; ç’a été l’occasion naturelle, le point de départ d’une nouvelle étude où l’on a repris et pesé scrupuleusement les titres historiques de cette femme célèbre. […] Cependant, comme je ne me puis rien me promettre d’assuré sur sa lettre, que je me suis donné l’honneur de vous envoyer, je veux vous proposer une chose qui ne commettrait nullement le roi, et qui néanmoins déterminerait sûrement Son Altesse Royale. […] Voici sa réponse que je me donne l’honneur de vous envoyer en original quoique j’y joigne une traduction pour ne vous pas mettre dans la nécessité de communiquer mon intention à quelque indiscret. […] À la rigueur, étant moi-même grande d’Espagne, cela ne devrait pas leur donner de la jalousie ; mais, étant Française aussi, je me contenterai d’exercer ma commission jusqu’où il plaira à Sa Majesté, et je continuerai le voyage comme une personne qui est bien aise de faire sa cour à la petite-fille de son roi et qui a aussi des affaires à Madrid. […] Dites-lui, je vous supplie, que c’est moi qui ai l’honneur de prendre la robe de chambre du roi d’Espagne lorsqu’il se met au lit, et de la lui donner avec ses pantoufles quand il se lève, — jusque-là je prendrais patience — ; mais que tous les soirs, quand le roi entre chez la reine pour se coucher, le comte de Benevente me charge de l’épée de Sa Majesté, d’un pot de chambre et d’une lampe que je renverse ordinairement sur mes habits ; cela est trop grotesque.

1760. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Caractères de La Bruyère. Par M. Adrien Destailleur. »

Non, ce ne saurait être dans un tel recueil de société qui n’est bon qu’à donner la nausée aux gens de goût, que La Bruyère aurait été prendre l’idée d’un genre littéraire qu’il voulait rendre surtout jeune et neuf. […] La Bruyère a évité tout ce qui aurait donné à son recueil l’air d’un traité. […] Lui-même était porté à s’accorder intérieurement une capacité plus étendue encore et plus diverse qu’il n’en a donné l’idée dans son livre. […] Une agréable anecdote est venue se mêler aux détails un peu secs, donnés par les bibliographes sur les nombreuses éditions qu’eurent les Caractères avant et depuis sa mort. […] On a une indication précieuse sur la manière indépendante, toute littéraire, et par cela même originale, dont La Bruyère se conduisit à l’Académie durant le temps trop court qu’il lui fut donné d’y siéger.

1761. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier (suite et fin.) »

s’écriait-elle à ce sujet, quand je les vis, ces princes, en Angleterre, ils écoutaient la vérité ; je leur peignais l’état de la France, ce qu’elle demandait, ce qu’il était si facile de lui donner. […] Quelle fut, dans le premier moment, l’impression de Mme de Staël à la nouvelle de ce changement de système et de cette complète adhésion qu’y donnaient plusieurs de ses amis ? […] « Je dis qu’il aura le premier succès, et bientôt je vous en donnerai les raisons. […] Soyez certain que l’état que je vous donne des forces de l’armée et de l’exaltation du pays est absolument, exactement vrai ; et si l’Empereur avait une victoire, le Brabant deviendrait aussi pour les Alliés une Espagne. […] C’était un coup d’épée dans l’eau, mais elle a pu le donner.

1762. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

en lisant son article, je lui donnais raison presque à chaque phrase, et pourtant je résistais dans l’ensemble ; je ne suis certes qu’un demi-gaulois, mais ce demi-gaulois trouvait de quoi répondre, même à cette intelligence d’une élévation constante et qui sait y allier tant de sagacité et de finesse. L’article lu, je me disais : C’est égal, après tous les grands efforts et tous les grands systèmes en France, il n’est, pour voir clair et juste et remettre tout à sa place, que de se dérider et de se déroidir un peu ; donnez-moi de temps en temps des gens qui sachent rire à propos et égayer le bon sens. […] Il lui est échappé un jour de dire à M. de Sacy, au risque de scandaliser ce fidèle et religieux admirateur des belles œuvres d’autrefois, que s’il lui était permis par faveur singulière de choisir entre les notes que Tite-Live avait eues à sa disposition, et l’histoire elle-même de Tite-Live, il donnerait toute cette magnifique composition et cette prose des Décades pour les simples notes. […] Je ne lui donne ni tort ni raison ; je poursuis chez lui une intime et délicate nuance, je la saisis dans sa ligne originelle et dans son pli, et je me demande si elle gagne ou si elle diminue avec les années. […] La chaire pourtant, ne fut point donnée ; un très estimable chargé de cours64, tint l’intérim en quelque sorte.

1763. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français »

Moland, à qui nous sommes heureux de rendre en ce moment toute justice pour les lumières qu’il a répandues à son tour sur ces questions littéraires du moyen âge, a donné une fort bonne analyse de ce drame et de toute la légende d’Adam, dont il a suivi les progrès ou altérations en ces siècles de crédulité active et d’invention sourde et continue67. […] nos ancêtres n’étaient pas si novices, du premier coup, que nous nous plaisions à le croire : « Qu’Adam lui-même soit bien enseigné pour donner à propos la réplique, et qu’il ne soit ni trop prompt ni trop lent à répondre. […] On comprend très-bien que ce n’est plus ici le drame en langue vulgaire qui essaye d’entrer timidement dans l’église et de s’y faire tolérer en se faufilant tant bien que mal à travers le latin, c’est la liturgie cette fois qui sort du sanctuaire : pour, aller au-devant du drame, pour lui donner comme une première consécration, et bénédiction sur la place publique. […] Le meilleur endroit de la pièce est le dialogue entre Ève et Satan ; et en général, dans cet Adam primitif, il y a le sentiment du dialogue, assez de rapidité, de brièveté : « Je vais cherchant ton profit, ton honneur, dit Satan. — Ève : Que Dieu le donne ! […] Milton a donné à ce sujet biblique la seule invention, là seule profondeur, le seul recul possible, en remontant par-delà le commencement jusqu’à la chute des Anges, en nous transportant au milieu de ces démons précipités dont Satan est le roi, et qui, de loin, ont ouï parler confusément d’une nouvelle création, d’un nouvel être devenu le favori du Tout-Puissant.

1764. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

Foucault nous en a donné la meilleure définition en action, dans un récit qu’il a fait d’une expédition ou pointe du maréchal de Bellefonds jusqu’à Roncevaux. […] Ils se rassurèrent donc et donnèrent ordre, autant que la précipitation de notre arrivée le put permettre, à la réception de M. le maréchal et à notre logement. […] Il était des amis de mon père et des miens, homme d’un esprit doux, aimable dans la société, orné de plusieurs connaissances et ayant du goût pour les lettres comme pour ceux qui les cultivent ; mais, soit par un dévouement trop ordinaire aux intendants pour les ordres de la Cour, soit parce qu’il croyait, comme bien d’autres, qu’il ne restait plus dans le parti protestant qu’une opiniâtreté qu’il fallait vaincre ou plutôt écraser par le poids de l’autorité, il eut le malheur de donner au reste du royaume un exemple qui n’y fut que trop suivi et dont le succès surpassa d’abord les espérances même de ceux qui le faisaient agir. […] Ce terme expiré, ils me demandèrent encore huit jours pour donner le temps à leur courrier d’arriver. […] Il m’avoua qu’il se sentait ému, et dans le moment je le pris par le bras et le conduisis vers l’autel, où il se mit à genoux devant M. l’évêque, qui lui donna l’absolution.

1765. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid. »

L’Antiquité grecque, son théâtre avec son génie et son style, mieux compris, ont donné les points nécessaires, les hauteurs essentielles pour les mesures comparées. […] Marty-Laveaux, il n’en a encore donné que le Discours préliminaire46, se réservant de produire son Lexique augmenté et perfectionné, comme annexe et appendice à la nouvelle édition dont il est chargé dans la Collection des Classiques français publiés chez M.  […] J’aurais aimé à discuter de près avec le docte interprète qui pousse un peu loin son idée, et dont il convient pourtant de ne pas forcer la pensée pour le plaisir de le combattre et de se donner plus aisément raison. […] Enfin, ce qui coupe court à tout, Corneille donna lui-même ces Stances, y compris la dernière, dans le Recueil de Sercy en 1666, et il les prit à son compte. […] Il semble avoir voulu donner satisfaction sur ce point et faire une réparation.

1766. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise par M. Taine. »

L’auteur eût diminué peut-être le nombre des contradicteurs s’il avait donné au livre son vrai titre : Histoire de la race et de la civilisation anglaises par la littérature. […] Ce que nous connaissons de plus d’un de ces élèves, depuis lors célèbres, peut donner idée du piquant et de l’animation qu’offraient ces joutes véritables. […] Le professeur en était quitte, toutes plaidoiries entendues, pour donner un résumé des débats, comme fait au Palais le président. […] Plusieurs allèrent en province ; d’autres donnèrent leur démission. […] Tout y relève d’une idée première et s’y rattache ; rien n’est donné au hasard, à la fantaisie, ni, comme chez nous autres frivoles, à l’aménité pure.

1767. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. »

Son père, tenant à lui donner une éducation libérale, le mit bien jeune au collège des Jésuites ; mais l’enfant ne voulait pas apprendre. […] Une telle lettre, si on l’avait conservée, donnerait la clef de cette âme ardente et droite à son point de départ. […] Assez d’écrivains, pressés de donner, comme les récits de la vérité, les rêveries de leur esprit ou les préventions de leur cœur, ont publié des ouvrages, prétendus historiques, de cette grande crise politique. […] Il y avait eu révolte des équipages contre leurs chefs dans la rade de Quiberon ; on dut donner en partie raison à la clameur militaire et à l’émeute. […] Quoi qu’il en soit des erreurs, et par l’impulsion qu’il donna, Jean-Bon, pendant ces deux années de 93, 94, fut véritablement, et à son degré, le second de Carnot et, peu s’en faut, son semblable pour la marine.

1768. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Legkzinska »

Le duc de Bourbon, du moment qu’il résistait à donner au roi une de ses sœurs, crut ne pouvoir trouver une personne plus à son gré et dans sa main que cette espèce de Nausicaa ou de Noémi si humble et si simple ; on comptait l’avoir à sa dévotion. […] On donna à la place Amphitryon et le Médecin malgré lui ; ce qui ne parut pas trop convenable. […] Dans ce premier moment de presse et de fracas, il n’a garde de se faire présenter à la reine qui le connaît déjà de réputation : il attendra, dit-il, que la foule soit écoulée et que Sa Majesté soit un peu revenue de son étourdissement ; alors il tâchera de faire jouer Œdipe et Marianne devant elle ; il lui dédiera l’un et l’autre, car elle lui a déjà fait dire qu’elle lui en donnait la permission. […] » Il était loin encore de cette profonde démission morale, mais il était déjà sur le chemin, au moment où cette épouse de vingt-deux ans lui fut donnée. […] Nous avons presque à nous excuser de savoir si bien et si à point nommé ces choses de l’alcôve ; mais il nous est impossible de n’avoir pas lu les Mémoires de d’Argenson, de Richelieu, de Maurepas, le Journal du duc de Luynes ; nous en savons trop ; aussi, sans y mettre plus de façons qu’il n’est convenable en un cas si éclatant, nous dirons le fait comme il a été, et entre dix versions toutes plus ou moins concordantes, nous donnerons celle de l’un des hommes les moins médisants et les mieux informés, de ce même M. 

1769. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens. par M. Le Play, conseiller d’État. (Suite et fin.) »

Lui aussi, il rend justice au passé, à l’ancien ordre social disparu : il croit que ce sont les derniers règnes seulement et les vices de Cour, avant tout, qui ont tué l’ancienne monarchie ; il regrette que les passions, excitées et portées au dernier paroxysme par les abus et les scandales dont la tête de l’ancien régime donnait l’exemple, aient amené l’explosion finale et rendu la rupture aussi complète avec l’ancienne tradition, avec l’ancienne nationalité française. […] Il estime que, cette liberté lui étant donnée, le père de famille, dans la plupart des cas, choisira pour son associé, pour son continuateur après lui, le plus capable de ses fils : les autres enfants auraient des dots pour s’établir au dehors, ou on leur constituerait des pécules, s’ils consentaient à rester au foyer et dans la dépendance de la famille-mère, de la famille-souche : c’est de ce nom qu’il la désigne. […] Cette grande qualité sociale, ainsi composée et combinée de deux contraires, quand on a le bonheur de l’avoir conquise et de la bien pratiquer, donne à la concurrence des esprits et au jeu des forces libres toute leur activité et toute leur vie, en conjurant les dangers qui naissent du refoulement et de la compression : « Elle permet, il est vrai, la propagation du mal, mais elle donne à celle du bien une force incomparable. […] Assurément il n’y a qu’un petit nombre d’hommes qui puissent grandir ainsi par la lutte de la vérité contre l’erreur ; mais tous s’élèvent dans l’ordre moral, à la vue des exemples de tolérance donnés par les classes dirigeantes, en s’habituant à résister à la tentation de persécuter leurs semblables. […] Franck, le savant Israélite, professeur au Collège de France, parlait un jour de la tolérance et il en parlait avec feu ; un de ses auditeurs, qui était d’un avis différent, marqua sa désapprobation ; un autre auditeur, voisin du premier, et qui tenait pour la tolérance, indigné de la contradiction, donna un soufflet à l’interrupteur, et celui-ci se vit à l’instant honni et expulsé de la salle par un auditoire enthousiaste de la tolérance.

1770. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Ne pouvant qu’effleurer cette existence de Talleyrand, qu’éclairer deux ou trois points saillants, et tout au plus donner un coup de sonde a deux ou trois endroits, je ne voudrais rien dire que d’exact, de sûr, et en même temps mettre le lecteur à même de juger, ou du moins d’entrevoir les éléments divers du jugement. […] Talleyrand et lui se voyaient alors pour la première fois : « Le Directoire, le Corps législatif et le ministre des relations extérieures donnèrent des fêtes à Napoléon. […] Napoléon, dans ses Mémoires, en a donné la raison : « Talleyrand avait été renvoyé du ministère des relations extérieures par l’influence de la société du Manège. […] Il sut certainement donner à l’ensemble la forme la plus majestueuse, la plus spécieuse aussi et la plus décente. […] Un honnête homme bien informé, Meneval, affirme le fait du conseil donné, et il avait vu de ses yeux une lettre accusatrice qui aurait échappé aux précautions du coupable.

1771. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre V. De la littérature latine, pendant que la république romaine durait encore » pp. 135-163

Mais les conquêtes donnaient un pouvoir immense aux chefs de l’état ; et les principaux Romains, élite de la ville reine de l’univers, se considéraient comme possesseurs du patriciat du monde. […] Les patriciens instituaient, par condescendance pour le peuple, des spectacles, des chants et des fêtes ; mais la puissance durable étant concentrée dans le sénat, ce corps devait nécessairement donner l’impulsion à l’esprit public. […] L’austérité romaine donne un grand caractère aux affections qu’elle permet. […] L’habitude de ne laisser voir aucune de leurs impressions personnelles, de porter toujours l’intérêt vers les principes philosophiques, donne de l’énergie, mais souvent aussi de la sécheresse et de l’uniformité à leur littérature. […] Un même but doit donner à la littérature créée par la république romaine, un même esprit, une même couleur.

1772. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Éloges académiques de M. Pariset, publiés par M. Dubois (d’Amiens). (2 vol. — 1850.) » pp. 392-411

C’est Fontenelle qui en donna le premier l’exemple et le modèle, un modèle inimitable. […] Il avait pour principe qu’il ne faut donner dans le sublime qu’à la dernière extrémité et à son corps défendant. […] Tandis que Fontenelle donnait l’explication naturelle de bien des choses insensiblement et sans en avoir l’air, Condorcet ne perd pas une occasion de poser, en passant, ses principes, ses solutions, et il en a sur tout sujet. […] Je me suis donné un plaisir sérieux. […] Un tel rôle n’est pas donné à tout le monde.

1773. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Le Palais Mazarin, par M. le comte de Laborde, de l’Institut. » pp. 247-265

Né en 1602, il n’avait que vingt-neuf ans quand il donnait la mesure de sa capacité, de sa hardiesse et de son bonheur dans la guerre d’Italie. […] L’armée française, qui s’ébranlait et était sur le point de donner, répondait : « Point de paix ! […] Beringhen s’acquitta de sa commission ; il alla trouver le cardinal chez le commandeur de Souvré qui lui avait donné à dîner ce jour-là. […] Tous les avantages que le roi m’avait donnés par sa déclaration, je les abandonne dès ce moment. […] Il est homme à entreprendre, non pas pour réussir, mais pour se donner l’émotion et l’orgueil de l’entreprise, le plaisir du jeu plutôt que le profit et le gain, qui pour lui ne viendront jamais.

1774. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — II. » pp. 494-514

C’est ce groupe qui triompha en 1814 lorsque Louis XVIII donna la Charte, et qui ne perdit point espérance tant que le monarque put et sut s’y maintenir. […] Cette mission remplie, Mallet du Pan était libre ; il pouvait donner ses conseils à qui il lui plaisait, sans manquer à aucun devoir de patrie ou d’honneur. […] La paix, comme qu’elle fût donnée (c’est une locution genevoise, mais la pensée est bonne), comblerait de joie la nation. […] Ne croyez pas que Mallet du Pan fût un avocat consultant comme un autre, qu’il se contentât de donner son avis en conscience, et qu’il se tînt quitte ensuite et content : non pas ! sa conviction, toute sa moralité et sa personne même étant engagées dans les conseils qu’il donnait, il demandait sinon qu’on les suivît à la lettre, au moins qu’au même moment on n’agît point dans un sens directement contraire.

1775. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — I. » pp. 441-459

Il a de ces résumés de jugement qui sont plus frappants pour nous que la démonstration qu’il en donne : « Si la science de former les hommes, dit-il, était inconnue avant M.  […] Je ne lui demande pas le pouvoir de bien faire : pourquoi lui demander ce qu’il m’a donné ? » À quoi le jeune Portalis répond avec le bon sens du cœur, et qui lui donne le bonheur de l’expression : « M.  […] Les anciens Conventionnels n’avaient décidément confiance qu’en ceux qui avaient donné des gages à la Révolution ; et quels gages ! Portalis, qui n’en avait pas donné en leur sens, était classé par eux comme royaliste, et il allait être compris à ce titre dans la proscription de Fructidor.

1776. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « La Fontaine. » pp. 518-536

Ce La Fontaine qu’on donne à lire aux enfants ne se goûte jamais si bien qu’après la quarantaine ; c’est ce vin vieux dont parle Voltaire et auquel il a comparé la poésie d’Horace : il gagne à vieillir, et, de même que chacun en prenant de l’âge sent mieux La Fontaine, de même aussi la littérature française, à mesure qu’elle avance et qu’elle se prolonge, semble lui accorder une plus belle place et le reconnaître plus grand. […] Walckenaer, dont c’est le meilleur ouvrage littéraire ; on n’a plus qu’à lui emprunter les principaux faits qui donnent à connaître le caractère de l’homme. […] Dans ce monde de Fouquet, La Fontaine composa Le Songe de Vaux et des épîtres, ballades, sizains et dizains ; le surintendant lui avait donné une pension, sous cette clause gracieuse qu’il en acquitterait chaque quartier par une pièce de vers. […] Il fut bon pour La Fontaine que la faveur de Fouquet l’initiât à la vie du monde, et lui donnât toute sa politesse ; mais il lui fut bon aussi que ce cercle trop libre ne le retînt pas trop longtemps, et qu’après la chute de Fouquet il fût averti que l’époque devenait plus sérieuse et qu’il avait à s’observer davantage. […] Racine lui voulait donner de cette puissance absolue et indéfinie.

1777. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre premier. Le problème des genres littéraires et la loi de leur évolution » pp. 1-33

En 1900 j’exposai ma théorie à Gaston Paris ; il en vit aussitôt les conséquences, et, sans me donner tort ni raison, il m’encouragea vivement à la publier. […] La littérature nous en donnera des exemples frappants, et je reviendrai sur ces idées, plus en détail, dans mes conclusions. […] Victor Hugo nous a donné des exemples merveilleux de strophes lyriques et de strophes épiques ; sans parler de cet artiste souverain que fut Gœthe. […] C’est vivre au jour le jour et méconnaître singulièrement le contenu de l’histoire ; il est temps de donner aux ères des noms significatifs. […] Je ne donne que des noms connus, les plus connus ; ils doivent suffire pour un premier essai.

1778. (1856) Articles du Figaro (1855-1856) pp. 2-6

vous nous la donnez belle, M.  […] Donnons-lui le temps, et sachons attendre. […] Philoxène Boyer, par exemple, ou donner pour aïeul à M.  […] qu’à cela ne tienne, on les lui donne pour rien. […] Pour donner plus de poids à l’objection, on me cite la Comédie-Française.

1779. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Lettre sur l’orthographe » pp. 427-431

Charles Nodier, en son temps, avait souvent à donner de ces sortes de consultations que, tour à tour, il traitait avec son savoir varié ou qu’il éludait avec son aimable esprit. […] On peut la voir au long dans l’édition de Tallemant des Réaux donnée par M.  […] C’est un signe de première éducation, et celles même qui n’en ont pas eu tiennent à s’en donner le semblant. […] Combien d’auteurs, même de nos jours, combien de critiques et de juges ou qui se donnent pour tels auraient besoin de se souvenir que l’orthographe est le commencement de la littérature !

1780. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Rêves et réalités, par Mme M. B. (Blanchecotte), ouvrière et poète. » pp. 327-332

d’ici à demain peut-être, ce cours un peu vague peut se resserrer, se creuser avec profondeur, entrer dans quelque vallée verdoyante et sonore, réfléchir des bords plus hardis, des scènes plus animées, donner enfin le mouvement et la vie à un paysage que chacun voudra connaître et visiter. […] Mais la pièce intitulée Les Larmes n’a pu se déguiser, et elles ont jailli plus vite que la pensée, par une force involontaire : Les larmes Si vous donnez le calme après tant de secousses, Si vous couvrez d’oubli tant de maux dérobés, Si vous lavez ma plaie et si vous êtes douces,     Ô mes larmes, tombez ! […] Au reste, ce ne sont pas des conseils ici que je viens lui adresser : j’ai voulu surtout donner avis au public qui aime la poésie, et lui dire : Il y a un poète dans ce volume, un poète à demi enchaîné ; aidez-le à prendre l’essor. — Béranger et M. de Lamartine, chacun de leur côté, et cette fois sans qu’on puisse y soupçonner de la complaisance, ont déjà donné à l’auteur ce brevet de poète : je ne fais qu’ajouter après eux mon apostille bien sincère.

1781. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LVIII » pp. 220-226

Madame de Staël ne pouvait s’accoutumer à cette idée que la jeunesse s’en allait, et ce mot seul de jeunesse, elle le répétait souvent pour s’en donner la musique et en prolonger l’écho à ses oreilles. […] Nous demandons pardon à nos lecteurs de cette longue digression trop morale peut-être, mais nul exemple mieux que la vie de Rancé ne pouvait y donner sujet et illustrer la démonstration. […] pour le commun des spectateurs et du public, et pour un commun même très-distingué, cet essai est utile, instructif, et donne à penser ; notre éducation ainsi s’achève, notre sens critique s’aiguise en divers sens : après Shakspeare, Sophocle. […] — On a donné aussi à l’Odéon une jolie petite bluette en vers, la Ciguë, par un jeune homme, M.

1782. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires du marquis d’Argenson, ministre sous Louis XV »

se plaît-il à dire ; de bons Flamands, des Hollandais renforcés, gens de peu d’esprit, de nulle imagination, mais à idées saines et correctes, ne s’en départant jamais. » Lui-même, pour le distinguer des autres ministres, les habitués de Versailles lui donnaient le surnom de d’Argenson la bête, et il dut s’en faire gloire. Glaire en effet à cette simplicité bourgeoise, à ce phlegme incorruptible, qui mieux que la philosophie du grand monde le garantissait des illusions, qui lui faisait dire à Voltaire dont, à la lecture de Pellisson, les yeux se remplissaient de la splendeur de Louis XIV : « Mon cher, vous n’êtes qu’un enfant, qui aimez les babioles et rejetez l’essentiel ; vous faites plus de cas des pompons qui se font chez mesdemoiselles Duchappe que des étoffes de Lyon et des draps de Van-Robais. » ou bien encore qui lui faisait comparer un état épuisé qui donne des fêtes pour mettre l’argent en circulation à une vieille comtesse ruinée qui ouvre brelan et donne à souper avec l’argent des cartes ! […] Les différents articles qui les composent, et dont l’analyse ne saurait embrasser la variété, n’ont entre eux de commun que le mérite littéraire, le seul que je puisse apprécier d’une vue générale : apprécier le mérite littéraire d’un livre, quel qu’il soit, c’est d’ordinaire donner l’exacte mesure de sa valeur réelle.

1783. (1875) Premiers lundis. Tome III « Eugène-Scribe. La Tutrice »

La jeune voyageuse, sans se faire attendre, donne sa signature. — La chanoinesse Amélie de Moldaw ! […] Elle est restée pure, sa vie est sans reproche ; Amélie explique les absences et les déguisements qu’on lui imputait à crime, en faisant connaître à Léopold que c’est elle qui, sous l’habit de religieuse, allait le veiller dans sa prison quand il était malade et qu’il avait le délire ; et, pour preuve, elle veut lui rendre un anneau qu’elle portait précieusement à son doigt depuis le jour où, dans un accès d’exaltation furieuse, il l’avait donné à la religieuse qui veillait à son chevet. […] Cette pièce a de l’entrain ; le caractère de la tutrice est d’une donnée assez neuve, et l’esprit, sans y être de haut vol, n’est pas trop vulgaire. […] Scribe y songe : la haute muse comique, qui à la vue des excès du vaudeville est blessée au cœur et nous boude avec raison, a tendu la main à l’auteur de la Camaraderie, et le protégerait de préférence à beaucoup d’autres, si, au lieu d’éparpiller ses forces, il s’appliquait à les réunir ; s’il livrait plus souvent de véritables combats, au lieu d’escarmouches sans fin ; s’il donnait à son observation plus d’étendue et de profondeur, et s’il ne dédaignait pas aussi ouvertement cette puissance ombrageuse qui ne se laisse captiver que par de continuels sacrifices, mais qui seule aussi peut faire vivre l’écrivain : c’est du style que je veux parler.

1784. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 181-190

L’application qu’il donna à cette espece de travail, servit du moins à fortifier ses bons principes. La lecture du Traité de Descartes sur l’Homme, lui fit sentir qu’il pouvoit marcher à grands pas dans la carriere philosophique, & lui donna l’idée de son Livre sur la Recherche de la Vérité. […] Il donne, pour ainsi dire, un corps aux choses les plus spirituelles, afin de les rendre universellement sensibles. […] Pour achever de donner une idée du P.

1785. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Lucrèce Borgia » (1833) »

Prenez la difformité physique la plus hideuse, la plus repoussante, la plus complète ; placez-la là où elle ressort le mieux, à l’étage le plus infime, le plus souterrain et le plus méprisé de l’édifice social ; éclairez de tous côtés, par le jour sinistre des contrastes, cette misérable créature ; et puis, jetez-lui une âme, et mettez dans cette âme le sentiment le plus pur qui soit donné à l’homme, le sentiment paternel. […] Prenez la difformité morale la plus hideuse, la plus repoussante, la plus complète ; placez-la là où elle ressort le mieux, dans le cœur d’une femme, avec toutes les conditions de beauté physique et de la grandeur royale, qui donnent de la saillie au crime, et maintenant mêlez à toute cette difformité morale un sentiment pur, le plus pur que la femme puisse éprouver, le sentiment maternel ; dans votre monstre mettez une mère ; et le monstre intéressera, et le monstre fera pleurer, et cette créature qui faisait peur fera pitié, et cette âme difforme deviendra presque belle à vos yeux. […] Il ne mettra pas Marion De Lorme sur la scène, sans purifier la courtisane avec un peu d’amour ; il donnera à Triboulet le difforme un cœur de père ; il donnera à Lucrèce la monstrueuse des entrailles de mère.

1786. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 354-356

Ses Périodes ne sont ni décousues ni hachées, comme celles de la plupart des Orateurs de ce siecle ; mais les incises en sont trop symétriques, ce qui donne à son élocution, d’ailleurs forte de pensées & de couleur, un air maniéré qui la dépare. […] La Philosophie ne me donnera que d’inutiles raisonneurs ; l’honneur humain, que des hypocrites ; la Politique, que des courtisans ; mes récompenses, que des flatteurs ; mes châtimens, que des esclaves : toi seule peux me donner des Sujets.

1787. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 412-415

Aujourd’hui on sait seulement qu’il a écrit, sans qu’on se donne la peine de lire ses Ouvrages, qui déplaisent par la prolixité du style, quoique l’élocution en soit facile & nombreuse. […] Vous m’avez donné Benedicite, lui dit le Cardinal, à ce qu’on prétend, & moi je vous donne Grasse.

1788. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. BALLANCHE. » pp. 1-51

Ballanche était fondée sur cette donnée de calamité et de tristesse. […] Il alla voir tout aussitôt M. de Chateaubriand dont le Génie du Christianisme avait paru, et il lui proposa de donner une Bible française avec des discours. […] Ballanche vit aussi M. de La Harpe, alors exilé à Corbeil par ordre du Consul, et lui proposa de donner ses soins à une édition choisie et purifiée de Voltaire : la mort de La Harpe, qui survint l’année suivante, coupa court à cette pensée. […] Toutefois, si, malgré quelques lacunes, la pensée de ces parties inédites est déjà saisissable, on ne peut également en apprécier la forme et l’art ; l’ensemble du monument est en souffrance : nous aimons à espérer que l’auteur ne tardera pas à y donner l’harmonie de son premier dessin. […] Ampère a donné sur Ballanche, au lendemain de sa mort, une Étude étendue (1848).

1789. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VIII. La littérature et la vie politique » pp. 191-229

On y voit en particulier une harengère qui fait office de docteur en droit et donne à ses compagnes des leçons de politique et de morale. […] Condé, prenant congé de lui, lui donne presque une nasarde en lui disant : Adieu, Mars ! […] Chateaubriand avait commencé par être assez bien accueilli du terrible maître que la France s’était donné. […] Il répondit : « Je ne pense pas. » Toute l’époque a fait comme lui ou du moins a dû s’en donner l’apparence. […] § 7. — On peut encore, si l’on veut (et on doit le vouloir), se préoccuper de la politique extérieure qui a été suivie dans une époque donnée.

1790. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « III. M. Michelet » pp. 47-96

Michelet, — et il en a, comme un artiste qui donne des plaisirs extrêmement vifs à ceux qui l’aiment, — lui trouvent toutes les qualités, les unes après les autres, excepté cependant celles-là. […] C’est pour donner des titillations à ce monde-là que lui, M.  […] Un historien célèbre nous avait déjà donné l’ange de l’assassinat en parlant de Charlotte Corday3. […] En avons-nous succinctement donné une idée ? […] car c’est le Sacerdoce qui l’a fait Lamennais, ce Lamennais qui a donné, par son apostasie, un grand athlète de plus au parti de la Révolution !

1791. (1889) Les artistes littéraires : études sur le XIXe siècle

c’est la Revue des Deux Mondes : dans son numéro du 1er juin 1855, elle donne dix-huit poèmes. […] L’expérience en indique un déjà : les Fleurs du Mal et les Poèmes en prose en donnent un exemple. […] On ne peut sur ceci avancer que des hypothèses, et il sera donné à l’avenir seul de juger en dernier ressort. […] Sur tout ceci, on ne saurait avec un commencement de certitude donner une réponse, et encore moins affirmer une loi. […] Pourquoi se donner du mal sur un fond si piètre292 ? 

1792. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « De la tradition en littérature et dans quel sens il la faut entendre. Leçon d’ouverture à l’École normale » pp. 356-382

Soit directement, soit dorénavant par les Romains, cette âme légère, cette étincelle (car il ne faut pas plus qu’une étincelle), cet atome igné et subtil de civilisation n’a cessé d’agir aux époques décisives pour donner la vie et le signal à des floraisons inattendues, à des renaissances. […] Or, ce sentiment de sécurité et d’une saison fixe et durable, il n’appartient à personne de se le donner ; on le respire avec l’air aux heures de la jeunesse. […] Nous tâcherons donc, messieurs, de ne pas admirer plus qu’il ne faut, ni autrement qu’il ne faut ; — de ne pas tout donner à un siècle, même à un grand siècle ; de ne pas tout mettre à la fois sur quelques grands écrivains. […] Croyez bien que si j’ai fait passer, pour cette première fois, devant vous tant de recommandations, tant de remarques critiques, et que si j’ai paru donner beaucoup de conseils que d’autres vous ont déjà donnés et bien mieux, ce n’a pas été sans m’en adresser une partie à moi-même tout le premier. […] Vous me ferez croire, avec le temps, que je puis pour ma part vous être bon en quelque chose, et, généreux comme on l’est à votre âge, vous me rendrez en ce seul sentiment moral bien plus que je ne saurais vous donner en directions de l’esprit ou en aperçus littéraires.

1793. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES FRAGMENTS ET LETTRES DE BLAISE PASCAL, Publiés pour la première fois conformément aux manuscrits, par M. Prosper Faugère. (1844). » pp. 193-224

Et parmi ceux qui ne donnent pas le mouvement, mais qui se montrent attentifs à le suivre, ce genre d’influence est très-sensible : le Journal des Savants contient des articles de M. […] De ce monceau de petites notes inachevées, il s’agissait donc de tirer, de sauver, comme d’un naufrage, quelque chose qui donnât au public une idée de ses dernières méditations. […] pourquoi ne pas prendre Pascal comme il nous est donné, avec son scepticisme ? […] J’aime les biens, parce qu’ils donnent les moyens d’en assister les misérables….. » Que ce christianisme vrai et de source vient en démenti aux idées des plus sages païens ! […] Je me sers de la traduction qu’a donnée de cette scène M e Schlegel, dans sa brochure sur les deux Phèdres.

1794. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « M. MIGNET. » pp. 225-256

Si M ignet se produisait déjà si nettement dans son premier ouvrage par l’expression formelle de la pensée philosophique qu’il apportait dans l’histoire, il ne s’y donnait pas moins à connaître par le sentiment moral qui respire d’une manière bien vive et tout à fait éloquente dans les éloges donnés à saint Louis, à ce plus parfait des rois, du si petit nombre des politiques habiles qui surent unir le respect et l’amour des hommes à l’art de les conduire. […] L’homme, il faut bien se le dire, n’atteint en rien la réalité, le fond même des choses, pas plus en histoire que dans le reste ; il n’arrive à concevoir et à reproduire que moyennant des méthodes et des points de vue qu’il se donne. […] Il l’a hautement prouvé et par ce livre de la Révolution, et par l’admirable tableau qu’il a donné des événements de Hollande et de la mort des frères de Witt dans le Recueil sur Louis XIV. […] L’exemple remarquable qu’il a donné en mettant au jour les Négociations relatives à la Succession d’Espagne sous Louis XIV 78 est une innovation des plus démonstratives et des plus heureuses. […] Les deux volumes de Notices et Mémoires historiques (1843) qui contiennent le tribut payé par M.Mignet à titre de membre et d’organe de deux académies, et particulièrement de celle des Sciences morales et politiques, demanderaient plus d’espace pour l’examen que nous ne pouvons leur en donner ici.

1795. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « UNE RUELLE POÉTIQUE SOUS LOUIS XIV » pp. 358-381

Saint-Pavin en a donné une quantité d’aussi jolis, d’aussi aiguisés : il ne se laissait pas faire182. […] c’en est un qui donne mille peines. […] Elle semblait leur dire, au milieu des fleurs qu’elle en recevait, comme à l’abbé de Lavau : Que vous donner donc en leur place ? […] On lit un peu plus délicatement : Son tendre repentir donne encor le bonheur. […] Vous pouvez y mettre ordre, et nos intérêts sont si fort mêlés qu’on ne peut me faire une affaire, sans détruire celle qui vous donne tant d’impatience, et qui se terminera bientôt.

1796. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « L’abbé Prévost »

On n’a qu’une phrase de lui qui donne suffisamment à penser et qui révèle la teinte à la direction de ses sentiments durant les orages de sa première jeunesse : « Quelques années se passèrent, dit-il (à ce métier des armes) ; vif et sensible au plaisir, j’avouerai, dans les termes de M. de Cambrai, que la sagesse demandoit bien des précautions qui m’échappèrent. […] Gresset, dans plusieurs morceaux de ses épîtres, nous en donnerait quelque idée que Prévost certainement ne désavouerait pas : Blandus honos, hilarisque tamen cum pondère virtus. […] En général, ces personnages sont oublieux, mobiles, adonnés à leurs impressions et d’un laisser-aller qui par instants fait sourire ; l’amour leur naît subitement d’un clin d’œil comme chez des oisifs et des âmes inoccupées ; ils ont des songes merveilleux ; ils donnent ou reçoivent des coups d’épée avec une incroyable promptitude ; ils guérissent par des poudres et des huiles secrètes ; ils s’évanouissent et renaissent rapidement à chaque accès de douleur ou de joie. […] Chamfort rapporte que le chancelier Daguesseau n’avait précédemment donné à l’abbé Prévost la permission d’imprimer les premiers volumes de Cléveland que sous la condition expresse que Cléveland se ferait catholique au dernier volume. […] Énumérant les amis distingués que s’était faits l’excellent Mussard : « A leur tête, dit-il, je mets l’abbé Prévost, homme très-aimable et très-simple, dont le cœur vivifiait ses écrits dignes de l’immortalité, et qui n’avait rien dans la société du coloris qu’il donnait à ses ouvrages. » Il est permis de croire que l’abbé Prévost avait eu autrefois ce coloris de conversation, mais qu’il l’avait un peu perdu en vieillissant.

1797. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Appendice »

Car vos bonnes gens ont une verve de dogmatisme tout à fait tenace ; et puis ils se donneront un certain vernis d’Athanase qui leur fera boucher les yeux et les oreilles. […] Accepter était immoral, donner la vraie raison du refus était impossible, en donner une fausse me répugnait. […] Jugez combien je souffre, moi surtout qui avais donné à mon esprit une si franche liberté pour suivre sa ligne de développement. […] Il s’agit de savoir s’il leur donnera droit d’agir ou s’il en fera abstraction. […] Fort bien ; donnez-moi mieux, j’y croirai.

1798. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIII. La littérature et la morale » pp. 314-335

. — Il serait oiseux de prouver que les mœurs influent sur la littérature, puisque la littérature se donne souvent pour tâche de les reproduire. […] La première est de connaître exactement l’état moral d’une société à un moment donné. […] Supposons connu jusque dans ses nuances cet état moral si malaisé à démêler : la littérature le reflète comme un miroir qui peut l’embellir, l’enlaidir ou le reproduire tel quel, mais qui en donne toujours une image plus ou moins ressemblante. […] Roland et Olivier sont aux prises dans un duel formidable ; Olivier brise son épée ; Roland attend qu’on lui en donne une autre ; il ne veut pas user de son avantage. […] Si au contraire elle se donne pour tâche d’élever et de redresser les âmes, si elle entend, non pas seulement faire naître des fleurs et des herbes folles, mais semer le bon grain, elle aura d’autres qualités et d’autres défauts.

1799. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre II : La Psychologie. »

Entre ces trois propriétés, la plus fondamentale est la résistance, qui nous est donnée par les sensations musculaires. […] III Nous avons déjà vu l’adhésion complète donnée par M.  […] « On a remarqué avec quelle admirable sûreté les hommes doués d’un esprit pratique supérieur adaptent les moyens à leurs fins, sans être en état de donner des raisons satisfaisantes de ce qu’ils font. […] Elle a donné à ses partisans un sentiment pratique beaucoup plus approchant de la vérité que ne l’ont fait les nécessitariens111. » Ce n’est pas d’ailleurs que M.  […] L’amour de l’argent est donc un sentiment secondaire produit par une association d’idées entre lui et ce qu’il donne.

1800. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XV »

Alexandre Dumas vient de donner au Théâtre-Français avec l’Étrangère. […] Le premier acte s’ouvre par une fête de charité donnée dans l’hôtel du duc de Septmonts, nouvellement marié à la fille de M.  […] Cette vierge dorée sur fond noir, ne se donne à personne, et vend ses refus plus chers que les plus célèbres impures ne font payer leurs faveurs. […] Je t’ai donné tout ce que j’avais. […] Son amant fait son devoir de galant homme, mais elle est bien sa maîtresse, elle s’est donnée à lui parce qu’elle l’aime et qu’il est riche.

1801. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre VI. Le Bovarysme essentiel de l’humanité »

Un certain état d’équilibre instable entre les instincts multiples et communs à tous, donne à l’individu cette apparence de la liberté. […] Cette désillusion est la règle et ne supporte pas d’exceptions : un amour qui persiste ou qui renaît après s’être atténué, c’est une exigence nouvelle du vœu de l’espèce qui veut être de nouveau satisfaite, qui réclame la procréation de nombreux êtres semblables et qu’un même couple peut encore donner. […] Or durant le règne de cet instinct, la vie intense, inconnue et réelle, qui se donne cours, au regard de la conscience individuelle, sous le nom de l’amour, tend à sortir des limites et de l’habitat qui lui furent, jusqu’alors fixés. […] Ainsi la connaissance se donne à l’homme comme un moyen propre à satisfaire son intérêt. […] L’étude des propriétés curatives des minéraux et des plantes a précédé la chimie et la botanique et a donné naissance à ces sciences.

1802. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface des « Derniers Jours d’un condamné » (1832) »

Quand le peuple a vu qu’on voulait lui donner le change, il s’est fâché contre toute la question en masse, et, chose remarquable ! […] Il ne donnait plus signe de vie. […] Il faut donner mal aux nerfs aux femmes des procureurs du roi. […] Voyons, qu’ils donnent leurs raisons. […] L’air seul de notre civilisation doit dans un temps donné user la peine de mort.

1803. (1868) Curiosités esthétiques « IV. Exposition universelle 1855 — Beaux-arts » pp. 211-244

Et toujours un produit spontané, inattendu, de la vitalité universelle venait donner un démenti à ma science enfantine et vieillotte, fille déplorable de l’utopie. […] J’ignore quel est le peintre qui a eu l’honneur de faire vibrer, conjecturer et s’inquiéter l’âme du grand romancier, mais je pense qu’il nous a donné ainsi, avec son adorable naïveté, une excellente leçon de critique. […] La providence qui préside aux affaires de la peinture leur donne pour complices tous ceux que l’idée adverse prédominante avait lassés ou opprimés. […] C’est cet accouplement qui donne souvent à ses œuvres leur charme bizarre. […] ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙                           Ne leur donnez qu’un jour, ou donnez-leur cent ans, L’orage ou le repos, la palette ou le glaive : Ils mèneront à bout leurs dessins éclatants.

1804. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — La solidarité des élites »

Je ne le crois pas, à moins que l’on ne donne à ces mots une signification étrangère à ma pensée. […] Walt Whitman, enfin, nous a donné l’exemple du plus total épanouissement dans la chair et l’universelle vie.‌ […] Mon premier texte n’appartient pas à ces dernières années comme les suivants, puisqu’il date du 31 août 1837, mais je le donne en complément de quelques vers d’un poète américain, — M.  […] Donnez-moi la connaissance d’aujourd’hui, et vous pourrez avoir les mondes antiques et futurs. […] Qu’ils donnent cet exemple clairement, simplement, franchement à tous.

1805. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre premier. »

. — Quel type moderne peut en donner l’idée. — Ses analogies avec la sublimité oratoire de Bossuet. […] Il en reçut, non l’âme poétique qui ne se donne pas, mais de belles parures de langage, quelques grains d’or pur, qu’il étendit en feuilles minces et brillantes dans le tissu de sa diction laborieuse. […] Mais de telles ressemblances, dont nous parlerons ailleurs, n’étaient prises peut-être qu’au trésor inépuisable des sentiments humains, et à ces rencontres du génie, perpétuelle révélation que Dieu donne à l’homme. […] Ces exemples pourraient être multipliés sans fin et descendre à des détails de diction, qui surprendraient parfois et donneraient en même temps la seule idée vraie de l’expression de Pindare, dans ses nombres sans loi. […] il connaît les fins de la vie et le commencement donné de Dieu17. » Mais ailleurs il avait dit : « Qu’est-ce que Dieu ?

1806. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome III pp. 5-336

On se débat contre les talents, on flétrit les jouissances qu’ils donnent, on tue l’inspiration, on se rend incapable de la sentir. […] S’il eût donné quelques années de la sienne à son ouvrage, combien ne l’eût-il pas su perfectionner ? […] Veut-il donner à croire que ce sont des réalités qu’il a peintes ? […] Je pense qu’on ne saurait donner trop de relief aux êtres de raison qu’on veut réaliser en poésie. […] Voilà le précis de ce que m’ont donné les vues de Newton sur la nature.

1807. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

Rimbaud avait donné à son manuscrit. […] En l’honneur des colifichets dont je vous donnerai tout à l’heure un échantillon, M.  […] Granier de Cassagnac qui, depuis, lui aussi devait donner à cette gaminerie le plus absolu démenti. […] Salut à l’École romane et que le bon Dieu lui donne de longs jours ! […] « Nous avons le regret de ne pouvoir donner aujourd’hui la suite du Prêtre marié.

1808. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — I » pp. 143-149

  L’abbé de Pons, né en 1683, avait pour père le sieur de Pons d’Annonville, d’une noble famille de Champagne et chevalier d’honneur du présidial de Chaumont (sur Marne) ; il naquit à Marly, chez son oncle qui en était alors seigneur, et de qui le roi ne tarda pas à l’acquérir, « fit ses premières études au collège des jésuites à Chaumont, puis vint à Paris et entra au séminaire de Saint-Magloire, d’où il suivit l’école de Sorbonne : « Il était bon humaniste, nous dit-on ; il possédait les principes de la théologie ; mais surtout il était grand métaphysicien, dans le sens le plus étendu qu’on donne à présent (1738) à ce terme. […] Je ne rougis donc point en avouant les défauts corporels que m’a donnés un accident involontaire et imprévu ; ces défauts ne souillent point l’âme, et l’Église les méconnaît dans ses ministres, pourvu qu’ils ne soient pas d’une espèce à les rendre inhabiles aux fonctions du ministère, ou que leur aspect ne soit pas affreux au point qu’ils puissent être occasion de scandale aux fidèles. […] L’abbé de Pons était un des habitués de ce café Gradot, où l’on ne criait pas, et où La Motte donnait le ton de la politesse. […] La plupart des gens croient avoir donné une haute idée de leur goût lorsqu’ils ont reproché durement à un auteur quelques fautes sensibles de son ouvrage. […] [NdA] J’ai cherché si La Motte n’avait nulle part fait mention de l’ami si dévoué qui s’était donné à lui ; j’ai rencontré au tome iv (page 196) des pièces intéressantes et peu connues, publiées par de La Place, six vers impromptu de La Motte sur lui, mais qui ne méritent pas d’être rapportés.

1809. (1874) Premiers lundis. Tome II « Thomas Jefferson. Mélanges politiques et philosophiques, extraits de ses Mémoires et de sa correspondance, avec une introduction par M. Conseil — II »

Les raisons ingénieuses qu’il donne à l’appui de sa doctrine rigide, appartiennent à la morale autant qu’à l’économie. Comme il résulte des tables de mortalité d’alors, que la majorité des adultes qui existent à un moment donné, doit avoir quitté la vie au bout de dix-neuf ans environ, de telle sorte qu’à la fin de cette période une majorité nouvelle remplace la première, Jefferson conclut que toute dette publique dont le remboursement ne se fait pas avant la dix-neuvième année, à partir du jour de l’emprunt, tombe sur des générations qui ne l’ont pas contractée, et qui réellement ont le droit de ne pas se croire obligées en bonne morale. […] En somme, le système de crédit public de Jefferson ne diffère pas de ce précepte privé, qu’il donne à l’un de ses petits-fils encore enfant : « Ne dépensez jamais votre argent avant de l’avoir dans vos mains. » Quelque médiocre valeur qu’on attribue à cette doctrine prudente d’économie domestique, appliquée au gouvernement d’un grand État, il faut reconnaître qu’elle était à la fois possible et sage pour les États-Unis d’Amérique, et qu’elle a porté ses fruits. […] Il admet dans l’homme un sens du juste qui nous a été donné pour nous diriger ; il regrette que le profond auteur du Commentaire sur l’Esprit des lois, ait emprunté sa base morale à Hobbes. […] Dans une lettre à madame Cosway, qui est un ingénieux et délicat dialogue entre la tête et le cœur, à la manière de Sterne ou du Socrate de Philadelphie déjà tant de fois cité, notre philosophe balance les prérogatives des deux puissances rivales qui se partagent notre être, et il ne donne pas le dessous à la plus tendre.

1810. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre VI. Du raisonnement. — Nécessité de remonter aux questions générales. — Raisonnement par analogie. — Exemple. — Argument personnel »

Racontant un événement, ils s’arrêtent pour délibérer si c’était dimanche ou lundi, si c’était devant Jean ou Pierre, quoique cela n’importe pas à la chose ; ils hésitent, se reprennent, s’interrompent pour corriger un détail qu’ils ont donné un quart d’heure avant, pour en ajouter un qu’ils ont omis. […] Une des sources les plus fécondes de la bouffonnerie grotesque, dont le théâtre contemporain a donné de si éclatants modèles, c’est précisément la comparaison des idées particulières, des circonstances purement locales et individuelles, en un mot la comparaison des incomparables. […] Fontenelle, censurant la légèreté des hommes qui trouvent le pourquoi des choses sans s’être assurés de leur existence, et qui raisonnent ainsi sur des objets imaginaires, donne cet exemple du soin qu’il faut apporter à l’observation des phénomènes avant d’en aborder l’explication. […] Le charmant récit où Voltaire nous peint les différentes destinées de Jeannot et de Colin est le modèle accompli de ce genre de moralité : tout est combiné pour l’instruction que veut donner l’auteur ; c’est le procédé même de l’apologue, un conseil donné par l’exemple des personnages qu’on invente : mais ici plus rien de merveilleux ; tout est vraisemblable, c’est la nature même et la vie.

1811. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Guy de Maupassant »

Et tout de suite après il nous donne Pierre et Jean, un drame serré, une lutte courte et déchirante entre la mère coupable et accusée et le fils inquisiteur et juge. […] Vous, mon cher Bourget, vous avez un tas d’intentions et d’affectations ; nul romancier ne transforme plus complètement que vous la matière première de ses récits ; vous ajoutez votre esprit tout entier à chacune des parcelles du monde que vous exprimez dans vos livres ; vous vous donnez un mal de tous les diables, vous fatiguez, vous exaspérez ; avec tout cela vous contraignez à penser et l’on peut disserter sur vous indéfiniment. Mais qu’est-ce que vous voulez qu’on dise de ce conteur robuste et sans défauts, qui conte aussi aisément que je respire, qui fait des chefs-d’œuvre comme les pommiers de son pays donnent des pommes, dont la philosophie même est ronde et nette comme une pomme ? […] Ce qui est remarquable, c’est que ce drame, de donnée romanesque (par le caractère absolument exceptionnel de la situation et de quelques-uns des sentiments), M. de Maupassant le développe par les procédés du roman réaliste. […] Il y a là, continuellement, un choix de circonstances extérieures, toutes des plus naturelles et toutes singulièrement expressives, par lesquelles on se sent si bien enveloppé que l’on a, aussi intense que possible, l’impression de la vie réelle  et cela, je le répète, sur une donnée exceptionnelle jusqu’à l’invraisemblance.

1812. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIV. Rapports de Jésus avec les païens et les samaritains. »

Le jeune démocrate juif, frère en ceci de Judas le Gaulonite, n’admettant de maître que Dieu, était très blessé des honneurs dont on entourait la personne des souverains et des titres souvent mensongers qu’on leur donnait. […] Souvent, il est vrai, on croit trouver dans les ordres qu’il donne à ses disciples une tendance toute contraire : il semble leur recommander de ne prêcher le salut qu’aux seuls Juifs orthodoxes 654 ; il parle des païens d’une manière conforme aux préjugés des Juifs 655. […] Si, dans d’autres cas, il semble défendre à ses disciples d’aller les prêcher, réservant son Évangile pour les Israélites purs 664, c’est là encore, sans doute, un précepte de circonstance, auquel les apôtres auront donné un sens trop absolu. […] Les Samaritains avaient, alors comme aujourd’hui, l’habitude de donner à toutes les localités de leur vallée des noms tirés des souvenirs patriarcaux ; ils regardaient ce puits comme ayant été donné par Jacob à Joseph ; c’était probablement celui-là même qui s’appelle encore maintenant Bir-Iakoub.

1813. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « II »

Il est plus malaisé de repenser les lieux communs pour les rajeunir que de les retourner comme de vieilles redingotes pour se donner comme habillé de neuf. […] Les questions ayant généralement deux faces, on peut toujours, avec du talent, se donner le plaisir de contester les affirmations les plus sûres. Nous avions le renanisme philosophique ; M, de Gourmont nous a donné le renanisme littéraire, et ce n’est pas sans raison qu’on a pu écrire sur lui une étude intitulée : Un nouveau scepticisme. […] Les questions ayant généralement deux faces, on peut toujours, avec du talent, se donner le plaisir de contester les affirmations les plus sûres. Nous avions le renanisme philosophique ; M. de Gourmont nous a donné le renanisme littéraire, et ce n’est pas sans raison qu’on a pu écrire sur lui une étude intitulée : Un nouveau scepticisme.

1814. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Tourgueneff »

De quel droit un traducteur change-t-il le titre du livre qu’il s’est donné pour mission de traduire ? […] Charrière — est devenu dans notre traduction les Mémoires d’un seigneur russe, c’est pour prendre avec ce titre le caractère du témoignage de l’aristocratie russe sur la situation du pays qu’elle domine. » Aveu plus forcé que naïf, et qu’il fallait bien faire tout d’abord pour expliquer ce changement de titre qu’on ose se permettre, mais qu’on expie presque immédiatement par un embarras qui commence : « Quelques fragments de cet ouvrage — ajoute le traducteur — avaient paru dans un journal de Moscou et frappé l’attention, quoique venant d’une plume inconnue et qui n’avait pas fait ses preuves devant le public… On était loin de prévoir l’impression que devait produire la réunion de ces morceaux, lorsque ayant été mis en volume et complétés dans leur ensemble, on put saisir la donnée supérieure qui s’en dégageait et qu’on vit s’y manifester la pensée intime de l’auteur ou plutôt l’inspiration sociale à laquelle il avait involontairement cédé… » Certes ! nous ne savons pas ce que ce petit galimatias d’une donnée qui se dégage d’un livre et qui en fait changer le titre et le caractère, malgré le genre de talent, la fonction, l’idée et le but de l’auteur, exprimés clairement dans un autre titre approprié et lucide, a dû coûter à la sincérité de M.  […] Charrière n’a point fait, en définitive, ce qu’il a voulu faire ; car le livre proteste par sa teneur tout entière contre le sens et la portée qu’il a essayé de lui donner. […] Malheureusement, la Critique ne saurait donner une idée de ces esquisses d’Yvan Tourgueneff ; car on ne décompose pas des esquisses.

1815. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Swift »

Swift29 I C’est le traducteur de Burns qui traduisit pour la première fois les Opuscules humoristiques de Swift, et quoique nous eussions mieux aimé qu’il eût traduit les œuvres complètes, cependant son travail mérite d’arrêter l’attention de la Critique ; car ce travail donne une idée, très vive et très nette, de l’esprit de Swift. […] Même dans son pays et dans sa langue, l’astre de Swift a déjà pâli et ira chaque jour en décroissant, et par la souveraine raison que nous avons déjà donnée, mais que la Critique, cette vigie qui parle, doit incessamment répéter : c’est qu’en littérature tout ce qui ne s’appuie pas sur la grande nature humaine, doit, de nécessité périr ! […] À part, en effet, ces allusions qui lui ont donné quelques jours de vie, quoi de plus froid et de plus mort avant d’avoir vécu, quoi de plus intolérablement abusif dans l’impossible, que la donnée de Gulliver ! […] Il y a pourtant du bon sens très mâle dans cette lettre, mais un tel tuteur, un tel Bartholo-Barbaro-Barbe-à-croc, devait rendre hideuse la raison même et donner précisément l’envie de faire ce qu’il ne fallait pas.

1816. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIII. P. Enfantin »

Enfantin (page 44 de sa brochure), je peux les comparer aux tentes que saint Paul tissait et vendait pour vivre, pour avoir la force de semer partout sa parole de vie… Alors pour lui, comme aujourd’hui pour nous, la foi ne donnait pas de quoi vivre. […] La chair de l’homme dont la substance est dévorée par les maladies qui la mènent à la mort et la chair du Verbe prise par lui, le Verbe, dans des entrailles immaculées et dont la substance immortelle doit braver la mort et donner ici-bas un témoignage de puissance et de toute-puissance, par le fait éclatant de la résurrection, ces deux contraires, du tout au tout, sont mêlés par M.  […] Cette civilisation a donné des fruits dont nous vivons toujours, quoique nous les ayons empoisonnés… Eh bien ! […] Sans donner à ce bruit plus de consistance qu’il n’en a, toujours est-il qu’il est inconcevable qu’à propos d’une des mille prédications de l’Église catholique, M.  […] Seul, un journal religieux, de conviction catholique, mais dont la qualité n’est pas précisément la hardiesse, a donné sur la démonstration de M. 

1817. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Lefèvre-Deumier »

Il est trop ingénieux pour avoir du génie, mais si le génie consistait à se donner une peine du diable avec immensément d’âme et d’esprit, certes ! […] Jules Lefèvre, qui n’avait point encore ajouté à son nom le nom de Deumier, comptait parmi les jeunes esprits qui donnaient le plus d’espérances. […] Imagination spirituelle, et cela dans une époque où le talent, le lyrisme dans le talent, existait à haute dose, mais où l’esprit n’était pas la faculté la plus commune et la plus formidable, Jules Lefèvre frappait aussi par une sensibilité qui n’était ni la molle des uns ni la maladive des autres, et qu’il avait trempée, pour lui donner du ton, dans les sources amères et sombres de la poésie anglaise. […] Un exemple nous suffira pour donner une idée de la manière générale et habituelle du poète. […] Une fois, ce qui n’est pas assez, cette passion lui donna nettement du génie, — non comme poète, mais comme romancier.

1818. (1911) Nos directions

C’est là une grande leçon qu’il nous donne. […] Dans le drame, il la donne — volontairement. […] Il ne se prive point de ce qu’il donne. […] Je vous donnerai ce qu’il vous faudra. […] L’inspiration pure, à qui la donner en exemple ?

1819. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre cinquième. Le réalisme. — Le trivialisme et les moyens d’y échapper. »

Seulement, ne confondons pas un moyen avec un but, et ne donnons pas pour but à l’art un idéal quantitatif. […] Qui donc nous donnera ces points fixes nécessaires pour fournir la conscience du changement et la notion du temps ? […] Et pour milieu à cette cité ils ont donné la nature même, la vraie et la grande nature. […] Le paysage n’est pas pour lui un simple groupement des sensations ; il leur donne une teinte morale, de manière à ce qu’un sentiment général s’en dégage. […] En réalité, il va deux genres de détails caractéristiques : le premier traduit les sensations et émotions ressenties ou pouvant être généralement ressenties par tout le monde ; le second traduit les sensations et émotions d’un personnage donné, dans un état passionnel donné.

1820. (1890) L’avenir de la science « X » pp. 225-238

Il dut y avoir dans ces premières apparitions de l’activité humaine une énergie, une spontanéité, dont rien ne saurait maintenant nous donner une idée. […] Prendre un idiome à tel moment donné de son existence peut être utile sans doute, s’il s’agit d’un idiome qu’on apprenne pour le parler. […] C’est cette fausse notion d’un substratum fixe qui a donné à la psychologie ses formes raides et arrêtées. […] L’histoire elle-même serait à peine un motif suffisant pour donner de la valeur à ces études. […] Ils donnent un langage et une voix à ces instincts muets qui, comprimés dans la foule, être essentiellement bègue, aspirent à s’exprimer, et qui se reconnaissent dans leurs accents : « Ô poète sublime, lui disent-ils, nous étions muets, et tu nous as donné une voix.

1821. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

Il a donné des règles excellentes de l’art d’écrire. […] Tel était le programme que son théâtre avait donné à Molière. […]Donnez-moi la main !  […] et il le donne à mademoiselle de La Vallière. […] Je vous le donne en cent à deviner.

1822. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Fanny. Étude, par M. Ernest Feydeau » pp. 163-178

Feydeau est entré dans l’atelier, s’est posé devant une toile et, palette en main, s’est mis à peindre ses deux personnages et leur intérieur, et à leur donner tout l’éclat, tout le relief imaginable. […] Elle n’a vu dans ce désir de sa part qu’une facilité de plus pour l’avenir : Nous convînmes que j’accepterais enfin les invitations de l’une de ses amies qui donnait à dîner toutes les semaines. — Il n’y a jamais beaucoup de monde, dit-elle, tu pourras aisément te lier avec nous. […] Les plus délicats, et qui entrent d’ailleurs dans la donnée du livre, se demandent : Est-ce bien une preuve d’amour que cette jalousie tardive et soudaine qui vient un matin à Roger ? […] N’est-ce pas aussi un prétexte qu’il se donne à son insu, et parce qu’il aura découvert un matin chez cette belle personne de dix ou onze ans plus âgée que lui une première pâleur fanée, un premier pli à la tempe, une première ride ? […] Plein de passion et d’ardeur, dévoué, dans une existence partagée, au noble culte de l’art, il saura se donner cette plus large carrière ; il la médite et l’embrasse déjà.

1823. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers (tome xviie ) » pp. 338-354

Sans s’arrêter à des sièges, tournant nos défenses, elles se sont donné rendez-vous sur la Haute-Marne, entre Chaumont et Langres, d’où, réunies, elles doivent se porter en masse vers Paris, droit au cœur et à la tête de l’Empire. […] Thiers me l’a traduit, expliqué point par point ; il me fait assister à tout, non seulement aux actions, mais aux conseils, aux idées rapides qui illuminent, à chaque incident imprévu, cette imagination de feu, si ardente à la fois et si positive ; il me donne l’intelligence et le secret de chaque solution. […] Napoléon a vu la faute ; il suit de l’œil l’écartement de Blucher ; il en ressent une vive joie, une joie croissante, « la seule qu’il lui fût encore donné d’éprouver ». […] Quelle pauvre raison me donnez-vous là, Augereau ! […] Thiers dès l’origine, dans ce qu’il écrivait sur la Révolution française, sur la Convention, ne s’est point amollie ni usée chez lui avec les années, et elle donne à ce dernier volume de son Histoire de l’Empire, au milieu de ses autres mérites, une vie singulière.

1824. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

Baudry de nous avoir aujourd’hui donné les Mémoires en entier, dégagés de leur confusion primitive, et accompagnés de tout ce qui peut les éclaircir et les confirmer. […] Petit-fils par sa mère de l’ingénieur Métezeau, qui proposa et fit exécuter la digue de La Rochelle dans ce fameux siège, il avait pour père un protégé de Colbert et de Pussort, successivement greffier de la Chambre des comptes, de la Chambre de justice chargée de juger bouquet, et enfin secrétaire du Conseil d’État, homme chagrin redouté dans famille, estimé dans sa profession d’un mérite spécial pour rédiger les procès-verbaux, pour dresser les édits, et qui « travaillait toute l’a journée en robe de chambre. » C’était alors une grande singularité, à tel point que le père du président Hénault, qui connaissait Molière, lui donnai la robe de chambre et le bonnet de nuit de M.  […] Le sieur Coras, ministre de Montauban, étant converti, j’ai proposé au roi de donner 600 liv. de pension à ses deux filles. […] Une lettre de Colbert (18 octobre 1680) dictait à Foucault sa ligne de conduite ; mais celui-ci n’avait pas besoin d’y être poussé : « Sa Majesté, était-il dit dans cette lettre que Colbert écrivait sans doute à contre-cœur, m’a ordonné de déclarer aux fermiers qu’elle voulait qu’ils les révoquassent (les commis qui étaient de la Religion) ; elle leur a donné seulement deux ou trois mois de temps pour exécuter cet ordre, et Sa Majesté m’ordonne de vous en donner avis et de vous dire, en même temps que vous pourriez vous servir de cette révocation et du temps qu’elle ordonne, pour les exciter tous à se convertir, Sa Majesté étant convaincue que leur révocation de leur emploi peut beaucoup y contribuer. » C’était la morale administrative avouée en ce temps là ; Foucault l’affiche et la professe avec la plus grande ingénuité dans ce Journal, écrit pourtant dans les premières années du xviiie  siècle et sous la Régence. […] Louvois, qui donna bientôt à plein collier dans cette méthode, trouva d’abord que le zèle de Foucault allait trop loin, et à la proposition que nous venons de voir faire à l’intendant, il répondit en ternes secs : A Fontainebleau, le 7 août 1681.

1825. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires de madame de Staal-Delaunay publiés par M. Barrière »

A ce livre de La Bruyère, qui semble avoir donné son cachet à leur esprit, ajoutez encore, si vous voulez, qu’elles ont lu dans leur jeunesse la Pluralité des Mondes et la Recherche de la Vérité. […] Un mot souvent cité de Mme de Staal donnerait à croire que ses Mémoires n’ont pas toute la sincérité possible. […] A quoi bon m’aller inquiéter de Grimm et de ses à-peu-près, lorsque, dans les volumes de la plus délicate et de la plus délicieuse littérature qu’ait jamais produite la Critique française, nous possédons le jugement et la définition qu’a donnée M.  […] que cela lui donnait bien le droit de dire, comme plus tard, et revenue des orages, elle l’écrivait dans une lettre à M. de Silly : « N’en déplaise à Mme de…, qui traite l’amour si méthodiquement, chacun y est pour soi, et le fait à sa guise. […] Après les lettres à Mme du Deffand, celles de Mme de Staal à M. d’Héricourt, moins traversées de saillies, donnent une idée peut-être plus triste encore et plus vraie de sa manière finale d’exister.

1826. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Gaston Paris et la poésie française au moyen âge »

Si quatre-vingt-dix-neuf variantes n’ajoutent ni sens ni beauté à un texte ancien, la centième pourra nous donner un beau vers. […] C’est le passé qui fait le prix du présent et qui donne au présent sa forme. […] Je ne connais pas de plus belle définition de cet esprit que celle qu’il en donne dans une leçon sur la Chanson de Roland, faite au Collège de France le 8 décembre 1870 : «… Je professe absolument et sans réserve cette doctrine, que la science n’a d’autre objet que la vérité, et la vérité pour elle-même, sans aucun souci des conséquences bonnes ou mauvaises, regrettables ou heureuses, que cette vérité pourrait avoir dans la pratique. […] La définition de l’esprit scientifique que je citais tout à l’heure a été donnée en plein siège de Paris ; et, ce qu’il y a de touchant, c’est l’embarras de l’érudit scrupuleux à qui la patrie monte aux lèvres et qui dit qu’il l’oubliera, et qui ne peut cependant songer à autre chose. […] Pour comprendre et pour aimer certains sentiments, il faut du moins en porter les germes en soi, il faut être capable de les ressusciter, fût-ce par jeu, de les éprouver, fût-ce un moment et en sachant bien que c’est une comédie intérieure qu’on se donne et dont on reste détaché.

1827. (1894) Propos de littérature « Chapitre III » pp. 50-68

En effet, la nature ne nous montre que des masses lumineuses ; le trait n’existe pas en soi et suppose l’effort de l’homme qui l’abstrait du milieu ambiant, — je ne prétends pas donner cela comme une découverte ; — le trait implique un geste caché. […] Oui, certes, le Poème veut la musique ; mais, avec la musique qui lui manquait — et que l’inaptitude foncière de la plupart lui ménage encore non sans parcimonie — il faut lui donner tout ce que nos ainés lui conquirent. […] Il le faut avouer, elle paraît avoir acquis les mouvements sans en ordonner jusqu’ici l’harmonie avec assez de continuité ou de précision, et trop souvent encore les poètes nouveaux ont oublié la puissance inattendue que peut donner à telle page une grande pose immobile. […] M. de Régnier cherche ses formes dans un monde légendaire très propre à évoquer des poses longtemps arrêtées et à leur donner cette clarté d’apparition qui en enveloppe les contours. […] Qu’il ne faut point juger d’après ce qu’elle nous donne ces jours d’hui, mais d’après ce qu’elle peut créer.

1828. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre X. La commedia dell’arte en France pendant la jeunesse de Molière » pp. 160-190

Richer en a donné une description dans le quatrième tome du Mercure français (1615) : « Elle est, dit-il, de dix-huit toises de longueur sur huit de largeur ; au haut de laquelle il y a encore un demi-rond de sept toises de profondeur sur huit toises et demie de large, le tout en voûte semée de fleurs de lys. […] Ce sujet de La Finta Pazza est un de ceux qui ont été le plus exploités sur la scène italienne : il y a sous ce titre un canevas très mouvementé de Flaminio Scala, le huitième de son recueil ; et c’est à l’occasion de cette première Finta Pazza, que le satirique Boccalini faisait cette critique peu galante : « Ognuno sà che tutte le donne sono pazze e che non possono fingere d’essere quelle che sono. […] À l’époque où les Italiens offraient au public ces attrayants spectacles, une jeune troupe d’enfants de famille, la plupart Parisiens de naissance, s’étant associés pour jouer la comédie sous le titre de l’Illustre Théâtre, donnèrent, d’abord au Jeu de paume des Métayers, proche la tour de Nesle, puis au Jeu de paume de la Croix-Noire, sur le quai des Ormes, au port Saint-Paul, des représentations beaucoup moins fastueuses. […] Madame était épouvantée, et je vous avoue que, quoique je connusse assez Monsieur pour ne me pas donner avec précipitation des idées si cruelles de ses discours, je ne laissai pas de croire, en effet, qu’il était plus ému qu’à son ordinaire ; car il me dit d’abord : “Eh bien, qu’en dites-vous ? […] Scaramouche se donnait lui-même ces noms burlesques comme on le voit à la scène vii du Ier acte de Colombine avocat pour et contre, pièce représentée en 1685 ; la plupart de ces noms appartiennent à la tradition de la commedia dell’arte.

1829. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre II : L’intelligence »

C’est parce que nous associons les données de nos divers sens, celles de la vue, du toucher, du sens musculaire, de l’odorat, etc., que nous percevons des objets concrets, qui nous sont donnés comme extérieurs. […] Donnons un exemple de l’un et de l’autre cas173. […] L’inclinaison des axes, accompagnée d’une image rétinale donnée, suggère d’abord la grandeur ; de la grandeur ainsi donnée et de la grandeur rétinale nous inférons la vraie grandeur. » Peut-être quelque intraitable adversaire de la métaphysique reprocherait-il à M.  […] Elle avait donné naissance chez les Grecs à la doctrine de la Némésis. […] Ici on unit de nouvelles formes, on construit des images, des tableaux, conceptions, mécanismes, différant de tout ce que l’expérience a donné auparavant.

1830. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Raphaël, pages de la vingtième année, par M. de Lamartine. » pp. 63-78

L’épisode de Graziella quelque importance et quelque intérêt que le talent de l’auteur ait réussi à lui donner, sent la composition et l’art. […] Un récit exact et simple, circonstancié et fidèle, de cette passion mystérieuse que le poète des Méditations n’a célébrée qu’à demi en la dérobant, et qui semble avoir donné à son génie l’impulsion secrète, serait infiniment précieux comme étude et intéresserait assurément comme lecture. […] Ici, dans Raphaël, nous voyons tout d’abord que ce n’est point un tel récit que l’auteur prétend nous donner, et que nous devons attendre. […] Or, je ne saurais recevoir cette impression-là, quand l’auteur, dans la traduction qu’il nous donne du portrait du peintre, s’épuise à nous décrire ces yeux, « qui sont, dit-il, imbibés de lumière jusqu’au fond, mais un peu humides des rayons délayés dans la rosée ou dans les larmes. » Je sens là une intention voluptueuse qui ne ressort pour moi d’aucune figure peinte par Raphaël, pas même de la sienne. […] Elle est créole de Saint-Domingue ; orpheline, élevée avec les filles de la Légion d’honneur, mariée à dix-sept ans de son plein gré à un vieillard, savant illustre, qui n’est pour elle et ne veut être qu’un père (elle insiste très nettement sur ce point), Julie est atteinte d’un mal singulier qui la consume, et qui lui interdit, même au prix d’une faiblesse, de donner ni de recevoir le bonheur.

1831. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Walckenaer. » pp. 165-181

Des observations et des investigations précises vinrent donner à cette activité du jeune savant un champ plus sûr, et où il devait laisser sa marque. […] Latreille le portaient, vers le même temps, à l’étude des insectes, particulièrement des araignées (les Aranéides), dont il étudia les mœurs, disposa les genres et donna les tableaux. […] et il n’est pas donné à qui veut d’être abeille. […] Ses informations secrètes lui ont tout donné, — tout, excepté la note juste du langage de ce temps-là. […] Lorsqu’il l’eut perdue, il dirigea plus habituellement sa pensée vers ce lieu du rendez-vous suprême que se donnent les âmes aimantes.

1832. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Despréaux, avec le plus grand nombre des écrivains de son temps. » pp. 307-333

Notre Juvénal consentoit qu’on accordât à Chapelain la réputation d’honnête homme : mais il étoit indigné qu’on lui donnât celle du plus bel-esprit du royaume. […] Son Mercure galant est une des comédies qu’on donne le plus souvent. […] Sous ce tombeau gît saint Pavin : Donne des larmes à sa fin. […] Il y eut un ordre du roi pour qu’elle ne fut point mise dans une nouvelle édition que Despréaux se disposoit à donner en 1710, & dont il y avoit même déjà quelques feuilles d’imprimées. […] De pareilles anecdotes, fussent-elles sûres, contrastent horriblement avec un livre où l’on prétend détruire tous les préjugés, & donner des règles de morale & de politique.

1833. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 445-448

Cet agréable badinage sera toujours distingué parmi les Productions originales, qui font aimer aux Etrangers la gaieté Françoise, sans leur donner une mauvaise idée de nos mœurs. […] Si on leur pardonne quelques négligences qui donnent quelquefois de l’agrément au style, & certaines longueurs qui refroidissent, par intervalles, le Lecteur, on conviendra que c’est ce que nous avons de mieux pour le naturel, les graces, & la simplicité. […] Les titres d’honneur répandus avec discernement sur ceux qui les cultivent, nous paroissent l’encouragement le plus flatteur que nous puissions leur donner.

1834. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre I. Des Livres qui traitent de la Chronologie & de la maniere d’écrire l’Histoire. » pp. 2-4

On en a donné une édition 2. vol. […] Il est recherché, ainsi que ses Tablettes ; mais on auroit pu leur donner un meilleur ordre & réformer le style trop souvent incorrect & louche. […] Mais il faut donner la préférence à l’édition de Paris 1770., chez le Jai, rue St.

1835. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre II. Trois espèces de langues et de caractères » pp. 296-298

Le pouvoir absolu du peuple sur les langues s’étend sous un rapport à la législation : le peuple donne aux lois le sens qui lui plaît, et il faut, bon gré malgré, que les puissants en viennent à observer les lois dans le sens qu’y attache le peuple. […] Les grands sont obligés d’observer les lois par lesquelles les rois fondent la monarchie, dans le sens ordinairement favorable à l’autorité royale que le peuple donne à ces lois. […] Voyez dans Tacite comment la monarchie s’établit à Rome à la faveur des titres républicains que privent les empereurs, et auxquels le peuple donna peu-à-peu un nouveau sens.

1836. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Étienne de La Boétie. L’ami de Montaigne. » pp. 140-161

Feugère a fait une suite d’études consciencieuses et très recommandables, qu’il ne faut point séparer des publications complètes ou partielles qu’il donne des œuvres de ces vieux auteurs. […] Comme toute la jeunesse de son temps, et l’un des premiers, il prit feu au signal poétique donné par Du Bellay et par Ronsard, et il fit des sonnets dans leur genre. […] D’Aubigné, en son Histoire, donne à cet écrit une origine moins patriotique et plus personnelle ; il suppose que l’idée en est venue à l’auteur dans un voyage à Paris. […] [NdA] Notice bio-bibliographique sur La Boétie, l’ami de Montaigne, suivie de la Servitude volontaire, donnée pour la première fois, selon le vrai texte de l’auteur, d’après un manuscrit contemporain et authentique. […] Il est donc de toute impossibilité que ces passages où il est question d’eux soient écrits antérieurement : ce qui donnerait à La Boétie l’âge de vingt ans au moins, et non celui de dix-neuf ou de seize.

1837. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — II. (Fin.) » pp. 109-130

L’auteur se crut obligé, dans la préface de la seconde édition (1789), de donner quelque explication en manière d’apologie, une espèce de satisfaction au sexe ; mais il en sut faire une piqûre de plus28. […] Dans ces sortes de portraits personnels on ne se donne jamais trop de désavantages, même lorsqu’on a l’air de se dire des vérités. […] Ces Mémoires de Richelieu, qu’on annonçait en 9 volumes, n’auraient certes pas ressemblé à la publication indigeste et sans goût que Soulavie a donnée sous le même titre et avec la même étendue. […] Voici cette lettre, qui est faite pour donner des regrets : J’ai lu, monsieur, la préface des Mémoires de mon père que vous avez bien voulu me communiquer, et je vous en fais mes remerciements. […] D’ailleurs c’est le style de l’écrivain, c’est l’enchaînement qu’il donnera aux choses, la manière de présenter les faits, de peindre les personnages, qui contribuera beaucoup au succès de l’ouvrage.

1838. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La femme au XVIIIe siècle, par MM. Edmond et Jules de Goncourt. » pp. 2-30

J’essayerais vainement d’en donner l’analyse, car c’est une analyse déjà, mais dont chaque trait est groupé, rapporté à son lieu et serré dans une trame. […] Elle a persuadé Mme de La Vallière de donner son congé à Gélyotte, chanteur de l’Opéra, et de s’attacher à sa place le comte de Bissy. […] L’éducation que l’on donne en devient une pour soi-même. […] Celle-ci, de son côté, cédait sans doute un peu moins dans ses dernières années à l’impétuosité de son caractère, à son esprit d’épigrammes, et se donnait un peu plus de peine pour persuader à ses amis qu’elle les aimait. […] Elle donnait l’exemple, en même temps que le précepte, de l’aisance dans la justesse.

1839. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. (suite et fin.) »

Quoique j’aie pris soin de faire dépouiller, comme je l’ai dit, la Correspondance administrative de Jean-Bon, préfet de Mayence, on n’attend pas que j’en donne ici des extraits bien nombreux. […] On n’en trouvait pas pour les villes elles-mêmes : « La mairie de Worms, écrivait confidentiellement Jean-Bon (23 septembre 1812), est celle qui me donne le plus d’inquiétude. […] Je supplie Votre Excellence de me donner d’ailleurs vos instructions sur la question de savoir jusqu’à quel point ma présence dans la place sera nécessaire. […] Le vent seul lui a donné l’avantage. […] J’ai donné ordre, ce matin, à la Précieuse, d’aller encore croiser pendant huit jours dans les parages où j’attendais Vanstabel.

1840. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LE COMTE XAVIER DE MAISTRE. » pp. 33-63

Mérimée pourrait envier ce personnage d’Ivan, de ce brave domestique du major, à la fois si fidèle et si féroce, et qui donne si lestement son coup de hache à qui le gêne, en sifflant l’air : Hai luli, hai luli ! […] Mais il suffira de donner ici sa jolie pièce du Papillon, qui, pour la grâce et l’émotion, ne dépare pas. le souvenir de ses autres écrits. […] Le chiffre est authentique, et je le donne comme consolant. […] On y retrouve le même genre d’application délicate que l’auteur avait déjà donnée à la peinture, aux couleurs et au procédé par l’encre de Chine.) […] Au chapitre iii, où il donne la logique du duel.

1841. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. J. J. AMPÈRE. » pp. 358-386

Ampère en critique consiste à donner à certaines vastes proportions du champ littéraire une sorte de constitution véritablement scientifique. […] Il est bon d’avoir ainsi deux qualités opposées, et comme deux points de départ distants ; cela fait l’entredeux qu’exige Pascal, et donne une base certaine pour prendre la haute mesure des choses. […] qu’importe que sous cette forme peut-être tout cela n’ait pas donné ? […] La vie est jusqu’à un certain point indépendante de la forme de l’organe ; mais, une fois l’organe donné dans sa forme générale, elle s’en sert comme d’un point d’appui, elle l’élabore, l’organise au dedans et se l’approprie pour ainsi dire. […] D’Andilly, dans ses Vies des Pères des Déserts, allait traduire Cassien et l’avait même déjà annoncé, lorsqu’il en fut empêché par les scrupules qu’on lui donna sans doute sur le semi-pélagianisme du solitaire trop indulgent.

1842. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (6e partie) » pp. 129-176

c’est moi qui vous ai donné cette cocarde nationale ! […] Elle invoqua, pour donner plus d’autorité à ses paroles, la mémoire du roi et de la reine. […] Elle donna la moitié de son fichu à une jeune condamnée, et le noua de ses propres mains pour que la chasteté ne fût pas profanée même dans la mort. […] Le bourreau allait donner en elle des reliques au trône et une sainte à la royauté. […] Venait-il faire hommage au philosophe d’une vie qu’il allait donner à la cause de la démocratie ?

1843. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre III. L’Histoire »

La Chanson d’Antioche et la Chanson de Jérusalem (lre moitié du xiie  siècle) donnent l’histoire peu scientifique et nullement critique, mais rien que l’histoire de la première croisade. […] Il y a ici un accent, une note que ne donnent ni l’intérêt politique, ni la conviction personnelle, ni le simple esprit guerrier : il y a ici du sentiment qui mène Yvain à la fontaine merveilleuse. […] Villehardouin, négociateur, avec quelques autres, de ce contrat léonin, s’apercevant trop tard du piège, mit son honneur à n’être pas démenti : dût-on ne pas aller en Egypte, dût la croisade avorter, il avait donné sa parole, il fallait que l’armée la dégageât, en payant les Vénitiens. […] Très brave, il fait son devoir brillamment : à la Mansourah, en Syrie, il est de ceux qui donnent l’exemple et font le sacrifice de leur vie. […] Boniface lui donne le fief de Messinople.

1844. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Octave Feuillet »

A peine a-t-il refusé qu’elle se donne désespérément à un autre (pourquoi ?) […] L’envie d’être fort et hardi tout en restant le romancier mondain par excellence, le caprice de combiner le vitriol et l’opoponax éclate un peu partout et, s’il faut donner un exemple, dans l’Histoire d’une Parisienne. […] Feuillet, par une singulière inconséquence, fait de M. de Camors la proie d’une de ces passions furieuses auxquelles un homme ne résiste guère, à moins d’une force morale que la foi ne donne pas, qu’elle peut seulement augmenter. […] monsieur, dit le chiffonnier, ce qui tombe au fossé devrait être au soldat  Ramasse-le avec tes dents, et je te le donne. » Et, quand le louis est ramassé : « Eh ! […] Je retrouve, en maint endroit, le dramatique nerveux, rapide et saccadé qui donne tant de prix à la Petite Comtesse, à Julia de Trécœur et aux cinquante premières pages de Monsieur de Camors.

1845. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « La jeunesse du grand Condé d’après M. le duc d’Aumale »

Sans doute j’avais tort d’attendre autre chose que ce qu’on me donne : c’est apparemment qu’il n’y a rien de plus. […] M. le duc d’Aumale nous donne quelques-unes des lettres latines qu’il écrivait à son père à cette époque. […] Un jour, il donne tout son argent à deux paysans ruinés par les recors. […] Il le recommande avant de mourir, au roi qui, mourant lui-même, lui donne un commandement en chef. […] Aussi tous les grands hommes de guerre ont-ils eu besoin de croire à leur étoile, c’est-à-dire à une volonté divine, plus forte que tout, et qui leur donnait la victoire.

1846. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes décadents » pp. 63-99

Les deux fenêtres donnaient sur le boulevard, les chantiers du chemin de fer du Nord, la tour de bois d’une grosse horloge dressée en plein ciel. […] On se donnait rendez-vous les soirs de liberté, indifféremment ici ou là, pour éviter la cohue et les promiscuités fâcheuses. […] Être arrivé à donner aux autres une telle illusion de soi-même, témoigne, on l’avouera, d’un tempérament peu banal. […] ils montraient la route à leurs successeurs, ils donnaient le ton à la polémique future. […]donner dans de tels godans !

1847. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XI. La littérature et la vie mondaine » pp. 273-292

Il donne dans le purisme. […] Elle a donné un essor inattendu à certains genres littéraires. […] La conversation, qui semble une fête, et un délassement que se donnent les penseurs du temps, est pour eux une chasse aux idées. […] Les salons donnent ainsi le ton à toute la littérature. […] Il importe de savoir s’il y a une cour et quel est le ton donné par elle.

1848. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

Un essai d’application est sans doute le meilleur moyen de donner un corps à ces abstractions. […] Il est entendu que nous supposons accompli le long travail préliminaire dont nous ne donnons que les conclusions. […] Un aveu qu’il laisse échapper donne l’idée de son respect pour les maîtres de jadis. […] Les hommes de ce temps-là essaient de donner aux formes du moment une éternelle fixité. […] sec et terre à terre comme il est, lui donner les images brillantes, le vol audacieux, la fougue emportée.

1849. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre II »

Tout d’abord, et pour commencer par le commencement, je n’aime pas ce nom de Philiberte donné à la beauté voilée et souffrante. […] Le jeune homme, qui ne comprend rien à ces dures paroles, les reçoit comme une leçon donnée à la pauvreté qui s’expose, et jure de perdre son nom si on l’y reprend. […] De son côté, Frantz fait le fier et prétend à toute force lui donner pour rien sa musique. […] Il rudoie Spiegel, il boude sa fiancée ; il trouve l’un manant et l’autre bourgeoise ; il donne, tête baissée, dans les pièges à paon que le baron et la margrave tendent à sa gloriole remplumée. […] drôle, on t’en donnera, du génie !

1850. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VII »

L’air sentimental de l’Allemagne avait, sans doute, radouci l’inhumaine ; tant il y a qu’elle réclame elle-même sa visite et lui donne ses entrées dans sa petite cour. […] Ce petit Beaubourg est tellement convaincu de la vertu de sa dame, qu’il donne à son esclandre un air d’innocence. […] C’est d’abord la belle et cruelle scène où Léa, visitée par Camille, l’interroge, les mains sur ses mains, les yeux dans ses yeux, comme elle lui donnerait la question. […] Il répondit amèrement : « Donne-moi donc plutôt un art d’oublier !  […] Quoi qu’il en soit, M. de Prévenquières donne ce soir même, une grande soirée de géographie.

1851. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame Émile de Girardin. (Poésies. — Élégies. — Napoline. — Cléopâtre. — Lettres parisiennes, etc., etc.) » pp. 384-406

Tout cela donna prétexte de dire autour d’elle et lui donna l’idée à elle-même qu’elle n’était pas seulement une muse élégiaque, mais aussi la muse de la patrie. […] Dans un dernier chapitre qui termine le poème, Mme de Girardin dégage cette idée à nu et donne elle-même la clef à qui ne l’aurait pas saisie. […] Je voudrais pourtant, puisque je parle de poésie et que j’ai paru mettre la poésie toute vraie, toute sincère, en opposition avec celle qui ne l’est pas ou qui ne l’est qu’à demi, je voudrais donner de la première un exemple qui fasse bien sentir ce que j’entends. […] On a remarqué qu’il y a de curieux développements et des jeux d’esprit à la Sénèque : par exemple, l’endroit du quatrième acte où Antoine désespéré s’attache à se démontrer à lui-même qu’il a donné raison après coup à toutes les philippiques de Cicéron, et qu’il s’est conduit de telle sorte que les invectives de ce grand ennemi sembleront désormais les propos d’un flatteur : Flatteur ! […] L’auteur est-il parvenu à donner un démenti à certain mot bien impertinent de Diderot sur les femmes et sur ce qu’elles auront toujours d’incomplet ?

1852. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le comte-pacha de Bonneval. » pp. 499-522

De plus, je suis muni de si fidèles relations de tous les combats, sièges et batailles, depuis cinquante-deux ans, donnés ou faits dans toute l’Europe, que tout cela me rendrait intéressant, si je voulais. […] Aujourd’hui, quand on veut savoir de lui ce qui est authentique, on doit se borner à lire le Mémoire sur le comte de Bonneval, rédigé par le prince de Ligne, et dont le savant bibliographe Barbier a donné une nouvelle édition en 1817. […] Au Parlement, la formalité d’entérinement des lettres de grâce fut remplie le 5 février 1717 ; Bonneval y fut traité avec une distinction particulière : au lieu d’une sellette, comme c’était l’usage, le premier président lui fit donner un carreau de velours en raison de sa blessure74. […] Quoique j’aie lieu de croire qu’il ne vous est rien arrivé, personne n’en parlant, je ne puis m’empêcher de joindre à ma peine mille alarmes, qui me mettent dans un état que vous ne comprenez point, puisque vous pouvez être deux mois sans me donner le moindre signe de vie. […] Bonneval, devenu le pacha Osman, ne donna pas sur les oreilles au prince Eugène ; il fit des mémoires très nets et très bien motivés sur les changements de tactique à introduire dans les armées du sultan ; il proposa des projets d’alliance et de guerre : mais tout cela échoua dans les intrigues du sérail et devant l’apathie musulmane.

1853. (1888) La critique scientifique « La critique et l’histoire »

Le principe d’individuation fait apparaître à un moment donné dans le groupe social une personnalité artistique ou agissante douée d’une constitution mentale et probablement cérébrale, particulière, manifestée par des œuvres, des actes, des paroles. […] L’émotion que donne un livre d’aventures et les émotions qui pourraient accompagner ces aventures mêmes sont semblables en tant qu’excitation. […] La raison de tous ces faits est facile à dire et elle nous permet de rectifier sur un point important la définition, donnée, au début, de l’œuvre d’art. […] Tandis que la première ne donne de l’homme que des actes extérieurs et bruts, la seconde nous fait pénétrer dans toute la complexité de sa pensée et de son émotion. […] Ces trois parties donnent, chacune, des ordres divers de notions.

1854. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 35, de la mécanique de la poësie qui ne regarde les mots que comme de simples sons. Avantages des poetes qui ont composé en latin sur ceux qui composent en françois » pp. 296-339

Les hommes se donnent à entendre les uns aux autres par des sons artificiels et par des sons naturels. […] Ils se donnent à entendre en contrefaisant le bruit que fait la chose, ou en mettant dans le son imparfait qu’ils forment, quelque ton qui ait le rapport le plus marqué qu’il soit possible, avec la chose qu’ils veulent donner à comprendre sans pouvoir la nommer. […] Ces sons imitatifs auront été mis en usage principalement quand il aura fallu donner des noms aux soupirs, au rire, aux gemissemens, et à toutes les expressions inarticulées de nos sentimens et de nos passions. […] J’appellerai donc des phrases imitatives celles qui font dans la prononciation un bruit, lequel imite le bruit inarticulé dont nous nous servirions par instinct naturel, pour donner l’idée de la chose que la phrase exprime avec des mots articulez. […] Je voudrois pouvoir ici publier l’ouvrage tout entier, et pour preuve de ma bonne volonté, je vais donner encore au lecteur deux fragmens d’une lettre écrite par le même auteur à monsieur le prince d’Auvergne.

1855. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Sainte-Beuve. Les Poésies de Joseph Delorme, Les Consolations, les Pensées d’août. »

Sainte-Beuve, c’eût été assez que de publier le Joseph Delorme, ce premier recueil de vers qui, dans l’œuvre du poète, est le premier, de toutes manières, et dans lequel il y a, selon moi, l’accent le plus profond que la poésie de 1830, la poésie dite romantique, ait donné. […] Sainte-Beuve a été un jour, aux yeux des connaisseurs, un trop rare poète pour que l’Imagination autant que la Critique ne tienne pas à connaître toute l’œuvre de l’homme qui a donné cette note unique de profondeur, et à savoir, s’il l’a perdue, comment cela se fit. […] Elle les en aurait arrachées et les eût jetées aux vents : ludibria ventis, et par ce retranchement courageux, elle aurait donné au livre de M.  […] Heureusement il roulait encore dans la veine du poète quelques gouttelettes de ce poison qui avait donné à sa poésie quelque chose de si caractéristiquement ulcéré. […] Que cet ombrage obscur et plus noir qu’un cyprès Donnait un lourd vertige à qui dormait trop près ?

1856. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre II. La perception extérieure et l’éducation des sens » pp. 123-196

Même en insistant, je n’imagine d’abord que la première des enjambées, la sensation que donnerait à ma main le premier angle ; ces deux images servent de type pour les autres. […] Qu’on lui donne un peu de temps, il renaît en partie. Qu’on lui donne un temps suffisant, il renaît tout entier. […] Une surface unie, par exemple une feuille imprimée ou écrite, ne donne au toucher qu’une sensation uniforme ; et la même surface donne à la vue autant de sensations distinctes qu’il y a de lettres noires écrites ou imprimées sur le blanc. […] Tantôt la personne sait d’avance que le choc viendra de tel côté, du côté droit par exemple ; alors l’intervalle entre le choc qu’elle reçoit et le signal consécutif qu’elle donne est de vingt centièmes de seconde.

1857. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — P.-S. » pp. 38-40

Je donnerai ici un extrait des endroits de mon livre de Port-Royal (édition de 1866), où il est fait mention de Massillon. […] On raconte qu’un jour de grande fête, au sortir du dîner, le prélat étant à jouer avec des dames, après que le jeu eut duré assez longtemps, quelqu’un fit remarquer que c’en était assez pour un jour de grande fête, et qu’il fallait donner quelque chose à l’édification. […] Vous l’entendrez, si Dieu nous donne la consolation de vous voir après Pâques ; car on croit qu’il continuera de prêcher dimanches et fêtes jusqu’à la Pentecôte. » — Un autre oratorien, le père Maur (ou Maure), brillait dans la chaire à la même date, et ses débuts semblaient balancer ceux de Massillon ; le père Maur n’a pas tenu depuis tout ce qu’il promettait et son nom n’a pas surnagé, mais on faisait alors de l’un à l’autre des parallèles ; C’est toujours M.  […] Même après les grands éloges qu’il se plaît à leur donner, il continue de ne parler du père Massillon et du père Maur que comme venant après lui et à titre de jeunes talents qui promettent : « Pour le père Massillon et le père Maur, c’est une réputation naissante que la leur.

1858. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « [Note de l’auteur] » pp. 422-425

Dans la première étude, et assez complète, que j’en ai donnée à la Revue des deux mondes dès le mois de janvier 1840, et qui a été recueillie dans mon volume de Portraits de femmes entre Mme de Longueville et Mme de La Fayette, je disais, après avoir raconté tous les incidents de monde et de société qui accompagnèrent et suivirent la publication des Maximes et dont le salon de Mme de Sablé était le centre : Le succès, les contradictions et les éloges ne se continrent pas dans les entretiens de société et dans les correspondances ; les journaux s’en mêlèrent ; quand je dis journaux, il faut entendre le Journal des savants, le seul alors fondé, et qui ne l’était que depuis quelques mois. […] Ce billet d’envoi, dont on a donné quelques lignes, mérite bien d’être fidèlement reproduit, parce qu’il est joli et qu’il éclaire les ombrages et les petites manœuvres de l’amour-propre de La Rochefoucauld : « Je vous envoie… (ici M. Cousin donne le billet que j’avais déjà publié, en y mettant les quelques mots assez insignifiants que j’avais remplacés par des points, et il continue) » : La Rochefoucauld prit au mot Mme de Sablé ; il usa très librement de son article, il supprima les critiques, garda les éloges, et le fit mettre dans le Journal des savants ainsi amendé et pur de toute prévention à l’impartialité. […] Cousin fait une allusion vague à son prédécesseur quand il parle de ce billet d’envoi de Mme de Sablé « dont on a donné, dit-il, quelques lignes. » Cet on, c’est moi-même ; et comme s’il en avait trop dit, il a l’air tout aussitôt de se repentir de cette vague et inintelligible allusion en faisant entendre qu’il va lui-même publier le billet fidèlement, comme si ma reproduction n’avait pas été absolument fidèle et comme, si elle laissait rien à désirer.

1859. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXVI » pp. 256-263

On ne dira pas de cette saison qu’elle a porté une grande moisson de poëtes (magnum proventum tulit) ; évidemment il faut que les dernières générations qui ont donné aient été un grand effort pour que la nature se repose ainsi ; il faut que les années d’auparavant aient tout pris, et nous finirons par croire que 1829 fait époque. […] Ce ne serait que Henri IV qui, descendu de Robert de France, sixième fils de Louis IX, aurait enfin fait rentrer la couronne dans la lignée directe du saint roi. » Le fait est qu’une quarantaine d’années après la mort ou la prétendue mort de ce petit roi Jean, parut en France un aventurier qui se donna pour lui, qui raconta toute une histoire romanesque à laquelle plusieurs puissances et personnages politiques d’alors ajoutèrent foi, notamment Rienzi. […] — On vient de publier dans le format Charpentier une traduction assez complète (bien plus complète que celle déjà donnée par Michelet) des Propos de table de Luther. […] Audin, catholique zélé, qui a déjà donné une histoire (très-partiale) de Luther et de Calvin, vient de publier celle de Léon X : ici il est plus intéressant parce qu’il apporte, au milieu de son flot de louanges, quantité de renseignements puisés aux sources italiennes, bien que sans y joindre aucun contrôle de critique.

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