La loi suivant laquelle cette force varie en fonction de la distance n’est peut-être pas la loi de Newton, mais c’est une loi analogue ; au lieu de l’exposant −2, nous avons probablement un exposant différent, et c’est de ce changement d’exposant que sort tout la diversité des phénomènes physiques, la variété des qualités et des sensations, tout le monde coloré et sonore qui nous entoure, toute la Nature en un mot. […] C’était pour eux une harmonie interne, statique pour ainsi dire et immuable ; ou bien c’était comme un modèle que la nature s’efforçait d’imiter.
Mais la division par genres n’a rien de moins artificiel ou de moins arbitraire, si les genres ne se définissent, comme les espèces dans la nature, que par la lutte qu’ils soutiennent en tout temps les uns contre les autres. […] Un livre de cette nature ne devient tout ce qu’il peut être qu’à force de longueur de temps ; — et surtout qu’avec l’indulgence, et avec la collaboration du public.
D’accord ; c’est alors un vice de la nature, que la science n’a pu corriger. […] me suis-je dit ; et je me suis répondu : Le goût est le sentiment du vrai, du beau, du grand, du sublime, du décent, de l’honnête dans les mœurs, dans les ouvrages d’esprit, dans l’imitation ou l’emploi des productions de la nature.
Voilà ce qui doit arriver tôt ou tard aux poëtes qui ne s’assujetissent pas à copier la nature dans leurs imitations, qui ne s’embarrassent point que leurs personnages ressemblent à des hommes, et qui sont trop contens quand ces personnages ont je ne sçais quel bon air. […] Les étrangers, sur tout ceux qui sont déterminez par leur humeur à ne se contenter que d’images et de peintures faites veritablement d’après la nature, lisent ces endroits sans en être émus.
Quoique la nature ne change point, et quoiqu’il semble par consequent que la musique ne dût point changer de goût, elle en change néanmoins en Italie depuis un temps. […] Elle est semblable à ces peintures de la Chine, qui n’imitent point la nature, et qui ne plaisent que par la vivacité et par la varieté de leurs couleurs.
" c’est en vertu des loix de la nature, dit dans un autre endroit l’auteur que nous venons de citer, que les tons et la mesure font tant d’effet sur nous. […] Pline l’historien n’a-t’il pas été justifié contre plusieurs accusations de cette nature que les critiques du seiziéme siecle avoient intentées contre lui ?
Les quelques grands écrivains qui ont paru de nos jours attestent presque cette décadence qu’il est si dur d’avouer par la nature même de leur génie tourmenté, multiple, savant, chargé d’ornementations et d’effets, mais privé de la simplicité tranquille des fortes littératures, comme l’atteste à son tour la plèbe des écrivains sans talent par l’inanité de leur effort. […] La meilleure raison qu’on puisse invoquer de cette impossibilité, qui vient de la nature des choses et non de l’intolérance des esprits, tient à l’essence même du protestantisme, à son origine et à sa descendance.
Malheureusement, malgré les différences de climat, de situation, d’éducation et même de nature, cette petite indienne a un faux air d’Atala, comme Zélislas lui-même a un faux-air de René, et le père Thadée, du père Aubry. Chateaubriand a tatoué tellement le talent de l’auteur du Blessé de Novare, qu’il ne lui est plus permis d’effacer ce tatouage qui défigure ses traits primitifs… Quant à la manière dont l’Inde est peinte dans ce roman où elle a remplacé l’Amérique, prendre la flore d’un pays et la renverser, plante par plante, à travers une nature qu’on ne comprend pas, tant les mots indiens y abondent !
Peintre à la Rubens et à la Rabelais, peintre de grande nature, peintre de kermesses, de foules, de ruées, de batailles, peintre du tempérament physique le plus impétueusement débordé, Cladel s’est trouvé républicain comme il est peintre, et pour les mêmes raisons. […] Cet homme, je ne dirai pas si naturel, mais si nature, cet artiste d’une forme si sincère et si brave, qui dit tout et n’a peur de rien, qui ne recule devant aucun détail, a — est-ce incroyable ?
Il avait embrassé une partie des sciences abstraites, saisi plusieurs branches de la physique, et jeté sur la nature en général, ce coup d’œil d’un philosophe, qui cherche à étendre la carrière des arts, et à y transporter, par de nouvelles imitations, de nouvelles beautés. […] Enfin ceux qui sentent tout le prix des talents, et qui ont le goût des arts, voient avec intérêt, à la suite des princes, des généraux et des ministres, les noms des artistes célèbres ; de Lully, de Mansart, de Le Brun ; de ce Claude Perrault, qu’on essaya de tourner en ridicule, et qui était un grand homme ; de la Quintinie, qui commença par plaider avec éloquence, et qui finit par instruire l’Europe sur le jardinage ; de Mignard, dont ses parents voulurent faire un médecin, et dont la nature fit un peintre ; du Poussin, qui, las des intrigues et des petites cabales de Paris, retourna à Rome vivre tranquille et pauvre ; de Le Sueur qui mérita que l’envie allât défigurer ses tableaux ; de Sarrazin, qui, comme Michel-Ange, fut à la fois sculpteur et peintre, et eut la gloire de créer les deux Marsis et Girardon ; de Varin, qui perfectionna en homme de génie l’art des médailles ; enfin du célèbre et immortel Callot, qui eut l’audace, quoique noble, de préférer l’art de graver, à l’oisiveté d’un gentilhomme, et qui imprima à tous ses ouvrages le caractère de l’imagination et du talent.
Autre marque du temps : pas un coin de nature. […] C’est la bonne Nature qui veille sur les enfants et qui les préserve. […] C’était la nature qui reprenait possession du temple de la tragédie. […] Des lois mêmes de la nature et de celles de la conservation sociale. […] C’est une force inconnue, invincible, comparable aux puissances terribles de la nature extérieure.
Elles rentrent dans cette demi-barbarie, qui participe à la fois des brutalités de la nature, et des molles habitudes de la civilisation. […] qui ne reconnaît la nature à ces traits de réelle mélancolie ? […] Cette opposition, honorable à son héros, n’est-elle pas absolument dans la nature ? […] Le précepte qui prescrit un début modeste à l’orateur, ainsi qu’au poète, est puisé comme tous les autres dans les lois de la nature, et reçu de l’exemple des grands maîtres. […] chante la rédemption de l’homme coupable, accomplie sur la terre par le fils de Dieu, revêtu de la nature humaine.
Et ils opposent la nature à la révélation et la nature à la grâce. […] Dans les deux conceptions il y a bien l’homme de la nature et l’homme modifié ; l’homme de la nature et l’homme qui lutte victorieusement contre sa nature. […] C’est la nature qui a raison et c’est la prétendue raison qui a tort. […] Ils disaient : « Détachez-vous de la nature. […] Parce qu’il est un être contre nature.
« Nature et raison », comme disait Rabelais, n’ont pas voulu que nous n’admirions qu’un seul modèle. […] Votre amie dort là, au sein d’une nature pleine de grâce et de force… Une jolie chapelle s’élève à deux pas du tombeau. […] Le style est ce qu’il y a de plus personnel dans l’écrivain, c’est la trace révélatrice de sa nature intime. […] Les plus beaux dons de la nature se payent très cher. […] France suive sa nature.
Il est dans la nature de l’homme d’aller jusqu’au bout de son droit, jusqu’au bout de sa force. […] L’isthme semble en effet destiné à être coupé par les soins mêmes de la nature. […] Mais cela est-il de nature à beaucoup nous passionner ? […] Tout se tient dans la nature. […] Je sympathise assez avec ces natures-là.
Il en a été ainsi dans l’antiquité, il en a été ainsi dans tous les temps, parce que cela résulte de la nature des choses. […] Lui, Matamore, demeura insensible, par sagesse et par égard pour la Nature. […] Or tout le monde sait que la race normande, — les Normands eux-mêmes l’avouent — est, par nature, assez encline aux plaideries. […] C’est que Shakespeare, tout en sachant aussi bien que Corneille donner à ses héros des sentiments sublimes se tient plus près que lui de la nature. Et c’est ce que fait aussi Euripide dans le rôle d’Iphigénie, plus près de la nature que ce même personnage dans la tragédie de Racine.
Il y a une truculence de nature dans Flaubert, se plaisant à ces femmes terribles de sens et d’emportements d’âme, qui nous semblent devoir éreinter l’amour à coups de grosses émotions, de transports brutaux, d’ivresses forcenées. […] L’homme en vieillissant devient misanthrope et charitable à la nature. […] La femme qu’a peinte l’anthropographe Cranach, la femme du Parmesan et de Goujon, la femme de Boucher et de Coustou sont trois âges et trois natures de femme. […] … La nature pour moi est ennemie. […] La nature même semble du xviiie siècle : ce sont les paysages, où Demarne pousse ses retours de troupeaux.
Molière, ai-je déjà dit, ne suit que les grandes voies, les voies en général les plus près de la nature. […] Il a pris de la nature féminine uniquement les instincts aussi rapprochés de la nature brute que cela se peut dans un état de société civilisée et avancée. […] Laissons Angélique et Dorimène toutes deux très rapprochées de la nature instinctive ; elles ne sont qu’instinct. […] La nature, très prévoyante en cela, n’a pas voulu, ce semble, que les hommes songeassent trop à la fin fatale de leur vie. […] Laissons là César, grand général par accident, et rhéteur par nature.
Il faut donc lui attribuer une certaine spontanéité propre en vertu de laquelle il combine les impressions de nature hétérogène9 qui lui viennent de ces deux milieux, les coordonne, les unifie et les systématise. […] L’intuition n’a de sens pour nous qu’à la condition de s’alimenter à la source de la vie, dans notre sensibilité personnelle, dans notre personnelle manière de sentir et de réagir, dans nos passions, nos joies et nos douleurs, dans toute notre nature sensible, spontanée et primesautière. […] La science est une enseigneuse de solidarité ; elle réduit en nous l’importance du côté subjectif de notre nature en la subordonnant aux immuables nécessités extérieures. […] La reconnaissance même de ce qu’il y a de conjectural, de précaire et d’imprévisible dans l’irrésistible économie de la nature doit, d’après lui, nous disposer aux affections bienveillantes23. […] Parmi les actes de foi qui ont tenu une grande place dans l’histoire des idées au cours du xixe siècle, il faut signaler l’acte de foi dans la bonté de la nature humaine.
Comme l’a montré Darwin, dans la nature organique il ne peut se développer, en moyenne, que des organes utiles de fait à l’individu et à l’espèce. […] Il en résulte que nos sensations actuelles ne représentent pas distinctement tous les phénomènes de la nature : nous n’avons pas de réactifs spéciaux pour tous les agents naturels. […] La nature est comme un vase immense auquel viennent puiser tous les êtres et où chacun finit par distinguer et trier ce qui doit alimenter sa propre existence, satisfaire son « vouloir-vivre » ; peu à peu, les diverses espèces arrivent à discerner ce qui leur est conforme ou contraire par des sensations souvent aussi fines que celles du dégustateur qui, dans une liqueur complexe, discerne l’arôme subtil de tel ou tel élément. […] Les sciences de la nature transcrivent tous les phénomènes en termes de mouvement ; mais les mouvements eux-mêmes ne sont encore qu’une langue dérivée, une algèbre propre à exprimer des rapports : le fond même de la vie, l’original de l’existence échappe à toutes ces translations mécaniques et ne se saisit qu’en termes de l’ordre mental. […] Il y a dans la résistance et dans le choc, outre l’élément intensif et quantitatif, qui est prédominant, une certaine sensation passive toute spécifique, de nature afférente, comme par exemple celle de la traction des muscles soutenant un poids résistant ; mais peut-on, avec cet élément, avec des sensations musculaires ou même prémusculaires, fabriquer les autres sensations ?
On a remarqué que presque tous ceux qui se sont fait un nom dans les beaux-arts, les ont cultivés malgré leurs parents, et que la nature a toujours été en eux plus forte que l’éducation. […] Il éleva et il forma un autre homme qui, par la supériorité de ses talents, et par les dons singuliers qu’il avait reçus de la nature, mérite d’être connu de la postérité. […] Le dénouement des Adelphes n’a nulle vraisemblance ; il n’est point dans la nature, qu’un vieillard qui a été soixante ans chagrin, sévère et avare, devienne tout à coup gai, complaisant et libéral. […] Les auteurs étaient outrés en tout, parce qu’ils ne connaissaient point la nature. […] Si les médecins de notre temps ne connaissent pas mieux la nature, ils connaissent mieux le monde, et savent que le grand art d’un médecin est l’art de plaire.
Et en effet, dans cette période d’entreprise encore confuse et de méditation ardente où il se trouvait, il s’était dit, pour un temps, de s’affranchir par l’esprit de tout élément et ascendant étranger, de donner un libre cours à sa faculté intérieure, à ses impulsions et à ses impressions, de se laisser faire naïvement à tous les êtres de la nature, à commencer par l’homme, et d’entrer par là dans une sorte d’harmonie et d’intimité avec tout ce qui vit. […] Après les premiers ennuis de l’installation et un premier coup d’œil peu favorable donné à la ville, il cherche à se distraire par des promenades solitaires dans la charmante vallée de la Lahn ; il emporte avec lui son Homère, L’Odyssée qu’il lisait beaucoup alors, tout occupé de revenir à la nature, et il croit voir des tableaux approchants et des idylles dans ce qu’il observe à chaque pas. […] Cela me confirme dans ma résolution de m’en tenir désormais uniquement à la nature : elle seule est d’une richesse inépuisable ; elle seule fait les grands artistes. » Ce que Werther dit là de la peinture, il l’entend également de la poésie : « Il ne s’agit que de reconnaître le beau et d’oser l’exprimer : c’est, à la vérité, demander beaucoup en peu de mots. » Et il cite en exemple une rencontre qu’il a faite, le jeune garçon de ferme amoureux de la fermière veuve, et amoureux tendre, timide, passionné : Il faudrait te répéter ses paroles mot pour mot, si je voulais te peindre la pure inclination, l’amour et la fidélité de cet homme. […] Ils m’ont donné une joyeuse soirée ; je n’avais pas bu de vin, mon œil était sans trouble pour jouir de la nature. […] Nous reconnaissons là le souffle des premières et belles parties de Werther, de celles où l’auteur se répand sympathiquement par toute la nature et voudrait s’en emparer : « Ah !
Sorti de l’Université, M. de Latour était par nature encore plus poète que professeur. […] On peut dire qu’elle avait reçu de la nature ou du ciel une vocation et comme une grâce spéciale pour la délivrance et le service des prisonniers. […] L’amitié austère et attendrie qu’elle inspira à cette stoïque nature est un des triomphes de son doux génie. […] Il y avait, entre elles deux, différence de nature et d’habitudes. […] Sainte-Beuve, dans tout ce qui précède, n’a eu d’autre idée que de dépeindre, avec des scènes qu’il trouvait toutes crayonnées, des cris inspirés et des traits d’après nature, le hideux spectacle de ce que, tout à l’heure, il nommait lui-même le cynisme des guerres civiles ; et par son appel final au triomphe de L’humanité parmi les hommes , et à un idéal avancé de civilisation, que nous ne paraissons pas près d’atteindre, hélas !
En toutes choses, il faut surtout demander à ce prince généreux de nature le premier mouvement et l’intention. […] Lutatius Catulus, que rapporte Cicéron dans le traité de la Nature des Dieux. […] C’est rendre bien pour mal, voire et aymer Son ennemy : qui est le plus amer Et dur morceau qui soit en l’Escripture, D’autant qu’il est contre nostre nature. […] On lit à la page 12 du présent Recueil : Ne nul plaisir que nature nous donne Ne nous est riens, si bientost ne retourne. […] Tout examen un peu approfondi tourne en l’honneur de la bonne et belle nature de cette princesse.
Racine a été élevé dans le jansénisme, à croire que la nature est corrompue, que tout mérite, tout bien en l’homme vient de la grâce ; il a pu rompre avec ses maîtres, il n’a pu se défaire des enseignements lentement insinués, quitter le point de vue d’où ils lui avaient appris à regarder l’agitation humaine. Il a donc peint une nature faible, impuissante à se diriger, tiraillée entre ses instincts, des passions fougueuses, des volontés chancelantes ou abattues. […] Des mœurs de convention s’établissent : l’observation directe de la nature cède la place à des formules arrêtées, dont, au nom de la dignité tragique, il ne sera plus permis de se départir. […] A mesure que la tragédie s’affadit, on cherche à la renforcer par la rareté des situations et des sentiments : on va hors de la nature et contre la nature.
Je m’attacherai avant tout à montrer l’homme et à bien dessiner cette forme d’esprit, l’une des plus hautes et des plus absolues qui soient sorties des mains de la nature. […] Il a pour objet de connaître la nature, et, puisqu’il n’a pas été appelé à mettre la main au plan de la machine du monde, qu’elle existe et se maintient indépendamment de ses méditations correctrices, il faut bien qu’il se borne à l’expérience. […] Ce sont des ambitions gigantesques et que la nature des choses a bientôt déjouées. […] à penser « que ce qu’on appelle le sens commun, loin d’être commun en effet, est une anomalie, une difformité dans la nature humaine ». […] Ses discours sur la nature et ses Époques sont d’un naturaliste qui se passe aisément de Dieu.
Madame de Staël avait raison d’affirmer que ni l’Art ni la Nature ne récidivent avec une précision mathématique. […] Rousseau sut voir le paysage et la nature et les décrire en pages éloquentes et belles. […] Chez Alphonse Daudet, un phénomène révèle sa nature d’artiste. […] La nature seule, à défaut de religion, ne proscrit-elle pas assez certaines abominations, au récit desquelles se complaisent les poètes latins ? […] Chaucer, père de sa poésie, était un réaliste, et ses Contes de Cantorbéry des tableaux d’après nature.
Bernis, par conscience même et par sentiment de son peu de force, reculait et retardait : ses mœurs étaient celles de son âge et de son temps ; son cœur et son esprit n’avaient rien d’irréligieux : la perspective d’un évêché, qu’on lui laissait entrevoir moyennant des sacrifices extérieurs, était plus faite pour l’effrayer que pour le tenter : Non, tu connais trop ma droiture : Coupable par fragilité, Mais ennemi de l’imposture, Je ne joins pas l’impiété Aux faiblesses de la nature. […] Il y a plus : Bernis, avant cette époque, et dès 1737, avait entrepris, par les conseils du cardinal de Polignac, avec qui il avait plus d’un rapport de nature, de fragilité et de génie, un poème sérieux qu’il a depuis mené à fin, et qui a été somptueusement imprimé après sa mort (Parme, 1795), La Religion vengée. […] Ainsi, parlant d’un de leurs amis communs qui, dans une circonstance critique, avait écrit à Duverney une lettre toute revêtue d’un semblant de philosophie, et de nature à faire illusion, il dira : Cet esprit philosophique, qui est répandu sur la surface du monde, fait qu’on ne peut plus distinguer, au premier abord, les fous des sages, ni les honnêtes gens des coquins. […] Cette nature, qui semblait surtout épicurienne et paresseuse, a comme trouvé son élément : « Nous sommes dans la crise de la grande décision, écrit-il à Duverney, le 13 octobre 1756 ; ma santé est bonne, malgré le travail qui augmente et va augmenter de jour en jour. » Sa seule plainte, c’est de n’avoir pas tout à faire, c’est de n’avoir pas sur lui tout le fardeau : Les derniers ordres sont arrivés (Fontainebleau, 5 novembre 1756) ; je travaille actuellement au plus grand ouvrage qui ait jamais été fait.
Les deux derniers volumes qu’on vient de publier nous font mieux connaître l’abbé Le Dieu en lui-même, dans son fonds de nature, et l’on doit rétracter les éloges qu’on avait été trop prompt à lui donner d’après les premiers dehors et les commencements. […] Ce n’est pas par dessein, mais c’est par nature. […] La nature subalterne et sordide se révèle dans certains passages, de manière à soulever le cœur. […] Mais, Boswell s’attachant à Johnson, nature puissante, colossale et elle-même grossière, l’a pu peindre à ravir et faire le livre le plus intéressant dans son genre, en s’y accordant tous ses défauts de parasite.
Aujourd’hui, grâce à ce qu’on nous donne de lettres et de billets d’elle à sa mère, à ses sœurs, à ses frères, on pourra se mieux fixer du moins sur la nature de ses sentiments, sur le tour de ses idées et de ses goûts dès son arrivée en France. […] Un billet rapide, une lettre aimable, un généreux sentiment exprimé peuvent donner idée d’une nature, mais ne sauraient établir toute une ligne de conduite ni certifier toute une vie. […] Je m’en suis tirée en Dauphine un peu novice, mais cela n’a pas mal fait… » J’aime à observer ce premier développement d’une nature pure, honnête et droite ; c’est, quoi qu’il arrive, un premier fonds inestimable. […] M. de Provence dit que mon mari a le rire homérique… » Louis XVI était un peu disproportionné, en effet, pour ces petites intimités ; il avait la nature trop forte, trop en plein air : il avait l’écorce rude et rien de poli.
Ce que je dis pour la nature des troupes, je le dis pour l’argent, pour les vivres, pour les voitures, et pour tout ce qui regarde la dépense : on ne peut pas ôter de la tète de M. le maréchal de Catinat que le roi et l’État ne seront pas en état de la fournir, de sorte que l’amas de toutes ces difficultés le prévient qu’il n’y a rien de bon dans la suite de cette guerre-ci que de l’entretenir sur le pied de l’épargne, d’où dérive la défensive. […] Les hommes en général, même les meilleurs, n’ont qu’un temps, soit par le ressort même de leur nature, soit par le concours et le rapport bien ajusté des circonstances. […] Les machines les mieux composées ont leur déclin : je ne dis point que la mienne ait été de cette nature ; mais, quelle qu’elle ait été, je suis assez homme de réflexion pour y reconnaître de la diminution et du dépérissement. […] Bayle, dans sa Réponse aux questions d’un Provincial (1703), a tout un chapitre là-dessus ; son doute n’existait qu’avant d’avoir lu les lettres ; dès qu’il les a vues, il n’hésite pas à exprimer son sentiment ; les faussaires n’ont pas de ces accents-là : « J’y trouvai, dit-il, tant de caractères d’ingénuité et la nature si parlante, qu’il me sembla qu’un imposteur n’aurait jamais pu déguiser si heureusement son artifice.
Sous sa frêle enveloppe de quatorze ans, sa nature d’artiste se révélait. […] N’ayant passé par aucune école ou conservatoire, elle n’avait rien de la manière ni des petites mines apprises, et se laissait aller simplement à sa nature fine et naïve. […] On conçoit que, sous l’impression que laissent de pareils élans, Michelet ait pu lui écrire un jour : « Le sublime est votre nature… » ; et qu’ayant sous les yeux son dernier recueil, il ait écrit à son fils (25 décembre 1859) : « Mon cœur est plein d’elle. […] J’espère que le public vous en récompensera par l’admiration plus tendre qu’il accordera, — qu’il a déjà accordée à cette nature unique de femme poète. — Tout à vous de mon plus affectueux respect, Sainte-Beuve. » 62.
Il faut une vertu scientifique bien profonde pour s’arrêter sur cette pente fatale et s’interdire la précipitation, quand la nature humaine tout entière réclame la solution définitive. Les héros de la science sont ceux qui, capables des vues les plus élevées, ont pu se défendre de toute pensée philosophique anticipée et se résigner à n’être que d’humbles monographes, quand tous les instincts de leur nature les eussent portés à voler aux hauts sommets. Pour plusieurs, pour la plupart, il faut le dire, c’est là un léger sacrifice ; ils ont peu de mérite à se priver de vues philosophiques, auxquelles ils ne sont pas portés par leur nature. […] C’est ainsi que des années entières d’études assidues se sont parfois résumées en quelques lignes ou quelques chiffres, et que le vaste ensemble des sciences de la nature s’est fait pièce à pièce et avec une admirable solidarité de la part de tous les travailleurs.
Adam avait arraché son épée de feu à l’Ange qui veillait au seuil du l’Éden ; il pouvait maintenant entrer en lutte avec la nature, sûr de la vaincre et de l’asservir. […] La nature avait sans doute détruit, en partie, à coups de cataclysmes, les monstres conçus dans le rut sauvage de sa formation ; le Saturne des âges chaotiques avait dévoré ses enfants. […] Avec une ironie bien plus haute encore, Jéhovah aurait pu poser à ce Job de la nature les questions qu’il adresse à l’infirme de l’Idumée : — « Le buffle voudra-t-il te servir ? […] Ces Titans, contemporains de la création, aînés de la nature dont ils représentaient les forces abruptes, étaient, même avant leur combat suprême, en querelle constante avec Zeus.
Molière, pour son compte, n’y réussit qu’imparfaitement dans les rôles tragiques, auxquels la nature ne l’avait pas destiné. […] Quand les grâces s’y joignent, je sais les sentir, la nature m’ayant, donné un instinct admirable pour les démêler. […] Le comte de Saxe, de sa nature, était peu fidèle, bien que sincèrement attaché à Mlle Le Couvreur. […] Elle a charmé le monde, et vous l’en punissez… Mais ici je ne veux pas trop m’étendre, de peur de paraître toucher à la déclamation, en parlant de celle dont le principal mérite, au théâtre comme dans la vie, a été d’être la vérité, la nature, le contraire de la déclamation même.
Gourville aime à s’entremettre, c’est sa vocation ; il est de ceux à qui la Nature a dit, en les créant, de courir à travers le monde et d’y faire leur chemin, en étant les bienvenus de tous et en les servant, sans s’oublier eux-mêmes. […] Saint-Simon lui-même lui a rendu cet hommage que, sans gêner sa nature et se mettant partout à son aise, il ne se méconnaît pas. […] Une nuit, un coup de canon vint donner contre l’endroit où il était appuyé, et le couvrit de terre : « On crut que j’étais tué, mais j’en fus quitte pour la peur. » Ainsi Gourville n’est pas une nature héroïque ; il a même de légères ironies sur les braves et sur les terreurs paniques dont ils ne sont pas exempts. […] Si la Fronde avait duré, en temps de désordre, il aurait continué de se permettre bien des choses illicites qui auraient gâté sa nature.
Son père ne négligeait point la portion morale, et il imprimait des préceptes mâles et sains dans cette jeune nature. […] Ce principe, qui féconde tout et met tout en mouvement dans la nature, donne aux hommes venus sous son influence particulière un cachet que rien ne peut effacer. […] Il n’est pas besoin d’être spécial pour distinguer la nature du talent de Marmont dans les parties savantes de la guerre ou de l’administration militaire. […] En prenant ce commandement des mains de Masséna, il ne se fait aucune illusion sur les difficultés de la tâche et sur la nature des moyens ; après quelques considérations sur le pays, théâtre de la guerre, il en vient au moral et au matériel des troupes : De la misère, dit-il, de l’indiscipline, du mépris de l’autorité, un mécontentement universel, et un désir immodéré de rentrer en France de la part des généraux ; une artillerie détruite en entier, et point de munitions ; une cavalerie réduite à peu de chose, et ce peu dans le plus mauvais état ; l’infanterie diminuée de près de la moitié : tel était tout à la fois le pays dans lequel je devais agir, et l’instrument dont il m’était donné de me servir.
La nature de l’esprit de Montesquieu est tellement de raisonner sur l’histoire, qu’il le fait là où il n’y a pas lieu encore et où la base est insuffisante : ainsi pour les commencements de Rome. […] Pourtant il a pour la nature romaine pure et antérieure à toute action chrétienne, pour la nature romaine stoïque, une prédilection qu’il ne dissimulera pas. […] Montesquieu accorde trop non seulement en dehors, mais en secret et dans sa propre pensée, au décorum de la nature humaine.
Il manque à cette nature saine, droite, habile, frugale et laborieuse de Franklin un idéal, une fleur d’enthousiasme, d’amour, de tendresse, de sacrifice, tout ce qui est la chimère et aussi le charme et l’honneur des poétiques natures. […] Franklin est par nature au-dessus de tous les soucis des Childe-Harold, au-dessus de toutes les susceptibilités des Chateaubriand. […] Si digne d’estime qu’il fût parmi les siens, il eût pourtant été difficile de deviner en lui, à cette date, celui dont lord Chatham un jour, pour le venger d’une injure, parlera si magnifiquement à la Chambre des lords, comme d’un homme « qui faisait honneur non seulement à la nation anglaise, mais à la nature humaine ».
Penseur de sa nature, il ne voulait se déterminer sur rien que par des motifs suffisants : Son esprit, a dit une personne qui l’a bien connu (ce même M. […] On finit par considérer cette volonté comme un ordre de la nature, et toutes les oppositions cessent. […] » Le même Voltaire écrivant à l’abbé Morellet et voulant, il est vrai, le flatter comme ami de Turgot et comme adversaire de Necker, relevait dans l’ouvrage une suite de phrases étranges : Je ne vous dirai point, d’après un beau livre nouveau, que les calculs de la nature sont plus grands que les nôtres ; que nous la calomnions légèrement ; … qu’un œil vigilant, capable de suivre la variété des circonstances, peut fonder sur une harmonie le plus grand bien de l’État ; qu’il faut suivre la vérité par un intérêt énergique, en se conformant à sa route onduleuse, parce que l’architecture sociale se refuse à l’unité des moyens, et que la simplicité d’une conception est précieuse à la paresse, etc. […] Par exemple, le sot n’acquiert jamais d’expérience ; il vivrait deux cents ans, que la nature serait pour lui toujours jeune et pleine de fraîcheur ; il ne lie pas ses idées ; il va et court à travers tout, le dernier jour comme le premier ; il est jusqu’à la fin dans l’imprévu et dans le bonheur de l’enfance.
Je ne crains pas de l’affirmer, Rivarol était de nature, de premier jet, — hélas ! […] Seulement, nous que l’expression si enlevante qu’elle soit n’enlève pas au fond des choses, nous trouvons Rivarol, malgré sa supériorité de nature, sur ce fond de choses de la plus profonde infériorité, et ce n’est pas d’une infériorité relative, mais absolue. […] Rivarol, avec tout son esprit, part, comme tous les imbéciles de son époque, du principe qui faussa tout au dix-huitième siècle : à savoir que l’homme est excellent ; et il ne se doute pas de la Chute, ce qui, théologie à part, est honteux pour un observateur qui doit se connaître en nature humaine et qui est aussi peu badaud qu’on peut l’être. […] Par l’élévation et l’aristocratie de sa nature, Rivarol répugnait au matérialisme comme il répugnait à la canaille, et pour les mêmes raisons.
Et, en effet, si participante que soit l’Allemagne au mouvement de civilisation qui emporte le monde moderne, il y a pourtant dans ce pays des faits singuliers sur la nature desquels on peut se méprendre quand on ne les regarde pas avec une froide attention. […] De ce que, justes envers le passé, quand ils n’en sont pas enthousiastes, mais l’étudiant avec trop de persévérance et d’efforts pour ne pas finir par l’aimer, — car il est de la nature de l’homme de mettre son amour où il a mis sa peine, — des écrivains se prennent d’une haute bienveillance ou d’un sentiment plus respectueux encore pour quelques grands caractères de l’Église romaine, est-ce une raison suffisante pour déclarer que les écrivains en question ne trouvent d’absolument vrai que les idées au nom desquelles ces grands caractères ont agi ? […] Et, du reste, quand il l’ignorerait, quand il croirait que la plus chère préoccupation de son pays est la fusion du catholicisme et du protestantisme, cela changerait-il la nature des choses ? […] Hurter, qui n’a pas vu la faute, n’a pas vu le remords ; mais ce remords était dans la nature des choses, car Innocent, nous l’avons montré, avait l’instinct de la justice.
Ce qui fait à nos yeux l’intérêt de ces lettres, c’est leur entière vérité, c’est-à-dire la faiblesse, la misère de la nature humaine et de toutes choses, prises en quelque sorte sur le fait dans une de ces âmes qu’on appelle grandes, comme parle Bossuet. » — A merveille ; mais pourquoi avoir tant triomphé de ces mêmes misères dans Pascal, au nom d’un cartésianisme impuissant et tout satisfait de lui-même ? […] Je commence à croire qu’on a tort ; il est de ces natures qui n’auraient jamais poussé très-loin en élévation et en art sérieux ; en se dissipant comme follement sur la plus large surface, il a l’air de perdre des facultés qu’il ne fait après tout qu’employer et produire dans tous les sens, et il y gagne encore de faire croire à un mieux possible qu’il ne lui eût été donné dans aucun cas de réaliser20.
C'est une singulière organisation que celle de ce brillant et facile talent, et après l’avoir entendu nous-même, en ses beaux jours, et à écouter ceux qui l’ont pu mieux connaître, nous oserions dire : Villemain n’aime et ne sent directement ni la religion, ni la philosophie, ni la poésie, ni les arts, ni la nature. […] Il n’est pas moins vrai que Villemain, au milieu de toutes les grâces brillantes et mondaines dont il a su recouvrir sa nature première, reste foncièrement un esprit universitaire, une fleur et une lumière de rhétorique et d’académie.
Borné dans sa nature, infini dans ses vœux, L’homme est un dieu tombé qui se souvient des cieux. […] « Car enfin qu’est-ce que l’homme dans la nature ?
Ce primitif avait reçu de la nature le don de l’expression, qu’il perfectionna, auprès de son vieux maître, par une discipline de dix années. […] Le désir est, de sa nature, inassouvissable.
Cet effort, de l’aveu même de Pascal, qui n’est pas suspect, est dans la nature et selon la nature.
Soyons donc vrais, au nom de Dieu, vrais comme Thalès quand, de sa propre initiative et par besoin intime, il se mit à spéculer sur la nature ; vrais comme Socrate, vrais comme Jésus, vrais comme saint Paul, vrais comme tous ces grands hommes que l’idéal a possédés et entraînés après lui ! […] Il y a, je le sais, dans la curiosité des degrés divers ; il y a loin de cet instinct mesquin de collection, qui diffère à peine de l’attachement de l’enfant pour ses jouets, à cette forme plus élevée, où elle devient amour de savoir, c’est-à-dire instinct légitime de la nature humaine et peut constituer une très noble existence.
Il aime à peindre la nature et la solitude. […] C’est du prêtre de Carthage que Bossuet a emprunté ce passage si terrible et si admiré : « Notre chair change bientôt de nature, notre corps prend un autre nom ; même celui de cadavre, dit Tertullien, parce qu’il nous montre encore quelque forme humaine, ne lui demeure pas longtemps ; il devient un je ne sais quoi qui n’a plus de nom dans aucune langue 187 : tant il est vrai que tout meurt en lui, jusqu’à ces termes funèbres par lesquels on exprime ses malheureux restes !
Mais les retours que les interlocuteurs font sur leurs sentimens et sur ceux des autres, les reflexions du poëte, les recits, les descriptions, en un mot tout ce qui n’est pas sentiment, veut autant que la nature du poëme et la vrai-semblance le permettent, nous être répresenté sous des images qui forment des tableaux dans notre imagination. […] Quintilien explique si bien la nature et l’usage des images et des figures dans les derniers chapitres de son huitiéme livre, et dans les premiers chapitres du livre suivant, qu’il ne laisse rien à faire que d’admirer sa penetration et son grand sens.
De nature, il ne l’est point. […] Pour qu’il tombe de plus haut et qu’il se brise mieux, il l’élève ; puis, quand il l’a mis au plus haut de ses facultés exagérées, il le précipite dans cette conclusion (page 129) : « Il est le modèle achevé, pour ainsi dire idéal, de ces riches et pauvres natures, communes à toutes les époques, mais qu’il était donné à notre xixe siècle de mettre en pleine lumière… qui sont à la fois sincères et fausses, aptes et inaptes à tout, font le bien avec ardeur, le mal avec passion, aiment l’idée pour l’idée, l’art pour l’art, et, sublimes égoïstes, se prêtent toujours pour ne se donner jamais.
Que si je développe des considérations qui ne sont point celles qu’admet la grande majorité du Sénat, je prie qu’on veuille bien se dire que, de sa part, en écouter l’exposé et le développement, ce n’est point pour cela y adhérer, ce n’est point du tout s’engager ni s’en rendre à aucun degré responsable : c’est simplement faire preuve de tolérance, d’attention intellectuelle, de patience peut-être, mais d’une patience qui n’est certes pas de nature à faire tort à une grande assemblée. […] N’est-il pas certain qu’on peut avoir telle ou telle opinion, plus ou moins hypothétique ou fondée, sur l’origine et la nature des choses (de natura rerum) sur la formation première du monde, sur la naissance ou l’éternité de l’univers, sur l’organisation même du corps humain, sa structure, les lois elles conditions des diverses fonctions (y compris celles du cerveau), sans être pour cela ni moins honnête homme, ni moins bon citoyen, ni moins irréprochable dans la pratique des devoirs civils et sociaux ? […] Quelle plus aimable, plus affectueuse et plus bienveillante nature que Cabanis, celui qu’Andrieux, dans un vers, a pu tout naturellement comparer à Fénelon ! […] Il nous est donné d’assister à une contradiction étrange et qui, je le pressens avec douleur (et rien qu’à voir les éléments inflammables qui s’amassent), est de nature à faire craindre quelque choc, une collision dans l’avenir. […] Parti funeste, parti envahissant, dévorant, insatiable, ingrat de sa nature parce qu’il croit que tout lui est dû !
Un philosophe anglais a remarqué avec une admirable justesse que « si la nature douait un être d’une faculté de sentir et de penser trop supérieure à la faculté de sentir et de penser du commun des hommes, cet être en apparence privilégié ne pourrait pas vivre dans le milieu humain, ou vivrait le plus infortuné de tous les êtres. […] Telle est la loi des êtres qui sont jetés dans le monde avec une prodigalité de nature trop disproportionnée au moule humain ; ils sont malheureux, mais sont-ils malheureux parce qu’ils sont trop complets ? […] Rousseau ; et le monde inintelligent aurait accusé leur mauvaise fortune : c’est leur imparfaite nature qu’il fallait accuser. […] Cependant je suis de plus en plus décidé à ne pas quitter le service du duc, car, outre que mes obligations envers lui sont telles que, quand je lui sacrifierais ma vie, ce ne serait pas encore assez pour payer ma dette, je crains bien de ne pas trouver à une autre cour plus de repos que dans ses États ; les maux que je subis sont de telle nature qu’ils m’atteindront partout ailleurs autant qu’à Ferrare. » Ces lettres sont d’autant moins suspectes d’adulation pour le duc de Ferrare, qu’elles sont écrites hors des États de ce prince, et adressées à un de ses ennemis, Scipion Gonzague, parent et ami des Médicis. […] Ajoutez-y la fertilité de ce vaste plateau, la sérénité de l’air, le calme habituel des flots endormis dans la baie, les oiseaux, les poissons, les fruits exquis qui semblent rivaliser de saveur, d’abondance et de variété pour la table de l’homme ; et, certainement, quand on considère la réunion de tant de beautés et de tant d’avantages dans un tel site, l’œil et l’esprit sont forcés de convenir que Sorrente est un vaste et miraculeux jardin, tracé par la nature avec une admirable prodigalité de soins, et perfectionné par l’art avec une diligente assiduité de travail.
Mon petit Pierre Gavarni expliquait, ce soir, assez ingénieusement, le talent de Fromentin : un manque d’études suivies, une inexpérience curieuse du métier de la grande peinture, mais le jet sur la toile d’un milieu et d’une heure, que le peintre peuple après d’Arabes et de chevaux mal dessinés et incomplètement peints, mais qui sont au fond charmants, presque vrais, et qui vivent par l’exquise et poétique trouvaille de la nature ambiante. […] Les livres, les livres de valeur, ne se font que du contrecoup de toutes les émotions produites par les beautés belles ou laides de la terre, chez une nature exaltée. […] » À la fin ça l’exalte… » Mardi 31 octobre L’attention et l’observation japonaises sont amusées par des événements de la nature plus petits que ceux qui nous intéressent, nous autres Européens. […] Hébrard me parlant de Charles Blanc, à propos de l’article indécent commis contre Fromentin, article soufflé par Saint-Victor, me disait de l’académicien : « Il est de la nature de ces femmes qui peuvent voyager, en chemin de fer, avec un inconnu, quarante heures sans faiblir, mais à la condition de ne pas rencontrer un tunnel… L’homme qui chambrera Charles Blanc deux jours, aura toujours raison de lui. […] L’aîné, la force ; le jeune, la grâce, avec quelque chose d’une nature peuple poétique, qui trouverait son exutoire dans le fantastique, que le clown anglais apporte au tour de force.
Le terrain est libre, nous pouvons revenir à l’homme et à la nature. […] Au fond, ce changement de toilette importe peu, le carnaval de la nature continue. […] Dans la littérature du temps, la nature comptait peu. […] Il est entendu que la nature toute nue est impossible a la scène. […] L’art consistait à être le plus loin possible de la nature.
C’est une conception erronée de la nature humaine, qui n’atteste pas pour elle assez d’estime. […] Flaubert, la nature de l’homme, qu’elle offre à la sensation extérieure et à son empire brutal aussi peu de résistance, que sera la nature de la femme ? […] Non, si vous consultez la nature complexe de l’homme ; oui, si vous consultez M. […] Mais tout cela ensemble sert à la confirmation de ses vues sur la nature humaine. […] Le mépris de la nature humaine, dont nous avons suivi le progrès de M.
Il est de leur nature même de ne pas aimer le pouvoir despotique. […] C’est pour avoir bien connu la nature de ces pouvoirs et leurs effets, que Montesquieu ne fait aucune différence, en vérité, entre la Démocratie et le Despotisme. […] Ils proscriront l’argent, dont l’effet est de grossir la fortune des hommes au-delà des bornes que la nature y avait mises, d’apprendre à conserver inutilement ce qu’on avait amassé, de même de multiplier à l’infini les désirs et de suppléer à la nature, qui nous avait donné des moyens très bornés, d’irriter nos passions et de nous corrompre les uns les autres. […] Cela est aussi ridicule que si l’on voyait des Européens travailler, en faveur de la nature humaine, à blanchir le visage des Africains. […] Barrière toujours bonne lorsqu’il n’y en a point d’autres : car, comme le despotisme cause à la nature humaine des maux effroyables, le mal même qui le limite est un bien.
Il a un suprême dédain, une nature aristocratique s’il en fut, pour ce que M. […] Et nous disons : Non, dans la nature, les choses ne sont pas ainsi. […] L’art n’est pour rien en tout cela ; non, il y a là un don de nature. […] D’où vient que sa nature aimante éprouve comme une instinctive aversion ? […] La polygamie est donc conforme à la nature.
Cela m’irrite et me peine, me prive du bonheur calme que nous donnent à l’ordinaire l’art et la nature. […] Toute la nature semble assoupie. […] Vous êtes une nature d’artiste, mais vous ignorez la réalité, vous êtes trop dans le rêve. […] Mais le deuil de la Nature revêt aussi dans ce pays une forme de beauté surprenante. […] Bellot est une excellente nature, qui se laisse obliger sans bassesse ni morgue.
Après les éléments, après les astres et les mondes, vient l’homme, un autre atome devant Dieu, mais un atome sentant ; après le soupir de la nature, le soupir du cœur humain : Et moi, ne sais-tu pas ce que mon cœur désire ? […] Nature et Dieu, lequel est le vrai ? […] Ce qui veut dire que le studieux et le rêveur lui-même, celui qui autrefois eût été le clerc ou le moine dans sa cellule, et qui hier encore était l’homme de livres et de cabinet, va en chemin de fer et en profite désormais pour visiter le monde, pour prendre sa part de toutes les curiosités, de toutes les beautés d’art ou de nature.
Beugnot que d’être un excellent administrateur et un haut fonctionnaire capable ; c’était, d’ailleurs, un tout autre caractère et d’une nature différente : esprit droit, sensé, mais sans trait et sans brillant, ayant eu les passions généreuses et les enthousiasmes de la jeunesse, cœur dévoué et qui s’était dès l’abord donné à Mirabeau ; qui conserva toujours quelques illusions sur cette grande mémoire trop mélangée ; homme public apte et laborieux, tout à la chose, assez peu observateur des personnes, de plus en plus tourné à la bienveillance en vieillissant, et que le soudain malheur qui brisa sa carrière jeta dans un complet abattement suivi de résignation, sans qu’il y entrât jamais un grain d’ironie ni une goutte d’amertume. […] Passy, dans l’étude consciencieuse qu’il a faite, s’attache à montrer ce que fut, au sortir de là, le préfet de la Seine sous le Consulat et l’Empire ; quelles ressources et quels obstacles il rencontrait pour l’accomplissement de sa tâche dans les lois nouvelles, dans la nature du gouvernement et dans le caractère du maître : « C’est le seul moyen, dit-il, de rendre une équitable justice à l’homme qui, avec du labeur, du bon sens, de l’honnêteté, sut faire des qualités supérieures. » Il y eut plus d’un moment distinct et plus d’une étape durant ces douze années d’administration : le Conseil général, composé de vingt-quatre membres nommés par Napoléon, n’eut pas tout à fait le rôle qu’on semblait lui destiner d’abord. […] Ainsi qu’il arrive souvent aux hommes frappés d’un grand et fatal accident qui a brisé à jamais en eux une illusion et toute une existence, il se rejetait et se plongeait dans les impressions de la nature, dans les travaux et même les fatigues des champs.
Que la balance ait toujours été tenue dans l’exacte mesure, qu’il n’y ait eu aucun soubresaut, aucune irrégularité, nous ne nous en vanterons certes pas, et, si nous l’osions faire, ceux-là seuls nous croiraient qui ne sauraient pas les difficultés inhérentes à tout recueil de cette nature, à toute publication collective paraissant à jour fixe, et dans laquelle un directeur véritable est toujours placé entre le reproche qu’on lui fait de trop imposer, et l’inconvénient, non moins grave, de trop permettre. […] L’âme, l’inspiration de toute saine critique, réside dans le sentiment et l’amour de la vérité : entendre dire une chose fausse, entendre louer ou seulement lire un livre sophistique, une œuvre quelconque d’un art factice, cela fait mal et blesse l’esprit sain, comme une fausse note pour une oreille délicate ; cela va même jusqu’à irriter certaines natures chez qui la sensibilité pénètre à point dans la raison et vient comme aiguiser celle-ci en s’y tempérant. […] Tous les critiques distingués en leur temps, je parle des critiques praticiens qui, comme des médecins vraiment hippocratiques, ont combattu les maladies du jour et les contagions régnantes, La Harpe, le docteur Johnson, ont été doués de ce sens juste et vif que la nature sans doute accorde, mais qu’on développe aussi, et que plus d’un esprit bien fait peut, jusqu’à un certain point, perfectionner en soi.
« Le sublime, dit Michelet, n’est point hors nature ; c’est, au contraire, le point où la nature est le plus elle-même, en sa hauteur, profondeur naturelles. » Vous avez lu Andromaque, et vous avez une mère qui vous aime ; vous savez ce que vous êtes pour elle ; vous le sentez, et que par votre amour de fils vous ne lui rendez pas encore tout ce qu’elle vous donne. […] Que Malebranche et Pascal vous éclairent sur Montaigne ; que Bossuet vous fasse comprendre Corneille et Racine, et la nature du poème dramatique ; anathème à part, il y a peu de critiques qui aient mieux entendu le théâtre que Bossuet.
— La Nature chez elle (1870). — Tableaux de siège (1871). — Théâtre : Mystères, comédies et ballets (1872). — Portraits contemporains (1874). — Histoire du romantisme (1874). — Portraits et souvenirs littéraires (1875). — Poésies complètes, en 2 vol. (1876). — L’Orient, 2 vol. (1877). — Fusains et eaux-fortes (1880) […] Phidias lui-même (qui savait bien les secrets de son art) ne serait pas arrivé à tailler une tête d’académicien à perruque verte, car il y a parfois un obstacle impérieux dans la nature des choses, et pour faire un marchand de parapluies ou un employé du Mont-de-Piété, vous n’auriez pas l’idée de prendre l’immortel Indra sur son char traîné par les coursiers d’azur, ni le Zeus-Clarios de Tégée, à la fois dieu de l’éther et de la lumière. […] les dieux (si les dieux y peuvent quelque chose) Devraient ravir ce corps dans une apothéose, D’incorruptible éther l’embaumer pour toujours ; Et l’âme, l’envoyer dans la Nature entière Savourer librement, éparse en la matière, L’ivresse des couleurs et la paix des contours !
C’est la nature même de leur esprit qui les fait logiciens ou intuitifs, et ils ne peuvent la dépouiller quand ils abordent un sujet nouveau. […] Et pourtant la nature est toujours la même, il est peu probable qu’elle ait commencé dans ce siècle à créer des esprits amis de la logique. […] Dans un des chapitres de Science et Hypothèse, j’ai eu l’occasion d’étudier la nature du raisonnement mathématique et j’ai montré comment ce raisonnement, sans cesser d’être absolument rigoureux, pouvait nous élever du particulier au général par un procédé que j’ai appelé l’induction mathématique.
La nature humaine se réveilla un moment. […] Regretta-t-il sa trop haute nature, et, victime de sa grandeur, pleura-t-il de n’être pas resté un simple artisan de Nazareth ? […] Il est sûr, au moins, que sa nature divine reprit bientôt le dessus.
Cette riche et forte nature en effet, cette nature saine et florissante, où la gaieté est plutôt dans le tour et le sérieux au fond, n’avait jamais eu de passion proprement dite. […] Quelques mots de Tallemant caractérisent bien cette charmante et puissante nature de femme, telle qu’elle se déclarait toute jeune dans l’abondance de la vie ; après avoir dit qu’il la trouve une des plus aimables et des plus honnêtes femmes de Paris, « elle chante, ajoute-t-il, elle danse, et a l’esprit fort vif et agréable ; elle est brusque et ne peut se tenir de dire ce qu’elle croit joli, quoique assez souvent ce soient des choses un peu gaillardes… » Voilà le mot qu’il ne faut pas perdre de vue avec elle, tout en le recouvrant ensuite de toute la politesse et de toutes les délicatesses qu’on voudra.
Malgré le pédantisme des fausses sciences et les restes de barbarie, la disposition et le tour particulier à l’esprit français ne laissaient pas de se faire jour, et les natures originales prenaient le dessus. […] Quelques femmes distinguées, avec ce tact qu’elles tiennent de la nature, n’avaient pas non plus attendu La Bruyère pour montrer leur vive et inimitable justesse dans les genres familiers. […] la nature en avait fait une poupée dès son enfance ; et poupée jusqu’à la mort resta la blanche Wetenhall.
Il en résulte un bien triste jour ouvert sur la nature morale de l’homme, toute une étude à fond, une fois faite, inexorable, involontaire. […] Dans ces grandes épreuves qui demandent à l’homme plus qu’il ne peut donner, la nature humaine, épuisée à la longue et usée qu’elle est, laisse voir, pour ainsi dire, sa trame à nu. […] Combien ils sont peu nombreux ceux en qui un sentiment élevé d’honneur, de sympathie, de dévouement, une religion quelconque est inséparable jusqu’au bout du besoin de vivre inhérent à toute nature, et que cette religion n’abandonne qu’avec le dernier soupir !
En effet, tout ce que nous savons des mœurs, des habitudes, des instincts propres aux poissons, nous oblige à regarder ces animaux comme généralement inférieurs aux insectes, et à les placer fort au-dessous des fourmis et des abeilles, tandis que leur système nerveux, comme celui de tous les vertébrés, offre de nombreux caractères qui le rapprochent du système nerveux de l’homme. » De cette considération, Leuret conclut, à l’inverse de Gratiolet, « qu’il ne faut pas attribuer à la forme de la substance encéphalique une très grande importance11. » Sans sortir de l’ordre des mammifères, il est très difficile d’attribuer une valeur absolue à la forme cérébrale, car s’il est vrai que le singe a un type de cerveau tout à fait semblable à celui de l’homme, en revanche, nous dit Lyell, « l’intelligence extraordinaire du chien et de l’éléphant, quoique le type de leur cerveau s’éloigne tant de celui de l’homme, cette intelligence est là pour nous convaincre que nous sommes bien loin de comprendre la nature réelle des relations qui existent entre l’intelligence et la structure du cerveau » 12. […] Les éléphants et les singes ont par leur nature des facultés qui les élèvent au dessus de la plupart des mammifères. […] Aussi n’est-il pas éloigné d’affirmer que les petites espèces ont, en général, plus d’intelligence que les grandes, comme si la nature, en les privant de la force physique, avait voulu leur accorder une sorte de compensation dans l’adresse et dans la ruse.
On l’y voit plus ressemblant, plus vrai, plus nature que dans les livres où il est et où on le cherche. […] Richelieu disait, du haut de cette grandeur que ses vices et ses ridicules n’ont pu diminuer : « Je suis timide par nature. […] … Tout a son compte ici, et la femme, et la nature humaine, et comme il est réglé vite, non pas sans tristesse, mais sans se fâcher !
Dargaud est au fond un chrétien de nature, d’un christianisme… incorrigible, Dieu merci ! […] En effet, ce n’est presque jamais la vérité du fait ou du jugement politique, — l’Hôpital excepté, — qui manque à cette très noble histoire, c’est la vérité dans la conception de la nature humaine que l’auteur ne saisit pas telle qu’elle est. […] Dargaud, qui ne croit ni à la Chute ni à la Grâce, mais à la Nature, a l’optimisme de ceux qui pensent que, dans un temps donné, rien n’est impossible à la puissance de la raison.
Se connaître L’égotisme national et la connaissance de l’étranger La France est, par nature, une personne contente d’elle-même. […] La première est pratiquée par une foule de paisibles citoyens, à célébration lente et restreinte, ancrés dans un optimisme national atavique qui ne leur permet pas de douter un seul instant de la supériorité de la mère-patrie sur toute nation passée, présente ou future, supériorité pour eux indubitable, inébranlable, indiscutable, historique et légendaire, écrasante, immuable, inscrutable autant qu’un dogme ou qu’une loi de nature existant de toute éternité. […] Il a pu vous approuver, lorsque vous citiez des faits irrécusables, mais vous ne parviendrez pas à lui arracher ce sentiment que la France est, par sa nature même, la nation supérieure, immortelle, et qu’en dépit des prophètes de malheur, sa victoire finale est inscrite là-haut, dans le livre des décrets célestes.
L’intelligence humaine, étant infinie de sa nature, exagère les choses qu’elle ignore, bien au-delà de la réalité. […] D’abord Tanaïs part avec une armée innombrable pour conquérir l’Égypte, ce pays si bien défendu par la nature contre une invasion étrangère. […] … Ce sont peut-être de semblables observations qui ont fait conjecturer à Cicéron, dans son livre sur la Nature des Dieux, qu’Orphée n’a jamais existé.
Littré, qui s’est montrée égale à l’interprétation du plus grand médecin de l’Antiquité et à l’intelligence de cette royale nature d’Hippocrate, se rabat volontiers à n’être qu’un des derniers de son Ordre, un officier de santé, pendant ses mois d’été à la campagne. […] C’eût été, en effet, la mer à boire, tout un monde à remuer et à reconstruire, que de s’engager dans l’examen critique de cette vaste compilation d’un ancien si curieux de la nature et de toutes choses, et il eût fallu y mettre quelque vingt-cinq ans. […] Je me trouve ici en présence d’un embarras réel qui tient, s’il m’est permis de le dire, à la nature même de mon esprit : je n’ai pas à donner un avis ferme et de fond. […] J’abrège ; mais on voit de quelle nature est cet ordre d’objections que je ne prétends pas dissimuler. […] Il a, par nature autant que par principes, le goût de tout refuser et de n’être rien.
« C’était bien à vous, poète par nature, et civilisateur par votre nouvel écrit, qu’il appartenait de déposer encore une couronne sur la tombe d’un poète, civilisateur des temps antiques, tombe perdue comme son berceau dans l’obscurité des âges. […] Il était très beau, seulement, comme lord Byron son modèle, il n’avait que le buste d’admirable, il était disgracié de la nature par les jambes ; son pied droit, estropié par un accident de naissance, était retourné en arrière, il boitait désagréablement. […] « Disons hardiment que c’était là une belle et douce nature, un esprit bienveillant, un vrai courage, habile à supporter la mauvaise fortune, un laborieux, rude à la peine et fécond à ses risques et périls. […] On lui représenta qu’il était à craindre qu’arrivé à l’âge où tout se calme, ces bains amers ne lui donnassent des secousses qu’il convient d’éviter, quand la nature elle-même se traite par la résignation et par le temps. Il était, comme tout le monde, impatient d’accélérer la nature, ce grand médecin que nous portons en nous.
Et puisque de bienheureuses circonstances le tenaient forcément éloigné de tout grand théâtre, ses vues sur la nature du drame et sa propre individualité créatrice purent mûrir lentement à travers les années, sans le trouble de banales et hâtives réalisations. […] Nus joies trompent notre désir ; elles sont négatives de nature et marquent seulement pour nous la fin d’un malheur (Die Welt als Wille, IV, 67) ». […] (III, 40) » Et autre part : « Unis, nous formerons le lien de la sainte Nécessité, et le baiser fraternel qui scellera ce lien sera l’Œuvre d’Art commune de l’Avenir : en elle nous serons un : « Divulgateurs et montreurs de la Nécessité, sachants de l’Inconscient, voulants de l’Involontaire, témoins de la Nature, — hommes heureux ! […] n’est autre chose que la nature même de l’homme qui s’oppose à son salut. […] Il se repose, avant de continuer sa-route, et la nature, « qui attend sa délivrance de l’homme » resplendit autour de lui — c’est le miracle du vendredi-saint, — « Toute créature, dit Gurnemar, se réjouit aujourd’hui : elle regarde vers l’homme délivré (nun freut sich aile Kreatur…) La femme pécheresse aux pieds de Parsifal a retrouvé enfin les larmes (ich sah sie welken, die mir lachten) : « je les vis pleurer elles qui autrefois riaient : aujourd’hui aspirent-elles enfin à la délivrance ?
Non seulement pour les choses, les aspects de la nature, mais pour les gens. […] Ils sont plus grands que nature, on les voit de loin. […] Il y a chez Flaubert un besoin irrésistible de faire « des bonshommes énormes » plus grands que nature, même dans leur sottise. […] Toute la nature, d’un bout du monde à l’autre, est devant lui. […] Ils y dépensèrent un grand talent : un si formidable cataclysme était de nature à en donner à ceux mêmes qui n’en avaient pas.
Il en ressort que chez lui, l’idée poétique ne fut pas, même dans les débuts, séparée de la théorie scientifique comme vraie base de l’émotion devant la nature et la vie. […] René Ghil a probablement ses défauts, mais ils sont de la nature de ses qualités : ils portent la marque de l’originalité et de la grandeur. […] Nous aurons à voir que, seul parmi le « Symbolisme » (Verhaeren mis à part), il possède le sens de la Vie et l’émotivité directe de la nature. […] Mais, disions-nous, l’étrange, la violence, l’orage de l’âme et le blasphème, sont incompatibles avec la nature de Mallarmé : or, l’emprise est alors telle, qu’il nourrit son inspiration à travers Baudelaire contre sa propre nature ! […] « Entre le héros et la nature assistant à ses pensées le Ballet allait et venait selon le double échange.
Je quitte donc la prose et la simple nature, Pour composer des vers où règne la figure. […] Quel auteur n’est tout d’abord touché par la mode et enlevé quelque temps à sa propre nature ? […] La connaissance qu’il eut de la nature de son esprit m’explique l’infaillibilité de ses jugements sur ses contemporains. […] Il les jugeait contraires à la nature. […] Alors Boileau de triompher, et de prouver victorieusement à La Fontaine que les aparté sont dans la nature, puisqu’il vient d’être injurié à haute voix et presque à la face, sans qu’il ait rien entendu.
« L’Empereur, parlant de Catinat, disait l’avoir trouvé fort au-dessous de sa réputation, à l’inspection des lieux où il avait opéré en Italie et à la lecture de sa Correspondance avec Louvois. » Napoléon ne le trouvait nullement comparable à Vendôme ; il eût dit de Catinat, servant sous ses ordres, ce qu’il disait de Saint-Cyr : « Saint-Cyr, général très-prudent. » Toute la manière de voir et d’agir de Catinat a été exposée au long par lui-même dans ses lettres confidentielles à son frère Croisilles ; il le fait dans une langue naïve et forte, un peu enveloppée, médiocrement polie, grosse de raisons, et qui sent son fonds d’esprit solide ; il faut en passer par là, si on veut le comprendre, et bien posséder son Catinat, nature originale et compliquée, un peu difficile à déchiffrer, et qui ne se laisse pas lire couramment : « Si je t’entretenais au coin du feu de notre campagne, disait-il à ce frère qui était un autre lui-même (31 octobre 1691), j’aurais bien du plaisir à te faire toucher au doigt et à l’œil ma conduite et les prévoyances que j’ai eues sur ce qui pouvait arriver, et comme il a fallu charrier droit pour faire aller la campagne aussi loin qu’elle a été, sans exposer tout le gros des affaires. […] Comme j’ai tenu le roi au courant de cette campagne et que j’ai pu en donner des idées à M. de Chamlav et de la nature de cette guerre, Sa Majesté me paraît très-contente de la conduite que j’ai tenue. […] Catinat avait là-dessus une certaine inquiétude : « Je l’ai faite si agité et avec tant de précipitation, écrivait-il à son frère, que je ne sais si tu la trouveras bien ; je te prie que le tout ne soit que pour toi. » Et en apprenant l’approbation qu’elle avait reçue : « Je l’écrivis dans l’enthousiasme ; quand elle fut partie, je la relus et je n’en avais pas trop bonne opinion, je te l’ai même mandé : c’est qu’il y a des occasions où il faut laisser parler la nature. […] Je n’ai pu éviter ce coup ; les raisons seraient longues à t’en déduire ; tu peux compter que ma conduite n’est exposée qu’aux mauvais discours des gens qui ne connaissent point la nature de cette guerre ; c’est une ample matière à en tenir.
Est-ce que je ne la connaissais pas toute pour la plaindre et pour l’aimer, en y comprenant même les choses que, par ma nature, je détestais en elle ? […] C’était une nature particulière ; une sensibilité poétique, une volonté poétique, plus forte que sa puissance d’exécution et que son talent. […] Un jour le bruit se répandit, on ne sait comment, que Brizeux, qui s’était oublié en Italie entrait au cloître et se faisait moine : « (Le 22 février 1851)… Le parti pris, dit-on, par notre Brizeux n’est pas dans la nature fiévreuse de M. […] » Et qui a connu Mme Valmore en ces longues années d’épreuves, qui l’a visitée dans ces humbles et étroits logements où elle avait tant de peine à rassembler ses débris, qui l’y a vue polie, aisée, accueillante, hospitalière même, donnant à tout un air de propreté et d’art, cachant ses pleurs sous une grâce naturelle et y mêlant des éclairs de gaieté, brave et vaillante nature entre les plus délicates et les plus sensitives, qui l’a vue ainsi et qui lira ce qui précède se prendra encore plus à l’admirer et à l’aimer.
Mais, là comme ailleurs, il faut savoir lire : or, Jomini excellait à lire sur une carte, et, par une sorte de don de nature, il avait aussi le secret de la manière de lire de Napoléon. […] On avait vu pour ce seul fait des généraux traduits devant un conseil d’enquête. » Le colonel de vingt-huit ans et l’aide de camp de vingt-trois firent route ensemble, et voyant à quelle nature d’homme comme il faut il avait affaire, Jomini ne lui fit pas mystère de sa mission. […] les natures spécialement douées sont ainsi, et, mises en face de leur gibier, rien ne les détourne : Archimède est à son problème, Joseph Vernet est à sa tempête, Philidor est à sa partie. […] Sa nature qui se déclare pleinement ici, c’était d’être un juge et un conseiller de guerre indépendamment des camps.
La nature humaine, prise du boulevard Bonne-Nouvelle, n’est peut-être pas très-large, très-profonde, très-généreuse en pathétique ou en ridicule ; mais elle est très-fine, très-variée et très-jolie. Je la maintiens même fort ressemblante à titre de nature parisienne, dût M. […] La nature humaine, après cela, s’arrange comme elle peut de ces symétries de cadres, de ces entre-deux de portes, de ces revers miroitants. […] Scribe, a pu paraître chez lui, dans les années premières, un métier eu même temps qu’un talent ; mais depuis, à voir le nombre croissant et le bonheur soutenu, il faut reconnaître que c’est désormais son plaisir et sa fantaisie, que c’est devenu sa nécessité et sa nature.
Une littérature religieuse ainsi se forma, en partie traduite, en partie originale, correspondant à la littérature profane, moins riche, mais aussi variée, et couvrant en quelque sorte la même étendue, de l’épopée au fabliau, et du roman à la chronique : récits bibliques ou évangéliques, vies de saints et de saintes, miracles de la Vierge, légendes et traditions de toute sorte et de toute forme, toute une littérature enfin qui, se développant comme la poésie laïque, eut ainsi son âge romanesque, où s’épanouissent à profusion les plus fantastiques miracles, où le merveilleux continu se joue des lois de la nature et parfois des lois de la morale. […] Mais Joinville est homme ; la nature est forte en lui, et se fait jour sans contrainte. […] Mais de plus, il y a en ces deux hommes, dans la libre intimité de leur commerce, dans la naturelle effusion de leurs natures, à travers leurs dialogués, il y a comme un rayon de cette grâce aimable et puissante, qui illumina parfois le christianisme au moyen âge, avant les schismes et les révoltes ; ce roi et ce baron sont de la communion de saint François d’Assise. […] Joinville est une riche nature, dont les actes et relations de la vie chrétienne et féodale n’épuisent point l’abondance.
Il n’a pas eu le grand goût, le sens profond de l’art, de la poésie : il a eu des timidités d’écolier, des répugnances de petite-maîtresse, devant la vraie nature et devant les maîtres qui l’ont rendue. […] Cette nature complexe, riche de bien et de mal, mêlée de tant de contraires, dispersée en tous sens, a tendu avec une énergie inépuisable vers tous les objets que ses passions ou sa raison lui ont proposés. […] Son style est exactement à la mesure de son intelligence, un style analytique, précis, limpide, qui résout ou fond toutes les difficultés, tout en lumière avec très peu de chaleur, merveilleusement adapté à l’expression des idées, c’est-à-dire de la nature dépouillée de ses formes concrètes et rendue intelligible par l’abstraction. […] Les Singularités de la nature (1768).
La Muse, qui s’était endormie, le cothurne au talon et la perruque au front, le corps serré des bandelettes d’un classicisme étroit, se réveilla, au beau soleil de 1830, en pleine nature, les pieds nus, la chair rafraîchie, le teint vif, turbulente, rêveuse et passionnée. […] Elle nia que, hors l’observation directe de la nature et des mœurs, il y eût rien de valable. […] Francis Vielé-Griffin ; c’est ce que j’ai essayé de dire moi-même maintes fois ; c’est ce que dit toute cette poésie qui a chanté lyriquement et symboliquement les transpositions infinies du moi, dans les formes de la nature et de la vie, les images de la légende et les figures des mythes, de M. […] Ce n’est pas seulement dans la nature que les poètes ont cherché les symboles de leurs idées.
» Avant lui, les masques étaient inanimés ou informes ; il les fit modeler et peindre, d’après les types consacrés, plus grands et plus accentués que nature, avec ces bouches béantes, ces yeux caverneux, ces traits saillants, ces chevelures étagées et calamistrées qui frappaient chaque personnage à l’effigie d’une tête surhumaine. […] Sa terrible idéalité est la nature même de ses personnages. […] Il dépasse les proportions de la nature hellénique. […] On rêve autour de ses tragédies les êtres et les formes de la nature gigantesque.
À toutes les raisons qu’on a de croire que ce récit très amusant et ce portrait du premier Cosnac est de l’abbé de Choisy, j’en ajouterai une qui me paraît décisive, c’est la manière délicate et toute féminine dont il est parlé de cette nature et de ces inclinations toutes féminines aussi de Monsieur, duc d’Orléans. […] La nature ayant formé cette âme et ce personnage héroïque du Grand Condé, il semble qu’il ne lui était pas resté assez d’étoffe pour faire un grand homme ni même un bel homme : il en était résulté ce prince chétif, rachitique, spirituel, muable de volonté, capricieux avec violence, qui n’avait que des éclairs en tout, en amour, en valeur, en religion, et qui fut toujours dominé par ses entours. […] Remarquez qu’en homme habile et qui n’oublie rien, Cosnac, qui savait déjà ce que c’est qu’un journal, ne manque pas, durant toute la campagne, « d’envoyer à Renaudot (rédacteur de la Gazette) des mémoires exacts et avantageusement tournés des choses que Monsieur avait faites ; et Renaudot, sans y rien changer, les plaça toutes dans les Gazettes. » Malgré tous ces moyens employés pour lui élever le cœur, Monsieur restait ce que l’avaient fait la nature et la première éducation. […] Mon zèle me fit, dans ces commencements, regarder cette occupation avec dépit, et comme un mauvais présage de ce qui arriverait dans la suite ; et je fis réflexion qu’on avait bien raison de dire qu’il était presque impossible de changer la nature, quand elle avait une fois pris sa pente.
murs jadis glorieux, paraissez dans la cause de la nature même ! […] Voilà l’éternelle morale qui avant et depuis Salomon, jusqu’à Sophocle, jusqu’à Cicéron, jusqu’à nous tous, se peut tirer du spectacle changeant des choses humaines, et il semble que, sauf le rajeunissement de l’expression, toujours possible à une âme sincère, les ruines de la ville de Zénobie, dévastée à la suite d’une guerre par l’empereur Aurélien, n’étaient guère de nature à inspirer d’autres pensées. […] Il y a à faire aussi celle de l’esprit de l’homme et de sa nature. […] Le trait distinctif du colon français qui, jusque sur les confins du désert, sent le besoin de voisiner et de causer, y est vivement saisi : « En plusieurs endroits, ayant demandé à quelle distance était le colon le plus écarté : Il est dans le désert, me répondait-on, avec les ours, à une lieue de toute habitation, sans avoir personne avec qui causer. » Il y a aussi dans les Éclaircissements un chapitre curieux sur les sauvages ; en nous décrivant leurs mœurs et leurs habitudes, Volney ne perd pas l’occasion de revenir à la charge contre Rousseau et contre son paradoxe de parti pris en faveur de la vie de nature ; il donne la preuve de ce parti pris par des anecdotes qu’il savait d’original, et notamment par celle de la fameuse conversation de Jean-Jacques avec Diderot à Vincennes : « Et cet homme aujourd’hui, ajoute-t-il, trouve des sectateurs tellement voisins du fanatisme, qu’ils enverraient volontiers à Vincennes ceux qui n’admirent pas Les Confessions !
Par une évolution pareille et simultanée, l’histoire va du héros à l’homme, de l’action au mobile, du corps à l’âme ; et elle se tourne vers cette biographie que Montaigne appelle « l’anatomie de la philosophie, par laquelle les plus abstruses parties de notre nature se pénètrent ». […] Quelle immortalité des grandeurs et des misères de notre nature ! […] Demander à cette jeune fille d’échapper entièrement aux milieux dans lesquels sa vie se passe, de n’appartenir en rien à l’humanité de sa nouvelle patrie : c’est exiger de la Nature qu’elle ait fait un miracle, — et elle n’en fait pas. […] Le livre qui racontera l’histoire de ces femmes montrera comment la maîtresse, sortie du haut, du milieu ou du bas de la société, comment la femme avec son sexe et sa nature, ses vanités, ses illusions, ses engouements, ses faiblesses, ses petitesses, ses fragilités, ses tyrannies et ses caprices, a tué la royauté en compromettant la volonté ou en avilissant la personne du Roi.
L’inspiré est lui-même incertain quelquefois si la chose qu’il annonce est une réalité ou une chimère, si elle exista jamais hors de lui ; il est alors sur la dernière limite de l’énergie de la nature de l’homme et à l’extrémité des ressources de l’art. […] D’où naît cette division du jour et de la nuit telle que dans la nature même au cercle terminateur de l’ombre et de la lumière elle n’existe pas aussi tranchée ? […] Est-ce que n’ayant plus la même nature sous les yeux, l’artiste n’a pu se servir de la nôtre pour suppléer les passages et les tons ? […] L’habit de nature, c’est la peau, plus on s’éloigne de ce vêtement, plus on pèche contre le goût.
La nature en a fait un sot, la sottise en a fait un envieux. […] * * * Cette observation sur nature m’a conduit à faire — sur ce qu’on appelle les types nationaux, — une théorie excessivement remarquable, où je démontre clairement que les Allemands ne sont pas plus blonds que les Espagnols, — que les Espagnols n’ont pas l’œil plus vif que les Anglais, — et que les Anglais n’ont pas l’air plus distingué que les Français. […] Ils me font revenir en mémoire cette parole d’un ami : « Dieu nous a donné la nature pour nous consoler des petits jeunes gens. » Et, les montrant d’une main, mon ami m’indiquait de l’autre la Maladetta avec ses effets de neige étincelants, ses arêtes aiguës qui prennent sous le soleil des teintes ardoisées, — et ses précipices aussi pittoresques et aussi dangereux que peut les souhaiter un Anglais atteint d’un spleen à son dernier période. Si Bernardin de Saint-Pierre — et tout le monde un peu — n’avaient pas écrit les Études de la nature, ce serait ici le lieu de vous décrire les cascades d’Oo s’épanouissant — à leur tombée — en lacs transparents, et la vallée de Litz, remarquable par beaucoup de choses… et encore par l’Album des touristes : un registre, où l’aubergiste de l’endroit collectionne les autographes des commis-voyageurs en villégiature.
la sincérité m’est trop chère pour que je me trompe sur sa nature et sur cet accent qu’elle seule a. […] Ce lyrisme, auquel le poète s’est assoupli par la volonté, l’exercice et surtout le compagnonnage littéraire, est le plus grand ennemi de sa nature sincère, de cette poésie qui est la sienne, toute d’observation triste ou cruelle, qui se déchire le cœur dans un coin, et de ce petit coin sombre avec son noir chagrin, comme Alceste, allonge sur le monde extérieur un regard qui, comme celui de certains peintres malades de la bile ou du foie, teint, d’une nuance particulière et soucieuse, les objets sur lesquels il va lentement et longuement se fixer. […] on sent que le lettré avec ses imitations et importations de littérature étrangère, — que le professeur avec sa préoccupation des modèles anciens, ont envahi le poète, le poète naïvement et cruellement descriptif, qui peignait autrefois la nature, à travers son âme, en la jaunissant de ses bilieuses mélancolies ! […] Toute imitation est un mensonge relatif, car les esprits de néant, sans fécondité et sans initiative, sont des menteurs à leur nature lorsqu’ils prétendent exprimer quelque chose, eux qui n’ont rien à exprimer !
Les paupières ont beau être closes, l’œil distingue encore la lumière de l’ombre et reconnaît même, jusqu’à un certain point, la nature de la lumière. […] La nature, dit-il, ébauche des corps vivants, mais les ébauche seulement. […] Le corps, qui ne sort pas tout à fait viable des mains de la nature, se soulève vers l’âme qui lui donnerait la vie complète. […] Quand on dort profondément, on fait peut-être des songes d’une autre nature, mais il n’en reste pas grand-chose au réveil.
Entre deux exemplaires, plus ou moins volumineux, d’un même être, les différences de degré n’entraînent pas les différences de nature. […] A fortiori, pour expliquer la nature et l’évolution de l’ensemble qu’ils constituent, la sociologie ne doit pas négliger les mouvements mêmes des éléments sociaux : toutes choses égales d’ailleurs, la quantité sociale augmente à proportion de leur mobilité. […] « Pendant beaucoup de siècles il y a eu moins de mouvement sur la terre qu’il ne s’en produit de nos jours en un an76. » Et ainsi — la remarque en a souvent été faite77 — par la multiplication des contacts que la nature disciplinée établit entre leurs membres, les sociétés civilisées ressemblent de plus en plus à des villes énormes. […] On a dit des aspects de la nature qu’ils sont capables de modifier, dans une certaine mesure, les façons de penser des hommes : le désert serait « monothéiste », les montagnes « conservatrices ».
La nature surtout le frappa de ses merveilles. […] Les ondes, éparses en rosée légère sous la violence du coup, remontaient pressées en colonnes qui parfois s’étendaient à toute la largeur de l’abîme et cachaient une part de l’horizon… « Ce qui m’étonna le plus, c’est qu’à l’abord du précipice, les vagues résistent en sens contraire et s’entrechoquent comme pour échapper ‘à l’impulsion qui les précipite, jusqu’au moment où, vaincues, elles s’abattent dans l’abîme avec un tonnerre souterrain, et font jaillir dans les airs d’immenses colonnes de nuées sur lesquelles l’arc d’Iris réfléchit ses plus éblouissantes couleurs. » C’est l’esquisse du voyageur, de l’émigré des Andes accoutumé à la puissante nature du monde américain, et la trouvant dépassée dans ce désert. […] Devant l’Etna et ses jets de feu nocturnes enflammant au loin la mer de Sicile, Pindare ne songe pas à lui-même ; il ne mêle pas les mécomptes de l’orgueil poétique à ces terreurs de la nature. […] » À ces demandes le poëte répond comme un inspiré : « Le Seigneur a étendu sa main toute-puissante ; il a revêtu de nuées ta lumière ; il a donné sa voix à tes flots déchaînés, et paré de son arc ton front terrible. » Après ces grandeurs de la nature, après le soleil de Cuba, les forêts de la Virginie, ce qui possède l’âme d’Heredia, ce qui la fortifie et l’élève, c’est l’amour de la liberté, mais aussi de la justice, de la modération, de tout ce qui manquait aux révolutions du Mexique, tour à tour célébrées et maudites par le poëte.
Alors il dit toute cette vie surnaturelle et toute l’autre, celle des heures où il ferme les yeux : et la nature et le rêve s’enlacent si discrètement, dans une ombre si bleue et avec des gestes si harmoniques, que les deux natures ne font qu’une seule ligne, une seule grâce : Ils ont une ligne douce comme une ligne. […] C’est celui de l’amour, de la nature et du rêve : celui des paysages doux et nuancés, bleu et argent. […] C’est un livre vraiment tout gonflé d’idées où la nature, ivre de sève, se fleurit des rouges et des verts les plus puissants. […] Alors le poète entre dans le calme définitif où sa nature doit se plaire et où elle se prélasse avec un peu de complaisance. […] Aussi ils écoutaient, attentifs aux involontaires confidences, aux cris de nature, prompts à saisir la valeur significative d’un sourire, d’un regard d’un geste.
Il émane du beau, de la réalité, et la nature est réelle et belle. […] La nature, la vue des choses ont seules donné l’impression à M. […] Mais la nature, qui sourit aussi parfois à ceux qu’elle égorge, réserve à ce cœur si troublé un remède aussi charmant qu’inattendu. […] L’enfant, dans un élan du cœur, embrasse son père : c’est l’acquittement de la nature. […] Faire impitoyablement vrai, grouper une suite de scènes écrites d’après nature, voilà le mérite ou le défaut de M.
Ratisbonne est trop jeune pour avoir suivi et connu M. de Vigny dans la plus grande partie de sa carrière, et il ne se pose point cette question : M. de Vigny, nature de tout temps élevée et digne, n’a-t-il pas lui-même changé avec les années, et n’a-t-il pas cessé, à un certain moment, d’être ce qu’on appelle aimable ? […] Je savais, au reste, les difficultés sans nombre qu’offrait cette application du scalpel ou même du crayon à une nature délicate et chatouilleuse telle que la sienne, surtout lorsqu’on tenait avant toute chose à ne la point froisser.
Aujourd’hui que cette vaste et gigantesque carrière s’est tout entière déroulée sans parvenir encore à s’accomplir, je suis le premier à reconnaître qu’avec Victor Hugo, si admirateur que j’aie été et que je sois toujours de toute une partie de sa prodigieuse production, je n’ai jamais réussi ou consenti à prendre son talent pour ce qu’il était, à l’accepter et à l’embrasser dans toute la vigueur et la portée de son développement, tel qu’il était donné par sa nature première et qu’il devait successivement se manifester et jaillir au choc des circonstances. […] Ils ne peuvent au plus qu’être les premiers d’une seconde classe, et exceller dans le médiocre. » Je ne sais si je suis précisément de ces esprits doux définis par le savant moraliste, mais sans me faire plus sévère envers moi-même que je ne le dois, je ne serais pas éloigné d’avouer et de confesser quelque chose de cette médiocrité de nature qu’il leur attribue, si ce n’est que je ne suis jamais demeuré tranquille dans ma sphère, que je me suis continuellement inquiété des grandes choses et des productions singulières que je voyais surgir autour de moi et qui me dépassaient de beaucoup, et qu’à leur occasion je me suis bien souvent posé cette question épineuse : Pourquoi suis-je si sensible à l’admiration pour certaines parties, et tout à côté à la répulsion pour certaines autres ?
M. de Lamartine, dans de fort belles méditations et dans sou dernier chant de Childe-Harold, avait point à merveille les grands traits des horizons et des paysages, l’idéal en quelque sorte élyséen de ce ciel, de cette mer de Naples, de cette éternelle enchanteresse au sein de laquelle l’auteur des Martyrs nous avait déjà introduits un moment avec saint Augustin, Jérôme et Eudore ; mais dans ces harmonieux tableaux de M. de Lamartine, les hommes avec leurs variétés et leurs contrastes, les monuments avec leurs caractères, n’étaient pas touchés : la nature envahissait tout, et encore la nature dans sa plus vague plénitude, sans contours arrêtés, sans détails curieux et distincts, telle en un mot qu’elle se réfléchit dans un cœur que remplit l’amour ; ce n’étaient que chauds soleils, aubes blanchissantes, comme dans Claude Lorrain, firmaments étoilés, murmures, vapeurs et ombrages.
Ce que lui suggéraient les circonstances lui était de plus commandé par la nature de son talent. […] Encore une fois, la force des choses de l’historien philosophique, laquelle résulte principalement de la nature humaine et de ses lois, ne signifie en sens mystique, pour l’historien sacré, que l’enchaînement des moyens dont la providence dispose.
La pitié pour la faiblesse, la sympathie pour le malheur, une élévation d’âme, sans autre but que la jouissance même de cette élévation, sont beaucoup plus dans leur nature que les vertus politiques. […] Les anciens ne demandaient aux autres que de s’abstenir de leur nuire ; ils désiraient uniquement qu’on s’écartât de leur soleil pour les laisser à eux-mêmes et à la nature.
L’homme bon est de tous les temps, et de toutes les nations ; il n’est pas même dépendant du degré de civilisation du pays qui l’a vu naître ; c’est la nature morale dans sa pureté, dans son essence ; c’est comme la beauté dans la jeunesse où tout est bien sans effort. […] S’il était vrai que dans la nature des choses, il se fut rencontré des obstacles à la félicité parfaite que l’Être Suprême aurait voulu donner à ses créatures, la bonté continuerait l’intention de la Providence, elle ajouterait, pour ainsi dire, à son pouvoir.
Telle est la formule de la corrélation de l’esprit avec les autres forces de la nature. » On peut se poser encore un autre problème, dit M. […] Elle consiste à fonder l’étbologie sur la psychologie, à descendre des lois générales de la nature humaine aux variétés individuelles.
Ils le disent à la simplicité, à la clarté — à la nature. […] Ceux-ci conservent le culte classique de la nature et de l’homme.
On y voyoit Socrate enflé de vaine gloire, chantant ses propres louanges ; répétant sans cesse qu’il étoit initié dans tous les secrets de la nature ; qu’il étoit envoyé des cieux pour éclairer la terre ; que la jeunesse vînt à lui pour s’instruire ; qu’il avoit une méthode à laquelle étoient attachées la gloire & la félicité des générations à venir. […] « J’en ai vu, dit-il, des mieux ameutées & des moins judicieuses ; mais, ce que j’ai vu aussi, c’est que j’ai vu ces cabalistes, ces conjurés si redoutés, oublier leur rôle de perturbateurs à gages, non pas à ce qu’on appelle communément les beaux endroits, les tirades qui sont souvent aussi déclamatoires que puériles & bien travaillées, mais aux endroits où la nature & le vrai se trouvent peints.
Nieuwentit nous offre son excellent livre de l’existence de Dieu, démontrée par les merveilles de la nature, in-4°., qui est à la fois la meilleure Physique & le meilleur commencement d’une bonne Théologie. Le Spectacle de la nature, en neuf vol.
L’intérêt est sinon éteint, du moins presque insensible dans la vieille mère ; et cela est tout à fait dans la nature. […] Mettez l’escalier entre ce portrait et vous ; regardez-le avec une lunette, et vous verrez la nature même.
Ainsi la parole ne quittera point la religion de Jésus-Christ, parce que là elle ne s’est point séparée de la pensée, et que la pensée, de sa nature, est immortelle, même la pensée de l’homme. […] Il s’agissait de délivrer un tombeau, le tombeau de celui qui racheta la nature humaine, le seul tombeau qui n’aura rien à rendre à la fin des temps, pour me servir d’une belle expression de M. de Chateaubriand.
C’est que la raison et les sentiments prennent d’eux-mêmes la pente de la nature. […] — Pour Marc-Aurèle qui, selon moi, est la plus belle âme de l’humanité, se soumettre à la nature était un mot d’un sens suffisant.
Il me parle d’une série d’hommes de la Bourse qu’il est en train de pourtraire, qu’il ne dessine pas d’après nature, mais qu’il emporte dans sa mémoire, de la Bourse, où il les étudie longtemps, les reprenant, les réétudiant dans leur immeuble, jusqu’au jour, où il est content de leur ressemblance, ainsi attrapée à vol d’oiseau. Et à ce sujet, il m’apprend qu’il est un élève de Lecoq de Boisbaudran, un original bonhomme, qui avait prêché le dessin de mémoire, disant que dans le dessin d’après nature, il y avait le danger d’être empoigné par le détail, et que l’on faisait moins synthétique, et allant jusqu’à soutenir, que lorsqu’on travaillait d’après l’être vivant, on faisait moins nature que de mémoire — bien entendu pour une mémoire exercée à ce genre de travail, — par la fatigue du modèle, produisant chez lui une espèce d’ankylose du mouvement. […] « Vous n’avez vécu que pour les choses de l’intelligence ; et, non content de chercher dans l’observation de notre coin de nature et d’humanité, matière à remplir vos études et à satisfaire la curiosité de vos goûts, vous avez élargi l’horizon contemporain, vous avez ressuscité le charme d’un siècle disparu, vous avez rapproché de nous la fantaisie et le mystère des arts lointains. […] Or un jour, l’éléphant veut s’assurer de la gratitude de la nature et des animaux à son égard, et il trouve que l’eau se fait fraîche, et le sable chaud à ses pieds, que les branches s’écartent docilement de son passage, que les animaux l’entourent respectueusement, quand il se sent mordu au pied par un crocodile. […] » Vendredi 27 décembre Dans ce volume, le dernier volume imprimé de mon vivant, je ne veux pas finir le Journal des Goncourt, sans faire l’historique de notre collaboration, sans en raconter les origines, en décrire les phases, indiquer dans ce travail commun, année par année, tantôt la prédominance de l’aîné sur le cadet, tantôt la prédominance du cadet sur l’aîné : Tout d’abord, deux tempéraments absolument divers : mon frère, une nature gaie, verveuse, expansive ; moi, une nature mélancolique, songeuse, concentrée — et fait curieux, deux cervelles recevant du contact du monde extérieur, des impressions identiques.
Il ne vint à l’esprit de personne — même à ceux qui ne connaissent pas cette nature calculatrice et froide — que M. […] Jules Lemaître qui m’ont donné des sensations poignantes de nature et d’humanité, et hier encore, je lisais un livre de M. […] Mais s’il est vrai que les êtres sont expliqués par les choses qu’ils aimèrent, la légende se dissipe à ce seuil tranquille, grand ouvert aux fortifiantes joies de la nature. […] Il représente l’objet comme la nature le crée, c’est-à-dire qu’il enclot, en un tout, par de subtiles ellipses, les différentes qualités que cet objet possède. […] Les Chauves-Souris, c’est l’évocation du nocturne dans la nature et dans l’âme.
On les voit ingénieux, distingués, remarquables ; mais aucun jusqu’ici qui semble devoir sortir de ligne et grandir à distance, comme certains de nos pères, auteurs du premier mouvement : aucun dont le nom menace d’absorber les autres et puisse devenir le signe représentatif, par excellence, de sa génération : soit que, dans ces partages des grandes renommées aux dépens des moyennes, il se glisse toujours trop de mensonge et d’oubli de la réalité pour que les contemporains très-rapprochés s’y prêtent ; soit qu’en effet parmi ces natures si diversement douées il n’y ait pas, à proprement parler, un génie supérieur ; soit qu’il y ait dans les circonstances et dans l’atmosphère de cette période du siècle quelque chose qui intercepte et atténue ce qui, en d’autres temps, eût été du vrai génie. […] Dubois, qui, placé alors à Besançon, et lui-même atteint de cruelles douleurs et pertes domestiques, y cherchait un allégement dans l’entretien de l’amitié et dans les impressions pacifiantes d’une majestueuse nature. […] Jouffroy disait fréquemment d’une voix pénétrée : « Tout parle, tout vit dans la nature ; la pierre elle-même, le minéral le plus informe vit d’une vie sourde, et nous parle un langage mystérieux ; et ce langage, le pâtre, dans sa solitude, l’entend, l’écoute, le sait autant et plus que le savant et le philosophe, autant que le poëte ! […] Dubois, et avant de prendre rang comme une des natures de penseur les plus puissantes et les plus ubéreuses d’aujourd’hui, était simplement ouvrier typographe, M. […] Jouffroy (et nous savons qu’il en a déjà projeté), ce serait un lieu sûr pour toute sa psychologie réelle, qui consiste, selon nous, en observations détachées plutôt qu’en système ; ce serait un refuge brillant pour toutes les facultés poétiques de sa nature qui n’ont pas donné.
Relisons-le pour en contempler la puissance souvent colossale, pour en admirer la verve plus bouillante encore que dans la jeunesse, dans cette nature qui a déjà bouillonné soixante ans, tant il y a d’eau dans ce vase et de combustible dans ce foyer. […] IV J’ai toujours aimé Victor Hugo, et je crois qu’il m’a toujours aimé lui-même, malgré quelques sérieuses divergences de doctrines, de caractère, d’opinions fugitives, comme tout ce qui est humain dans l’homme ; mais, par le côté divin de notre nature, nous nous sommes aimés quand même et nous nous aimerons jusqu’à la fin sincèrement, sans jalousie, malgré l’absurde rivalité que les hommes à esprit court de notre temps se sont plu à supposer entre nous. […] Et, d’ailleurs, l’ignoble jalousie de métier n’était pas dans notre nature. […] De quoi Hugo pouvait-il souffrir, puisqu’il se sentait vaste comme la nature ? […] Nous avons fait tous deux d’illustres naufrages : l’un, échoué sur un bel écueil, au milieu du libre Océan ; l’autre, sur la vase d’une ingrate patrie, la quille à sec, les voiles en lambeaux, les mâts brisés, le gouvernail aux mains du hasard ; l’un, plein d’espérances et de nobles illusions, ces mirages de la seconde jeunesse des hommes forts ; l’autre, décougégé, trouvant les hommes toujours les mêmes dans tous les siècles, et n’attendant d’eux dans l’avenir que l’éternelle vicissitude de leur nature, qui naît, qui se remue, qui se répète et qui meurt, pour se répéter encore jusqu’à satiété !
C’est d’elle que nous continuons de vous entretenir aujourd’hui en feuilletant jusqu’à la fin cette correspondance et ce journal intime de cet ange terrestre qu’on appelait Eugénie de Guérin, ce saint Augustin des femmes, seulement un saint Augustin sans péché, dont les larmes ne furent point de l’expiation, mais des effusions du cœur, effusions tantôt d’enthousiasme pour Dieu, tantôt de pitié pour ses créatures, tantôt d’admiration pour la nature, et qui ne vécut comme la fleur de l’herbe des champs que pour verser sa douce odeur sous les pieds de son père, de son frère et de ses amis. […] Je lisais hier au soir Bernardin, au premier volume des Études, qu’il commence par un fraisier, ce fraisier qu’il décrit avec tant de charme, tant d’esprit, tant de cœur, qui ferait, dit-il, écrire des volumes sans fin, dont l’étude suffirait pour remplir la vie du plus savant naturaliste par les rapports de cette plante avec tous les règnes de la nature. […] Les traits sont beaux comme l’homme qu’on a rêvé, mais jamais vu, — l’Antinoüs mystique. — Son regard perce la nuit et porte à son Père toutes les supplications de la terre ; le vent de la miséricorde, qui souffle à lui, fait onduler sa barbe et ses cheveux comme la sainte ferveur de l’invocation ; le corps s’affaisse sous la force dépensée de la prière, ses pieds crispés prient comme ses mains, ses genoux à demi renversés cherchent en vain leur aplomb parmi les dalles concassées, effondrées, soulevées sur le sol par le récent tremblement de terre ; toute la nature, quoique maintenant sereine et attentive, est dans l’expectative de sa prochaine convulsion. […] tout s’harmonise dans la nature ; des rapports secrets unissent l’aigle et le brin d’herbe, les anges et nous dans l’ordre de l’intelligence. […] Tu n’y viens que tard ; ce n’est pas lorsque l’hiver a fauché toute la beauté de la nature (suivant l’expression de notre ami, saint François de Sales) qu’on peut se mettre à botaniser : plus de fleurs alors, et ce sont les fleurs qui m’intéressent parce qu’elles sont si jolies sur ces tapis verts.
« Ces considérations, qui prenaient leur source dans l’essence de la nature humaine, me faisaient appréhender, je le répète, un accueil favorable, et ce fut avec cette épine dans le cœur que, six jours après mon arrivée, je me rendis à l’audience impériale. […] On les essaye, ils s’essayent eux-mêmes, et, si la carrière ne leur convient pas, ils rentrent honorablement dans le monde, sans scandale et sans reproche ; ils ont de plus pour le Saint-Siège ces avantages, que ses affaires purement mondaines sont traitées avec les hommes du monde par des hommes du monde, et que l’Église, par eux, participant de deux natures, est sacerdotale avec ses prélats et laïque avec ses ministres. […] Tout était naturel dans cette franche nature. […] » L’amitié était sa nature, l’amitié était sa doctrine, l’amitié était l’unique charme de sa vie. […] Venez toujours ; je ne vous fais point inviter comme diplomate, mais comme ami. » XVII Indépendamment de ces deux visites de chaque jour chez la duchesse, le peu d’instants qu’il pouvait dérober aux affaires étaient consacrés à la culture d’un petit jardin d’Alcinoüs qu’il avait acheté sur la rive du Tibre, auprès des ruines de Pont-Riltoa ; il y cultivait, comme un chartreux, quelques fruits et quelques fleurs : ainsi la culture de ses devoirs assidus auprès du Pape, la culture de l’amitié auprès d’une femme respectée et aimée, et la culture des orangers et des œillets de Rome arrosés des eaux du Tibre, étaient les seuls délassements de cet homme de la nature et de la religion.
Il fut touché de ce sérieux des doctrines chrétiennes, si fort exagéré par le calvinisme et il prit plaisir à étudier l’homme au point de vue du christianisme, c’est-à-dire dans les contradictions et les misères de sa nature. […] Il semble avoir senti tous les mouvements, passé par toutes les contradictions de notre nature. […] A la différence de Rabelais et de Calvin, qui sont emportés à chaque instant, l’un par son imagination, l’autre par les illusions du raisonnement, vers l’extrême limite de leur nature, Montaigne se tient comme au centre de la sienne. […] De là, dans les écrivains des deux époques, tant de choses données à l’imagination tournée vers l’étude de l’homme intérieur, et je ne sais quels romans psychologiques sur notre nature morale. […] Combien qui aiment plus la vérité en spéculatifs que pour l’application, plus comme une conformité avec leur nature intellectuelle, qui flatte leur vanité, comme une règle de conduite immédiate qui les oblige !
Mais il ne faudrait pas conclure de là à une similitude de nature. […] Nous n’avons pour cela qu’à déterminer avec précision la nature des « visions fantasmatiques » dans le cas où un observateur intérieur à un système S′, ayant eu la perception réelle d’une longueur invariable l, se représenterait l’invariabilité de cette longueur en se plaçant par la pensée hors du système et en supposant alors le système animé de toutes les vitesses possibles. […] Cette distinction se fût évanouie si nous n’avions fait de la simultanéité que le cas particulier où l’on a t′₂ — t′₁ = 0 ; nous l’aurions ainsi résorbée dans la succession ; toute différence de nature eût encore été abolie entre les mesures réellement prises par l’observateur en S′ et les mesures simplement pensées que prendraient des observateurs extérieurs au système. […] Certes, cette dimension additionnelle est de nature toute spéciale, puisque l’invariant serait dx 2 + dy 2 + dt 2 sans qu’il fût besoin d’un artifice d’écriture pour l’amener à cette forme, si le temps était une dimension comme les autres. […] Entre la perception de la ligne droite A′ B′ à l’intérieur du système S′, et la conception de la ligne brisée A′ C′ B′ quand on se suppose à l’intérieur du système S, il n’y aurait pas une différence de nature.
Cela serait bien étonnant et bien peu conforme aux habitudes de la nature. […] Il s’est incorporé une vaste matière nouvelle ; il s’est annexé la nature entière. […] Dans sa hâte amoureuse de toute la nature, il choisit à peine. […] La feuille apparaît souvent toute stylisée par la géométrie de la nature. […] D’ailleurs, il faut tenir compte de la nature de chacune des parties du nom composé.
Mais ce n’est pas ainsi que la nature nous instruit ; elle ne nous montre d’abord que le physique. […] Ainsi Dieu est un terme réel ; mais nature n’est qu’un terme métaphysique. […] En un mot Dieu comme auteur de la nature, agit d’une maniere uniforme. […] Enfin décomposons au, aux, du, des, faisant attention à la destination & à la nature de chacun des mots décomposés, & tout se trouvera applani. […] C’est par une pareille opération de l’ésprit que l’on personifie si souvent la nature & l’art.