On sent que l’esprit de société, le goût des plaisirs de l’intelligence, ont pénétré dans les hautes classes en France, qu’on y réfléchit plus, qu’on se regarde et s’analyse davantage. […] « Jugeant, dit-il39, ses inventions trop basses pour un prince de hault esprit, il les a laissées reposer, et a jeté l’oeil sur les livres latins, dont la gravité des sentences, ajoute-t-il, et le plaisir de la lecture (si peu que je y comprins) m’ont espris mes esprits, mené ma main, et amusé ma muse. » Marot, comme on le voit, n’est pas guéri du goût des pointes ; mais il indique du doigt le genre de beauté que notre littérature allait puiser au trésor des littératures anciennes ; à savoir, cette gravité des sentences que nous appelons les vérités générales. […] C’est à Blois, où tous les novateurs étaient attirés par la bonté de Marguerite de Navarre et par son goût pour les doctes, qu’il se laissa engager dans les querelles de religion. […] La tristesse de Marot est sans pleurs, sa raillerie sans aigreur, sa gaieté sans ivresse ; rien ne dépasse une certaine mesure, qui est déjà le goût.
Elle a affiné le goût dans les milieux élégants où elle pénétrait et s’est ainsi préparé à elle-même un public de connaisseurs. […] C’est tantôt l’une, tantôt l’autre, qui, suivant les temps, y occupe le premier rang ; mais toujours y prédominent des goûts et un esprit aristocratiques. […] Il n’a pas fallu moins qu’une révolution sociale, brisant la, prépondérance du monde, pour qu’une révolution du goût fit enfin renoncer à cette coutume de farder tout ce qui n’était pas réputé assez noble. […] Que d’esprits rétrécis par le goût étroit des salons !
L’abbé de Choisy aimait à se déguiser ; dans son enfance et dans sa jeunesse on l’avait accoutumé à s’habiller en fille ; il en garda le goût, et l’on assure que bien plus tard même, et à l’âge où il rougissait le plus de cette manie efféminée, il s’enfermait encore pour se mettre en douairière, soupirant, hélas ! […] Elle se trompa en sens inverse à l’égard de l’abbé de Choisy, et elle lui donna, avec la gentillesse du visage, les goûts futiles de l’esprit et l’amour inné du miroir. […] Et en effet, pendant les années qui suivirent, l’abbé de Choisy, livré à lui-même, et hors de toute contrainte, fit la belle tant qu’il voulut, et s’abandonna follement à toute la bizarrerie de ses goûts. […] M. de Lamennaisi, dans l’écrit intitulé Affaires de Rome, racontant le voyage qu’il y fit en 1832, a dépeint en quelques traits satiriques, et plus fins qu’on ne l’attendrait d’une plume si énergique, le caractère du cardinal de Rohan, qui s’y trouvait alors : Extrêmement frêle de complexion et d’une délicatesse féminine, dit M. de Lamennais, jamais il n’atteignit l’âge viril : la nature l’avait destiné à vieillir dans une longue enfance ; il en avait la faiblesse, les goûts, les petites vanités, l’innocence ; aussi les Romains l’avaient-ils surnommé il Bambino.
Seule, elle dira les penchants, les goûts, les inclinations, les instincts, le secret conseil où se règlent les actions de l’homme. […] Elle la gronde « d’avoir de la curiosité et de ne s’entretenir qu’avec de jeunes dames, de se laisser aller à des propos inconséquents, de manquer de goût pour les occupations solides »… Je le demande en conscience aux lecteurs sans passion politique, s’il existait pour la jolie femme la plus humainement parfaite du monde, de seize à vingt-cinq ans, un procès-verbal, jour par jour, de toutes les grogneries des vieux parents à propos de sa toilette, de son amour de la danse, de sa naturelle envie de s’amuser et de plaire, le dossier accusateur de cette jolie femme ne serait-il point aussi volumineux que celui de Marie-Antoinette ? […] Cette voix même un peu enflée, ces parures de roman qu’elle donne à sa jeunesse, ce rehaussement de sa famille, cette allure moins libre et se guindant devant le public de sa vie, n’est-ce pas le caractère et le goût propre des mémoires d’une comédienne qui se confesse ? […] J’avais espéré découvrir dans les Papiers de Bélanger, acquis par le Musée de la Ville de Paris, à la vente Dubrunfaut, quelques nouvelles copies de lettres d’Adanson, de Noverre, de Beaumarchais, etc., donnant des détails circonstanciés sur la chanteuse ; mais, sauf quatre lignes d’une lettre de « l’ami Moyreau », je n’ai rien trouvé que les éléments d’une curieuse biographie de Bélanger, et des réflexions, des projets, des mémoires de l’amant de Sophie sur le goût, sur l’établissement d’échaudoirs, sur le prix du cuivre, sur les enterrements des condamnés révolutionnaires.
Tardeel, il faut admettre un principe d’invention, les découvertes, et un principe d’imitation, la statistique, qui se résout en fin de compte en une constatation de la mesure de la ressemblance entre les goûts et les besoins des inventeurs et ceux des imitateurs. […] Le goût vif des lettres et des arts n’a jamais précédé dans la vie d’une nation d’une classe ou d’un individu, un déploiement extrême d’énergie, un vaste enthousiasme pour une entreprise active, parce que la satisfaction oisive de ce goût dispense de cet effortep. […] En art ces manifestations se valent ; socialement, seulement, on peut les subordonner, en usant d’une distinction qui se fonde non sur leur beauté, mais sur leur bonté, non sur le goût, mais sur l’hygiène21 eq.
., que c’est le fruit de longues méditations d’un grammairien de profession ; mais d’un grammairien de goût aussi familiarisé avec nos Académiciens, que versé dans la lecture de nos meilleurs écrivains. […] On y trouve de la bonne & de la fine plaisanterie dans le goût du Lucien, mais des traits assurément trop piquans. […] Il y a certainement dans cet écrit beaucoup d’observations qui sont voir un homme de goût, & qui connoît bien notre langue. […] Lafontaine, après s’être formé le goût sur les meilleurs modèles de l’atticisme & de l’urbanité, n’avoit pas négligé cette ressource.
Tous les caractères de têtes paroissent avoir été étudiés d’après le premier de ces maîtres, et le grouppe des jeunes hommes qui est à droite et de bonne couleur, est dans le goût de Le Sueur. […] On prétend que les arts ayant passé de l’égypte en Grèce, ce froid simbolique est un reste du goût de l’hiéroglyphe. […] Ce ne sont pas les morceaux de passion violente qui marquent dans l’acteur qui déclame le talent supérieur, ni le goût exquis dans le spectateur qui frappe des mains. […] Supposez, mon ami, devant ce tableau un artiste, et un homme de goût.
Un poète médiocre, un grand poète même qui aurait eu moins de goût, aurait décrit dans une phrase poétique le lever et le coucher du soleil ; Ovide n’y eût pas manqué ; mais écoutons Virgile. […] Un écrivain justement célèbre par ses ouvrages, mais modèle quelquefois dangereux et juge quelquefois suspect en matière de goût, donne des éloges à cette phrase de La Rochefoucault, l’esprit a été en moi la dupe du cœur , pour dire, j’ai cru ma maîtresse fidèle, parce que je le souhaitais . […] plusieurs raisons y ont contribué ; la grandeur où la France est parvenue sous le règne de Louis XIV ; la supériorité de nos bons écrivains en matière de goût sur ceux des autres nations ; et peut-être aussi cette destinée quelquefois bizarre, qui décide apparemment de la fortune des langues comme de celle des hommes. […] Le Petit Carême du père Massillon suffira pour apprendre à nos orateurs chrétiens et à leurs juges, combien la véritable éloquence de la chaire est opposée à l’affectation du style ; nous les renvoyons surtout au sermon sur l’humanité des grands, que les prédicateurs devraient lire sans cesse pour se former le goût, et les princes pour apprendre à être hommes.
La beauté est, pour la femme, la grâce unie à un sentiment moral ; pour l’homme, la grâce unie à la force et à un sentiment généreux : la vertu, pour les deux sexes, est la poésie en action : le sublime dans les arts est une des vues les plus élevées du génie : le goût, résultat d’une civilisation avancée, est le tact des convenances et des proportions. […] Positive, elle est plus utile à l’intelligence qu’à l’imagination ; élégante, elle reconnaît pour législateur le goût plus que le génie ; noble, mais dédaigneuse, si elle sait rendre l’expression des sentiments généreux et élevés, elle se refuse peut-être à la naïveté sublime. […] Le goût français a été, en littérature, ce que l’honneur a été dans les institutions monarchiques. […] Virgile exprime encore les sentiments délicats et généreux d’une civilisation avancée, et montre ainsi comment avec un goût parfait le poète peut marier certaines idées et certaines mœurs d’un siècle avec celles d’un siècle antérieur, leçon admirable qui ne fut point perdue pour Racine et pour Fénelon.
Le paradoxe, qui est souvent une faute de sens, serait de plus une faute de goût quand il s’agit d’un homme aussi sensé que M. […] Nisard n’a jamais fait fléchir devant aucune nécessité de douceur et de politesse — et on voit maintenant si ces nécessités sont dans ses goûts naturels — une seule des religions de sa vie : soit l’autorité de l’enseignement, soit la pureté du goût, soit l’amour de la langue française, soit la morale chrétienne qui comprend tout, même en littérature. […] Mais c’est encore l’honneur du génie de lord Byron que d’avoir agrandi et pénétré cette poitrine d’humaniste et d’homme de goût un peu étroit, qui semblait ne pouvoir respirer que dans l’air classique du dix-septième siècle.
Né en 1785 dans l’Ardèche, il vint à Paris à l’âge de dix-neuf ans, c’est-à-dire tout au début de l’Empire ; et par ses goûts déclarés, par ses essais sérieux et variés en vers et en prose, par le caractère des doctrines, il mérita bientôt de se voir l’enfant chéri, le fils adoptif de la littérature alors régnante, de celle qui se rattachait plus étroitement aux traditions du xviiie siècle. […] Elle reste pour nous un échantillon piquant du goût d’alors ; la péroraison est tout entière empruntée au monde d’Ossian, que Napoléon aimait, que Girodet traduisait aux yeux ; car Victorin Fabre croyait à Ossian, c’était là son romantisme à lui ; que voulez-vous ?
Sophocle renouveler le goût poétique du public qui lit. […] Ce fut un de ces livres où une société prend conscience d’elle-même, qui l’aident à dégager son goût, à connaître et satisfaire son besoin.
Stéphane Mallarmé avait donné le goût et guidé l’intuition. […] Car « poème » il y a. — On « en » écrit de moins en moins : le lyrisme quotidien a fragmenté l’inspiration ; le sonnet a donné le goût des petites choses, et la paresse aidant, celle du lecteur comme celle du poète… Oublie-t-on que les grands lyriques de tous les temps, ou presque, d’
Il a instamment prié le mauvais plaisant d’apprendre que tous les journalistes, indistinctement, sont des soleils d’urbanité, de savoir et de bonne foi, et de ne pas lui faire l’injure de croire qu’il fût du nombre de ces citoyens ingrats, toujours prêts à adresser aux dictateurs du goût et du génie ce méchant vers d’un vieux poëte : Tenez-vous dans vos peaux et ne jugez personne ; que pour lui, enfin, il était loin de penser que la peau du lion ne fût pas la peau véritable de ces populaires seigneurs. […] Il lui reste à remercier les huit où dix personnes qui ont eu la bonté de lire son ouvrage en entier, comme le constate le succès vraiment prodigieux qu’il a obtenu ; il témoigne également toute sa gratitude à celles de ses jolies lectrices qui, lui assure-t-on, ont bien voulu se faire d’après son livre un certain idéal de l’auteur de Han d’Islande ; il est infiniment flatté qu’elles veuillent bien lui accorder des cheveux rouges, une barbe crépue et des yeux hagards ; il est confus qu’elles daignent lui faire l’honneur de croire qu’il ne coupe jamais ses ongles ; mais il les supplie à genoux d’être bien convaincues qu’il ne pousse pas encore la férocité jusqu’à dévorer les petits enfants vivants ; du reste, tous ces faits seront fixés lorsque sa renommée sera montée jusqu’au niveau de celles des auteurs de Lolotte et Fanfan ou de Monsieur Botte, hommes transcendants, jumeaux de génie et de goût, Arcades ambo ; et qu’on placera en tête de ses œuvres son portrait, terribiles visu formæ , et sa biographie, domestica facta .
Cet oracle de Delphes, qui l’avoit nommé l’homme de la Grèce le plus sage ; cette fureur de décrier toutes les sectes, & de n’en avoir aucune ; cette antipathie pour tout ce qui étoit mode, agrémens, magnificence, plaisirs, fêtes ; ses goûts suspects ; ses tracasseries de ménage ; le prétendu démon duquel il se disoit inspiré ; tout, jusqu’à sa naissance & sa profession, fournissoit des armes contre lui. […] La nôtre est plus dans le goût de Ménandre que dans celui d’Aristophane.
Les jeunes hommes que leur situation de fortune, leur emploi, leur famille forçaient à habiter, loin de Paris, malgré leur goût pour les lettres n’avaient d’yeux que pour le boulevard de la capitale. […] Par cela même qu’elles propageaient le culte du pays natal, le goût de l’action, la recherche des méthodes naturelles d’évolution, elles éloignaient la jeunesse d’un art obscur, subtil où elle avait failli se perdre — (après y avoir d’ailleurs au début connu des beautés nouvelles). — Ici, nous n’avons qu’à constater cette floraison des provinces nouvelles.
Nos poëtes lyriques et nos poëtes comiques ont fait la même méprise que Plaute et que Terence, lorsque notre goût perfectionné par Malherbe et par ses successeurs, devint assez difficile pour ne s’accommoder plus des anciennes farces ; nos poëtes comiques françois tâcherent de perfectionner leur tâche, comme les autres poëtes avoient perfectionné la leur. […] Nos premiers faiseurs d’opera se sont égarez, ainsi que nos poëtes comiques, pour avoir imité trop servilement les opera des italiens de qui nous empruntions ce genre de spectacle, sans faire attention que le goût des françois aïant été élevé par les tragedies de Corneille et de Racine, ainsi que par les comedies de Moliere, il exigeoit plus de vrai-semblance, qu’il demandoit plus de regularité et plus de dignité dans les poëmes dramatiques, qu’on n’en exige au-delà des Alpes.
G’est tout un système, et non pas un goût plus ou moins suspect, qui le pousse vers les alcôves royales où l’histoire se fait comme ailleurs, car où l’histoire ne se fait-elle pas ? […] Il est bien évident que la sympathie presque amoureuse de cet écrivain pour les deux célèbres maîtresses de Louis XV n’avait pas été la fascination de la qualité de maîtresse en titre de roi sur un royaliste à fond de train, mais un goût personnel, très vif, tenant à son idiosyncrasie à lui, Capefigue, mais la séduction momentanée de deux charmantes créatures entre toutes, sans aucune conséquence pour plus tard !
Je ne veux pas être une pensée mutilée, fragmentaire, dans l’universelle raison, un être isolé dans la communauté des hommes : j’entends servir la société et non point par goût des louanges, ni par désir d’être aimé, ni par sympathie pour mes contemporains, mais parce que le monde est un et que je veux me conformer à ses lois, qui sont d’ailleurs harmonieuses avec ma raison. […] Outre que j’avais le goût de comprendre tous les états d’âme, j’avais trop de sens esthétique pour flétrir ceux qui jouissent.
quel changement des mœurs, ou du goût public, ou de l’idéal du drame et de la tragédie ? […] Mais déjà, presque de toutes parts, un art nouveau s’annonçait, plus approprié à des temps et à des goûts nouveaux. […] Nous leur devons d’excellentes leçons de langage, de goût, de savoir-vivre, et presque de morale. […] C’est qu’il y faut du goût d’abord, et Racine en est un éloquent exemple. […] Si l’on donne dans son goût : Bon, dit aussitôt le critique, cela est pillé, c’est Molière tout pur ; s’en écarte-t-on un peu : Oh !
C’est le goût du temps qui le veut ainsi. […] Lorsque Adam accepte la pomme, qu’on le voie y mordre et en savourer un instant le goût. […] Ces naturalistes n’ont aucun des scrupules du goût, cette conscience littéraire. […] C’était le goût de Fontenelle. […] Les bergers du roman et de la pastorale suffisent à satisfaire ses goûts champêtres.
Des Florentins en grand nombre, à chaque trouble survenu dans la république des Médicis, avaient émigré sur ce point et y avaient fondé une espèce de colonie qui continuait d’associer, comme dans la patrie première, l’instinct et le génie du négoce au noble goût des arts et des lettres. […] L’Académie de Fourvière, espèce de société de gens doctes et considérables, d’érudits et même d’artistes, dans le goût des académies d’Italie, et qui devançait la plupart des fondations de ce genre, date du commencement du xvie siècle. […] Ce qui est certain, c’est que l’éducation de Louise fut fort soignée, qu’elle vécut dans les loisirs et les honnêtes passe-temps ; elle apprit la musique, le luth, les arts d’agrément, les belles-lettres, sans négliger pour cela les travaux d’aiguille, et enfin elle associait à ces goûts divers, déjà si complets chez une femme, les exercices de cheval et des inclinations passablement belliqueuses. […] Qui a lu et qui sait par cœur la jolie fable de La Fontaine, la Folie et l’Amour, n’est pas dispensé pour cela de lire le dialogue de Louise Labé, dont La Fontaine n’a fait que mettre en vers l’argument, en le couronnant d’une affabulation immortelle : Tout est mystère dans l’Amour, Ses flèches, son carquois, son flambeau, son enfance… Le dialogue de Louise Labé, dans la forme ou dans le goût de ceux de Lucien, de la fable de Psyché par Apulée, de l’Éloge de la Folie d’Érasme et du Cymbalum mundi de Bonaventure Des Periers, est un écrit plein de grâce, de finesse, et qui agrée surtout par les détails. […] A part ces légères inconvenances, le goût, même aujourd’hui, aurait peu à reprendre en ces deux ingénieuses plaidoiries.
Cela ne veut pas dire que la littérature, en tâchant avant tout d’exciter ce plaisir particulier qu’on appelle le plaisir esthétique, néglige ou dédaigne les données fournies par la réalité et les résultats acquis par le savoir humain ; elle est obligée d’en tenir compte, et suivant les temps, les genres littéraires, les goûts des individus, elle fait une part plus ou moins large au vrai et au vraisemblable. Cela ne veut pas dire non plus que la science, en s’efforçant de débrouiller le mystère qui nous enveloppe, fasse fi de l’ordre, de l’élégance, du bien dire, de tous les attraits que l’art prête à l’exposé des idées et des faits ; elle aussi, suivant les temps, les matières traitées et les goûts individuels, elle aspire plus ou moins à charmer, ne fût-ce que pour les tenir en éveil, les intelligences qu’elle veut avant tout éclairer. […] Il n’est pas jusqu’aux gens du monde dont la frivolité ne se pique de goût pour les sciences naturelles, et les grands amphithéâtres où l’on enseigne la physique et la chimie, devenus trop petits pour la foule qui s’y presse, voient avec surprise s’asseoir sur leurs bancs peu rembourrés l’élite de l’aristocratie féminine. […] L’appréciation des œuvres littéraires ou artistiques, qui est affaire de goût personnel, varie et ne peut cesser de varier d’un individu à un autre ; mais ce qui est affaire de science, pure question de fait, je veux dire l’analyse des caractères qui distinguent un ouvrage, le relevé des rapports qui l’unissent aux choses du même temps, voire même la connaissance des causes qui font varier d’une époque à l’autre le genre de beauté à la mode, tout cela s’élève lentement au-dessus de la discussion. […] Il m’a paru qu’il serait bon de faire cesser ces étroitesses de goût, ces dédains réciproques, ces prétentions exclusives auxquelles les programmes d’enseignement servent encore aujourd’hui de champ de bataille.
quel roi a répandu plus de bienfaits, a marqué plus de goût, s’est signalé par de plus beaux établissements ? […] Dites-moi, je vous prie, dans quelle cour Charles II puisa tant de politesse et tant de goût ? […] n’est-ce pas d’eux que votre sage Addison, l’homme de votre nation qui avait le goût le plus sûr, a tiré souvent ses excellentes critiques ? L’évêque Burnet avoue que ce goût, acquis en France par les courtisans de Charles II, réforma chez vous jusqu’à la chaire, malgré la différence de nos religions : tant la saine raison a partout d’empire ! […] » Croiriez-vous, Mylord, que Louis XIV a réformé le goût de la cour en plus d’un genre ?
Il s’y rencontrera pourtant des matières peu convenables à votre goût ; c’est à moi de les assaisonner, si je puis, en telle sorte qu’elles vous plaisent ; et c’est à vous de louer en cela mon intention, quand elle ne serait pas suivie de succès. […] Stendhal n’est pas très pittoresque, Stendhal a même des erreurs de goût, au point de vue du pittoresque, qui m’ont fait frémir. […] Donc, le goût pittoresque de Stendhal est très douteux ; mais Stendhal est incomparable lorsqu’il se met à causer avec son voisin de diligence, avec son voisin de bateau, avec l’homme qu’il rencontre en un café de Tours ou qu’il rencontre sur la place publique d’Orléans. Là on voit précisément l’homme qui fait, du voyage, une enquête sur l’humanité ; il se trompe quelquefois, quelquefois il a des réflexions, des idées générales qui ne sont pas du tout de mon goût, mais enfin il étudie les hommes. […] Le portrait de sa cousine Pidoux est intéressant surtout pour MlIe de La Fontaine, mais il est curieux parce qu’il est bien fait, gracieux, aimable, et puis, il est aussi curieux comme caractéristique des goûts de La Fontaine et de sa façon, je ne dirai pas de s’enamourer, mais enfin de commencer l’évolution d’un certain sentiment à l’égard d’une beauté.
Ce n’est pas un goût particulier à M. […] , qui a produit ce livre où il y a du talent souvent à dégoûter, mais c’est quelque chose de plus général qu’un goût ou une fantaisie individuelle. […] Elles n’étaient que de la fantaisie, — grossière, il est vrai, — la fantaisie d’un esprit sans goût, mais non pas sans calcul, qui bravait le dégoût et le rire et qui les inspirait tous les deux. […] Seulement la société, qu’il corrompt, pour sa part, autant qu’il le peut, a pris goût à ce livre. […] Émile Zola, du reste, convenait merveilleusement, de facultés et de goût, à cette besogne.
Vous me dites que je n’ai pas de goût. […] Le génie n’est autre chose que le goût en action, c’est-à-dire les trois puissances du goût portées à leur comble, et armées d’une puissance nouvelle et mystérieuse, la puissance d’exécution. […] Le goût sent, il juge, il discute, il analyse, mais il n’invente pas. […] Le goût se contente d’observer et d’admirer. […] Le goût juge de l’agréable et non du beau.
En chaque pays l’appétit va dans le sens du tempérament ; partant ici tout ce qui irrite et tend la fibre vivante flatte le goût du palais sentant. […] Qu’est-ce donc que ce Paris, ce public, ce goût qui façonne notre art contemporain ? […] Il n’y avait qu’un goût et qu’un art, il y en a vingt et de divers étages. […] L’auteur a, au plus haut degré, le tact et la divination historiques, le talent et le goût de l’expression délicatement précise. […] Deux routes différentes s’ouvraient devant lui ; ses aptitudes le tiraient d’un côté, et son goût le menait d’un autre.
On comprend donc que Platon n’aime ni les prêtres ni les Dieux et ait pour la mythologie et les mythologues aussi peu de goût que possible. […] Celui-là donc qui a été amoureux prendra et retiendra le goût de la beauté et il appliquera ce goût à tout ce qu’il y a de beau dans le monde. […] Il existe une vraie et une fausse peinture ; une vraie peinture, qui a le goût précisément du vrai concilié avec le goût du noble, et une fausse peinture, qui a le goût du fantasque ou du maniéré concilié quelquefois avec celui du grimaçant et du laid. […] — Mais ne vois-tu pas que si l’artiste songe à plaire, il ne s’inquiétera point de son goût à lui, mais du goût de ses concitoyens ? […] Et comme le goût de ses concitoyens est très mêlé, a du bon et du mauvais ; comme aussi il est très variable ; l’artiste d’une part devra mettre du bon et du mauvais dans son goût à lui, et d’autre part suivre l’humeur changeante de la foule, courir après ce qui s’appelle la mode, s’essouffler en cette poursuite.
Et c’est partout dans ce haut goût ; et M. […] Les hommes de goût diront oui, les hommes de bon sens répondent non. […] Courbet. — Ce qui me frappe le plus, c’est la défense du costume moderne contre les ridicules antipathies dont il est accueilli. — Les attaques contre le réalisme sont signalées comme prenant leur source dans le goût exclusif du noble, des nobles peintures et des nobles personnages, goût qui ne veut pas des paysans. — M. […] Et c’est partout dans ce haut goût ; et M. […] L’eau pure aussi, pour ceux qui l’aiment, a des teintes impalpables et des nuances de goût exquises, pour les autres elle est fade et incolore.
IV Maintenant que vous êtes bien avertis, feuilletons ensemble ce manuel des hommes de plaisir et des hommes de goût, semel decipiendum. […] excepté de vivre avec ce qu’on aime à l’ombre de son figuier. » Une fois ce parti pris, l’excellente éducation d’Horace et l’atticisme de ses goûts poétiques lui font trouver le plaisir fade et la licence nauséabonde s’il ne les assaisonne de grâce littéraire et de poésie raffinée ; il saisit au vol toutes, les circonstances de sa vie épicurienne dans ses odes amoureuses et tous les scandales du jour dans ses vers satiriques, pour les fixer par quelques petits chefs-d’œuvre qui courent la ville et qui donnent de la célébrité à son nom. […] En cela seul nous différons du tout au tout, dans le reste jumeaux en goût et en amitié. […] Cette société, réunie pour un voyage de plaisir, se composait d’Horace, de Mécène, d’Héliodore, littérateur grec de la plus haute renommée à Rome, et de quelques hommes de goût de la maison de Mécène. […] On ne reconnaît pas ici son bon goût attique dans la lubricité des images : le goût pur est dans l’âme pure.
Son âme vive, mais tempérée, avait des goûts, mais point de jalousie ; il ne demanda jamais compte à Juliette de ses préférences ; il ne chercha ni à l’arracher à l’amour, ni à l’entraîner à la dévotion ; son affection ne mêle pas à l’encens du monde l’odeur de l’encens des cathédrales ; c’est un gentilhomme, ce n’est point un mystique ; son amour ne rougissait pas d’aimer. […] Il ajoute au mal, mais il ne l’invente jamais ; aussi je crois que l’on perd sa réputation par sa faute. » Cette circonstance établit entre Juliette et M. de Chateaubriand des rapports de société ; ces rapports devinrent promptement passion dans l’âme passionnée du poète, goût et orgueil dans l’âme platonique de madame Récamier. […] Madame Récamier, soit par le goût naturel de piété qu’elle avait contracté au couvent dans son enfance, soit sous l’influence de son ami Mathieu de Montmorency, était très assidue tous les jours et de très grand matin aux offices religieux dans l’église de Saint-Thomas d’Aquin. […] La conversation y était aimable, souple, à demi-voix, un peu froide, d’un goût très pur, d’un ton de cour, rarement animée, mais d’une tiédeur toujours douce qui enseignait à bien écouter plus qu’à bien parler. […] Madame Récamier ne put sans doute ignorer toutes ces inconstances de goût qui ne furent peut-être pas des inconstances de cœur ; nous croyons, sans oser l’affirmer, que le chagrin qu’elle dut en ressentir explique seul son éloignement de Paris et son second voyage à Rome, à l’époque la plus triomphante du séjour de M. de Chateaubriand à Paris.
» V Soit par cet instinct amoureux de la beauté des formes, soit par cet autre instinct d’éterniser ce qui est beau, soit par un goût plus physique et plus grossier pour le marbre, soit encore par cette espèce d’attrait irréfléchi et mécanique qui porte l’homme rêveur à s’asseoir auprès des ouvriers qui bâtissent un mur ou qui taillent la pierre, à rester en silence des heures entières à les regarder, et à écouter avec un ravissement indolent les coups du marteau cadencé sur la pierre musicale, l’atelier d’un sculpteur qui s’appelle Phidias, Michel-Ange, Canova, Pradier, David, Jouffroy, Préault, Salomon, n’importe ; l’atelier, dis-je, d’un sculpteur a toujours été pour moi un lieu de repos, d’attrait, de pensée ; Socrate, le plus spiritualiste des hommes, avait le même goût : il aimait à causer des choses invisibles, assis sur un bloc encore fruste de marbre pentélique, dans l’atelier de Phidias ; la poussière du marbre l’enivrait d’immortalité, la sonorité du bloc accompagnait mélodieusement ses entretiens. […] XIV C’est là que mon goût naturel pour la sculpture se développa dans l’intimité de Canova. Ce goût acheva de se passionner plus encore, quelques années après, devant les œuvres plus grandioses de Michel-Ange à Florence. […] XXIII Après le déjeuner tu passes le reste du jour à visiter tes châtaigniers battus du vent chaud, dont les fruits tombent d’eux-mêmes à tes pieds, l’écorce fendue, comme pour te montrer la belle couleur appétissante de leur seconde enveloppe à faire cuire sous la cendre après ton souper : Castaneæque molles mea quas Amaryllis amabat ; tes étables, tes champs déjà ensemencés pour l’hiver prochain, tes vignes où les vendangeurs ont laissé çà et là quelques grappes transparentes que tu égrènes en passant, et auxquelles tu trouves le goût des belles grappes de Samos ! […] « Ces représentations, dont, à défaut d’autres monuments, nous retrouvons l’image sur des monnaies et des pierres gravées, contrastent avec les formes élégantes que ces mêmes hommes avaient su donner à leurs vases et avec le raffinement de leur goût en fait de luxe.
Mais aujourd’hui, il serait niais de discuter, de répondre, de se défendre, à propos d’art, quand cinquante sifflets d’omnibus écrasent tous les soirs une pièce que la salle veut écouter, quand une petite fraction des écoles22 couvre de la tyrannie de son goût et de la révolte de ses pudeurs les applaudissements des loges, de l’orchestre, des femmes de la société, des hommes du monde, du public élégant, intelligent et lettré de Paris. […] Il nous reste à faire un appel à l’opinion, à cette grande majorité de spectateurs qui a applaudi Henriette Maréchal, à tout ce monde d’hommes et de femmes du Paris intelligent et lettré qui ne veut pas que la tyrannie de la politique ou l’exagération de la morale touche à ses plaisirs, à ses goûts, à ses sympathies. […] Dussent certains esprits, complaisants aux douceurs d’une amitié pure, s’irriter parce que nous préférons Carmosine à Henriette, nous ne nous attacherons pas à discuter leurs goûts. […] Bien des années après, sous Louis XIV, dans une autre patrie de l’intelligence et du goût, le théâtre est encore presque toute la littérature ; mais peut-être déjà, en ce xviie siècle, quelque gourmet de belles-lettres néglige, un soir, de se rendre à une comédie de Molière, pour lire au coin de son feu, les Caractères de La Bruyère. […] Quand en 1851, dans mon premier livre, je témoignais mon admiration pour l’art japonais et que je me permettais de dire que l’art industriel de ce pays était supérieur à l’article Paris, un journaliste a demandé que je fusse enfermé à Charenton comme coupable de mauvais goût ; aujourd’hui je crois que ledit journaliste a plus de chance d’y être mené que moi par le goût public.
Jamais œuvre ne vint plus à propos, ne répondit mieux aux besoins du public et ne s’adapta plus exactement aux goûts du siècle. […] L’analyse rapide de quelques romans qui eurent de la vogue, sera la meilleure manière de donner une idée des goûts du public. […] Ossian avait mis l’Écosse à la mode et l’on parlait de la Grèce dont on rapportait à Paris les statues dérobées en Italie par Bonaparte ; le nombre considérable de voyages pittoresques, scientifiques et de découvertes publiées à l’époque indiquait clairement le goût du public. […] Les romantiques, qui sont les domestiques chargés de satisfaire les goûts intellectuels de la classe régnante et payante, prétendirent ne peindre dans leurs chefs-d’œuvre que « l’homme de tous les temps », « que les passions de l’être humain invariable à travers les siècles ». […] L’anecdote suivante est typique : La richissime Mme Mackay, qui débuta comme servante dans un bar d’une des villes minières du Colorado, ayant commandé, pour une somme fabuleuse, son portrait à Meissonier, et ne le trouvant pas à son goût, — le consciencieux artiste avait fait ressemblant, — l’accrocha dans son cabinet d’aisance.
Marinette n’a nul goût pour la dispute, mais qu’on l’y pousse, le beau carnage, le savoureux butin ! […] Si je choisis celui-ci : « De mon temps, Monsieur, on n’avait pas de goût », c’est parce qu’il porte la marque du meilleur ascétisme français. Un Ingres, un Corot, un Degas réservent tout leur goût pour leurs tableaux : ils ne l’exercent qu’à l’intérieur du cadre. […] Manquer de goût à force d’en avoir, — le cas des Goncourt nous apprend que pareille anomalie peut se produire : lorsqu’il est tout entier jouissance, le goût en matière d’art fausse parfois le tact en matière de style. […] Je ne prendrai rien dont je ne sache à plein ce que c’est et ce que ce n’est pas… Goût de la pureté, comme on dit que le vin est pur quand il n’y a point d’eau dedans, goût de ce qui n’a qu’un goût, et qu’une odeur, et qu’une couleur toute seule.
Comme Duclos, après avoir donné ses Considérations sur les mœurs où il avait oublié de parler des femmes et où il avait à peine prononcé leur nom62, voulut réparer cette omission singulière en publiant l’année suivante (1751), sous le titre de Mémoires pour servir à l’histoire des mœurs du xviiie siècle, une espèce de répétition de ses Confessions du comte de…, Voltaire qui trouvait ce genre de romans détestable, et qui voyait dans ceux de Duclos une preuve de plus de la décadence du goût, écrivait : « Ils sont d’un homme qui est en place (dans la place d’historiographe), et qui par là est supérieur à sa matière. […] La relation de Duclos est d’un genre particulier et a mérité l’estime des voyageurs : n’y cherchez pas ce qui est dans de Brosses, le sentiment des arts, la grâce et la fertilité du goût, tout ce qui est des muses ; mais sur les hommes, sur les mœurs, sur les gouvernements, Duclos a de bonnes observations et s’y montre à chaque pas sensé, modéré, éclairé. […] La campagne seule, quand on est assez heureux pour en prendre le goût, dédommage de notre grande capitale.
On dit volontiers du mal de la rhétorique, et à moi-même cela a pu m’arriver quelquefois : pourtant dans ces genres officiels et où la cérémonie entre pour quelque chose, dans ces sujets que l’on ne choisit pas et que l’on ne va point chercher par goût, mais qui sont échus par le sort et imposés avec les devoirs d’une charge, il y a un art, une méthode et des procédés de composition qui soutiennent et qui ne sont nullement à dédaigner ; si on peut les dénoncer et les blâmer par instants en les voyant trop paraître, on souffre encore plus lorsqu’ils sont absents et qu’au lieu d’un orateur on n’a plus devant soi qu’un narrateur inégal, à la merci de son sujet, avec tous les hasards de la superfluité ou de la sécheresse. […] À ces juges impétueux et qui sont sujets à secouer du geste la balance, il y aurait, s’ils daignaient écouter, à opposer maint passage excellent de ton, irréprochable de pensée et de goût : tel est, dans l’Éloge de M. de Lassone, ce morceau exquis sur Fontenelle et que peu de personnes ont lu, car l’Éloge de Lassone n’a pas même été recueilli dans les Œuvres de Vicq d’Azyr : Plusieurs médecins, dit-il, se sont vantés d’avoir compté Fontenelle parmi leurs malades, quoique ce philosophe si paisible et qui a vécu si longtemps n’ait dû que rarement avoir besoin des secours de notre art : M. de Lassone se félicitait seulement de l’avoir eu pour protecteur dans sa jeunesse, et pour ami dans un âge plus avancé. […] Fidèle à ces principes, suivez votre goût pour les lettres, et vous obtiendrez des gens de bien une sanction sans laquelle les plus grands talents n’ont rien qui soit digne d’être envié. » Certes, celui qui fait ainsi parler les grands esprits, et qui met dans leur bouche un sens si juste avec des paroles si complètes, est lui-même de leur postérité à bien des égards, et, si on ne le cite qu’au second rang, il ne fait pas d’injure au premier.
Dans le peu qu’on lit d’elle, il y a une netteté, une finesse, une correction élégante, une urbanité naturelle, qui mettent en goût le lecteur délicat. […] Si j’osais me permettre aujourd’hui une espèce de jugement sur une société à jamais regrettable, dont j’ai été, et dont l’auteur des Mémoires veut bien m’assurer que j’aurais pu être encore davantage, je dirais qu’en admettant qu’il y eût péril et inconvénient par quelque endroit dans ce monde gracieux, ce n’était pas du côté du goût ; il s’y maintenait pur, dans sa simplicité et sa finesse ; il s’y nourrissait de la fleur des choses : s’il y avait un danger à craindre, c’était le trop de complaisance et de charité ; la vérité en souffrait. Où ne s’y gâtait pas le goût, on le perfectionnait plutôt ; on l’aiguisait ainsi que le tact : on s’amollissait un peu le caractère.
J’ai entrepris une tâche plus difficile qu’il ne semble et qui est peut-être prématurée ; j’essaye d’appliquer l’étude critique littéraire, le goût de la littérature pure et simple, cette curiosité libre et heureuse, bienveillante et innocente, à quelque chose et à quelqu’un qui n’est pas de cette nature-là, à un combattant énergique, ardent, tour à tour blessant et blessé, qui est encore tout palpitant, tout saignant et outrageux, étendu sur l’arène. […] Je n’ai goût ni mission de le défendre ; mais enfin il a moins raison contre lui qu’il ne croit. […] Il est en diligence avec deux de ces Messieurs catholiques ou néo-catholiques, qui sont bien décidés à se moquer des progrès du siècle en sa personne ; il s'aperçoit qu’ils ne sont pas du même bord que lui : « Vous êtes comme cela, dit-il, je suis autrement ; chacun ses goûts, chacun ses opinions. » Mais ce bourgeois est plus tolérant que vous, qui n’êtes occupés qu’à le draper, à le mépriser.
. — Que s’ils y ajoutaient encore, avec l’instinct et l’intelligence des hautes origines historiques, du génie des races et des langues, le sentiment littéraire et poétique dans toute sa sève et sa première fleur, le goût et la connaissance directe des puissantes œuvres de l’imagination humaine primitive, la lecture d’Homère ou des grands poèmes indiens (je montre exprès toutes les cimes), que leur manquerait-il enfin ? […] Biot : cet homme si distingué n’avait point acquis, même avec les années, ce je ne sais quoi de ferme, de puissant dans la parole, de digne et de majestueux dans l’aspect, qui commande et qui impose, qui confirme au dehors l’autorité de la science, et la personnifie aux yeux de tous dans un de ses grands représentants, — ce qui faisait qu’on écoutait avec tant de respect et de silence un Cuvier, un Arago (malgré ses fautes de goût), et qu’on écoute aujourd’hui avec tant d’intérêt un Dumas. […] Mais il revenait quelquefois, il réagissait contre son goût et son humeur, et son second mouvement était alors de profiter, à son tour, de ces documents nouveaux pour pousser plus avant lui-même l’étude des savants illustres.
Malgré son Gœtz de Berlichingen, Gœthe n’était point par goût et par choix dans le sens et l’esprit du moyen âge ; il n’aimait aucunement, même dans le mirage du lointain, la barbarie ni rien de ce qui y ressemblait : « De cette ancienne et ténébreuse Allemagne, disait-il un jour à propos d’une production de La Motte-Fouqué, il y a pour nous à tirer aussi peu que des chants serbes et des autres poésies barbares du même genre. […] Mais pour moi, qui ne suis pas une nature guerrière, qui n’ai aucun goût pour la guerre, les chants guerriers n’auraient été qu’un masque qui se serait fort mal appliqué sur mon visage. […] Mais de plus, par suite de cette agitation continuelle de l’âme, conséquence de ses goûts révolutionnaires, il n’a pas permis à son talent de prendre son complet développement.
On en est aux superfluités ; Madeleine passe en revue ses goûts variés et donne ses ordres. […] Après l’odorat vient la bouche et le goût qu’il faut flatter : elle recherche toutes les friandises et les délicatesses du manger : elle les aura. […] Ce n’est pas eux qui provoqueraient l’impatience et la sévérité du goût par des comparaisons trop ambitieuses ; ils vont au-devant de la critique par l’impartialité de leurs aveux.
Il avait un goût vif pour les lettres ; il prit grand plaisir de bonne heure à voir les représentations de celui qu’il appelait « le grand Lope de Rueda », batteur d’or de son métier, fameux acteur et auteur de pastorales qui se jouaient avec une extrême simplicité sur des tréteaux. […] L’année suivante ou cette année même, il s’attachait à la personne d’Aquaviva, bientôt cardinal, qui avait été envoyé par le pape à Madrid comme légat extraordinaire, et qui apparemment avait du goût pour les lettres et pour ceux qui les cultivent. […] Son séjour en Portugal l’initia de près à la connaissance de la littérature portugaise, veuve à peine de son Camoëns et hier encore si florissante ; il y prit goût, et son premier ouvrage, de forme pastorale, la Galatée, s’en ressentit (1584).
Le goût peut n’en point souffrir, il peut même s’y raffiner et s’y aiguiser, et on le vit bien pour l’abbé de Périgord. […] Le goût du jeu s’est répandu d’une manière même importune dans la société. […] Une manière sentencieuse, une politesse froide, un air d’examen, voilà ce qui formait une défense autour de lui dans son rôle diplomatique. » Mais dans l’intérieur et l’intimité le masque tombait ou avait l’air de tomber tout à fait : il était alors charmant, familier, d’une grâce caressante, aux petits soins pour plaire, « se faisant amusant pour être amusé. » Son goût le plus vif semblait être celui de la conversation avec des esprits faits pour l’entendre, et il aimait à la prolonger jusque bien avant dans la nuit.
Sans doute les jeunes gens affichent des snobismes diversement écœurants, mais je crois sincère leur goût de Verlaine. […] IV La mort de l’illustre poète Leconte de Lisle serait un prétexte suffisant à dire le goût qu’on a de son œuvre, à analyser son génie, à citer les plus violentes de ses boutades. […] Si aujourd’hui j’ai plus de goût à parler de Duranty, pourquoi dois-je m’attaquer à l’auteur des Poèmes tragiques ?
Qui songerait à exclure de la littérature les ouvrages de Buffon, les lettres de Mme de Sévigné, la Physiologie du goût de Brillat-Savarin ? […] Même analyse à faire pour le goût et l’odorat. […] D’autres, il est vrai, par prudence ou par goût du mystère, se voilent à demi, usent de réticences, veulent être devinés : du nombre sont Rabelais et Fontenelle.
Mme Récamier les connaissait tous et en parlait très bien ; celui qui aurait voulu en écrire avec goût aurait dû en causer auparavant avec elle ; mais aucun ne devait ressembler au sien. […] Quand Mme Récamier vit s’avancer l’heure où la beauté baisse et pâlit, elle fit ce que bien peu de femmes savent faire : elle ne lutta point ; elle accepta avec goût les premières marques du temps. […] Dans ses souvenirs elle choisissait de préférence un trait fin, un mot aimable ou gai, une situation piquante, et négligeait le reste ; elle se souvenait avec goût.
Très jeune, M. de Rémusat s’est pris d’un goût vif pour les questions philosophiques et métaphysiques, et pour cette escrime déliée qui semble tenir à la qualité même de l’intelligence. […] Ses autres goûts et ses distractions de journaliste politique, puis de conseiller ministériel, de ministre, d’homme parlementaire, de libre écrivain littéraire et dramatique, l’avaient retenu à l’état de spectateur et de juge : ce n’est que dans ses dernières années qu’il a franchi le pas et qu’il a pris ses lettres de maîtrise46. […] Rester en France, y rentrer du moins dès qu’on le peut honorablement, et, pour cela, désirer simplement y revenir, y achever ou y entreprendre de ces œuvres d’esprit desquelles la politique distrait trop souvent et sans compensation suffisante ; s’adresser dans ces nobles études à la société française, qui est toujours prête à vous entendre, et jamais à cette métaphore changeante qu’on appelle le peuple français ; ne pas mêler à ces œuvres plus ou moins sérieuses ou agréables de ces traits qui ne sont là qu’à titre d’épigramme ou d’ironie, et pour constater qu’on est un vaincu ; s’élever sur les faits accomplis d’hier à un jugement historique, et par conséquent grave et respectueux ; tirer parti avec franchise, et sans arrière-pensée, d’une société pacifiée, mais tout industrielle et matérielle, pour y relever, avec un redoublement de zèle et avec une certaine appropriation au temps présent, les goûts de l’esprit, de la vérité littéraire et historique sous ses mille formes, de tout ce qui n’est incompatible avec un gouvernement ferme que s’il s’y mêle des idées hostiles.
Je suis persuadé que cette sorte d’éloquence aura plus d’éclat, plus de mouvement, plus de puissance, que n’en a jamais eu l’éloquence analogue, chez les Grecs, chez les Romains, chez les Anglais : il y a, dans la contexture et le génie de la langue française, une raison invincible, une logique nécessaire, une clarté constitutive, un sentiment de goût et de convenance, qui apportent peut-être quelques obstacles à la passion désordonnée, mais qui contiennent l’enthousiasme sur les limites où il deviendrait vertige, et qui doivent être très favorables à la discussion calme, solennelle, animée. […] Le goût, qui n’est autre chose que le tact des convenances, suffit pour achever de détruire les derniers vestiges de cette idolâtrie de l’imagination ; et la langue française, docile surtout aux règles du goût, commence à refuser son appui à de telles divinités.
Au xive et au xve siècle, le Roman de la Rose et le goût que ce poème a mis à la mode règnent toujours. […] Tous les siècles n’ont pas un même goût… Pour moi, je confesse librement que je suis très marri de n’avoir été sage quand je le devais et pouvais être ; mais le regret en est hors de saison. […] Pour moi, il y a longtemps que je sais que vous êtes l’un de ses adorateurs : le séjour qu’il a fait en Avignon vous donna l’honneur de le connaître ; sa vertu vous en imprima la révérence : je m’assure que ce qu’il a fait depuis ne vous aura point changé le goût. […] Aimons ceux qui nous aiment ; pour les autres, si nous ne sommes à leur goût, il n’est pas raisonnable qu’ils soient au nôtre ; mais aussi en faut-il demeurer là. […] Il accordait à Racan de traiter en vers un sujet fort laid, fort ignoble, une polissonnerie de page ; sa morale et son goût ne s’en effarouchaient pas.
Votre goût français, toujours mesuré, se révolte contre ces crises d’affectation, contre ces mièvreries maladives. […] Voici les conseils de ce goût public, d’autant plus puissants qu’ils s’accordaient avec son inclination naturelle, et le poussaient dans son propre sens : « Soyez moral. […] Votre génie d’observateur et votre goût pour les détails s’exerceront sur les scènes de la vie domestique : vous excellerez à peindre un coin du feu, une causerie de famille, des enfants sur les genoux de leur mère, un mari qui le soir veille à la lampe près de sa femme endormie, le cœur rempli de joie et de courage, parce qu’il sent qu’il travaille pour les siens. […] Si vous lui donnez le goût de l’eau-de-vie, ce sera gratuitement ; dans le tempérament que vous lui prêtez, rien ne l’exige : il est si enfoncé dans la tartuferie, dans la douceur, dans le beau style, dans les phrases littéraires, dans la moralité tendre, que le reste de sa nature a disparu : c’est un masque et ce n’est plus un homme. […] L’esprit pratique, comme l’esprit moral, est anglais ; à force de commercer, de travailler et de se gouverner, ce peuple a pris le goût et le talent des affaires ; c’est pourquoi ils nous regardent comme des enfants et des fous.
Il faut prendre garde, par dédain pour l’excès, de ne pas voir le goût raisonnable qui l’a précédé. C’est même la partie solide de la gloire des écrivains à la mode, d’avoir contenté le goût raisonnable, avant de se mettre au service de l’excès. […] C’est par cette supériorité dans l’analyse des caractères, outre la tendresse de cœur qui lui était propre, et le goût du temps qui l’y poussait, que Racine a donné une si grande part aux femmes dans son théâtre. […] Voilà ce que Racine appelait modestement se conformer au goût des anciens. […] Je les compare à ceux qu’un goût opposé, et également exclusif, pour la pureté du langage, fâche contre Corneille, et qui sont près de lui faire un crime d’avoir laissé quelque chose à perfectionner, et de n’être pas à la fois Corneille et Racine.
Certes il conserve encore des traces du déplorable goût poétique qui sévit au XVIIIe siècle. […] Chateaubriand avait un certain goût pompeux et affecté qui gâte en maint endroit ses nobles ouvrages. […] Le souci du confort n’empêche pas le goût de l’élégance. […] Ils nous renseignent sur les goûts, les usages, les façons des époques voisines, éloignées ou lointaines. […] M. de Gourmont signale aussi comme préoccupations complémentaires le goût du bizarre et l’antinatura lis me.
Je remarque principalement l’envie qu’il a de faire rire, et j’applaudis à cette question, si remplie de goût, que lui fit Préville après la pièce : Qui de nous deux était le comique ? […] Il est bien surprenant qu’aucun homme de goût ne se soit pas élevé contre la bande de papier qui cachète la boîte d’or dans laquelle cette lettre est renfermée. […] Ferme, appuyez, messieurs les gens de goût. […] Peut-être servirait-on l’art, le goût et les jeunes comédiens, en faisant représenter de temps en temps, sur tous les théâtres, L’Impromptu de Versailles. […] La multitude rit à la vérité, mais les gens de goût haussent les épaules.
» S’il n’écoutait que ses préférences et se croyait libre de suivre son goût, il est bien probable que M. […] On nous dit que sa conversation trahissait le goût de l’obscénité. […] Il n’y trouve rien qui ne soit en contradiction avec ses goûts. […] C’est un retour au jugement de goût. […] Cette renommée a été l’œuvre des représentants autorisés de l’art, du goût et de la morale.
À cela il a été répondu, moins comme contradiction directe à ce que ces éloges avaient, liitérairement, de mérité, que comme correctif et au point de vue où la commission avait à juger l’ouvrage, qu’il ne paraissait point du tout certain que la peinture fidèle de ce vilain monde fût d’un effet moral aussi assuré ; que le personnage même le plus odieux de la pièce avait encore bien du charme ; que le personnage même le plus honnête, et qui fait le rôle de réparateur, était bien mêlé aux autres et en tenait encore pour la conduite et pour le ton ; que le goût du spectateur n’est pas toujours sain, que la curiosité est parfois singulière dans ses caprices, qu’on aime quelquefois à vérifier le mal qu’on vient de voir si spirituellement retracé et si vivant ; que, dans les ouvrages déjà anciens, ces sortes de peintures refroidies n’ont sans doute aucun inconvénient, et que ce n’est plus qu’un tableau de mœurs, mais que l’image très vive et très à nu, et en même temps si amusante, des vices contemporains, court risque de toucher autrement qu’il ne faudrait, et qu’il en peut sortir une contagion subtile, si un large courant de verve purifiante et saine ne circule à côté. […] La commission, en terminant un travail qui, cette année comme la précédente, est resté sans fruit, ne se hasarderait pas toutefois à exprimer ce vœu, monsieur le ministre, si elle ne sentait qu’elle va en cela au-devant de vos désirs, et si elle ne confiait l’idée à votre goût.
Dans cette sorte de goût, il n’y a de naturel que ses plaisirs. […] Toutes les époques de la vie sont également propres à ce genre de bonheur ; d’abord, parce qu’il est assez démontré par l’expérience, que quand on exerce constamment son esprit, on peut espérer d’en prolonger la force ; et parce que, dut-on ne pas y parvenir, les facultés intellectuelles baissent en même-temps que le goût qui sert à les mesurer, et ne laissent à l’homme aucun juge intérieur de son propre affaiblissement.
Le roi, à peine arrivé, et pendant que l’orgueil de madame de Montespan était au plus haut degré d’exaltation, prit du goût pour la comtesse de Ludres, qui était attachée au service de Madame. […] Madame de Caylus dit qu’elle avait pour elle le goût et l’habitude du roi ; c’est-à-dire sa familiarité.
Mais c’est précisément par la variété & le charme inexprimable de son style, que ce Poëte mérite, de l’aveu de tous les gens de goût, d’être placé parmi les Ecrivains du premier ordre. […] Marmontel, qui juge quelquefois sainement des grands Maîtres, dit, en parlant de Lafontaine, que nous n’avons pas de Poëte plus riant, plus fécond, plus varié, plus gracieux, & plus SUBLIME ; il recommande la lecture de ses Fables aux jeunes Poëtes, pour en étudier la versification & le style ; où les Pédans, ajoute-t-il, n’ont su relever que des négligences, & dont les beautés ravissent les hommes de l’Art les plus exercés & les hommes de goût les plus délicats * .
On a beau dire, pour l’excuser, qu’il falloit se prêter au goût de la Nation pour la galanterie ; l’Homme de génie ne reçoit des loix que du génie même, ou plutôt il se sert des ressources de son génie, pour tout rappeler aux vrais principes. […] Il ne dut ses progrès dans la Poésie qu’à l’étude des Auteurs Grecs & Latins, qu’il commença par traduire & apprendre par cœur, afin de se former le goût en se nourrissant de leur substance.
À cela près, la fable est très-bonne, quoiqu’un goût sévère critiquât peut-être comme trop familiers et voisins du bas ces deux vers : V. 13. […] Peut-être était-il d’un goût plus sévère de s’arrêter là et de ne pas ajouter les vers suivans, qui n’enchérissent en rien sur la pensée.
J’ai connu un jeune homme plein de goût qui avant de jeter le moindre trait sur sa toile, se mettait à genoux et disait, Mon Dieu, délivrez-moi du modèle. S’il est si rare aujourd’hui de voir un tableau composé d’un certain nombre de figures sans y retrouver par-ci par-là quelques-unes de ces figures, positions, actions, attitudes académiques qui déplaisent à la mort à un homme de goût, et qui ne peuvent en imposer qu’à ceux à qui la vérité est étrangère, accusez-en l’éternelle étude du modèle de l’école.
Plus on a de goût et de vrai goût, plus on regarde ce cardinal.
Très-beau petit tableau, je me trompe, grand et beau tableau, belle composition, bien simple, mais quel goût il faut avoir pour l’apprécier ! […] Il y a des connaisseurs d’un goût difficile qui prétendent que ce faire est faux, sans aucun modèle approché dans la nature.
Mais, comme les plus gracieux convolvulus peuvent jeter leurs clochettes d’argent et d’azur sur les toits de chaume ou d’argile, comme les chèvrefeuilles peuvent tordre leurs couleuvres de fleurs autour d’un tronc mort et rabougri, M. de Lavigne, avec beaucoup de goût et d’adresse, a caché les indigences de son auteur sous les élégances d’une traduction faite avec un soin plus que pieux… On le concevrait le lendemain de la tentative d’Avellaneda, quand, dans l’air qu’avaient traversé les types de Cervantes, brûlaient encore les flammes de son inspiration. […] C’est un fou sans placidité, sans excuse majeure et touchante de sa folie, sans les longues et sereines intermittences de raison, d’esprit, de goût, de politesse et de grandes manières qui rendent le héros de Cervantes le plus aimable et le plus respectable des gentilshommes.
sont du meilleur goût de langue et de poésie, et semblent appartenir à l’âge de Catulle et d’Horace. […] Quelques parties conservent une grâce antique : le reste a pris le faux goût de chaque mode passagère, et contracté les vices du temps.
. — Son goût pour la démonstration. — Son goût pour les développements. […] Cette comparaison, empruntée à Swift, est une moquerie dans le goût de Swift. […] Il avait engagé Parr à suspendre les travaux qu’il poursuivait dans la sombre et profonde mine d’où il avait tiré un si vaste trésor d’érudition, trésor trop souvent enseveli dans la terre, trop souvent étalé avec ostentation, sans jugement et sans goût, mais cependant précieux, massif et splendide. […] En quittant le récit des grandes affaires, on voit volontiers les goûts hollandais du roi Guillaume, le musée chinois, les grottes, les labyrinthes, les volières, les étangs, les parterres géométriques, dont il enlaidit Hampton-Court. […] Il n’était poussé ni par une haine héréditaire, ni par un intérêt privé ; il était homme de goût, poli et aimable.
Dire que ce besoin est précisément le goût artistique, c’est dire que le café ou le tabac sont aimés parce qu’ils satisfont le goût que l’homme a pour le café ou le tabac. […] Jadis on avait imaginé un goût en soi, un goût absolu qu’on adorait dans un temple. […] Henri IV avait des goûts sauvages. […] On devrait imprimer son portrait avec sa consultation autour, colorié dans le goût d’Epinal. […] La femme n’a aucun goût pour l’émancipation.
Il accrut son goût de la justesse recherchée et frappante. […] Ce critique a, comme certains politiques, le goût de l’impopularité. […] Son goût de la régularité parfaite nous joue ou peut-être lui joue de ces tours. Sa passion en joue d’autres et aussi son goût du paradoxe, par lequel il est d’ailleurs si intéressant. […] C’est affaire de goût et de tempérament.
La foi de l’auteur, la noblesse de son genre, et la pureté de son goût, lui ont peu permis d’associer les agents divins du paganisme à ceux de la chrétienté. […] Notre goût se montra plus juste envers la merveille de Milton que celui de sa patrie. […] Si c’est un péché de croire qu’il est excellent sous ce point de vue, au lieu de se rétracter, bien des gens de goût mourront dans l’impénitence finale. […] Puisse l’ouvrage salutaire de Fénelon, qui se nourrissait du miel attique le plus pur, nous détourner, en nous inspirant son goût, de chanter ces passions fatales ! […] Bientôt l’harmonie des consonances leur échappera, cessera d’être accentuée avec justesse ; et, dans les deux cas, fléchira sous les impressions d’un goût arbitraire.
Avait-il déjà eu quelque goût d’hellénisme étant écolier, au gymnase ? […] Un goût de quelque chose de nouveau et de nature à étonner un peu le philistin a toujours été chez Nietzsche. […] Leur pensée, leur sentiment, leur jugement, leur goût ne comptent pas. […] Tout esprit distingué, qui a un goût distingué, choisit ainsi ses auditeurs lorsqu’il veut se communiquer. […] Il n’a plus, une fois les civilisations établies et assises, le besoin de combattre tous les jours contre les fauves ou contre les hommes ; mais il a gardé le goût du combat ; et à l’exercice de ce goût il a matière tous les jours.
D’autres sont plus récents : on ne s’étonnera pas s’ils portent la trace de sentiments et de goûts nouveaux. […] Ils gardent pieusement les traditions de l’ancien goût français : un peu pareils, hélas ! […] France, en réalité, qui nous a communiqué l’habitude et le goût de ce scepticisme : ni M. […] Il en juge arbitrairement, selon son goût et son caractère, à son idée, en artiste enfin. […] Le goût de la nouveauté s’en est allé en même temps.
Le goût de chaque lecteur, c’est-à-dire personne. […] D’abord, je ne suis pas de force à égorger une victime de cette taille ; ensuite, je n’en aurais pas le goût. […] Pictet les goûts contre lesquels tu déclames. […] Il en est qui ont choqué nos convictions, nos goûts, nos sympathies. […] Il a paru quelquefois avoir des goûts de parvenu : il n’avait au fond que des goûts d’artiste.
Cette tâche demande assurément de l’esprit, du goût, de la sensibilité. […] L’imagination et le goût sont deux mérites bien différents, que l’on ne voit pas toujours réunis : peut-être un goût très difficile entrave-t-il une imagination fougueuse et qui a plus d’entrain que de finesse attentive. […] Facile audace, faute de goût ! […] » car c’est le rite et l’on a le goût des cérémonies bien menées. […] Ils ont pourtant fait ce qu’ils s’étaient promis de faire : ils ont modifié le goût public.
Il manque à cette galerie La Bruyère et Saint-Simon ; mais le goût dédaigneux de M. […] Je ne parle pas des bévues dont le goût seul peut s’affliger. […] Guizot montre clairement que Shakespeare, en écrivant ses histoires, suivait le goût de la foule plutôt que son goût personnel, et n’a donné la mesure complète de son génie que dans ses œuvres tragiques. […] En ménageant si résolument le trésor qu’il possédait, il n’a fait preuve ni de goût ni de hardiesse. […] n’est-elle pas vêtue selon son goût ?
Anatole France s’y montre l’ardent défenseur du pur goût classique. […] Ce sont des pages d’un robuste bon sens, d’un grand goût classique et d’un belliqueux entrain qui font à M. […] Avant tout, elle a le goût de l’action. […] Elle verra ensuite « s’il lui reste du goût pour Bergson, pour le P. […] Son vieux cousin n’avait jamais eu de goût que pour les ouvrages d’un renanisme facile.
Le premier de ces obstacles, c’est son goût de l’élégance mondaine. Ce goût lui est aussi naturel que l’amour du bien. […] C’est que le goût du luxe et de l’élégance est peu conciliable avec celui de la vertu. […] Notez que, mis en goût par son premier mea culpa, M. […] Très éclectique dans ses goûts, il pourra aimer la corruption de Baudelaire sans être corrompu et estimera M.
Toujours ceux-ci furent distingués, dès leur apparition, par quelques gens de goût. Le public n’a pas « suivi » tout de suite, mais ces gens de goût ont passé la consigne aux générations nouvelles, et celles-ci alors ont compris. […] Aristocrate de goûts, de talent, d’esprit, combien l’était France ! […] Toute volupté a un goût de cendres. […] Pour gagner de grandes batailles, il faut avoir le goût du risque.
On sait le goût de notre époque pour cette sorte de publications. […] J’avoue éprouver un goût très vif pour cette sorte d’étude, quand elle est réussie. […] Le goût ! […] Car le goût n’est pas seulement une vertu de l’intelligence. […] Cette affirmation de ses goûts, de ses désirs, de ses élans individuels conduit un Barrès à mieux se connaître.
. — Le goût n’a qu’une autorité relative. […] Entre autres choses, ce talent contient le goût des contrastes. […] L’auteur nous déclare qu’il ne se soucie pas de nous, qu’il n’a pas besoin d’être compris ni approuvé, qu’il pense et s’amuse tout seul, et que si son goût et ses idées nous déplaisent, nous n’avons qu’à décamper. […] Il n’a pas de goût pour l’histoire aventureuse. […] De là vient encore qu’il n’a point de goût pour la littérature française.
Il a dit le remarquable marchand de bonheur qu’il ferait ; assurant qu’il savait très bien le bonheur qu’il fallait à chaque homme, après l’avoir interrogé sur son tempérament, ses goûts, son milieu. […] Mardi 19 mai Chez un individu qui a le goût de l’art, ce goût n’est pas limité seulement aux tableaux ; il a le goût d’une porcelaine, d’une reliure, d’une ciselure, de n’importe quoi, qui est de l’art ; j’irai même jusqu’à dire qu’il a le goût de la nuance d’un pantalon, et le monsieur qui se proclame uniquement amateur de tableaux et jouisseur d’art seulement en peinture, est un blagueur qui n’a pas le goût d’art en lui, mais s’est donné par chic un goût factice. […] Maintenant du naturalisme, j’ai été le premier à en sortir, et non par l’incitation d’un succès dans un autre genre à côté de moi, mais par ce goût du neuf en littérature qui est en moi. […] Samedi 5 décembre Un viveur du grand monde parisien déclarait devant moi, qu’il n’aimait que les filles, et il les exaltait en disant, que ces créatures sorties du trou aux vaches, arrivent à être les maîtresses du goût et de la mode de Paris, et cela par une admirable diplomatie et la plus savante conduite de la vie, sachant qu’elles perdent leur position, rencontrées un maquereau au bras, ou une robe canaille sur le dos.
L’auteur avoit beaucoup de discernement pour la critique, & de goût pour la littérature. […] Un goût si vif annonçoit ce qu’il devoit-être un jour. […] Zosime Procope, Agathias, auteurs grecs, se sentent de la décadence que le goût avoit éprouvé dans leur siécle. […] Ce livre vous donnera du goût pour l’histoire de cette Monarchie. Les faits principaux y sont ramassés avec beaucoup de goût & d’exactitude, présentés avec dextérité & racontés avec chaleur.
En choisissant avec prédilection des noms peu connus ou déjà oubliés, et hors de la grande route battue, nous obéissons donc à ce goût de cœur et de fantaisie qui fait produire à d’autres, plus heureux d’imagination, tant de nouvelles et de romans. […] Le dix-huitième siècle de cette société anglaise se peint à ravir dans ses lettres, comme il se reflétera ensuite dans ses romans : « Vous seriez étonné de voir de la beauté sans aucune grâce, de belles tailles qui ne font pas une révérence supportable, quelques dames de la première vertu ayant l’air de grisettes, beaucoup de magnificence avec peu de goût. […] Ma mère, qui a tant de goût pour les anciens bâtiments, aimerait bien mieux l’église de Windsor avec les bannières des chevaliers et leurs armures complètes : j’ai fait une grande révérence à l’armure du Prince-Noir. » Son caractère de naturel, comme son piquant d’observation, nous demeure donc bien établi. […] Mais sa femme a d’autres goûts, un caractère à elle, de la volonté. […] Les Lettres Neuchâteloises ont été réimprimées en 1833 à Neuchâtel, chez Petitpierre et Prince, in-18 ; si l’on y prend goût, on peut de ce côté se les procurer.
On dirait vraiment que c’est la chose la plus simple du monde et la plus indifférente qu’un philosophe législateur du goût, et que les exemples en sont si vulgaires, qu’il n’est pas besoin de mentionner celui-là. […] On ne disserte pas quand on cause ; on professe encore moins ; car ce serait insupportable ; et Socrate a trop de goût pour être jamais pédant. […] Villemain, on peut trouver que la distance est considérable ; la critique, ainsi comprise, prend place au niveau de l’histoire elle-même, sans cesser d’être toujours la maîtresse souveraine du goût. […] L’épopée s’adresse aux esprits distingués qui n’ont aucun besoin de tout cet attirail extérieur, tandis que l’art tragique ne s’adresse qu’à des gens d’un goût vulgaire. […] C’est par son goût pour la vérité.
Elle enleva dès le premier entretien le goût très vif de madame Récamier. […] XVI Il y avait le salon de madame de Montcalm, sœur du duc de Richelieu et centre de son parti politique ; ce parti, c’était l’aristocratie intelligente, ralliée à la Révolution raisonnable, une égalité par le talent ; l’aristocratie de l’honneur, c’était son drapeau ; on y respirait un air doux et tempéré comme le caractère de la maîtresse de maison ; la fine et gracieuse figure de madame de Montcalm, retenue, quoique jeune encore, sur son canapé, y présidait avec un accueil qui n’avait rien de banal ; ses goûts étaient des amitiés vives ; ses opinions devenaient des sentiments ; on voyait défiler devant ce canapé tous les hommes éloquents et sages qui auraient pu réconcilier la Restauration avec la liberté. […] Pozzo di Borgo, homme de diplomatie italienne et de surface française, y était assidu comme à un devoir de la journée ; quelques hommes de lettres peu recherchés par elle et peu nombreux y figuraient dans une intimité très restreinte : l’aimable abbé de Féletz, l’oracle du goût dans le Journal des Débats ; M. […] Benjamin Constant, tous les tribuns, tous les publicistes, tous les pamphlétaires du temps, je m’y sentais presque en pays ennemi ; j’avais du goût pour les maîtres, aucun goût pour leur société. […] Les étrangers qui visitaient la France la voyaient là tout entière sous la forme de l’aristocratie de naissance, du génie, de l’esprit, de l’art, du goût et de la beauté ; j’y étais accueilli par la famille avant l’époque de ma célébrité naissante.
Elle porte dans les pays hospitaliers où elle reçoit accueil la langue, les goûts, les idées de la mère patrie, et en même temps la haine du régime, quel qu’il soit, qui la force à se développer sur le sol étranger. […] Le peuple en tout temps, je parle du peuple mal dégrossi, tel qu’il l’est encore par la faute d’une élite trop longtemps insouciante ou malveillante à son égard, aime ce qui émeut fortement ; il a le goût du grandiose, du passionné et en même temps du simple ; il comprend peu ce qui est savant et raffiné. […] Ces caractères permanents du goût populaire se reflètent dans le succès des deux écoles littéraires les plus bruyantes et les plus fécondes de notre siècle. […] Paris, que Henri III appelait déjà « tête trop grosse pour le corps », a pris une telle prépondérance qu’il a imposé sa langue, son goût, ses modes au reste du pays. […] Mais quand tout le monde est soldat, quand l’enjeu du combat est, non plus seulement un agrandissement de territoire ou le simple honneur d’être victorieux, mais l’intégrité et l’indépendance même du sol national, alors elle accapare toutes les énergies de la société ; elle devient la chose essentielle ; elle attire tout ce qui est jeune et ardent ; elle force même à sortir de leurs loisirs studieux les hommes qui ont le moins de goût pour la vie aventureuse des camps.
Chez les jésuites, qui ont voulu avoir prise sur la noblesse et la haute bourgeoisie, cet esprit a été par cela même le plus accommodé aux goûts du monde. […] L’Académie française, à sa naissance, représentait assez exactement le goût moyen de la société environnante ; mais, dès qu’il fut décidé que le nombre de ses membres ne dépasserait pas quarante et que les nominations seraient viagères, il s’ensuivit un renouvellement si lent du corps académique que la majorité se trouva bientôt en retard sur le mouvement du dehors. […] On l’a dit, pour une école littéraire « l’insurrection est le plus saint des devoirs » ; et c’est un devoir que les jeunes accomplissent avec enthousiasme contre le goût et les procédés de leurs anciens. […] On risque d’y prendre une certaine étroitesse de goût. […] Il n’a garde de les oublier ; mais il doit suivre minutieusement leur vie plus ou moins courte ; car leur naissance et leur disparition marquent des dates importantes, qu’il aurait peine à fixer autrement ; elles lui indiquent d’une façon précise les moments où s’opèrent ces variations du goût dont il s’efforce de dérouler l’enchaînement.
A la crédulité des siècles antérieurs avait succédé un goût passionné d’examen et d’investigation, favorable à la découverte de la vérité. […] Ouvrez l’Edda et les Niebelungen ; la lecture la plus superficielle y découvre un goût de rêverie et des sentimens profonds, sombres ou exaltés qui nous rappellent sans cesse que les héros et les bardes de ces vieilles poésies n’ont pas vu le ciel de l’Italie ou celui de l’Espagne. […] Sigurd, Sigefried, Attila, les héros du Nord, se jouent des accidens naturels ; ils se plaisent au milieu des tempêtes de l’Océan, soupirent après les combats comme après des fêtes, sourient à la mort comme à une amie, et joignent à un profond mépris de la vie un sentiment énergique du devoir, et le goût d’un amour infiniment plus pur que celui des peuples du midi. […] Il passa bientôt en Allemagne avec tout ce qu’il traîne à sa suite, le goût du petit et du médiocre en toutes choses, et entre autres le goût de la petite poésie qui tue la grande. […] Mais la philosophie présida à tous ses travaux et finit par absorber tous ses goûts : elle devint sa vraie vocation et sa principale gloire.
Quelquefois cette cruelle énergie bout au fond du cœur de l’homme, et l’homme s’ennuie jusqu’à ce qu’il ait apperçu l’objet de sa passion ou de son goût. […] un grand paysage dans le goût des campagnes d’Italie . huit pieds 9 pouces de large, sur 7 pieds 7 pouces de haut. […] C’est une observation assez générale qu’on devient rarement grand écrivain, grand littérateur, homme d’un grand goût, sans avoir fait connaissance étroite avec les anciens. […] Si vous brisez la partie supérieure d’une statue, que les jambes et les pieds qui en resteront sur la base soient du plus beau ciseau et du plus grand goût de dessin. […] Machy copie bien ce qu’il a vu ; Robert copie avec goût, verve et chaleur.
Les hasards de vogue, la mobilité des systèmes et des goûts, remplacent les droites et sûres consécrations de la gloire. […] Le goût de la guerre et celui des lettres se disputaient et se mariaient en lui : les unes gagnèrent constamment du terrain à défaut de l’autre. […] Les jeunes Émile et Alfred s’étaient connus de bonne heure, avec quelque inégalité d’âge, l’un tout jeune homme, l’autre enfant ; ils se retrouvèrent après un intervalle, en 1814 ou 1815, dans un bal : quelques mots rapides, communicatifs, les remirent vite au fait de leurs goûts, de leurs rêves et de leurs essais durant l’absence, et le lendemain ils eurent rendez-vous, dans la matinée, pour se confier leurs vers. […] Si les poëtes de la pléiade de la Restauration ont pu sembler à quelques-uns être nés d’eux-mêmes, sans tradition prochaine dans le passé littéraire, déconcertant les habitudes du goût et la routine, c’est bien sur M. de Vigny que tombe en plein la remarque. […] En 1826, j’avais écrit sur Cinq-Mars un article inséré dans le Globe du 8 juillet (Voir l’Appendice à la fin du présent volume) ; mais ce fut Victor Hugo qui le premier me fit distinguer et sentir les parties élevées du poëte, négligées par moi jusqu’alors : à ne consulter que mon goût naturel, il m’avait toujours paru trop superfin et trop séraphique.
En profitant de ce qu’apporte l’exigeante sagacité d’un Ribbeck, n’abjurons pas le goût des Fénelon et des Fontanes, le sentiment rapide qui est une lumière. […] Chacun des chantres tour à tour débite son couplet, et, quand ils ont assez alterné de la sorte, Mélibée à qui l’on doit le récit déclare que Thyrsis, à la fin, essayait vainement de prolonger un débat où il avait le dessous. « Depuis ce temps, conclut-il, Corydon est pour moi Corydon, c’est tout dire : — le synonyme de chant pastoral et de poésie. » Or l’illustre Heyne, qui avait pourtant le goût si exercé, a dit que les vers de Thyrsis ne lui semblaient point tellement inférieurs à ceux de Corydon, et que Virgile, s’il l’avait voulu, aurait pu tout aussi bien retourner la préférence. […] Dans le doute, je préfère encore et l’ancien texte que confirment les manuscrits, et l’ancienne version qui ne me paraît pas si contraire au goût. […] Nous sommes, à bien des égards, d’un autre goût que nos voisins d’outre-Rhin.
Les lettres qu’il recommence à écrire nous le peignent au naturel dans l’abattement profond auquel il cédait d’habitude, et d’où il ne sortait que par élans, par les prévisions ardemment lugubres de ses pensées : « Si je n’écoutais que mon goût, écrivait-il de Londres (5 août 4815), il me conduirait dans nos bois recto itinere. […] Les œuvres d’une charité active seraient bien plus de mon goût ; et si je suis sûr de quelque chose, c’est certainement de l’impossibilité qu’il y aurait pour moi de m’occuper simultanément de deux objets si différents. » Enfin il est à Paris, et il se décide à faire le grand pas : « (A l’abbé Jean, 24 novembre 1815)… M. […] Décidez, messieurs. » À sa sœur, Mme Ange Blaize, il écrit à la veille de la retraite pour l’ordination, et toujours dans le même sens d’une soumission passive : « (Paris, 14 décembre 1815)… Ce n’est sûrement pas mon goût que j’ai écouté en me décidant à reprendre l’état ecclésiastique119, mais enfin il faut tâcher de mettre à profit pour le Ciel cette vie si courte. […] On le verrait, sur le conseil de son ami l’abbé Tesseyre, entreprenant sans goût et presque à contre-cœur son livre de l’Essai sur l’Indifférence (1817), écrivant, sans en prévoir l’effet, ce premier volume, sa plus éloquente philippique, sa catilinaire religieuse qui le bombarda d’emblée à la célébrité, — à la célébrité catholique, comme dix-sept ans plus tard les Paroles d’un Croyant le bombardèrent d’emblée à la popularité démocratique, — et dont l’abbé Frayssinous disait : « Cet ouvrage réveillerait un mort. » Remarquez que, moins il était sûr et satisfait de lui, et plus il frappait fort sur les autres.
Ses liaisons avec des jeunes gens aimables et dissipés, avec l’abbé Le Vasseur, avec La Fontaine qu’il connut dès ce temps-là, le mirent plus que jamais en goût de poésie, de romans et de théâtre. […] Nous sommes pourtant loin de reconnaître que, même en ceci, tout l’avantage au théâtre soit du côté de Racine ; mais, lorsqu’il parut, toute la nouveauté était pour lui, et la nouveauté la mieux accommodée au goût d’une cour où se mêlaient tant de faiblesses, où rien ne brillait qu’en nuances, et dont, pour tout dire, la chronique amoureuse, ouverte par une La Vallière, devait se clore par une Maintenon. […] En général, tous les défauts du style de Racine proviennent de cette pudeur de goût qu’on a trop exaltée en lui, et qui parfois le laisse en deçà du bien, en deçà du mieux. […] Depuis ce temps jusqu’au nôtre, et à travers toutes les variations de goût, la renommée de Racine a subsisté sans atteinte et a constamment reçu des hommages unanimes, justes au fond et mérités en tant qu’hommages, bien que parfois très-peu intelligents dans les motifs.
Il existe, dans la langue française, sur l’art d’écrire et sur les principes du goût, des traités qui ne laissent rien à désirer9 ; mais il me semble que l’on n’a pas suffisamment analysé les causes morales et politiques, qui modifient l’esprit de la littérature. […] Le goût se forme sans doute par la lecture de tous les chefs-d’œuvre déjà connus dans notre littérature ; mais nous nous y accoutumons dès l’enfance ; chacun de nous est frappé de leurs beautés à des époques différentes, et reçoit isolément l’impression qu’elles doivent produire. […] Il existe une telle connexion entre toutes les facultés de l’homme, qu’en perfectionnant même son goût en littérature, on agit sur l’élévation de son caractère : on éprouve soi-même quelque impression du langage dont on se sert ; les images qu’il nous retrace modifient nos dispositions. […] L’éloquence, l’amour des lettres et des beaux-arts, la philosophie, peuvent seuls faire d’un territoire une patrie, en donnant à la nation qui l’habite les mêmes goûts, les mêmes habitudes et les mêmes sentiments.
Comme il est très sincère, il nous a confessé lui-même qu’il avait mis beaucoup de temps à goûter la poésie de Victor Hugo, celle du moins dès trente dernières années, et je ne crois guère à un goût si laborieusement acquis. […] Encore une fois il relève du siècle dernier par son esprit, par son style, par ses goûts littéraires, même par sa philosophie, qui, autant que j’en puis juger, serait celle de Condillac ou de Cabanis et de Destutt de Tracy. […] Le moment qui s’est trouvé favorable à l’éclosion de l’opérette, ça été le second Empire : 1° l’opérette rendait aux Parisiens, sous une nouvelle forme, deux genres abolis et sourdement regrettés : l’opéra-comique et le vaudeville à couplets ; elle était en harmonie secrète avec les mœurs et les goûts du jour : entre ce genre nouveau et l’esprit du public tel que l’avait fait le second Empire, il y avait de nombreux points d’attache. […] La blague est un certain goût, qui est spécial aux Parisiens et plus encore aux Parisiens de notre génération, de dénigrer, de railler, de tourner en ridicule tout ce que les hommes, et surtout les prudhommes, ont l’habitude de respecter et d’aimer ; mais cette raillerie a ceci de particulier que celui qui s’y livre le fait plutôt par jeu, par amour du paradoxe que par conviction : il se moque lui-même de sa propre raillerie.
Le plus sûr moyen d'y parvenir, est de dévoiler leur charlatanisme, & les ressorts qu'ils ont mis en œuvre, pour séduire les esprits ; de faire connoître leurs usurpations, leurs injustices, leur mauvaise foi, l'absurdité de leurs principes, les dangers de leur doctrine, & la fausseté de leurs raisonnemens ; de prouver, en un mot, à la multitude qui les admire, qu'ils ont corrompu le goût, perverti les genres, dénaturé les sentimens, dégradé les ames, & rendu les hommes plus malheureux. […] Ces Réflexions ne sauroient être déplacées dans un Ouvrage ; dont le but principal de l'Auteur, en le publiant, a été de ramener aux vrais principes de la Morale & du Goût, les esprits que les déclamations de la Philosophie ont égarés. […] Est-ce parmi ces Hommes licencieux, qui n’écoutent que leurs goûts, leurs caprices, leurs passions, leurs penchans, & qui taxent d’imbécillité les Hommes qui leur sacrifient les leurs ? […] Qu’ils se taisent, pour l’honneur de la raison humaine, outragée par le délire de leurs raisonnemens, & par les dangers qui résultent de leurs conséquences ; qu’ils écoutent, afin de s’instruire, de se connoître, & d’abjurer leurs erreurs & leurs motifs ; qu’ils se soumettent, &, bien loin de trouver dans la Religion un joug austere & nuisible, ils y trouveront, au contraire, la gêne des passions, remplacée par le regne de la vertu ; les sacrifices de l’amour-propre, payés par les douceurs de la modération ; l’assujettissement des goûts & des caprices, accompagné de la paix de l’ame ; les combats de la sensibilité, couronnés par le calme ; les agitations de la révolte, dissipées par la supériorité des sentimens ; les transports de l’animosité, désavoués par la sagesse, & étouffés par la soumission.
Élevé chez les Jésuites de qui il ne prit que le goût des lettres, initié à la jurisprudence auprès du célèbre conseiller janséniste l’abbé Pucelle de qui il ne prit que l’intégrité et la doctrine, il fut de bonne heure de son siècle par une certaine liberté d’esprit que ne connaissait point l’âge précédent, ou qui du moins n’y était point de droit commun. […] Quelques-uns de ces amours-propres parlaient au nom de la religion et de la morale ; quelques autres (et ce n’étaient pas les moins aigres) se mettaient en avant au nom du goût : J’ai entendu dire sérieusement, remarquait-il, qu’il est contre le bon ordre de laisser imprimer que la musique italienne est la seule bonne… Je connais des magistrats qui regardent comme un abus de laisser imprimer, sur la jurisprudence, des livres élémentaires, et qui prétendent que ces livres diminuent le nombre des véritables savants. […] On eût fait de ces observations une satire ingénieuse dans le goût d’Horace ; il se bornait à en tirer quelques principes d’équité et de bonne administration. […] L’abbé Morellet a remarqué que Malesherbes, avec tant de lumières et de bon sens, n’était pas ennemi des opinions singulières et qu’il avait quelque goût du paradoxe : son immense instruction l’y aidait, en lui montrant qu’il y a plus de choses existantes qu’on ne l’imagine.
Isolé par goût, sans autre ambition que celle des lettres, des « saintes lettres », comme il les appelle, n’aspirant à rien tant qu’à les voir se retremper aux grandes sources et se régénérer, ne désespérant point d’y aider pour sa part en un siècle dont il appréciait les germes de vie et aussi la corruption et la décadence, il n’entra jamais dans la politique qu’à la façon d’un particulier généreux qui vient remplir son devoir envers la cause commune, dire tout haut ce qu’il pense, applaudir ou s’indigner énergiquement. […] C’est l’écrivain homme de goût qui s’irrite d’abord et qui s’indigne de cette violation inouïe de la raison et de la pudeur dans la langue. […] Tout à l’heure, c’était l’écrivain et l’homme de goût, dans Chénier, qui se révoltait contre Manuel ; ici, c’est le militaire qui prend feu contre Collot d’Herbois, c’est le gentilhomme qui a porté l’épée et qui sait ce que c’est que la religion du drapeau. […] André Chénier, fidèle en ceci au goût antique, ne mêle point les genres.
Il y a dans les démocraties un goût si vif d’indépendance individuelle, qu’on peut toujours persuader à l’individu que ce ne serait pas le souverain bien pour lui d’être nourri par l’État et réduit à la condition de pensionnaire de l’administration ; sous ce rapport, le peuple serait peut-être plus facile encore à persuader que les classes éclairées, n’ayant pas été gâté, comme celles-ci, par la douceur des fonctions publiques. […] Chose remarquable, Tocqueville, qui avait un esprit si philosophique, si porté à rechercher le comment et le pourquoi des choses historiques et politiques, n’avait aucun goût pour la philosophie elle-même. […] Il en parle avec un sens très-juste et très-fin dans cette belle lettre à M. de Corcelles : « Comme vous, mon cher ami, je n’ai jamais eu beaucoup de goût pour la métaphysique, peut-être parce que je ne m’y suis jamais livré sérieusement, et parce qu’il m’a toujours paru que le bon sens amenait aussi bien qu’elle au but qu’elle se propose ; mais néanmoins je ne puis m’empêcher de reconnaître qu’elle a eu un attrait singulier pour plusieurs des plus grands et même des plus religieux génies qui aient paru dans le monde, en dépit de ce que dit Voltaire, que la métaphysique est un roman sur l’âme. […] Tocqueville a eu le goût des faits politiques dans un temps où la plupart des esprits n’aimaient que les systèmes politiques : il apportait à la recherche et à l’analyse des institutions la même ardeur et la même passion qu’Augustin Thierry et M.
L’auteur est évidemment de ceux chez qui le goût s’inspire aux sources de l’âme. […] Dans l’excès de sa reconnaissance il s’abdique un peu lui-même et se laisse imposer les goûts frivoles de ses hôtes. […] Non : l’écrivain qui, abdiquant sa noble mission, ne verra dans ses œuvres qu’une marchandise à vendre consultera les goûts, non les besoins de l’acheteur. […] Le goût n’aura pas moins à perdre que la morale.
Non seulement il ne s’élève pas par de semblables lectures, mais il y perd le goût de la vie réelle, de celle qu’on ne rêve pas, et qu’on subit. […] Laissons dire volontiers que les fautes de goût abondent dans le détail, et notamment dans la légende des chapitres qui s’intitulent : « Que Mgr Bienvenu faisait durer trop longtemps ses soutanes ; — Fin joyeuse de la joie ; — Vagues éclairs à l’horizon ; — Madame Victurnien dépense 35 francs pour la morale ; — Comment Jean peut devenir champ ; — Dans quel miroir M. […] Dans ce même domaine de la musique, oserait-on soutenir que le goût des chefs-d’œuvre ne s’est pas répandu, de nos jours, parmi le peuple de Paris et de quelques grandes villes, comme il est depuis longtemps populaire en Belgique, en Allemagne et ailleurs ? […] Quand un homme écrit en vue d’un public déterminé, il s’asservit inconsciemment à lui ; il en prend les préjugés, les goûts, le langage, les travers, il se condamne à évoluer dans un certain ordre de sentiments et d’idées qui sont ceux d’une coterie, d’une école et d’une mode.
Les gens de goût du xviiie siècle ne s’y laissèrent point prendre : l’ouvrage leur parut trop bien écrit pour être de la princesse Palatine. […] Il y a des chapitres qui, pour la forme, sont dans le goût de Montesquieu : ainsi, le chapitre XV sur la France : « Il est un peuple à qui sa vivacité rend tout sensible à l’excès, à qui sa légèreté ne permet pas d’éprouver d’impressions durables. […] Son livre est comme le testament de cette société, par un homme qui en sait tous les secrets et qui en réunissait les goûts divers.
La grande préférence païenne de Bossuet, si l’on peut ainsi parler, a été tout naturellement pour Homère, ensuite, pour Virgile : Horace, à son jugement et à son goût, ne venait que bien après. […] Bien qu’en tout ceci Bossuet ne fasse qu’user des termes de l’Apôtre, et peut-être de ceux de Chrysostome, il s’en sert avec une délectation, un luxe, un goût de redoublement qui déclare la vive jeunesse : Il a, dit l’apôtre, appréhendé la nature humaine ; elle s’enfuyait, elle ne voulait point du Sauveur ; qu’a-t-il fait ? […] Étudions la jeune éloquence de Bossuet, même dans ses hasards de goût, comme on étudie la jeune poésie du grand Corneille.
Il essaie d’y définir et d’y comparer la facilité et le génie : J’appelle facilité ce talent à ajuster promptement un sujet ; et, quand le goût y est joint, on fait très vite de belles compositions. […] il semble qu’on n’a plus rien à y mettre, et qu’il est fermé aux sentiments qui donnent tant de jouissances à la jeunesse. » Il résistait à l’égoïsme et à ce goût de jouissances positives qui prend certaines natures, même distinguées, dans la seconde partie de la vie : « Une vie matérielle qui peut convenir à beaucoup n’a jamais pu m’accommoder ; et, à présent que pour nous elle pourrait remplacer celle des illusions, il est impossible qu’elle me satisfasse assez pour me donner du plaisir d’être habitant de la terre. » C’est ainsi qu’il parlait à ses amis Schnetz ou Navez ; mais avec M. […] C’est à lui qu’il appartient de le faire, choisissant avec goût, coupant à propos, donnant à connaître tout l’artiste, tout l’homme, et ne s’arrêtant qu’en deçà de ce qui paraîtrait redite et satiété.
Ce n’était que justice que Tite-Live eût un goût particulier pour le grand écrivain dont il réalisait l’idée et le vœu dans l’histoire. […] Thiers opère sur les portraits de ses personnages cette réduction et cet adoucissement, ce n’est point qu’il obéisse du tout à l’esprit oratoire ; il obéit en cela à une pensée de goût simple qui lui est propre, et à une idée d’harmonie dans l’ensemble. […] Comment le goût seul n’a-t-il pas donné l’éveil ?
Je n’ai point suivi le maître dans les plans et programmes de lectures sérieuses et graduées qu’il propose, à mesure que l’éducation avance : peu de grammaire, pas de rhétorique formelle ni dogmatique, et la logique ajournée ; mais la jurisprudence positive, historique, l’histoire elle-même, la lecture directe des auteurs, c’est ce qu’il conseille, indiquant chacun de ces auteurs alors en usage, le désignant au passage d’un trait juste, et sur les sujets et pour les époques les plus éloignées de cette « ingénue Antiquité » qu’il préfère, montrant qu’il sait comprendre tout ce qu’il regarde, même l’âge de fer et le Moyen-Age, et qu’il est un guide non trompeur, évitant partout sans doute l’accablement et la sécheresse, mais de trop de goût pour aller mettre des fleurs là où il n’en vient pas. […] Il avait un goût exquis pour les beaux-arts, l’éloquence, la poésie, la musique, la peinture… Il dessinait facilement et de génie ; il avait étudié la musique à fond, jusqu’à savoir la composition. […] Il apprit ensuite l’espagnol et l’italien, et il aurait appris le grec si l’on eut voulu, pour mieux entendre les bons auteurs, particulièrement les poètes… » Écoutez La Fontaine qui, dévot alors et bien près de sa fin, fut admis auprès du jeune prince et reçut de ses bienfaits ; il parle comme l’abbé Fleury, et célèbre « ce goût exquis, ce jugement si solide », qui l’élève si fort au-dessus de son âge.
Mais qu’âgé de cinquante ans environ, devant ces mêmes personnes vivantes, lui qui peut les rencontrer nez à nez à chaque instant, il vienne nous raconter des entretiens plus ou moins intimes, et non agréables pour tout le monde, qui auraient eu lieu à table entre deux ou plusieurs convives ; que, sous prétexte de débiter ses mécomptes, il se donne les airs de supériorité ; qu’il nous exhibe le menu de la carte, additionne les petits verres de curaçao qu’on a bus et qu’il a payés, n’oublie jamais de rappeler qu’il est gentilhomme et propriétaire, qu’il a eu affaire à des confrères besoigneux ; mais tout cela est d’un goût détestable, d’un fonds illibéral et presque vulgaire, que tout l’esprit de malice dans le détail et un vernis extérieur d’élégance ne sauraient racheter ! […] Et moi, tout flatté que je puisse être de mille douceurs et sucreries qu’il m’adresse par compensation en maint endroit, mais plus jaloux, je l’avoue, d’être honnête homme que de passer pour avoir du goût, je lui dis tout net à propos de ces phrases étranges qu’on vient de lire, et qui atteignent directement et outrageusement mon caractère : « Savez-vous, Monsieur, que si vous n’étiez pas un homme léger qui ne pèse pas ses paroles, vous seriez un calomniateur ! […] cela me donne envie d’aimer d’autant plus Paris, quand je vois ceux qui le maudissent commettre de telles fautes de goût, de bienséance, et, boutade pour boutade, je m’écrie à l’encontre : « Paris, ville de lumière, d’élégance et de facilité, c’est chez toi qu’il est doux de vivre, c’est chez toi que je veux mourir !
Voué par goût et par prédilection à l’histoire avant même de se lier par la profession, M. […] Il s’agit des belles-lettres : Velléius, à un moment, se met à en discourir, car il ne s’interdit pas les digressions, et c’est une de ses formes ordinaires de dire : « Nequeo temperare mihi… Je ne puis m’empêcher, je ne puis me contenir… » Il vient de parler des colonies romaines établies sous la République, et, passant à un tout autre sujet, il s’adresse à lui-même une question : Pourquoi y a-t-il pour les choses de l’esprit des époques et comme des saisons exclusivement favorables, où tout se rassemble et se groupe, et passé lesquelles on ne retrouve plus le même goût ? […] Il n’est point, par goût, littéraire ni profane.
On lui a fait honneur, et Chaulieu l’a félicité agréablement, d’avoir refusé une place dans les Fermes, que lui offrait le ministre Chamillart ; mais ce refus nous semble moins tenir à des principes d’honorable indépendance, qu’au goût qu’avait Rousseau pour la vie de Paris et les tripots littéraires. […] Pour écrire avec génie, il faut penser avec génie ; pour bien écrire, il suffit d’une certaine dose de sens, d’imagination et de goût. […] Sa correspondance durant ce temps d’exil avec Rollin, Racine fils, Brossette, M. de Chauvelin et le baron de Breteuil, a des parties qui recommandent son goût et qui tendent à relever son caractère.
C’est encore une des funestes conséquences de la recherche maniérée des sentiments, que d’inspirer le goût de l’extrême opposé pour réveiller de la langueur et de l’ennui que ce ton sentimental fait éprouver. […] Ce n’est que sous Léon X qu’on a pu remarquer un goût très pur dans la littérature italienne. […] Les lumières se réunissaient dans un seul foyer : le goût pouvait s’y former aussi ; et c’était d’un même tribunal que partaient tous les jugements littéraires.
Quand on vante le charme que les passions répandent sur la vie, c’est qu’on prend ses goûts pour des passions. Les goûts font mettre un nouveau prix à ce qu’on possède ou à ce qu’on peut obtenir ; mais les passions ne s’attachent dans toute leur force qu’à l’objet qu’on a perdu, qu’aux avantages qu’on s’efforce en vain d’acquérir. […] Tel homme est conduit par ses goûts naturels dans le port, où tel autre ne peut être porté que par les flots de la tempête ; et tandis que tout est calculé d’avance dans le monde physique, les sensations de l’âme varient selon la nature de l’objet et de l’organisation morale de celui qui en reçoit l’impression.
Le même goût épuré appauvrit l’initiative en même temps que la langue, et l’on agit comme on écrit, selon des formes apprises, dans un cercle borné. […] On s’étouffe au Salon autour de l’Accordée de village, de la Cruche cassée, du Retour de nourrice, et autres idylles rustiques et domestiques de Greuze ; la pointe de volupté, l’arrière-fond de sensualité provocante qu’il laisse percer dans la naïveté fragile de ses ingénues est une friandise pour les goûts libertins qui durent sous les aspirations morales305. […] Le goût n’est plus aux cascades, aux statues, aux décorations raides et pompeuses ; on n’aime que les jardins anglais.
Les Discours sur les misères de France ou sur le tumulte d’Ambroise, la Remontrance au peuple de France, et la Réponse aux calomnies des prédicans, l’Institution pour l’adolescence du roi Charles IX, débordent tantôt d’indignation patriotique, tantôt de passion catholique, et tantôt de dignité blessée : quand Ronsard montre l’héritage de tant de générations, de tant de vaillants hommes et de grands rois, follement perdu par les furieuses discordes de ses contemporains, quand il oppose le néant de l’homme à l’énormité prodigieuse de ses passions, quand il donne aux peuples, aux huguenots, au roi des leçons de bonne vie, quand enfin il dépeint fièrement son humeur, ses goûts, ses actes, alors il est vraiment un grand poète. […] Du Vair, faisant un traité de l’éloquence française, et des raisons pourquoi elle est demeurée si basse, blâmait le goût de vaine érudition qui gâtait tous les discours ; Pasquier s’en plaignait comme lui. […] Le chef-d’œuvre du genre est l’Apologie pour Hérodote que j’ai déjà nommée ; Henri Estienne, pour défendre Hérodote dont la véracité était soupçonnée, imagina de démontrer que la sottise et la malice des hommes de son temps produisaient des effets aussi étonnants que les invraisemblables contes de l’historien grec ; et mettant ses haines huguenotes au service de ses goûts littéraires, il se prit à conter tant de graveleux et scandaleux exemples de la corruption catholique, à dauber fidèles et clergé avec une verdeur si rabelaisienne, que l’austère Genève crut entendre un accent d’impiété dans la trop pétulante gaieté de son champion.
Puis il avait, à défaut du génie, l’esprit juste, le goût assez fin. […] Érudit universel à la mode du xvie siècle, homme du monde à celle du xviie , ayant le goût de la politique, de l’histoire, de la philosophie, poète, ou du moins faiseur de poèmes, son vrai caractère, celui par lequel, même après la Pucelle, il conserva son autorité dans les salons et la confiance de Colbert, ce fut d’être l’« expert », le critique des œuvres littéraires. […] Et dans une âme bien faite, l’amour qui n’est que le désir du bien, se portera toujours au plus grand bien connu : et le degré de l’amour sera en relation avec la perfection connue de l’objet ; il sera goût, amitié, dévotion.
Parlez-moi des grands artistes outranciers qui manquent décidément de goût par quelque côté et qui abondent follement dans leur sens ! […] On trouve chez lui des nerfs, de la modernité, du « stylisme », de la vérité vraie, du pessimisme, de la férocité ; mais on y trouve aussi et au même degré la gaieté, le comique, la tendresse, le goût de pleurer. […] Essai sur le goût.
Or, 1º il y a de par le monde, spécialement à Paris, quelques milliers d’intelligences cultivées auxquelles on a appris le goût du travail, de la charité, de la fraternité ; on leur a confié des anecdotes slaves émouvantes, et ils ont entendu ce vers de Voltaire : « J’ai fait un peu de bien, c’est mon meilleur ouvrage. » Voilà l’éducation de cette élite. […] 4º Et en même temps encore, par le respect que les hommes qu’elle estime professent pour le parlementarisme national, pour les campagnes électorales, et, par les simulacres que cette jeunesse s’offre de ces jeux (conférence Molé, association des Étudiants…), elle s’assimile le goût de la propagande populaire, de la prédication morale et sociologique, elle désire répandre sa bonne parole, et conformer sur le modèle, par elle jugé le meilleur, ses contemporains ductiles. […] Les curieux de telle littérature seront suffisamment mis en goût par l’inquiétante et prestigieuse Introduction de Maurice Maeterlinck, et ils ne regretteront pas, à la lecture de sa version, de ne savoir déchiffrer le texte.
Il classe nos sensations sous huit titres : Odorat, ouïe, vue, goût, toucher, sensations de désorganisation dans quelque partie du corps, sensations musculaires, sensations du canal alimentaire. […] Le goût d’une pomme ; sa résistance dans ma bouche, la solidité de la terre qui me porte, etc. : association synchronique. […] Il peut s’y associer encore d’autres comme celle d’odeur, de goût, de résistance.
Un peu de calme ayant succédé à tant d’orages, le poëte en profita pour se livrer à son goût pour les lettres et aux charmes d’un amour heureux. […] Elle en était le spectre, le simulacre, le fantôme ; et, bien qu’elle fût d’une matière assez ténue pour échapper au toucher, cependant elle était visible et conservait les idées, les goûts et les affections que le mort avait eus dans sa vie. […] Mais on n’y sent pas ce goût âpre et sauvage, cette franchise qui ne peut s’allier avec la perfection, et qui fait le caractère et le charme de Dante.
Enfin ce goût de quelques romantiques, au nom de la liberté de l’art, pour le mot cru, la peinture brutale, était devenu chez Zola une véritable passion pour l’indécence et pour l’indécence froide et, si je puis dire, de sens rassis. […] Enfin, une manie particulièrement française était délicieusement chatouillée dans les romans de Zola, le goût d’entendre dire du mal de la France. Le Français est le seul peuple du monde qui ait ce singulier goût ; mais il est chez lui extrêmement fort.
Le seul contraste que le goût puisse approuver, celui qui résulte de la variété des énergies et des intérêts, s’y trouvera, et il n’y en faut point d’autre. […] Les yeux du goût ne sont pas ceux du pensionnaire de l’Académie des inscriptions. […] Qu’est-ce que cela signifie, sinon que la peinture d’histoire demande plus d’élévation, d’imagination peut-être, une autre poésie plus étrange ; la peinture de genre, plus de vérité ; et que cette dernière peinture, même réduite au vase et à la corbeille de fleurs, ne se pratiquerait pas sans toute la ressource de l’art et quelque étincelle de génie, si ceux dont elle décore les appartements avaient autant de goût que d’argent ?
Tel talent, tel goût. […] Cousin, par imitation, tombe dans des phrases du même goût : « Mlle du Vigean est appelée l’Aurore de la Barre, du nom de la maison de plaisance dont elle était le plus aimable ornement 29. » La fadeur est une maladie contagieuse, et le salon de la Barre a gâté son historien. […] Cousin est une aristocratie, et la haute naissance, il est vrai, enseigne la fierté, parfois la grandeur d’âme, toujours l’élégance et les belles manières ; avec la richesse elle donne la sécurité, le loisir, le goût pour les occupations de l’esprit ; elle fait des hommes du monde, des hommes de guerre, des hommes de cour, et quelquefois des hommes de cœur.