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792. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Arsène Houssaye » pp. 271-286

Et ceci apparaît d’autant plus que, dans son livre, à côté de sa Messaline blonde, Houssaye dresse, sur le même plan et avec la même importance, une autre femme, brune celle-là, et qui, elle, va d’un trait au dénouement et dans la passion et dans la fantaisie, et qui, malgré tout cela pourtant, n’est pas non plus une Messaline. […] Le moraliste, au trait, vise à tous les yeux, même les plus beaux, comme l’archer à l’œil de Philippe, et ni grandes dames ni courtisanes n’ont la puissance d’enivrer la tête de cet homme, qui a toujours à leur service une ironie embusquée dans sa barbe d’or.

793. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Prosper Mérimée. » pp. 323-336

Mérimée n’aurait jamais manqué de sources d’inspiration étrangère et de modèles à imiter, comme il les imite, en les réduisant, car le trait caractéristique de l’imitation sans enthousiasme, mais sans entraînement, de M.  […] Mérimée coupe dans les uns et dans les autres, et arrive, en faisant ainsi, à ces petites compositions qui ont la netteté et le mordant du trait, et qui entrent dans l’esprit comme un canif bien affilé entre dans la chair.

794. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Francis Wey »

Il y a du bandeau et des yeux baissés jusque dans les moindres choses de ces lettres… Pour cette jeune terrible de sœur Saint-Gatien, Christian n’est jamais que cette personne, et ce trait, à lui tout seul, est un éclair ! […] Le combat de la vocation religieuse contre la vocation de la mère de famille qui se révèle avec tant d’énergie dans la scène, au village, où Éliane est obligée, par les combinaisons du roman, à tenir un enfant dans ses bras, — scène magnifique, d’un contenu excessivement émouvant, et que Stendhal seul aurait pu écrire s’il avait été chrétien, — le triomphe enfin de la vocation de l’épouse, le discours de la mère Saint-Joseph qui clôt le roman dans une souveraineté de raison éclairée par la foi, et surtout, surtout, la réalité de la sœur Saint-Gatien, qui représente l’être surhumain, l’ange gardien d’Éliane, et qui s’en détache si humainement et si vite quand elle lui a préféré, pour s’appuyer, le cœur d’un homme, — trait cruel que Wey n’a pas manqué, — voilà les beautés de la troisième partie de ce livre, écrit avec une sûreté de main et une maturité de touche qui n’ont fait faute à l’auteur de Christian qu’une seule fois.

795. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVI. Des éloges académiques ; des éloges des savants, par M. de Fontenelle, et de quelques autres. »

Il consiste presque toujours dans des allusions fines, ou à des traits d’histoire connus, ou à des préjugés d’état et de rang, ou aux mœurs publiques, ou au caractère de la nation, ou à des faiblesses secrètes de l’homme, à des misères qu’on se déguise, à des prétentions qu’on ne s’avoue pas ; il indique d’un mot toute la logique d’une passion ; il met une vertu en contraste avec une faiblesse qui quelquefois paraît y toucher, mais qu’il en détache ; il joint presque toujours à un éloge fin une critique déliée ; il a l’air de contredire une vérité, et il l’établit en paraissant la combattre ; il fait voir ou qu’une chose dont on s’étonne était commune, ou qu’une dont on ne s’étonne pas était rare ; il crée des ressemblances qu’on n’avait point vues ; il saisit des différences qui avaient échappé ; enfin, presque tout son art est de surprendre, et il réussit presque toujours. […] De là une foule de traits courts et précis, semblables à ces compositions chimiques qui, sous un très petit volume, renferment le fruit d’un grand nombre d’analyses.

796. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Renaud, Armand (1836-1895) »

Elles brillent des molles clartés de la lune, ou bien elles renvoient les traits d’or de ce divin ami des Persans, le Soleil !

797. (1894) Propos de littérature « Appendice » pp. 141-143

Vielé-Griffin M. de Régnier Invention Talent Instinct, spontanéité Sens de l’équilibre Poète Artiste Naïveté (Artificialité) Fluidité Rigidité Inconsistance Fermeté plastique Variété Homotonie Mouvement Stabilité Manière Impersonnalité (Flaubert) Un style Le style Subjectivité Objectivité (Temps) (Espace) Et encore cette petite table d’analogies : MUSIQUE PLASTIQUE Rythme (mouvement) Harmonie (son) Forme (lignes) Lumière Les rythmes Mesures Timbres L’harmonie Geste (trait) Attitude Coloris Valeurss TEMPS ESPACE On remarque que chaque ordre dans la musique correspond à l’ordre de même rang et de même position dans la plastique ; ainsi Rythme à forme, Harmonie à lumière, valeurs à harmonie, rythmes libres à gestes, etc.

798. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 245-247

Nous ne connoissons point d’Ouvrages polémiques qui offrent un aussi grand nombre de traits d’esprit, de vivacité, de force, & de cette éloquence qui suppose autant de vigueur dans l’ame, que de chaleur dans l’imagination.

799. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 252-254

de Senez de prodiguer l’apostrophe & l’exclamation, parce que le retour fréquent de ses figures est chez lui un effet de cette heureuse liberté qui conserve aux traits de l’imagination toute leur rapidité, & fait disparoître cette empreinte du travail, si contraire au pathétique ; mais dangereuse méthode, qui, employée par des Orateurs médiocres ou timides, jetteroit leur style dans de vaines déclamations.

800. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — J. — article » pp. 531-533

Ce trait de la Fable, si rebattu dans la Poésie ancienne, si souvent & si foiblement traité dans la Poésie moderne, a paru rajeuni sous la plume de ce Poëte, & enrichi d’une invention plus piquante, & d’un nouveau ressort qui produit le plus grand effet.

801. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 55-57

En passant légérement sur quelques-unes qui sont minces, ou qui ne sont que des répétitions, nous rapporterons ici les meilleures, afin de convaincre qu’il n’est point d’Auteur médiocre où l’on ne puisse trouver des traits estimables.

802. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — O. — article » pp. 430-432

Ce qui éleve principalement le P. d’Orléans au dessus des Historiens ordinaires, est un discernement exquis & soutenu, qui n’admet dans ses récits que les traits capables de piquer la curiosité du Lecteur, & de la satisfaire.

803. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 502-504

On ne doit pas oublier, à ce sujet, un trait qui fait autant d’honneur à son désintéressement qu’à son habileté.

804. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 84-86

Ces traits de foiblesse n'empêchent pas que le Cardinal de Richelieu n'ait été le Fondateur du Théâtre, par les bienfaits sans nombre qu'il répandoit pour encourager ce genre de Poésie.

805. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 260-261

On s'abuse que de prétendre racheter par la chaleur de la versification, par quelques traits de profondeur & d'énergie dans les sentimens, le défaut d'intérêt & de combinaison dans la conduite d'une Piece.

806. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Dumont le Romain  » pp. 115-116

On trouverait cent traits de l’histoire grecque ou romaine auxquels cela reviendrait.

807. (1898) Émile Zola devant les jeunes (articles de La Plume) pp. 106-203

Admirablement placés pour juger le talent ou le métier d’un auteur, elles ne le sont nullement pour reconnaître à ses traits extraordinaires la présence du génie. […] On voulait voir des héros partout, on exagérait les traits de Triboulet, on creusait ses rides, on exaltait ses passions, afin d’en faire un dieu. […] En conséquence, avant de se préoccuper de la physionomie morale des hommes, avant de nous dépeindre les traits secondaires qui les distinguent entre eux, Émile Zola s’est surtout efforcé de nous montrer sa statue charnelle, son organisation et son économie physique. […] Ils regardaient l’humanité à la loupe, l’expertisant avec minutie, et cherchant des nuances singulières et des traits pittoresques. […] Zola, en racontant, le premier, l’Histoire Naturelle et Sociale d’une Famille, n’était animé que d’un seul souci, celui de réhabiliter la belle matière vivante, et d’embellir les êtres en leur restituant leurs traits authentiques, en les rétablissant dans leur rapport réel.

808. (1856) Cours familier de littérature. II « Xe entretien » pp. 217-327

La sibylle sacrée du Dominiquin avait seule cette inspiration de piété mystique dans les traits. […] C’était la figure d’un élément : grosse tête, cheveux épars, sur son collet et sur ses joues comme une crinière que le ciseau n’émondait jamais, traits obtus, lèvres épaisses, œil doux mais de flamme, costume qui jurait avec toute élégance, habit étriqué sur un corps colossal, gilet débraillé, linge de gros chanvre, bas bleus, souliers qui creusaient le tapis, apparence d’un écolier en vacances qui a grandi pendant l’année et dont la taille fait éclater les vêtements. […] C’était la beauté intellectuelle triomphant des traits et forçant un corps rebelle à exprimer une splendeur d’esprit. […] Jamais elle ne fut écrite pour moi en traits plus lisibles, et j’ajoute franchement en traits plus séduisants ; car le courage et la franchise d’esprit sont pour moi la première des séductions. […] Son chapeau de feutre gris à longs bords rabattu sur ses yeux, ses cheveux blancs qui battent ses joues, ses traits pétris d’années, de pensées, de sensibilité sous ses fins sourires, le laissent passer ignoré, s’arrêter et causer aussi librement que moi dans ce désert de la foule où l’on s’isole aussi complétement que dans le désert des bois.

809. (1864) Le roman contemporain

Jadis la muse restait douce aux proscrits et fidèle aux abandonnés ; on la trouvait au pied de la tour de Richard sous les traits de Blondel. […] Il n’y a guère que les Américains qu’il peigne en beau, sous les traits de John Harris dans le Roi des montagnes. […] Il a des traits de parenté avec Alfred de Musset d’un côté, avec Henry Mürger de l’autre. […] Champfleury a voulu se peindre lui-même sous les traits de Gérard, la figure la plus éclairée du livre avec celle de Mariette. […] Victor Hugo, appuie avec une curiosité étrange sur le trait de cette esquisse immorale.

810. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXI » pp. 220-221

Le duc de Montausier ne se tenait pas pour offensé des applications qu’on lui faisait des principaux traits du rôle.

811. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 328-331

Un esprit éclairé, une raison droite, une littérature étendue, une théologie lumineuse, un style pur, facile, & souvent élégant, sont les principaux traits qui dominent dans ses Ouvrages, dont la plupart ont pour objet la défense de la Religion contre les attaques des Incrédules.

812. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 416-419

Jusqu’à présent la plus puissante ressource des Incrédules a été de saisir malignement certains traits qu’un zele indiscret avoit répandus dans la Vie de plusieurs Saints.

813. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 115-117

Auteur de quelques petites Comédies en Vers, si l'on peut donner ce nom à des Pieces sans intrigue & sans comique, mais pleines de traits pétillans, de détails légers, qu'on peut comparer au jeu d'un feu d'artifice qui éblouit un moment.

814. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 207-209

Ce trait, qui ne méritoit pas la plus légere créance, est formellement démenti par des preuves incontestables, par l'extrait-baptistere de Saint-Hyacinthe lui-même, né à Orléans, Paroisse Saint-Victor, le 27 Septembre 1684, d'Hyacinthe de St. 

815. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 210-213

Ceux qui auroient désiré encore, pour l'honneur de la Philosophie, que l'Histoire de notre Littérature n'offrît point un trait si propre à la dégrader, ignorent également que la Philosophie est terrible, quand on résiste à son zele pour l'instruction & le bonheur du genre humain : Discite justitiam moniti, & non temnere Divos.

816. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre VI. Des Esprits de ténèbres. »

Un autre trait distinctif de nos êtres surnaturels, surtout chez les puissances infernales, c’est l’attribution d’un caractère.

817. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre troisième. Les sensations — Chapitre II. Les sensations totales de la vue, de l’odorat, du goût, du toucher et leurs éléments » pp. 189-236

Le trait distinctif de leurs sensations, c’est que chacune d’elles, même la plus simple, lorsqu’elle arrive à la conscience, est constituée par une succession de sensations élémentaires très nombreuses et de très petite durée, dont le rhythme correspond au rhythme spécial d’un événement extérieur, à une ondulation aérienne ou éthérée, à un système de mouvements atomiques, qui est l’antécédent extérieur et naturel en vue duquel le sens a été construit, et par la présence duquel ordinairement il fonctionne. — Ce qui constitue un nerf spécial, c’est la capacité d’éveiller de telles sensations élémentaires. […] Tantôt la sensation élémentaire correspond, trait pour trait, à l’élément dont la répétition constitue tel événement extérieur ; en ce cas, la sensation élémentaire transcrit, une à une, avec leur ordre et leur grandeur, toutes les variations de cet élément ; mais, si on la met en rapport avec des éléments d’une autre espèce, elle est nulle, ou confuse, ou extrême, et impropre à les bien représenter. Tantôt la sensation élémentaire ne correspond point, trait pour trait, à l’élément dont la répétition constitue tel ou tel événement extérieur, et ne transcrit point, une à une, les variations de cet élément ; mais, quel que soit l’événement extérieur, il éveille une somme de sensations élémentaires, dont le total traduit son total sans finesse ni précision.

818. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juin 1885. »

Et, même ainsi, je laisserai à la libre fantaisie du lecteur le soin de faire revivre l’Image en ses traits particuliers ; je l’y puis aider, uniquement, en traçant le schème très général de cette représentation. […] Réelle et vivante est la chambre, réels, vivants, ces hommes, sans qu’un trait de leurs visages ait été modifié ; et, cependant, telle est la psychologique vision du Maître, que tous ces hommes, diversement, avec d’inégales expressions, témoignent l’émotion intime que leur a donnée, à tous, l’extraordinaire musique entendue. […] Fantin a tourné vers lui ces visages ; comprenant, encore, combien stupide est ce réalisme prétendu, qui oblige le peintre à représenter les hommes dans leurs poses accoutumées, et l’oblige à percevoir, ainsi, inexactement, leurs traits, que la nécessité de feindre un faux travail déforme, inévitablement. […] À Bayreuth, nous voyons « l’ideé même de l’Art, en sa réalisation idéale. » X : Le style de Bayreuth. — Nous entendons par style « la conformité absolue entre le contenu et la forme, et, de plus, la concordance, également absolue, des divers éléments expressifs, par lesquels le contenu manifeste sa forme ». — La Musique : la forme (dans le drame musical) est le Motif, simple, incomparablement suggestif, plastique ; le Motif agit comme la force vitale, intime, d’une forme idéale déterminée ; « ici, le contenu et la forme sont identiques ». — Le Drame : la forme est la Parole chantée ; cette parole chantée est le trait d’union : « par elle, l’essence idéale de la Musique, qui avait pris forme dans le motif, devient un fait dramatique, tandis que le Drame pénètre, comme élément actif, dans le domaine de l’Idéal ». […] Ce qui caractérise au plus haut degré le Drame Musical, dans chacun de ses éléments composants, c’est le calme majestueux, les proportions monumentales ; seules, les situations décisives nous sont présentées, en de grands traits, sans épisodes accessoires.

819. (1857) Cours familier de littérature. III « XIVe entretien. Racine. — Athalie (suite) » pp. 81-159

Ses traits étaient imposants de forme, mais bons d’expression ; ses regards répandaient comme des ombres de velours noir sur ses joues. […] Mais ce masque romain, qui semblait moulé sur ses traits quand il était sur la scène, tombait de lui-même quand il était en robe de chambre, et ne laissait voir qu’un front large, des yeux grands et doux, une bouche mélancolique et fine, des joues un peu pendantes et un peu flasques, d’une blancheur mate, des muscles au repos comme les ressorts d’un instrument détendus. […] Nulle pensée ne se pétrifiait aussi complètement sur les traits du visage que celle de Talma. […] Je l’ai vu : son même air, son même habit de lin, Sa démarche, ses yeux, et tous ses traits enfin ; C’est lui-même. […] Ici Talma se transfigura véritablement en prophète ; on crut voir la lueur divine se répandre comme une losange de foudre sur les traits de son visage et jusque sur les plis de ses draperies.

820. (1889) Les artistes littéraires : études sur le XIXe siècle

Le poète est là tout entier, tel qu’on pouvait déjà l’entrevoir dans les publications antérieures, mais infiniment mieux dessiné, marqué de traits beaucoup plus énergiques et beaucoup plus nets. […] Regardons-en les principaux traits saillants, les lignes les plus accentuées. […] En Bretagne, en Orient surtout, il se laisse à tout moment détourner des spectacles que lui offrent les paysages ou les ruines par des aventures ou des traits de mœurs insignifiants. […] On la sent tranquille, molle et inconsistante comme le milieu de béatitude dans lequel elle a grandi : elle n’a ni arêtes vives, ni traits biens définis, ni lignes fortement marquées. […] Il est permis de croire que le cas actuel, par bien des traits assimilables, se rapproche du précédent.

821. (1886) Le naturalisme

Les longs cheveux, les traits fins, expressifs, plutôt décharnés, les costumes fantaisistes, les yeux flamboyants, le port altier et songeur à la fois sont des traits communs à l’espèce. […] Avant que Zola dessinât l’arbre généalogique des Rougon-Macquart, Hæckel, avec des traits semblables, avait tracé celui qui unit les lémurides et les singes anthropomorphes avec l’homme. […] Son style inégal ressemblait à ces visages aux traits irréguliers, qui compensent le défaut de correction par la lueur soudaine du sourire ou par le feu du regard. […] Il lui offre des traits d’observation, de paradoxales finesses, des mots heureux, des flamboiements d’idées originales, ou du moins présentées d’une manière piquante et nouvelle. […] C’est presque une vérité à la La Palisse de dire que chacun doit abonder dans son propre sens, et en fait, si nous inventorions un auteur, d’après ses traits généraux, nous le distinguons ensuite par ses traits particuliers, comme l’on divise les beautés en types bruns, blonds et châtains, or, chacun d’eux possède ses grâces et sa physionomie particulière.

822. (1864) Études sur Shakespeare

La destinée humaine n’y est point connue sous ses traits les plus saillants et les plus généraux. […] Les personnages n’y marchent point ou trompeurs ou trompés, entre le vice et la vertu, la faiblesse et le crime ; ce qu’ils sont, ils le sont franchement, nettement ; leurs actions sont dessinées à grands traits ; l’œil le plus débile ne saurait s’y méprendre. […] Les traits qu’on en cite ne valent plus aujourd’hui la peine d’être recueillis. […] Ce n’est point cette puissance, c’est son ombre, c’est l’image de nos traits répétés et frappants dans un miroir, quoique sans vie. […] La nature et la destinée de l’homme nous ont apparu sous les traits les plus énergiques comme les plus simples, dans toute leur étendue comme avec toute leur mobilité.

823. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

S’il cite des traits de mœurs, ce sont des traits de mœurs politiques. […] Ce qui persuada la plupart des Grecs. » Ce trait naïf n’est point un aveu. […] Avant d’arriver à portée du trait, les barbares plient et prennent la fuite. […] Ceci ajoute encore un trait au caractère de ces jeunes gens. […] C’est là son trait.

824. (1890) Les romanciers d’aujourd’hui pp. -357

Et on les reconnaissait d’abord à ces deux traits : qu’ils appelaient George Sand « laveuse de vaisselle » et disaient « poigner » pour poindre. […] Mon passé finira par se ramasser en quelques traits nets et caractéristiques. Au romancier d’observer ces traits, car c’est avec eux seulement qu’il reconstituera mon « moi ». […] Vous savez bien, ces photographies d’enfant où l’on retrouve, nettement accusés déjà, les traits de l’homme mûr ? […] Il s’entend mieux qu’homme du monde à camper un personnage dans son attitude et son geste familiers ; il le saisit au point ; il trouve le trait, et non pas seulement, comme M. de Maupassant, par exemple, le trait physique, la ligne, le tic, mais le trait moral encore.

825. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 5482-9849

que ce soit aux rives prochaines, & cent autres traits, ont avec d’autres mérites celui de l’élégance. […] Souvent un maître n’aime pas la vérité, craint les raisons, & aime mieux un compliment délicat que de grands traits. […] De pareils traits plaisent à tout le monde, & caractérisent l’esprit délicat d’une nation ingénieuse. […] On doit voir la crainte & l’horreur dans les traits d’une Andromede, l’effort de tous les muscles & une colere mêlée d’audace dans l’attitude & sur le front d’un Hercule qui soûleve Anthée. […] Certains traits d’imagination ont ajouté, dit-on, de grandes beautés à la Peinture.

826. (1930) Physiologie de la critique pp. 7-243

Leur critique existe ; elle doit comporter, tout comme la critique spontanée et la critique professionnelle, des traits généraux, et si ces traits restent un peu vagues, nous donnerons le coup de pouce nécessaire pour les faire saillir. […] Valéry prévient son lecteur que son Léonard n’est pas Léonard, mais une certaine idée du génie pour laquelle il a emprunté seulement certains traits à Léonard, sans se borner à ces traits et en les composant avec d’autres. […] Son métier est de les considérer dans leur ensemble, de remarquer leurs traits généraux, et c’est de ces traits généraux qu’il constitue ces être généraux que sont les genres. […] Il y a des traits communs entre les esprits d’une même génération. […] La parodie n’est pas de la critique proprement dite, mais les traits de son visage révèlent certainement sa parenté proche avec la critique.

827. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Avant-propos »

Pour en être moins proches, les conseils très bienveillants de M. le Dr Maurice de Fleury, trait d’union vivant — et combien spirituel — entre le monde des artistes et celui des savants, ne nous furent pas moins efficaces.

828. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Docquois, Georges (1863-1927) »

Artiste, il a traité le document du jour avec un soin tout particulier, éclairant les faits, posant les personnages en quelques traits d’une rapidité sûre, fixant les notes significatives des milieux.

829. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Schuré, Édouard (1841-1929) »

Dans le mythe, au contraire, de grands types se dessinent en traits plastiques, leurs actions glorifient l’essence de l’humanité, et les vérités profondes reluisent à travers le merveilleux comme sous un voile étincelant de lumière. » Pour extraire de l’histoire le même diamant que de la légende, pour en dégager « l’essence de l’humanité », il faut donc des alambics plus puissants, un foyer plus concentré, une transmutation plus énergique… Il n’y a donc pas lien de confondre le symbolisme historique du Théâtre de l’âme avec le symbolisme légendaire du drame wagnérien.

830. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 421-423

La derniere n’est qu’un joli divertissement ; mais les deux autres respirent le goût de la bonne Comédie ; & quoiqu’elles ne soient pas exemptes de défauts, elles n’en offrent pas moins une infinité de traits qui annoncent de vrais talens.

831. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 76-79

La Tragédie d’Idomenée fut son début, & annonça les premiers traits de cette touche sombre qui devoit se développer dans la suite avec encore plus de vigueur & de génie, dans Atrée & Tieste, Radamiste & Zénobie.

832. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 445-448

Un trait trop honorable aux Lettres pour être passé sous silence, c’est que notre jeune Monarque, touché du sage emploi que M.

833. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 474-476

Il s’étoit attendu à des critiques du moins spécieuses, & on n’a publié contre lui que des Libelles, où l’invective, le sarcasme, l’injure, & les traits de mauvaise foi, tiennent la place des raisons.

834. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 548-551

Dans ses autres Discours, il parle rarement au cœur ; jamais ou presque jamais de ces expressions vigoureuses, de ces images frappantes, de ces traits hardis qui supposent une ame fortement pénétrée de son sujet, & capable de maîtriser les autres ames Il a paru trop oublier que les hommes déferent moins à la raison qu’à leurs passions ; que ce n’est qu’en agitant leur cœur, qu’on parvient à les dominer ; que l’homme éloquent n’est pas celui qui raisonne avec justesse, mais celui qui rend avec énergie ce qu’il sent avec vivacité ; celui qui nous échauffe par la chaleur du sentiment & de l’imagination, non celui qui nous instruit & nous éclaire par la lumiere & la vérité de ses raisonnemens.

835. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 453-456

Fût-il d’Hector ou d’Alexandre, Est aussi facile à répandre Que l’est celui du plus bas rang ; Que, d’une force sans seconde, La Mort sait ses traits élancer, Et qu’un peu de plomb peut casser La plus belle tête du monde ; Qui l’a bonne y doit regarder.

836. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Notes et pensées » pp. 441-535

» — « En effet, monsieur, puis-je répondre, car je ne crois pas à vous. » Le pasteur Napoléon Peyrat, dans un livre de souvenirs, intitulé : Béranger et Lamennais (1861), m’apporte un trait à l’appui de mon dire. […] L’un préférait ce trait-ci, l’autre exaltait ce trait-là. […] — Toute une moitié, et la plus réelle, de ses qualités distinctives et de ses traits saillants n’est nullement représentée dans cette manière d’écrire. […] Je ne sais si Villemain osera raconter ce trait dans son éloge académique : il le faudrait pourtant, sous peine de ne pas peindre l’homme. […] Les notes suivantes écrites au jour le jour ne sont que des traits pris sur nature.

837. (1887) Essais sur l’école romantique

Sous les traits d’un enfant délaissé sur les flots, C’est l’élu du Sina, c’est le roi des fléaux,         Qu’une vierge sauve de l’onde. […] La description de l’incendie a si peur de ressembler à d’autres, qu’elle s’interdit tout trait de sentiment, pour ne pas tomber dans le vieil épisode, ornement obligé de tous les incendies. […] Peu à peu je me retirai des personnes afin de mettre ma conduite en harmonie avec mes nouvelles croyances, qui sont les vieilles croyances, et de ne pas en abaisser la majesté devant les exigences d’amour-propre et l’insatiable besoin de flatterie, qui sont le trait distinctif des chefs d’école, non seulement de ce temps-ci, mais de tous les temps. […] Les personnages, — pour ne parler que des ouvrages dramatiques, — les personnages de Voltaire sont faux rigoureusement, en ce point qu’ils sont tous voltairiens ; mais ils sont vrais, en ce point qu’ils représentent un homme d’un admirable bon sens, et que le bon sens est un trait commun à tous les hommes. […] Mais, vues de trop près, dans le livre même, elles choquent le lecteur délicat par cette gourme de détails faux, exagérés, ridicules, où sont noyés les traits naturels.

838. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — I. » pp. 342-363

Pourtant nous voilà bien avertis de l’idéal qu’il s’est choisi ; La Motte est pour lui le beau intellectuel, simple, majestueux, son Jupiter Olympien en littérature et son Homère : l’autre Homère, avec ses grands traits et ses vives images, n’est bon tout au plus qu’à débaucher les esprits. […] Le mot cela revient sans cesse, ainsi que ces façons de dire : cet homme-là, ces petits égards-là, cette nonchalance-là, ces traits de bonté-là. […] C’est ainsi qu’il raffine et dévide tout à l’excès, ne s’arrêtant pas aux traits principaux et ne les détachant pas.

839. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — II » pp. 454-475

Je ne puis résister à vous raconter un trait qui vous fera connaître la vanité de la maréchale, et qui dans le moment me frappa de la manière la plus comique. […] Le président de Longueil, en ces endroits, devient tout à fait le président de Montesquieu, même pour le bonheur de l’image et le trait du talent. […] Le temps fait perdre de leur prix non seulement aux pensées des hommes, mais à leurs actions, à mesure que des actions semblables se multiplient ; des exemples de valeur héroïque, des mots sublimes inspirés par l’héroïsme militaire ou patriotique, qu’on admirait chez les anciens, sont devenus des lieux communs ; dès qu’on entend commencer l’histoire, on en devine la fin et le trait, comme on devine souvent l’hémistiche d’un vers ; l’esprit se blase ainsi sur tout ; l’amour-propre même s’use ; les triomphes, les honneurs, les applaudissements multipliés n’offrent plus le même attrait, et l’homme, de jour en jour, doit être moins avide de succès qu’il voit prodiguer à un grand nombre de personnes, et souvent à des hommes méprisables.

840. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire du règne de Henri IV, par M. Poirson » pp. 210-230

Il ne vit donc point le Henri IV du triomphe et des années de paix ; il ne put rien ajouter ni changer aux traits sous lesquels il nous l’a peint dans l’action, au plus fort des dangers et des épines. […] En une grande tempête, l’une des plus assurées confiances que l’on peut avoir, c’est quand on sait que le pilote entend bien son état… Pour te le peindre d’un seul trait de pinceau, je te dis que c’est un grand roi de guerre, et je conseille à quiconque de ses voisins, qui se voudra jouer à lui de n’oublier hardiment rien à la maison. […] De joindre une longue délibération avec un fait pressé, cela lui est malaisé, et c’est pourquoi, au contraire, aux effets de la guerre il est admirable, parce que le faire et le délibérer se rencontrent en un même temps, et qu’à l’un et à l’autre il apporte toute la présence de son jugement ; mais aux conseils qui ont trait de temps, à la vérité il a besoin d’être soulagé… Il a cela néanmoins qui doit fort contenter ses conseillers : c’est qu’encore qu’il n’ait nullement pensé ni été disposé à une affaire, si ses serviteurs, après l’avoir bien ruminée et bien digérée, la lui viennent représenter, il est si prompt à toucher au point et à y remarquer ce qu’on peut y avoir ou trop ou trop peu mis, qu’on jugerait qu’il y était déjà tout préparé.

841. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier. »

Il y a bien un Gautier universellement accepté, qui est celui des voyages ; celui-là, on le vérifie à chaque pas, dès qu’on met le pied dans les pays qu’il nous a rendus et exprimés en traits si saillants et si fidèles. […] Mais ici, partout, même dans les choses d’enfance et jusque dans lès blancheurs de l’aube, le trait est toujours pur, net, sans rien qui hésite ; le vers est parfait de rhythme et de forme. […] Dans l’un et dans l’autre groupe, un trait qu’ils ont en commun, c’est l’absence de toute passion politique.

842. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. »

En ce qui est de Maurice, les Mémoires fournissent toutefois les premiers traits caractéristiques de sa physionomie ; « On me fit partir pour la Hollande ; j’avais pour gouverneur le baron de Lorme, et d’Alençon pour sous-gouverneur : mais j’étais si dissipé qu’il n’était pas possible de m’apprendre quelque chose. […] Tous les maîtres y échouèrent : « Je l’ai appris depuis tout seul, ajoute-t-il, et, pour ainsi dire, du jour au lendemain. » Quant à écrire, il ne le sut jamais : l’orthographe de ses lettres originales est inimaginable ; mais, quand on a une fois rétabli ce détail de manière que l’œil ne soit plus déconcerté, la langue en est courante, simple, franche, corsée, semée ou lardée de traits gais, gaillards, et même parfois grandioses. […] Lui, qui sera si heureux, il aime peu à s’en remettre aux faveurs de la fortune « qui quelquefois est bien inconstante. » Vainqueur à Fontenoy, au moment le plus désespéré, non par son flegme seulement, mais par un de « ces traits de lumière qui caractérisent les grands capitaines », il dira à Louis XV dont il vient d’illustrer les armes, et à travers toutes les effusions du dévouement : « Vous voyez, Sire, à quoi tiennent les batailles ! 

843. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Joséphine de Saxe dauphine de France. (Suite et fin.) »

Il est tel historien, assurément, qui ne manquerait pas d’en tirer des conséquences outrageuses et extravagantes : chez le comte Vitzthum, elles ne sont qu’à l’état de vignettes historiques, et un peintre y prendrait deux ou trois traits pour un tableau exact de mœurs. […] D’ailleurs elle a de beaux yeux et est fort bien faite ; elle est blanche, a de beaux cheveux ; beaucoup de désir de plaire, remplie d’attentions ; de l’esprit, de la vivacité ; sentant parfaitement tout son bonheur ; souhaitant passionnément de réussir dans cette Cour-ci ; une très bonne santé, point délicate de corps ni d’esprit ; encore un peu enfant ; une extrême envie de bien apprendre le français ; demandant qu’on la reprenne sur les mauvais mots qu’elle pourra dire… » Après l’avoir vue de ses yeux, il adoucit quelques traits et y ajoute en bien : « Un beau teint, assez blanche, de beaux yeux bleu foncé, un assez vilain nez, des dents qui seront belles quand on y aura travaillé, la taille très jolie ; elle se tient un peu en avant en marchant ; un peu plus grande que Madame (Madame Henriette). […] Le maréchal de Saxe me rappelle, par quelques-uns des traits qu’on vient de lire, le sacrifice d’Amélie au pied des autels dans René.

844. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo en 1831 »

Une tendresse austère et réservée, une discipline régulière, impérieuse, peu de familiarité, nul mysticisme, des entretiens suivis, instructifs et plus sérieux que l’enfance, tels étaient les grands traits de cet amour maternel si profond, si dévoué, si vigilant, et de l’éducation qu’il lui dicta envers ses fils, envers le jeune Victor en  particulier. […] Sur quarante rivaux qui briguaient son suffrage, Est-ce peu qu’aux traits séduisans De votre muse de quinze ans, L’Académie ait dit : « Jeune homme, allons ! […] Veillez, veillez, jeunes gens ; recueillez vos forces, vous en aurez besoin le jour de la bataille : les faibles oiseaux prennent leur vol tout d’un trait ; les aigles rampent avant de s’élever sur leurs ailes. » Et pourtant son hardi et heureux frère ne rampait déjà plus.

845. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ULRIC GUTTINGUER. — Arthur, roman ; 1836. — » pp. 397-422

C’était dans la poésie comme un talent de femme, le talent ne survivant jamais à l’émotion, le début toujours vrai et parfois puissant, des traits faciles, et bientôt la fatigue, et le vers libre pour se soulager, et pas de conclusion. […] La Terreur est touchée en quelques grands traits : Bonaparte et le Consulat éblouissent en passant ; on voit sous quels rayons, sous quels romanesques prestiges ces souvenirs historiques se sont reflétés et nuancés dans une adolescence si vive où toutes les parties non sévères se hâtaient d’éclore. […] M. de Balzac, qui a sur ces points tant de qualités et de parties d’observation heureuse, devra admirer cette sobriété, cette précision de trait, qui est le goût suprême du genre.

846. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE PONTIVY » pp. 492-514

Mais cette idée de rival était un trait qui la faisait de nouveau bondir, en lui montrant présent le danger. […] Elle souffrait, et sa santé s’en altérait ; mais chaque jour, sous la langueur croissante, dans les traits un peu pâlis de sa beauté, redoublait la grâce. […] Après plus d’une heure d’attente et de propos saccadés, frivoles, par où s’exhalait une irritation étouffée, après avoir essuyé quelques traits de Mme de Noyon, et avoir fait une espèce de paix suffisante pour le moment, M. de Murçay, allant droit à Mme de Pontivy, toujours entourée, lui dit assez haut pour que sa voisine du coin de la cheminée l’entendît, qu’il désirait l’entretenir quelques instants de ce qu’elle savait, et qu’il lui en demandait la faveur avant qu’elle se retirât. « Certainement, » répondit Mme de Pontivy ; et la voisine, qui voulut bien comprendre à demi, se leva après quelques minutes.

847. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Pierre Corneille »

Corneille s’en montra reconnaissant au point de donner à son jeune ami le nom touchant de père ; et certes s’il nous fallait indiquer, dans cette période de sa vie, le trait le plus caractéristique de son génie et de son âme, nous dirions que ce fut cette amitié tendrement filiale pour l’honnête Rotrou, comme, dans la période précédente, ç’avait été son pur et respectueux amour pour la femme dont nous avons parlé. […] Avant de dire un mot de sa vieillesse et de sa fin, nous nous arrêterons pour résumer les principaux traits de son génie et de son œuvre. […] Marquise, si mon visage A quelques traits un peu vieux, Souvenez-vous qu’à mon âge Vous ne vaudrez guère mieux.

848. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Madame de Krüdner et ce qu’en aurait dit Saint-Évremond. Vie de madame de Krüdner, par M. Charles Eynard »

Elle reçoit ce sacrifice comme une personne qui va recevoir sa communion. » Le mot est vif, il est sanglant, venant d’un ami intime ; mais il marque quelle était alors la disposition mystico-mondaine de la sainte future, ce que j’appelle l’amalgame, et le trait s’accorde bien avec les révélations que nous devons à M.  […] Eynard, qui veut bien tenir compte avec indulgence de notre ancienne esquisse de Mme de Krüdner, a pris soin d’en rectifier les traits qu’il trouve inexacts, et de réfuter aussi l’esprit un peu léger où se jouait notre crayon. […] Eynard cite à ce sujet le docteur Portal et son procédé si souvent raconté pour se créer, à son arrivée à Paris, une réputation et une clientèle ; mais, en rapportant ce trait de charlatanisme aux premières années du siècle, il commet un anachronisme de plus de trente ans.

849. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre III. L’Histoire »

Un trait manque encore à la physionomie de Villehardouin, et c’est peut-être le principal. […] Deux ou trois impressions, sèches, sinon faibles, ou réprimées rapidement, piquent à peine quelques traits pittoresques sur la grave démonstration de la conduite de la quatrième croisade : Joinville regarde tout, s’émerveille de tout, et dit tout. […] Il est de la même famille, il a le sens de la vie, et il rend d’un trait léger et juste, avec une grâce inoubliable.

850. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre I. Roman de Renart et Fabliaux »

Mais, comme à nos faiseurs de vaudevilles, il leur est arrivé, en ne visant qu’à faire rire, de crayonner certaines charges assez ressemblantes, et qui amusent par la netteté saisissante du trait. […] Ajoutez encore ce trait bien caractéristique : le manque de sympathie, la dureté méprisante à l’égard des faibles et des victimes, qui éclate là plus crûment encore que dans le roman de Renart. […] Comme on n’y saisit pas d’intention de faire vrai, on n’y trouve guère aussi trace d’observation : quand le trait est juste, c’est d’instinct, par une bonne fortune de l’œil et de la main.

851. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIII. Retour de Molière à Paris » pp. 225-264

Il lui restait en propre l’art avec lequel il avait su fondre ces éléments divers, en conservant la verve la plus franche, le trait le plus net et le style le plus vif qu’on eût jusqu’alors admirés sur la scène française. […] Les traits de la jeune fille s’éclairent de joie. […] Mais de même que, dans toutes ces diverses situations, Sganarelle conserve quelque trait de son caractère et de sa physionomie, il est probable qu’il gardait toujours dans son costume quelque chose qui rappelait le type originel, tant la tradition avait de puissance dans ce domaine où l’on serait tenté de croire que la fantaisie était souveraine absolue.

852. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Otez de ses jugements le trait personnel, ils restent vrais. […] Aimer ses amis, c’est le trait qui achève le caractère de l’homme de bien. […] De même que Virgile a vu Vénus, sous les traits d’une nymphe des forêts, apparaissant à Enée, et parfumant les airs de l’ambroisie qui s’exhale de sa chevelure, André Chénier a vu du bois voisin l’aimable manège des Naïades qui entraînent le jeune Hylas En un lit de joncs frais et de mousses nouvelles.

853. (1900) Poètes d’aujourd’hui et poésie de demain (Mercure de France) pp. 321-350

Ce fut dans son voile nombreux, nuancé et transparent qu’elle s’enveloppa, et c’est à travers cette transparence mobile qu’il fallut deviner les traits énigmatiques de sa mystérieuse beauté. […] Cette caractéristique s’ajoute aux tendances idéalistes que j’ai déjà signalées et qui sont un des traits marquants de l’école actuelle. […] Mais, sans aller plus loin, je tenais à signalera à votre attention cette réforme prosodique, non seulement pour son importance littéraire, mais parce qu’elle est une marque curieuse de l’état d’esprit contemporain et que c’est bien un trait d’individualisme que d’avoir voulu créer une métrique pour ainsi dire individuelle.

854. (1890) L’avenir de la science « XIX » p. 421

Certaines personnes se plaisent à relever les traits qui, dans notre littérature et notre philosophie, rappellent la décadence grecque et romaine, et en tirent cette conclusion, que l’esprit moderne, après avoir eu (disent-elles) son époque brillante au XVIIe siècle, déchoit et va s’éteignant peu à peu. […] Tout ceci peut être appliqué trait pour trait à l’avenir de la civilisation moderne.

855. (1887) Discours et conférences « Rapport sur les prix de vertu lu dans la séance publique annuelle de l’Académie française »

La vertu a justement pour trait de haute noblesse de ne correspondre à aucun salaire. […] Les actes de la Société des Sauveteurs de la Méditerranée sont pleins des traits de courage de ces deux rivaux en dévouement et en amitié. […] Elle n’a pas, comme les autres jeunes filles de la campagne, suivi le changement des modes ; elle a gardé son costume et sa coiffure de villageoise ; elle le porte avec une rare distinction ; car voici la silhouette exquise que M. le curé de Château-l’Évêque nous a envoyée d’elle : « Un trait vous fera comprendre l’impression profonde que l’on ressent en voyant Emmeline Nadaud.

856. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XI. La littérature et la vie mondaine » pp. 273-292

Leur liaison intime et permanente est même un des traits les plus saillants qui distinguent la civilisation française. […] Que de traits révèlent son caractère aristocratique et mondain ! […] « Si je parlais (dit-il à une… vipère qu’il voit pour la première fois), il pourrait m’échapper des traits d’une incivilité qui vous déplairait et que mon respect vous épargne. » Il aime mieux se taire que blasphémer.

857. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre II »

Il a découvert sous ces traits obscurs quelque chose qui ressemble à de la beauté ; il a frappé sur cet esprit engourdi et il en a fait sortir de vives étincelles ; bref, le chevalier est amoureux, autant qu’il peut l’être, et le voilà qui se jette aux pieds de la délaissée en lui proposant d’être… sa maîtresse. […] L’entrevue est piquante, alerte, incisive ; elle lance des traits qui frappent et des mots qui sonnent. […] Le trait final est joli, mais il est trop fin et trop émoussé.

858. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE XIV »

Ce trait de précocité est si fort, qu’il marque cette figure d’enfant comme d’une légère ride. […] Son caractère éclate en traits vibrants de nature, dans la scène qu’elle fait à Octave pour lui arracher son secret. […] Son trait distinctif est la reconnaissance passionnée que son mari lui inspire, et qui fait de son amour une adoration.

859. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La duchesse du Maine. » pp. 206-228

La violence, l’impossibilité de supporter aucune contradiction, se marquaient chez eux en traits énergiques et frénétiques. […] Je saute par bienséance bien des plaisanteries qui avaient trait à un tout autre objet, — comment dirai-je ?  […] C’est une pièce de physiologie morale des plus fines ; j’en donnerai les principaux traits : Mme la duchesse du Maine, à l’âge de soixante ans, n’a encore rien acquis par l’expérience ; c’est un enfant de beaucoup d’esprit ; elle en a les défauts et les agréments.

860. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mademoiselle de Scudéry. » pp. 121-143

Tout apprendre, tout savoir, depuis les propriétés des simples et la confection des confitures, jusqu’à l’anatomie du cœur humain, être de bonne heure sur le pied d’une perfection et d’une merveille, tirer de tout ce qui passe dans la société matière à roman, à portrait, à dissertation morale, à compliment et à leçon, unir un fonds de pédantisme à une extrême finesse d’observation et à un parfait usage du monde, ce sont des traits qui leur sont assez communs à toutes les deux ; les différences pourtant ne sont pas moins essentielles à noter. […] Mais, d’après ces seuls traits, on fait plus qu’entrevoir l’idéal qu’elle n’était pas fâchée de présenter de sa beauté, ou, si vous voulez, le correctif de sa laideur. […] Tels sont Artamène ou le Grand Cyrus, où l’on trouve une partie considérable de la vie de Louis de Bourbon prince de Condé, et sa Clélie qui renferme quantité de traits qui ont du rapport à tout ce qu’il y avait alors de personnes illustres en France.

861. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires de Marmontel. » pp. 515-538

C’est dans cette retraite dernière qu’il écrivit son plus agréable et son plus durable ouvrage, ses Mémoires : « C’est pour mes enfants que j’écris l’histoire de ma vie, dit-il en les commençant ; leur mère l’a voulu. » Il s’y trouve bien des choses qu’on est étonné, à la lecture, qu’il ait écrites pour ses enfants et à la sollicitation de sa femme ; mais cela forme un trait de mœurs de plus, et le ton général de bonhomie et de naturel qui règne dans l’ensemble du récit fait tout passer. […] Ce dernier trait est plus vrai de Marmontel qu’il n’a l’air de le croire quand il nous le dit en souriant. […]  » Sentez-vous comme ce dernier trait, tout académique, tout littéraire, et qui est du faux Gessner, gâte ce qui précède ?

862. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — II. (Suite.) » pp. 220-241

Beaumarchais y allait plus à cœur ouvert ; et, en même temps, il avait le genre de plaisanterie moderne, ce tour et ce trait aiguisé qu’on aimait à la pensée depuis Voltaire ; il avait la saillie, le pétillement continuel. […] Dans une réponse pourtant qu’il fit à l’un d’eux (juin 1785), on lit : Vous me demandez s’il est vrai que le roi m’ait accordé des secours puissants dans ma détresse actuelle ; je n’ai pas plus de raisons de dissimuler les traits de sa justice, que je n’en eus de cacher l’affliction profonde où me plongea sa colère inopinée. […] Je ne sais si j’ai bien fait toucher du doigt au lecteur tous les points singuliers et les traits distinctifs de cette destinée et de cette fortune bizarre du Mariage de Figaro, une représentation arrachée, malgré le roi et les magistrats, par la Cour, par le public et par l’auteur, triomphante et déréglée, se tournant contre ses propres spectateurs, s’aidant tour à tour de tous les moyens auxiliaires de scandale, de sensibilité et de bienfaisance, et menant au plus beau moment son héros à Saint-Lazare ; traitement infamant et indigne, dont il se trouve toutefois presque consolé, puisqu’il en est sorti une ordonnance de comptant de deux millions cent cinquante mille livres.

863. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — I. » pp. 414-435

Bonpland… Là, tandis que le ciel du Midi brillait de son pur éclat, ou que, par un temps de pluie, sur les rives de l’Orénoque, la foudre en grondant illuminait la forêt, nous avons été pénétrés tous deux de l’admirable vérité avec laquelle se trouve représentée, en si peu de pages, la puissante nature des Tropiques dans tous ses traits originaux. […] On en jugera par un seul trait : Que de fois, s’écrie-t-il, je me suis trouvé meilleur en le quittant ! […] Panckoucke se rattache à un autre trait de susceptibilité qui n’eut lieu que plus tard.

864. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — II. (Fin.) » pp. 411-433

Parlant des auteurs de mémoires personnels, il a un morceau très vif contre Jean-Jacques Rousseau et Les Confessions, qu’il estime un livre dangereux et funeste : S’il existait, s’écrie-t-il, un livre où un homme regardé comme vertueux, et presque érigé en patron de secte, se fût peint comme très malheureux ; si cet homme, confessant sa vie, citait de lui un grand nombre de traits d’avilissement, d’infidélité, d’ingratitude ; s’il nous donnait de lui l’idée d’un caractère chagrin, orgueilleux, jaloux ; si, non content de révéler ses fautes qui lui appartiennent, il révélait celles d’autrui qui ne lui appartiennent pas ; si cet homme, doué d’ailleurs de talent comme orateur et comme écrivain, avait acquis une autorité comme philosophe ; s’il n’avait usé de l’un et de l’autre que pour prêcher l’ignorance et ramener l’homme à l’état de brute, et si une secte renouvelée d’Omar ou du Vieux de la Montagne se fût saisie de son nom pour appuyer son nouveau Coran et jeter un manteau de vertu sur la personne du crime, peut-être serait-il difficile, dans cette trop véridique histoire, de trouver un coin d’utilité… Volney, en parlant de la sorte, obéissait à ses premières impressions contre Rousseau, prises dans le monde de d’Holbach ; il parlait aussi avec la conviction d’un homme qui venait de voir l’abus que des fanatiques avaient fait du nom et des doctrines de Rousseau pendant la Révolution, et tout récemment pendant la Terreur. […] Le trait distinctif du colon français qui, jusque sur les confins du désert, sent le besoin de voisiner et de causer, y est vivement saisi : « En plusieurs endroits, ayant demandé à quelle distance était le colon le plus écarté : Il est dans le désert, me répondait-on, avec les ours, à une lieue de toute habitation, sans avoir personne avec qui causer. » Il y a aussi dans les Éclaircissements un chapitre curieux sur les sauvages ; en nous décrivant leurs mœurs et leurs habitudes, Volney ne perd pas l’occasion de revenir à la charge contre Rousseau et contre son paradoxe de parti pris en faveur de la vie de nature ; il donne la preuve de ce parti pris par des anecdotes qu’il savait d’original, et notamment par celle de la fameuse conversation de Jean-Jacques avec Diderot à Vincennes : « Et cet homme aujourd’hui, ajoute-t-il, trouve des sectateurs tellement voisins du fanatisme, qu’ils enverraient volontiers à Vincennes ceux qui n’admirent pas Les Confessions ! » Volney, dans une note, lance également un trait à Chateaubriand, qu’il appelle un « auteur préconisé », et il relève une invraisemblance dans Atala.

865. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XII] »

IV, chap. 15] Le Dante a répandu quelques beaux traits dans son Purgatoire ; mais son imagination, si féconde dans les tourments de l’Enfer, n’a plus la même abondance quand il faut peindre des peines mêlées de quelques joies. […] Et erant valdè bona : et enfin, qu’il s’était contenté lui-même en considérant dans ses créatures les traits de sa sagesse et l’effusion de sa bonté. […] Campaspe nue, sous les traits de Vénus Anadyomène.

866. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution française »

En cela, il s’est mis d’un seul trait au-dessus de la funeste passion philosophique de son temps ; il a rompu avec des habitudes erronées et universelles. […] Aussi, dans toutes ces figures qui nous semblaient si familières et qu’il fait passer devant nous, trouvons-nous des physionomies que nous ne connaissions qu’à moitié et dont le trait principal s’était perdu dans une lumière plus trompeuse que l’ombre. […] Si j’avais à caractériser d’un seul trait l’Histoire des Causes, je dirais qu’elle est la preuve magnifique et détaillée du mot du grand de Maistre sur Thermidor, mot que Tacite aurait écrit s’il avait été de ce temps funeste : Quelques scélérats égorgèrent d’autres scélérats  ; — et de cet autre, tout aussi vrai, d’un homme qui avait de profonds instincts politiques : Les hommes de la Révolution française, dans des temps réguliers et calmes, nous n’en aurions pas voulu pour nos sous-préfets.

867. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Sainte-Beuve. Les Poésies de Joseph Delorme, Les Consolations, les Pensées d’août. »

Guizot appela, un soir, un Werther carabin, mais auquel il fallait ajouter aussi un Wordsworth ; dans Le Calme, où il y a encore beaucoup de bombast lamartinien que je ne voudrais pas y voir, mais où je rencontre de ces traits de paysage qui rachètent tout : La quille où s’épaissit une verdâtre écume, Et la pointe du mât qui se perd dans la brume. […] C’est un Lamartine, en effet, à plusieurs Elvires, et dont la chair veut chanter comme chantait l’âme de l’autre… Cependant il a des traits bien à lui et qui ne manquent pas de cette fougue qui, si elle durait, tacherait le mors de sang (comme dans la pièce à M.  […] Mais ces traits, il les noie dans l’abondance de ces deux modèles qu’il veut imiter — ou qu’il n’imite pas, mais dont il subit l’influence, plus esclave en cela que s’il imitait.

868. (1868) Curiosités esthétiques « VII. Quelques caricaturistes français » pp. 389-419

L’artiste y révéla une intelligence merveilleuse du portrait ; tout en chargeant et en exagérant les traits originaux, il est si sincèrement resté dans la nature, que ces morceaux peuvent servir de modèle à tous les portraitistes. […] L’un d’eux, qui a trait au choléra, représente une place publique inondée, criblée de lumière et de chaleur. […] Il a, remarquez bien ce trait, souvent refusé de traiter certains motifs satiriques très-beaux, et très-violents, parce que cela, disait-il, dépassait les limites du comique et pouvait blesser la conscience du genre humain.

869. (1925) Proses datées

Les traits se sont creusés, la chevelure a grisonné, mais l’expression du visage est restée la même. […] C’est l’Himalaya en pierre ponce. » Sur ce beau trait, d’ailleurs assez comique, finit le réquisitoire. […] Il en a la conformation mentale et les traits caractéristiques. […] Sa figure est attachante par plus d’un trait et l’on comprend qu’elle ait tenté les biographes. […] Pour le reste, à nous d’interpréter leurs traits, de commenter leur sourire ou leur moue.

870. (1890) Les princes de la jeune critique pp. -299

Il est séduit, quoi qu’il fasse, par la simplicité du plan, par la correction du dessin, par le développement régulier des idées, surtout par la netteté du trait. […] Le moyen âge, il faut l’effacer d’un trait. […] Il est en France un des maîtres du sarcasme altier et de l’éloquence méprisante, et, pour finir à peu près comme j’ai commencé, ce dernier trait rappelle encore les doctrinaires et Royer-Collard. […] Reconnaissez-vous à tous ces traits l’ami de la beauté sobre, telle que la Grèce ancienne l’a conçue et réalisée ? […] Becque s’entendent dire : « Vous n’êtes que des blancs-becs » ; on le pardonne et l’on rit même à la rigueur ; le trait est drôle et inattendu.

871. (1903) Propos de théâtre. Première série

Gide aurait pu ne pas craindre de creuser un peu le trait. […] La franchise et la décision sont le trait dominant de son caractère. […] Ce ne sont là encore que des traits légers d’un art nouveau. […] Il a conservé les deux traits essentiels de l’ambition féminine : l’orgueil, l’étourderie. […] Ces deux premiers traits éclatent dans Joad.

872. (1891) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Quatrième série

Quelques-uns de leurs traits ont passé dans son œuvre, en y devenant d’ailleurs originaux et personnels. […] L’un des traits les plus remarquables de cette influence du jansénisme, c’est peut-être dans la prédication de Bourdaloue que nous le trouverions. […] On peut noter, dans cette réserve même, un premier trait de caractère. […] Sorel ne laisse pas d’y trouver des traits d’une admiration profonde et sincère de l’antiquité. […] Et ce dernier trait, si je ne me trompe, en achevant de caractériser l’homme, achève aussi de mesurer l’influence et de préciser la portée de l’œuvre.

873. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre premier. La question de fait et la question de goût » pp. 30-31

Ces faits me paraissent pouvoir être rangés sous trois chefs différents : 1° Les caractères de cette œuvre, les traits particuliers qui la ; distinguent ; 2° Quelques-unes des causes qui ont contribué à la rendre, telle qu’elle est ; 3° Quelques-uns des effets qu’elle a produits, soit sur les contemporains, soit sur la postérité.

874. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 440-443

Ce trait suffit seul pour faire connoître que les talens sont toujours dangereux pour les mauvais caracteres.

875. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 100-103

Il est bien plus noble d’imiter ces Fondeurs habiles, qui, sachant conserver l’attitude & les principaux traits d’une Statue, forment un nouveau moule pour la rendre avec les beautés qu’elle avoit déjà, lui donner celles qui lui manquoient, & la corriger des défauts qui en rendoient l’exécution moins heureuse.

876. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Restout le fils » pp. 284-285

Et votre Diogène , de bonne foi, lui voit-on le moindre trait qui indique l’esprit de son action ?

877. (1767) Salon de 1767 « Sculpture — Vassé » pp. 323-324

Le comte De Caylus est beau, vigoureux, noble, fait avec hardiesse, bien modelé, bien ressenti, chair, beaux méplats, le trait pur, les peaux, les rides, les accidens de la vieillesse à merveille.

878. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Troisième série

Besoin de contredire, vanité, épicurisme, voilà les traits premiers, les forces intimes et profondes de la complexion de Stendhal. […] Autour de ce trait on jette, rassemblées, toutes les autres qualités qui dans notre imagination étaient inséparables de lui, et l’amour éclate. […] Il ne tient pas tout entier dans cette définition ; mais ces quatre traits sont essentiels et le résument dans la plupart de ses aspects et de ses démarches. […] Et puis ceci nous donne un dernier trait sur ce scepticisme très particulier de Sainte-Beuve. […]  » — Vue très pénétrante et qui nous livre un trait de caractère de Sainte-Beuve, en même temps qu’un des secrets de son esprit.

879. (1890) Causeries littéraires (1872-1888)

Quelques figures dessinées d’un trait vigoureux, mais qu’on a vues souvent ailleurs. […] Je pourrais détacher cent traits du même genre, tout aussi invraisemblables et contre nature. […] — Ailleurs, c’est un trait de goût douteux. […] Ses articles ont ce trait caractéristique qu’il y est toujours question de M.  […] C’est là le trait que je tiens essentiellement à noter.

880. (1892) Sur Goethe : études critiques de littérature allemande

Il aime : voilà le trait dominant de sa nature. […] Remarquons-le d’abord : Goethe, qui a su prêter à chacun de ses personnages une physionomie distincte, leur a donné à tous pour trait commun, pour trait fondamental, la bonté. […] S’il raconte des traits de chrétien accompli, c’est un christianisme qui donne le frisson. […] Un pareil trait ne pouvait être surpassé. […] Mais il esquisse quelques traits d’une main rapide et il passe outre.

881. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE VIGNY (Servitude et Grandeur militaires.) » pp. 52-90

Magnin23 et au nôtre, Dolorida, Moïse, Éloa, assignent à sa noble muse des traits qui, dussent-ils ne plus se renouveler et se varier, sont ceux d’une immortelle. […] On peut remarquer qu’avec les années les traits indiqués ici ont été plutôt en s’exagérant, c’est-à-dire en se raffinant. […] Chaque mot est un trait qui s’ajoute au précédent, et cela ne cesse pas jusqu’à ce qu’il ait fini. […] Quant aux erreurs de fait dont parle De Vigny, elles étaient insignifiantes au point de vue littéraire : qu’il eût avec l’amiral Baraudin tel ou tel degré de parenté et de descendance, cela importait peu, et il a suffi d’un trait de plume pour rectifier la méprise, mais ce qui lui fit une impression légèrement désagréable, quoiqu’il le dissimulât dans le temps, ce fut d’avoir été rattaché au groupe de 1828 dont pourtant il avait bien réellement été, et j’en vais donner les preuves.

882. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LEBRUN (Reprise de Marie Stuart.) » pp. 146-189

Cette mélancolique communication de l’âme avec les objets extérieurs, et particulièrement avec les nuages, est un trait plutôt moderne et du Nord. […] Ou je me trompe, ou je vois dans ce départ empressé quelque chose de généreux, un trait tout à fait digne d’un lendemain de haute tragédie. […] Béranger n’échappe aux confrontations qu’à force de traits aussi et par la perfection serrée de sa forme. […] Mais laissons parler là-dessus un témoin bien grave et hautement autorisé en toute matière, M. le duc de Broglie, qui, dans la Revue française de janvier 1830, venant constater, à propos de l’Othello de M. de Vigny, la révolution sensible qui s’opérait dans le goût du public, écrivait : « Chacun peut se rappeler les murmures qui interrompirent, lors de la première représentation du Cid d’Andalousie, cette scène charmante94 où le héros de la pièce, tranquillement assis aux pieds de sa bien-aimée, sans desseins, sans inquiétude, uniquement possédé de l’idée de son prochain bonheur, dans un profond oubli et du monde, et des hommes, et de toutes choses, l’entretenait doucement des progrès de leur amour mutuel, et lui rappelait, en vers pleins de délicatesse et de grâce, les premiers traits furtifs de leur muette intelligence.

883. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « M. DE LA ROCHEFOUCAULD » pp. 288-321

Un des traits du moraliste est dans cette observation à la dérobée, dans cette causerie à mi-voix. […] C’est un trait caractéristique de ce temps-ci. […] On proclame à la tribune le beau et le grand dont on fait des gaietés dans l’embrasure d’une croisée, ou des sacrifices d’un trait de plume autour d’un tapis vert. […] En sage que rien n’offense, Livrez-vous sans résistance A d’inévitables traits ; Et d’une démarche égale Passez cette onde fatale Qu’on ne repasse jamais.

884. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Charles Labitte »

Un caractère digne d’être noté honore en mille endroits ces premiers épanchements d’une vie naturelle et pure : ce sont les sentiments de croyance et de moralité, si familiers, ce semble, à toute jeunesse qu’on ne devrait point avoir à les relever, mais si rares (nous assure-t-on) chez les générations venues depuis Juillet, qu’elles sont vraiment ici un trait distinctif. […] C’est une manière de se représenter cette postérité vague et fuyante sous des traits connus et augustes, de se la figurer dans la majesté reconnaissable des ancêtres. […] Or, il n’y a qu’une manière de se tenir en garde contre l’abus, c’est de faire toujours entrer la tradition pour une grande part dans ses considérations, et de ne pas la supprimer d’un trait sous prétexte qu’on n’a plus de moyen direct et matériel d’en vérifier tous les éléments. […] Si Lucrèce nous rend avec une saveur amère les angoisses des mortels, nul aussi n’a peint plus fermement et plus fièrement que lui la majesté sacrée de la nature, le calme et la sérénité du sage ; à ce titre auguste, le pieux Virgile lui-même, en un passage célèbre, le proclame heureux : Félix qui potuit rerum , etc… Quoi qu’il en soit cependant de l’énigme que le poëte nous propose, et si tant est qu’il y ait vraiment énigme dans son œuvre, c’était aux expressions de trouble et de douleur que s’attachait surtout notre ami ; le livre III, où il est traité à fond de l’âme humaine et de la mort, avait attiré particulièrement son attention ; dans son exemplaire, chaque trait saillant des admirables peintures de la fin est surchargé de coups de crayon et de notes marginales, et il s’arrêtait avec réflexion sur cette dernière et fatale pensée, comme devant l’inévitable perspective : « Que nous ayons vécu peu de jours, ou que nous ayons poussé au-delà d’un siècle, une fois morts, nous n’en sommes pas moins morts pour une éternité ; et celui-là ne sera pas couché moins longtemps désormais, qui a terminé sa vie aujourd’hui même, et celui qui est tombé depuis bien des mois et bien des ans : Mors aeterna tamen nihilominus illa manebit ; Nec minus ille diu jam non erit, ex hodierno Lumine qui finem vitaï fecit, et ille Mensibus atque annis qui multis occidit ante. » Notre ami était donc en train d’attacher ses travaux à des sujets et à des noms déjà éprouvés, et les moins périssables de tous sur cette terre fragile ; il voguait à plein courant dans la vie de l’intelligence ; des pensées plus douces de cœur et d’avenir s’y ajoutaient tout bas, lorsque tout d’un coup il fut saisi d’une indisposition violente, sans siège local bien déterminé, et c’est alors, durant une fièvre orageuse, qu’en deux jours, sans que la science et l’amitié consternées pussent se rendre compte ni avoir prévu, sans aucune cause appréciable suffisante, la vie subitement lui fit faute ; et le vendredi 19 septembre 1845, vers six heures du soir, il était mort quand il ne semblait qu’endormi.

885. (1875) Premiers lundis. Tome III « Les poètes français »

Ce sont là des traits à retenir et à emporter avec nous de notre moyen âge épique. […] Il en sort un souffle parfois puissant, il y court une source d’âpre fraîcheur, et aussi elles renferment bien des traits saillants de vérité pittoresque, pris sur nature, des beautés éparses, franches, et dont un grand poète s’attachant à peindre et à ressusciter le moyen âge eût fait son profit. […] Et les traits moraux non plus ne manquent pas. […] Macaulay, qui est fort suivi aujourd’hui : « Les meilleurs portraits, a dit ce grand peintre historique, sont peut-être ceux dans lesquels il y a un léger mélange de charge… Quelque chose est perdu pour l’exactitude, mais beaucoup est gagné pour l’effet… Les lignes moins importantes sont négligées, mais les grands traits caractéristiques s’impriment pour toujours dans l’esprit. » C’est ainsi qu’on raccommode après des siècles et qu’on refait bien des personnages.

886. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Note I. De l’acquisition du langage chez les enfants et dans l’espèce humaine » pp. 357-395

. — Voilà le trait distinctif de l’homme ; deux perceptions successives fort dissemblables laissent néanmoins un résidu commun qui est une impression, une sollicitation, une impulsion distincte dont l’effet final est telle expression inventée ou suggérée, c’est-à-dire tel geste, tel cri, telle articulation, tel nom. […] Le sentiment de la forme, déjà manifesté par plusieurs traits, s’est encore révélé chez lui en cette circonstance. […] Quelque trait détaché fut saisi comme la caractéristique d’un objet ou d’une classe d’objets ; une rapine se trouva là pour exprimer le trait » ; une base pronominale s’y ajouta, puis des suffixes s’y accolèrent, y apportant la précision, et les distinctions.

887. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIe entretien. Vie du Tasse (1re partie) » pp. 5-63

XI Dans ce jardin de délices, sous le ciel le plus tiède de l’univers, au sein du loisir et de l’amour, à l’âge où le cœur s’apaise et où l’esprit se possède, époux d’une des femmes les plus belles et les plus lettrées de l’Italie, écrivant, pour le plaisir plus que pour la gloire, le poème chevaleresque d’Amadis, déjà père d’une fille au berceau, dont les traits rappelaient la beauté de sa mère, possesseur d’une fortune plus que suffisante à ce séjour champêtre, Bernardo jouissait de tout ce qui fait le rêve des hommes modérés dans leurs désirs. […] La nature, en effet, semblait s’être complu à personnifier la poésie dans le poète ; son portrait par le marquis Manso, son ami, qui l’avait décrit dans son adolescence, à Sorrente et à Rome, rappelle le gracieux portrait de Raphaël d’Urbin, le génie enfant, avec un trait de plus dans le regard, la fierté martiale du chevalier qui sent l’héroïsme dans son sang. « Torquato », dit le marquis Manso, qui l’avait revu après ses malheurs et à un autre âge, « était un homme si accompli de forme, de stature et de visage, que, parmi les hommes de la plus haute taille, il pouvait être admiré comme un des plus imposants et des plus merveilleusement proportionnés ; son teint était frais, coloré, bien que dès sa jeunesse les études, les veilles, et plus tard les revers et les souffrances, eussent donné un peu de pâleur et de langueur à ses traits. […] L’ombre de la mélancolie, planant sur ses traits, mêlait un intérêt tendre et une pitié vague à l’admiration que son nom et sa personne inspiraient partout où il paraissait.

888. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, Les Chants du crépuscule (1835) »

Il sied aux comparaisons et similitudes dans la poésie, à part les grands traits généraux, d’être libres chemin faisant et diverses. […] Nous n’en sommes pas moins sensible, qu’on veuille nous croire, à tout ce qui s’y trouve à profusion d’images riches, de traits inattendus et heureusement pittoresques, d’observations naturelles et domestiques de promeneur et de père, soit que le poëte nous indique du doigt dans la plaine le sentier qui se noue au village, la vallée toute fumante de vapeurs au soleil comme un beau vase où brûlent des parfums, soit qu’il se montre lui-même éveillé avec ses soins et ses doutes rongeurs, dès avant l’aube, Même avant les oiseaux, même avant les enfants !

889. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Lettres de Rancé abbé et réformateur de la Trappe recueillies et publiées par M. Gonod, bibliothécaire de la ville de Clermont-Ferrand. »

L’ensemble de cette petite tracasserie est un trait de mœurs locales au xixe  siècle. […] Le temps de sa retraite à Veretz se marque par quelques traits plus adoucis et par quelques expressions de contentement, si ce mot est applicable à une nature comme celle de Rancé : « Je vis chez moi assez seul.

890. (1892) Boileau « Chapitre III. La critique de Boileau. La polémique des « Satires » » pp. 73-88

Bourgeois encore en ceci, il rejetait également la domesticité et la vie de bohème, et c’était pour rappeler les écrivains au sentiment de leur dignité, qu’après certains traits des Satires il écrivait, sans nécessité apparente, le quatrième chant de son Art poétique. […] Chapelain, surtout, a contribué à fixer deux des traits essentiels de la physionomie du xviie  siècle littéraire ; il a converti Richelieu aux unités dramatiques ; et il a décidé du rôle de l’Académie en lui assignant le travail du Dictionnaire.

891. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre II. Signes de la prochaine transformation »

Plus de comédiens, bien entendu, et plus de pantomime : presque plus de monologue ; à peine quelques traits de cette admirable méditation surnagent. […] Le comte de Volney (1757-1820), donne en 1791 les Ruines : mélange singulier de philosophisme (haine des tyrans et des prêtres ; foi au progrès et à la raison) et de notation exacte des choses extérieures (costumes, moeurs, traits locaux, etc.).

892. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Leconte de Lisle, Charles-Marie (1818-1894) »

Leconte de Lisle l’ait vu surtout à travers le livre de Victor Hugo, qui s’est peint lui-même sous les traits prodigieux du vieux tragique grec. […] Sa tête a un aspect guerrier et dominateur, et tant par la ferme ampleur que par le développement des joues, indique les appétits d’un conducteur d’hommes qui se nourrit de science et de pensées, comme il eût mangé sa part des bœufs entiers au temps d’Achille, et qui, s’il n’est qu’un buveur dans la réalité matérielle, peut vider d’un trait le grand verre, pareil à la coupe d’Hercule, dans lequel

893. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IV. La littérature et le milieu psycho-physiologique » pp. 126-137

Il est en effet naturel de supposer que, dans l’incessante mobilité des coutumes et des goûts par lesquels passe une nation, il y a des traits fondamentaux qui subsistent toujours. […] Un des traits les plus saillants des œuvres qui parurent pendant la période agitée de la Fronde, c’est je ne sais quoi de heurté, de discordant, de difforme, de grotesque.

894. (1899) L’esthétique considérée comme science sacrée (La Revue naturiste) pp. 1-15

Toutes les belles lois de la nature y inscrivent leurs traits implacables, riches et variés. […] Et peut-être aurons-nous la joie de voir naître un jour la race de héros dont sans nul doute auparavant, nos statues auront incarné les traits pompeux, dont nos poèmes auront chanté les magnifiques destinées, dont nos tableaux auront contenu les proportions implacables et dont nos hautes symphonies auront développé la vivante rêverie.

895. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Évolution de la critique »

Taine expose ici comment la part que prend l’artiste à toute la situation de ses contemporains, son imitation des traits marquants de leur état d’âme, sa soumission aux conseils qu’il reçoit et à l’accueil qui est fait à ses œuvres, détruiront dans son esprit les tendances peu conformes au caractère général de l’époque ou l’empêcheront tout au moins de les manifester. […] Taine par grands traits vagues, et M. 

896. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre I : La science politique au xixe  siècle »

C’est un tableau dont les traits généraux sont assez connus, mais qui n’a pas encore été dessiné dans toutes ses parties avec toute la précision désirable. […] Enfin, le trait principal de l’école économiste est de proposer partout la substitution du régime, répressif au régime préventif, et de combattre sous toutes ses formes le principe de l’autorisation préalable.

897. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 35, de l’idée que ceux qui n’entendent point les écrits des anciens dans les originaux, s’en doivent former » pp. 512-533

Les images et les traits d’éloquence perdent toujours quelque chose quand on les transplante de la langue en laquelle ils sont nez. […] Dès qu’on ne retrouve plus dans une traduction les mots choisis par l’auteur, ni l’arrangement où il les avoit placez pour plaire à l’oreille et pour émouvoir le coeur, on peut dire que juger d’un poëme en general sur sa version, c’est vouloir juger du tableau d’un grand maître, vanté principalement pour son coloris, sur une estampe où le trait de son dessein seroit encore corrompu.

898. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre IV : Règles relatives à la constitution des types sociaux »

C’est qu’en effet, s’il n’existe qu’une seule espèce sociale, les sociétés particulières ne peuvent différer entre elles qu’en degrés, suivant qu’elles présentent plus ou moins complètement les traits constitutifs de cette espèce unique, suivant qu’elles expriment plus ou moins parfaitement l’humanité. […] Quand la horde devient ainsi un segment social au lieu d’être la société tout entière, elle change de nom, elle s’appelle le clan ; mais elle garde les mêmes traits constitutifs.

899. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le capitaine d’Arpentigny »

Or, les signes indicateurs de nos entraînements et de nos instincts, que Gall a vus dans les protubérances du crâne et Lavater dans les traits de la physionomie, je crois les avoir trouvés — non pas tous, mais ceux qui ont trait à l’intelligence, — dans les formes de la main… » Posé et annoncé dans de tels termes, le livre de d’Arpentigny est certainement acceptable, et il n’est pas nécessaire de recommencer, contre des prétentions qui n’existent pas, le travail terrible que le philosophe Hamilton fit un jour, dans l’Edinburgh-Review, contre Gail.

900. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VIII. M. de Chalambert. Histoire de la Ligue sous le règne de Henri III et de Henri IV, ou Quinze ans de l’histoire de France » pp. 195-211

La vie manque sous les traits dispersés. […] Tout Henri IV est dans ce trait !

901. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Léon Gozlan » pp. 213-230

Et c’était de l’esprit par traits, par aperçus, par monosyllabes, comme mademoiselle Mars en avait parfois à la scène. […] Il tordait la flèche comme il courbait l’arc : il y avait de l’effort dans son trait ; mais cet effort ne venait jamais de la faiblesse, et il était toujours heureux.

902. (1864) Histoire anecdotique de l’ancien théâtre en France. Tome I pp. 3-343

Cette pièce contenait un trait de satire très-vif contre l’avarice du roi. […] Ainsi, il n’est pas rare de trouver dans ses chœurs, des stances dignes de l’ode ; dans les scènes familières, des traits propres à l’épître. […] En vain le satirique Boileau lui a-t-il lancé les traits les plus acérés ; ces traits ont fini par faire plus de tort à l’auteur de l’Art poétique qu’à Quinault. […] C’était à qui, des deux grands poëtes du siècle, l’accablerait de traits d’autant plus redoutables qu’ils étaient pleins de finesse. […] Un trait entre mille.

903. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « a propos de casanova de seingalt  » pp. 510-511

Dans la réalité, Grammont, Law, Marsigli, Bellisle, Bonneval, Beaumarchais lui-même, Dumouriez, etc…, s’en rapprochent plus ou moins par quelques traits.

904. (1875) Premiers lundis. Tome III « Senac de Meilhan »

On donne volontiers raison au prince de Ligne, lorsqu’il disait : « Dans les pensées de M. de Meilhan, il y a des traits de feu qui éclairent toujours, et des fusées qui vont plus haut qu’elles ne font de bruit. » M. de Meilhan s’était exercé, dans la première partie de sa vie, à traduire les Annales de Tacite, une double école de politique et de style.

905. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 358-361

Si l’on ne recherche dans les Poésies que le grand, le beau, les graces, la délicatesse, on ne fera pas grand cas des siennes ; mais si quelques traits d’esprit, de naturel, d’ingénuité sont capables, comme nous le croyons, de trouver grace aux yeux du Lecteur le plus difficile, la Muse Limonadiere pourra être regardée comme la dixieme, en laissant toutefois un très-grand intervalle entre elle & ses nobles Sœurs.

906. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 7-11

La Chasse d’Henri IV auroit été accueillie avec enthousiasme, quand elle n’auroit eu d’autre effet que de rappeler un trait intéressant de la vie d’un Monarque, dont le nom seul suffit pour attendrir les cœurs ; mais M.

907. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 264-267

Huet, Evêque d’Avranches, c’est au beau sexe qu’il faut en attribuer l’honneur ; & voici les preuves qu’il en donne : « Madame de la Fayette négligea si fort la gloire qu’elle méritoit, qu’elle laissa sa Zaïde paroître sous le nom de Segrais ; mais lorsque j’eus rapporté cette anecdote, quelques amis de Segrais, qui ne savoient pas la vérité, se plaignirent de ce trait, comme d’un outrage fait à sa mémoire.

908. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 5-9

Ce Journal, destiné dans son origine à recueillir les prémices des Muses naissantes, à offrir aux yeux de la Nation les premiers germes des talens capables de flatter ses espérances, à former un mélange intéressant des traits de délicatesse, d’agrément, de force & de sensibilité qu’a produits l’imagination Françoise ; à rendre compte de ce que les Sciences & les Beaux-Arts enfantent tous les jours ; à encourager les Artistes par de justes éloges, ou à les éclairer par des critiques lumineuses : ce Journal borne à présent tout son mérite à des Logogryphes dignes du seizieme siecle, à des Contes d’une froideur qui glace l’esprit, ou d’une extravagance qui égare le sentiment & corrompt le goût ; à des analyses infidelles ou partiales, qui contredisent ouvertement les regles de la Littérature ou celles de la décence ; & à quelques nouvelles politiques rédigées avec une sécheresse qui ôte tout le piquant de la nouveauté.

909. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 343-347

Des traits d’Histoire semés adroitement, des réflexions judicieuses, des pensées agréables & souvent énergiques, l’art d’exprimer de grandes choses d’une maniere naïve, l’abondance des métaphores, la multitude & la variété des images, sont des titres suffisans pour contenter les Esprits superficiels, parce qu’ils se laissent facilement entraîner à ce qui leur plaît, & qu’ils sont incapables de rien approfondir.

910. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 451-455

Ses autres Comédies & ses Opéra comiques sont remplis de traits aussi agréables, & qui naissent également du fond du sujet.

911. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 555-559

Son cœur infiniment sensible lui fournissoit sans doute ces traits qui donnent tant de vigueur à ses divers Personnages, & produisent ce pathétique dont l’effet est toujours assuré.

912. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 45-49

Ceux qui vivent dans les tombeaux, selon l’expression de l’Auteur du Siecle de Louis XIV, devroient au moins être à l’abri de ses traits.

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