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48. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VIII. De l’éloquence » pp. 563-585

Il faut soutenir chaque absurdité dont est formée la longue chaîne qui conduit à la résolution coupable ; et le caractère resterait, s’il est possible, plus intact encore après des actions blâmables que la colère aurait inspirées, qu’après ces discours dans lesquels la bassesse ou la cruauté se distillent goutte à goutte avec une sorte d’art que l’on s’efforce de rendre ingénieux. […] Les idées intermédiaires peuvent être tracées d’une manière plus rapide, lorsque l’enchaînement d’un très grand nombre de vérités est généralement connu ; l’intervalle des morceaux de mouvement peut être rempli par des raisonnements forts, l’esprit peut être constamment soutenu dans la région des pensées hautes ; et l’on peut l’intéresser par des réflexions morales, universellement comprises, sans être devenues communes. […] Frappé de tous les abus qu’on a faits de la parole depuis la révolution, l’on déclame contre l’éloquence ; l’on veut nous prémunir contre ce danger qui, certes, n’est pas encore imminent ; et comme si la nation française était condamnée à parcourir sans cesse tout le cercle des idées fausses, parce que des hommes ont soutenu violemment et souvent même grossièrement de très injustes causes, on ne veut plus que des esprits droits appellent les sentiments au secours des idées justes. Je crois, au contraire, qu’on pourrait soutenir que tout ce qui est éloquent est vrai ; c’est-à-dire que dans un plaidoyer en faveur d’une mauvaise cause, ce qui est faux, c’est le raisonnement ; mais que l’éloquence proprement dite est toujours fondée sur une vérité : il est facile ensuite de dévier dans l’application, ou dans les conséquences de cette vérité ; mais c’est alors dans le raisonnement que consiste l’erreur.

49. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre IV. Conclusion. — D’une république éternelle fondée dans la nature par la providence divine, et qui est la meilleure possible dans chacune de ses formes diverses » pp. 376-387

Aussi vaillants que chastes et pieux, ils ne fuyaient plus comme auparavant, mais, fixant leurs habitations, ils se défendaient, eux et les leurs, tuaient les bêtes sauvages qui infestaient leurs champs, et au lieu d’errer pour trouver leur pâture, ils soutenaient leurs familles en cultivant la terre ; toutes choses qui assurèrent le salut du genre humain. […] Comme la souveraineté devait avec le temps être étendue à tout le peuple, la Providence permit que les plébéiens rivalisassent longtemps avec les nobles de piété et de religion, dans ces longues luttes qu’ils soutenaient contre eux, avant d’avoir part au droit des auspices, et à tous les droits publics et privés, qui en étaient regardés comme autant de dépendances. […] De là naît une fausse éloquence, prête à soutenir le pour et le contre sur tous les sujets.

50. (1861) La Fontaine et ses fables « Conclusion »

Car le génie n’est rien qu’une puissance développée, et nulle puissance ne peut se développer tout entière, sinon dans le pays où elle se rencontre naturellement et chez tous, où l’éducation la nourrit, où l’exemple la fortifie, où le caractère la soutient, où le public la provoque. […] Mais, si on l’ouvre pour examiner l’arrangement intérieur de ses organes on y trouve un ordre aussi compliqué que dans les vastes chênes qui la couvrent de leur ombre ; on la décompose plus aisément ; on la met mieux en expérience ; et l’on peut découvrir en elles les lois générales, selon lesquelles toute plante végète et se soutient.

51. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 145-150

Si on en excepte un petit nombre, dont la réputation se soutiendra dans tous les siecles, le reste n’offre qu’une multitude d’Ecrivains qui paroissent avoir méconnu l’esprit & le ton du genre auquel ils se sont attachés. […] Sa narration, qui pourroit être plus serrée, plus soutenue, offre néanmoins un style noble & gracieux par intervalles.

52. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 220-226

Le Traducteur n’a pas toujours suivi littéralement son Original, parce que son Original n’est pas toujours propre à se soutenir dans notre Langue ; il a cru devoir adoucir certains traits qui nous eussent paru singuliers, & supprimer des traits ennuyeux ou extravagans, qui refroidissent l’intérêt & choquent les gens de goût. Cette sage précaution, jointe à la noblesse de l’expression toujours soutenue, a procuré à cet Ouvrage plusieurs éditions que le Public ne se lasse pas d’accueillir.

53. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Conduite de l’action dramatique. » pp. 110-232

L’intérêt ne peut se soutenir que par l’incertitude de ce qui peut arriver, et il s’augmente par le désir et l’impatience qu’on a de l’apprendre. […] C’est ce langage enchanteur qui soutient la tragédie de Bérénice. […] Soutenir un caractère est aussi essentiel que de l’établir avec force. […] L’ambition est noble, quand elle ne se propose que des trônes ; la cruauté l’est en quelque sorte, quand elle est soutenue d’une grande fermeté d’âme ; la perfidie même l’est aussi, quand elle est soutenue d’une extrême habileté. […] Les grands effets qu’il produisit au théâtre, firent croire qu’une pièce ne pouvait s’y soutenir sans lui.

54. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 296-302

La Fable en est romanesque ; point de vraisemblance dans les incidens, des situations forcées, des caracteres peu prononcés ou peu soutenus, des Scènes assez théatrales, des mouvemens très-pathétiques, un style assez noble & quelquefois élégant, voilà ce qu’elle offre à la critique & à l’éloge. […] Ceux qui s’obstinent à reprocher à l’Eglise un caractere odieux de dureté, d’intolérance, n’ont qu’à parcourir les instructions qu’il donnoit à ses Diocésains pendant les troubles des Cévenes ; ils verront comment un esprit vraiment pastoral sait allier la fermeté de la foi avec la charité qu’elle ordonne ; ils admireront des exhortations propres à affermir le courage des Ministres de la Religion, & à soutenir leur patience dans les persécutions ; ils seront pénétrés de respect & d’attendrissement pour cette douceur de morale, cette générosité de sentiment, cette indulgence qui plaint l’erreur en la combattant, cette magnanimité qui se refuse même la plus légere satisfaction, lorsque les persécuteurs les plus atroces sont devenus malheureux.

55. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Le père Bouhours, et Barbier d’Aucour. » pp. 290-296

Bouhours soutint cette réputation dans tout ce qu’il fit. […] Quelque inférieure qu’elle soit à la critique, Bouhours fut au comble de sa joie de se voir soutenu.

56. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VI. La commedia sostenuta » pp. 103-118

La commedia sostenuta Les acteurs Italiens accoutumés à jouer la comédie improvisée ne laissaient pas de représenter, à l’occasion, la comédie écrite et soutenue, de réciter les œuvres de l’Arioste, de Bibbiena, de Machiavel, de l’Arétin. […] La Ruffiana ne semble pas avoir brillé autant dans la comédie de l’art que dans la comédie soutenue. […] Nous venons d’indiquer ce que la comédie soutenue ajoute aux types ordinaires de la comédie de l’art telle qu’on la jouait dans les premières années du xviie  siècle.

57. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXVIII » pp. 305-318

Il a trouvé le moyen d’établir que mesdames Deshoulières, de la Fayette et de Sévigné, qui, de son aveu, étaient les plus charmants esprits du siècle, étaient néanmoins du nombre des femmes dont Molière a voulu corriger la folie86 ; et il insinue qu’elles étaient de la coterie qui soutenait les Cottin, les Pradon et les Voiture ; il nous assure que madame de Sévigné, bien qu’admiratrice de Corneille, ne trouvait rien de plus charmant que le badinage de Voiture. […] Quant à l’imputation d’avoir été de la coterie qui soutenait Pradon, ou, ce qui est la même chose, qui dépréciait Racine, comment pourrait-elle justifier Molière d’avoir attaqué madame de Sévigné dans Les Femmes savantes qui sont de 1672, puisque le premier débat qui a éclaté entre Pradon et Racine a eu lieu à l’occasion de Phèdre, qui n’a paru qu’en 1677 ? […] Ne serait-ce pas comme si je me tourmentais à soutenir que je ne suis pas un malhonnête homme, un homme sans pudeur, sans mœurs, sans conscience ?

58. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 24-41

Clément a profité de ces défauts communs à plusieurs Poëmes didactiques, & les a fait valoir, pour soutenir qu’il est impossible de composer, en notre Langue, un bon Poëme de cette espece. […] Clément soutient d’abord qu’un Poëme doit être écrit pour tous les Lecteurs, & que le Poëme didactique ne sauroit avoir ce mérite, attendu que les termes techniques, qu’il faut nécessairement y faire entrer, sont de l’algebre pour les trois quarts & demi des Lecteurs*. […] On peut aller plus loin, & ce ne sera pas un paradoxe que de soutenir qu’il est très-possible de faire perdre leur trivialité aux termes le plus en usage parmi le Peuple, pourvu qu’un Ecrivain soit assez courageux pour secouer le préjugé, & assez habile pour subjuguer la Langue, en ennoblissant des expressions qui seroient basses sous la plume d’un homme ordinaire.

59. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Abailard, et saint Bernard. » pp. 79-94

Les plus célèbres professeurs de philosophie ne purent y soutenir ses assauts continuels. […] Ses amis le confirmèrent dans la résolution de soutenir tout ce qu’il avoit avancé. […] On lui manda cette triste nouvelle dans les termes les plus propres à soutenir une épouse désolée, & les plus honorables à la mémoire d’un tel époux.

60. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — De la langue Françoise. » pp. 159-174

Il crut son opinion fondée, & la soutint avec honneur. […] M. de Montcrif, auteur de plus d’un ouvrage en prose sur la morale & sur la littérature, & de quelques poësies, soutint la négative dans une dissertation lue à l’académie Françoise. […] L’abbé Desfontaines étoit de ce sentiment, & le soutint avec sa causticité ordinaire.

61. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence en général. » pp. 177-192

Son rival Gibert soutient avec raison que l’orateur Romain n’a jamais eu cette pensée ; qu’on ne doit se règler, en parlant en public, sur le goût de ceux qui nous écoutent, que lorsque leur goût est bon. […] Rollin les croit compatibles ; mais son antagoniste & son critique soutient le contraire. […] Car le sublime, qui tombe toujours sur la grandeur de l’idée, se soutient de lui-même, indépendamment de la diction, dans quelque langue que ce soit.

62. (1682) Préface à l’édition des œuvres de Molière de 1682

Ceux qui conçoivent toutes les beautés de son Avare, et de son Amphitryon, soutiennent qu’il a surpassé Plaute dans l’un et dans l’autre. […] Il n’était pas seulement inimitable dans la manière dont il soutenait tous les caractères de ses Comédies ; mais il leur donnait encore un agrément tout particulier par la justesse qui accompagnait le jeu des Acteurs ; un coup d’œil, un pas, un geste, tout y était observé avec une exactitude qui avait été inconnue jusques-là sur les Théâtre de Paris. […] Les commencements de cet établissement ont été heureux, et les suites très avantageuses ; les Comédiens compagnons de Monsieur de Molière ayant suivi les maximes de leur fameux Fondateur, et soutenu sa réputation d’une manière si satisfaisante pour le Public, qu’enfin il a plu au Roi d’y joindre tous les Acteurs et Actrices des autres Troupes de Comédiens qui étaient dans Paris, pour n’en faire qu’une seule Compagnie.

63. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Boileau »

le loisir que je me suis trouvé aujourd’hui à Auteuil m’a comme transporté à Reims, où je me suis imaginé que je vous entretenois dans votre jardin, et que je vous revoyois encore comme autrefois, avec tous ces chers amis que nous avons perdus, et qui ont disparu velut somnium surgentis. » Aux infirmités de l’âge se joignirent encore un procès désagréable à soutenir, et le sentiment des malheurs publics. […] Celui-ci représente très-bien le côté tendre et passionné de Louis XIV et de sa cour ; Boileau en représente non moins parfaitement la gravité soutenue, le bon sens probe relevé de noblesse, l’ordre décent. […] Le style de Boileau, en effet, est sensé, soutenu, élégant et grave ; mais cette gravité va quelquefois jusqu’à la pesanteur, cette élégance jusqu’à la fatigue, ce bon sens jusqu’à la vulgarité. […] Permettez-moi de vous dire que vous avez en cela l’oreille un peu prosaïque, et qu’un homme vraiment poëte ne me fera jamais cette difficulté, parce que de Styx et d’Achéron est beaucoup plus soutenu que du Styx, de l’Achéron. […] La métaphore, je suis venu à le reconnaître, n’a pas besoin, pour être légitime et belle, d’être si complètement armée de pied en cap ; elle n’a pas besoin d’une rigueur matérielle si soutenue jusque dans le moindre détail.

64. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Saint-Évremond et Ninon. » pp. 170-191

Du temps de Ninon, il n’était encore qu’une audace, une exception tout individuelle, une gageure hardie qu’elle se mit en devoir de soutenir, tout en se livrant à l’inconstance et à la variété de ses goûts. […] Tout se passait chez elle avec un respect et une décence extérieure que les plus hautes princesses soutiennent rarement avec des faiblesses. […] Jamais ni jeu, ni ris élevés, ni disputes, ni propos de religion ou de gouvernement ; beaucoup d’esprit et fort orné, des nouvelles anciennes et modernes, des nouvelles de galanteries, et toutefois sans ouvrir la porte à la médisance ; tout y était délicat, léger, mesuré, et formait les conversations qu’elle sut soutenir par son esprit, et par tout ce qu’elle savait de faits de tout âge. […] C’était juste le moment où Ninon, cessant d’être la Ninon de la Fronde, de la régence et de sa première légèreté, devenait Mlle de Lenclos et passait au personnage qu’elle a de plus en plus perfectionné et soutenu jusqu’à la fin de sa vie. […] Votre parole est la convention la plus sûre sur laquelle on puisse se reposer… La correspondance de Ninon avec Saint-Évremond, à travers les événements divers et les guerres, ne fut pas très exacte ni très soutenue, et les quelques lettres qui se sont conservées se rapportent aux dernières années de leur vie.

65. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — III. Le Poëme épique, ou l’Épopée. » pp. 275-353

L’abbé Vatri soutint publiquement qu’ils ne peuvent pas plus se dispenser de cette règle que de toutes les autres qu’ils reconnoissent pour incontestables. […] Il n’eut, pour le soutenir en France, d’écrivain de distinction, que Fontenelle dont la réputation naissante souffrit alors quelque éclipse. […] L’abbé de Marolles a soutenu, contre tous les historiens, que cet anachronisme n’en est pas un, qu’Énée a été contemporain de Didon. […] Sur les raisons de M. le chevalier de Mouhi, on voit que ce n’est pas absolument la plus mauvaise cause qu’il ait soutenue. […] Qu’ils sont bien établis & bien soutenus !

66. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — III » pp. 90-104

Ce que voulait Montluc, c’était de s’illustrer par une belle, par une incomparable défense, dont il fût à tout jamais parlé ; et comme il l’a dit du marquis de Marignan : « Il servait son maître, et moi le mien ; il m’attaquait pour son honneur, et je soutenais le mien ; il voulait acquérir de la réputation, et moi aussi. » Entre le marquis de Marignan et lui, c’était donc un pur duel d’honneur, et il s’agissait d’y engager les Siennois, qui jouaient un plus gros jeu, et de s’en faire assister jusqu’à l’extrémité moyennant toute sorte de talent et d’art ; en les séduisant, en les rassurant tour à tour, et surtout en évitant, peuple élégant et vif, de les heurter par la violence ; c’eût été feu contre feu. […] Il ne se contente pas de décrire ces scènes extérieures et de nous dire en général les vicissitudes et la marche du siège : il entre dans toutes les particularités et le détail des mesures qu’il a prises pour le faire durer et le soutenir. […] Pendant qu’il le soutient, et indépendamment des assauts du dehors, Montluc a au-dedans à se tirer de deux circonstances difficiles : dans la première, il lui faut renvoyer les troupes allemandes qui s’accommodent peu du jeûne et qui vont affamer trop tôt la place : il les fait sortir de nuit avec adresse, et sans rien communiquer au Sénat ; et il raccommode ensuite cette dissimulation par de belles paroles, si bien que le courage des habitants n’est point ébranlé, mais bien plutôt accru par cette diminution de défenseurs. […] Il n’était sorte de moyens ni de stratagèmes qu’il n’imaginât pour soutenir l’espoir et prolonger l’illusion courageuse des assiégés.

67. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Sur la reprise de Bérénice au Théâtre-Français »

Bérénice ne saurait se citer auprès de ces cinq productions hors de pair ; elle ne soutiendrait même pas le parallèle avec les autres pièces relativement secondaires, telles que Mithridate et Bajazet, et pourtant elle a sa grâce bien particulière, son cachet racinien. […] ……………………………………… ………..Vous m’aimez, vous me le soutenez : Et cependant je pars ! […] Titus donc exprime en lui le caractère tragique, en ce sens qu’il soutient une lutte généreuse, qu’il sort du penchant tout naturel et vulgaire ; qu’il a le haut sentiment de la dignité souveraine et de ce qu’on doit à ce rang de maître des humains. […] Jean-Jacques n’a pas craint de soutenir que Titus serait plus intéressant s’il sacrifiait l’empire à l’amour, et s’il allait vivre avec Bérénice dans quelque coin du monde, après avoir pris congé des Romains : une chaumière et son cœur !

68. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VI : M. Cousin philosophe »

Ses deux philosophies sont l’effet de deux facultés diverses : l’une, qui est l’imagination poétique, aidée par la jeunesse, l’emporte vers la philosophie pure et vers les idées allemandes ; l’autre, qui est l’éloquence, chaque jour plus puissante, soutenue par l’âge, finit par devenir maîtresse, et l’entraîne vers le spiritualisme oratoire, dans lequel il s’est assis et endormi. […] Celle-là lui servira dans ses plaidoiries ; elle lui fournira la théorie du juste et de l’injuste ; elle élèvera son accent, elle ajoutera de l’autorité à sa parole, elle soutiendra son éloquence, elle lui conciliera son auditoire, elle le munira de phrases sublimes. […] Elle soutient le sentiment religieux, elle seconde l’art véritable, la poésie digne de ce nom, la grande littérature ; elle est l’appui du droit ; elle repousse également la démagogie et la tyrannie ; elle apprend à tous les hommes à se respecter et à s’aimer. » Pour mieux prouver que la science m’est indifférente, et que je ne me soucie que de morale, je range avec moi sous le même drapeau des philosophies sans métaphysiques, des métaphysiques opposées entre elles et des religions ; il me suffit qu’en pratique elles tendent au même but, et contribuent à nourrir dans l’homme les mêmes sentiments. […] Il n’était point inutile de voir deux doctrines contraires naître en lui tour à tour du développement de deux facultés diverses, une faculté plus faible, fortifiée d’abord par les circonstances, prendre l’empire, fléchir lorsque le temps emporte les causes qui la soutenaient, et s’effacer enfin devant la véritable souveraine, qui essaye d’anéantir tout ce que sa rivale a produit.

69. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre I : L’histoire de la philosophie »

Si les faits sont inextricablement mêlés d’inférences, et si le raisonnement est une vision mentale qui rétablit les détails non présents, dès lors comment peut-on soutenir l’opposition du fait et de la théorie : tous deux sont faillibles, et l’opposition radicale existe entre les inférences vérifiées et les inférences non vérifiées. […] On a soutenu en général que ces deux opinions se contredisent, qu’on ne pouvait les maintenir toutes deux. […] Bien des gens qui accorderont que la douleur causée par le feu n’est pas une copie du feu, soutiendront que l’apparence produite sur les yeux par le feu, est l’apparence réelle du feu, indépendamment de la vision humaine. […] Soutiendrez-vous qu’outre les idées, il y a des choses dont les idées sont des copies ? Comme une idée ne peut ressembler qu’à une idée, il faut de deux choses l’une : ou bien que l’objet dont vous parlez soit une idée, et alors l’idéalisme triomphe ; ou bien que vous souteniez qu’une couleur ressemble à quelque chose d’invisible, le rude à quelque chose d’intangible.

70. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Du docteur Pusey et de son influence en Angleterre »

Elles eurent pour premiers soutiens et premiers interprètes, le fameux Laud, archevêque de Cantorbéry, et l’évêque Jérémie Taylor. […] Que cette autorité soit une inconséquence de plus avec le principe même du protestantisme, avec le fait de la révolte de Henri VIII ; que cette autorité — comme le soutiennent les puséystes, et entre autres Ward et Oakeley, — ne soit pas suffisante, personne de sens ne saurait le contester ; mais la question n’est pas là. […] En Orient, l’Église romaine soutient les églises romaines. L’Église grecque soutient les églises grecques. […] Il défendait l’unité de sa vie intellectuelle et religieuse ; car, en 1841, il avait publié une brochure sur le fameux Traité XCe , — Tract XC historically examined, — dans lequel il soutenait les mêmes opinions que Ward sur les XXXIX articles.

71. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre II. L’âme et le corps »

Mais raisonner ainsi est simplement admettre ce qui est en question ; car la loi de conservation de l’énergie, comme toutes les lois physiques, n’est que le résumé d’observations faites sur des phénomènes physiques ; elle exprime ce qui se passe dans un domaine où personne n’a jamais soutenu qu’il y eût caprice, choix ou liberté ; et il s’agit précisément de savoir si elle se vérifie encore dans des cas où la conscience (qui, après tout, est une faculté d’observation, et qui expérimente à sa manière), se sent en présence d’une activité libre. […] À ceux qui soutiennent que ce sentiment est illusoire incombe donc l’obligation de la preuve. […] Mais ce point n’a jamais été contesté par personne, et il y a loin de là à soutenir que le cérébral est l’équivalent du mental, qu’on pourrait lire dans un cerveau tout ce qui se passe dans la conscience correspondante. […] nous l’arrêterons, et nous lui répondrons : vous pouvez sans doute, vous savant, soutenir cette thèse, comme le métaphysicien la soutient, mais ce n’est plus alors le savant en vous qui parle, c’est le métaphysicien. […] Nous-même, il y aura bientôt vingt ans de cela (si nous rappelons le fait, ce n’est pas pour en tirer vanité, c’est pour montrer que l’observation intérieure peut l’emporter sur des méthodes qu’on croit plus efficaces), nous avions soutenu que la doctrine alors considérée comme intangible aurait tout au moins besoin d’un remaniement.

72. (1874) Premiers lundis. Tome I « Victor Hugo : Odes et ballades — II »

D’abord il nous raconte que son père est vieux et faible, si faible et si vieux Qu’à peine il peut encor déraciner un chêne   Pour soutenir ses pas tremblants. […] L’harmonie du style est soutenue dans M.  […] Ce talent est tellement supérieur, et il y aurait si peu à faire pour le rendre, sinon toujours égal, du moins toujours soutenu, que la critique serait coupable de dissimuler avec lui.

73. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVII. Des panégyriques ou éloges adressés à Louis XIII, au cardinal de Richelieu, et au cardinal Mazarin. »

Ils l’ont peint comme un esprit souple et puissant, qui, malgré les ennemis et les rivaux, parvint aux premières places, et s’y soutint malgré les factions ; qui opposait sans cesse le génie à la haine, et l’activité aux complots ; qui, environné de ses ennemis, qu’il fallait combattre, avait en même temps les yeux ouverts sur tous les peuples ; qui saisissait d’un coup d’œil la marche des États, les intérêts des rois, les intérêts cachés des ministres, les jalousies sourdes ; qui dirigeait tous les événements par les passions ; qui, par des voies différentes, marchant toujours au même but, distribuait à son gré le mouvez ment ou le repos, calmait la France et bouleversait l’Europe ; qui, dans son grand projet de combattre l’Autriche, sut opposer la Hollande à l’Espagne, la Suède à l’Empire, l’Allemagne à l’Allemagne, et l’Italie à l’Italie ; qui, enfin, achetait partout des alliés, des généraux et des armées, et soudoyait, d’un bout de l’Europe à l’autre, la haine et l’intérêt.  […] Il faut une certaine dignité de réputation, pour soutenir la pompe des éloges. […] Soutenu de ces titres et de sa puissance, il trouva des panégyristes.

74. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXI. Des oraisons funèbres de Bourdaloue, de La Rue et de Massillon. »

Son génie austère et dépourvu de sensibilité comme d’imagination, était trop accoutumé à la marche didactique et forte du raisonnement pour en changer ; et il ne pouvait répandre sur une oraison funèbre cette demi-teinte de poésie qui, ménagée avec goût et soutenue par d’autres beautés, donne plus de saillie à l’éloquence. […] Le sentiment, quand il est vif, commande à l’expression, et lui communique sa chaleur et sa force ; mais l’âme de La Rue n’est point en général assez passionnée pour soutenir toujours et colorer son langage. […] Mais ses succès en ce genre ne soutinrent pas sa réputation.

75. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIII. Retour de Molière à Paris » pp. 225-264

Ricciardo soutenait qu’elle accoucherait d’une fille. Il soutint qu’il aurait un garçon. […] Lelio l’assure que toute son inquiétude ne vient que de la nécessité de se voir obligée à soutenir ce déguisement. […] Pandolfo, étant convaincu par sa fille que tout ce que Ricciardo lui a dit est une imposture, lui ordonne de se préparer à le soutenir en face du père et du fils, s’il en est besoin. […] Après avoir eu recours à la comédie de l’art, au, moins pour la trame du Cocu imaginaire, Molière demande à la comédie soutenue une pièce du genre dit héroïque, Dom Garcie de Navarre, par laquelle, forcé de quitter le Petit-Bourbon, il inaugura, le 4 février 1661, la salle du Palais-Royal.

76. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Introduction »

On va même jusqu’à soutenir que l’hypothèse d’une vérité absolue est radicalement opposée à la liberté de penser, car s’il y a une telle vérité, comment pourrait-il être légitime de penser autre chose que ce qu’elle proclame ? […] Nulle contradiction par conséquent chez ceux qui soutiennent d’une part qu’il y a une distinction nécessaire et objective entre le vrai et le faux, et d’autre part que l’homme est libre de penser, d’examiner, et de ne se décider qu’après examen. […] On est tout étonné d’entendre soutenir le droit de l’erreur ; mais l’erreur n’est souvent qu’un moyen d’arriver à la vérité : ce n’est que par des erreurs successives, chaque jour amoindries, que se font le progrès des lumières et le perfectionnement des esprits. […] Parmi les adversaires de la liberté de penser, il en est beaucoup qui soutiennent l’utilité même des préjugés, bien qu’ils les reconnaissent comme tels. […] Ainsi procède le médecin qui cherche les moyens de guérir, le philologue qui cherche le sens d’un texte obscur ou d’une inscription mutilée, le législateur qui fait une loi, le spéculateur qui entreprend une affaire, je dis plus, le théologien qui soutient un point de dogme, enfin l’adversaire de la liberté de penser qui, en la combattant, s’en sert lui-même, s’adresse à elle et cherche à avoir raison contre la raison.

77. (1694) Des ouvrages de l’esprit

Quelques-uns de ceux qui ont lu un ouvrage en rapportent certains traits dont ils n’ont pas compris le sens, et qu’ils altèrent encore par tout ce qu’ils y mettent du leur ; et ces traits ainsi corrompus et défigurés, qui ne sont autre chose que leurs propres pensées et leurs expressions, ils les exposent à la censure, soutiennent qu’ils sont mauvais ; et tout le monde convient qu’ils sont mauvais : mais l’endroit de l’ouvrage que ces critiques croient citer, et qu’en effet ils ne citent point, n’en est pas pire. […] L’Opéra jusques à ce jour n’est pas un poème, ce sont des vers ; ni un spectacle, depuis que les machines ont disparu par le bon ménage d’ Amphion et de sa race ; c’est un concert, ou ce sont des voix soutenues par des instruments : c’est prendre le change, et cultiver un mauvais goût, que de dire, comme l’on fait, que la machine n’est qu’un amusement d’enfants, et qui ne convient qu’aux Marionnettes ; elle augmente et embellit la fiction, soutient dans les spectateurs cette douce illusion qui est tout le plaisir du théâtre, où elle jette encore le merveilleux. […] Si je me trompe, et qu’ils n’aient contribué en rien à cette fête si superbe, si galante, si longtemps soutenue, et où un seul a suffi pour le projet et pour la dépense, j’admire deux choses, la tranquillité et le flegme de celui qui a tout remué, comme l’embarras et l’action de ceux qui n’ont rien fait. […] Il semble qu’il y ait plus de ressemblance dans ceux de Racine, et qui tendent un peu plus à une même chose ; mais il est égal, soutenu, toujours le même partout, soit pour le dessein et la conduite de ses pièces, qui sont justes, régulières, prises dans le bon sens et dans la nature, soit pour la versification, qui est correcte, riche dans ses rimes, élégante, nombreuse, harmonieuse : exact imitateur des anciens, dont il a suivi scrupuleusement la netteté et la simplicité de l’action ; à qui le grand et le merveilleux n’ont pas même manqué, ainsi qu’à Corneille, ni le touchant ni le pathétique.

78. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 35, de la mécanique de la poësie qui ne regarde les mots que comme de simples sons. Avantages des poetes qui ont composé en latin sur ceux qui composent en françois » pp. 296-339

Il est bon de prouver en forme une fois que ceux qui soutiennent que la poesie françoise ne sçauroit égaler la poesie latine ni dans la poesie du stile ni dans la cadence et l’harmonie des vers, n’ont point de tort. […] C’est ma premiere raison pour soutenir que la langue latine est plus avantageuse à la poësie que la langue françoise. […] Or c’est dire beaucoup à la loüange des regles de la poësie latine, que de soutenir qu’elles font la moitié et plus de l’ouvrage, et que l’oreille du poëte n’y est chargée que d’un soin ; c’est à sçavoir du soin de rendre les vers mélodieux par un heureux mélange du son des syllabes dont ils sont composez. […] Il est vrai que cette uniformité de rithme n’a point empêché le succès de nos poëmes dramatiques en France et dans les pays étrangers ; mais ces poëmes qui n’ont que deux mille vers sont assez excellens pour le soutenir contre ce dégoût. […] J’ai seulement prétendu soutenir que les poëtes françois ne pourroient pas mettre autant de cadence et d’harmonie dans leurs vers que les poëtes latins, et que ce peu qu’ils en peuvent introduire dans leurs vers, leur coûte plus que toutes les beautez que les poëtes latins ont sçû mettre dans leurs vers n’ont coûté à leurs auteurs.

79. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXXVI » pp. 147-152

Nous avons entendu des gens qui soutenaient que ce qui lui manquait pour cela, ce n’était pas la particule ignée, car il l’avait, mais que c’était plutôt la base terreuse, le je ne sais quoi qui sert de lest et qui retient. […] Or, en prétendant qu’une telle philosophie, construite d’ailleurs avec une admirable méthode et un air de rigueur qui séduit, doit marcher tout uniment de concert avec la religion comme le premier cartésianisme, on soutient une chose que la religion a bien de la peine à se persuader.

80. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre III. De la comédie grecque » pp. 113-119

On n’avait point encore imaginé de soutenir la curiosité par une intrigue romanesque ; l’intérêt des aventures particulières dépend absolument du rôle que jouent les femmes dans un pays. […] Aucune réputation, aucune autorité politique ne saurait soutenir cette lutte inégale.

81. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre III. Du meilleur plan. — Du plan idéal et du plan nécessaire. »

De plus, la légalité du décret de Ctésiphon est difficile à soutenir. […] Et ces lois sont les mêmes pour l’œuvre de haute littérature et pour la modeste composition de collège : l’écrivain rompu à tous les secrets de l’art doit s’y asservir, et elles soutiennent l’enfant qui s’essaye à écrire.

82. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Carle Vanloo » pp. 183-186

C’est une longue figure, soutenue sur deux longues jambes fluettes. […] Vous savez que je n’exagère point, et je défie la meilleure vue de soutenir ce coloris un demi-quart d’heure.

83. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Restout » pp. 187-190

L’une placée derrière elle, la soutient sous les bras ; une autre l’appuie de côté ; une troisième raffermit ses genoux. […] Dans le tableau de Restout une seule femme soutient Esther.

84. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La Grèce en 1863 par M. A. Grenier. »

Tant que je pourrai me soutenir, je soutiendrai la cause. » C’est ce qu’il répète sans cesse dans ses lettres à ses amis de Londres ou d’Italie. […] Quinet, intelligence élevée, imagination féconde, mais trop complexe et qui ne s’est jamais entièrement dégagée, a écrit un livre plein et dense où il y a sans doute de belles pages, mais d’un lyrisme trop soutenu et trop tendu. […] Tâchons, pour l’honneur du drapeau, nous qui soutenons la retraite, que ce soit le plus tard possible, et que la nouveauté-dans les lettres, — cette nouveauté en partie si légitime, — ne batte pourtant pas à plate couture la tradition.

85. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — II. (Fin.) » pp. 206-223

On ne saurait s’étonner qu’il ait mis trente ans de sa vie à ce travail curieux et d’un détail infini, à cette fabrique industrieuse, où la verve ne le soutenait pas. […] Après avoir relevé les principaux traits de cette constitution populaire d’Athènes et de l’esprit du peuple athénien, après avoir signalé l’influence souvent souveraine de ses grands hommes, des Thémistocle et des Périclès, Grimm (ou l’auteur, quel qu’il soit, de ce chapitre) tirait hardiment cette conclusion : Il est donc permis de dire que la démocratie la plus démocratique qu’il y ait eu peut-être au monde n’eut point de moyen plus sûr de se soutenir que de cesser souvent de l’être, et que c’est toutes les fois qu’elle fut le moins démocratique de fait qu’elle jouit aussi du sort le plus brillant, le plus véritablement digne d’envie. […] Quant à Chateaubriand, le vrai voyageur, arrivé dans les mêmes lieux, il nous dit : Au coucher du soleil, nous entrâmes au port de Sunium : c’est une crique abritée par le rocher qui soutient les ruines du temple. […] Et pourtant, à défaut de puissance, il y a dans sa manière un ton soutenu, une douce mesure, une certaine harmonie qui, aux bons endroits, et quand on s’y prête à loisir, n’est pas sans action ni sans charme.

86. (1900) Le lecteur de romans pp. 141-164

Et veuillez observer qu’on peut soutenir cette idée sans être, pour cela, partisan d’une éducation étroite, sans prendre parti pour la pruderie, la niaiserie et l’ignorance, qui n’ont jamais été des vertus, et qui sont aujourd’hui des dangers graves. […] Je soutiens qu’elle est funeste, qu’elle énerve les âmes au lieu de les tremper. […] Mais je soutiens que l’immense majorité des lecteurs ont une opinion très nette sur la question. […] On pourrait soutenir que c’est le bon sens.

87. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — Les traductions. » pp. 125-144

« La prose, dit-il, ne sçauroit représenter qu’imparfaitement les graces de la poësie ; c’est-à-dire qu’elle ne peut en réprésenter le rythme & la cadence : mais, à cela près, elle peut en représenter parfaitement toutes les graces, en retracer toutes les images & en rendre même toute l’harmonie, par une autre sorte d’harmonie qui lui est propre & qui vaut bien, dans son genre, celle dos vers. » Il soutient que le traducteur en vers & le traducteur en prose font sujets aux mêmes loix ; qu’ils sont aussi astreints à la fidélité l’un que l’autre ; qu’il est aussi ridicule de voir l’un se donner l’essor & perdre de vue son original, que de voir l’autre ramper servilement & ne faire de sa traduction qu’une glose ennuyeuse & littérale. […] Il se retrancha seulement à dire, qu’en soutenant qu’il falloit traduire les poëtes en prose, il ne parloit que des longs poëmes où il est impossible au versificateur de soutenir le ton de traducteur fidèle depuis le commencement jusqu’à la fin. […] Il soutint, avec le célèbre académicien, que les poëtes ne devoient être traduits que par des poëtes.

88. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 32, que malgré les critiques la réputation des poëtes que nous admirons ira toujours en s’augmentant » pp. 432-452

Cependant il a plu à quelques critiques d’interpreter ce vers comme si leur auteur avoit voulu opposer le systême de Copernic, qui fait tourner les planetes autour du soleil placé dans le centre de notre tourbillon, au sentiment de ceux qui soutiennent que le soleil a un mouvement propre par lequel il tourne sur son axe. […] L’opinion de ceux qui soutiennent que le soleil tourne sur son axe, et l’opinion de ceux qui soutenoient avant l’expérience que le globe du soleil étoit immobile au centre du tourbillon, supposent également que le soleil soit placé au milieu du tourbillon, où Copernic a dit qu’il étoit placé.

89. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXX. De Fléchier. »

Sous Louis XIV, il soutint l’honneur de la magistrature, comme les Turenne et les Condé soutinrent l’honneur des armes. […] Il faut en convenir, on a regret que la dignité de l’oraison funèbre et sa marche soutenue, ou du moins le ton sur lequel le préjugé et l’habitude l’ont montée, ne permettent point d’employer ces traits d’une simplicité touchante, et qui mettraient souvent le héros à la place de l’orateur.

90. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre III. Des moyens de trouver la formule générale d’une époque » pp. 121-124

A vrai dire, l’historien d’une langue et d’une littérature devrait être universel au profit de l’histoire spéciale qu’il construit ; il devrait connaître les relations sans nombre que l’une et, l’autre soutiennent, les actions et réactions sans nombre que l’une et l’autre exercent et subissent dans leur contact perpétuel avec la science, l’art, la religion, en un mot avec toutes les manifestations diverses de la vie nationale. […] Tel doit être le rôle de la littérature dans une histoire qui. lui est consacrée ; à elle, sans conteste possible, revient la place d’honneur ; mais autour d’elle, au second plan, doivent se grouper harmonieusement les voix des autres parties de la société, qui accompagnent, soutiennent et font ressortir le chant du personnage en vedette.

91. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Clément Marot, et deux poëtes décriés, Sagon & La Huéterie. » pp. 105-113

Deux insectes, tels que Sagon & la Huéterie, eussent été bientôt écrasés ; mais ils étoient soutenus par d’autres rimailleurs intrigans, & par la cabale des dévots gendarmés contre la muse Marotique. […] Mais la plus grande faute qu’il se reproche, c’est d’avoir suivi les conseils de la Huéterie, qu’il soutient être une ame vile & basse.

92. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 19, qu’il faut attribuer aux variations de l’air dans le même païs la difference qui s’y remarque entre le génie de ses habitans en des siecles differens » pp. 305-312

L’impulsion de la nature à laquelle on ne resiste gueres, ne fait-elle pas aimer encore aujourd’hui les exercices qui fortifient le corps à ceux à qui elle a donné une santé capable de les soutenir ? […] Les personnes âgées soutiennent encore qu’une certaine cour étoit composée de femmes plus belles et d’hommes mieux faits qu’une autre cour peuplée des descendans de ceux-là.

93. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 6, que dans les écrits des anciens, le terme de chanter signifie souvent déclamer et même quelquefois parler » pp. 103-111

Donat et Euthemius, qui ont vécu sous le regne de Constantin Le Grand, disent dans l’écrit intitulé : de tragedia et comedia commentatiunculae, que la tragedie et la comedie ne consistoient d’abord que dans des vers mis en musique, et que chantoit un choeur soutenu d’un accompagnement d’instrumens à vent. […] L’acteur qui joüoit la comedie, Roscius par exemple, étoit aussi-bien soutenu par un accompagnement, que l’acteur qui joüoit la tragedie.

94. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VI : Difficultés de la théorie »

Ceux-ci ont les membres et même la base de la queue reliés ensemble par une large expansion de la peau qui leur sert comme de parachute et leur permet de se soutenir dans l’air et de sauter d’arbre en arbre à de surprenantes distances. […] Chez les Chauves-Souris qui ont la membrane de l’aile étendue depuis le sommet de l’épaule jusqu’à la queue, de manière à embrasser les membres postérieurs, on aperçoit peut-être encore les traces d’un appareil originairement construit pour se soutenir dans l’air plutôt que pour y voler. […] Ils ont soutenu, au contraire, qu’un grand nombre de particularités ont été créées dans le seul but de plaire aux yeux de l’homme, ou seulement pour multiplier les formes de la vie. […] Nous avons vu aussi dans ce chapitre avec quelle réserve nous devons conclure que les habitudes de vie les plus différentes ne peuvent se fondre graduellement les unes dans les autres ; et qu’une Chauve-Souris, par exemple, ne peut s’être formée par sélection naturelle d’un animal qui d’abord pouvait seulement se soutenir dans l’air. […] De même, les écailles des divers groupes, encore à l’état rudimentaire, ont pu ou disparaître, ou se transformer diversement, en plaques, en épines, en poils, ou s’agrandir, se franger, devenir mobiles et plumeuses de manière à augmenter le volume du corps pour l’aider à se soutenir, non seulement dans l’air, mais sur l’eau.

95. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins » pp. 185-304

J’aurais soutenu résolument la politique pacifiante et conservatrice de Casimir Périer ; je n’aimais pas l’homme, mais j’aimais son courage. […] Capable d’orner son parti par ses succès de tribune et par son honnêteté, incapable de le soutenir par ses conseils. […] Allait-il au centre, il n’y trouvait plus qu’un troupeau sans chef, dépourvu de ces supériorités oratoires qui groupent les partis à leur voix, centre prompt à voter, incapable de gouverner, vide d’hommes politiques, foule qui soutient tout par discipline et qui laisse tout crouler par incapacité de génie et de volonté. […] Il décorait une monarchie, plus qu’il n’était capable de la soutenir ou de la relever. […] Les électeurs indignés laisseront sur le carreau un grand nombre de ces ligueurs convaincus de nuisance, et renverront en masse des hommes de bien, décidés à vous soutenir.

96. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Introduction » pp. 2-6

Tantôt il les tire du tombeau pour les offrir en exemple ; tantôt il leur demande des arguments pour soutenir une thèse qui lui est chère. […] L’historien ne devrait pas même écrire en vue de soutenir une thèse, d’établir le bien fondé d’un système ; il risque trop ainsi de fausser le sens des phénomènes qu’il étudie.

97. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Deshays  » pp. 134-138

Tout est beau dans le St Benoit qui près de mourir vient recevoir le viatique à l’autel, et l’acolyte qui est derrière le célébrant ; et le célébrant avec son dos voûté, et sa tête rase et penchée ; et le jeune enfant vêtu de blanc qui est à genoux et à côté du célébrant, et le second acolyte qui placé debout derrière le saint le soutient un peu, et les assistants. […] Je demande s’il est permis au peintre de l’avoir fait aussi droit, aussi ferme sur ses genoux ; je demande si malgré la pâleur de son visage, on ne lui accorde pas plusieurs années de vie ; je demande s’il n’eût pas été mieux que ses membres se fussent dérobés sous lui ; qu’il eût été soutenu par deux ou trois religieux ; qu’il eût eu les bras un peu étendus, la tête renversée en arrière, avec la mort sur les lèvres et l’extase sur le visage avec un rayon de sa joie.

98. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 12, qu’un ouvrage nous interesse en deux manieres : comme étant un homme en general, et comme étant un certain homme en particulier » pp. 73-80

La premiere est qu’il est bien difficile qu’un poëme de quelque étenduë, et qui ne doit pas être soutenu par le pathetique de la declamation, ni par l’appareil du théatre, réussisse s’il n’est pas composé sur un sujet qui réunisse les deux interêts ; je veux dire sur un sujet capable de toucher tous les hommes et qui plaise encore particulierement aux compatriotes de l’auteur, parce qu’il parle des choses ausquelles ils s’interessent le plus. […] Il est vrai que le public oublie bientôt les livres qui n’ont d’autre merite que celui de prendre l’effort en certaines conjonctures : il faut que le livre soit bon dans le fonds pour se soutenir, mais s’il est tel, s’il merite de plaire à tous les hommes, l’interêt particulier le fait connoître beaucoup plûtôt.

99. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIIIe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (1re partie) » pp. 5-96

Il soutint que le caractère de toute vérité était d’être pratique, et que la moindre découverte en ce genre valait mieux pour lui et pour l’État que les plus beaux songes. […] « On peut évidemment, dit-il, élever cette discussion avec quelque raison, et soutenir qu’il y a des esclaves et des hommes libres par le fait de la nature ; on peut soutenir que cette distinction subsiste bien réellement toutes les fois qu’il est utile pour l’un de servir en esclave, pour l’autre de régner en maître ; on peut soutenir enfin qu’elle est juste et que chacun doit, suivant le vœu de la nature, exercer ou subir le pouvoir. […] Il soutient que, grâce à l’éducation, il ne faudra point dans sa République tous ces règlements sur la police, la tenue des marchés et autres matières aussi peu importantes ; et cependant il ne donne d’éducation qu’à ses guerriers. […] « Certes, il est fort étrange d’aller ici chercher une comparaison parmi les animaux, pour soutenir que les fonctions des femmes doivent être absolument celles des maris, auxquels on interdit, du reste, toute occupation intérieure. […] Ainsi Socrate soutient qu’au moment même de la naissance, Dieu mêle de l’or dans l’âme de ceux-ci ; de l’argent, dans l’âme de ceux-là ; de l’airain et du fer, dans l’âme de ceux qui doivent être artisans et laboureurs.

100. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVe entretien. Ossian fils de Fingal »

Dès 1762, l’année même de la publication des premières poésies d’Ossian, traduites par Macpherson, le savant et judicieux docteur Blair en soutint, dans une dissertation publique, le mérite extraordinaire et l’authenticité. […] Les héros ne peuvent soutenir mon aspect : ils tombent dans la poussière sous les coups de mon bras. […] pourrai-je errer sur la colline et soutenir la vue du tombeau de Cuchullin ?  […] Les assassins, effrayés, ne purent soutenir les regards du héros et s’enfuirent. […] comme si j’étais soutenu de mille guerriers.

101. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « À M. le directeur gérant du Moniteur » pp. 345-355

Ils soutiennent avec honneur, eux et quelques autres, ils décorent le déclin et le coucher de la Pléiade. […] Mais il fallait bien faire payer à l’auteur son premier succès, qui avait été d’entraînement et de surprise : au reste, je ne l’en plains pas ; il est de force à soutenir la lutte, il en a besoin peut-être, et il n’est pas de ces jolis talents qui ne vivent qu’à condition d’être dorlotés. […] Le caractère des personnages principaux est fortement tracé, éclairé en plein tout d’abord, et soutenu jusqu’au bout ; le comte de Goyck, et surtout son vieux père impénitent et goutteux, sont d’une vérité à faire peur.

102. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Des soirées littéraires ou les poètes entre eux »

Stace, Silius, et ces mille et un 163 auteurs et poëtes de Rome dont on peut demander les noms à Juvénal, se nourrissaient de lectures, de réunions, et les tièdes atmosphères des soirées d’alors, qui soutenaient quelques talents timides en danger de mourir, en faisaient pulluler un bon nombre de médiocres qui n’aurait pas dû naître. […] Elles consolent, elles soutiennent dans les commencements, et à une certaine saison de la vie des poëtes, contre l’indifférence du dehors ; elles permettent à quelques parties du talent, craintives et tendres, de s’épanouir, avant que le souffle aride les ait séchées. […] Quelques amitiés solides et variées, un petit nombre d’intimités au sein des êtres plus rapprochés de nous par le hasard ou la nature, intimités dont l’accord moral est la suprême convenance ; des liaisons avec les maîtres de l’art, étroites s’il se peut, discrètes cependant, qui ne soient pas des chaînes, qu’on cultive à distance et qui honorent ; beaucoup de retraite, de liberté dans la vie, de comparaison rassise et d’élan solitaire, c’est certainement, en une société dissoute ou factice comme la nôtre, pour le poëte qui n’est pas en proie à trop de gloire ni adonné au tumulte du drame, la meilleure condition d’existence heureuse, d’inspiration soutenue et d’originalité sans mélange.

103. (1874) Premiers lundis. Tome I « Alexandre Duval de l’Académie Française : Charles II, ou le Labyrinthe de Woodstock »

La conversation sur les unités, que soutint l’auteur avec une dame fort distinguée par son esprit et fort attachée aux opinions nouvelles, prouvera de plus qu’on peut combattre avec courtoisie et railler sans injure. […] Le public en marchant a laissé derrière lui ce qu’il avait soutenu d’abord. […] Mais quoique la critique en pareil cas ne soit nullement tenue de susciter le génie d’un trait de plume et de l’exhiber à l’heure précise, quoique ce soit là l’affaire du génie lui-même, et de Dieu qui l’a fait naître, on ne serait pas embarrassé, si on l’osait, de compter d’avance et de nommer par leur nom un bon nombre des soutiens et des ornements de cet art nouveau ; tant l’œuvre a déjà mûri dans l’ombre, et tant les choses sont préparées.

104. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — L’abbé d’Aubignac, avec Ménage, Pierre Corneille, Mademoiselle de Scudéri et Richelet. » pp. 217-236

Ménage soutient son opinion. […] On s’attendoit à voir Ménage soutenir sa fermeté, & se livrer à la plus grande violence. […] Il feint une lettre d’Ariste à Cléanthe, dans laquelle il soutient n’avoir rien pris à l’auteur de Clélie.

105. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre VIII. Des romans. » pp. 244-264

D’ailleurs comment soutenir jusqu’au bout la lecture d’une pastorale en dix vol. […] La plus piquante ironie y est soutenue d’un bout à l’autre. […] Mais il ne résulta rien de cette belle réfutation, que le désagrément de n’être pas cru, & le déshonneur d’avoir soutenu le pour & le contre.

106. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Crétineau-Joly » pp. 247-262

Dans les guerres de plume qu’il soutint, il prit toujours l’ordre chez quelqu’un ; mais il l’interprétait en caporal intelligent… Ses chefs savaient ce qu’il pouvait. […] Les sculpteurs mettent dans leur glaise une tige de fer pour la soutenir, et c’est sur cette tige qu’ils pétrissent leur statue. La tige de Crétineau-Joly (et elle était de fer), c’est le chouan, le chouan qui soutient tout en lui et autour duquel se moulent les divers traits qui forment l’ensemble de l’homme entier, sous l’action de la vie et le pouce de la circonstance.

107. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — I » pp. 57-75

Gandar, ancien élève de l’École d’Athènes, de faire de ce poète le sujet d’une thèse en Sorbonne (car telle est l’origine de son livre), et d’y soutenir que Ronsard méritait plus encore que n’avaient réclamé pour lui ceux-mêmes qui avaient paru aller trop loin. […] Ces derniers mots couverts paraissent avoir été à l’adresse de Mellin de Saint-Gelais, poète de cour et homme de goût comme nous dirions, lequel s’était permis dès l’abord, contre Ronsard et sa manière, des railleries qu’il continua encore quelque temps, et dont enfin il se désista : Mellin vieillissait et allait mourir, et après les premières escarmouches, il sentit qu’il valait mieux faire sa paix avec cette jeunesse que de soutenir une guerre inégale. […] Et cependant il s’exerce en bien des genres qu’on pourrait dire noblement tempérés, dans l’épître, le poème moral, et il y a fait preuve de sens et de talent : ainsi dans une des pièces qui lui attirèrent le plus d’inimitiés, dans son Discours des misères de ce temps, adressé à la reine Catherine de Médicis à l’occasion des troubles et des premiers massacres de religion dont le signal fut donné en 1560, il disait, après avoir dépeint l’espèce de fureur soudaine qui s’était emparée des esprits : Mais vous, reine très sage, en voyant ce discord Pouvez, en commandant, les mettre tous d’accord Imitant le pasteur qui voyant les armées De ses mouches à miel, fièrement animées Pour soutenir leurs rois, au combat se ruer. […] Peu après cette querelle de parti et cette polémique, la seule au reste qu’il eut dorénavant à soutenir, Ronsard publia en 1565 un recueil intitulé : Élégies, mascarades et bergerie ; ce sont pour la plupart des pièces de circonstance, des divertissements de cour qui furent représentés à des fêtes, et qui sont pour nous purement ennuyeux et sans intérêt ; mais j’y trouve en tête, sous le titre d’élégie, un discours en vers à la reine d’Angleterre Élisabeth, nouvellement en paix avec la France.

108. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VI. De la philosophie » pp. 513-542

Les idées religieuses ne sont point contraires à la philosophie, puisqu’elles sont d’accord avec la raison ; le maintien des principes qui font la base de l’ordre social ne peut être contraire à la philosophie, puisque ces principes sont d’accord avec la raison ; mais les défenseurs des préjugés, c’est-à-dire, des droits injustes, des doctrines superstitieuses, des privilèges oppressifs, essaient de faire naître une opposition apparente entre la raison et la philosophie, afin de pouvoir soutenir qu’il existe des raisonnements qui interdisent le raisonnement, des vérités auxquelles il faut croire sans les approfondir, des principes qu’il faut admettre en se gardant de les analyser, enfin une sorte d’exercice de la pensée qui doit servir uniquement à convaincre de l’inutilité de la pensée. […] Considérons donc quelle sera cette carrière, seul avenir qui soutienne encore la pensée prête à s’abîmer dans la douloureuse contemplation du passé. […] Les dogmes ou les systèmes métaphysiques une fois adoptés, on en défend tout alors, même l’idée que l’on croit fausse ; et par un singulier effet de la dispute, ce que l’on soutient finit par devenir ce que l’on croit. […] Comme elle rencontre beaucoup d’obstacles, elle a reçu de la nature beaucoup de soutiens.

109. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Étienne, ou une émeute littéraire sous l’Empire. » pp. 474-493

Étienne y fut nommé de préférence à Alexandre Duval, et il prit séance, le 7 novembre 1811, par un discours de réception qui fut très remarqué, et où il soutenait cette thèse piquante que, quand tout serait détruit des deux derniers siècles, il suffirait que les comédies seules survécussent, pour qu’on pût deviner par elles « toutes les révolutions politiques et morales » de ces deux siècles. […] Sauvo dans un judicieux feuilleton du Moniteur (4 janvier), de voir cette attention soutenue, ce passage continuel des mêmes yeux sur deux imprimés différents, ces coups de crayon donnés à tous deux successivement, et surtout ces cris de joie, ces applaudissements immodérés qui se faisaient entendre lorsque certaines situations, certains passages ou même quelques vers paraissaient établir des ressemblances entre l’ancien et le nouvel ouvrage. […] Ces caractères, qui étaient bien dans la coupe du jour et qui sont soutenus jusqu’au bout ; le ressort de la crainte de l’opinion opposé à celui de l’avarice pure ; d’heureuses descriptions, jetées en passant, des dîners du grand ton : Ceux qui dînent chez moi ne sont pas mes amis ; une peinture légère des faillites à la mode, qui ne ruinent que les créanciers, et après lesquelles le banquier, s’élançant dans un brillant équipage, dit nonchalamment : Je vais m’ensevelir au château de ma femme ; l’intervention bien ménagée de deux femmes, l’une, fille du vieillard, et l’autre, sa petite-fille ; l’habile arrangement et le balancement des scènes ; d’excellents vers comiques, semés sur un fond de dialogue clair, facile et toujours coulant, voilà des mérites qui justifient pleinement le succès et qui mettent hors de doute le talent propre de l’auteur. […] Il représentait assez bien ces jours-là, et trouvait dans sa parole des élégances et des traits qui soutenaient du moins son ancienne réputation.

110. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Platon, et Aristote. » pp. 33-41

Il soutint des opinions diamétralement opposées à celles de son maître. […] Jamais chefs ne furent mieux soutenus.

111. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Troisième faculté d’une Université. Faculté de droit. » pp. 506-510

Ces exercices publics soutiendront l’émulation entre les maîtres et les élèves, ils constateront le talent des uns pour apprendre, et le talent des autres pour enseigner. […] Tout professeur qui aurait persisté quinze années consécutives dans sa chaire, sans aucun reproche, devrait être assuré d’une retraite honorable sous le titre d’émérite, qui a lieu parmi nous et qui soutient nos professeurs dans le cours de leur ennuyeuse et pénible tâche.

112. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre V. La parole intérieure et la pensée. — Premier problème : leurs positions respectives dans la durée. »

La parole intérieure est une image ; la pensée, prise en elle-même, contient aussi des images, si même elle n’est pas, comme on l’a soutenu, une simple succession de groupes d’images : […]243. […] Nous soutenons et nous allons démontrer que les positions respectives de la parole intérieure et de la pensée dans le temps, bien loin d’être déterminées par une loi unique, varient, d’une part selon le degré de l’effort personnel déployé par l’intelligence, et, d’autre part, suivant que cet effort est un effort d’invention pure ou un effort d’assimilation. […] Soutenir que notre pensée était encore confuse, c’est confondre les deux groupes d’idées que tout bon esprit distingue, celui qui appelait l’expression, et celui que l’expression a apporté avec elle, la pensée qui est l’œuvre originale de l’esprit et celle que lui fournissent malgré lui les associations de la mémoire verbale. […] Corollaire : les inventeurs et les vulgarisateurs Quoi qu’aient soutenu les interprètes de Boileau, on peut avoir une pensée claire sans en trouver immédiatement l’expression, ou du moins l’expression juste. […] Alexandre Dumas, dont les manuscrits immaculés sont célèbres, était de ces derniers ; Balzac, au contraire, se ruinait en corrections d’épreuves ; soutiendra-t-on, d’après Boileau, que Balzac concevait moins nettement qu’Alexandre Dumas les personnages qu’il mettait en scène dans ses romans ?

113. (1767) Sur l’harmonie des langues, et en particulier sur celle qu’on croit sentir dans les langues mortes

C’est une chose si évidente par elle-même, qu’on ne peut jamais écrire que très imparfaitement dans une langue morte, que vraisemblablement cette question n’en serait pas une, s’il n’y avait beaucoup de gens intéressés à soutenir le contraire. […] Cicéron a écrit dans bien des genres, et ces genres demandaient des styles différents ; il a écrit des dialogues qui pouvaient permettre des expressions familières ou moins relevées que les harangues ; il a écrit surtout un grand nombre de lettres, où certainement il a employé bien des tours de conversation, que le style grave et soutenu n’aurait pas permis ; que faudrait-il penser d’un écrivain qui risquerait ces mêmes phrases dans un discours sérieux ? […] J’ai entendu quelquefois regretter les thèses de philosophie qu’on a autrefois soutenues en grec dans quelques collèges de l’Université ; j’ai bien plus de regret qu’on ne les soutienne pas en français. […] Personne ne serait donc plus intéressé que lui à soutenir, que s’il n’a pas mieux réussi dans ses vers latins, c’est que la chose est impossible.

114. (1899) Le roman populaire pp. 77-112

Une foule d’écrivains s’y essayent ; plusieurs y gagnent une fortune, une réputation, on pourrait dire une gloire d’une espèce particulière ; ils voient leur nom et leurs œuvres pénétrer dans des milieux où n’ont jamais pénétré ceux des maîtres de la littérature française ; ils intéressent, ils font pleurer, ils égayent, ils ennuient un peuple entier ; ils sont les vrais créateurs et les vrais soutiens d’une certaine presse, investis d’une puissance plus immédiate sur ses destinées que tous les écrivains politiques, les économistes, les critiques, les reporters et les correspondants de la rédaction, et je me rappelle que l’administrateur général d’un des plus importants petits journaux de Paris me disait que, dans la première semaine après le commencement d’un feuilleton, le tirage du journal montait ou s’abaissait de cinquante mille, de quatre-vingt mille exemplaires par jour, selon que le feuilleton plaisait ou ne plaisait pas. […] Or, il ne me semble pas possible de soutenir que l’œuvre de l’école naturaliste, en général, a relevé le niveau moral du monde, que les âmes y ont pris une force, une pureté, une résolution de patience ou d’énergie sereine et tranquille, la seule qui mène loin. […] C’est une thèse fort soutenue. […] Dans ce même domaine de la musique, oserait-on soutenir que le goût des chefs-d’œuvre ne s’est pas répandu, de nos jours, parmi le peuple de Paris et de quelques grandes villes, comme il est depuis longtemps populaire en Belgique, en Allemagne et ailleurs ? […] Et, pour préciser, pour en revenir à la question même que je traite, comment soutenir que ce peuple qui dévore les romans, qui y trouve un attrait et veut y trouver une direction, soit condamné à n’en lire que de médiocres, d’insipides et de malsains, parce qu’il est peuple et que l’œuvre d’art n’est pas faite pour lui ?

115. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XI. »

Il est, au contraire, d’autres sujets où la puissance de la musique et du chant devait singulièrement rehausser l’action théâtrale et soutenir les âmes dans cette région mystique favorable à la poésie. […] et si, dans la pensée du poëte, cette fiction était l’image des combats que soutient ici-bas la vérité contre la violence, si le Prométhée d’Eschyle représentait l’être supérieur qui se dévoue pour éclairer les hommes, qui d’abord en porte la peine, sous la torture des fers et de l’inaction, puis est délivré, reprend son œuvre et la voit accomplie ; si l’enseignement moral de cette gradation tragique paraissait tellement vraisemblable que plus d’un père de l’Église a cru pouvoir, sans profanation, reconnaître dans les souffrances de Prométhée un type précurseur de celles du Christ, quelle ne devait pas être l’illusion pathétique de ces trois drames humains, dans leur ensemble et leur péripétie dernière ! […] Quatorze ans plus tard, et déjà célèbre par ses services de guerre et la faveur du peuple, il remportait, aux grandes Panathénées, la palme sur Eschyle ; et ce triomphe commençait une carrière de chefs-d’œuvre dramatiques soutenue jusqu’à l’extrême vieillesse. […] Thiersch, ont soutenu l’affirmative. […] Je m’envolerais vers les flots amers de l’Adriatique et les bords de l’Éridan, où, parmi les ondes du fleuve qui leur a donné le jour, a les sœurs attendries de Phaéthon versent en brillante rosée l’ambre de leurs larmes ; j’irais jusqu’au fertile rivage des chanteuses hespérides, où le dominateur de la mer empourprée n’accorde plus passage aux matelots, les arrêtant à la limite du ciel, que soutient Atlas.

116. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome III pp. 5-336

Les dieux consacrés dans les religions, les puissances motrices de la nature, elles-mêmes divinisées, l’animent et la soutiennent. […] Le merveilleux, ou, si l’on veut, l’invention idéale qui relève le fait, ne doit-il pas embellir la machine, et soutenir tous ses ressorts ? […] La force des armes soutint l’arrivée de ces nautiques explorateurs des contrées qu’ils découvrirent : mais leurs seules découvertes, source de richesses entre les nations, furent l’objet principal de l’épopée et non les guerres qui en devinrent la triste suite. […] Ici l’action soutient le parallèle avec la grandeur de celle dont elle fut sous quelque rapport imitée. […] Les mythologies du nord, trop sombres et trop confuses, ne soutiennent point le parallèle avec celles qu’ont éclaircies les lumières de l’orient et du midi.

117. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome IV pp. -328

Il avoit à la fois l’honneur de son corps à soutenir & ses injures particulières à venger. […] Le Syndic de Sorbonne eut défense d’y rien laisser soutenir qui put émouvoir les esprits. […] Les jésuites soutinrent leur cause avec celle des Chinois. […] Ce caractère lui manquant, il n’étoit pas possible qu’elle se soutînt long-temps. […] L’abbé soutint que le sien étoit dans les règles.

118. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Conclusion. Le passé et le présent. » pp. 424-475

Mais il faut qu’Henri VIII et Élisabeth elle-même suivent dans les grands intérêts le courant de l’opinion publique ; s’ils sont si forts c’est qu’ils sont populaires ; le peuple ne soutient leurs entreprises et n’autorise leurs violences que parce qu’il trouve en eux les défenseurs de sa religion, et les protecteurs de son travail1326. […] Beaucoup d’herbe, beaucoup de bétail, beaucoup de viande ; la grande mangeaille et la grosse mangeaille ; ainsi se soutient le tempérament absorbant et flegmatique ; la pousse humaine, comme toute la pousse végétale et animale, est puissante, mais lourde ; l’homme est amplement charpente, mais à gros coups ; la machine est solide, mais elle roule lentement sur ses gonds, et le plus souvent les gonds grincent et sont rouilles. […] Ils soutiennent et président les Sociétés scientifiques ; si les libres chercheurs d’Oxford, au milieu du rigorisme officiel, ont pu expliquer la Bible, c’est parce qu’on les savait soutenus par les laïques éclairés et du premier rang. […] Presque jamais un livre ici ne peint l’homme d’une façon désintéressée ; critiques, philosophes, historiens, romanciers, poëtes même, ils donnent une leçon, ils soutiennent une thèse, ils démasquent ou punissent un vice, ils peignent une tentation surmontée, ils racontent l’histoire d’un caractère qui s’assied. […] Ainsi parlent les vieilles et graves prières, les chants sévères qui roulent dans le temple, soutenus par l’orgue.

119. (1803) Littérature et critique pp. 133-288

Il a soutenu les principes d’une vraie liberté. […] Mais c’est trop de combats à soutenir en même temps. […] Mais, comme on l’a fort bien observé, sa réputation ne s’est pas soutenue avec le même éclat jusqu’à la fin de sa vie. […] Tantôt des périodes nombreuses et soutenues semblent se développer avec la masse de l’armée entière. […] On revoit ces chemins par où il avait passé, où la douce espérance le soutenait encore.

120. (1910) Variations sur la vie et les livres pp. 5-314

À son avis, tout y était agréable, naturel et soutenu. […] On la soutient, on la délace, on la porte au lit. […] Son élan, sa chaleur, sa déclamation soutenue, lui valurent un succès indubitable. […] On peut le soutenir. […] Cela fit soutenir que Marionnette venait de Marion, petite Marie.

121. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Une Réception Académique en 1694, d’après Dangeau (tome V) » pp. 333-350

disait-il, le sublime génie qui anime et soutient cet illustre corps m’a seul inspiré le glorieux dessein d’en être membre ; et comme, étant supérieur à tout, il n’a que de grandes vues, j’en reçois heureusement celles que je n’aurais osé prendre de mon chef, et que vous avez bien voulu rendre effectives. […] Pendant que l’Église voit avec édification dans ces sages règlements la vérité de la doctrine, la pureté de la morale, l’intégrité de la discipline, l’autorité de la hiérarchie, établies, soutenues et conservées dans le diocèse de Noyon depuis l’heureux temps de votre épiscopat, nous y voyons encore ces divisions exactes, ces justes allusions, ces allégories soutenues, et surtout une méthode qu’on ne voit point ailleurs, et sans laquelle on suivrait difficilement des idées aussi magnifiques que les vôtres ! […] Après l’éloquent panégyrique que vous venez de faire de ce grand prince, je n’obscurcirai point par de faibles traits les idées grandes et lumineuses que vous en avez tracées : je dirai seulement que pendant qu’il soutient seul le droit des rois et la cause de la religion, il veut bien encore être attentif à la perte que nous avons faite, et la réparer dignement en nous donnant un sujet auquel, sans lui, nous n’aurions jamais osé penser.

122. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. »

qui oserait soutenir que d’avoir donné à la France une suite de frontières où Douai, Lille, Cambrai, Valenciennes, Saint-Omer, n’étaient plus à l’ennemi, où Besançon et la Franche-Comté nous étaient acquis, où Strasbourg nous couvrait vers le Rhin, où la Lorraine dans un avenir prochain nous était assurée, qui oserait dire que d’avoir obtenu ce résultat, d’avoir extirpé du sein du royaume toutes ces enclaves étrangères, ces bras de polypes qui essayaient en vingt endroits d’y pénétrer, d’avoir fait, selon l’expression de Vauban, son pré carré , et d’avoir pu désormais tenir son quartier de terre des deux mains, ce ne soit pas avoir compris les conditions essentielles du salut et de l’intégrité de la noble patrie française ? […] Honneur donc à lui dans l’histoire, quels qu’aient pu être les raisonnements diplomatiques plus ou moins contestables par lesquels il essayait de soutenir les droits de la Reine sur les Pays-Bas ! […] De plus il a sous lui toute une élite d’hommes secondaires que cette histoire nous découvre et qui prennent figure et vie à nos yeux : — en première ligne, Martinet, lieutenant-colonel du régiment du Roi, mort maréchal de camp, officier modèle, dont le nom devient proverbial dans l’armée, et qui est l’instrument de la réforme, le parfait instructeur, le praticien de la discipline nouvelle dans l’infanterie ; — après lui, le chevalier de Fourilles, qui rend des services pareils, et qui est un autre Martinet pour la cavalerie ; — des intendants comme Chaniel, agent zélé, ferme, intelligent, dont les plus grands généraux redoutent les écritures, qui ne paraît pas en avoir abusé toutefois, et que Louvois, fidèle au principe de la séparation des pouvoirs, soutient sans broncher dans ses contestations avec les maréchaux victorieux, après la conquête. […] Vauban, dans toute cette histoire, conserve et soutient ce beau caractère.

123. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VII. Du style des écrivains et de celui des magistrats » pp. 543-562

J’oserai dire que mon père est le premier, et jusqu’à présent le plus parfait modèle de l’art d’écrire, pour les hommes publics, de ce talent d’en appeler à l’opinion, de s’aider de son secours pour soutenir le gouvernement, de ranimer dans le cœur des hommes les principes de la morale, puissance dont les magistrats doivent se regarder comme les représentai, puissance qui leur donne seule le droit de demander à la nation des sacrifices. […] Le laconisme des Spartiates, les mots énergiques de Phocion, réunissaient autant, et souvent mieux que les discours les plus soutenus, les attributs nécessaires à la puissance du langage ; cette manière de s’exprimer agissait sur l’imagination du peuple, caractérisait les motifs des actions du gouvernement, et faisait connaître avec force les sentiments des magistrats. […] Un mot admis pour la première fois dans le style soutenu, s’il est bon, de nouveau qu’il était, devient bientôt familier à tous les écrivains ; ils se le rappellent naturellement comme inséparable de l’image ou de la pensée qu’il exprime.

124. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre III. L’écrivain »

Mais les hémistiches distincts, les rimes régulières, le ton soutenu, la friperie mythologique ou galante, Vénus et l’Amour, les pleurs et les ardeurs, reprennent bientôt leur empire. […] Les paysans s’y trouvent, et à côté d’eux les rois, les villageoises auprès des grandes dames, chacun dans sa condition, avec ses sentiments et son langage, sans qu’aucun des détails de la vie humaine, trivial ou sublime, en soit écarté pour réduire le récit à quelque ton uniforme ou soutenu. […] Non plus que nous, il ne soutient pas longtemps le même sentiment. « Diversité, c’est sa devise. » J’ajoute : Diversité avec agrément.

125. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre II. Signes de la prochaine transformation »

Regardez ; de toutes parts la forme classique craque, et ne se soutient plus. […] Un amour profond de la vérité, une noble foi dans la raison et dans la science soutiennent les savants adonnés aux plus âpres études. […] Rien ne pourra se faire tant que le monde gardera sa souveraineté ; le monde ayant disparu, les règles ne se soutiendront plus : mais rien n’aboutira tant que la langue littéraire ne sera pas refondue.

126. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre IV. L’antinomie dans l’activité volontaire » pp. 89-108

L’antinomie dans l’activité volontaire Étudions maintenant la volonté et le rapport qu’elle soutient avec la sociabilité. […] Les volontés ne diffèrent pas seulement par leurs raisons d’agir ; elles diffèrent encore par la nature des mensonges vitaux quelles adoptent ou qu’elles se fabriquent elles-mêmes pour soutenir leur énergie, pour s’encourager à vivre et à agir. […] Que le moi se réduise, comme le veut Guyau, à une collection de petites consciences ; qu’il ne soit, comme le soutient M. 

127. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — IV »

Or, pour créer ces apparences, le moi ou l’esprit fait un usage constant des deux procédés que l’on a décrits ; il utilise à son service ces deux forces que l’on a montrées modelant la matière objective par les rapports qu’elles soutiennent entre elles. […] Cette fausse conception, qui se manifeste à la source et se montre le moyen de tout savoir scientifique, soutient également nos notions le plus universellement acceptées et qui semblent le plus incontestables. […] Dans cette hypothèse, la haute antiquité de ces notions primordiales, leur durée considérable, le nombre infini de connaissances secondaires qu’elles soutiennent, seraient les seules causes qui les garantiraient contre la possibilité d’une dissociation ; elles ne tiendraient plus leur autorité d’une loi inhérente à la nature des choses, mais elles la recevraient d’une considération d’utilité intellectuelle.

128. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre III. De la sécheresse des impressions. — Du vague dans les idées et le langage. — Hyperboles et lieux communs. — Diffusion et bavardage »

Chevalier, est-ce que tu prétends soutenir cette pièce ? D. — Oui, je prétends la soutenir.

129. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Choses d’autrefois »

Il y a par malheur d’autres sacrifiées : celles qui prennent le voile pour conserver à l’aîné de quoi soutenir l’honneur du nom. […] Tandis qu’elles dansent, jouent de la harpe, se marient à douze ans ou prennent le voile à dix-huit, et qu’elles se disposent, par leurs plaisirs comme par leurs sacrifices, à soutenir la gloire de leurs maisons, peut-être que dans la rue, sous les longs murs du noble couvent, passe le petit robin qui leur fera couper la tête.

130. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Silvestre, Armand (1837-1901) »

Dans tout cela, pas le plus petit mot drôle : un lyrisme soutenu, soutenu très haut, des images grandioses, de vagues effusions panthéistiques, un sublime voyage sur la croupe d’une chimère, des aurores aux couchants, l’héroïque chevauchée d’un rêveur sur le cheval ailé des Mille et Une nuits.

131. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le voltairianisme contemporain »

Ils ne l’ont pas faite, mais ils l’ont soutenue. […] Il y a bien dans l’arche de cette gloire, çà et là, quelques hommes d’esprit, pour les orner, aux encoignures, mais ceux qui en soutiennent le lourd entablement, ce sont vraiment les sots !

132. (1913) La Fontaine « VII. Ses fables. »

Tout bien considéré, je te soutiens en somme Que scélérat pour scélérat, Il vaut mieux être un loup qu’un homme ; Je ne veux point changer d’état. […] Enfin La Fontaine a soutenu, comme vous le savez, et avec énergie, l’intelligence des bêtes. Il a crié à son siècle : Vous me direz ce que vous voudrez, les animaux ne sont peut-être ni aussi bons, ni aussi ridicules que je les ai peints — je le regrette peut-être — et en bien et en mal ; mais pour ce qui est d’être extrêmement intelligents, voilà ce que je soutiens absolument contre Descartes et contre les cartésiens. […] Les fables prouvant que les animaux ont de l’esprit, qui sont renfermées dans le Discours à Mme de La Sablière, c’est-à-dire dans la fable première du livre dixième, sont celles-ci : la fable, ou plutôt l’histoire du vieux cerf qui se substitue au jeune cerf lorsque, chassé, il ne peut plus soutenir la course. […] dans sa première nature, dans sa première origine, l’homme lui-même, a eu à apprendre tout pour soutenir et défendre sa pauvre vie ; l’animal comme l’homme.

133. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Le président Hénault. Ses Mémoires écrits par lui-même, recueillis et mis en ordre par son arrière-neveu M. le baron de Vigan. » pp. 215-235

Hénault naquit à Paris, le 8 février 1685, d’un père fermier général, homme riche, qui aimait les lettres, et même assez particulièrement pour prendre le parti de Corneille contre Racine, et pour se mêler à cette petite guerre que soutinrent Thomas Corneille et Fontenelle. […] Tant de talents soutenus ou plutôt rendus utiles par des qualités plus précieuses encore, par la douceur de vos mœurs, par la sûreté de votre commerce, par la conciliation que vous apportez aux affaires, par la pénétration aussi vive que réfléchie dont vous les démêlez, par l’attention que vous avez et qui est si nécessaire, en persuadant les autres, de leur laisser croire que vous ne pensez que d’après eux ; enfin par tout ce qui réconcilie les hommes de mérite avec ceux qui pourraient en être jaloux : voilà ce qui fait souhaiter de vous avoir pour confrère, et, si j’ose parler de moi, voilà ce qui rend votre amitié si désirable. […] Vers l’âge de cinquante ans (1735), le président fit une maladie grave, et Mme de Castelmoron en profita pour déterminer sa conversion ou tout au moins sa résipiscence ; il fit une confession générale et prit dès lors le parti de la dévotion qu’il soutint assez bien, et où il se fortifia dans les dernières années. […] On avait établi une chambre royale pendant cet exil ; mais cette chambre royale, peu soutenue par le gouvernement même, manqua son effet, et la considération, et par conséquent la prétention du Parlement, s’augmenta du discrédit même de la chambre qu’on avait voulu lui substituer.

134. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers. »

Tous les contemporains s’accordent à dire qu’elle était fort belle, et cette beauté, bien que de celles qu’on appelle délicates, se soutint longtemps. […] Ce serait juger trop vite que de croire Mme de Boufflers déraisonnable et légère parce qu’elle soutenait quelquefois en causant des thèses un peu étranges. […] J’ai entendu parler d’un homme de grand jugement, nullement lié avec vous, qui soutenait en public dans une compagnie que, si le bruit était fondé, rien ne pourrait donner une plus haute idée des louables et nobles principes de votre ami] (le prince). […] chère Madame, l’un n’est jamais la compensation de l’autre, surtout pour vous dont la machine délicate, déjà ébranlée par un incident de bien moindre importance assurément, est si peu faite pour soutenir de telles agitations.

135. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire des travaux et des idées de Buffon, par M. Flourens. (Hachette. — 1850.) » pp. 347-368

La géométrie l’avait fort occupé dès le collège, et, au zèle dont il s’y appliquait, elle semblait presque sa vocation ; ou plutôt, dans sa curiosité élevée et étendue, il menait, dès sa jeunesse, toutes les connaissances de front : « Il ne voulait pas qu’un autre pût entendre ce qu’il n’aurait pas entendu lui-même » ; il s’en serait senti humilié comme homme, et ce noble sentiment d’orgueil, soutenu d’une opiniâtre volonté et servi d’une admirable intelligence, le porta au sommet des sciences sublimes. […] À tout le mal qu’il dit des passions, on peut lui opposer cependant une seule, chose : « Mais vous-même, pourrait-on lui dire, auriez-vous échappé à cet ennui, à cette langueur de l’âme qui suit l’âge des passions, si vous n’aviez pas été soutenu et possédé de cette passion fixe de la gloire ?  […] Il est élevé, moins par le mouvement et le jet, que par la continuité même dans un ordre toujours sérieux et soutenu. […] après un travail d’un si grand nombre d’heures par jour, et une application si constante de l’esprit qui avait porté et soutenu tant de choses, il avait besoin de se détendre, et la parole allait alors en famille et entre amis comme elle pouvait.

136. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé à Quimper »

Un critique de beaucoup de talent me soutenait dernièrement que ma philosophie m’obligeait à être toujours éploré. […] Votre jeunesse m’enchante, me soutient.

137. (1898) Inutilité de la calomnie (La Plume) pp. 625-627

Je le soutins. […] La forte patience de l’esprit me soutient.

138. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre VIII. La religion chrétienne considérée elle-même comme passion. »

Elle ne se montre à ses amants ici-bas que voilée ; elle s’enveloppe dans les replis de l’univers comme dans un manteau ; car, si un seul de ses regards tombait directement sur le cœur de l’homme, il ne pourrait le soutenir : il se fendrait de délices. […] Il soutient des assauts terribles, il combat corps à corps avec ses passions.

139. (1761) Salon de 1761 « Récapitulation » pp. 165-170

La France est donc la seule contrée où cet art se soutienne et même avec quelque éclat. […] Mais je gage qu’il n’y a rien là qui la relève, et que cela se soutient tout seul.

140. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 33, de la poësie du stile dans laquelle les mots sont regardez en tant que les signes de nos idées, que c’est la poësie du stile qui fait la destinée des poëmes » pp. 275-287

Voilà pourquoi nous admirons plusieurs poëmes qui ne sont rien moins que reguliers, mais qui sont soutenus par l’invention et par un stile plein de poësie, qui de moment en moment présente des images qui nous rendent attentifs et nous émeuvent. […] Un poëte mediocre peut à force de consultations et de travail faire un plan regulier, et donner des moeurs décentes à ses personnages ; mais il n’y a qu’un homme doué du genie de l’art qui puisse soutenir ses vers par des fictions continuelles, et par des images renaissantes à chaque periode.

141. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 30, objection tirée des bons ouvrages que le public a paru désapprouver, comme des mauvais qu’il a loüez, et réponse à cette objection » pp. 409-421

Despreaux après avoir vû la troisiéme, soutint à Racine, qui n’étoit point fâché du danger où la réputation de Moliere sembloit être exposée, que cette comédie auroit bien-tôt un succès des plus éclatans. […] Quand il est mauvais, le public ne prend pas un si long délai pour le condamner, quelque effort que la plûpart des gens du métier fassent pour soutenir sa réputation.

142. (1878) La poésie scientifique au XIXe siècle. Revue des deux mondes pp. 511-537

Mais aujourd’hui, avec la rigueur inflexible des méthodes, avec l’instrument de précision appliqué aux phénomènes et cette chaîne serrée des lois où chaque anneau, soutenu par le précédent, soutient ceux qui le suivent, dans ce vaste déterminisme qui exclut le hasard et n’admet l’hypothèse qu’à titre provisoire, un Lucrèce est-il possible ? […] Sa langue si pure, si habile, si nuancée, quand il reste dans les sujets antiques ou dans ceux qui n’ont pas d’âge, ceux que fournit le cœur humain, éternel dans ses douleurs, dans ses passions et ses joies, cette même langue s’embarrasse et se trouble dès qu’elle touche à des idées scientifiques ou à des pensées modernes que le vers français n’était peut-être pas encore en état de soutenir et d’exprimer. Le premier, il a conçu avec ampleur et suite ce que pouvait être la poésie scientifique ; le premier, il en a eu l’ambition, soutenue à travers toute une vie trop courte. […] En même temps qu’il rétablit la justice dans le cœur de l’homme, il soutient que, hors l’espèce humaine, elle n’a aucune raison d’être, que nos griefs contre la Nature ou la Divinité sont sans fondement. […] Il faut, pour soutenir une longue suite de vers et pour y intéresser le lecteur, un système vigoureusement accepté, traduit par une conviction ardente.

143. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — II. (Suite.) » pp. 147-161

Il est certain que cette grande ville soutint le siège de 1590 contre Henri IV, et l’extrême famine à laquelle elle fut réduite, avec une constance qu’on n’aurait jamais pu attendre d’une population qui faisait une émeute du temps des rois « quand seulement les marchés se trouvaient deux fois sans blé ». […] Villeroi, en ses sages Mémoires, paraît en douter ; il n’attribue ce sentiment qu’à un petit nombre, et se montre disposé à croire que Paris, en cette circonstance, soutint et supporta ce siège désespéré comme on l’a vu depuis supporter bien des choses extrêmes, par timidité, sous l’influence et la domination d’un petit nombre, comme on l’a vu, par exemple, en 1793, supporter la Terreur. […] En avril 1607, Henri IV apprit que les Provinces-Unies de Hollande, qu’il soutenait depuis longtemps de ses subsides, étaient près de souscrire à une paix ou trêve avec l’Espagne, et cela directement et sans son conseil.

144. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre II. De l’ambition. »

On ne brave pas impunément ses propres qualités ; et celui que son ambition entraîne à soutenir à la tribune une opinion que sa fierté repousse, que son humanité condamne, que la justesse de son esprit rejette, celui-là éprouve alors un sentiment pénible, indépendant encore de la réflexion qui peut l’absoudre ou le blâmer. Il se soutient, peut-être, par l’espoir de se montrer lui-même alors qu’il aura atteint son but ; mais s’il faisait naufrage avant d’arriver au port, s’il était banni, pendant, qu’à l’imitation de Brutus, il contrefait l’insensé, vainement voudrait-il expliquer quelle fut son intention, son espoir ? […] L’amour de la gloire a tant de grandeur dans ses succès, que ses revers en prennent aussi l’empreinte ; la mélancolie peut se plaire dans leur contemplation, et la pitié qu’ils inspirent a des caractères de respect qui servent à soutenir le grand homme qui s’en voit l’objet.

145. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre I. Origine des privilèges. »

D’autre part, dans un État qui peu à peu se dépeuplait, se dissolvait et fatalement devenait une proie, il avait formé une société vivante ; guidée par une discipline et des lois, ralliée autour d’un but et d’une doctrine, soutenue par le dévouement des chefs et l’obéissance des fidèles, seule capable de subsister sous le flot de barbares que l’Empire en ruine laissait entrer par toutes ses brèches : voilà l’Église. — Sur ces deux premières fondations, il continue à bâtir, et, à partir de l’invasion, pendant plus de cinq cents ans, il sauve ce qu’on peut encore sauver de la culture humaine. […] C’est pourquoi là où le laïque avait défailli5, il se soutient et même il prospère. […] Lorsqu’il est veuf et sans enfants, on députe auprès de lui pour qu’il se remarie et que sa mort ne livre pas le pays à la guerre des prétendants ou aux convoitises des voisins. — Ainsi renaît, après mille ans, le plus puissant et le plus vivace des sentiments qui soutiennent la société humaine.

146. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Deux tragédies chrétiennes : Blandine, drame en cinq actes, en vers, de M. Jules Barbier ; l’Incendie de Rome, drame en cinq actes et huit tableaux, de M. Armand Éphraïm et Jean La Rode. » pp. 317-337

La publicité les soutenait. […] Mais vous entrevoyez combien il était malaisé au poète de prolonger durant deux actes cette lutte pour le martyre, ce renchérissement ininterrompu dans le plus surprenant héroïsme, et d’en soutenir sans défaillance l’écrasant crescendo. […] Sous prétexte qu’ils sont lointains, les personnages s’expriment avec une noblesse soutenue.

147. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — I. La Poësie en elle-même. » pp. 234-256

Quant à ceux qui l’admettent, mais avec des modifications, ils ont soutenu encore des disputes très-vives. […] Il regardoit les fables comme le plus puissant ressort de toute poësie, & principalement de cette poësie enjouée, légère, & galante que ses ennemis lui reprochèrent, & qu’il soutint n’être pas contraire à son état, attendu le grand nombre d’ecclésiastiques qui l’ont cultivée. […] Le jeune Baratier y travailla si fort, renonçant à toute autre étude, qu’il soutint sa thèse de droit public au bout de quinze mois : mais il mourut, peu de temps après, de l’excès du travail.

148. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre VI. Les localisations cérébrales »

Tel est le principe de l’organologie de Gall, soutenu encore à l’heure qu’il est par de savants médecins. […] J’approuve donc l’ingénieux psychologue qui, dans son livre récent sur la Phrénologie spiritualiste, soutient que la doctrine de Gall peut se concilier avec le plus pur spiritualisme. […] Broussais a essayé de justifier la doctrine de Gall sur ce point, et soutenu que la destruction des végétaux peut très-bien être assimilée à celle des animaux : il n’y a donc rien d’étonnant à ce que l’organe de la destruction se rencontre chez le mouton aussi bien que chez le chien ; mais Gall avait établi précisément cet organe sur la comparaison des carnivores et des frugivores.

149. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre I : Philosophie religieuse de M. Guizot »

Il avait pour soutenir sa vie nouvelle deux sentiments énergiques et également puissants, le souvenir du passé et le besoin d’action. […] Liberté de conscience et liberté de pensée, avec leurs conséquences, sont des principes que la société moderne n’examine plus, mais auxquels elle adhère avec une passion incroyable, avec la même passion que les croyants apportent à soutenir leurs symboles. […] D’une part, ils soutiennent avec Condillac que toutes nos idées viennent des sens, et par là ils sont logiquement conduits à nier tout ce qui est au-delà ; de l’autre ils invoquent une prétendue loi historique d’après laquelle l’homme passerait de l’état théologique à l’état métaphysique, et de l’état métaphysique à l’état positif.

150. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XX. De Libanius, et de tous les autres orateurs qui ont fait l’éloge de Julien. Jugement sur ce prince. »

On voit par l’histoire qu’il soutint toujours le même caractère. […] Mis à la tête de l’empire, il y soutint son caractère ; on le vit à la cour dédaigner le faste, fuir la mollesse, combattre ses sens, dompter en tout la nature, se contenter de la nourriture la plus grossière ; souvent il la prenait debout, souvent se la refusait, dormait peu, n’avait d’autre lit qu’une peau étendue sur la terre, et passait une partie des nuits ou dans son cabinet, ou sous sa tente, occupé au travail et à l’étude. […] La philosophie de l’autre semblait moins un sentiment qu’un système ; elle était plus ardente que soutenue ; elle tenait à ses lectures, et avait besoin d’être remontée.

151. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVII. Des éloges en Italie, en Espagne, en Angleterre, en Allemagne, en Russie. »

Le cours harmonieux des paroles qui se succèdent et qui s’enchaînent, soutient et fixe l’attention ; et la pantomime de l’orateur frappant les yeux en même temps que la musique des mots frappe l’oreille, sert pour ainsi dire d’accompagnement à cette musique. […] Le souverain de Rome fut indigné : les Florentins soutinrent leurs droits avec courage. […] Cette idée digne des anciens Grecs, qui croyaient que le génie des grands hommes veillait toujours au milieu d’eux, et que leur âme était présente parmi leurs concitoyens pour animer et soutenir leurs travaux, est peut-être le plus bel hommage qui ait été rendu au législateur de la Russie.

152. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Madame de Verdelin  »

Sensible, mélancolique, souffrant, le peintre immortel de Didon aurait dû, ce semble, avoir pour lui toutes les âmes tendres ; il aurait eu bien besoin, on croit l’entrevoir, de ces entretiens consolants et reposants qui charment dans l’habitude intérieure de la vie, qui soutiennent dans les jours d’affaiblissement et de langueur. […] Corneille était fait pour exciter par son génie et ses premiers chefs-d’œuvre des transports d’enthousiasme que, malheureusement, sa personne vue de trop près soutenait peu, ou que même elle décourageait. […] Je fus touché de ce voyage, surtout dans la circonstance où je me trouvais et où j’avais grand besoin, pour soutenir mon courage, des consolations de l’amitié. […] je crois qu’il n’y a que vous au monde qui puissiez soutenir cette épreuve. […] Ce serait même un problème assez délicat dans une Étude sur Rousseau, et malgré tout ce qu’on sait de ses méfiances, que de s’expliquer comment d’une liaison si douce, si éprouvée et si soutenue, à n’en juger que par ses lettres, il a pu passer et aboutir, sur le compte de cette aimable dame, à la page légèrement dénigrante et tout à fait désobligeante des Confessions.

153. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. Causes physiologiques et psychologiques du plaisir et de la douleur »

Le bien-être ne suppose pas le changement ; le plaisir tranché le suppose parce qu’il est un changement en mieux ; la douleur, parce qu’elle est un changement en pire ; mais tous ces changements doivent se rapporter à quelque tendance de notre être qui demeure stable dans la multiplicité même des rapports qu’elle soutient avec le milieu extérieur. […] Bain33 soutient que nous pouvons avoir un sentiment sans plaisir ni peine : il cite la surprise comme exemple familier d’un sentiment qui enveloppe seulement une excitation, et qui peut être tantôt agréable, tantôt pénible, tantôt indifférent. […] Léon Dumont l’a soutenu ; Wundt lui-même, dans son échelle des intensités de plaisir comparées aux intensités d’excitation, a trop exclusivement considéré la quantité du stimulant et de la réaction nerveuse qu’il provoque. […] Au moment précis et dans la mesure où nous jouissons de notre action, — par exemple, dans la contemplation d’une scène de la nature, — nous cessons de désirer le changement, comme le soutiennent Rolph et Leslie ; mais aucune jouissance et aucune action ne peut demeurer longtemps au même niveau d’intensité. […] La douleur n’est donc point, comme le soutiennent Schopenhauer et de Hartmann, l’éternelle et irrémédiable condition des êtres, sorte de damnation, enfer d’où le monde ne pourrait sortir que par l’anéantissement de soi.

154. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — I. » pp. 88-109

Belin, médecin de Troyes ; c’est une curiosité d’amateur qui lui dicte sa première lettre (20 avril 1630) : il s’est mis depuis quelques années à rechercher les antiquités de la faculté de Paris, à faire collection de toutes les thèses qu’on y a soutenues ; il en a déjà ramassé plus de cinq cents, mais ce sont surtout celles des vingt dernières années qu’il possède, à partir de 1609 : quant à celles qui remontent plus haut, elles sont plus rares, et il s’adresse à M.  […] Ceux qui les ont soutenues à leur moment, et qui ont dû prendre sur eux-mêmes pour cela, ont eu sans cesse à combattre au-dehors : il n’est pas étonnant que tant de colères et de passions se soient dépensées dans la lutte. […] Cela est assez vraisemblable, à en juger par la vivacité furibonde qu’il montre à ce sujet dans ses lettres : Si ce Gazetier (c’est ainsi qu’il l’appelle toujours) n’était soutenu de l’Éminence en tant que nebulo hebdomadarius (ces mots de polisson, de fripon à la semaine, reviennent sans cesse sous la plume de Gui Patin, il est vrai que c’est en latin qu’il les dit), nous lui ferions un procès criminel, au bout duquel il y aurait un tombereau, un bourreau, et tout au moins une amende honorable : mais il faut obéir au temps. […] La Faculté, au contraire, protestait contre toute idée d’imitation et soutenait que, dans cet essai de bonne œuvre publique, elle n’avait eu à s’inspirer que d’elle-même et de son amour du bien.

155. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — II » pp. 150-171

J’ai, connu un bossu, homme d’ailleurs de beaucoup d’esprit, qui n’avait jamais pu se familiariser avec son ombre ; je lui devins à charge, et il m’évita enfin, ne pouvant soutenir la petite guerre que je lui faisais pour lui ôter ce faible : pour moi, j’ose dire que je soutiens galamment ma disgrâce ; j’en atteste mes amis, qui, pour faire honneur à mon courage, ne me font plus apercevoir dans notre commerce cette retenue excessive, cette circonspection humiliante qui n’est due qu’aux faibles. […] On voit l’abbé de Pons, en ces années, devenir un des rédacteurs actifs et des soutiens de ce Nouveau Mercure qui cherchait à se régénérer. […] En un endroit, à propos d’un passage d’Horace (« pallida Mors aequo pulsat pede… »), il raille le plus joliment du monde les traducteurs de son temps, les oppose les uns aux autres, leur soutient qu’ils ne sont jamais bien sûrs de saisir la nuance exacte et vraie de ce qu’ils admirent si fort chez les anciens, et conclut qu’ils ne font le plus souvent que la soupçonner et la deviner.

156. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.) »

Le reste était tous nouveaux régiments, dont plusieurs étaient à demi ruinés, dix-neuf escadrons de dragons… Nous leur avons abandonné Carmagnole que l’on ne pouvait soutenir et que l’on voulait quitter. Les mesures ont été prises juste pour se défaire de la cavalerie que l’on ne pouvait plus faire subsister, et soutenir notre frontière avec l’infanterie. […] Mais, ce qui était pis, Vauban, l’autorité même, Vauban semblait croire que Catinat aurait pu agir autrement et tenir le poste de La Pérouse ; il le disait à qui voulait l’entendre : « Je t’assure, écrivait Catinat à son frère, qu’il n’y a ombre de raison à ce dire, et qu’il aurait de la confusion de l’avoir avancé s’il était sur les lieux et qu’on lui dît de disposer ce poste pour être soutenu contre une armée qui a du canon… Je suis assurément rempli d’un grand fonds d’estime et d’affection pour M. de Vauban ; mais je voudrais bien voir jusqu’où iraient ses lumières et la tranquillité de son esprit, s’il était chargé en chef des affaires de ce pays-ci : je crois qu’il y serait pour le moins aussi fécond en inquiétudes qu’il l’était à Namur, où il était demeuré après la prise. » Catinat d’ailleurs n’en veut point à Vauban, et il trouve, pour l’excuser de ce léger tort à son égard, une belle explication amicale : « M. de Vauban est de mes amis ; sa franchise naturelle l’a surpris et l’a fait parler d’une chose qu’il a pensée et qu’il ne sait point, et avec peu de ménagement pour un homme qu’il aime ou qui est en droit de le croire. » Bien qu’endurci par l’expérience à tous les propos, Catinat était donc en ce moment fort fécond en soucis et des plus travaillés d’esprit ; toutes ses lettres adressées du camp de Fénestrelles à son frère nous ouvrent le fond de son âme : « Personne n’est à l’abri du discours, c’est un mal commun à tous ceux qui sont honorés du commandement : il faudrait que je fusse bien abîmé dans un esprit de présomption pour que je pusse imaginer que cela fût autrement à mon égard. […] Le duc de Vendôme, ayant avec lui son frère le Grand-Prieur, qui y fut blessé, commandait à gauche, où il y eut le plus de difficultés et d’inégalités dans le choc, et où la gendarmerie, nouvellement arrivée à l’armée d’Italie, fit merveille : elle avait à soutenir sa réputation d’invincible.

157. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SCRIBE (Le Verre d’eau.) » pp. 118-145

On se souvient encore à Sainte-Barbe d’une thèse soutenue publiquement par lui contre M. […] Scribe nous soutenir, comme il l’a fait dans son discours d’Académie, que la comédie, pour réussir, n’a pas besoin de ressembler. […] Scribe, ses ingrédients, comme vous voudrez les appeler, le soutiennent bien mieux. […] Scribe, a pu paraître chez lui, dans les années premières, un métier eu même temps qu’un talent ; mais depuis, à voir le nombre croissant et le bonheur soutenu, il faut reconnaître que c’est désormais son plaisir et sa fantaisie, que c’est devenu sa nécessité et sa nature.

158. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DE BARANTE. » pp. 31-61

Un article du Publiciste dans lequel, à propos de la Mort d’Henri IV de Legouvé, M. de Barante, sous le voile de l’anonyme, soutenait les avantages de la vérité historique au théâtre, lé mit en contradiction avec Geoffroy. […] M., je crois), soutint sa thèse. […] L’Histoire des Ducs de Bourgogne, publiée de 1824 à 1827, obtint un succès prodigieux qui s’est depuis soutenu, et elle portait avec elle un système qui a été controversé dès l’origine. […] Son Louis XI, pour la réalité et la vie, a soutenu la concurrence avec Quentin Durward.

159. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre III. L’Histoire »

Les évangiles apocryphes furent préférés à la Bible et à l’Evangile ; les saints romains, gallo-romains, ou français, avec leurs maigres légendes et leurs figures presque réelles, ne soutinrent pas la concurrence des saints grecs, orientaux, celtiques, saints fantastiques, prestigieux, qui souvent n’avaient pas vécu, ou qui n’avaient jamais reçu le baptême que de l’affection populaire. […] La Vierge soutient pendant trois jours sur le gibet un voleur qui lui avait toujours marqué une dévotion particulière. […] Il nous donne des Miracles de Notre Dame, qui valent les meilleurs de Gautier de Coinci : comment Notre Dame soutint par les épaules un homme qui était tombé à la mer, sans qu’il fit même un mouvement pour nager, et comment elle vint couvrir la poitrine de l’abbé de Cheminon, de peur que le saint homme ne s’enrhumât en dormant. […] Il n’y a rien de plus délicat et de plus pénétrant que cette scène de la dernière messe du prêtre de Joinville, qui soutenu, dans les bras de son seigneur, acheva à grand’peine de chanter l’office du jour, et « onques puis ne chanta ».

160. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vien » pp. 74-89

Les autres acolytes se soutiennent très bien à côté de lui et pour la forme et pour la couleur. […] Il ne pèse pas une once ; quoiqu’il ne soit soutenu d’aucun nuage, je ne crains pas qu’il tombe. […] Il a devant lui un bureau soutenu par un ange de bronze. […] Qu’il règne dans cette composition un calme qui plaît ; que cette main droite est bien dessinée, bien de chair, du ton de couleur le plus vrai et sort du tableau ; et que sans cette chappe qui est lourde ; sans ce linge qui n’imite pas le linge, sous lequel le vent s’enfourneroit inutilement pour le séparer du corps, qui n’a aucuns tons transparents, qui n’est pas souflé, comme il devroit l’être et qu’on prendroit facilement pour une étoffe blanche épaisse ; sans ce vêtement qui sent un peu le manequin, celui qui s’en tient au technique et qui ne s’interroge pas sur le reste, peut être content… belle tête, belle pâte, beau dessein… bureau soutenu par un chérubin de bronze bien imité et de bon goût.

161. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Loutherbourg » pp. 258-274

Ici, c’est une syllabe de trop, là c’est une syllabe de moins, l’accent tombe quand il doit être soutenu, il se soutient quand il doit tomber ; la voix éclate où la chose la veut sourde, elle est sourde où la chose la veut éclatante ; les sons glissent où le sens doit les faire onduler, bouillonner. […] Plus vers la gauche, au-dessus du même mur, et un peu dans l’enfoncement, une assez haute portion de tour gothique avec l’éperon qui la soutient. […] Au même endroit plus vers la droite, un époux qui soutient sous les bras sa femme nue et moribonde ; ni cela non plus, Monsieur Loutherbourg, autre incident emprunté de Vernet.

162. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre I. La poésie »

Ils ne vivent que d’une vie factice, soutenus par la mode et par l’éducation, réduits à l’application mécanique de règles devenues arbitraires, parce qu’on n’en comprend plus le sens artistique. […] Il publia ses Odes en 1707, ses Fables en 1719 ; en 1714, son Iliade, qu’il soutint dans ses Réflexions sur la critique (1716).

163. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 14, comment il se peut faire que les causes physiques aïent part à la destinée des siecles illustres. Du pouvoir de l’air sur le corps humain » pp. 237-251

Du pouvoir de l’air sur le corps humain Ne peut-on pas soutenir pour donner l’explication des propositions que nous avons avancées et que nous avons établies sur des faits constans, qu’il est des païs où les hommes n’apportent point en naissant les dispositions necessaires pour exceller en certaines professions, ainsi qu’il est des païs où certaines plantes ne peuvent réussir ? Ne pourroit-on pas soutenir ensuite, que comme les graines qu’on seme, et les arbres qui sont dans leur force, ne donnent pas toutes les années un fruit également parfait dans les païs où ils se plaisent davantage, de même les enfans élevez sous les climats les plus heureux, ne deviennent pas dans tous les temps des hommes également parfaits ?

164. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Proudhon et Couture »

Ce n’est point une thèse de parti qu’il a soutenue, son esprit vise plus haut que cela ; mais il n’en est pas moins vrai qu’il a mis une grande force aux mains de son parti en établissant un pareil système. On le discutera, on le soutiendra, nous n’en doutons pas.

165. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — II »

C’est cette formule qui a soutenu toute sa conduite, l’a décidé à s’abstenir des plaisirs, à modifier son pouvoir, à respecter la dignité de tout être et à s’épuiser, sans illusion d’ailleurs, pour le bien de l’empire. […] L’un nous dit : Soutiens-toi, sois patient et fort.‌

166. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIe entretien. Le Lépreux de la cité d’Aoste, par M. Xavier de Maistre » pp. 5-79

Son âme était digne du ciel qui la possède, et son exemple me soutenait contre le découragement qui m’accable souvent depuis sa mort. […] J’entendis ses cris, et je rentrai dans ma tour plus mort que vif ; mes genoux tremblants ne pouvaient me soutenir : je me jetai sur mon lit dans un état impossible à décrire. […] Soutiens-moi, mon frère ; aide ta sœur à franchir ce passage désiré, mais terrible. Soutiens-moi, récite la prière des agonisants. » Ce furent les dernières paroles qu’elle prononça. […] » Pendant trois heures je la soutins ainsi dans la dernière lutte de la nature ; elle s’éteignit enfin doucement, et son âme se détacha sans effort de la terre.

167. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre deuxième »

Quant aux exploits du capitaine, outre sa part dans tous les combats qui précédèrent ou suivirent l’occupation de Constantinople, quoi de plus héroïque que sa belle retraite devant les Bulgares, et ce combat offert par quatre cents chevaliers français à quarante mille cavaliers ; soutenus par des troupes de pied ! […] Daunou ; de là ce récit d’une clarté si égale et si soutenue, que le tour de la phrase y fait deviner le sens des mots. […] Elle fut élevée à la cour, sous ce règne réparateur qui permit à la France de respirer entre les deux guerres d’extermination qu’elle eut à soutenir contre l’Angleterre. […] Ce sont de ces beautés qu’on serait tenté de défendre contre l’oubli, s’il n’était pas bon qu’on vît par ces ruines mêmes, qui ne semblent pas méritées, que des détails heureux et hardis ne sauvent pas de la mort les ouvrages médiocres, et qu’il n’est donné de durer qu’aux livres écrits d’une main égale et soutenue. […] Ceux qui étaient autour du marquis le soutinrent ; mais il perdit beaucoup de sang, et ne tarda pas à tomber en pâmoison.

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