Ce jeune Shelley, mélancolique ennemi d’une société où il était né heureux et riche, et où il vivait libre, ce poëte sceptique qui, sur le registre des moines hospitaliers du mont Saint-Bernard inscrivait ironiquement son nom de visiteur, en y ajoutant l’épithète Ἄθεος, dans son rêve du passé et sa folle anticipation de l’avenir, faisait, sous le titre antique de Promet fiée délivré, une sorte de dithyrambe pour l’âge de raison de Thomas Payne, vaine tentative méditée par des esprits faux, dès l’abord noyée dans le sang par des furieux, stérilement reprise par des plagiaires insensés, et dont l’apparente menace ne sert qu’au pouvoir absolu, qu’elle arme d’un prétexte étayé sur la peur publique !
Toute hallucination qui leur est suggérée semble vivre d’une vie propre et se développe par le ressort intérieur des associations d’images répondant aux associations de mouvements. […] Ces personnalités, ces rôles pris au sérieux et vécus sont des groupes divers d’idées-forces rangées sous une idée dominante, groupes dont la synthèse est mal opérée par le cerveau.
Et d’abord, pour premières vérités, elle enseigne à l’homme qu’il a deux vies à vivre, l’une passagère, l’autre immortelle ; l’une de la terre, l’autre du ciel. […] Ainsi, les précédents ouvrages d’un homme de génie toujours préférés aux nouveaux, afin de prouver qu’il descend au lieu de monter, Mélite et la Galerie du Palais mis au-dessus du Cid ; puis les noms de ceux qui sont morts toujours jetés à la tête de ceux qui vivent : Corneille lapidé avec Tasso et Guarini (Guarini !)
. — La Beauté de Vivre, Calmann-Lévy, 1900. — La Fenêtre Ouverte, critique. […] du Mercure de France, 1896. — De l’Angélus de l’Aube à l’Angélus du Soir, poésies, Paris, Soc. du Mercure de France, 1898. — La Jeune fille nue, poème, Paris, Petite collection de l’Ermitage, 1899. — Clara d’Ellébeuse ou l’histoire d’une ancienne jeune fille, Paris, Soc. du Mercure de France, 1899. — Le Poète et l’Oiseau, poésies, Paris, Petite collection de l’Ermitage, 1899. — Le Deuil des Primevères, poèmes, 1898-1900. — Almaïde d’Entremont ou l’Histoire d’une jeune fille Passionnée, 1901. — La Beauté de Vivre, poèmes, 1901. — Le Roman du Lièvre, 1903. — Pomme d’Anis ou l’Histoire d’une jeune fille infirme, 1904.
Beaucoup d’aveugles-nés ont leurs centres visuels intacts : pourtant ils vivent et meurent sans avoir jamais formé une image visuelle. […] Rétablissons au contraire le caractère véritable de la perception ; montrons, dans la perception pure, un système d’actions naissantes qui plonge dans le réel par ses racines profondes : cette perception se distinguera radicalement du souvenir ; la réalité des choses ne sera plus construite ou reconstruite, mais touchée, pénétrée, vécue ; et le problème pendant entre le réalisme et l’idéalisme, au lieu de se perpétuer dans des discussions métaphysiques, devra être tranché par l’intuition.
Il faudrait, il est vrai, que ce poisson se fût élevé jusqu’à la distinction du réel et du possible, et qu’il se souciât d’aller au-devant de l’erreur de ses congénères, lesquels considèrent sans doute comme seules possibles les conditions d’humidité où ils vivent effectivement. […] Il vivrait dans l’actuel et, s’il était capable de juger, il n’affirmerait jamais que l’existence du présent. […] Mais pour nous, êtres conscients, ce sont les unités qui importent, car nous ne comptons pas des extrémités d’intervalle, nous sentons et vivons les intervalles eux-mêmes.
Pourquoi celui-ci qui semblait né pour vivre et qui était comme formé à souhait n’a-t-il duré qu’une saison et s’est-il vu moissonné dans sa fleur ?
. — Par exemple, vos craintes de vivre entre des habitudes perdues et d’autres à refaire, par ce mouvement incessant vers des demeures nouvelles, c’est ma vie.
Ainsi elle écrit à Bancal : « Il n’est pas encore question de mourir pour la liberté ; il y a plus à faire, il faut vivre pour l’établir, la mériter, la défendre. » Et ailleurs : « Je sais que de bons citoyens, comme j’en vois tous les jours, considèrent l’avenir avec un œil tranquille, et, malgré tout ce que je leur entends dire, je me convaincs plus que jamais qu’ils s’abusent. » Et encore : « Je crois que les plus sages sont ceux qui avouent que le calcul des événements futurs est devenu presque impossible. » Elle s’étend en un endroit (p. 233) avec un sens parfait sur cette patience, vertu trop négligée et toutefois si nécessaire aux gens de bien pour arriver à des résultats utiles ; mais, par une singulière contradiction, elle manque, tout aussitôt après, de patience.
Le sang bouillonne à la seule idée qu’il fut possible de consacrer légalement à la fin du dix-huitième siècle les abominables fruits de l’abominable féodalité… La caste des nobles est véritablement un peuple à part, mais un faux peuple qui, ne pouvant, faute d’organes utiles, exister par lui-même, s’attache à une nation réelle, comme ces tumeurs végétales qui ne peuvent vivre que de la sève des plantes qu’elles fatiguent et dessèchent. » — Ils sucent tout, il n’y a rien que pour eux. « Toutes les branches du pouvoir exécutif sont tombées dans la caste qui fournit (déjà) l’église, la robe et l’épée.
L’esprit, subitement peuplé de leur foule remuante, ressemble à une boîte de rotifères desséchés, inertes depuis dix ans, et qui, tout d’un coup, saupoudrés d’eau, recommencent à vivre et à fourmiller.
Il faut qu’un nouveau détail intervienne pour donner, après les coups multipliés de bascule en avant, un coup de bascule en arrière, ce qui l’emboîte et l’intercale entre deux futurs. « Je verrai mon peintre, pas aujourd’hui, ni demain, mais après-demain, pas après-demain dans la matinée, mais dans l’après-midi, en sortant de la bibliothèque, avant de rentrer pour dîner. » — Dans ce jeu perpétuel qui a cessé de nous étonner parce que nous en vivons, l’image glissante est effectivement contemporaine de la sensation ou de l’image qui la fait glisser, et cependant il semble qu’elle soit située en avant ou en arrière.