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890. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance diplomatique du comte Joseph de Maistre, recueillie et publiée par M. Albert Blanc » pp. 67-83

De Maistre le sent presque comme ferait un patricien de vieille race moscovite, et il a de ces mots qui ne sont qu’à lui pour le caractériser, ne fut-ce que par contraste : « Qu’est-ce que Pétersbourg en comparaison de Moscou ? s’écrie-t-il quelque part : une grande maison de plaisance, pas plus et même moins russe que parisienne, où tous les vices dansent sur les genoux de la frivolité. » — Il dira comme un boyard de vieille roche : « J’en veux toujours à Pierre Ier qui a jeté cette nation dans une fausse route. » La convenance, le sentiment patriotique interdisent de détacher, dans les pages toutes palpitantes où il les faut chercher et où il les sème à poignées, les mots perçants qui, sous une autre plume que la sienne, seraient outrageux et cruels. […] Il y a un moment très difficile à fixer avec précision où, dans ces luttes du héros nouveau, de ce grand diable d’homme (comme il l’appelle) contre les souverains des vieilles races, le fer insensiblement se transmute et acquiert de l’or : laissons les figures ; il y a un moment où le fait devient droit, où l'utilité publique, la grandeur nationale, l’immensité des services rendus et à rendre, le prestige qui rayonne et ne se raisonne pas, se confondent pour sacrer un homme nécessaire et une race qui fait souche à son tour.

891. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poème des champs, par M. Calemard de Lafayette (suite et fin) »

Il y a des rayons de miel dans le creux du vieux chêne. […] elle est vieille, elle est maigre et point belle ; Les bouchers n’ont ici de dédain que pour elle ; Sa corne lisse et courte, et son cuir souple et fin Ne les séduisent pas ; — elle mange à sa faim Cependant ; — mais ses os meurtrissent sa litière. […] Donc, qu’elle soit moins belle et plus vieille, il m’agrée, Doux amis, qu’elle soit toujours la préférée, Puisqu’elle est toujours bonne et qu’ici, comme ailleurs, Nous devons aux plus beaux préférer les meilleurs.

892. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Poésies, par Charles Monselet »

On était en automne et par une embellie L’aurore se levait, frissonnante et pâlie ; Ses voiles teints de pourpre, échappés à ses doigts, Balançaient vaguement, comme une large écume, Les coteaux d’orient endormis dans la brume, Et jetaient cent lueurs aux tuiles des vieux toits. […] C’est plus prosaïque que Baudelaire, lequel peint sur émail (se rappeler le Vieux saltimbanque, les Petites vieilles, le Café neuf ou les Yeux des pauvres) ; c’est moins cherché aussi.

893. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Gisors (1732-1758) : Étude historique, par M. Camille Rousset. »

On l’apaisa, et on dédommagea amplement son fils en le nommant colonel du régiment de Champagne, un des six vieux corps de l’infanterie française. […] Pour moi, il me rappelle exactement, dans l’exemple moderne le plus analogue, ce Pallas, fils d’Évandre, tué à son premier combat et qui, après avoir quitté son vieux père pour apprendre la guerre sous Énée, lui est ramené dans une pompe solennelle et touchante : …..Quem non virtutis egentem Abstulit atra dies et funere mersit acerbo. […] Lui aussi, Gisors comme Pallas, s’il avait un vieux père que sa mort navrait, du moins il n’avait plus de mère : …….Tuque, o sanctissima conjux, Felix morte tua, neque in hunc servata dolorem, s’écriait le vieil Évandre. — Malgré le caractère tout historique du livre de M. 

894. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. EDGAR QUINET.— Napoléon, poëme. — » pp. 307-326

Que l’on essaye de se figurer, dans la langue prophétique du vie  livre de l’Énèide, tous les intérêts du monde antique rassemblés sur la limite de l’antiquité et des temps modernes, tant de peuples encore primitifs se groupant, avec leurs cultes et leur génie, autour de la louve romaine, dans l’attente du christianisme ; les Gaulois, les Bretons, les Germains nouvellement découverts ; en Orient, les Parthes, les Numides, les vieux et nouveaux empires ; et au faîte de tout cela, César, à l’œil de faucon, portant dans son génie réfléchi tout le génie des temps modernes ; et que l’on dise si l’épopée ne s’est pas trouvée là. […] En France même, plus d’un vieux matelot ou d’une vieille paysanne a là-dessus son récit que les jeunes écoutent et croient.

895. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « J.-J. Weiss  »

A propos d’un mauvais drame de Ponson du Terrail, il nous trace de Henri IV, envisagé par certains côtés secrets, un portrait, avec preuves à l’appui, qu’il est impossible d’oublier. « … Il faut donc conclure, pour Henri IV jeune ou vieux, à un fonds ingénu de vilenie bestiale qu’il dominait moins dans son âge mûr et sa vieillesse, mais qui au temps de sa jeunesse, n’étant point revêtu par la gloire, choquait plus en sa nudité. » — A propos de Kléber, drame militaire, il développe ingénieusement et magnifiquement « le rêve oriental de Napoléon ». — A propos du Nouveau Monde, de M.  […] Je n’aurai pas la candeur d’objecter qu’entre la sauvage hypocondrie d’un vieux poète saxon et l’esprit de Regnard il y a de la place ; que vraiment on peut rêver quelque chose au-delà des fantaisies un peu courtes de Crispin, une vision, un sentiment de la vie et des choses qui nous heurte d’une toute autre secousse et nous insinue un tout autre charme ; qu’enfin il y a des gens qui ne sont point des barbares et que pourtant les vers du Légataire ne plongent point en extase ni ne mettent sens dessus dessous. […] Je suis bien forcé de recourir à la vieille formule, à celle dont se sert Retz essayant de définir La Rochefoucauld : il y a du je ne sais quoi dans J.

896. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre IX. Inquiets et mystiques » pp. 111-135

J’ai résisté à d’inévitables tentations d’infidèles splendeurs, car sans cesse l’esprit du vieux moine touche à d’étranges beautés, que sa discrétion n’éveille pas, et toutes ses voies sont peuplées d’admirables, rêves endormis, dont son humilité n’a pas osé troubler le sommeil. » M.  […] Démontrer que le Kant a repris la tradition du mysticisme médiéval, auparavant établir que ce mysticisme ne fit que rajeunir celui de la vieille Alexandrie, et tout d’abord analyser les origines cosmopolites de l’alexandrinisme, serait reconstituer dans son enchaînement ininterrompu l’histoire d’un des quelques modes essentiels de la spéculation humaine. […] * * * Le même M. de Wyzewa publie un recueil d’articles critiques, du vieux et du neuf.

897. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie Stuart, par M. Mignet. (2 vol. in-8º. — Paulin, 1851.) » pp. 409-426

Elle fut assaillie d’orages dès le berceau, Comme si, dès ce temps, la Fortune inhumaine Eût voulu m’allaiter de tristesse et de peine, ainsi que lui fait dire un vieux poète dans je ne sais quelle tragédie. […] La vieille lutte des barons et des seigneurs contre les rois se compliquait et se redoublait désormais de celle des cités et du peuple contre les croyances brillantes de la Cour et contre la hiérarchie catholique. […] « Porte ces nouvelles, disait-elle au vieux Melvil au moment de mourir, que je meurs ferme en ma religion, vraie catholique, vraie Écossaise, vraie Française.

898. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « I »

Ley, voilà un livre bien moderne, un livre précieux, un coup de pioche et de hache à la fois sur les vieux bouquins de rhétorique, de littérature, de logique, sur les procédés surannés de dressage littéraire, sur toute la fantasmagorie des figures du style et autres anicroches qui ont fait suer du sang ; un coup de pied aux grands analyseurs grammaticaux ; un coup de massue aux pédants, le coup de mort pour nos chers programmes… Car, il n’y a pas à dire, M.  […] Ley, voilà un livre bien moderne, un livre précieux, un coup de pioche et de hache à la fois sur les vieux bouquins de rhétorique, de littérature, de logique, sur les procédés surannés de dressage littéraire, sur toute la fantasmagorie des figures du style et autres anicroches qui ont fait suer du sang ; un coup de pied aux grands analyseurs grammaticaux ; un coup de massue aux pédants, le coup de mort pour nos chers programmes… Car, il n’y a pas à dire, M.  […] Un autre s’en prend à notre physique et nous peint fantaisistement comme un vieux professeur à lunettes, qui ressemble à un chat tombé dans de la braise.

899. (1874) Premiers lundis. Tome II « Thomas Jefferson. Mélanges politiques et philosophiques, extraits de ses Mémoires et de sa correspondance, avec une introduction par M. Conseil — II »

Dans un voyage qu’il fit à travers la Bourgogne et les provinces du Midi, il est touchant de le voir « rôder par les champs et dénicher les habitants dans leurs chaumières, regarder dans leur pot-au-feu, manger leur pain, se coucher sur leurs lits sous prétexte de se reposer, mais, dans le fait, pour s’assurer s’ils sont assez doux. » De retour en Amérique, après des adieux bien vifs à la France, pour laquelle il garda toujours une prédilection vraiment tendre, Jefferson suivit jusqu’au bout les vicissitudes et les progrès de ce grand et bon peuple, qu’il considérait comme l’initiateur du vieux monde. […] De tels hommes, au lieu de s’embarrasser des divergences et des réfractions multipliées de la pensée religieuse dans le cours des temps, appliquaient immédiatement à l’examen des questions un rayon simple et bien dirigé, et ils arrivaient à la vérité morale par un accès naturel, sans passer à travers les vestibules, les dédales et toutes les épreuves irritantes du vieux monde.

900. (1874) Premiers lundis. Tome II « Quinze ans de haute police sous Napoléon. Témoignages historiques, par M. Desmarest, chef de cette partie pendant tout le Consulat et l’Empire »

» La résolution fut si avancée, qu’on jugea à propos de s’en ouvrir au vieux duc de Dantzig, commandant de la garde impériale. […] Un jour qu’il remontait à cheval assez péniblement dans une plaine isolée, le vieux maréchal Lefebvre s’approcha de lui par derrière, pour l’aider en le soulevant.

901. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre II. Utilité de l’ordre. — Rapport de l’ordre et de l’originalité »

Descartes part d’un mot de saint Augustin : Je pense, donc je suis, et ne prouve que de vieilles vérités, l’existence de Dieu, celle du monde extérieur, l’immortalité de l’âme. […] Dans la forme, dans l’empreinte particulière que l’artiste met sur un sujet banal : en d’autres termes, dans la combinaison nouvelle des éléments, dans l’expression de rapports inexprimés jusque-là ; il innove, suivant son tempérament personnel, suivant ses habitudes d’esprit et ses formules d’art, dans la distribution des lumières et des ombres, dans la composition des plans ; il change les proportions des parties, modifie leur valeur : enfin, par un agencement nouveau, il renouvelle une vieille matière.

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