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34. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre X »

Elle serait chargée de baptiser les idées nouvelles ; elle trouverait les mots nécessaires dans le vieux français, dans les termes inusités, quoique purs, dans le système de la composition et dans celui de la dérivation. […] Si beaucoup de mots latins n’ont pas gardé en français leur sens originaire, bien des mots du vieux français n’ont plus exactement en français moderne leur signification ancienne. […] Il n’est pas possible qu’une langue littérairement aussi vivante ait perdu sa vieille puissance verbale ; il suffira sans doute que l’on proscrive à l’avenir tout mot grec, tout mot anglais, toutes syllabes étrangères à l’idiome, pour que, convaincu par la nécessité, le français retrouve sa virilité, son orgueil et même son insolence. […] Les deux mots sont excellents, bien formés, le premier sur des analogies multiples, le second d’après muet et fluet. — Le vieux français avait asoleillé. […] Scopa a donné en vieux français escouve, écouve, dont il est resté écouvillon.

35. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre III. Le Petit Séminaire Saint-Nicolas du Chardonnet (1880) »

Le vieux livre où je faisais mes examens de conscience était l’innocence même. […] Dernièrement, en classant de vieux papiers, je trouvai une lettre d’elle qui m’a frappé. […] Ma sœur eut ainsi pour première maîtresse une vieille ursuline qui l’aimait beaucoup et lui faisait apprendre par cœur les psaumes qu’on chante à l’église. […] Le 17 mai, jour de la mort du vieux pécheur, au matin, rien n’était signé encore. […] Quand un ancien élève de Saint-Nicolas se hasardait à rappeler cette maison, quelque vieux directeur se trouvait là pour dire : « Oh !

36. (1855) Préface des Chants modernes pp. 1-39

Le culte du vieux est chez nous une manie, une maladie, une épidémie. […] Que le vieux monde s’écroule, nul n’en peut douter ! […] Je ne me suis pas contenté de l’étudier dans ses historiens et dans ses poètes, j’ai été la chercher dans ses vieilles patries. […] » J’avoue que je n’en suis pas encore arrivé là ; mais je crois qu’il faut laisser les vieilles allégories, les vieilles histoires, les vieilles images dans la demeure vide des dieux détrônés. […] Un grand mouvement intellectuel se fait dans l’humanité ; les nouvelles religions paraissent et se formulent peu à peu ; les vieilles se défendent et argumentent à outrance.

37. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Maurice Bouchor »

Il est resté le vieux Faust intraitable, immaniable, impossible à déchristianiser, car voilà ce qu’ils voudraient faire, les poètes de l’impiété moderne, les chanteurs de l’Athéisme et de la Négation ! […] Cette vieille légende dont on se moque, à son tour se moque des moqueurs et leur rejette à la figure les oripeaux de mascarade dans lesquels ils trouvaient habile de l’entortiller. […] Maurice Bouchor, le moderne, a la pruderie de faire de ce Diable qui lui répugne un alchimiste ; mais, là comme ailleurs, le Diable ne se supprime ni ne se laisse déguiser… C’est toujours le Diable et sa vieille légende ! C’est toujours le vieux marché de l’homme pécheur qui voudrait épuiser, d’un coup, l’infini du péché, et, porc insatiable, après avoir vidé son auge, avaler cette auge elle-même ! […] La vieille colonne de la crypte noire du Moyen Age ne l’a point écrasé, il est vrai, comme le pilier écrasa Sam-son.

38. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc »

L’étude des monuments de pierre, qui précéda de peu chez nous l’étude et la recherche des vieilles Chansons de geste, avait déjà pris du développement et de l’essor vers la fin de la Restauration. […] Mais j’en reviens aux premiers temps, à ceux dont j’ai pu juger comme témoin et assistant, parfois comme pèlerin aussi de ces bons et vieux arts. […] toute cette façade du vieux parvis en était désormais illuminée. […] Fils d’un père qui avait goûté l’un des premiers la vieille poésie française, ou ce que l’on appelait alors de ce nom, la poésie de la Renaissance, il devait être tenté de remonter au-delà et de s’assurer dans un autre ordre, à sa manière, du mérite des œuvres et des maîtres du vieux temps. […] On me confiait souvent à un vieux domestique qui me menait promener où sa fantaisie le conduisait.

39. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1874 » pp. 106-168

Le vieux Giraud racontait, ce soir, qu’il était voisin du directeur de l’hospice Beaujon, et que celui-ci voisinait avec lui, tous les jours. […] Ces jours-là, j’aime à lire de l’histoire, surtout de la vieille histoire : il me semble que je ne la lis pas, mais bien plutôt que je la rêve. […] De mon temps, il y en avait des baquets dans les hôpitaux… J’en ai eu besoin dernièrement, pour mon cours, je n’ai pu m’en procurer… Et sans un vieux médecin, vous savez Pasteur ? […] C’était alors, en termes d’atelier, un vieux plumeau, mais sa fille marchait derrière elle, et je l’ai reconnue dans la jeunesse de sa fille. […] Le duc d’Aumale, il n’y a qu’un mot pour le peindre : c’est le type du vieux colonel de cavalerie légère.

40. (1891) La vie littéraire. Troisième série pp. -396

Je l’ai trouvée, l’an dernier, chez un bric-à-brac, pêle-mêle avec des médailles de Sainte-Hélène, des vieux galons et des vieux parchemins. […] La Bresse a semblablement oublié ses vieilles chansons ; et c’est sur les lèvres des mendiants chenus et des vieilles édentées que M.  […] Ainsi, dit-on, faisait le vieux M.  […] Or, ce hêtre était très vieux, très beau et très vénérable. […] Juste ce que le vieux savant reprochait à sa servante.

41. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « JASMIN. » pp. 64-86

Jacques Jasmin (Jaquou Jansemin) est né en 97 ou 98 ; l’autre siècle, vieux et cassé, n’avait plus, dit-il, qu’une couple d’années à passer sur la terre, quand, au coin d’une vieille rue, dans une masure peuplée de plus d’un rat, le jeudi gras, à l’heure où l’on fait sauter les crêpes, d’un père bossu, d’une mère boiteuse, naquit un enfant, un petit drôle, et ce drôle, c’était lui. […] Six mois après enfin, il entre gratis au séminaire ; mais là il ne reste que six mois ; pourtant il commençait à s’y distinguer : il avait eu un prix, et ce prix, c’était une vieille soutane usée qu’on allait lui rajuster et qu’il était prêt d’endosser, bien qu’avec un peu de honte de la voir si vieille. […] La bonne vieille Jeanne, diseuse de bonne aventure, que la noce rencontre, jette un moment quelque nuage à ces fronts sereins, par des paroles obscures et funèbres ; mais « sur un petit ruisseau clair comme de l’argent, que peuvent deux gouttes d’eau trouble ?  […] La vieille lui dit : « Ma fille, tu l’aimes trop, je te blâme. […] Il reste pourtant à regretter qu’avec de si heureuses qualités et un art véritable d’écrivain, Jasmin n’ait pu cacher, sous ce titre d’homme du peuple, un bon grain d’érudition et de vieille langue, comme Béranger et Paul-Louis de ce côté-ci de la Loire.

42. (1910) Victor-Marie, comte Hugo pp. 4-265

Je serai un vieux cassé, un vieux courbé, un vieux noueux. Je serai un vieux retors. […] Je serai un vieux rompu, un vieux tordu, un vieux moulu, un vieux tortu, toutes les rimes (populaires) en u, sauf deux (ou trois) dont l’une est que je ne serai certainement pas un vieux cossu. […] Je serai un vieux tassé, un vieux chenu. […] Dans le vieux.

43. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1870 » pp. 3-176

Le rappel bat, la générale bat, un vieux garde national apoplectique passe son képi à la main, criant : « Les canailles !  […] Je suis introduit dans un petit salon, au plafond et aux murs recouverts de vieilles tapisseries. […] Une moitié de vieille porte Louis XV m’introduit dans l’unique pièce du rez-de-chaussée. […] Le chagrin m’a abêti, m’a donné la manie d’un vieux boutiquier, retiré des affaires. […] Et, le repas vite achevé, la vieille femme court donner à un pauvre la portion de son fils.

44. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires relatifs à la Révolution française. Le Vieux Cordelier, par Camille Desmoulins ; Les Causes secrètes ou 9 thermidor, par Villate ; Précis du 9 thermidor, par Ch.-A. Méda, Gendarme »

Mémoires relatifs à la Révolution française Le Vieux Cordelier, par Camille Desmoulins ; Les Causes secrètes ou 9 thermidor, par Villate ; Précis du 9 thermidor, par Ch. […] Parmi eux, celui que l’avenir distinguera sans doute avec le plus de compassion, parce que tous ses excès naquirent d’illusions de jeunesse, et que le dernier, le seul acte honorable de son parti se rattache surtout à son souvenir, c’est le rédacteur du Vieux Cordelier, Camille Desmoulins. […] C’est auprès d’elle sans doute qu’il puisa son retour à des idées meilleures ; mieux que Danton, elle avait le droit de lui parler de devoir et de vertu : « Qu’on le laisse remplir sa mission, répondit-elle un jour, à déjeuner, à des conseillers timides ; il doit sauver son pays ; ceux qui s’y opposent n’auront pas mon chocolat. » Le Vieux Cordelier fut donc un acte de courage et d’expiation. […] Disons pourtant que pour qui lit le Vieux Cordelier sans préparation, sans se reporter en idée au temps et aux choses, l’effet total est loin d’être aussi favorable. […] Au Vieux Cordelier les éditeurs ont joint dans le même volume les Causes secrètes de Villate sur ce jour mémorable, et le Précis historique du gendarme Méda, qui y prit une part si importante.

45. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Théophile Gautier. » pp. 295-308

En effet, il a pu le reprendre pendant cette période comme un ouvrier reprend son ouvrage matériel, et, pour l’achever, il n’a pas eu plus besoin de verve qu’il n’en faut à une femme pour continuer un ancien tricot ou quelque vieux morceau de tapisserie… Et d’autant que Le Capitaine Fracasse n’est que cela ! […] Gautier revient à chaque pas, dans son roman du Capitaine Fracasse, sur l’impression si connue que causent les vieilles tapisseries que le vent remue, que la lune éclaire et que l’ombre noie, dans les salles vides des châteaux déserts. […] Ce dernier des Sigognac vit, au fond des Landes, dans un vieux château délabré que l’auteur appelle le Château de la Misère, et qui par cela seul qu’il est une description physique faite avec cet acharnement de détails très-approprié au talent de M.  […] Il vit donc là comme un certain Edgar Ravenswood, que nous connaissons, vivait dans sa tour en Écosse, en compagnie d’un vieux domestique que M.  […] Théophile Gautier dans son fameux Capitaine Fracasse, lesquelles étaient faites, avant ce surprenant Capitaine, dans toutes les comédies sans exception de l’ancien théâtre espagnol, italien et français ; dans toutes les Nouvelles des vieux romanciers du commencement du dix-septième siècle, et que seul un romantisme impuissant, qui travaille en vieux, quand il croit faire du neuf, peut nous donner, après trente ans de romantisme plus heureux, pour de colossales inventions !

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