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945. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (1re partie). Littérature scientifique » pp. 221-288

Le prince de Prusse venait chaque année faire visite à la famille de Humboldt, ses successeurs dans le domaine de ses pères. […] L’Homère de l’Allemagne, Goethe, y vint à pied pendant l’enfance des deux frères, et son sourire caressant bénit leur avenir. […] Il y a des délices qui annoncent les grands hommes, et qui commencent le festin de la vie, au lieu des ivresses qui ne viennent qu’après le banquet : ce sont les meilleures. […] Mais, dans cette courte excursion, Humboldt avait gagné de riches observations pour ses recherches à venir. […] Le ministre de Prusse vint, au nom de sa cour, en porter quelques plaintes à M. 

946. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 321-384

Jusqu’ici j’ai méprisé le mariage, je suis arrivé à quarante ans sans que mon cœur ait battu plus vite d’une pulsation à la vue d’une femme, veuve ou fille, contadine de village ou dame de la ville ; mais l’âge vient, je suis libre, je suis riche. […] Nous baissâmes la tête et nous dîmes à l’homme de loi qui venait nous retrancher les trois quarts du bien : — Puisque les juges de Lucques, qui sont si savants, le disent, il faut bien que cela soit vrai. […] Il nous injuriait quelquefois et nous menaçait toujours de faire tuer les bêtes si l’on venait à les surprendre hors de nos limites. […] S’ils avaient pu, ils auraient confisqué le vent et interdit aux petites hirondelles de venir nous réjouir de leur babillage dans leurs nids cachés sous le rebord du toit. […] Je m’approchai timidement d’eux, et je leur demandai poliment qu’est-ce donc qu’ils venaient faire si haut et si loin dans une partie des montagnes où jamais la hache des bûcherons n’avait retenti depuis que le monde est monde.

947. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 385-448

Quant à l’enfant, il continuait à dormir sur le blanc oreiller, pendant que la jeune femme allait raconter comment il était venu au monde, entre deux rosées de sang et de larmes. […] Il n’y avait jamais eu d’autre entre lui et moi, tellement, ma tante, que lui et moi ça ne faisait pas deux ; et comme aussi nous n’avions jamais été séparés ni même menacés d’être désunis l’un de l’autre, nous ne pouvions pas savoir combien il y avait de lui dans moi et de moi dans lui, et combien il manquerait tout à coup de moi en moi et de lui en lui si on venait jamais à nous arracher d’ensemble. […] Quand vous en appeliez un, mon père ou ma tante, il en venait toujours deux, car votre appel ne trouvait jamais l’un sans l’autre. […] J’étais bien aise qu’il ne sût pas où j’étais, et bien fâchée de ce qu’il ne venait pas me surprendre ; le moindre saut d’un petit poisson hors de l’eau, la moindre branche d’osier qu’un oiseau faisait tressauter en s’envolant me faisaient tressaillir ; quelquefois même je pleurais sans savoir de quoi, puis je riais quand il n’y avait pas sujet de rire ; enfin une quenouille emmêlée de contradiction, quoi ! […] Puis, prenant au fond du coffre la zampogne qui dormait silencieuse depuis sept hivers, dégonflée et vide, auprès des habits de son maître, j’en passai la courroie autour de mon cou et je la pressai du coude sous mon bras gauche, de manière à ressembler trait pour trait à un jeune pifferaro des Abruzzes, qu’on écoute au pied des croix et des niches des villages, et à qui on ne demande pas d’où il vient.

948. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XVII, l’Orestie. — les Euménides. »

Ces nouveaux venus qu’elles ont vus naître et croître, les voilà qui insultent leurs doyennes dans la vie divine. — « Jeune dieu ! […] Lui seul représentait la série passée des ancêtres et celle des descendants à venir. […] Venez, ô Vénérables ! […] qu’il meure et que son sang vienne sur lui ! […] La vétusté s’empara d’Eschyle et l’oblitéra lentement, Sophocle ne l’avait qu’à demi voilé, Euripide vint et l’éclipsa.

949. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE IX »

Duval, c’est le père d’Armand, qui vient redemander son fils à la courtisane. […] Il jette à ses pieds la poignée de billets de banque qu’il vient d’arracher au hasard, et s’accuse, devant tous, de les lui rendre si tard. […] Il vient demander au peintre de lui prêter son atelier pour une heure. […] Quel est l’amant inconnu auquel elle vient ainsi de fiancer sa vie ! […] Cependant, arrive son mari qui part pour la chasse et vient prendre congé d’elle.

950. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre II. Axiomes » pp. 24-74

Cette différence ne peut être venue que de l’éducation bestiale des uns, de l’éducation humaine des autres ; d’où l’on peut conclure que les Hébreux ont eu une autre origine que celle des Gentils. […] Ces noms se rapportaient à autant de besoins de la vie naturelle, morale, économique, ou civile des premiers temps. — Concluons des trois traditions qui viennent d’être rapportées que, partout la société a commencé par la religion. […] Les familles ne peuvent avoir été nommées d’une manière convenable à leur origine, si l’on n’en fait venir le nom de ces famuli, ou serviteurs des premiers pères de famille. […] Le postulat 97 et les deux traditions qui viennent à l’appui, nous apprennent que les peuples méditerranés se formèrent d’abord, ensuite les peuples maritimes. […] Cet axiome, avec le mot de Dion Cassius qui vient d’être rapporté, établit que la Providence est la législatrice du droit naturel des gens, parce qu’elle est la reine des affaires humaines.

951. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — II. (Fin.) » pp. 180-203

Le siège de Mons (mars 1691) vint interrompre cette légère intrigue à laquelle il prêtait un air de passion ; au retour, Lassay jaloux et supplanté n’eut qu’à rendre les lettres qu’on lui avait écrites, et à reprendre en échange les siennes qu’il nous a données50. […] Le jour, je me promène sous des hêtres pareils à ceux que Saint-Amant dépeint dans sa Solitude ; et, depuis six heures du soir que la nuit vient, jusqu’à minuit qui est l’heure où je me couche, je suis tout seul dans une grosse tour, à plus de deux cents pas d’aucune créature vivante : je crois que vous aurez peur des esprits en lisant seulement cette peinture de la vie que je mène… Les circonstances qui précédèrent et suivirent ce mariage furent assez singulières, et achevèrent de donner à Lassay, de lui confirmer aux yeux du monde le caractère de bizarrerie et d’excentricité qui tenait plus aux personnes auxquelles il s’était lié, qu’à lui-même. […] Esclave des gens qui sont en faveur, tyran de ceux qui dépendent de lui, il tremble devant les premiers et persécute sans cesse les autres… Souvent il est agité par une espèce de fureur qui tient fort de la folie : ce ne sont quasi jamais les choses qui en valent la peine, mais les plus petites, qui lui causent cette fureur : cela dépend de la situation où se trouve son esprit ; et cela vient aussi de ce qu’il n’est point louché de ce qui est véritablement mal ; si bien qu’il ne regarde jamais les choses, mais simplement les personnes qui les ont faites ; et, si c’est quelqu’un qui lui déplaise, il grossit des bagatelles et en fait une affaire importante : cependant il est si faible et si léger que tout cela s’évanouit, et il ressemble assez aux enfants qui font des huiles de savon. […] Les écrits dont j’ai parlé ne sont pas proprement de la littérature, ce sont des témoignages de société qui viennent en aide et en ornement aux jugements littéraires. […] Je veux enfin secouer leur joug, il m’est insupportable ; quand on vient à un certain âge, le commerce familier avec eux ne convient plus : on n’a pas assez de facilité dans l’humeur, et même assez de santé pour être toujours complaisant ; le respect dû à leur naissance, quelque soin qu’ils prennent à l’adoucir, attire une sorte de contrainte dont on ne peut plus s’accommoder ; les commodités de la vie et les bonnes chaises deviennent nécessaires : on est moins propre à leurs plaisirs, et moins sensible aux divertissements qui les entourent ordinairement.

952. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « De la tradition en littérature et dans quel sens il la faut entendre. Leçon d’ouverture à l’École normale » pp. 356-382

J’entends, il est vrai, venir, j’entends se grossir et se former les nations du Nord avec leurs chants de guerre ou de festin, leur mythologie, leurs légendes. […] La littérature chevaleresque elle-même, que nous voyons s’épanouir pour la première fois dans sa précoce et brillante expansion au midi de notre France, au bord de la Méditerranée, semble avoir été effleurée, caressée de quelque souffle lointain venu des antiques rivages et qui a pu apporter quelque invisible semence. […] Ici nous touchons à une question assez délicate ; car il ne s’agit pas de venir introduire dans l’enseignement des noms trop nouveaux, de juger hors de propos des ouvrages du jour, de confondre les fonctions et les rôles. […] Pour des travaux qui, faits avec conscience et modestie (comme nous en pourrions citer), appellent l’estime, je vois venir le moment où l’on n’aura plus assez de couronnes. […] Je ne dis pas qu’il ne serait pas extrêmement curieux aujourd’hui d’avoir ces notes si, par hasard, elles s’étaient conservées, mais je dis que, dans le système qui tendrait à prévaloir et qui prévaut déjà, on en viendrait à les préférer décidément à la composition même, à cette histoire de la guerre du Péloponèse si parfaite, si épique ou dramatique, et d’une si austère unité d’action ; on en viendrait en tout à préférer les matériaux à l’œuvre, l’échafaudage au monument.

953. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « UNE RUELLE POÉTIQUE SOUS LOUIS XIV » pp. 358-381

Un double caractère de cette petite école est d’être à la fois en arrière et en avant, de tenir à l’âge qui s’en va et au siècle qui vient, d’avoir du précieux et du hardi ; enfin, de mêler dans son bel-esprit un grain d’esprit fort. […] Malgré ses injustices contre Racine, malgré l’inimitié de Boileau et les allusions vengeresses du satirique peu galant, elle a survécu ; elle a joui longtemps de la première place parmi les femmes poëtes, et ce n’est que devant un goût plus nouveau et dédaigneux que sa renommée est venue mourir. […] Je vous viens, de leur part, révéler leur mystère, Je n’en parle pas mal, et je sais bien me taire. […] Ici vint La Vallière, Ici Diane, en ces règnes si beaux ; Et la charmille éclatait aux flambeaux. […] J’espère, l’hiver qui vient, vous dire des douceurs plus à mon aise.

954. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Du génie critique et de Bayle »

Étant passé à vingt-deux ans à l’académie de Toulouse, il se laissa gagner à quelques livres de controverse et à des raisonnements qui lui parurent convaincants, et, ayant abjuré sa religion, il écrivit à son frère aîné une lettre très-ardente de prosélytisme pour l’engager à venir à Toulouse se faire instruire de la vérité. […] Il y passa quelques mois comme précepteur, en 1675 ; il y vint quelquefois pendant ses vacances de Sedan ; il y resta dans l’intervalle de son retour de Sedan à son départ pour Rotterdam : mais on peut dire qu’il ne connut pas le monde de Paris, la belle société de ces années brillantes ; son langage et ses habitudes s’en ressentent d’abord. […] Rœderer vient d’étudier avec une minutie qui n’est pas sans agrément, et avec une prédilection qui ne nuit pas à l’exactitude ; si Bayle, qui entra dans le monde vers 1675, c’est-à-dire au moment de la culture la plus châtiée de la littérature de Louis XIV, avait passé ses heures de loisir dans quelques-uns des salons d’alors, chez madame de La Sablière, chez le président Lamoignon, ou seulement chez Boileau à Auteuil, il se fût fait malgré lui une grande révolution en son style. […] Je veux énumérer encore d’autres manques de talents, ou de passions, ou de dons supérieurs, qui ont fait de Bayle le plus accompli critique qui se soit rencontré dans son genre, rien n’étant venu à la traverse pour limiter ou troubler le rare développement de sa faculté principale, de sa passion unique. […] On n’était pourtant pas loin du temps où certains grands offraient au spirituel railleur Guy Patin un louis d’or sous son assiette, chaque fois qu’il voudrait venir dîner chez eux ; On se serait arraché Bayle s’il avait voulu, car il était devenu, du fond de son cabinet, une espèce de roi des beaux esprits.

955. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires sur la mort de Louis XV »

J’appris aussi que la famille royale, qui était venue le voir à son arrivée, n’y était restée qu’un instant, et que le roi lui avait dit qu’il l’enverrait chercher quand il voudrait la voir. […] Cependant il était midi, et les médecins venaient d’arriver. […] Il avait, vers les cinq heures, envoyé chercher ses enfants, qui étaient venus passer auprès de son lit une demi-heure, sans en entendre et sans lui dire une parole. […] M. de Bouillon vint à mon secours et dit la même chose, et les gens qui étaient sortis, nous voyant rester, rentrèrent aussi. […] Il faut ajouter aussi que ce tendre serviteur du roi, qui l’aimait tant depuis vingt-quatre heures qu’il était malade, venait le voir environ huit jours par an quand il était en santé.

956. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIIe entretien. Poésie sacrée. David, berger et roi » pp. 225-279

Élysée fit venir un joueur d’instrument pour qu’il éveillât en lui le don de prophétie ou l’inspiration. […] « Pourquoi es-tu venu ? […] » — « Quand l’ours ou le lion venait pour enlever un mouton du troupeau de mon père, j’ai tué l’ours et le lion », répond David. […] Je viendrai demain avec mes serviteurs tirer de l’arc sur la colline ; je tirerai trois flèches comme pour atteindre la pierre ; j’enverrai un de mes serviteurs pour me les rapporter. […] C’est pour cela qu’on songe à lui et qu’on le fait venir la première fois au camp, afin d’amuser et de calmer la maladie mentale du roi.

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