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822. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. de Fontanes »

On remarquait, à travers les exclamations descriptives d’usage, bien des vers heureux et simples, de ces vers trouvés, qui peignent sans effort : Le poëte aime l’ombre, il ressemble au berger…. […] A la distance où nous sommes, au degré d’hérésie où nous ont poussés le temps et l’usage, cela fuit106. […] La Grèce et Rome, en passant de l’empire des rois sous celui des archontes ou des consuls, ne virent changer ni leur culte, ni le fond de leurs usages et de leurs mœurs. […] Il se rendit à l’ordre, et, dans la galerie du château, après le défilé d’usage, l’Empereur, repassant devant lui, lui dit : Restez  ; et quand ils furent seuls, il continua : « Il y a longtemps que je vous boude, vous avez dû vous en apercevoir ; j’avais bien raison. » Et comme Fontanes s’inclinait en silence, et de l’air de ne pas savoir : « Quoi ! […] » Ces sortes de gratifications étaient d’usage sous l’Empire, et elles ne venaient jamais hors de propos à cause des frais énormes de représentation qui absorbaient les plus gros appointements.

823. (1911) Visages d’hier et d’aujourd’hui

On l’a employée à de tels usages qu’elle n’avait plus un aspect fort honnête ; puis elle a disparu, trait de pudeur. […] Après avoir longtemps épilogué, selon l’usage de nos compatriotes épars, nous nous réfugions dans l’asile de nos préférences lointaines. […] Habillé d’une longue houppelande grise, la plume à la main, la cravate mince et blanche selon l’usage ancien des docteurs, il venait à vous gentiment, avec un sourire cérémonieux. […] Je crois aussi qu’il fut choqué de l’usage que ses disciples, imprudents, firent du symbole. […] Comment concilier cette poésie de pénombre et de mystère avec l’usage de ces parnassiens qui cherchaient l’éclat, l’évidence ?

824. (1880) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Première série pp. 1-336

Enseigner qu’une langue littéraire est un « monstre », c’est donc oublier que la langue n’est faite que pour l’usage de la pensée. […] D’une part, en effet, il n’y a rien de plus changeant, de plus humblement soumis aux caprices de la mode que la prononciation de l’usage, et partant que l’écriture. […] Pouvez-vous en faire usage et les mettre chacune à sa vraie place ? […] Que sait-il, que savons-nous si Pascal n’en eût pas fait usage et tiré quelque argument imprévu pour sa cause ? […] La troupe en effet reçut dès lors pension du prince, et, selon l’usage, on s’intitula désormais « comédiens du prince de Conti ».

825. (1902) Le critique mort jeune

Doucement mais systématiquement, ou pour emprunter deux autres adverbes à Carlyle qui en fait parfois un si amusant usage, modestement mais catégoriquement, il écarte de son vocabulaire et il proscrit de sa discussion tout ce qui sent le mystique. […] On n’a sans doute pas manqué de reconnaître qu’elle est au fond de tous les procédés de discussion dont nous lui avons vu faire usage. […] Antoine Albalat pour les manuels qu’il rédige à l’usage des apprentis de lettres — du travail qui constitue l’art d’écrire. […] Paul Bourget combat « l’abus de l’instruction » et des diplômes et a mis en roman psychologique et lettré, à l’usage de l’enseignement supérieur, la populaire « Blanchette » de M.  […] C’en est un noble usage et par lequel s’ouvre dignement une carrière de romancier qui promet d’être féconde.

826. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon » pp. 423-461

On voit que Duclos et Marmontel en eurent connaissance, et en firent un ample usage dans leurs travaux d’historiographes. […] Dès la seconde page, Saint-Simon nous montre sa mère qui lui donne dès l’enfance de sages conseils et qui lui représente la nécessité, à lui fils tardif d’un vieux favori oublié, d’être par lui-même un homme de mérite, puisqu’il entre dans un monde où il n’aura point d’amis pour le produire et l’appuyer : « Elle ajoutoit, dit-il, le défaut de tous proches, oncles, tantes, cousins germains, qui me laissoit comme dans l’abandon à moi-même, et augmentoit le besoin de savoir en faire un bon usage sans secours et sans appui ; ses deux frères obscurs, et l’aîné ruiné e‌t plaideur de sa famille, et le seul frère de mon père sans enfants et son aîné de huit ans. » Or, ne trouvant pas la phrase assez claire dans son tour un peu latin, l’édition de 1829 a dit : « Elle ajoutoit le défaut de tous proches, oncles, tantes, cousins germains, qui me laissoit comme dans l’abandon à moi-même, et augmentoit le besoin de savoir en faire un bon usage, me trouvant sans secours et sans appui ; ses deux frères étant obscurs, et l’aîné ruiné et plaideur de sa famille, et le seul frère de mon père étant sans enfants et son aîné de huit ans. » Me trouvant et deux fois étant sont ajoutés.

827. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIe entretien. Molière et Shakespeare »

Dryden le déclara hors d’usage ; on abattit sa maison, on coupa son mûrier, tout fut dit. […] Je pourrais, en faisant ouvertement usage de mon pouvoir, le balayer de ma vue sans en donner d’autre raison que ma volonté ; mais je ne dois pas le faire, à cause de quelques-uns de mes amis qui sont aussi les siens, dont je ne dois pas négliger l’affection, et avec qui il me faudra déplorer la chute de l’homme que j’aurai renversé moi-même. […] — Tu viens pour faire usage de ta langue : vite, ton histoire en peu de mots.

828. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre III. La poésie romantique »

Hugo même, jusqu’en 1840, ne fait guère usage que des rythmes égaux du vers classique748. […] En même temps, il fait quelques études pittoresques d’après nature : lâchant l’ombre de l’Asie pour la réalité prochaine, il nous donne des paysages parisiens, des bords de Bièvre, des soleils couchants ; ailleurs il indique l’usage qu’il fera plus tard de la nature pour l’expression symbolique de l’idée771. […] Nous verrons aussi qu’il a su faire un usage original et charmant de la forme dramatique.

829. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Introduction, où l’on traite principalement des sources de cette histoire. »

Le caractère des deux langues dans lesquelles il est écrit ; l’usage de mots grecs ; l’annonce claire, déterminée, datée, d’événements qui vont jusqu’au temps d’Antiochus Épiphane ; les fausses images qui y sont tracées de la vieille Babylonie ; la couleur générale du livre, qui ne rappelle en rien les écrits de la captivité, qui répond au contraire par une foule d’analogies aux croyances, aux mœurs, au tour d’imagination de l’époque des Séleucides ; le tour apocalyptique des visions ; la place du livre dans le canon hébreu hors de la série des prophètes ; l’omission de Daniel dans les panégyriques du chapitre XLIX de l’Ecclésiastique, où son rang était comme indiqué ; bien d’autres preuves qui ont été cent fois déduites, ne permettent pas de douter que le Livre de Daniel ne soit le fruit de la grande exaltation produite chez les Juifs par la persécution d’Antiochus. […] On remarquera que je n’ai fait nul usage des évangiles apocryphes. […] Les deux premiers sont surtout importants en ce qu’ils étaient rédigés en araméen comme les Logia de Matthieu, qu’ils paraissent avoir constitué une variété de l’évangile de cet apôtre, et qu’ils furent l’évangile des Ébionim, c’est-à-dire de ces petites chrétientés de Batanée qui gardèrent l’usage du syro-chaldaïque, et qui paraissent à quelques égards avoir continué la ligne de Jésus.

830. (1896) Les origines du romantisme : étude critique sur la période révolutionnaire pp. 577-607

René était un cadet de Bretagne, destiné à l’Église ; selon l’usage aristocratique on le sacrifiait, ainsi que ses quatre sœurs, au fils aîné. […] L’évolution philosophique, au commencement du siècle, marchait de pair avec la transformation littéraire : la Bourgeoisie avait pris le scepticisme et le matérialisme pour armes contre le clergé, faisant cause commune avec l’aristocratie ; une fois parvenue à la domination sociale, elle voulut asservir la religion à son usage et l’employer à contenir dans la soumission passive les masses travailleuses ; elle enjoignit à ses littérateurs et à ses philosophes de combattre « l’abominable philosophie du xviiie  siècle, qui avait prêché la révolte contre toute autorité, l’oubli de tous les devoirs, le mépris de toutes les suprématies sociales… C’est elle qui a instruit et excité les monstres qui ont dévasté la France… Robespierre, Collot, Carrier étaient des philosophes21 ». […] Ce sont les contemporains qui fournissent à l’écrivain ses idées, ses personnages, sa langue et sa forme littéraire, et c’est parce qu’il tournoie dans le tourbillon des humains, subissant, ainsi qu’eux, les mêmes influences du milieu cosmique et du milieu social, que le poète peut comprendre et reproduire les passions de l’humanité, s’emparer des idées et de la langue courante et pétrir à son usage personnel la forme littéraire donnée par le frottement quotidien des hommes et des choses.

831. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre III. Poëtes françois. » pp. 142-215

A huit ou dix idées près qui ne m’appartiennent que par des additions, ou par l’usage moral que j’en fais, il a fallu inventer mes fables pour exprimer mes vérités ; il a fallu enfin être tout à la fois l’Esope & le la Fontaine. […] Dorat a donné à la tête de ses Fantaisies un discours dont nous ferons usage, parce qu’il contient à-peu-près tout ce que nous pouvons faire entrer dans ce Paragraphe. […] Un galant homme n’en peut soutenir la lecture ; l’obscénité la plus abominable en souille chaque vers, & il est malheureux qu’avec un si grand talent pour la poésie, il en ait fait un si funeste usage.

832. (1891) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Quatrième série

Quel que fût le système décoratif en usage de son temps, Hardy n’aurait donc pas pu franchir les degrés auxquels — et je me retrouve avec M.  […] On lui reproche d’avoir parlé de ces Théologies morales, écrites en latin, nous dit-on, pour l’usage des seuls confesseurs, comme si leurs auteurs les avaient proposées à la lecture commune des fidèles. […] On dirait, en vérité, que toutes les questions qui regardent la conduite n’ont pas d’importance à ses yeux ; que le bon usage de la volonté s’apprend par son seul exercice ; et que de méditer sur de pareils sujets ne peut servir qu’à les embrouiller. […] que je vois tenir en plus de prix qu’elle ne vaut, qui est seule quasi parmi nous en usage, certaine image de prudhomie scolastique, serve des préceptes, contrainte sous l’espérance et la crainte. […] Paul Janet vient de rééditer, à la librairie Delagrave, pour l’usage des classes, les cinq premiers livres de l’Esprit des lois, précédés d’une savante Introduction et suivis de notes explicatives.

833. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. de Rémusat (passé et présent, mélanges) »

M. de Rémusat (passé et présent, mélanges) A voir ce que deviennent sous nos yeux certains personnages historiques célèbres, et comme tout cela se grossit et s’enlumine, se dénature ou (disent les habiles) se transfigure à l’usage de cette niasse confuse et passablement crédule qu’on appelle la postérité, on se sent ramené, pour peu qu’on ait le sentiment du juste et du fin, à des sujets qui, en dehors des tumultueux concours, offrent à l’observation désintéressée un fond plus calme, un sérieux mouvement d’idées et le charme infini des nuances. […] Ce fut seulement dans la première moitié du xviiie  siècle que l’opinion commença à devenir une puissance : « Dès cette époque, disait M. de Rémusat, la liberté de penser, suite naturelle de cette oisiveté de la civilisation, qui, suspendant le cours des passions violentes, force l’esprit à se replier sur lui-même, à scruter ses propres conceptions, et remet ainsi les croyances sous le contrôle du raisonnement ; la liberté de penser, gênée par la double barrière que lui opposaient le pouvoir et l’usage, cherchait de toutes parts une issue, impatiente de se produire au dehors. […] Voyez plutôt : s’il se prend à la chanson, il n’a qu’à se ressouvenir pour nous raconter comment elle naît ; s’il parle d’élégie, il a tout bas soupiré la sienne ; s’il apprécie le drame, il l’a pratiqué et a eu ses répétitions à son usage ; en philosophie, il est expert. […] « Point de nouveauté si nécessaire et si légitime, écrivait-il, qu’ils ne crussent de leur devoir de repousser ; point d’usage reçu, point d’abus infime, pourvu qu’il fût ancien, qu’on ne les vît s’efforcer à tout prix de conserver ou de restaurer.

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