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687. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Appendice » pp. 453-463

Le sujet proposé, et où l’or se présentait comme réalité ou comme emblème, a été considéré sous ses divers aspects ; la Californie et ses mines à fleur de terre n’ont été pour la plupart que le prétexte. […] D’autres enfin n’ont pas eu du tout d’anathème : il ont osé soutenir en moralistes hardis, mais surtout en poètes, qu’il faut dans ce monde nouveau, où la nature domptée par la science devient la première collaboratrice de l’homme, marcher résolûment à la fortune pour en faire un large et magnifique usage, conquérir l’or pour le répandre ensuite d’une main souveraine, pour fertiliser en tous sens et renouveler la face de la terre. […] Il y a, à cet endroit, de fort belles strophes, et qui expriment énergiquement la protestation de l’antique frugalité à la vue des poursuivants modernes de la richesse et des adorateurs du veau d’or ; j’en veux citer une seule, qui a bien du souffle et de la verdeur : Généreuse aristocratie Des grands cœurs sur terre envoyés, Ô Caton, ô La Boëtie, Fiers de vos indigents foyers !

688. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Pensées de Pascal. Édition nouvelle avec notes et commentaires, par M. E. Havet. » pp. 523-539

Mais, en admettant ce doute universel des philosophes, il ne s’effraie pas de cet état ; il le décrit avec lenteur, presque avec complaisance ; il n’est ni pressé, ni impatient, ni souffrant comme Pascal ; il n’est pas ce que Pascal dans sa recherche nous paraît tout d’abord, ce voyageur égaré qui aspire au gîte, qui, perdu sans guide dans une forêt obscure, fait mainte fois fausse route, va, revient sur ses pas, se décourage, s’assied au carrefour de la forêt, pousse des cris sans que nul lui réponde, se remet en marche avec frénésie et douleur, s’égare encore, se jette à terre et veut mourir, et n’arrive enfin qu’après avoir passé par toutes les transes et avoir poussé sa sueur de sang. […] On peut juger nettement par ce passage à quel point Pascal négligeait et même rejetait avec dédain les demi-preuves ; et pourtant il se montrait ici plus difficile que l’Écriture elle-même, qui dit dans un psaume célèbre : Cœli enarrant gloriam Dei : Les cieux instruisent la terre À révérer leur Auteur, etc. […] Allons voir à Londres, allons visiter et admirer le Palais de cristal et ses merveilles, allons l’enrichir et l’enorgueillir de nos produits : oui, mais en chemin, mais au retour, que quelques-uns se redisent avec Pascal ces paroles qui devraient être gravées au frontispice : Tous les corps, le firmament, les étoiles, la terre et ses royaumes, ne valent pas le moindre des esprits ; car il connaît tout cela, et soi ; et les corps, rien.

689. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — II. L’histoire de la philosophie au xixe  siècle — Chapitre I : Rapports de cette science avec l’histoire »

Il fut démontré que la terre n’avait pas toujours été dans l’état actuel, et soit que l’on admette avec les uns la théorie des cataclysmes, avec les autres la théorie des actions lentes, on est forcé de reconnaître que la nature a eu son histoire. Non-seulement la géologie, mais la zoologie et la botanique entrèrent dans cette voie ; il fut établi que les habitants de la terre, comme la terre elle-même, avaient changé.

690. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre premier. Considérations préliminaires » pp. 17-40

Une dynastie cependant ne croît pas sur la surface du sol ; il lui faut des racines profondes qui descendent jusqu’au tuf même de la terre sociale. […] Ne l’avons-nous pas vu, en effet, au moment où il saisit les rênes du gouvernement, relever les autels de la religion, et élargir les routes qui ramenaient de la terre de l’exil ? […] Ainsi, lorsque la nation française vint à tourner les yeux du côté de la terre de l’exil, elle sembla proclamer la pensée généreuse, de revenir au culte si moral des aïeux, de renoncer à l’idolâtrie.

691. (1913) Les livres du Temps. Première série pp. -406

Y a-t-il sur la terre un homme plus lamentable que moi ? […] Ce fondateur du romantisme a profondément senti la beauté des terres classiques. […] d’aimer la terre, sans idolâtrie systématique pour le coin de terre où le hasard vous a fait naître ? Et toute terre n’est-elle point, en quelque mesure, une terre natale ? […] Les terres sont presque entièrement en friche.

692. (1911) Études pp. 9-261

Par son travail il arrache à la terre tout ce qu’elle renferme de précieux, il réunit ses tendances obscures et en fait une pure idée. […] Mais il retombe, arrêté par son propre poids, rappelé par les liens qui l’attachent à la terre et qu’il a consolidés de son adhésion. […] Il s’affole et blasphème, il affirme que l’homme sorti de la terre, doit revenir à la terre. […] La Terre nous réclame par l’intermédiaire des morts pour nous ensevelir. […] Il n’y a que du chaume par terre.

693. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (1re partie) » pp. 313-408

J’ai travaillé, j’ai vendu, j’ai engagé des terres, berceau, tombeau, tout, pour gagner du temps ; bref, en y comprenant les fonds nécessaires à mes publications, mes dettes totales ont bientôt atteint cinq millions. […] Quel prisme à ma vue effacée Repeindra la couleur passée Où nageaient la terre et les cieux ? […] Ces chantres sont de race divine : ils possèdent le seul talent incontestable dont le Ciel ait fait présent à la terre. […] Sais-tu qu’il est dans la vallée, Bien bas à terre, un cœur souffrant, Une pauvre âme en pleurs, voilée, Que ta venue a consolée Et qui sans parler te comprend ? […] Plutôt que de vivre sous un tel soleil, mieux vaut encore demeurer sur terre, croire aux ondoyantes lueurs du soir et du matin, et prêter sa docile prunelle à toutes les illusions du jour, dût-on laisser la paupière en face de l’astre éblouissant ; — à moins que l’âme, un soir, ne trouve quelque part des ailes d’ange, et qu’elle ne s’échappe dans les plaines lumineuses, par-delà notre atmosphère, à une hauteur où les savants ne vont pas.

694. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1862 » pp. 3-73

Sur l’autre panneau, des travailleuses des champs, faneuses ou glaneuses, par Breton, pliant sous le labeur, et la sueur au front, mettent, en cet intérieur de prostitution, l’image du travail de la campagne hâlée arrachant son pain à la terre avare. […] Cette terre verte me paraît un grand cimetière qui attend. […] C’est comme de la terre qui lui monterait sous le teint. […] Le roi de Hanovre, qui est aveugle, entend le rire de l’enfant, se le fait amener, le prend dans ses bras, puis soudain, à un mot dit par son aide de camp, le laisse brusquement retomber à terre. […] Après Isly, les vautours grisés des yeux des morts qu’ils avaient mangés, ne trouvant pas le reste encore assez corrompu, voletaient, trébuchaient, tombaient à terre comme des pochards.

695. (1897) Aspects pp. -215

» Crois-tu, Grymalkin, que la terre avait raison ? […] Il se terre sous bois dans la société de bûcherons. […] S’ils le pouvaient, ils diraient à la terre : « Arrête-toi !  […] Cela est aussi sûr que la terre tourne ! […] Jean Grave qui servit dans l’armée de terre et M. 

696. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « M. Denne-Baron. » pp. 380-388

L’ode est intitulée : À Daphné sur la fuite de ses charmes ; c’est une consolation tirée de la ruine des empires et des changements insensibles des choses de la terre : Tout change, ô ma Daphné ! […] La fin de cette ode, qui semblait inspirée jusque-là par Properce ou par Lucrèce, a pourtant une perspective tout à coup entrouverte du côté du ciel : De la terre, ô Daphné !

697. (1874) Premiers lundis. Tome II « Doctrine de Saint-Simon »

Puis s’arrachant au vague, il en vint à s’occuper scientifiquement et historiquement des religions révélées, et c’est au fort de ces études opiniâtres dans lesquelles s’absorbait sa précoce pensée, que, le nouveau christianisme de Saint-Simon lui étant apparu sous son véritable jour, il se fit une révolution en lui ; que ses études, jusque-là confuses, s’enchaînèrent ; que le chaos du passé se déroula harmonieusement à ses yeux, et qu’il saisit la raison divine des choses, s’écriant à la vue de l’Église de toutes parts croulante et de la synagogue encore debout : « Oui, nous marchons vers une grande, vers une immense unité : la société humaine, du point de vue de l’homme ; le règne de Dieu sur la terre, du point de vue divin ; ce règne que les fidèles appellent tous les jours par leurs prières depuis dix-huit ceints ans. […] Il rejeta la matière, méprisa l’industrie, se passa des beaux arts ; il abdiqua le royaume de la terre pour atteindre plus vite, à travers l’espace et les lieux, à travers l’empire de César, au but de ses conquêtes spirituelles.

698. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre I. Bernardin de Saint-Pierre »

Il n’y a que lui aussi qui puisse trouver des arguments en faveur du mouvement du soleil autour de la terre. Il est désolant de suffisance sentimentale, quand il rejette sans la comprendre la théorie du rendement de la terre vers l’équateur, et rend compte du flux et du reflux, ou du déluge, par la fonte des glaces polaires.

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