/ 3290
632. (1884) La légende du Parnasse contemporain

Il tient ce siècle ainsi que les empereurs des peintures portent le globe universel. […] J’ai vu le moment où on allait le chercher à l’Odéon pour me venir tenir compagnie dans le cachot. […] Certes, la misère tenait toujours Glatigny, mais il avait la joie au cœur. […] Chamfleury lui-même, le chef des Réalistes d’antan, l’ennemi des rimes et des rythmes, celui qui tenait alors sur les poètes les discours précisément que tient aujourd’hui M.  […] Lorsqu’elles tiennent, les coquettes, à se faite quelque peu désirer, prêtez-vous à leur manège aimable.

633. (1924) Intérieurs : Baudelaire, Fromentin, Amiel

Si la vie de Paris n’était qu’artificielle, l’homme n’y tiendrait pas. […] D’ailleurs nul parmi eux, si ce n’est un peu les Goncourt, n’a tenu le pinceau. […] Cela lui ouvre à demi les yeux que jusqu’alors cette ivresse même tenait fermés. […] Elle se tient responsable de cette vie manquée, elle se connaît le devoir de réparer le mal qu’elle a fait. […] Sans être lui-même une œuvre, il empêche les autres œuvres dont il a l’apparence de tenir lieu ».

634. (1896) Impressions de théâtre. Neuvième série

… Tu es à moi, je te tiens, je te tue. […] Tu es à moi, je te tiens, je te tue… ah ! […] Mais, pour la première fois, le capitaine fait mine de tenir bon. […] Je tiens mon serment et je t’épouse. […] Donnay y tienne énormément.

635. (1883) Essais sur la littérature anglaise pp. 1-364

Il ne veut pas qu’il l’engage à rien, et il le tiendra à tort et à travers. […] que tout cela tient peu de place ! […] Tout ce qu’on en sait, c’est qu’elle tenait une petite école en Irlande. […] C’est comme un récit qui changerait de sens selon la manière dont vous tiendriez le livre. […] Il n’y a pas de génie qui tienne, on ne badine pas ainsi.

636. (1905) Propos de théâtre. Deuxième série

À quoi cela tient-il ? […] Tenez ! […] Désormais elle le tiendra, comme le criminel tient le complice. […] Je tiens à vous les citer. […] À quoi tient-elle ?

637. (1876) Romanciers contemporains

Un simple et court voyage dans lequel tient toute l’action. […] Tenir une plume n’est pas un mince honneur. […] Tout se lie et se tient dans les romans de M.  […] Zola a tenu à renfermer le développement de son système. […] Féval se tenait discrètement à l’écart.

638. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — I. » pp. 195-212

Aussi, pour m’efforcer de faire savoir à la postérité que j’ai vécu sous un règne si glorieux, j’ai bien osé composer l’Histoire de France, et retracer les illustres actions de plus de soixante souverains qui ont tenu le sceptre d’une si florissante monarchie. […] Si les héros, d’ailleurs, n’ont pas tenu exactement les discours que l’historien leur prête, ils ont dû les penser ; et ces considérations en général sont si nécessaires que l’historien, s’il ne les mettait dans leur bouche, serait obligé de les faire lui-même pour son compte. […] Mézeray est modeste sur les erreurs ; il reconnaît qu’il a dû en commettre beaucoup : « Et vraiment il n’est pas au pouvoir d’un homme mortel de faire une course de douze siècles sans broncher. » De son style il déclare qu’il ne dira rien ; mais on voit qu’il y tient et qu’à ce début il l’a soigné : « C’est à vous, dit-il aux lecteurs désintéressés, à prononcer si j’ai écrit d’une belle manière, si j’ai découvert quelques lumières qui n’eussent pas encore été démontrées ; là où j’ai touché au but, et là où je m’en suis éloigné. » Il nous rappelle ce que nous ne devons jamais oublier quand nous nous reportons à la première époque où parurent ces ouvrages une fois en vogue, et dès longtemps vieillis : c’est que, si la matière était déjà vieille alors et semblait telle, la forme qu’il lui donnait à son heure la rendait toute nouvelle. […] C’est Mézeray qui, dans son Abrégé chronologique, à la suite de l’article de Hugues Capet, a dit que « le royaume de France a été tenu, plus de trois cents ans durant, selon les lois des fiefs, se gouvernant comme un grand fief plutôt que comme une monarchie ». — « Tout ce qu’on a rabâché depuis sur les temps féodaux n’est que le commentaire de cet aperçu de génie », a dit M. de Chateaubriand, qui a prononcé sur Mézeray quelques paroles décisives. […] Mézeray sait assez au fond à quoi s’en tenir ; il sait très bien que l’existence de Pharamond est contestée ; il le dira très nettement dans son Abrégé chronologique.

639. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — I. » pp. 80-97

Enfant, il aimait donc toutes sortes de déduits et d’ébats, et il s’attachait par instinct aux gens riches, à ceux qui tenaient grand état de chasse, faucons et meutes, ce qui lui semblait le signe d’une noble inclination. […] On peut voir, d’après cette publication et les discussions intéressantes auxquelles elle a donné lieu2, jusqu’à quel point Froissart a tenu ce qu’il promettait au début, de ne rien introduire dans le récit de son devancier ni de n’en rien retrancher qui pût l’altérer, mais seulement de le multiplier et accroître autant qu’il le pourrait. […] Voyez-le courir à Bruges, puis en Zélande, dès qu’il apprend qu’il y a là un chevalier portugais qui pourra lui donner sur les affaires d’Espagne des renseignements, qui seront la contrepartie de ceux qu’il tient déjà des Gascons et des Castillans. […] Morton, délivré et traité avec distinction par le général, lui tient compagnie pendant la route. […] Mais, certes, quant à quelques centaines de vilains nés pour labourer la terre, le noble historien témoigne pour eux aussi peu, peut-être moins de sympathie que John Grahame de Claverhouse lui-même. » Froissart cependant a presque besoin d’être justifié et lavé d’un tel éloge, dont il ne faut accepter pour lui que l’enthousiasme, en laissant de côté ce qui tient au fanatisme.

640. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — II. (Fin.) » pp. 495-513

Pourtant, entre lui et Mme Dacier, il ne serait pas juste de s’en tenir purement et simplement à ce que fit dans le temps Fénelon par politesse, c’est-à-dire de laisser la balance indécise. […] Mme Dacier, ayant lu le Discours que La Motte avait mis en tête de son Homère, Discours où il s’autorisait d’elle et où il triomphait de lui après l’avoir de plus estropié dans ses vers, n’y tint pas et courut aux armes. […] Son défaut principal dans cette réponse où il entre tant de bonnes raisons de détail, c’est de pencher tout entière d’un côté, de ne voir que l’Antiquité et rien de plus, de crier sur cette fin de Louis XIV à la décadence des lettres et à l’invasion de l’ignorance parce que la forme du savoir est près de changer, de croire « que c’est l’imitation seule qui a introduit le bon goût parmi nous », et de ne tenir aucun compte du génie naturel qui a mille façons de se produire dans la suite des âges et qui recommence toujours. […] Elle sent d’ailleurs très bien le faible de cette génération à laquelle elle s’adresse, génération de cafés et d’Opéra, qui s’en tient à une première connaissance superficielle et va ensuite porter ses découvertes dans les belles compagnies pour s’y faire applaudir : Mais par quelle fatalité, s’écriait-elle, faut-il que ce soit de l’Académie française, de ce corps si célèbre qui doit être le rempart de la langue, des lettres et du bon goût, que sont sorties depuis cinquante ans toutes les méchantes critiques qu’on a faites contre Homère ! […] Après un examen poli, mitigé et complaisant, il concluait que les deux adversaires pouvaient se tenir quitte à quitte, et qu’ils étaient suffisamment d’accord dans l’essentiel, à savoir, « qu’Homère est un des plus grands esprits du monde, et qu’il a fait le premier une sorte de poème auquel nul autre, le tout pour le tout, n’a jamais été préféré ou préférable ».

641. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — II. (Fin.) » pp. 198-216

c’est elle qui nous séduit, elle qui n’est que trouble et qu’agitation, qui ne tient à rien, qui fait autant de pas à sa fin qu’elle ajoute de moments à sa durée, et qui nous manquera tout à coup comme un faux ami, lorsqu’elle semblera nous promettre plus de repos. […] Montaigne (il le nomme en chaire) a beau dire, il a beau tenir en échec la foi, rabaisser la nature humaine, et la comparer aux bêtes en lui donnant souvent le dessous : Mais dites-moi, subtil philosophe, qui vous riez si finement de l’homme qui s’imagine être quelque chose, compterez-vous encore pour rien de connaître Dieu ? […] Distingué par la reine Anne d’Autriche, devenu vers la fin son prédicateur de prédilection, Bossuet avait d’abord dans le talent quelque luxe d’esprit, quelques-unes de ces subtilités abondantes et ingénieuses qui tenaient au goût du jour. […] Voilà bien du bel esprit qui tient encore au genre à la mode sous la régence. […] Rome même entendra sa voix, et un jour cette ville maîtresse se tiendra bien plus honorée d’une lettre du stvle de Paul, adressée à ses citoyens, que de tant de fameuses harangues qu’elle a entendues de son Cicéron.

642. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — II » pp. 254-269

Or, dans la peinture générale qu’il fait de l’homme, il commence par étaler, sans compensation et sans contre-poids, toutes les causes de misère, d’incertitude et d’erreur ; il humilie l’homme tant qu’il peut, et, à ne considérer même les choses qu’au point de vue purement naturel, il ne tient point compte de cette force sacrée qui est en lui, de cette lumière d’invention qui lui est propre et qui éclate surtout dans certaines races, de ce coup d’œil royal et conquérant qu’il lui est si aisé, à l’âge des espérances et dans l’essor du génie, de jeter hardiment sur l’univers. […] Il tient fort du moins à ce qu’il y ait « un grand voisinage et cousinage entre l’homme et les autres animaux. Ils ont, pense-t-il, plusieurs choses pareilles et communes, et ont aussi des différences, mais non pas si fort éloignées et dispareilles qu’elles ne se tiennent : l’homme n’est du tout au-dessus, ni du tout au-dessous. » Il fait une cote mal taillée, et voilà une sorte d’égalité établie. […] C’est un reste d’école chez lui : il ne devine pas assez qu’un moment approche où il y aura accession ouverte et libre de tous les esprits sur quantité de questions, et que le philosophe et le vrai sage sera tenu, dans ses solutions, de compter de plus en plus avec le sentiment de ce grand nombre dont on fait partie soi-même, et avec cette philosophie irréfléchie, mais nécessaire, qui résulte de l’humaine et commune nature. […] Il y en a eu en l’Antiquité, mais il ne s’en trouve presque plus. » Il dira de Scipion accusé et dédaignant de se défendre : « Il avait le cœur trop gros de nature pour se savoir être criminel, etc. » Que ces expressions soient à lui ou primitivement à Montaigne, il a le talent de les poursuivre et de les continuer ; il est homme à en trouver à son tour de pareilles, et qui ne déparent pas celles qu’il tient de l’original.

643. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — I » pp. 351-368

Il avait alors contre lui deux armées qui s’étaient jointes, celles de M. de Mayenne et du maréchal de Matignon ; on comptait bien le tenir enveloppé et le prendre au passage de la Garonne, à son retour du Béarn, où il était allé pour affaires et aussi par amour. […] Je pars jeudi pour aller à Pons, où je serai plus près de vous ; mais je n’y ferai guères de séjour… Mon âme, tenez moi en votre bonne grâce ; croyez ma fidélité être blanche et hors de tache : il n’en fut jamais sa pareille. […] Elle sait à quoi s’en tenir sur la fidélité de Henri, qui, six mois auparavant, lui annonçait la mort d’un enfant qu’il avait eu de quelque maîtresse obscure. […] Ayez cette créance, et vivez assurée de ma foi. » Il continue sur ce ton encore pendant toute l’année suivante ; il la tient au courant de ses pas et démarches au temps d’Arques et d’Ivry, et durant ce siège de Paris où on le voit très peu tendre pour les Parisiens qu’il affame de son mieux, et dont il plaint peu les misères. Il lui parle du jeune Grammont, qui est près de lui à ce siège, avec intérêt et désir de flatter le cœur d’une mère : « Je mène tous les jours votre fils aux coups et le fais tenir fort sujet auprès de moi ; je crois que j’y aurai de l’honneur. » Les expressions de tendresse, mon cœur, mon âme, s’emploient toujours sous sa plume par habitude, mais on sent que la passion dès longtemps est morte ; et enfin le moment arrive où, après quelques vives distractions qui n’avaient été que passagères, Henri n’a plus le moyen ni même l’envie de dissimuler : l’astre de Gabrielle a lui, et son règne commence (1591).

/ 3290