Pour revenir au roman dont on publie ici une nouvelle édition, tel qu’il est, avec son action saccadée et haletante, avec ses personnages tout d’une pièce, avec ses gaucheries sauvages, avec son allure hautaine et maladroite, avec ses candides accès de rêverie, avec ses couleurs de toute sorte juxtaposées sans précaution pour l’œil, avec son style cru, choquant et âpre, sans nuances et sans habiletés, avec les mille excès de tout genre qu’il commet presque à son insu chemin faisant, ce livre représente assez bien l’époque de la vie à laquelle il a été écrit, et l’état particulier de l’âme, de l’imagination et du cœur dans l’adolescence, quand on est amoureux de son premier amour, quand on convertit en obstacles grandioses et poétiques les empêchements bourgeois de la vie, quand on a la tête pleine de fantaisies héroïques qui vous grandissent à vos propres yeux, quand on est déjà un homme par deux ou trois côtés et encore un enfant par vingt autres, quand on a lu Ducray-Duminil à onze ans, Auguste Lafontaine à treize, Shakespeare à seize, échelle étrange et rapide qui vous a fait passer brusquement, dans vos affections littéraires, du niais au sentimental, et du sentimental au sublime.
On voit d’abord à la tête une estampe qui représente le théatre d’Arlequin, la chaire d’un ministre, & l’échelle d’un pendu qui harangue la populace pour la derniere fois.
Un père s’est enrichi par le commerce ; il a un grand nombre d’enfants ; parmi ces enfants il en est un qui ne veut rien faire, ses bras faibles et délicats lui ont donné de l’aversion pour la navette, la scie ou le marteau ; il se lève tard ; il reste assis la tête penchée sur la poitrine, il réfléchit, il médite ; il se fait poëte, orateur, prêtre ou philosophe.
Chaque fois qu’il soulève ce fagot pour se le mettre sur la tête, le trouvant trop lourd, il le rejette à terre et se remet à ramasser du bois pour l’ajouter à cette charge qu’il lui est déjà difficile de soulever.
Ainsi dans toutes les langues le coeur brûle, le courage s’allume, les yeux étincellent, l’esprit est accablé : il se partage, il s’épuise : le sang se glace, la tête se renverse : on est enflé d’orgueil, enyvré de vengeance. […] On peut dire en vers : Un coursier plein de feu levant sa tête altiere. […] mais on ne peut pas dire, forêt hautaine, tête hautaine d’un coursier. […] Il y a grande apparence que ce Kiro, qu’on nomme Cyrus, à la tête des peuples guerriers d’Elam, conquit en effet Babylone amollie par les délices. […] Les esprits célestes qu’il envoie, viennent tous avec une forme humaine ; enfin, le sanctuaire est rempli de chérubins, qui sont des corps d’hommes avec des aîles & des têtes d’animaux ; c’est ce qui a donné lieu à l’erreur grossiere de Plutarque, de Tacite, d’Appion, & de tant d’autres, de reprocher aux Juifs d’adorer une tête d’âne.
Le critique impressionniste est libre comme l’air et il peut sans péril jeter sur le papier tout ce qui lui passe par la tête. […] Sa tête est comme une merveilleuse machine à disputer, qui, une fois montée, tourne sans relâche, fût-ce même à vide. […] Et cependant il écrit par devoir, semblable à cet homme à la cervelle d’or que la vie oblige à dépenser en menue monnaie le trésor dont sa tête est pleine. […] Le fameux Scanderbeg possédait, dit la légende, un sabre qui, d’un seul coup, abattait la tête d’un taureau. […] Cette tête féminine un instant entrevue le poursuit, le hante, l’obsède.
Naturellement, les journaux locaux s’emparent de la question, la discutent, jettent du « remarquable, de l’illustre, du génial » à la tête de l’auteur. […] Quand, sur une route, je rencontre une ordure étalée, je l’évite ; quand je vois certains noms en tête de certains livres, je passe rapidement en me bouchant le nez. […] — Comme c’est long dans ces baraques, disait-il en hochant la tête. […] Zola ne se découragea pas, car il ne se sentait pas de goût pour le métier de martyr, mais il tint tête à la meute déchaînée des hurleurs, et, afin de les obliger à se taire, il leur lança ses livres à la tête et les assomma à coups de chefs-d’œuvre. […] Jules Huret a mise en tête de son volume, de notre volume.
Par réaction peut-être, la critique que j’ai appelée classique juge trop : au jour de ses grandes rigueurs, ce sont les têtes les plus élevées qu’elle semble menacer de sa faux. […] Le sang coulait à l’Abbaye, aux Carmes ; les églises étaient fermées ou profanées, les prêtres massacrés ou en fuite, la royauté abolie ; le roi portait sa tête sur l’échafaud. […] L’eau s’en va par cette fissure inaperçue, les fleurs altérées se dessèchent, penchent la tête et meurent. […] Sa tête est marquée pour le bourreau. […] Sa tête se rafraîchit, son exaltation se calme.
Il fallait absolument nous expliquer cela, et y insister, et nous le bien enfoncer dans la tête. […] Quelle tête feraient Euripide, Virgile, Dante, Racine, et quel serait le son de leur voix ? […] Le bourreau apporte la tête sur un plat. […] … Pourtant, il faut aller voir l’étonnante tête de M. […] Voyez-vous la tête du vieux Labosse !
Quels vifs et pénétrants courants d’air psychique, si j’ose m’exprimer ainsi, passent sur tous ces fronts inclinés, sur toutes ces têtes absorbées par le rêve ! […] Il vit dans la fièvre et l’agitation, sa tête est pleine de rêves, et son faible cœur, mal défendu par le souvenir douloureux de Marianne, est à qui veut le prendre. […] Si la véritable attitude de l’homme est de tenir la tête droite et de regarder vers le ciel, je ne connais pas de poète qui impose cette attitude à ses lecteurs plus naturellement que Goethe. […] À l’origine, cependant, ce fut l’aristocratie qui prit la tête du mouvement et qui forma d’abord le noyau de fidèles réunis autour du comte Zinzendorf. […] Je ne sais quel vilain sentiment de mépris me retint et me fit détourner la tête ; j’ai toujours regretté depuis cette minute de dureté.
Jean II, indigné de la brutalité de l’acteur qui a donné le coup de lance, se précipite sur la scène, et d’un coup de sabre fait voler sa tête. […] Ils posèrent des couronnes sur la tête de la reine. […] Les applaudissements dont on l’accabla échauffèrent la tête de quelques-uns de ses amis. […] Le malheureux poëte ne savait où donner de la tête, lorsqu’il songea à son Venceslas. […] Poëte lyrique, Quinault est en tête de la pléïade, poëte tragique, Quinault est sur le second plan.
Il a la tête républicaine, égalitaire et absolutiste. […] La multitude des têtes se nuit et la multitude des queues obéit à une seule tête qui veut tout dévorer. […] Cette essence m’a quelquefois porté à la tête, et m’a mis de mauvaise humeur. […] Plutus l’emporte sur celui de Minerve, il faut s’attendre à trouver des bourses enflées et des têtes vides. […] Le Seigneur juste coupera leurs têtes ; que tous les ennemis de Sion soient comme l’herbe sèche des toits.