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44. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre VI. De l’emploi des figures et de la condition qui les rend légitimes : la nécessité »

De là vient aussi que plus l’homme est passionné, plus il redouble les figures, moins l’expression propre et nue de l’idée lui suffit. […] Mais là est précisément le danger, et il ne suffit pas que les figures jaillissent spontanément de l’esprit, pour avoir ce caractère de nécessité que j’y réclame. […] La conclusion de tout ceci, c’est qu’il faut se proposer de parler proprement et justement ; qu’il ne suffit pas même que les figures soient le produit spontané de l’esprit ; qu’il faut encore exercer sur ce que l’on écrit un contrôle sévère, et ne recevoir aucune métaphore, aucune figure d’aucune sorte, que lorsqu’on sent qu’elle est dans la circonstance l’expression propre, adéquate de la pensée, lorsqu’elle apparaît comme véritablement et rigoureusement nécessaire.

45. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre II. Le comique de situation et le comique de mots »

Il nous suffira alors de passer aux caractères opposés pour obtenir la formule abstraite, cette fois générale et complète, des procédés de comédie réels et possibles. […] Il lui suffirait de laisser ses idées converser entre elles « pour rien, pour le plaisir ». […] Si notre théorie est exacte, il nous suffira d’appuyer sur le mot, de le grossir et de l’épaissir, pour le voir s’étaler en scène comique. […] Il suffit alors, pour la rendre comique, de mettre en pleine lumière l’automatisme de celui qui la prononce. […] Il nous suffira, après avoir posé la règle, d’en vérifier de loin en loin les principales applications.

46. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre II. La parole intérieure comparée à la parole interieure »

Ensuite, dans la parole intérieure, nous pouvons nous dispenser d’articuler correctement, ce qui prend du temps ; nous n’abrégeons pas les mots, mais parfois nous nous contentons de les esquisser, et cela nous suffit pour nous entendre ; c’est ainsi qu’un enfant qui a un défaut de langue est compris par lui-même et par ses parents, tandis que son langage est inintelligible à des étrangers. […] Notre pouvoir de reproduction intérieure est illimité ; il suffit pour qu’un son soit reproduit qu’il ait été remarqué lorsqu’il a frappé nos oreilles, et qu’ensuite il soit rappelé conformément aux lois du souvenir134. […] Mais à quoi bon cette double négation, quand il suffit de ne rien nier ? […] Marc-Aurèle, IV, 3 : « Qu’il y ait (dans ton âme) de ces maximes courtes, fondamentales, qui de suite rendront la sérénité à ton âme » ; et X, 3-4 : « A l’esprit bien fait qui s’est pénétré des vrais principes, un mot très court suffit, même trivial, pour bannir la tristesse et la crainte. […] Cette explication suffit pour On dirait que… : ici, dire = penser, parce que la pensée = ce qui se dit ou peut se dire [cf. plus haut, § 6].

47. (1895) De l’idée de loi naturelle dans la science et la philosophie contemporaines pp. 5-143

Mais la mécanique abstraite ne suffit pas pour arriver à la science de la nature. […] Le mouvement ne se suffit pas à lui-même. […] Ce monde, dans la réalité, ne se suffit pas. […] Mais le psychique se suffit-il ainsi à lui-même ? […] Il ne suffit pas, pour s’entendre, de ne pouvoir se comprendre.

48. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre III. Le lien des caractères généraux ou la raison explicative des choses » pp. 387-464

— Il suffit d’un coup d’œil pour les reconnaître ; ce sont les propriétés déjà démontrées des composés précédents. […] Il nous suffit que le composé soit donné ; nous ne cherchons pas pourquoi il est donné. — Les choses ne se passent pas ainsi quand il s’agit d’un composé réel. […] Que notre science expérimentale ait des lacunes, cela est incontestable ; mais sa structure suffit pour en rendre compte, et il est contre toutes les règles de l’hypothèse d’ajouter arbitrairement et inutilement, pour en rendre compte, une cause non constatée à la cause constatée qui suffit. […] Il est donc probable que ce grand axiome a la même nature que les autres, et que, comme les autres, l’analyse va suffire à le démontrer. […] D’autre part, puisque la présence des conditions suffit pour entraîner la présence du caractère, tant que les conditions persisteront, le caractère persistera.

49. (1836) Portraits littéraires. Tome I pp. 1-388

À de pareilles âmes l’amitié ne suffit pas. […] Maïs cela ne suffit pas, surtout lorsqu’il s’agit du passé. […] Ce qu’il a publié suffirait seul pour composer une bibliothèque. […] que son seul souvenir suffirait à troubler des populations inquiètes ? […] Il ne suffit pas d’indiquer une situation, il faut l’approfondir.

50. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXV » pp. 97-99

Je n’ai pas le temps de vous la développer ici, mais qu’il vous suffise de savoir que pour la réaliser il ne faudrait qu’un million par an. Oui, il suffirait qu’un million de citoyens bien intentionnés souscrivissent à ce subside des masses pour un franc par an seulement, pour une de ces petites pièces de monnaie qui glissent entre les doigts sans qu’on la retienne… et cette pensée se réaliserait.

51. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Louandre »

On y rencontre une foule d’écrivains qui, sans l’être dans l’acception pleine et absolue de ce grand mot, ont du style pourtant, — comme on y voit des artistes qui ont ce qu’on nomme, en terme du métier, « de la palette », — mais cela suffit-il pour l’Art d’un pays ou pour sa Littérature ? […] Le livre que cet écrivain vient de publier rappelle trop les articles de revue qu’on doit à sa plume, car il est ce qu’on appelle en Angleterre un excellent reviewer ; mais ce qui suffit pour un travail de revue suffit-il pour un livre, et pour un livre qui, comme le sien, porte dans son titre les plus étranges mystères et les plus horribles obscurités de l’histoire ?

52. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre II. L’âme et le corps »

Qu’il me suffise de dire que si l’on considère le mécanisme du mouvement volontaire en particulier, le fonctionnement du système nerveux en général, la vie elle-même enfin dans ce qu’elle a d’essentiel, on arrive à la conclusion que l’artifice constant de la conscience, depuis ses origines les plus humbles dans les formes vivantes les plus élémentaires, est de convertir à ses fins le déterminisme physique ou plutôt de tourner la loi de conservation de l’énergie, en obtenant de la matière une fabrication toujours plus intense d’explosifs toujours mieux utilisables : il suffit alors d’une action extrêmement faible, comme celle d’un doigt qui presse rait sans effort la détente d’un pistolet sans frottement, pour libérer au moment voulu, dans la direction choisie, une somme aussi grande que possible d’énergie accumulée. […] C’est pourquoi il suffira d’une légère modification de la substance cérébrale pour que l’esprit tout entier paraisse atteint. […] Mais, de même qu’il suffit d’un très faible relâchement de l’amarre pour que le bateau se mette à danser sur la vague, ainsi une modification même légère de la substance cérébrale tout entière pourra faire que l’esprit, perdant contact avec l’ensemble des choses matérielles auxquelles il est ordinairement appuyé, sente la réalité se dérober sous lui, titube, et soit pris de vertige. […] D’autre part, si le raisonnement pur suffit à nous montrer que cette théorie est à rejeter, il ne nous dit pas, il ne peut pas nous dire ce qu’il faut mettre à la place. […] Cette seule considération suffirait déjà à nous rendre suspecte la théorie qui attribue les maladies de la mémoire des mots à une altération ou à une destruction des souvenirs eux-mêmes, enregistrés automatiquement par l’écorce cérébrale.

53. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Revue littéraire. Victor Hugo. — M. Molé. — Les Guêpes »

. ; il suffit qu’il y en ait de fort piquantes, en effet, et que l’auteur y fasse ; preuve en courant d’une grande science ironique des choses. […] le Charivari ne suffisait pas ; nous aurons mouches et cousins par nuées.

54. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Deuxième leçon »

Quant à toutes les autres classifications proposées, il suffira d’observer que les différentes discussions élevées à ce sujet ont eu pour résultat définitif de montrer dans chacune des vices fondamentaux, tellement qu’aucune n’a pu obtenir un assentiment unanime, et qu’il existe à cet égard presque autant d’opinions que d’individus. […] Quelques exemples suffiront d’ailleurs pour rendre sensible cette division, dont l’importance n’est pas encore convenablement appréciée. […] Il suffit, quant à présent, d’avoir reconnu, en principe, la nécessité logique de séparer la science relative aux premiers de celle relative aux seconds, et de ne procéder à l’étude de la physique organique qu’après avoir établi les lois générales de la physique inorganique. […] Il s’en faut d’ailleurs que cette classification soit ordinairement conçue et surtout suivie avec toute la précision nécessaire, et que son importance soit convenablement appréciée ; il suffirait, pour s’en convaincre, de considérer les graves infractions qui sont commises tous les jours contre cette loi encyclopédique, au grand préjudice de l’esprit humain. […] Une seule science ne suffirait point pour atteindre ce but, même en la choisissant le plus judicieusement possible.

55. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre I. Publicistes et orateurs »

Par sa politique et par sa chute, l’empire fournit à Thiers la plus belle situation que jamais homme d’Etat puisse rêver : celle où tous les intérêts personnels coïncident avec le bien public et le devoir patriotique, celle où il suffit de s’oublier pour s’élever, de penser à soi pour bien mériter de tous. […] Après le désastre, il lui suffit de s’attacher à sa place, pour réduire à l’impuissance les minorités monarchiques ; il lui suffit de rester le président de la République, pour fonder la république : quand il se retira (le 24 mai 1873), il était trop tard, l’heure d’une restauration avait passé. […] Il est certain que ni les idées — et il y en a beaucoup — ni l’esprit — et il y en a plus encore — ni tous les dons du critique, de l’écrivain, de l’orateur même, ne suffisent à expliquer le plaisir complexe et complet que donne, à la foule comme aux délicats, M. 

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