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339. (1870) La science et la conscience « Chapitre III : L’histoire »

Or, de même que cette méthode tend à réduire la psychologie à une sorte de physiologie cérébrale où la personnalité individuelle se confond avec l’organe, elle tend aussi à ramener l’histoire à une sorte de physiologie sociale où la personnalité nationale s’efface sous l’action sourde, incessante et irrésistible des causes économiques et naturelles. […] Le récit des guerres médiques n’est-il pas une sorte de poëme non-seulement pour le langage, qui rappelle Homère, mais surtout pour le fond des choses ? […] L’histoire n’avait guère été précédemment qu’une sorte de psychologie sociale, ayant pour unique objet l’âme des individus et des peuples. […] La vertu et le vice, dans sa pensée, se produisent, non par une sorte de combinaison chimique, mais par un concours de causes morales, d’idées, qui ont leur loi de composition et de succession de même que les phénomènes purement physiques. […] Fatalité des passions ou fatalité des idées, l’histoire perd son véritable caractère du moment que la liberté en a disparu ; elle devient une sorte de physique sociale.

340. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — III » pp. 90-104

Ce que voulait Montluc, c’était de s’illustrer par une belle, par une incomparable défense, dont il fût à tout jamais parlé ; et comme il l’a dit du marquis de Marignan : « Il servait son maître, et moi le mien ; il m’attaquait pour son honneur, et je soutenais le mien ; il voulait acquérir de la réputation, et moi aussi. » Entre le marquis de Marignan et lui, c’était donc un pur duel d’honneur, et il s’agissait d’y engager les Siennois, qui jouaient un plus gros jeu, et de s’en faire assister jusqu’à l’extrémité moyennant toute sorte de talent et d’art ; en les séduisant, en les rassurant tour à tour, et surtout en évitant, peuple élégant et vif, de les heurter par la violence ; c’eût été feu contre feu. […] Il n’était sorte de moyens ni de stratagèmes qu’il n’imaginât pour soutenir l’espoir et prolonger l’illusion courageuse des assiégés. […] Le temps de la gloire pour Montluc est fini ; à la veille de la mort de Henri II dans ce malheureux tournoi, et la nuit même qui précéda le coup fatal, Montluc raconte qu’étant chez lui, en sa Gascogne, il eut un songe qui lui représentait, avec toutes sortes de circonstances frappantes, son roi mort et tout saignant, et il s’éveilla éperdu, la face tout en larmes, racontant aussitôt son pronostic à sa femme et, le matin, à plusieurs amis. […] Je regrette de ne pouvoir en profiter dans cette réimpression : ces sortes cette portraits seraient à recommencer plus d’une fois.

341. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — II » pp. 107-121

M. de Corcelles avait été frappé de cette sorte de contradiction qu’il y avait entre le tableau vraiment assez triste de cette démocratie moderne, présente ou future, et les conclusions du livre qui tendaient à l’acceptation et à l’organisation progressive de cette même démocratie. […] Émancipés aujourd’hui, fils de l’Occident, héritiers de tant d’œuvres, et comme portés sur les épaules de tant de générations, espérons mieux ; mais, si nous nous appelons philosophes, n’en venons jamais, par une sorte d’orgueil intellectuel, à oublier les origines si grossières et si humbles de toute société civile. […] Pour s’arracher de lui-même, pour se distraire et s’absorber, il se mit courageusement à l’œuvre ; il tenta de renouveler sa vie ; il s’appliqua à l’étude de l’allemand, à toutes sortes de lectures ; il entreprit son travail sur l’Ancien Régime et sur les causes de la Révolution. […] Je vous assure que je vois arriver ce moment avec une grande anxiété et une sorte de terreur.

342. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803, (suite et fin) » pp. 16-34

Ce Chateaubriand dont nous parlions avait une sœur, qui avait de l’imagination, disait-il lui-même, sur un fonds de bêtise, ce qui devait approcher de l’extravagance pure ; — une autre, au contraire, divine (Lucile, l’Amélie de René), qui avait la sensibilité exquise, une sorte d’imagination tendre, mélancolique, sans rien de ce qui la corrigeait ou la distrayait chez lui : elle mourut folle et se tua. Les éléments qu’il unissait et associait, au moins dans son talent, et qui gardaient une sorte d’équilibre, étaient distinctement et disproportionnément répartis entre elles. […] Chaque ouvrage d’un auteur vu, examiné de la sorte, à son point, après qu’on l’a replacé dans son cadre et entouré de toutes les circonstances qui l’ont vu naître, acquiert tout son sens, — son sens historique, son sens littéraire, — reprend son degré juste d’originalité, de nouveauté ou d’imitation, et l’on ne court pas risque, en le jugeant, d’inventer des beautés à faux et d’admirer à côté, comme cela est inévitable quand on s’en tient à la pure rhétorique. […] Jeune ou vieux, il n’a cessé de se peindre, et, ce qui vaut mieux, de se montrer, de se laisser voir, et, en posant solennellement d’un côté, de se livrer nonchalamment de l’autre, à son insu et avec une sorte de distraction.

343. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite et fin.) »

Être pris de la sorte et tomber dans les filets du divin chasseur, c’est la meilleure chasse qu’il puisse faire. […] Il se chante en rimes alambiquées une sorte d’exhortation amoureuse ; il fait vœu et serment de prendre Madeleine pour sa dame : de toutes les belles de Judée, passées et présentes, Rachel, Judith, Vasthi, Esther, etc., elle est la nonpareille et l’unique ; : il se propose donc d’aller deviser avec elle et servir sous sa bannière. […] Il est accueilli en ami ; on lui propose toutes sortes de jeux, la danse, le chant, les dés, les cartes : il préfère le jeu de conversation, des demandes et réponses sur des cas d’amour, en un mot, faire assaut de bel esprit. […] elle a eu du malheur dans ce que sa mémoire a provoqué d’écrits et de compositions de diverses sortes.

344. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires du comte Beugnot »

Tous ces récits étaient fort bien rendus et mimés, d’une voix quelque peu forte et robuste, par un homme de haute stature et en qui un filet de l’ironie paternelle se faisait encore sentir ; mais cette ironie n’était plus la source même et ne venait que par une sorte de transmission et d’habitude : elle était de souvenir plus que d’inspiration et de jet. […] Ceux qui ne l’aimaient pas, ceux qui prétendaient qu’il avait tourné trop tôt casaque au régime qu’il avait servi, et qu’il faisait trop aisément bon marché de cette sorte de pusillanimité plus en vue chez lui que chez d’autres, allaient jusqu’à dire que « c’était l’âme d’Arlequin dans le corps d’Alcide (ou d’Achille). » Je remarquerai simplement que M.  […] On n’en agit de la sorte qu’avec les caractères d’une certaine trempe et d’un ressort bien pliant. […] Mais il a beau en être l’auteur, il a beau être le souffleur tout trouvé en chaque rencontre pour ces sortes d’à-propos monarchiques, il est mal récompensé.

345. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXIV. Arrestation et procès de Jésus. »

C’étaient des sergents du temple, armés de bâtons, sorte de brigade de police qu’on avait laissée aux prêtres ; ils étaient soutenus par un détachement de soldats romains avec leurs épées ; le mandat d’arrestation émanait du grand-prêtre et du sanhédrin 1094. […] Le Talmud ajoute que ce fut de la sorte qu’on se comporta envers Jésus, qu’il fut condamné sur la foi de deux témoins qu’on avait apostés, que le crime de « séduction » est, du reste, le seul pour lequel on prépare ainsi les témoins 1101. […] Comme il arrive toutes les fois qu’un peuple politique soumet une nation où la loi civile et la loi religieuse se confondent, les Romains étaient amenés à prêter à la loi juive une sorte d’appui officiel. […] Le Pentateuque a de la sorte été dans le monde le premier code de la terreur religieuse.

346. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre II. L’analyse interne d’une œuvre littéraire » pp. 32-46

Il faudra donc rechercher quelles sortes de mouvements l’œuvre retrace : mouvements souples, ondoyants, rapides, comme ceux des torrents, des fauves, des enfants ; mouvements lents, solennels, majestueux, comme ceux d’un grand fleuve, d’un cortège d’apparat, d’une procession religieuse, etc. […] De la sorte, surgissent une quantité de questions qu’on doit se poser et auxquelles peut répondre l’examen d’une œuvre littéraire. […] Pour peu qu’un auteur ait vécu longtemps, que son œuvre contienne de nombreux volumes, on risque de voir défiler devant soi presque toutes les idées d’un demi-siècle, des idées sur toutes sortes de choses, sur ce qu’on peut connaître et même sur ce qu’on ne peut pas connaître. […] Il faudra recourir encore aux secours de la psychologie moderne, qui dénombre et classe les différentes opérations de l’intelligence : on aura de la sorte une nouvelle voie ouverte à l’enquête scientifique que nous poursuivons.

347. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Essai, sur, les études en Russie » pp. 419-428

On a raison de dire qu’il faut trois sortes d’écoles dans un pays bien policé. […] La seconde sorte d’écoles sont ce qu’on appelle en Allemagne, dans les pays protestants, gymnasia, ou écoles illustres, écoles supérieures. […] Ces sortes de fondations peuvent avoir leurs avantages, en ce que l’enfant d’un artisan, d’un pauvre homme dépourvu de toute espèce de moyens, peut apporter en naissant des dispositions si heureuses, qu’il n’y ait rien de mieux que de venir à son secours, et de lui donner les moyens de développer les dons de la nature. Plus d’un grand homme a été redevable de sa première éducation à ces sortes de fondations.

348. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVIII et dernier. Du genre actuel des éloges parmi nous ; si l’éloquence leur convient, et quel genre d’éloquence. »

On sait que l’Académie française substitua, il y a près de quinze ans, ces sortes d’éloges à ses anciens sujets. […] On ne peut donc douter que ces sortes d’éloges ne soient utiles ; mais on peut demander comment et dans quel genre ils doivent être écrits. Des hommes estimables pensent que les meilleurs modèles de ces sortes d’ouvrages sont ou les vies des hommes illustres de Plutarque, ou les éloges des savants de Fontenelle ; c’est-à-dire, qu’ils voudraient un simple éloge historique, mêlé de réflexions, sans qu’on se permît jamais ni le ton, ni les mouvements de l’éloquence. […] Mais ne peut-on pas répondre que ces sortes d’ouvrages étant moins des monuments historiques, que des tableaux faits pour réveiller les grandes idées ou de grands sentiments, il ne suffit pas de raconter à l’esprit, il faut, si l’on peut, parler à l’âme et l’intéresser fortement ?

349. (1911) L’attitude du lyrisme contemporain pp. 5-466

C’est une sorte d’enthousiasme intérieur, la manifestation d’un instinct profond, un frisson dionysien, une ivresse d’être, de voir, de respirer, de palper, de sentir, de désirer sans fin, de faire effort. […] Deux sortes de visions : la vision périphérique et la vision centrale. […] Les « correspondances » de la pensée et du symbole sont telles qu’une sorte d’union hypostatique en résulte. […] Cette clarté est si fine, si légère, si ténue qu’elle fond parfois tous les tons dans une sorte de buée lunaire qui fait songer aux féeries anglaises. […] Pour lui, comme pour tous les vrais poètes symbolistes, il existe deux sortes de vers : le vers lu et le vers parlé.

350. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [Baudelaire.] » pp. 528-529

Vous dire que vous n’avez reculé, en rassemblant vos Fleurs, devant aucune sorte d’image et de couleur, si effrayante et affligeante qu’elle fût, vous le savez mieux que moi ; c’est ce que vous avez voulu encore. […] Vous dites quelque part, en marquant le réveil spirituel qui se fait le matin après les nuits mal passées, que, lorsque l’aube blanche et vermeille, se montrant tout à coup, apparaît en compagnie de l’Idéal rongeur, à ce moment, par une sorte d’expiation vengeresse,             Dans la brute assoupie un ange se réveille !

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