On sait comment il est né : tout ce qu’il y avait de bas, de vil, de fatigué, de déchet social et de décadence sociale, a été appelé à se considérer comme saint, comme divin, comme « membre vivant de Dieu » et à mépriser tout ce qu’il y avait de vivant et d’énergique et de beau et de noble, tout ce qui avait une volonté de vie et de beauté. […] L’institution du jury est à cet égard une chose essentiellement sociale. […] On s’était, sans doute, tellement aperçu qu’il y avait danger social à faire juger les criminels par des gens habitués au crime, qu’on avait inventé un détour et une fiction. […] Il y a des peuples qui ont, très fort, l’instinct social. […] Ils ont le sens de l’association, le sens de l’État, le sens social en un mot et le sens du peuple fort.
Parmi les maux de la guerre civile, compliqués de ceux de la guerre étrangère, on a compris ce que nous appellerions aujourd’hui la grandeur de l’institution sociale, et que le pire des malheurs était d’en voir les liens se briser ou seulement se détendre. […] Mais tout de même que la santé du corps, que l’on croit être un don de la nature, n’est à vrai dire que le résultat d’une hygiène, et, par conséquent, d’un « travail » approprié, il ne suffit pas non plus d’abandonner le corps social à lui-même pour qu’il trouve son point d’équilibre, et il faut que chacun de nous travaille de sa personne à le rétablir constamment. […] Organisons la vie sociale. […] À en juger par les plus caractéristiques des symptômes que nous avons signalés, cette littérature sera surtout « sociale » ; et on veut dire par là qu’elle se proposera d’entretenir, de développer, de perfectionner l’institution sociale. […] Sociale dans son objet, générale dans ses moyens d’expression, cette littérature sera encore morale, dans la mesure précise où il ne saurait exister de société sans morale.
Bridel a pris l’une pour le premier volume de Philosophie morale et sociale ; on trouvera ici l’autre, la seule qui soit une étude littéraire, et qui — on en jugera — méritait bien d’être tirée de l’ombre. […] Lorsqu’on se jette dans l’action sociale avant d’être guéri et pacifié au-dedans, on court risque d’irriter en soi bien des germes équivoques. […] C’est en même temps le résultat de la vie sociale, et le moyen de cette vie ; c’est une indispensable condition d’ordre, de ralliement, et par conséquent de progrès ; c’est le talisman de notre Babel. […] Sainte-Beuve, c’est de n’être pas purement lyrique, c’est son élément social, c’est ce goût d’observation sympathique et humaine, c’est par conséquent cet aspect d’histoire et de drame qu’elle revêt presque toujours. […] et, dans le point de vue social ou humanitaire où sans doute il est permis de se placer, il mérite toute notre attention.
Mais dans notre état social, qui est un état de conquête sur la nature, l’homme tâche de s’affranchir du climat : il fait mieux encore ; par des moyens indirects, tels que la culture, les plantations, l’écoulement des eaux, il le change et le perfectionne sans cesse ; et celui-ci modifié réagit incessamment sur l’homme.
Un passé héroïque, des grands hommes, de la gloire (j’entends de la véritable), voilà le capital social sur lequel on assied une idée nationale.
N’oublions pas qu’au mérite du savoir il joignit le mérite plus estimable encore, des vertus sociales.
Ces trois unités d’espèces avec beaucoup d’autres qui en sont une suite, se rassemblent elles-mêmes dans une unité générale, celle de la religion honorant une Providence ; c’est là l’unité d’esprit qui donne la forme et la vie au monde social.
Une tendance générale se remarque chez tous : c’est la volonté de prendre au sérieux la vie, la vie individuelle et la vie sociale, c’est de réaliser dans leurs œuvres toute l’humanité qui est en eux. […] Je ne crois pas, pour trois raisons, que cette formule puisse suffire à la poésie française de l’avenir, et ce sont ces trois raisons que je voudrais exposer ici : elles sont d’ordre psychologique, social et métaphysique. […] Il ne peut pas faire abstraction de la vie sociale de son époque. […] Et si l’on songe non seulement à la tourbillonnante réalité sociale qui s’agite autour de nous, mais à la réalité encore plus poignante qu’est l’homme perdu sur un astre errant dans l’immensité, s’interrogeant sur son existence même entre deux infinis, comment pourra-t-on sérieusement affirmer qu’une forme fixe s’offrira à ses pensées ? […] Voilà pourquoi le sentiment d’une mission sociale et religieuse de l’Art a caractérisé les grands poètes de notre siècle ; s’il leur a inspiré parfois une sorte d’orgueil naïf, il n’en était pas moins juste en lui-même.
La justice est une nécessité sociale car le droit est la règle de l’association politique, et la dérision du juste est ce qui constitue le droit. » XIX Ici il tombe, pour la seule fois, de sa logique dans le sophisme d’habitude du paganisme et même du christianisme, la justification de l’esclavage, instrument, dit-il, donné par la nature pour faciliter au maître l’usage de la propriété. […] « Certes, la vertu peut, selon nous, élever la voix non moins justement ; la vertu sociale, c’est la justice, et toutes les autres ne viennent nécessairement que comme des conséquences après elle. […] À l’exception de ces deux erreurs qui ne sont pas siennes, mais celles de son temps et vieilles comme le genre humain, l’une relative à l’esclavage qu’il croit un crime de la nature, l’autre relative aux enfants nés difformes dont il admet l’infanticide par humanité, il n’y a pas une considération fausse dans tout le livre : c’est le catéchisme du monde social. […] On dirait qu’un esprit divin, descendu du ciel pour éclairer les hommes, a pris la plume d’or des séraphins pour révéler aux hommes de toutes les conditions, de toutes les dates, de toutes les professions sociales, les moyens de perfectionner et de conserver leur gouvernement. Nous qui, dans une vie déjà longue, avons pu compter dix à douze révolutions d’empires, et qui avons même attaché involontairement notre nom à la dernière de ces convulsions sociales pour la modérer en la conseillant, il nous est impossible de ne pas nous élever à la plus haute admiration en lisant ce beau livre.
Tolstoï veut la fin des gouvernements, des patries, des lois sociales, des propriétés ; il veut, encore, la fin de l’Art. […] Tolstoï enseigne aux Slaves le renoncement des orgueils sociaux, des violences, des haines nationales. […] Le renoncement doit produire, dans le monde nouveau, un état social nouveau. […] Wagner, pour mille diverses raisons, n’expose point son idéal social avec une pareille netteté. […] Ennemi aux utopiques théories socialistes contemporaines, fondées, plus étrangement que tous les systèmes sociaux, sur la force, il admet cependant un socialisme plus rationnel et plus chrétien.
Né dans les Abruzzes en 1863 (ou 1864), Gabriele D’Annunzio débuta à seize ans par un volume de vers (Primo vere), et vint à Rome en 1881, où il fit partie d’un groupe de « jeunes » ; groupe dont l’histoire serait fort intéressante ; il comprenait, entre autres, le peintre Michetti, le journaliste Scarfoglio, le musicien Tosti, le poète Pascarella, et Giulio Salvadori qui écrivait alors le Canzoniere civile… On en était aux premières ivresses de la jeune Italie, avant la crise économique, politique et sociale. […] L’importance des chœurs, le petit nombre des personnages, leur dialogue antithétique, leur qualité sociale, l’usage même du vers, tout cela s’explique, non point par un libre choix de la volonté, mais par la genèse de la tragédie. […] Je n’en crois rien. — Cessons de reprocher à Corneille, à Racine leurs sujets historiques, la qualité sociale de leurs personnages ; mais ne croyons pas, d’autre part, que la tragédie soit morte avec les rois absolus ; elle existe encore, non dans le désir brutal de ces financiers véreux qui remplacent les Rodrigue et les Titus dans le théâtre actuel, mais partout où une pauvre âme humaine aspire à la perfection. […] Le xviie siècle français ne fut point, selon moi, une époque dramatique, c’est-à-dire de crise morale et sociale. […] — Dans le domaine social on trouverait sans peine une probabilité analogue.
Si l’on conçoit le roman ou le drame comme un moyen d’information ou d’enquête sociale, et l’observation même, ou plutôt ses résultats, comme autant de documents, observation, roman et drame, ils deviennent bientôt eux-mêmes un élément de la question sociale, ou quelque chose encore de plus : une invitation à l’examiner, et comme qui dirait une solution qu’on en propose ou qu’on en indique. […] C’est ce qui n’est possible encore que dans un temps de libre satire sociale. […] De par sa nature même, la comédie de caractères est étroitement liée à la liberté de la satire sociale. […] Elle n’a pas non plus empêché les conditions sociales de changer de rapports, la noblesse de s’appauvrir, le tiers-état de s’enrichir, l’homme d’argent ou l’écrivain de devenir des personnages. […] C’est qu’elle était alors l’expression d’une nécessité sociale.