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329. (1904) Essai sur le symbolisme pp. -

Le romancier pourra multiplier les traits de caractère, faire parler et agir son héros autant qu’il lui plaira : tout cela ne vaudra pas le sentiment simple et indivisible que j’éprouverais si je coïncidais un instant avec le personnage lui-même. […] Par leurs tendances positivistes les parnassiens s’en tiennent à la simple description. […] Cette compénétration est une synthèse, un acte simple. […] Mais pour mieux affirmer la volonté de ne présenter ici que de simples linéaments de doctrine, on s’est abstenu de citer des vers et des noms propres. […] L’allégorie est inutile, puisqu’elle remplace pour l’agrément l’expression directe de ce que les mots les plus simples suffiraient à rendre ; le symbole est indispensable puisqu’il représente ce que l’on ne pourrait autrement suggérer. » Beaunier.

330. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Régnier, Henri de (1864-1936) »

On se reporte, en le lisant, à l’exclamation d’Ovide : quidquid scribere conabar versus erat , tant il semble que le simple délice d’écrire et la facilité inconsciente à modeler les courbes de la Parole ont suffi, dans une âme attirée vers le songe, pour tracer ces strophes aux lignes justes. […] Et enfin le poème de l’Homme et la Sirène, quoi qu’on pense de la polymorphie, enferme, sous des apparences compliquées, un sens très simple et très beau. […] Presque personne n’eut l’élémentaire bonne foi de reconnaître que son talent est beaucoup moins simple que ne l’ont déclaré des critiques ineptes ou malveillants.

331. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Auguste de Chatillon. À la Grand’Pinte ! »

Et ce n’est pourtant qu’un simple recueil où, à trois ou quatre places au plus, le vin est vanté pour les raisons les plus mélancoliques qui puissent nous faire vanter le vin ! […] Comprenez-vous le ton simple, abandonné, humilié, qui n’est plus fier, mais qui est noble encore, de cette poésie, poignante et douce ? […] Cet Idyllique qui dépose de si pensifs bouquets de pensées dans un simple verre d’eau et qui a fait La Ronde de l’oiseau, un modèle de gazouillage, et La Ronde des jeunes filles, un modèle de folie virginale, Il est un amandier rose, Un amandier rose et gris, Qui parle !

332. (1891) La vie littéraire. Troisième série pp. -396

La tristesse qu’il donne est une tristesse simple, rude et claire. […] La phrase est-elle simple ? […] Elle doit s’appuyer sur la plus simple morale. […] Pour eux, une simple voûte semée de clous d’or les séparait du royaume de Dieu. […] Il est orgueilleux et n’a point le cœur simple.

333. (1888) Études sur le XIXe siècle

Mais la simple présence de l’amour procure à l’homme plus de bonheur que les heureux n’en connurent aux meilleurs temps du monde. […] Les notions les plus compliquées lui apparaissent toutes simples, telles qu’elles se révèlent dans les mots avant qu’ils soient soumis à l’analyse. […] Verga a-t-il réussi à s’identifier avec des êtres aux mœurs primitives, aux sentiments simples ? […] si le mariage eût été un simple engagement facile à dénouer ! […] Chez M. de Amicis, la nature est toujours simple, et si je puis me servir de cette expression, égale à elle-même.

334. (1890) Derniers essais de littérature et d’esthétique

Walker ont été aussi claires et aussi simples que ses vues étaient admirables. […] S’il réussit, son triomphe ne sera pas un triomphe de la simple force brutale. […] Ce n’est pas une simple thèse politique. […] Et quel air de réalisme dans cette simple mention d’un « bec de gaz ». […] Dès que nous nous sommes rendu compte du dessin, tout paraît si clair et si simple.

335. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Merlin de Thionville et la Chartreuse du Val-Saint-Pierre. »

Vaubertrand, dont le père, concierge de la prison des Madelonnettes pendant la Terreur, s’est honoré par des actes nombreux d’humanité, et qui, notamment, a donné asile, pendant six mois, à Quatremère de Quincy frappé de proscription, se complaît aujourd’hui, dans un âge avancé, à célébrer le respectable auteur de ses jours55 ; mais c’est une erreur, à lui, bien qu’assurément des plus innocentes, de croire qu’il faille pour cela emprunter toutes les pompes et l’appareil de la rime et de la poésie : une simple notice en prose eût mieux rempli son intention, et les notes de sa brochure en font l’intérêt. […] Ce récit, fort imprévu de la part d’un tel homme, est simple, naturel, exempt (ce qu’on aura peine à croire) de toute déclamation, et empreint d’un cachet de vérité que j’aime avant tout dans les écrits de ce genre. […] Aussi, affectant le costume de simple canonnier, ne se distinguant que par son écharpe et son panache conventionnel, dès qu’il paraissait sur un point menacé, la mitraille ne tardait pas à faire son effet. […] J’en viens au récit qu’il a donné lui-même de ses premières années, récit très simple, très naturel, je l’ai dit, philosophique d’impression et de résultat, mais nullement révolutionnaire de forme et de langage. […] Une fois, sortant de l’église au petit jour, à la file des chartreux, avec dom Ignace qui reconduisait chez moi sans mot dire, je remarquai que le mur en pierre de taille sur lequel s’ouvraient les cellules était usé d’une manière sensible à la hauteur des bras, et que les dalles du pavé étaient creusées uniformément comme les chemins battus par les bœufs ; j’arrêtai dom Ignace et lui demandai si ces traces n’étaient pas l’effet du passage quotidien des religieux : par un simple mouvement de tête, il me répondit affirmativement.

336. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN DERNIER MOT sur BENJAMIN CONSTANT. » pp. 275-299

En attendant, nous en avons tiré, à l’usage de notre public, un simple choix, tâchant de le rendre le plus agréable qu’il était possible à la lecture, et aussi de le rapporter à une idée d’étude et d’analyse. […] Et tout d’abord, par exemple, sans sortir de cette relation même avec madame de Charrière, il y avait un mari, très-peu gênant et très-peu visible, comme la plupart des maris, pourtant il y en avait un, bon homme, obligeant ; on voit, par une lettre de Benjamin, que celui-ci lui avait emprunté quelque argent à son départ pour Brunswick et qu’il devait lui envoyer un billet ; rien de plus simple ; mais, si on lit des lettres de madame de Charrière à Benjamin Constant publiées depuis, on y trouve ce passage87 : « ….. […] un billet en peu de mots, pur et simple ? […] Aux hommes vraiment politiques, à ceux qui auraient gardé quelque chose du grand art de conduire et de gouverner les autres, il serait par trop simple et peut-être injuste de demander l’exacte moralité du particulier : ils ont la leur aussi, réglée sur la grandeur et l’utilité de l’ensemble ; mais à tous ceux qui prétendent encore à ce titre d’hommes politiques, ne fussent-ils toute leur vie que des hommes d’opposition, on a droit de demander du sérieux, et c’est là le côté faible, qui saute aux yeux d’abord, dans la considération du rôle de Benjamin Constant : une trop grande moitié y parodiait l’autre. […] Et, pour prouver que je n’ai aucun parti pris après non plus qu’avant, je veux citer de lui une lettre encore, mais toute différente de celles qu’on connaît, une lettre fort simple en apparence, et qui a cela de remarquable à mon sens, qu’entre toutes les autres que j’ai vues, elle est la seule où il témoigne avoir un peu de calme et de contentement dans la tête et dans le cœur.

337. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre V. Des ouvrages d’imagination » pp. 480-512

Le comique qui porte sur les vices du cœur humain est plus frappant, mais plus amer que celui qui retrace de simples ridicules ou de bizarres institutions. […] Il y a donc nécessairement une profondeur de peine, un genre de vérité que l’expression poétique affaiblirait, et des situations simples dans la vie que la douleur rend terribles, mais que l’on ne peut soumettre à la rime, et revêtir des images qu’elle exige, sans y porter des idées étrangères à la suite naturelle des sentiments. […] Je ne conseille pas cependant d’essayer en France des tragédies en prose, l’oreille aurait de la peine à s’y accoutumer ; mais il faut perfectionner l’art des vers simples, et tellement naturels, qu’ils ne détournent point, même par des beautés poétiques, de l’émotion profonde qui doit absorber toute autre idée. […] Il faut étudier les modèles de l’antiquité pour se pénétrer du goût et du genre simple, mais non pour alimenter sans cesse les ouvrages modernes des idées et des fictions des anciens : l’invention qui se mêle à de semblables réminiscences, est presque toujours en disparate avec elles. […] Les anciens, en personnifiant chaque fleur, chaque rivière, chaque arbre, avaient écarté les sensations simples et directes, pour y substituer des chimères brillantes ; mais la Providence a mis une telle relation entre les objets physiques et l’être moral de l’homme, qu’on ne peut rien ajouter à l’étude des uns qui ne serve en même temps à la connaissance de l’autre.

338. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre II. De l’expression »

L’auteur déguise alors sa pensée comme s’il en avait honte ; il en efface les traits saillants et le caractère simple, et ce n’est plus elle qu’on aperçoit. — Quand Delille dit : Et d’une horrible toux les accès violents Etouffent l’animal qui s’engraisse de glands, il ne laisse dans l’esprit du lecteur qu’une image froide et vague. […] Les mots simples, comme les mots vulgaires, expriment des détails qu’eux seuls peuvent exprimer. […] Il ne change rien à l’ordre naturel, non plus qu’aux tournures simples. […] Car n’allez pas imaginer qu’un poëte naturel ne connaisse que les mots familiers et les tournures simples. […] Ces mots si particuliers et si pittoresques, ces tournures si simples, ce mètre si imitatif et si varié, cette exacte imitation de la nature n’ôtent pas à son style la liaison et l’unité, qui rendent l’art supérieur à la nature.

339. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jules de Glouvet »

C’est bien simple. […] On dirait qu’ils sont à peine sortis de la matrice universelle, à peine dégagés de la boue féconde des antiques déluges, et que leurs yeux viennent à peine de s’ouvrir sur le monde, tant ils y sentent d’inconnu et tant leurs idées sont simples et leurs sentiments abrupts. […] Crédule comme les autres, il crut les autres sur parole, même quand ils causaient de lui ; écouta dans l’espace où le surnaturel parle aux âmes simples, et entendit. […] L’ombre, les souffles, l’indéterminé, je ne sais quoi, rien du tout ; c’est aussi simple que cela. […] Ce mystère répandu dans tout le livre enveloppe un drame simple et violent, un drame de rapacité villageoise ; et ainsi M. de Glouvet a su donner pour ressorts à son âpre poème le sentiment le plus profond et la passion la plus forte des hommes qui vivent de la terre : la superstition et l’avarice ; l’une effarée jusqu’à l’hallucination l’autre exaspérée jusqu’au meurtre.

340. (1887) Discours et conférences « Réponse au discours de M. Louis Pasteur »

Recevez-en la récompense dans le respect qui vous entoure, dans cette sympathie dont les marques se produisent aujourd’hui si nombreuses autour de vous, et surtout dans la joie d’avoir bien accompli votre tâche, d’avoir pris place au premier rang dans la compagnie d’élite qui s’assure contre le néant par un moyen bien simple, en faisant des œuvres qui restent. […] Et cela est tout simple ; il est des questions insolubles sur lesquelles le sentiment moral veut une réponse. […] Littré, de même, avait le goût des simples ; les simples le lui rendirent. […] Le premier, c’est le progrès continu de la laïcité, c’est-à-dire de l’État neutre entre les religions, tolérant pour tous les cultes et forçant l’Église à lui obéir en ce point capital ; le second, c’est la confirmation incessante que le ciel scientifique reçoit de toutes les découvertes, sans que le ciel théologique obtienne rien qui en étaye la structure chancelante. » « Je me résigne, ajoute-t-il, aux lois inexorables de la nature… La philosophie positive, qui m’a tant secouru depuis trente ans, et qui, me donnant un idéal, la soif du meilleur, la vue de l’histoire et le souci de l’humanité, m’a préservé d’être un simple négateur, m’accompagne fidèlement en ces dernières épreuves.

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