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1430. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Bossuet et la France moderne »

À ce moment, dans toutes les provinces, le haut et bas clergé se servirent des dragons pour assouvir leur longue rancune contre ces « hérétiques » insolents qui avaient l’audace de se montrer honnêtes, loyaux, intelligents et austères, sans pour cela fréquenter les « sacrements. » « Dans plusieurs bourgades, dit encore le même auteur, les curés suivaient les dragons dans les rues en criant : « Courage, messieurs ; c’est l’intention du roi que ces chiens de huguenots soient pillés et saccagés. »‌ S’agit-il de la part effective que prit Bossuet aux persécutions de toutes sortes dirigées contre les protestants ? […] Emprisonnements, spoliations, persécutions, tels sont les moyens évangéliques de conversion dont se sert l’évêque de Meaux. […] Le grand homme, l’« aigle de Meaux », le « dernier Père de l’Église », dans un mouvement d’éloquence vraiment digne de servir de modèle à l’éternel jésuitisme, feignant de confondre l’œuvre des dragons avec celle de la divinité, célébrant les immenses bienfaits du règne de Louis XIV, lorsque les hurlements de douleurs des torturés s’élèvent par tout le royaume ! […] Avec quel art il s’en sert ! […] « Et dans le cas où, invinciblement retenus par votre manque séculaire de franchise, vous continueriez à garder l’attitude qui consiste à couvrir un homme de louanges, à le magnifier en toutes occasions, et à feindre de vous emporter contre ceux dont il a fait la puissance et qui deux siècles après, s’en sont servis contre vous, vous saurez que nous sommes autorisés par cela même à vous tenir désormais pour hypocrites et comédiens.

1431. (1890) Les princes de la jeune critique pp. -299

Tout être est porté à se servir des armes qu’il a reçues de la nature et M.  […] Mais à quoi ne sert-il pas ? […] Il a un idéal d’élégance morale qui lui sert de fanal pour éclairer sa route « sur l’océan du monde ». […] Aucun principe qui puisse servir de base à un jugement. […] Par cela seul que la sympathie est, pour ainsi parler, la lampe qui lui sert de guide dans ses recherches, M. 

1432. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

Xénophon fit manger avec lui le chef du village, lui dit d’avoir bon courage, et lui promit qu’on ne lui ferait aucun mal, s’il servait fidèlement les Grecs. […] Cette alcôve où travaillent les médecins, où intriguent les maîtresses, lui a donné la nausée ; sa sensation lui a servi de critique, et l’a bien servi. […] Que lui eût servi sa massue contre le plésiosaure ? […] Il faut bien que les Grecs et les Romains servent à quelque chose ; ils me serviront de paravent, et ce sera bien fait. […] Il est disposé, sinon à servir, du moins à obéir.

1433. (1906) La rêverie esthétique. Essai sur la psychologie du poète

Par les mêmes procédés qui lui servent à décrire les scènes de la nature, elle évoquera les drames de la vie intérieure. […] Il s’en servira par besoin d’exhaler en les exprimant sous des formes multiples les sentiments qui l’oppressent. Il s’en servira aussi par jeu, pour le plaisir d’élargir ses représentations, défaire surgir par couples des images de la nature entière. […] C’est que chez le prosateur l’image ne sert qu’à présenter l’idée et s’efface devant elle. La poésie se sert moins souvent de figures, mais donne aux images évoquées une intensité plus grande.

1434. (1730) Discours sur la tragédie pp. 1-458

Puisque l’exposition ne sert qu’à préparer et à former les situations, l’ordre veut que nous parlions à présent de cette partie de la tragedie. […] Les auteurs s’efforcent quelquefois d’embellir une tragédie de maximes générales et raisonnées avec étenduë : mais ce n’est là d’ordinaire qu’un ornement ambitieux, qui ne sert qu’à rendre le dialogue moins naturel et moins vrai. […] Fiers de leurs ressources, ils dédaignent les précautions ; mais je leur conseillerois encore de se servir de mon secret. […] Le fruit qu’il tire de son examen sert bien-tôt à le relever de sa chute ; et si ce qu’il s’est dit à lui-même étoit écrit, ne pourroit-il pas être pour ses confreres de la même utilité qu’il l’est pour lui-même ? […] Permettez-moi, monsieur, puisque j’y suis, d’ajouter ici sur l’unité d’intérêt quelques idées qui me paroissent utiles : elles serviront de supplément à ce que j’en ai déja dit dans mon ouvrage.

1435. (1902) La poésie nouvelle

Quand celui-ci, après la Commune, qu’il avait servie, dut s’enfuir précipitamment, Rimbaud l’accompagna. […] Les clichés sont des modes d’expression en désuétude, qui, ayant trop servi, ont cessé d’être expressifs. […] Il reproche à Corbière de ne s’être servi de la rime que comme d’un « tremplin à concetti ». […] (Agiter le pauvre être avant de s’en servir !)‌ […] Mais, en fait, il rime presque toujours : la rime bien apparente lui sert à séparer les vers, à en accentuer le rythme.

1436. (1891) Essais sur l’histoire de la littérature française pp. -384

Aussi les termes dont se sert M.  […] Elle suivra sa pente, agissant au besoin contre son intérêt, faute d’une pensée qui la serve. […] Que servira-t-il ensuite de peindre les souillures de l’adultère ? […] Mais tout cela ensemble sert à la confirmation de ses vues sur la nature humaine. […] Sers-moi d’excuse, dieu des amants ! 

1437. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIIe entretien. Littérature latine. Horace (2e partie) » pp. 411-480

V Reportons-nous au temps où Horace, à vingt-quatre ans, revient de l’armée de Brutus à Rome, et, ne voulant pas servir Octave comme un transfuge, consume sa vie et son talent dans le commerce des jeunes débauchés et des belles courtisanes, ces femmes de lettres et de plaisir de son temps, femmes dont les Olympia dans la Rome papale et les Ninon de l’Enclos dans le Paris de Louis XIV rappelaient sans doute l’équivoque existence. […] » La mélancolie de l’avenir, cette ombre qui sert à relever les courtes félicités du présent, fut-elle jamais plus inextricablement mêlée aux images de la volupté et de l’opulence ? […] Si ton corps est sain, si tes flancs respirent librement, si tes pieds sont à l’aise, toutes les richesses des rois ne t’achèteront rien de mieux. » Une épître charmante à son jardinier d’Ustica, qui a servi de modèle à celle de Boileau au jardinier d’Auteuil, est pleine d’un charme vraiment rural. […] Mais si vous êtes seulement un homme de bon sens et de goût exquis, un amateur des délicatesses de l’esprit et des grâces de la poésie ; si vous ne sentez plus dans votre cœur ou si votre nature tempérée n’a jamais senti les brûlures sacrées ni les stigmates toujours saignants des fortes passions : amour, dévouement, religion, soif de l’infini ; si une félicité facile et constante vous a servi à souhait dans les différents âges de votre vie ; si vous avez passé l’âge des tempêtes, l’équinoxe de cette vie ; si vous êtes détrompé des hommes et de leurs vains efforts pour se retourner sur leur lit de chimères ; si vous avez vu dix révolutions et cent batailles soulever pendant soixante ans la poussière des places publiques et des champs de mort sans rien changer dans le sort des peuples que le nom de leur servitude et de leurs déceptions ; si vous avez vu les prétendus sages de la veille déclarés fous le lendemain, et les philosophies et les systèmes qui avaient fanatisé les pères devenir la dérision de leurs fils ; si la pensée humaine, toujours active et toujours trompée, vous a attristé d’abord par ce perpétuel enfantement du néant ; si, après avoir pleuré sur ce tonneau retentissant des Danaïdes qu’on appelle Vérité, vous avez fini par en rire ; si, sans chercher plus longtemps cette impénétrable moquerie du destin qui pousse le genre humain à tâtons de la vie à la mort, vous avez pris le parti de douter de tout, de laisser son secret à la Providence, qui, décidément, ne veut le dire à aucun mortel, à aucun peuple et à aucun siècle ; si vous vous laissez glisser ainsi sur la pente, comme l’eau de l’Anio qui glisse en gazouillant sous le verger d’Horace ; si vous n’avez ni femme ni enfant qui doublent et qui perpétuent pour vous les soucis de la vie ; si votre cœur, un peu rétréci par cet égoïsme qui se replie uniquement sur lui-même, a besoin d’amusement plus que de sentiment ; si vous possédez cet Hoc erat in votis , ce vœu d’Horace, un joli domaine aux champs pour l’été, une maison chaude l’hiver, tapissée de bons vieux livres ( nunc veterum libri ) ; si votre fortune est suffisante pour votre bien-être borné ; si vous avez pour amis quelques amis puissants, amis eux-mêmes des maîtres du monde, avec lesquels vous soupez gaiement en regardant combattre Pompée et mourir Cicéron pour cette vertu que Brutus appelle un vain nom en mourant lui-même ; enfin, si vous n’avez pas grand souci des dieux, et si les étoiles vous semblent trop haut pour élever vos courtes mains vers les choses célestes ; oh !

1438. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (3e partie) » pp. 5-79

Le tour s’exécute ; les quatre jeunes filles, stupéfaites, restent en gage et deviennent ce que veut la providence des parties carrées, le hasard servi par la débauche. […] Dans de certains cas, l’instruction et la lumière peuvent servir de rallonge au mal. […] Quand il était repris, les nouvelles sévérités qu’on lui infligeait ne servaient qu’à l’effarer davantage. […] « Il sortit, et la porte se referma comme elle avait été ouverte, car ceux qui font de certaines choses souveraines sont toujours sûrs d’être servis par quelqu’un dans la foule.

1439. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIe entretien. Le Lépreux de la cité d’Aoste, par M. Xavier de Maistre » pp. 5-79

Il servait avant la révolution dans un corps de nobles, à Turin, qu’on appelait les chevaliers-gardes. […] Les longues tables, simplement mais abondamment servies, s’étendaient dans toute la maison : fête de la famille dont la nature faisait tous les frais. […] On y voit des champs labourés et des prairies terminées d’un côté par les remparts antiques que les Romains élevèrent pour lui servir d’enceinte, et de l’autre par les murailles de quelques jardins. […] Jenin, servi par ses fils et ses filles.

1440. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIe entretien. Molière et Shakespeare »

Vos serviteurs ne se regarderont jamais eux-mêmes, les leurs et tout ce qu’ils possèdent, que comme des biens tenus en compte, pour les faire sans cesse, et selon le plaisir de votre grandeur, servir à la balance de ce qu’elle a droit de réclamer comme sien. […] Tu me marques le chemin que j’allais suivre, et l’instrument dont j’allais me servir. — Ou mes yeux sont de mes sens les seuls abusés, ou bien ils valent seuls tous les autres. — Je te vois toujours, et sur ta lame, sur ta poignée, je vois des gouttes de sang qui n’y étaient pas tout à l’heure. — Il n’y a là rien de réel. […] Voici l’heure où le meurtre décharné, averti par sa sentinelle, le loup dont les hurlements lui servent de mot du guet, dérobant, comme Tarquin le ravisseur, ses pas allongés, s’avance semblable à un spectre vers l’exécution de ses desseins. — Ô toi, terre solide et ferme, garde-toi d’entendre mes pas, quelque chemin qu’ils prennent, de peur que tes pierres n’aillent se dire entre elles où je suis, et ravir à ce moment l’horrible occasion qui lui convient si bien. — Tandis que je menace, il vit. — Les paroles portent un souffle trop froid sur la chaleur de l’action. […] Je le serai, mon amour ; et soyez de même aussi, je vous y exhorte : que votre continuelle attention s’occupe de Banquo ; indiquez sa prééminence par vos regards et vos paroles. — Nous ne serons jamais en sûreté tant qu’il nous faudra sans cesse nous laver de notre grandeur dans ce cours de flatteries, et faire de nos visages le masque qui doit servir à déguiser nos cœurs.

1441. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre III. Molière »

Il la prend telle quelle la plupart du temps, hardiment banale et conventionnelle, l’éternelle intrigue de la comédie antique et italienne, les amours de deux jeunes gens, servis par un valet ou une suivante, traversés par un père, un tuteur, une mère, un rival ridicules : ce n’est que le cadre où s’étale la comédie, qui est toute dans les caractères. […] Dans le délicieux Amphitryon, voyez Sosie et son maître en présence : avec quel esprit, quelle légèreté, mais quelle sûreté de main est marqué l’éternel rapport de l’homme qui sert à l’homme qui commande ! […] Ainsi les grandes passions éternelles et les inclinations fondamentales de notre nature servent de base à la peinture des mœurs, et s’y font reconnaître. […] Molière est impitoyable contre les parents qui veulent faire servir leurs enfants à la satisfaction de leurs idées et de leurs besoins, quand ceux-ci ont l’âge de vivre par et pour eux-mêmes.

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